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Exploration de l’infertilité du couple aujourd’hui :

quel bilan pour quel traitement ?
Actuellement, l’infertilité est définie comme une absence de grossesse après 12 mois de rapports complets
(auparavant, le délai pris en compte était de 24 mois). Environ 15 % des couples en âge de procréer consultent
pour assistance médicale à la procréation (AMP), ce qui représente 1 080 479 AMP/an dans le monde
et 80 919 en France.

Faire un bilan a trois objectifs : poser un dia-

gnostic, établir un pronostic et s’assurer que
tout est contrôlé avant AMP. Il faut aller au plus
vite pour le couple, car les femmes consultent
souvent tardivement, à l’approche de la
quarantaine.
Dans les années 1970, la spermiologie classique
était appliquée aux inséminations intra-cervi-
cales et à l’utilisation de sperme de donneurs.
L’apparition de la fécondation in vitro (FIV)
en 1978, a offert la possibilité de féconder un
ovocyte avec très peu de spermatozoïdes et,
en pilotant les cycles ovariens de la femme
grâce aux protocoles de stimulation de l’ovaire,
d’obtenir plusieurs ovocytes. Les inséminations
intra-utérines ont également amélioré le pro-
nostic des inséminations. L’avènement de l’ICSI
(intracytoplasmic sperm injection) en 1992 a

© Alexander Raths
révolutionné les pratiques car, désormais, un
seul spermatozoïde suffit pour féconder un
ovocyte.

Le nouveau bilan biologique
de l’infertilité
Les questions posées sont les suivantes.
1. Existe-t-il des spermatozoïdes ? Dans l’éja-
culat ou éventuellement le testicule ?
2. Quelle est la réserve ovarienne ?
3. Bilan étiologique : existe-t-il des mutations de
gènes dans le couple (mutation du gène CFTR :
agénésie des canaux déférents ; microdélétion
de SRY : azoospermie sécrétoire) ? Il nous faut
connaître les anomalies existantes pour savoir
quelles sont les chances de trouver des sperma-
tozoïdes dans les biopsies testiculaires et infor-
mer le couple de la transmission de l’anomalie à
un éventuel enfant de sexe masculin.
4. Quelle est la qualité des gamètes : activité
mitochondriale, fragmentation de l’ADN, syn-
drome inflammatoire, infection génitale ?
5. Enfin, il faut un contrôle des paramètres séro-
logiques et de la qualité de l’appareil génital
féminin (anomalie utérine, muqueuse) a minima
par hystérographie.
Bilan masculin
Spermogramme
Il doit être systématique au laboratoire et être
complété par une spermoculture et un test de
migration survie. Il est réalisé après une absti-
nence de 3 à 5 J et une diurèse forcée (1,5 litre
supplémentaire), puis vidange de la vessie,
lavage des mains et masturbation après une
toilette à la chlorexidine.
L’étude du spermogramme comporte principa-
lement la recherche d’une leucospermie à poly-
nucléaires neutrophiles (prudence si le patient
a pris des anti-inflammatoires qui pourraient
masquer la leucospermie), la mobilité des sper-
matozoïdes après ½ h et 4 h, leur vitalité. La
numération spermatique classiquement réalisée
en cellule de Malassez est aujourd’hui effectuée
en cytométrie en flux.
La cytologie du spermogramme s’attache sur-
tout à rechercher le nombre de formes micro-
céphales, macrocéphales (contre-indication à
l’ICSI) et si les spermatozoïdes ont un flagelle
écourté ; les autres paramètres sont moins cru-
ciaux. En pratique, une concentration anormale
en spermatozoïdes a peu d’importance (un seul
spermatozoïde suffit en théorie) ; de même, la
morphologie des spermatozoïdes ne discrimine
pas les hommes hypofertiles des fertiles.
Aujourd’hui, le CASA (computer aid sperm ana-
lysis) est de plus en plus souvent utilisé pour
l’étude du spermogramme, car cette méthode
est plus reproductible.
Le test de migration-survie
Il recherche la possibilité d’obtenir après prépa-
ration du sperme (migration et centrifugation sur
gradient) au moins 1 million de spermatozoïdes
mobiles, afin de réaliser une insémination intra-
utérine. Il constitue également un argument
pour choisir entre une FIV et une ICSI.
Spermoculture
Les signes évocateurs d’une infection sont de
la fièvre, une prostate sensible (au toucher rec-

22 OptionBio | janvier-février 2016 | n° 537-538

 infertlité | pratique

tal), une épididymite ou un syndrome inflam-

Valeurs de référence du spermogramme (OMS 2011),
matoire sans autre étiologie. Les pathogènes
après une abstinence de 3 jours.
avérés sont N. gonorrheae, C. trachomatis, des
entérobactéries (E. coli, Proteus, Klebsiella), Paramètres analysés Valeurs de référence
Staphylococcus aureus, Enterococcus faeca- Volume de l’éjaculat 1,5 – 6 ml
lis, Pseudomonas, en quantité > 105/mL (un
seul germe). Les flores polymicrobiennes sont Numération/ml > 15 millions
considérées comme des contaminations. En Numération/éjaculat > 39 millions
présence d’un seul germe, une seconde sper-
Mobilité totale (progressive + non progressive) > 40 %
moculture est systématiquement demandée.
Dans 1/3 des cas, le même germe est retrouvé Vitalité > 58 %
(il convient de traiter) ; dans 1/3 des cas le
Pourcentage de formes normales > 30 %
germe n’est pas retrouvé ; dans 1/3 des cas, un
autre germe est identifié… Leucospermie < 1 million/ml

Examens complémentaires
D’autres examens peuvent être utiles, notam-
ment en cas de spermogramme très patho-
logique ou d’échecs de tentatives d’AMP :
biochimie du sperme, recherche d’Ac anti-sper-
matozoïdes, étude de la qualité nucléaire des
spermatozoïdes (fragmentation et dispersion
de l’ADN)…
Bilan féminin
La réserve ovarienne
Son estimation repose sur le bilan hormo-
nal : FSH, LH, estradiol (reflet de l’activité des
follicules) et surtout sur l’AMH (idéalement
> 1 ng/ ml, mais des valeurs inférieures ne
signent pas l’impossibilité de procréer), ainsi
que sur le compte des follicules antraux (CFA) à
l’échographie (10 à 12 est un nombre correct).
Mais il n’y a pas de corrélation entre la quantité
d’ovocytes disponibles et leur qualité.
Bilan radiologique
CFA, hystérosalpingographie.
En pratique
- En cas d’insuffisance ovarienne est proposé
un don d’ovocyte.
- En cas d’azoospermie sécrétoire ou excrétoire :
biopsie testiculaire ou don de sperme.
- Oligo-asthéno-teratozoospermie (OAT) modé-
rée : 3 inséminations intra-utérines (IIU).
- En cas d’échec d’IIU et OAT sévère : ICSI.
- Dans les situations d’infertilité inexpliquée :
ICSI.
- En cas d’obturation tubaire ou d’endométriose :
FIV. |
Déclaration d’intérêt : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts
en relation avec cet article.
CAROLE EMILE
Biologiste, rédactrice scientifique
carole.emile@biomnis.com
source
D’après la communication de J.-P. Wolf (Histologie, embryologie,
biologie de la reproduction, Hôpital Cochin, Paris).
Journées de biologie clinique, Paris, janvier 2015.

OptionBio | janvier-février 2016 | n° 537-538 23