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Bull Acad Natl Med (2020) 204, 524—533

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REVUE GÉNÉRALE

« Damage control orthopédique de guerre »


des lésions des membres. Réflexions sur
l’expérience du service de santé des
armées français夽
Damage control orthopaedics in war wounds of limbs.
Reflecting on the experience of the French Military Health
Services

S. Rigal ∗, L. Mathieu

Service d’orthopédie traumatologie et chirurgie réparatrice des membres, hôpital d’instruction des
armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, 92140 Clamart, France

Reçu le 2 décembre 2019 ; accepté le 20 décembre 2019


Disponible sur Internet le 21 mars 2020

MOTS CLÉS Résumé Extension du concept de damage control chirurgical, le « damage control ortho-
Blessures de guerre ; pédique » (DCO) a été initialement développé pour limiter l’agression chirurgicale chez les
Traumatismes de la polytraumatisés instables. L’objectif est d’éviter la triade létale (acidose, hypothermie, coa-
jambe ; gulopathie) par une stabilisation rapide des fractures au moyen d’un fixateur externe qui sera
Procédures relayé de façon précoce par une ostéosynthèse interne. Ce principe de fixation externe tem-
orthopédiques ; poraire a ensuite été appliqué à la prise en charge de traumatismes isolés, mais sévères des
Fixateurs externes membres ne pouvant être traités de façon idéale en urgence : fractures avec lésion arté-
rielle nécessitant une réparation vasculaire, fractures épiphysaires avec souffrance cutanée et
traumatismes étagés des membres. Les autres circonstances d’application du DCO sont liées
au contexte sanitaire, lorsque les moyens chirurgicaux de la structure d’accueil sont limités ou
qu’il existe un afflux de blessés saturant imposant un damage control collectif. Pour ces raisons,
le DCO s’impose souvent dans la prise en charge des traumatismes balistiques des membres,
et est quasiment obligatoire en pratique militaire pour laquelle on décrit un DCO de guerre.
La stabilisation temporaire s’intègre alors dans une stratégie globale visant à sauver la vie en
stoppant l’hémorragie, à sauver le membre en levant l’ischémie, et à préserver la fonction en

夽 Étant donné le contexte sanitaire épidémique lié au Covid-19 du mois de mars 2020, la présentation orale de cette communication en

séance à l’Académie a été reportée.


∗ Auteur correspondant.

Adresses e-mail : sylvainrigal@me.com (S. Rigal), laurent tom2@yahoo.fr (L. Mathieu).

https://doi.org/10.1016/j.banm.2019.12.021
0001-4079/© 2020 l’Académie nationale de médecine. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Réflexions sur l’expérience du service de santé des armées français 525

évitant l’infection et le syndrome compartimental. Le choix du mode fixation définitive, interne


ou externe, se fera secondairement en fonction du segment osseux considéré, de la gravité des
lésions des parties molles et de la survenue d’éventuelles complications infectieuses.
© 2020 l’Académie nationale de médecine. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Evolution of the damage control surgery concept, Damage Control Orthopeadics
KEYWORDS (DCO) was first developed to limit additional trauma in unstable polytraumatized patients with
War-related injuries; femoral shaft or pelvic fractures. The purpose was to avoid the lethal triad (acidosis, hypo-
Leg injuries; thermia, coagulopathy) using fast and temporary fracture stabilization by external fixation,
Orthopedic secondarily converted to definitive internal fixation. Later, temporary external fixation was
procedures; extended to the management of complicated isolated limb traumas for which the ideal treat-
External fixators ment cannot be provided at the initial phase: fractures with arterial injury requiring vascular
repair, epiphyseal fractures with skin complications or multifocal limb trauma. Other indications
are related to austere environments due to limited surgical means or massive casualties requi-
ring collective damage control procedures. For these reasons DCO procedures are often required
to manage missile extremity injuries, and are nearly mandatory in the military practice in condi-
tions of war. Temporary external fixation is a part of a global strategy raised to save the life by
hemorrhage control, to save the limb by vascular repair, and to preserve the function by pre-
vention of infection and treatment of compartment syndrome. Definitive bone fixation, either
internal or external, will be performed secondarily according to fracture location, soft-tissue
injury severity and potential infectious complications.
© 2020 l’Académie nationale de médecine. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction de recours (hôpital d’instruction des armées Percy) recevant


ces blessés en métropole [11,12].
Le « damage control chirurgical » (DCC) est une tactique de L’apparition de conflits dits asymétriques ces dernières
traitement des urgences traumatiques en trois temps, ini- décennies a nécessité une adaptation du soutien médical
tialement développée pour la prise en charge des patients des opérations. La doctrine française du soutien médical des
présentant une hémorragie abdominale sévère dans le but forces en opération, interopérable avec les standards décrits
d’éviter la survenue de la triade létale : acidose, hypo- par l’OTAN (North Atlantic Treaty Organization), fait actuel-
thermie, coagulopathie [1]. Ce concept hérité de la marine lement une grande place à des principes qui déclinent le
de guerre des État-Unis est basé sur des gestes initiaux « damage control » (DC) depuis la blessure jusqu’aux gestes
simples, rapides, mais incomplets qui visent à sauver la vie définitifs [13,14] en un véritable « damage control orthopé-
du blessé en choc hémorragique en limitant l’agression chi- dique de guerre » (DCOG). Il apparaît ainsi que les principes
rurgicale pour éviter l’épuisement physiologique et limiter du DCOG ont été appliqués systématiquement en particulier
l’immunodépressif [1,2]. Par analogie avec les procédures aux lésions des membres en OPEX et souvent lors de ter-
maritimes, les deux priorités à la phase initiale sont de stop- rorisme urbain en France [15,16], cela fait l’intérêt de nos
per les voies d’eau, c’est-à-dire, de faire l’hémostase, et réflexions.
d’éteindre le feu de l’infection. La réparation définitive des Le but de cette mise au point est de préciser les spé-
lésions n’est réalisée que secondairement, une fois l’état cificités du DCOG, la nécessaire formation des chirurgiens
général du blessé stabilisé par la réanimation (après retour militaires et les indications.
du navire au port). Dans les vingt dernières années, les pro-
cédures de DCC ont également été appliquées à la prise en
charge des traumatismes du thorax, des vaisseaux et des Principes du « Damage Control Orthopédique
membres. de Guerre »
Les structures medicochirurgicales de l’avant qui tra-
vaillent en conditions de guerre reçoivent en majorité des Particularités du contexte de guerre
blessés des membres. C’est un constat de tous les conflits
anciens et récents [3—7]. Ces dernières années, nous avons
Étiologie des lésions des membres en pratique de guerre
analysé notre prise en charge de ces blessés en conditions
RM Blot [17] a analysé une série de 76 blessés français de
de guerre [8—10]. Nos travaux en chirurgie s’appuient sur
2001 à 2010 dont 72 % avaient un traumatisme ouvert. Les
l’expérience du service de santé des armées (SSA) en opé-
deux principales causes de blessures étaient dans 26 % des
ration extérieure (OPEX) colligé dans un fichier prospectif
cas l’explosion d’explosifs improvisés ou « Improvised Explo-
de 15 000 opérés en OPEX (fichier compte rendu opératoire
sive Devices » (IED) et les traumatismes balistiques dans
—– Opex de la chaire de chirurgie de l’école du Val-de-
33 %. Dans la période 2010—2012, 450 militaires français
Grâce durant la période 2005—2015) dont 753 militaires
rapportés par C. Hoffman [6] présentaient dans 60,7 % des
français rapatriés et sur l’analyse des pratiques des services
blessures par explosion, dans 27,8 % des cas par arme à feu
526 S. Rigal, L. Mathieu

commune est la contamination profonde, car le projectile


Tableau 1 Distribution des localisations des blessures lors
n’est pas stérile et traverse des vêtements contaminés.
de faits de guerre ou d’opérations en Afghanistan et sur
les territoires d’opération extérieure durant la période
2004—2010.
La chaîne du soutien médical en opération extérieure
Régions anatomiques Afghanistan Autre OPEXa L’organisation doit être adaptée au concept du DCC par
(207 blessés) (109 blessés) « une prise en charge séquentielle temporelle et spatiale ».
(%) (%) La doctrine du soutien médical des forces en opération
impose au SSA de déployer une chaîne médicale complète
Tête cou 32,2 15,3 afin d’assurer le soutien médical des forces armées. Les
Tronc 36,8 25,8 capacités médicales opérationnelles correspondent à diffé-
Mains 16,0 22,6 rents niveaux de soins, pour lesquels, dans la doctrine de
Membres supérieurs 30,2 36,6 l’OTAN, la terminologie retenue est le terme de « rôle ».
Membres supérieurs 36,3 62,8 Le mot retenu pour la version française est « rôle » [13].
Pieds 8,8 15,0 L’organisation est décrite en 2019 en cinq « rôles » de
Blessure par armes à feu et engins explosifs. Résultats de la blessure à la réhabilitation. La prise en charge d’un
la surveillance épidémiologique dans les armées 2004—2010. blessé, réalisée suivant le concept de DCC, n’est possible
Rapport no 264/Centre d’épidémiologie et de santé publique que soutenu par une chaine logistique en étapes successives
des armées du 18 mai 2011. avec des possibilités d’évacuation de l’avant, tactique intra-
a Kosovo, Côte d’Ivoire, République centrafricaine, Tchad,
théâtre et stratégique entre le théâtre d’opération et le
Liban.
pays d’origine ou allié.
Le DCC se décline dès la blessure. Johnson et al. [23]
et dans 11,5 % par un accident de transport militaire. Cela ont ultérieurement introduit, au concept initial de DCC, la
rejoint l’expérience américaine de Belmont et al. [7] en Iraq notion d’étape zéro (« damage control ground 0 » ou DC0).
avec respectivement 87,4 % par explosion et 9 % par arme à Le DC0 associe toutes les mesures thérapeutiques réalisées
feu. lors du ramassage du blessé, pendant son acheminement
à l’hôpital et aux urgences avant la séquence opératoire.
L’objectif de la médecine de l’avant est donc clairement
Localisation anatomique des lésions de maintenir en vie le blessé pour lui donner une « chance
Les données de la surveillance épidémiologique des armées chirurgicale ».
de 2004 à 2010 montrent que les blessures les plus fré- L’effort a plus particulièrement porté sur la mise en
quentes se situaient au niveau des membres (Tableau 1). œuvre d’une médicalisation de l’extrême avant, d’une chi-
La constatation est identique pour les armées britanniques rurgicalisation encore plus à l’avant, de la rationalisation
en Afghanistan de 2006 à 2010 [18] et pour l’armée améri- et la modernisation des matériels biomédicaux avec des
caine en Iraq. Ainsi Owens et al. [19] dénombraient parmi structures chirurgicales extrêmement mobiles et sur la pré-
6609 blessures, 54,1 % au niveau des membres, 29,4 % de la paration opérationnelle aux principes du DC du personnel
tête et la région céphalique, 5,6 % du thorax et 10,7 % de la santé. Ce soutien médical national est interopérable avec
région abdominale. les standards décrits par l’OTAN qui privilégie ce type
d’organisation et le recours aux principes du DC [13,14].
Typologie des lésions Au combat, le saignement est la première cause de mor-
Au niveau des membres, les lésions sont fonction des effets talité évitable accessible à un geste de sauvetage immédiat.
de déstabilisation et/ou de fragmentation du projectile, Les militaires blessés en opération sont sauvés dans les pre-
de la tolérance des tissus mous à la cavitation temporaire mières minutes par les mesures d’urgences prises par leurs
(bonne pour les muscles, mauvaise pour les vaisseaux et camarades proches. Chaque soldat dispose d’un pansement
les nerfs) et de la rencontre avec l’os. Il peut s’agir d’une compressif et d’un tourniquet dans sa trousse individuelle
simple plaie en séton lorsque la balle traverse un membre pour contrôler l’hémorragie. Ce garrot « tactique » est ainsi
sans rencontrer l’os ou de dégâts ostéo-articulaires majeurs mis en place immédiatement et sera réévalué après le repli
quand l’os déstabilise la balle et produit des projectiles en zone sécurisée.
secondaires augmentant la taille de la chambre d’attrition. Les blessés sont ensuite pris en charge de façon séquen-
Dans les conflits actuels, il s’agit parfois de victimes tielle spatiale à chacun des quatre niveaux de la chaîne du
d’explosion qui présentent des lésions de blast primaire fai- soutien sanitaire en OPEX (Fig. 1) : relevage sur le terrain
sant d’eux des polytraumatisés [20]. L’incidence du blast par le médecin d’unité qui complète au besoin le contrôle
primaire était de 10,5 % chez les blessés français en Afgha- de l’hémorragie, débute le remplissage vasculaire et immo-
nistan [21] et de 12 % dans la cohorte de 4765 militaires bilise les fractures (rôle 1). Le traitement chirurgical basé
américains rapportée par Ritenour et al. en Iraq [22]. sur les procédures de DC dans les antennes chirurgicales de
Les lésions de guerre s’accompagnent en plus d’une attri- l’avant (rôle 2), assure la mise en condition d’évacuation
tion importante des tissus lors de blast. Cela leurs confèrent soit directement vers la métropole c’est le schéma de
un caractère évolutif propre et la notion de complications l’organisation dans la bande sahélienne actuelle ou vers
potentielles ultérieures. Ainsi sont associées des lésions un hôpital militaire de campagne situé à proximité d’un
osseuses, musculaires, vasculaires, nerveuses et cutanées aéroport (rôle 3) lorsqu’on en disposait comme en Afghanis-
dans une histoire clinique toujours singulière dont les para- tan. Le traitement définitif des lésions est réalisé dans les
mètres se multiplient à l’envie et dont la caractéristique hôpitaux d’infrastructure qui assure la reconstruction des
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Figure 1 Chaîne d’évacuation du service de santé des armées (source SSA).

membres et la réhabilitation fonctionnelle des blessés (rôle La première est une nécessaire conception identique du
4). Un rôle 5 vient d’être officialisé. Il s’agit d’une prise traitement, et donc la nécessité d’une formation technique
en charge médico-sociale. L’objectif est de redonner une et stratégique univoque de tous les chirurgiens. C’est ce
place au blessé dans la société et donner au SSA la capacité que réalise l’École du Val-de-Grâce dans le cours avancé
de répondre à tout moment de la vie du blessé à la prise de chirurgie en mission extérieure (CACHIRMEX) [24]. Le
en charge médicale (parfois chirurgicale) de complications difficile problème de la formation en chirurgie de guerre
évolutives. des équipes médicales des armées reste une préoccupation
actuelle. Les spécificités particulières de l’une et de l’autre
font opposer la chirurgie du temps de paix et la chirurgie de
Logistique et compétences chirurgicales adaptées au guerre. Le passage de l’une à l’autre ne peut se faire que
DCOG sont indispensables par un enseignement particulier complémentaire. Les chi-
La chirurgicalisation à l’avant s’appuie sur des équipes rurgiens militaires actuels ont une formation identique et
chirurgicales à même de réaliser, au plus tôt, des gestes acquièrent une qualification équivalente à leurs collègues
salvateurs. L’objectif est d’assurer la survie du blessé en civils. La maquette universitaire de formation de plus en
luttant contre les éléments de la triade létale par un accès plus spécialisée ne prépare pas à la chirurgie de guerre. Pour
au bloc opératoire le plus rapide possible et une chirurgie la les chirurgiens orthopédiques des connaissances plus spécia-
plus courte possible. L’objectif secondaire, une fois le pre- lisées en traumatologie des membres, incluant la chirurgie
mier assuré, est la limitation des séquelles fonctionnelles réparatrice et reconstructrice sont nécessaires. Le module
par une prise en charge chirurgicale adaptée requérant de CACHIRMEX, dédié aux lésions des membres, propose des
une connaissance des particularités de la traumatologie de conduites thérapeutiques intégrées dans une conception des
guerre et de sa prise en charge spécifique. Cela plaide soins intéressant plusieurs équipes chirurgicales amenées à
pour la présence du chirurgien orthopédiste pour traiter les soigner le blessé à des stades variables de la guérison. Mais
lésions de membres. ce DCOG « réglé » n’est pas figée. Il est en constante évolu-
Les blessés admis dans une structure chirurgicale de tion et s’adapte à l’évolution des sciences et des techniques
théâtre n’ont pas vocation à y rester [13]. La nécessité d’une et aux retours d’expérience [25].
prise en charge en échelons successifs, caractéristique prin- La deuxième condition est constituée par la compétence
cipale de la chirurgie de guerre, a deux conséquences. La et l’expertise des chirurgiens sur le terrain. Le chirurgien du
première est la nécessité de disposer d’une organisation SSA, diplômé en orthopédie, mène alternativement, souvent
qui assure des délais d’évacuation compatibles avec les à quelques mois d’intervalle, la vie d’un chirurgien de ter-
séquences temporelles de traitement en DCC. C’est ce que rain et celle d’un chirurgien de service hospitalier. C’est un
réalise le SSA actuellement. Le recours précoce et systéma- avantage certain que d’avoir ainsi la connaissance de toutes
tique à l’évacuation médicalisée stratégique individuelle ou les étapes de la stratégie du traitement lors de la déci-
collective amène le blessé en 2,8 jours en moyenne à Paris sion des gestes à réaliser en urgence. Lucien Jean Baudens,
[12]. La deuxième conséquence tient à ce que l’opérateur agrégé du Val-de-Grâce, insistait déjà en 1837 sur cette
initial ne suivra pas son patient et confiera les gestes ulté- double expérience : « J’avais le double avantage d’aller
rieurs à d’autres praticiens. panser les blessés sur le champ de bataille et de les rame-
Ce parcours de soins original est efficient à deux condi- ner ensuite dans un hôpital dont j’étais le chirurgien en
tions. chef » [26]. Actuellement, le SSA a fait le choix d’associer
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chirurgien du tronc et orthopédiste. Ce binôme est ainsi contexte de crise. Le shunt temporaire est alors particu-
capable de prendre en charge toutes les urgences en par- lièrement intéressant pour différer la réparation définitive
ticulier traumatiques. D’autres nations font le choix d’un de quelques heures lorsque les conditions ne s’y prêtent
seul chirurgien traumatologue généraliste, plutôt de for- pas : afflux de blessés, polytraumatisé instable, trauma-
mation viscérale, qui doit tout assumer. L’analyse de notre tisme complexe du membre nécessitant une fixation osseuse
pratique en OPEX nous montre que le chirurgien orthopé- préalable. En revanche, il est recommandé d’effectuer la
diste doit être présent à l’avant. Non seulement parce que réparation vasculaire définitive avant l’évacuation aérienne
les lésions des membres sont les plus fréquentes, mais sur- du blessé vers la métropole [20,27].
tout pour ses compétences. En effet, dans son abstraction Préserver la fonction. La préservation de la fonction
large, traumatologue et reconstructeur, il a une vision glo- d’un membre traumatisé par un agent vulnérant de guerre
bale des lésions et est capable de se projeter dans le temps requière trois conditions :
vers le résultat escompté qu’il pense en termes de fonction
ultérieure contrairement à un traumatologue généraliste, • éviter l’infection ;
formation et spécialité qui n’existent pas en France. Déjà • limiter l’agression tissulaire et ;
dès 1917, P. Duval résumait les buts de la chirurgie des plaies • traiter ou prévenir un syndrome compartimental.
de guerre des membres : « le temps n’est plus où diminuer
leur effroyable mortalité était la suprême préoccupation, il Éviter l’infection. Il s’agit de décontaminer et de
convient de rechercher la meilleure qualité, à la restaura- drainer largement les plaies en y associant une antibiopro-
tion anatomique doit s’ajouter la guérison fonctionnelle. La phylaxie. La décontamination repose en premier lieu sur le
qualité de la guérison devient son but présent ». Ces prin- parage chirurgical, qui réalise le retrait des corps étrangers
cipes sont plus que jamais d’actualité alors que le caractère et l’excision des tissus dévitalisés ou fortement contaminés.
précieux du soldat blessé s’impose. Chaque combattant et Idéalement effectué dans les six heures suivant le trau-
sa famille exigent l’assurance que tout blessé recevra un matisme, le parage peut se décomposer en deux phases :
soin rapide et compétent à l’exemple de ce qui se fait en un débridement (littéralement « couper les brides ») de la
traumatologie quotidienne [25]. plaie donne accès à la chambre d’attrition tissulaire, permet
l’évaluation précise et méthodique des lésions, décomprime
les loges musculaires et facilite le drainage ; et une excision
La stratégie chirurgicale des tissus contus ou dévitalisés pour diminuer la conta-
La stratégie chirurgicale peut se résumer à la formule « sau- mination. Dans le cadre d’une plaie balistique, un parage
ver la vie, sauver le membre (si possible) et préserver la marginal (préservant les tissus traumatisés potentiellement
fonction ». La première priorité est bien sûr de sauver la vie viables) semble préférable à un parage complet ou radical.
du blessé par un contrôle rapide et efficace de l’hémorragie, Il impose des reprises itératives, mais permet une économie
qu’elle soit extériorisée ou non. La seconde priorité est de tissulaire facilitant la réparation secondaire. Les projectiles
sauver le membre en levant une ischémie liée à une lésion doivent être extraits sans être délétère. Les indications for-
artérielle. Lorsque la gravité des lésions interdit un traite- melles concernent les projectiles situés en intra-articulaire,
ment conservateur, il faut alors se résoudre à réaliser une ceux comprimant un nerf ou une racine nerveuse, et ceux
amputation d’urgence selon les principes du DCOG. Enfin, la situées à proximité des vaisseaux lorsqu’il existe un risque
troisième priorité est celle de la préservation de la fonction, d’ischémie ou d’embolisation. Dans les polycriblages, seuls
en évitant l’infection et le syndrome compartimental, que les principaux éclats sont retirés. En l’absence de complica-
le traitement soit conservateur ou non conservateur. tion infectieuse les polycriblages superficiels, peuvent être
Le DCOG conservateur. traités de façon non opératoire par des pansements et une
Sauver la vie. L’arrêt des hémorragies des membres antibiothérapie [8,20].
peut être obtenu : par la fermeture d’un bassin au moyen La nécessité d’une irrigation abondante après le parage
d’un fixateur externe, parfois associée à un « packing » est reconnue, mais ses modalités pratiques restent mal
pelvien en l’absence de possibilité d’embolisation ; par le codifiées. Il semble préférable d’utiliser des solutions
contrôle d’amont et d’aval d’un axe vasculaire lésé avant sa normo-sodées ou d’eau stérile, en adaptant la quantité de
ligature ou sa réparation ; par une amputation de nécessité liquide de lavage à la complexité lésionnelle et au type de
devant un fracas hémorragique avec ischémie et/ou lésions projectile : trois litres pour des lésions des parties molles
multitissulaires majeures ; par l’utilisation d’un hémosta- superficielles d’origine balistique à faible énergie, six litres
tique local sur des plaies des parties molles multiples [20]. pour des lésions à haute énergie et/ou touchant l’os, jusqu’à
Sauver le membre. Lors de traumatismes balistiques neuf litres pour des lésions à haute contamination tellurique
de guerre, les réparations artérielles concernent surtout issues d’engins explosifs. L’irrigation à basse pression est
l’artère fémorale superficielle, l’artère poplitée et l’artère recommandée pour ne pas aggraver les lésions tissulaires ou
brachiale, dont l’atteinte met en jeu le pronostic du disséminer les germes en profondeur [20,28].
membre. Selon le niveau de prise en charge, le contexte et la La non-fermeture cutanée des plaies est une règle d’or
durée d’ischémie, la revascularisation peut être effectuée de la chirurgie de guerre. Elle permet de limiter le risque
par un shunt temporaire dans le cadre d’un DC vasculaire de complication infectieuse en assurant un drainage large.
ou par une réparation artérielle définitive. Une résection- La fermeture est effectuée secondairement, généralement
anastomose est rarement réalisable, un pontage s’impose le autour du cinquième jour, après s’être assuré de l’absence
plus souvent. La greffe veineuse autologue est la technique d’infection et/ou avoir effectué des parages itératifs [28].
de référence, elle nécessite des compétences en chirurgie Les plaies sont initialement pansées « à plat » aux moyens de
vasculaire et surtout du temps qui manque fréquemment en pansements secs absorbants, qui sont toujours réalisables,
Réflexions sur l’expérience du service de santé des armées français 529

mais nécessitent d’être changés quasi-quotidiennement en de fracture ou des fiches du fixateur. À l’inverse, lorsque
cas de plaie étendue exsudative et exposent au risque de l’exofixation définitive semble préférable, notamment pour
contamination environnementale en cas de fracture ouverte les fractures ouvertes de jambe Gustilo 3 [29], le fixateur
sous-jacente. En revanche, il peut être nécessaire de couvrir externe de DCO devra être modifié en un montage rigide
en urgence une articulation ou des structures nobles expo- capable de maintenir la réduction et d’obtenir la consoli-
sées. La réalisation d’un lambeau étant souvent délicate dation (Fig. 2). Dans les deux cas, la modification du mode
dans ce contexte, les pansements à pression négative sont de fixation sera généralement effectuée de façon concomi-
particulièrement utiles au traitement initial. Ils assurent un tante au geste de couverture, idéalement réalisé dans les
drainage efficace et continu des plaies, les isolent du milieu sept jours suivant le traumatisme [30].
extérieur et permettent de différer la couverture définitive Traiter ou prévenir un syndrome compartimental. Le
par lambeau de 48 à 72 heures [8,20]. syndrome compartimental est fréquent en traumatologie
Une antibioprophylaxie précoce doit être systématique- de guerre, et d’étiologies variées : fractures ouvertes ou
ment associée. Des antibiotiques intraveineux sont débutés fermées, lésions de crush, traumatismes vasculaires ou poly-
dès le relevage du blessé par le médecin de l’avant, criblages des parties molles avec des lésions musculaires
et prescrits pour une courte durée en encadrant idéale- multiples sous un fascia perforé de façon punctiforme. Les
ment la fermeture secondaire [28]. Dans l’armée française, localisations préférentielles sont la jambe et l’avant-bras,
l’association pénicilline —– acide clavulanique est utilisée mais n’importe quelle loge musculaire peut être le siège
en première intention, en association avec de la gentamy- d’une hyperpression. Le diagnostic repose uniquement sur
cine en cas de fracture ouverte Gustilo 3 [29] ou de lésion la clinique (loge musculaire tendue et douloureuse) et la
digestive associée, pour une durée maximum de cinq jours. prise des pressions intramusculaires n’est pas recomman-
Une infection précoce étant fréquente, une antibiothéra- dée dans ce contexte. En raison de la discontinuité des soins
pie ciblée peut être ensuite nécessaire en se basant sur et de durées de vol lors des évacuations aériennes prolon-
les prélèvements réalisés lors des parages itératifs. Enfin, gées, toute suspicion clinique de syndrome compartimental
la vaccination antitétanique doit être vérifiée et complétée impose la réalisation de dermo-faciotomies étendues. Des
au besoin dès l’admission du blessé dans la structure de soins dermo-faciotomies préventives doivent même être discu-
[20]. tées dans certaines situations, notamment chez le blessé
Limiter l’agression tissulaire. Cela passe par la stabili- inconscient ou après réparation vasculaire [20].
sation des fractures qui doit être effectuée de façon simple DCOG non conservateur. Geste radical et irréversible,
et rapide avec un minimum de complications. Elle doit per- l’amputation primaire fait partie intégrante du DCOG pour
mettre un maintien efficace de la réduction durant la phase sauver la vie du blessé (amputation de sauvetage) ou pré-
d’évacuation afin de lutter contre la douleur et le dévelop- server la fonction résiduelle du membre (amputation de
pement de l’infection. Seul le fixateur externe remplit ce nécessité).
cahier des charges, que ce soit pour les fractures ouvertes Indications de l’amputation en DCOG. Une amputation
ou les fractures fermées des os longs. En contexte de guerre, de sauvetage s’impose devant un fracas ouvert hémorra-
l’exofixation est ainsi recommandée pour les traumatismes gique chez un patient en choc non contrôlé. C’est une
ostéo-articulaires ouverts, les fractures diaphysaires fer- procédure typique de DCC visant à assurer l’hémostase de
mées du fémur ou du tibia, ainsi que pour les fractures façon rapide pour éviter la triade létale. On renonce alors
instables du bassin. Les fractures péri-articulaires fermées au sauvetage du membre pour sauver la vie du blessé. En
du membre inférieur sont également mieux stabilisées par fonction de l’état hémodynamique, la décision d’amputer
un fixateur externe pontant l’articulation [30]. peut être prise d’emblée ou en cours d’intervention si
Les exceptions sont les traumatismes ouverts de la main l’hémorragie ne peut être rapidement contrôlée de façon
et de l’avant-pied où une fixation par broches est souvent conservatrice [8,20].
suffisante ; ainsi que les traumatismes ouverts de l’épaule Les amputations de nécessité concernent les fracas
pour lesquels une immobilisation temporaire par attelle ouverts graves avec pertes de substance pluritissulaires,
coude-au-corps est parfois préférable. De même, la plupart ischémie et lésions nerveuses, pour lesquels le traitement
des fractures fermées du membre supérieur ou les fractures conservateur n’est pas envisageable. Le geste se résume
malléolaires à faible déplacement peuvent être immobili- le plus souvent à la régularisation une amputation trau-
sées par des attelles plâtrées. matique partielle, qui doit être réalisée avant la survenue
La procédure de DCOG fait appel à un fixateur temporaire de complications liées au garrot tactique posé en préhos-
destiné à restaurer sommairement les axes et la longueur, pitalier. Une amputation de nécessité peut être aussi être
à la manière d’une « traction portative », pour permettre décidée devant un fracas ouvert « conservable » lorsqu’il
l’évacuation du blessé et la surveillance du membre. La fixa- existe une situation d’afflux massif saturant les capacités
tion définitive se fait classiquement entre le 6e jour et le d’accueil de la structure de soins. Il s’agit alors de renoncer
15e jour suivants le traumatisme : après régression de la au traitement idéal pour préserver les ressources chirurgi-
phase inflammatoire et avant la survenue de complications cales au profit du plus grand nombre de patients en réalisant
infectieuses au niveau des fiches du fixateur ou du foyer de un damage control collectif [9].
fracture. Le choix du mode fixation définitive, interne ou La dernière indication potentielle est celle d’un trau-
externe, se fait en fonction du segment osseux considéré, matisme pluritissulaire accessible à une reconstruction
de la gravité des lésions des parties molles et de la survenue complexe, mais avec un résultat fonctionnel attendu
d’éventuelles complications infectieuses [30]. Une conver- médiocre ou mauvais. Nous réalisons alors un DCO conserva-
sion précoce en fixation interne doit se faire dans un délai de teur et révisons éventuellement l’indication de conservation
15 jours en l’absence de signe d’infection au niveau du foyer après évacuation. La survenue d’une infection précoce,
530 S. Rigal, L. Mathieu

Figure 2 Traumatisme pluritissulaire de jambe par balle de fusil d’assaut en opération extérieure. Débridement et parage (a) et
stabilisation par fixateur externe (b) dans une formation chirurgicale de l’avant. Maintien du fixateur externe et greffe osseuse à
deux mois (c). Le fixateur externe a été maintenu jusqu’à la consolidation (d) obtenue à 8 mois après une deuxième greffe osseuse.

l’existence de lésions associées graves, et la motivation du ouvert. L’amputation au niveau définitif et la fermeture
patient à entreprendre une reconstruction longue pour un seront effectuées secondairement, une fois le blessé et/ou
résultat incertain sont des facteurs qui pourront faire opter l’état local stabilisé [9].
pour une amputation secondaire précoce dite « de raison »
[9,31].
Règles de l’amputation en DCOG. L’amputation doit Indications du DCO et du DCOG
être vue comme un geste d’hémostase et de parage. Le
niveau d’amputation est temporaire : il doit être limité Le damage control orthopédique (DCO) a initialement été
aux impératifs du parage avec une coupe osseuse située développé en tant que traitement séquentiel des polytrau-
au niveau le plus distal des parties molles. Aucun lam- matisés, comme alternative au traitement « tout en un
beau ne doit être réalisé, et le moignon doit être laissé temps » ou « Early Total Care » (ETC) qui était la règle
Réflexions sur l’expérience du service de santé des armées français 531

jusqu’à la fin des années 90 [32]. Ce concept a ensuite été revascularisation, de décontaminer les plaies et de stabili-
étendu et peut s’appliquer dans quatre situations [33]. ser les segments osseux, ultérieurement de ne pas gêner les
La première situation est celle du polytraumatisé gestes de réparation des parties molles ou de fixation défini-
instable qui présente une fracture de la diaphyse fémo- tive des fractures. Nous sommes en accord avec Covey [36]
rale. C’est l’indication princeps du DCO. Le principe est qui préfère ainsi utiliser le terme de « tactical orthopedic
de renoncer à une ostéosynthèse idéale par enclouage intervention » pour désigner la première phase de ce DCOG.
centromédullaire pour une stabilisation temporaire par fixa- Le DCOG peut trouver une indication singulière dans la
teur externe permettant de limiter le saignement et la prise en charge de blessés lors d’attentat. La principale
durée opératoire [34]. De la même façon, l’exofixation indication, transposée du DCOG, dans ce contexte est tac-
provisoire est utilisée pour assurer l’hémostase dans les tique, guidé essentiellement par l’absence d’informations
fractures du bassin en association à l’embolisation ou au initiales sur le nombre de blessés et la durée de l’afflux. Il
« packing » prépéritonéal si besoin. Dans les deux cas, est alors raisonnable de ne pas entamer des procédures chi-
l’objectif est de stopper l’hémorragie tout en limitant rurgicales longues et incertaines. C’est cette indication qui
l’agression chirurgicale chez des patients hémodynamique- a été retenue lors de l’attentat de Nice en 2017 [16].
ment instables risquant l’épuisement physiologique et la
triade létale. Conclusion
La deuxième situation est représentée par les trauma-
tismes sévères des membres. Le concept initial de DCO a Le traitement actuel des lésions graves des membres est issu
ensuite été étendu à la prise en charge des traumatismes des deux exercices, civil et militaire. Le DCOG est une appli-
isolés, mais sévères ne pouvant être traités de façon idéale cation originale des principes du DCO de la pratique civile
en urgence. Il s’agit tout d’abord des fractures associées à de « trauma center ». Il est d’application quasi-systématique
une lésion vasculaire nécessitant un geste de revascularisa- en pratique de guerre et souvent imposé par les contraintes
tion qui ne peut attendre la réalisation d’une ostéosynthèse logistiques et opérationnelles. Les différences entre ces
interne, mais nécessite une stabilisation osseuse préalable. deux pratiques ne doivent pas empêcher le chirurgien mili-
Il s’agit aussi des fractures avec ouverture ou souffrance taire d’essayer de respecter les standards civils malgré des
cutanée pour lesquelles une fixation interne serait souhai- conditions de travail plus difficiles. Si traitement des lésions
table, mais trop risquée à la phase initiale, comme par des membres en pratique de guerre a ainsi bénéficié des
exemple les fractures des épiphyses proximales et distale connaissances de la chirurgie civile et applique les nouvelles
du tibia. Enfin les traumatismes étagés et complexes des avancées techniques de celle-ci, la pratique civile est, elle
membres sont de bonnes indications à un DCO, particulière- aussi, influencée par l’expérience de la chirurgie de conflit.
ment au membre inférieur lorsque le fémur est impliqué. L’expérience du service de santé armées est importante,
La troisième situation est constituée par les limites acquise en opération extérieure, elle n’est certainement
de certaines structures sanitaires non adaptées à la prise pas transposable en totalité en « Opération Intérieure »,
en charge de tous les types de traumatisés. Ainsi, les mais certains principes conceptuels et techniques méritent
associations lésionnelles chez un poly blessé (membre et d’être connus et appliqués. La transmission des principes
lésion vasculaire, membre et crâne) nécessitent une prise du DCOG est une nécessité, car les attentats ont amené les
en charge au-delà des possibilités offertes par le plateau lésions de guerre au cœur même des villes européennes. La
technique ou l’expertise des praticiens. Le DCC offre la pos- formation des équipes semble essentielle. Elle est organi-
sibilité de réaliser un traitement indispensable en urgence sationnelle et logistique pour les structures hospitalières.
avant transfert vers une structure aux ressources plus impor- Elle est conceptuelle et technique pour les chirurgiens dont
tantes. Les traumatismes complexes de la main ou du bassin la pratique quotidienne est très éloignée de la gestion des
en sont des exemples courants en orthopédie. plaies de guerre et de l’ambiance d’afflux de nombreux bles-
La quatrième situation est celle d’un afflux saturant. Une sés.
situation de catastrophe correspond typiquement à celle Henri Rouvillois, rappelait en 1936 : « la chirurgie de
d’un afflux saturant de blessés, dans laquelle les capacités guerre n’a d’autres règles que celles de la chirurgie de
de la structure chirurgicale d’accueil sont dépassées par le paix ; elle ne peut avoir d’autres bases que les siennes.
nombre de patients à traiter. Il faut alors prioriser les soins L’organisation de la chirurgie aux armées est fonction des
pour en faire bénéficier le plus grand nombre, en recou- soins à donner aux blessés ; elle doit être subordonnée à
rant au triage chirurgical et à des procédures écourtées. On la technique et non la technique à l’organisation. Mais son
parlera alors de DC à visée collective [35]. fonctionnement doit s’adapter aux circonstances de guerre
Le DCOG est pratiqué régulièrement selon les quatre scé- et aux nécessités militaires. C’est une double adaptation à
narios décrits. Le polyblessé de guerre n’est qu’un aspect des nécessités techniques intangibles, sinon invariables et
particulier de la première situation ; la chirurgie du théâtre à des nécessités militaires parfois inattendues et toujours
d’opération assure un traitement indispensable en urgence variables » [37].
avant le transfert vers un centre aux ressources plus impor- Le « Damage Control Orthopédique de Guerre », doc-
tantes ; les lésions de guerre des membres se caractérisent trine actuelle de prise en charge des lésions des membres
souvent par une atteinte pluritissulaire imposant un trai- en pratique de guerre, en est l’illustration parfaite.
tement séquentiel, enfin les situations d’afflux souvent
saturants en raison du contexte sont quasi-exclusives de la
pratique de guerre.
Déclaration de liens d’intérêts
Le DCOG est une véritable « chirurgie tactique » avec
pour objectifs en urgence d’assurer l’hémostase, voire la Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
532 S. Rigal, L. Mathieu

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