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REPUBLIQUE DU SENEGAL

Ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation


Institut Supérieur de Droit de Dakar (I.S.D.D.)

Licence 3

Support de cours
PROCEDURES SIMPLIFIEES DE RECOUVREMENT ET DES
VOIES D'EXECUTION

Par

Dr Thierno Amadou NDIOGOU


Maître de Conférences titulaire en Droit privé (FSJP-UCAD)
Vacataire à l’I.S.D.D.

Année universitaire 2021-2022


Cours : PSRVE I.S.D.D. 2021-2022

AVANT-PROPOS

Ce support de cours ne peut atteindre la rigueur d’un ouvrage publié. Il doit donc être
considéré comme un complément et non comme un substitut aux manuels, recueils
d’exercices dont la lecture reste indispensable.

i
Animateur : Dr Thierno A. NDIOGOU
Cours : PSRVE I.S.D.D. 2021-2022

Bibliographie indicative
(Toujours choisir l’édition la plus récente)
LEGISLATIONS
 Acte uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des Procédures Simplifiées de
Recouvrement et des Voies d’Exécution (AUPSRVE), JO OHADA n° 6, du 1er juin 1998,
pp. 1 et s ;
 Loi 2014-26 du 3 novembre 2014 fixant l’organisation judiciaire au Sénégal, abrogeant et
remplaçant la loi 84-19 du 2 février 1984, JORS n° 6818 du 10 novembre 2014, p.1359,
modifiée ;
 Loi n° 2017-24 du 28 juin 2017 portant création, organisation et fonctionnement des
tribunaux de commerce et des chambres commerciales d’Appel, J.O. N° 7023 du samedi 1er
juillet 2017 ;
 Loi-2020-14 du 08 avril 2020 modifiant la Loi n° 2017-24 du 28 juin 2017 portant création,
organisation et fonctionnement des tribunaux de commerce et des chambres commerciales
d’Appel, J.O. n° 7299 Bis du mercredi 08 avril 2020, pp. 811 et s.
 Décret n° 2015-1145 du 03 août 2015 fixant la composition et la compétence des Cours
d’appel, des Tribunaux de Grande Instance (TGI) et des Tribunaux d’Instance (TI), JORS,
n° 6869, spécial, du 18 août 2015, pp. 797 et s ;

OUVRAGE
ANOUKAHA François et TJOUENDIEUDONNE Alexandre
 Les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d'exécutions en OHADA, PUA, Coll.
Droit uniforme, Yaoundé 1999, 193 pages.
ASSI-ESSO Anne-Marie Hortense et DIOUF Ndiaw
 Recouvrement des créances, Coll. Uniforme africain, coédition Juriscope, AUF et Bruylant,
2002, 254 pages.
DONNIER Marc et DONNIER Jean Batiste
 Voies d’Exécution et Procédure de Distribution, LexisNexis 2009,8eédition, 558 pages.
IWANGOU Moukagni
 La procédure de saisie immobilière, PETIT guide pratique du juge, L’Harmattan, Paris, 2012,
85 pages.
SOW Seydina Issa
 Le traitement judiciaire des incidents de la saisie immobilière, CREDILA, Dakar, 2017, 528
pages.
VINCENT Jean et PREVAULT Jacques
 Voies d’Exécution et Procédure de Distribution, Dalloz 1999,19eédition, 477 pages.

ARTICLES
IPANDA François
 « Saisie immobilière –commandement- contestation- référé principe, incompétence exception :
sauf avant transcription », Revue camerounaise du droit des affaires n° 4, 2000, pp. 141 et s.
LAM Cheikh Tidiane
 « Regards sur quelques jugements rendus à l’audience éventuelle », Revue sénégalais de droit
n°2,3et 4, pp 109 et s. (Ohadata D-05-13).

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MAHALMADANE Hameye Founé


 « Le tableau de bord de la saisie immobilière », Revue trimestrielle de droit et de jurisprudence
des affaires, n°1 .page.9 et s.
ONANA ETOUNDI Felix
 « La réforme des procédures de recouvrement et voies d’exécution en droit Ohada : étude
pratique de législation et de jurisprudence », Revue juridique de droit uniforme africain n°1, pp.
29 et s. ; Ohadata D-11-12.
SATURNIN TSETSA Guy
 « Le formalisme de la saisie immobilière en droit OHADA », Revue de l’ERSUMA n°06, janvier
2016, pp. 6 et s.

THESE
NIANE Mamoudou
 L’exigence de sécurité juridique dans le recouvrement des créances, Thèse, Université de
Bordeaux, France, 2014, 575 pages.

JURISPRUDENCES

 CCJA, arrêt n° 009/2012 du 08 mars 2012, Recueil CCJA n°18,2012, page 145;ohadata J-14-
157.
 C.C.J.A arrêt n° 002/2005 du 27 janvier 2005, affaire Abdoulaye Baby Bouya contre Banque
Internationale pour l'Afrique (BIA-NIGER) page 105, Ohadata J-05-135.
 CCJA, arrêt n° 13/2004 du 18 mars 2014, affaire Fotoh Fonjungo contre société générale de
banques au Sénégal au Cameroun dite SGBC ? Recueil CCJA n° 3,2004, page 101, Ohadata J-
04-298.
 Cour d’appel de Dakar, arrêt n° 14 du 18 février 2019, affaire Comptoir commercial FALL
c/ BICIS, inédit.
 Cour d’appel de Dakar, arrêt n° 60 du 23 janvier 2009 Babacar Diop contre sénégalo
Tunisienne : bulletin des arrêts rendus par la cour d’appel de Dakar en matière civile et
commerciale, 2011, vol 1, page 349.
 Cour d'appel de Niamey, arrêt n° 76 du 23 mai 2001 affaire Abdoulaye Baby Bouya contre
Banque Internationale pour l'Afrique (BIA-NIGER) bulletin des arrêts rendus par la cour
d’appel de Niamey en matière civile et commerciale, 1999, vol 1, page 254.

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Introduction
Les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution (PSRVE) sont une
branche du droit qui permet à un créancier, titulaire d’un titre exécutoire, de pouvoir obtenir le
recouvrement de sa créance.

Le cours de PSRVE se nomme dans certaines universités « procédures civiles


d'exécution ».

A ne pas confondre avec le cours de « procédures civiles » qui traite du déroulement de


l'instance, ce cours traite de l'exécution forcée du jugement1.

Le recours à l’exécution forcée est un droit reconnu à tout créancier victime d’une
inexécution de la part de son débiteur. Il s’agit d’une solution subsidiaire qui ne peut être mise
en œuvre qu’à défaut d’exécution volontaire.

Jusqu’à une époque récente, le droit des procédures simplifiées de recouvrement et des
voies d'exécution constituait un îlot d’archaïsme dans les systèmes juridiques de la plupart des
Etats parties au Traité OHADA.

Dès lors, les PSRVE ne pouvaient échapper à l’entreprise d’unification et de


modernisation du droit engagée dans le cadre du Traité de l’OHADA.

Au Sénégal comme dans tous les autres Etats membres de l’OHADA, la matière est
aujourd’hui, en grande partie, réglée par l’Acte uniforme du 10 avril 1998 portant organisation
des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d’Exécution (AUPSRVE)2/3.

L’AUPSRVE comporte 338 articles répartis en deux (02) Livres : Livre 1 est relatif aux
« Procédures Simplifiées de recouvrement » (Titre 1) et le Livre 2 aux « Voies d’Exécution »
(Titre 2). Ce sont ces deux parties de l’AUPSRVE qui composent notre cours.

Mais étant donné que le cours compte 15 heures de théorie, cette limite consacre
l’impossibilité de procéder à la lecture in extenso de l’AUPSRVE.

1
Schématiquement, la procédure civile, ce sont les avocats qui la pratiquent tandis que les voies d'exécution, ce
sont les huissiers. Les voies d'exécution concernent aussi les avocats, car pour pouvoir faire exécuter un jugement
il faut parfois recours à des saisies notamment immobilières il va s'agir d'une procédure qui nécessite un avocat.
Les ventes judiciaires au TGI (vente à la bougie) ne peuvent se faire également que par le biais d'un avocat.
2
Ceci découle de la combinaison des articles 10 du Traité, 336, 337 et 338 de l’Acte uniforme. Il convient toutefois
de préciser que demeurent en vigueur les dispositions du droit antérieur qui ne sont ni contraires, ni équivalentes
à celles de l’Acte uniforme. Tel est le sens de l’avis N° 001/2001/EP rendu par la CCJA le 30 avril 2001.
3
JO OHADA n° 6, du 1er juin 1998, pp. 1 et s.
1
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TITRE 1 : LES PROCEDURES SIMPLIFIEES DE RECOUVREMENT

Ces procédures sont dites simplifiées car elles ne nécessitent pas le recours à la lourde
procédure de l'assignation (ici, la requête) suivie d'une mise au rôle général avant la liaison de
l'instance. Elles sont des voies par lesquelles, un créancier peut rapidement obtenir un titre
exécutoire de condamnation de son débiteur au paiement de la créance. Le paiement est défini
par l’article 162 COCC comme l’exécution volontaire d’une obligation antérieure4.

Etant donné que l’obligation antérieure peut être une obligation de somme d’argent5 ou
une obligation de délivrer ou de restituer6, l’AUPRSVE a aménagé des procédures simplifiées
pour assurer l’exécution de ces types d’obligations. Ainsi, la procédure prévue peut déboucher
soit sur une ordonnance d’injonction de payer (Chapitre 1) soit sur une ordonnance
d’injonction de délivrer ou de restituer (Chapitre 2).

4
En droit sénégalais, il y a un droit commun du paiement qui est prévu aux articles 162 à 182 COCC, et un droit
spécial du paiement relatif aux dettes de sommes d’argent. Le principe du nominalisme monétaire s’applique c’est-
à-dire que la monnaie a une valeur constante malgré le temps. Donc, le débiteur paie en se référant à la valeur de
la monnaie au moment de la conclusion du contrat sauf en cas de clause d’indexation. Ainsi, on peut payer par
espèces (pièces, billet) ou monnaie scripturale.
5
COCC, Arts. 8 et s.
6
COCC, Art. 3 : ce texte classe les obligations en obligations de donner, de faire ou de ne pas faire quelque chose.
2
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Chapitre 1 : La procédure d’injonction de payer

La procédure d’injonction de payer a pour finalité d’obtenir un titre exécutoire judiciaire


enjoignant le débiteur de procéder au paiement d’une créance déterminée de somme d’argent.
En ce sens la jurisprudence a retenu, en 2001, que cette procédure est inapplicable à une
demande de livraison de 25 palettes de pied d’ananas7.

 Les conditions de la procédure d’injonction de payer (Section 1) ;


 Le déroulement de la procédure d’injonction de payer (Section 2).

Section 1 : Les conditions de la procédure d’injonction de payer

La procédure d’injonction de payer a un domaine restreint puisqu’elle ne s’applique qu’à


certaine catégorie de créances (Paragraphe 1) et ces créances doivent être de nature
contractuelles ou cambiaire (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les caractères de la créance

Ces caractères résultent clairement des dispositions de l’article 1 AUPRSVE : « Le


recouvrement d’une créance certaine, liquide et exigible peut être demandé suivant la
procédure d’injonction de payer ». La certitude, la liquidité et l’exigibilité sont des conditions
cumulatives. Il va sans dire que le juge ne fera droit à la requête aux fins d’injonction de payer
que si elles sont réunies8.

A. La créance certaine

Une créance certaine est celle dont l’existence ne souffre d’aucune contestation 9 dont
l’existence est incontestable et actuelle10. Le caractère certain d’une créance résulte de la
production, par le créancier, de factures signées par le débiteur11 ; d’une reconnaissance de dette
notariée, de l’exécution et de la réception des travaux de construction convenus entre les

7
CA Abidjan, Arrêt n° 438 du 24 avril 2001, affaire Adiko Adrien c/ Adjé Kadjo Valentin, ECODROIT, n° 10,
avril 2002, p. 49.
8
CCJA, arrêt n° 22/2009 du 16 avril 2009, BIAO-CI c/ Société ivoirienne de groupement et de gestion, Recueil
CCJA n° 13, janvier-juin 2009.
9
TGI Ouagadougou (Burkina Faso), n° 155, 5-5-2004 : SODEGRAIN-SA c./ STCK-SA, Ohadata J-05-246 ; CA
Abidjan (Côte d’Ivoire), 3e ch. civ. & com., n° 234, 20-9-2006 : M. S. O. E. B. c./ SOCABO SARL, Ohadata J-
08-89)
10
(CA Ouagadougou (Burkina Faso), ch. com., n° 041/99, 19-6-2009 : K. B. G. c./ SOPAFER-B, Ohadata J-10-
217 ; TPI 1re classe, Lomé (Togo), ch. civ. & com., n° 771/2009, 20-3-2009 : CFAO MOTORS c./ OCLOO
Daniel, Ohadata J-11-116) ou encore qui est indubitable (CA Centre, n° 339/Civ., 16-5-2003 : La CITIMA c./
Sieur F. P., Ohadata J-04-203.
11
CA Bouaké, n° 13, 24-1-2001 : B c./ STATION MOBIL, Le Juris-Ohada, n° 3/2003, juillet-septembre 2003, p.
63, Ohadata J-04-117.
3
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parties12 ; de la production de chèques tirés au profit du créancier et non encore encaissés par
ce dernier13, etc.

B. La créance liquide

Une créance est liquide lorsque son montant est déterminable en argent 14 ; le quantum est
déterminé dans sa quantité, chiffré15 ; lorsque le montant est mentionné avec précision16, etc.

C. La créance exigible

Une créance est exigible lorsqu’elle est arrivée à échéance17 ; matérialisée par des billets à ordre
impayés18. La créance litigieuse est exigible dès lors que le débiteur ne se prévaut ni d’un terme
conventionnel ni d’un moratoire, la convention ayant prévu qu’en cas de retard de paiement, la
totalité des comptes devient immédiatement exigible19.

Paragraphe 2 : La nature de la créance

Il résulte des dispositions de l’article 2 AUPSRVE que « La procédure d’injonction de payer


peut être introduite lorsque :

 1° la créance a une cause contractuelle ;

 2° l’engagement résulte de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce,


ou d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante ».

Par exemple : Il faut la volonté commune des deux parties. Ainsi, le commerçant qui a reçu les
marchandises, souscrit un billet à ordre à son créancier, cet engagement constitue une
reconnaissance de dette de la part du commerçant souscripteur. En cas d'inexécution de sa part,
le créancier peut recourir à la procédure d'injonction de payer pour être établi dans ses droits
rapidement et simplement.

12
CA Abidjan, n° 927, 19-7-2002 : AFRIDRAG c./ SCI C.C.T., Ohadata J-03-25, obs. de J. ISSA-SAYEGH
13
TGI de la Mifi , n° 17/CIV, 20-1-2004 : T. A. c./ N. P., Ohadata J-05-140
14
TGI Ouagadougou (Burkina Faso), n° 155, 5-5-2004 : SODEGRAIN-SA c./ STCK-SA, Ohadata J-05-246
15
CCJA, n° 21, 17-6-2004 : SDVCÔTE D’IVOIRE c./ Sté RIAL TRADING, Le JurisOhada, n° 3/2004, juillet
octobre 2004, p. 11, note BROU Kouakou Mathurin ; Recueil de jurisprudence de la CCJA, n° 3, janvier-juin
2004, p. 130 ; Ohadata J-04-382
16
CA Ouagadougou (Burkina Faso), ch. com., n° 041/99, 19-6-2009 : KABRE B. G. c./ SOPAFERB, Ohadata J-
10-217, au sujet d’une créance de dix mois de loyers impayé
17
TGI Ouagadougou (Burkina Faso), n° 155, 5-5-2004 : SODEGRAIN-SA c./ STCK-SA, Ohadata J-05-246
18
TGI Ouagadougou, n° 16/2005, 26-1-2005 : EBDR c./ ECOBANK-BURKINA, Ohadata J-07-119
19
CCJA, n° 21, 17-6-2004 : SDV-CÔTE D’IVOIRE c./ Sté RIAL TRADING, précité, Ohadata J-04-382). Dans
le même sens, (CCJA, n° 018/2006, 26-10- 2006 : SAFCA c./ 1) Sté CTS SARL, 2) M. M. R. A., 3) P. M. L. N.
D., Rec. de jur. n° 18/2006, p. 16, Le Juris-Ohada n° 1/2007, p. 11, Ohadata J-08-93.
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A. L’origine contractuelle de la créance (ou exclusion d’une créance née d’un fait
juridique)

Le créancier pour obtenir de son débiteur l’exécution de son obligation née d’un contrat (civil
ou commercial), peut recourir à la procédure d’injonction de payer. L’article 2 ci-dessus
n’impose aucune restriction liée à la nature du contrat.

Il existe cependant des contrats aléatoires pour lesquels les parties sont privées du droit d’action,
partant empêchant le recours à la procédure d’injonction de payer. En effet, l’article 745 COCC
prévoit que « La loi n'accorde aucune action au gagnant pour le paiement d'une dette de jeu
ou d'un pari ainsi que pour les reconnaissances de dettes souscrites par les parties. Le perdant
ne peut répéter les sommes qu'il a versées spontanément en exécution d'une dette de jeu ou d'un
pari. Il est interdit de déposer des enjeux à l'avance. L'action est également refusée à toute
personne qui consent des prêts d'argent en vue d'un jeu ou d'un pari ».

Toutefois, « l'exception de jeu ou de pari ne peut être opposée au gagnant lorsque la convention
est relative à une loterie ou un pari régulièrement autorisé ». Dans ce cas alors, le gagnant
impayé peut utiliser la procédure d’injonction de payer. Au demeurant, il ne suffit pas que la
créance résulte d’un contrat, encore faudrait-il que ce contrat soit licite.

De même, cette procédure est exclue pour réclamer le paiement de sommes d’argent dues au
titre de la mise en œuvre de la responsabilité civile délictuelle20, pour recouvrir une créance née
d’une gestion d’affaire21. Il en est ainsi en cas d’enrichissement sans cause22, d’une répétition
de l’indu23. Enfin, lorsque l’obligation trouve son fondement dans la loi (pension alimentaire
des parents envers les enfants), ou lorsque la créance est statutaire (prévue par le statut de la
société, d'une association ou d'un GIE), la procédure d’injonction de payer est irrecevable.

Attention : L'exclusion de ces créances ne signifie pas que leurs titulaires ne peuvent pas les
recouvrer, mais ils ne peuvent le faire que par la procédure de droit commun autrement dit une
procédure au fond.

20
COCC, Art. 118.
21
COCC, Art. 157 : « Celui qui, spontanément, administre utilement l'affaire d'autrui sans l'opposition du maître
de l'affaire, est tenu de poursuivre sa gestion jusqu'à ce que le maître de l'affaire ou ses héritiers puissent y
pourvoir. La gestion de l'affaire d'autrui peut consister en actes matériels ou juridiques ». En contrepartie, COCC,
Art. 159 : « Le maître de l'affaire doit rembourser au gérant les dépenses qu'il a pu faire. Il est tenu par les
engagements que le gérant a contractés en son nom ».
22
COCC, Art. 160 : « Celui qui, en l'absence d'un acte juridique valable, s'est enrichi aux dépens d'autrui, est
tenu de l'indemniser dans la mesure de son propre enrichissement jusqu'à concurrence de l'appauvrissement ».
23
COCC, Art. 187 : « Celui qui, par erreur ou sous l'effet de la violence, effectue un paiement sans cause ou
exécute un contrat entaché de nullité, peut demander la répétition de l'indu, sous réserve des dispositions
particulières aux incapables et aux contrats contraires aux bonnes mœurs ».
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B. L’origine cambiaire de la créance

La procédure d’injonction de payer peut être introduite lorsque l’engagement résulte de


l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce24. Il suffit pour les bénéficiaires de
ces titres de les convertir en titre exécutoire. Toujours au sens de l’article 2 précité, le
bénéficiaire d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante25 peut agir
en injonction de payer contre celui qui s’est engagé par l’émission ou la signature dudit chèque.

Il n’est pas inutile de rappeler que relativement au chèque sans provision, les interventions du
législateur UEMOA ont abouti à sa dépénalisation en septembre 200826. Mais cette
dépénalisation n’a pas réduit à néant le droit pénal du chèque, car de nombreuses infractions
subsistent en matière de chèque et des délits assimilés ou encore l’émission d’un chèque en
violation d’une interdiction bancaire ou judiciaire27. Ainsi, si la procédure d'injonction de payer
est engagée, il sera nécessaire si non obligatoire de sursoir la procédure pénale jusqu'à la fin de
celle-ci.

Une fois ces conditions réunies le créancier doit entamer la procédure d'injonction de payer.

24
On vise a priori lettre de change, billet à ordre. Mais, la procédure d’injonction de payer peut être étendue au
warrant considéré comme une variété de billet à ordre. Prévu par l’AUS sous le nom de gage de stock (AUS, Arts
120 à 124), il constitue un véritable billet à ordre endossable constatant la créance et sa garantie.
25
Si au moment de l’émission le tireur ne disposait pas chez le tiré une provision préalable, suffisante et disponible,
on considère que le chèque émis est sans provision.
26
Loi uniforme n° 2008-48 du 3 septembre 2008 relative à la répression des infractions en matière de chèque, de
carte bancaire et d’autres instruments et procédés électroniques de paiement.
27
Loi uniforme ci-dessus, Art. 2- b et e relatif au retrait de la provision et la défense faite au tiré de payer ; Art. 2-
f relatif à l’acceptation ou l’endossement de mauvaise foi d’un chèque sans provision ;
6
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Section 2 : Le déroulement de la procédure d’injonction de payer

La procédure d’injonction de payer ainsi visée par l'AUPSRVE est une procédure inquisitoire
et non contradictoire. Ce faisant, nous verrons l’introduction de la requête (Paragraphe 1) et
la décision du juge (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L’introduction de la requête

La requête est l’acte par lequel le créancier formule sa demande en injonction de payer. Elle
obéit à un certain formalisme. Selon l’AUPSRVE, elle doit être déposée ou adressée par le
demandeur, ou par son mandataire autorisé par la loi de chaque État partie à le représenter en
justice, au greffe de la juridiction compétente28.

A. Les formalités de la requête


Les mentions de la requête. Ces mentions relatives aux parties à la créance proprement dite,
sont prescrites à peine d’irrecevabilité de la requête29. S’agissant des parties, la requête doit
mentionner les noms, prénoms, profession et domiciles des parties ou, pour les personnes
morales, leur forme, dénomination et siège social.
Concernant la créance, la requête doit indiquer de façon précise le montant de la somme
réclamée avec le décompte des différents éléments de la créance ainsi que le fondement de
celle-ci. Elle est accompagnée des documents justificatifs en originaux ou en copies certifiées
conformes. Lorsque la requête émane d’une personne non domiciliée dans l’État de la
juridiction compétente saisie, elle doit contenir sous la même sanction, élection de domicile
dans le ressort de cette juridiction.
Dépôt de la requête. La requête ainsi formée est introduite personnellement par le demandeur
ou par son mandataire autorisé par la loi. Au Sénégal, une personne, non seulement, peut se
défendre elle-même, mais aussi défendre ses cohéritiers, ses parents et alliés sans exception. Ce
faisant, on ne doit pas justifier d’un mandat.
Il faut également signaler que le ministère d’avocat n’est pas obligatoire pour les personnes
physiques30. S’agissant des personnes morales, elles ne peuvent introduire une requête que par
l’intermédiaire de leur représentant désigné par la loi ou leurs statuts. Les personnes morales

28
AUPSRVE, Arts. 4, al. 1.
29
AUPSRVE, Arts. 4, al. 2.
30
Loi 84-09 du 4 janvier 1984 relative à l’ordre des avocats, Art. 5. Par ailleurs, cette loi plusieurs fois modifiées
(1987 et 2009) doit être combinée d’une part avec l’article 5 du Règlement n° 5/UEMOA du 25 septembre 2015
relatif à l’harmonisation de la profession d’avocat dans l’espace UEMOA et d’autre par l’article 460, al. 2 COCC :
« Le mandataire ne peut, sans un pouvoir spécial, passer des actes de disposition ou agir en justice, sous réserve
des actes conservatoires et interruptifs de délais. Il n'est point dérogé aux règles relatives à la représentation des
parties devant les tribunaux ».
7
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de droit privé doivent être assistées par un avocat, sauf lorsqu’elles agissent devant les tribunaux
d’instance31
B. Le juge compétent
La requête doit être adressée au Président du tribunal compétent. Pour identifier le Président du
tribunal matériellement et territorialement compétent, il faut impérativement combiner les
dispositions de l’AUPSRVE (article 5) et celles nationales.
Le Président du tribunal matériellement compétent. Pour notre part, il faut distinguer si la
créance est civile ou commerciale ; alors tout dépend donc de la nature de la créance.
Si la créance est civile, la compétence d’attribution revient au Président du TGI ou du TI, selon
le cas. Notre position est confortée par la Cour d’appel de Dakar dans l’affaire Comptoir
commercial FALL c/ BICIS32. Sous ce prisme, la procédure d’injonction de payer est introduite
devant le Président du TI ou du TGI, selon le cas et ce, en combinant l’article 5 AUPSRVE et
de la loi 2014-26 du 3 novembre 2014 sur l’organisation judiciaire au Sénégal33 ainsi que du
décret n° 2015-1145 du 03 août 2015 fixant la composition et la compétence des Cours d’appel,
des Tribunaux de Grande Instance (TGI) et des Tribunaux d’Instance (TI)34.
Ce faisant le Président du TI est saisi si le montant de la créance réclamée est inférieur ou égal
à 2 millions35, ou lorsque le demandeur à l’action poursuit le recouvrement d’une créance
fondée sur un contrat de bail à usage d’habitation36 ou encore sur un contrat de bail à usage
professionnel dont le montant mensuel du loyer n’excède pas 100.00037. Quant au Président du
TGI, il a vocation à connaître de toutes les demandes qui excèdent le taux de compétence du
TI38.
Si la créance est commerciale, la compétence d’attribution revient au Président du Tribunal
de commerce (TC). La loi 2020-14 est non seulement plus claire que celle de 2017 dans la
détermination des compétences des Tribunaux de Commerce et des Chambres Commerciales
d’Appel, mais aussi élargit les compétences des Tribunaux de Commerce prévues par la loi

31
Loi 84-09 du 4 janvier 1984 relative à l’ordre des avocats, précitée, Arts. 4 et 6 ; Règlement n° 5/UEMOA du
25 septembre 2015, précité, Art. 5, al. 4.
32
Arrêt n° 14 du 18 février 2019, inédit.
33
JORS, n° 6818, spécial, du 10 novembre 2014, p. 1359 et s. abrogeant et remplaçant la loi n° 84-19 du 2 février
1984.
34
JORS, n° 6869, spécial, du 18 août 2015, pp. 797 et s., abrogeant et remplaçant le Décret n° 84-1194 du 22
Octobre 1984 fixant la composition et la compétence des Cours d’appel, des tribunaux régionaux et des tribunaux
départementaux34, JORS, n° 5031, spécial, du 23 Octobre 1984, pp. 687 et s.
35
Décret le décret n° 2015-1145 du 03 août 2015, Art. 6.
36
Décret le décret n° 2015-1145 du 03 août 2015, Art. 7, al. 1.
37
Décret le décret n° 2015-1145 du 03 août 2015, Art. 7, al. 2.
38
Décret le décret n° 2015-1145 du 03 août 2015, Arts. 18 et s.
8
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2017-27 à travers son article 739. Ainsi, l’article 7 modifié prévoit désormais que les Tribunaux
de Commerce sont compétents pour connaitre des « instances relatives à l’exécution fondée sur
une décision de justice d’une juridiction commerciale ou un acte notarié constituant une
garantie en matière commerciale, dont la saisie immobilière ».
Ce faisant le Président du TC est saisi peu importe le montant de la créance40 ; il devra même
être saisi si le montant du litige est indéterminé.

Le Président du tribunal territorialement compétent. Le Président du tribunal


territorialement compétent est celui du domicile ou du lieu où demeure effectivement le
débiteur ou l’un d’entre eux en cas de pluralité de débiteurs41. Mais, l'Acte uniforme donne la
possibilité aux parties de déroger désormais à ces règles de compétence au moyen d'une élection
de domicile dans leur contrat42. Ainsi, c’est à bon droit qu’un créancier a saisi le juge du tribunal
du domicile de la caution solidaire43 Lorsque la requête émane d’une personne non domiciliée
dans l’État de la juridiction compétente saisie, elle doit contenir sous la même sanction, élection
de domicile dans le ressort de cette juridiction44.

Attention. L'incompétence du Président de la juridiction ne peut être soulevée que par le Président
saisi ou par le débiteur lors de l'instance introduite par son opposition45.

Paragraphe 2 : La décision du juge

Le juge saisi rend une décision (ordonnance) d'injonction de payer ou une décision de rejet
exprimée verbalement qui est sans recours46.

A. La décision de rejet

Si le Président de la juridiction estime que la demande n’est pas justifiée, il la rejette en tout ou
en partie. Dans ce cas, sa décision est sans recours pour le créancier qui conserve toutefois la
possibilité de poursuivre le débiteur selon les règles de droit commun47.

39
Loi-2020-14 du 08 avril 2020 modifiant la Loi n° 2017-24 du 28 juin 2017 portant création, organisation et
fonctionnement des tribunaux de commerce et des chambres commerciales d’Appel, J.O. n° 7299 Bis du mercredi
08 avril 2020, pp. 811 et s.
40
Loi 2020-14, précitée, art. 8.
41
AUPSRVE, Art. 3, al. 1.
42
AUPSRVE, Art. 3, al. 2.
43
CCJA, 1ère Ch., n° 21 du 31 mars 2005, affaire Bourdier Gilbert c/ BIAO-CI, Juris OHADA, n° 03/2005, p. 15,
note Brou Kouakou MATHURIN.
44
AUPSRVE, Art. 3, al. 4.
45
AUPSRVE, Art. 3, al. 3.
46
AUPSRVE, Art. 5.
47
AUPSRVE, Art. 5, al. 2 : « Si le président de la juridiction compétente rejette en tout ou en partie la requête,
sa décision est sans recours pour le créancier sauf à celui-ci à procéder selon les voies de droit commun ».
9
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B. La décision d’injonction de payer

Le contenu de l’ordonnance d’injonction de payer. Si la demande paraît fondée, le Président


rend une décision portant injonction de payer pour les montants qu’il fixe. A cet effet, la requête
et la décision sont conservées à titre de minute entre les mains du greffier qui garde également
les copies certifiées conformes des pièces justificatives produites. Il délivre ensuite une
expédition de l’ordonnance à pied de requête au demandeur et lui restitue en même temps les
originaux de ses pièces. Il lui remet en enfin une copie certifiée conforme de l’expédition.

Les suites de l’ordonnance d’injonction de payer. D’abord, l’ordonnance doit être


signifiée. Le créancier auquel le greffier a délivré une copie de l’expédition dispose d’un délai
de 3 mois, sous peine de caducité de la décision. Par rapport à l’exploit de signification, l’Acte
uniforme exige certaines mentions destinées à mettre en demeure le débiteur de procéder au
payement, d’autres à l’informer sur son droit et les modalités de contestation de la décision
rendue48.

Ensuite, l’attitude du débiteur : Ici, deux situations peuvent être envisagées. La première est
celle où le débiteur intente une voie de recours. Le recours ordinaire contre la décision
d’injonction de payer est l’opposition. Celle-ci est portée devant la juridiction compétente dont
le président a rendu la décision d’injonction de payer49. L’opposition est formée par acte extra-
judiciaire. Pour des raisons de célérité, le délai est fixé à 15 jours.

Ce délai court à compter de la signification de l’ordonnance à personne, à défaut, suivant la


première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponible en tout ou en partie les
biens du débiteur. Il est augmenté à ce délai, éventuellement, des délais de distance50 et ce
suivant le CPC du Sénégal en ses articles 2, al. 4, 40, 41 et 42.

48
AUPSRVE, Art.8 : « A peine de nullité, la signification de la décision portant injonction de payer contient
sommation d’avoir :  soit à payer au créancier le montant de la somme fixée par la décision ainsi que les intérêts
et frais de greffe dont le montant est précisé ;  soit, si le débiteur entend faire valoir des moyens de défense, à
former opposition, celle-ci ayant pour objet de saisir la juridiction, de la demande initiale du créancier et de
l’ensemble du litige.
Sous la même sanction, la signification :  indique le délai dans lequel l’opposition doit être formée, la juridiction
devant laquelle elle doit être portée et les formes selon lesquelles elle doit être faite ;  avertit le débiteur qu’il
peut prendre connaissance, au greffe de la juridiction compétente dont le président a rendu la décision
d’injonction de payer, des documents produits par le créancier et, qu’à défaut d’opposition dans le délai indiqué,
il ne pourra plus exercer aucun recours et pourra être contraint par toutes voies de droit à payer les sommes
réclamées ».
49
AUPSRVE, Art. 9.
50
AUPSRVE, Art. 10.
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En cas d’opposition, le Président du tribunal procède à une tentative de conciliation. Si celle-ci


aboutit, il dresse un procès-verbal de conciliation signé par les parties, dont une expédition est
revêtue de la formule exécutoire.

Si la tentative de conciliation échoue, la juridiction statue immédiatement sur la demande en


recouvrement, même en l’absence du débiteur ayant formé opposition, par une décision qui
aura les effets d’une décision contradictoire. Cette décision substituant à celle d’injonction de
payer est susceptible d’appel.

La seconde situation correspond à celle où il n’y a pas d’opposition dans le délai imparti ou
désistement du débiteur qui a formé opposition. Dans cette hypothèse, le créancier peut
demander l’apposition de la formule exécutoire sur cette décision. Celle-ci produit tous les
effets d’une décision contradictoire et n’est pas susceptible d’appel.

11
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Chapitre 2 : La procédure d’injonction de délivrer ou de restituer

Cette procédure permet au créancier d’une obligation de délivrance ou de restitution d’un bien
meuble corporel déterminé d’obtenir du Président de la juridiction compétente d’ordonner au
débiteur d’en effectuer la délivrance ou la restitution51. La procédure d’injonction de délivrer
ou de restituer présente plusieurs similitudes avec l’injonction de payer, mais conserve certaines
particularités.

 Les conditions de la procédure d’injonction de délivrer ou de restituer (Section 1) ;


 Le déroulement de la procédure d’injonction de délivrer ou de restituer (Section 2).

Section 1 : Les conditions de la procédure d’injonction de délivrer ou de restituer

Elles sont de deux ordres : les unes tiennent au créancier (Paragraphe 1) et les autres à l’objet
de l’obligation (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les conditions tenant au créancier

Il faut être titulaire d’une créance ayant pour objet la délivrance ou la restitution d’un bien
meuble corporel. C’est qui résulte des dispositions de l’article 19 AUPSRVE aux termes duquel
« Celui qui se prétend créancier d’une obligation de délivrance ou de restitution d’un bien
meuble corporel déterminé, peut demander au président de la juridiction compétente
d’ordonner cette délivrance ou restitution ». C’est le cas du propriétaire qui agit en
revendication de son bien meuble corporel volé ou perdu, en application de l’article 262, al. 2
COCC ou du créancier d’une obligation de restitution à la suite de la résolution d’un contrat de
vente, de location, etc.52 ou de son annulation53.

Paragraphe 2 : Les conditions tenant à l’objet de l’obligation

Cette procédure est réservée aux meubles corporels. L’exigence relative à l’objet de l’obligation
exclut la possibilité d’utiliser la procédure afin de revendiquer des biens meubles incorporels
ou des biens immobiliers54. Ainsi, il a été jugé irrecevable une demande de restitution de somme

51
AUPSRVE, Art. 19.
52
COCC, Art. 107 : « La résolution entraîne la restitution des prestations déjà effectuées ; elle ne nuit point aux
tiers, sous réserve des dispositions concernant le régime foncier. La résiliation ne produit d'effet que pour
l'avenir ».
53
COCC, Art. 91 : « Sauf dans le contrat à exécution successive, le contrat nul est réputé n'avoir jamais existé et
les parties doivent restituer ce qu'elles ont reçu ».
54
Th. A. NDIOGOU, « La propriété économique en droit privé sénégalais », in Revue Internationale de Droit
Comparé, n° 2, Avril-juin 2020, pp. 451 à 484.
12
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d’argent déposée dans un compte et fondée sur l’article 12 AUPSRVE55. Aussi, ladite procédure
ne peut être utilisée en cas de cession d’actions ou de cession de créances ou pour la délivrance
ou la restitution d’un bien immobilier après règlement du prix d’achat par l’acquéreur.

A la question de savoir si la procédure d’injonction de délivrer ou de restituer est la seule voie


pour obtenir l’exécution forcée d’une obligation de délivrance ou de restitution, la CCJA a
assoupli, en 2008, sa position. En effet, avant 2008, elle avait jugé que cette procédure était
exclusive de toutes autres initiées devant le juge des requêtes ou des référés56. Mais depuis cette
date, elle retient que la procédure d’injonction de délivrer ou de restituer est une faculté pour le
créancier d’une obligation de délivrance ou de restitution d’un meuble corporel57.

Section 2 : Le déroulement de la procédure d’injonction de délivrer ou de restituer


Ici, deux questions méritent d’attirer notre attention : l’introduction de la requête (Paragraphe
1) et la décision du juge (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L’introduction de la requête
Comme pour la procédure d’injonction de payer, la demande de délivrance et de restitution est
formée par requête puis déposée au greffe du Tribunal compétent du domicile du débiteur ou
dans le ressort duquel les parties ont élu domicile dans le contrat58. Concernant le contenu de la
requête, les mentions exigées sont, à peine d’irrecevabilité, pratiquement les mêmes que la
procédure d’injonction de payer (noms, prénoms, adresse, profession, etc.).

La seule différence réside dans la désignation précise du bien dont la remise est demandée, à la
place de l’indication du décompte distinct des différents éléments de la créance59. La requête
doit en outre être accompagnée de l’original ou de la copie certifiée conforme de tout document
justifiant la demande en injonction de remise.

Paragraphe 2 : La décision

A l’examen de la requête deux situations sont à envisager : le rejet de la demande mal fondée
ou son accueil.

55
CA DOLOA, arrêt n° 112 du 7 avril 2013, affaire Fond Local d’Epargne et de Crédit dit LAC c/ La coopérative
COPAVA, inédit.
56
CCJA, arrêt n° 058/2005 du 22 décembre 2005, affaire Société United Plastic Service dite UPS SA c/ Société
de transformation des plastiques du Cameroun dite STPC SARL, Recueil CCJA, n° 6, juin-décembre 2005, p. 87
57
CCJA, arrêt n° 02/2008 du 28 février 2008, VEI Bernard c/ BICI-BAIL SA, in Grandes décisions de la CCJA,
p. 361, obs Moïse TIMTCHUENG ; TGI Ouagadougou, jugement n° 105/06 du 22 février 2006, Yameogo-Napon
Adams c/ Traoré Aliou, OHADA J-07-104.
58
AUPSRVE, Art. 20.
59
AUPSRVE, Art. 21.
13
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La décision de rejet. La demande peut ne pas aboutir parce que le Président du tribunal
s’estime territorialement incompétent60 ou que l’objet de ladite demande ne relève pas de ses
attributions. Il peut tout en se reconnaissant compétent ne pas faire droit à la requête parce que
celles ne respecte pas les mentions exigées61. Le Président peut rejeter la requête au fond parce
que le requérant n’a pas produites les pièces justificatives à l’appui de sa demande, ou parce
que les pièces en annexes de la requête ne font ressortir suffisamment l’obligation de délivrance
ou de restitution. Le créancier est privé de recours en cas de rejet de la requête. Il ne lui reste
plus qu’à procéder selon les voies de droit commun62. A cet effet, la requête et les documents
annexés lui sont restitués63.

La décision d’injonction de restituer ou de délivrer. Lorsque la demande est bien fondée, le


Président du tribunal rend une ordonnance au pied de requête portant injonction de délivrer ou
de restituer64. A la différence de l’injonction de payer, ici il n’est pas exigé que l’obligation soit
d’origine contractuelle ou cambiaire. Une obligation légale de délivrance ou de restitution peut
justifier la prise de l’ordonnance d’injonction de remise. Par exemple, l’acquéreur d’une chose
perdue ou volée reste tenue envers le propriétaire d’une obligation légale de restitution dans les
3 ans de la perte ou du vol, si cette acquisition a été faite hors du commerce65.

Cette ordonnance est signifiée par exploit d’huissier à celui qui est tenu de la remise à l’initiative
du créancier66 et doit comporter toutes les indications précises destinées à informer le débiteur
des modalités d’exécution de son obligation de remise et de son droit de contestation. Il n’est
pas inutile de souligner que dans l’exécution de son obligation de signification, le créancier
encourt une double sanction : d’une part, les mentions devant figurer dans l’acte de signification
sont prescrites à peine de nullité ; et pour apprécier cette nullité le président du tribunal
compétent n’a pas besoin de rechercher un grief. D’autre part, le défaut de signification dans le
délai de 3 mois de sa date entraîne sa caducité67.

La signification constitue le prélude à l’ouverture de la phase contentieuse, la procédure devant


ainsi revêtir un aspect contradictoire. Il va sans dire, dès que le débiteur est mis au courant, il

60
AUPSRVE, Art. 20, al. 2.
61
AUPSRVE, Art. 21.
62
AUPSRVE, Art. 22.
63
AUPSRVE, Art. 24.
64
AUPSRVE, Art. 23.
65
AUPSRVE, Art. 262, al. 2 et 3.
66
AUPSRVE, Art. 25, al. 1.
67
AUPSRVE, Art. 25, al. 3.
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peut organiser sa riposte en formulant une opposition68. Toutefois, s’il ne réagit pas dans le
délai de 15 jours, l’ordonnance va être cristallisée avec l’apposition de la formule exécutoire.
Ce faisant, l’ordonnance devient non avenue si la demande d’apposition n’a pas été présentée
dans les 2 mois suivant l’expiration du délai d’opposition ou le désistement du débiteur69.

Pour finir, l’ordonnance revêtue de la formule exécutoire produit les effets d’une décision
contradictoire non susceptible d’appel. Mais, elle devrait pouvoir faire l’objet d’un pourvoi en
tant que décision rendu en dernier ressort.

68
AUPSRVE, Art. 26. Ce texte renvoie à l’AUPSRVE, Arts. 9 à 15 sur l’injonction de payer.
69
AUPSRVE, Art. 27, al. 2 ; AUPSRVE, Art. 17, al. 1 et 2.
15
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TITRE 2 : LES VOIES D’EXECUTION

Pour garantir le recouvrement de sa créance, l’article 28, alinéa 1er AUPSRVE permet
au créancier « (…) quelle que soit la nature de sa créance, dans les conditions prévues par le
présent Acte uniforme, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son
égard ou pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de ses droits »70.

C’est dans le même ordre d’idées que s’inscrit l’article 194, al 1er COCC : « tout
débiteur mis en demeure qui ne s'exécute pas peut y être contraint par les voies de droit ».

Sur le fondement de ces textes, il apparaît que tout créancier peut poursuivre la
réalisation forcée de son droit. Le droit à l’exécution forcée est un droit patrimonial en ce qu’il
ne s’exerce plus sur la personne du débiteur, mais plutôt sur l’actif de son patrimoine. Ainsi, un
créancier impayé a le droit de saisir les biens de son débiteur, de les faire vendre en justice, en
vue de se faire payer sur le prix de la vente.

Toutefois, le créancier ne procède pas à la saisie comme bon lui semble. Il doit respecter
les règles juridiques régissant l’exécution forcée. En effet, ce n’est pas parce qu’une personne
n’a pas exécuté son obligation, ou a fait l’objet d’une condamnation en justice qu’elle n’a plus
des droits à faire valoir.

Les agents chargés de l’exécution des titres exécutoires71 doivent donc, tout en
poursuivant la mise en œuvre de ce que le juge a ordonné, respecter les droits du condamné, de
manière à éviter tout abus qui lui serait préjudiciable72.

Lorsque pendant l’exécution il est injustement porté atteinte aux droits du débiteur
(Exemple, saisi des biens en violation de la procédure) ou lorsque le débiteur pose des actes
visant à faire échec ou obstruction aux droits du ou des créanciers saisissants (Exemple,
soustraction ou détournement des biens saisis), un litige peut naitre, occasionnant ainsi un

70
AUPSRVE, art. 28, al. 2 : « Sauf s'il s'agit d'une créance hypothécaire ou privilégiée, l'exécution est poursuivie
en premier lieu sur les biens meubles et, en cas d'insuffisance de ceux-ci, sur les immeubles ».
71
AUPSRVE, art. 33 : « Constituent des titres exécutoires :
1°) les décisions juridictionnelles revêtues de la formule exécutoire et celles qui sont exécutoires sur minute ;
2°) les actes et décisions juridictionnelles étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par
une décision juridictionnelle, non susceptibles de recours suspensif d'exécution, de l'État dans lequel ce titre est
invoqué ;
3°) les procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ;
4°) les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ;
5°) les décisions auxquelles la loi nationale de chaque État partie attache les effets d'une décision judiciaire ».
72
K. A. MUNEMEKA, Précis de droit judiciaire privé, CCEF/OHADA, Kinshasa, 2015, pp. 197-198.
16
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contentieux qualifié de «contentieux de l’exécution» parce qu’il intervient pendant ou à


l’occasion d’une procédure d’exécution forcée73. Ce contentieux peut être pénal74 ou civil75.

Les saisies ne sont pas cependant les seules voies d’exécution ; l’astreinte et, dans une
moindre mesure, les dommages et intérêts constituent des voies d’exécution. Ainsi, si
certaines saisies tendent à rendre indisponibles les biens concernés (saisie conservatoire),
d’autres ont pour finalités la vente du bien ou son attribution au créancier : ce sont les saisies à
fin d’exécution à savoir les saisies-vente, les saisies revendication et les saisies
appréhension.

Au demeurant, il apparaît que le droit des voies d’exécution se manifeste par un


ensemble de règles destinées à encadrer les modalités de recouvrement forcé de la créance. Il
est important de souligner que la portée de ces règles n’est pas identique selon que le bien saisi
est un immeuble ou un meuble. Ainsi, nous étudierons d’abord la saisie immobilière (Chapitre
1) et ensuite, les saisies mobilières (Chapitre 2). Mais auparavant, qu’il nous soit permis de
s’attarder sur quelques notions générales relatives aux voies d’exécution (Chapitre
préliminaire).

73
J.D. BAKALA DIBANSILA, La question de l’exécution des décisions de justice. Essai d’une perspective de
réforme du droit judiciaire congolais à la lumière du droit comparé, EUE, Berlin, 2012, p. 131 .
74
Le contentieux pénal de l’exécution forcée vise à réprimer les infractions commises pendant ou à l’occasion de
l’exécution forcée. C’est notamment le cas du détournement des biens saisis. La procédure de répression de ces
infractions ainsi que les peines y relatives relèvent de la législation nationale de chaque Etat-partie au traité de
l’OHADA.
75
Il est civil lorsque le litige n’a pas une nature infractionnelle. Contrairement au contentieux pénal qui ne peut
être réglé que devant une juridiction étatique, le contentieux civil lui, peut être réglé tant devant les juridictions
étatiques qu’en dehors de celles-ci. Il peut se dérouler en dehors d’une juridiction étatique lorsque les parties ont
convenu de recourir aux modes alternatifs de règlement de différends tels que l’arbitrage, la conciliation, et la
médiation.
17
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Chapitre préliminaire : Scolie sur quelques notions générales


Le présent chapitre préliminaire s’articule autour de la détermination du tribunal
compétent pour connaitre de l’exécution forcée (Section 1) et de certaines règles protectrices
du débiteur (Section 2).
Section 1 : La détermination de la juridiction compétente
Il convient d’indiquer la compétence tant matérielle que territoriale de la juridiction
visée.
Paragraphe 1 : La juridiction matériellement compétente
La question de la détermination de la juridiction matériellement compétente en la matière avait
soulevé une vive controverse, laquelle résultait de l’interprétation de l’article 49 al. 1
AUPSRVE76. La controverse sur l’interprétation de cet article avait consisté à savoir si le
législateur OHADA renvoyait au juge des référés qui est le juge classiques des urgences, ou à
un juge autonome.

Après 200177, plus précisément en 2010, la CCJA a jugé que le contentieux de l’exécution
forcée relève du juge national des référés dont l’urgence constitue une des conditions
d’intervention, sans qu’il soit besoin de spécifier si ledit juge doit statuer en tant que juge du
provisoire ou juge du contentieux de l’exécution78.

La CCJA va encore clarifier les choses en 2011 : « l’exécution forcée est confié au juge de
l’urgence qui est celui des référés et le droit applicable, notamment en cas d’appel, est l’acte
uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d’exécution et non le droit interne »79.

Il résulte de cette jurisprudence de la CCJA que le législateur uniforme n’a pas créé, comme
c’est le cas au Bénin80 ou au Cameroun81, un juge de l’exécution chargé uniquement de

76
AUPSRVE, art. 49 al. 1 : « La juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à
une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le président de la juridiction statuant en matière
d’urgence ou le magistrat délégué par lui ».
77
Arrêt n° 002 du 11 octobre 2001, époux Karnib c/ Société Générale de Banque en Côte d’Ivoire (SGBCI) : le
juge de l’exécution énoncé à l’article 49 n’est pas un juge autonome crée par l’acte uniforme ; mais plutôt le juge
statuant en matière d’urgence.
78
CCJA, arrêt n° 022/2010 du 25 mars 2010, affaire CREDIT LYONNAIS CAMEROUN SA c/Société
FRESHFOOD CAMEROUN, in OHADA code bleu, éd. Juriafrica, 2014 p. 470.
79
CCJA, arrêt n° 007/2011 du 25 août 2011, affaire Serge LEPOULTIER c/ Emile WAKIM et Csrt, in OHADA
Code bleu, Op.Cit., p. 471.
80
Loi n° 2008-7 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, et administrative, art. 579-588.
81
Loi n°2007/001 du 19 avril 2007 instituant le juge du contentieux de l’exécution et fixant les conditions de
l’exécution au Cameroun des décisions judiciaires et actes publics étrangers ainsi que les sentences arbitrales, art.
1 à 3.
18
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connaître des questions relatives à l’exécution des titres exécutoires. Il attribue la compétence
du contentieux de l’exécution au président (ou son délégué) de la juridiction à qui chacun des
Etats parties aura confié la connaissance des matières urgentes.

En droit sénégalais, la compétence semble être partagée entre d’une part, les tribunaux de
commerce et des chambres commerciales d’Appel et d’autre part, entre les TGI et TI. Il va sans
dire que la détermination de la juridiction matériellement compétente est assujettie à la nature
et au montant de la créance. Par exemple, pour les titres exécutoires autres qu’un jugement82,
si la créance est civile et que son montant est inférieur ou égal à 2.000.000 francs, c’est le
président du TI qui est compétent pour connaitre du contentieux de l’exécution forcée. Si la
créance dépasse le montant précité, c’est le président du TGI qui est compétent.

Si le titre à une nature commerciale ou sociale, c’est le président du tribunal de commerce ou


celui du tribunal du travail selon le cas qui est compétent, quel que soit le montant contenu dans
le titre dont l’exécution est contestée.

Paragraphe 2 : La juridiction territorialement compétente

L’article 49 AUPSRVE ne précise pas la compétence territoriale de la juridiction devant


connaitre du contentieux de l’exécution. Ceci laisse penser qu’il revient à chacun des Etats
membres au Traité de l’OHADA de combler ce vide législatif. En droit sénégalais, la juridiction
territorialement compétente est celle du lieu où l’exécution se poursuit.

Il convient toutefois de signaler que cette solution sénégalaise est écartée lorsque le
législateur Ohadaen a prévu le contraire. Par exemple, le contentieux de l’exécution en matière
de saisie-attribution est territorialement de la compétence de la juridiction du domicile ou du
lieu où demeure le débiteur. Si celui-ci n’a pas de domicile connu, c’est la juridiction du
domicile ou du lieu où demeure le tiers saisi qui est compétente83.

Section 2 : La protection du débiteur


Le souci de sauvegarder le débiteur dans les voies d’exécution commande que certains
biens et droits soient à l’abri des saisies (Paragraphe 1). D’autres mesures de protection de son
patrimoine sont celles qui régissent les immunités d’exécution ou de saisie (Paragraphe 1).

82
Pour les jugements et/ou les arrêts : c’est le président du tribunal de grande instance ou son délégué qui est
matériellement compétent pour connaitre du contentieux de l’exécution, à l’exception du contentieux qui résulte
de l’exécution des décisions rendues par les TI. Pour ces tribunaux, ce sont les présidents ou leurs délégués qui
sont matériellement compétents. Nous fondons cette affirmation sur la lecture combinée des articles 49 AUPSRVE
et 27, al. 3CPC.
83
AUPSRVE, art. 169.
19
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Paragraphe 1 : Les biens et droits insaisissables


C’est pour des raisons d'humanité, de dignité, de décence et même d'intérêt général que
certains biens et droits, sont exclus de la saisie et déclarés insaisissables.
Les saisies peuvent porter sur tous les biens appartenant au débiteur alors même qu'ils
seraient détenus par des tiers « sauf s'ils ont été déclarés insaisissables par la loi nationale de
chaque Etat partie »84. L'insaisissabilité, pour reprendre LEBORGNE85, est la situation
juridique d'un bien qui est exceptionnellement soustrait au droit du créancier d'agir en exécution
forcée. De façon plus prosaïque, c'est le caractère de ce qui ne peut être saisi c'est-à-dire mis
sous-main de justice.
Les biens et droits insaisissables, suivant l'article 51 AUPSRVE, « sont définis par
chacun des Etats parties ». Ce texte laisse la détermination de ces biens et droits à la discrétion
de chaque Etats parties86. Ainsi, dans la législation sénégalaise, l’article 382 CPC87 dispose :
« Sont insaisissables :
1°/ les choses déclarées insaisissables par la loi ;
2°/ les provisions alimentaires adjugées par justice ;
3°/ les sommes et objets disponibles déclarés insaisissables par le testateur ou le donateur ;
4°/ les sommes et pensions pour aliments, encore que le testament ou l’acte de donation ne les
déclare pas insaisissables ».
De cette énumération, il en ressort que, hormis les provisions alimentaires adjugées par
justice, et les sommes et pensions pour aliments, l'insaisissabilité peut résulter soit de la loi (les
biens et objets mobiliers corporels nécessaires à la vie quotidienne et au travail du débiteur et
de sa famille) soit de la volonté de l'homme (les sommes et objets disponibles déclarés
insaisissables par le testateur ou donateur). A l'opposé des autres catégories de biens
insaisissables, les créances insaisissables ne sont pas très nombreuses88. Pour l'essentiel, il
s'agit des provisions alimentaires adjugées par justice et des sommes et pensions pour aliments.

84
AUPSRVE, art. 50.
85
A. LEBORGNE, « Droit de l'exécution », Rec. Dalloz n°17, 24 avril 2008, p. 1170.
86
M. SOH, « Insaisissabilités et immunités d'exécution dans la législation OHADA ou le passe-droit de ne pas
payer ses dettes », Juridis Périodique n°51, 2002, p.91 : Ce qui ferait mentir l'uniformité de l'Acte uniforme du fait
de la disparité entre les différentes catégories des biens insaisissables définis par les différentes lois des Etas
parties.
87
Son pendant en droit camerounais c’est l’article 315 CPCC.
88
AUPSRVE, art. 52 : « Les créances insaisissables dont le montant est versé sur un compte demeurent
insaisissables ».
20
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A lire notamment :
CPC, art. 420 : « Ne peuvent être saisis:
1°/ les objets que la loi déclare immeubles par destination ;
2°/ le coucher nécessaire des saisis, ceux de leurs enfants vivant avec eux, les habits dont les saisis
sont vêtus et couverts ;
3°/ les livres relatifs à la profession du saisi jusqu’à la somme de 100.000 francs, à son choix ;
4°/ les machines et instruments servant à l’enseignement pratique ou exercice des sciences et arts,
jusqu’à concurrence de la même somme et au choix du saisi ;
5°/ les équipements des militaires, suivant l’ordonnance et le grade ;
6°/ les outils des artisans nécessaires à leurs occupations personnelles; deux animaux de traits, les
instruments agricoles, les semences et plants servant à l’exploitation du fonds de culture ;
7°/ les farines et mêmes denrées nécessaires à la consommation du saisi et de sa famille pendant un
mois; 8°/ enfin, une vache ou trois brebis ou deux chèvres, au choix du saisi, avec les pailles,
fourrages et grains nécessaires pour la litière et la nourriture desdits animaux pendant un mois ».

CT, art. L 17, al. 2 : Pour les syndicats professionnels, « Les immeubles et objets mobiliers
nécessaires à leurs réunions, à leurs bibliothèques et leurs cours d’instruction professionnels sont
insaisissables. Ils peuvent prendre l’initiative de la création de sociétés coopératives de production
ou de consommation. Ils peuvent également subventionner ces sociétés ».

Aussi, l’article 177, al. 1er AUPSRVE prévoit « Les rémunérations ne peuvent être
cédées ou saisies que dans les proportions déterminées par chaque État-partie ». En droit
sénégalais89, l’article L 131 précise que « Les portions de salaire et de pensions de retraite
soumises à prélèvements progressifs et les taux y afférents sont fixés par l’article 381 du Code
de Procédure civile90.

89
Au Cameroun, ces proportions sont définies par le décret n°94/197/PM du 9 Mai 1994 relatif aux retenues sur
salaires -pris en application des articles 75 et 76 du code de travail- dont l'article 2 fixe la quotité saisissable du
salaire et ce, en fonction du montant de celui-ci. Cette quotité correspond soit au 1/10e lorsque le salaire est
inférieur ou égal à 18.750 francs par mois, soit au 1/5 e sur la fraction supérieure à 18.750 francs et inférieure ou
égale 37.500 francs, au 1/4 sur la portion supérieure à 37.500 francs et inférieure ou égale à 75.000francs par mois,
au 1/3 de la portion supérieure à 75.000 francs et inférieure ou égale à 112.500 francs par mois. Cette quotité
équivaut à la moitié sur la portion supérieure à 112.500 et inférieure ou égale à 142.500 francs par mois et à la
totalité de la portion supérieure à 142.500 francs.
90
CPC, art. 381 : « Sous réserve de l’application des articles 75 du Code des Pensions civiles et militaires de
retraites et 86 des Pensions militaires et d’invalidité, les traitements et pensions dus par l’Etat ou toute autre
personne publique, ainsi que les salaires, ne peuvent être saisis que pour la portion ci-après: - 10% jusqu’à 20.000
francs par mois; - 20% de 20.001 à 30.000 francs par mois; - 30% de 30.001 à 100.000 francs par mois; - 40%
de 100.001 à 200.000 francs par mois; - 100% au-delà de 200.000 francs par mois.
Lorsque la saisie a pour objet soit d’obtenir le paiement des frais d’hôpital ou de clinique, soit de garantir ou
d’obtenir le remboursement des emprunts contractés pour aider à la construction, à l’achat ou à l’amélioration
d’un local à usage d’habitation principale, ils peuvent, si la portion ci-dessus est insuffisante, être, en outre,
simultanément saisis pour la portion supplémentaire ci-après: - 10% jusqu’à 20.000 francs par mois; - 20% de
20.001 à 30.000 francs par mois; - 30% de 30.001 à 100.000 francs par mois; - 40% de 100.001 à 200.000 francs
par mois.
L’assiette servant au calcul des portions indiquées aux deux alinéas ci-dessus est constituée par le traitement ou
salaire brut global avec tous les accessoires, déductions faite: - des taxes et prélèvements légaux obligatoires
retenus à la source; - des indemnités représentatives de frais; - des prestations, majorations et suppléments pour
charges de famille; - des indemnités déclarées insaisissables par les lois et règlements.
21
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La retenue visée à l’article précédent ne peut, pour chaque paie, excéder ces taux.
L’assiette servant au calcul des portions de salaire et de pensions de retraite sus visées
est constituée par le salaire brut global tel que défini par l’article L.118, compte tenu des
déductions prévues à l’article 381 du Code de Procédure civile ».
En définitive, l’AUPSRVE prescrit un certains nombres de règles que doit respecter le
créancier en vue de la sauvegarde des droits légitimes du débiteur. En d’autres mots, le
législateur OHADA n’a pas manqué de prendre en compte la situation personnelle du débiteur.
C’est en ce sens, que l’article 46 AUPSRVE précise qu’ « aucune mesure d'exécution
ne peut être effectuée un dimanche ou un jour férié si ce n'est en cas de nécessité et en vertu
d'une autorisation spéciale du président de la juridiction dans le ressort de laquelle se poursuit
l'exécution ; qu’ « aucune mesure d'exécution ne peut être commencée avant huit heures ou
après dix-huit heures, sauf en cas de nécessité avec l'autorisation de la juridiction compétente
et seulement dans les lieux qui ne servent pas à l'habitation » ; et que « la partie saisissante ne
peut, sauf nécessité constatée par la juridiction compétente, assister aux opérations de saisie ».
Le législateur OHADA a également soumis la pénétration dans un lieu servant ou non
l’habitation du débiteur à des règles rigoureuses. Pour s’en convaincre, il suffit de se référer
aux dispositions des articles 41 à 45 AUPSRVE.
Il convient maintenant de s’interroger sur les immunités d’exécution.
Paragraphe 2 : Les immunités d’exécution
L'immunité d'exécution ou immunité de saisie est également une faveur exceptionnelle
de la loi en vertu de laquelle certains débiteurs ne peuvent faire l'objet d'une exécution forcée91.
Du fait de cette immunité, les biens de ces personnes deviennent, en quelque sorte,
insaisissables92.
En effet, tandis que l'immunité est essentiellement orientée vers la personne du
bénéficiaire, l'insaisissabilité, elle, a trait aux biens. L'une aurait ainsi un caractère personnel et
l'autre un caractère réel. En outre, alors que l'insaisissabilité empêche seulement le créancier
d'aller jusqu'au bout de son droit contre le débiteur en soustrayant certains biens seulement de

Le total des prélèvements ou retenues, quelle que soit leur nature, y compris les cessions volontaires, ne peut, en
aucun cas, fût-ce pour dettes alimentaires, excéder les deux tiers du montant ainsi obtenu.
Les fonctionnaires, agents ou salariés dont la rémunération est versée à un compte courant, de dépôt, ou d’avance
pourront, nonobstant toute opposition, effectuer mensuellement des retraits dans la limite de la portion
insaisissable de leur traitement ou salaire ».
91
A.-M. H. ASSI-ESSO et Nd. DIOUF, Recouvrement des créances, Coll. Uniforme africain, coédition Juriscope,
AUF et Bruylant, 2002, n° 64.
92
M. SOH, « Insaisissabilités et immunités d'exécution dans la législation ou le passe-droit de ne pas payer ses
dettes », Juridis Périodique n° 51, 2002, p. 90.
22
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la saisie, l'immunité d'exécution, tout en mettant hors d'atteinte l'ensemble du patrimoine du


débiteur, interdit toute mesure de contrainte, conservatoire ou exécutoire à son encontre.
C'est dire que l'immunité d'exécution est une mesure assez énergique tant elle ressemble
à un bouclier93 On pourrait même dire qu'elle existe sans considération du principe le plus
essentiel du droit, celui de l'effectivité réelle des décisions de justice94 désormais garantie
fondamentale du procès équitable.
Ces clarifications faites, l'immunité d'exécution résulte de l'article 30 AUPSREV95. Ce
texte affirme ainsi le principe général de l'interdiction des voies d'exécution et des mesures
conservatoires contre les personnes qui bénéficient de l'immunité d'exécution96/97. Ce principe
admet toutefois des tempéraments98.

93
Ibid., p. 90.
94
Ibid., p. 93
95
AUPSRE, art. 30 : « L'exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui
bénéficient d'une immunité d'exécution
Toutefois, les dettes certaines, liquides et exigibles des personnes morales de droit public ou des entreprises
publiques, quelles qu'en soient la forme et la mission, donnent lieu à compensation avec les dettes également
certaines, liquides et exigibles dont quiconque sera tenues envers elles, sous réserve de réciprocité.
Les dettes des personnes et entreprises visées à l'alinéa précédent ne peuvent être considérées comme certaines
au sens des dispositions du présent article que si elles résultent d'une reconnaissance par elles de ces dettes ou
d'un titre ayant un caractère exécutoire sur le territoire de l'Etat où se situent lesdites personnes ou entreprises ».
96
Ce principe est énoncé par l'article 30 al. 1 er AUPSREV. Il en résulte que sont concernées toutes les voies
d'exécution tant conservatoires qu'exécutoires, mobilières ou immobilière de la part des créanciers contre les
personnes qui bénéficient de cette prérogative. La question controversée qui se pose alors est celle de savoir qui
en sont les bénéficiaires ce, dans la mesure où cet alinéa n'en fournit aucune liste. Mais à titre indicatif, ont été
expressément visées à l'article 30 alinéa 2 AUPSREV les personnes morales de droit public et les entreprises
publiques quelles qu'en soient la forme et la mission. Dès lors, s’il est unanimement établi en droit interne tant en
doctrine qu'en jurisprudence, que l'Etat et ses démembrements sont concernés, nous ne pouvons que nous étonner
lorsqu’une doctrine particulièrement autorisée étend le principe de l'immunité d'exécution aux sociétés d'Etat )P.-
G. POUGOUE, « Les sociétés d'Etat à l'épreuve du droit OHADA », Juridis Périodique n°65, 2006, p. 101).
Au plan international, l'immunité d'exécution profite aux Etats étrangers et à leurs services et émanations à leurs
souverains ou chefs d'Etat, à leurs agents diplomatiques, et aux hauts fonctionnaires internationaux (Voir les
conventions de Vienne du 18 Avril 1961 sur les relations diplomatiques, et du 24 Avril 1963 sur les relations
consulaires ou diverses conventions conclues sous les auspices de l'Organisation des Nations Unies ou de sa
devancière, la SDN, et tout récemment la Convention des Nations-Unies sur les immunités juridictionnelles des
Etats et de leurs biens adoptée le 2 décembre 2004).
97
KENFACK DOUAJNI (G), L'exécution forcée contre les personnes morales de droit public dans l'espace
OHADA, RCA n°18, 2002, p.2, www.ohada.com/ohadata D-08-48
98
L'AUPSREV a prévu un tempérament au principe de l'immunité d'exécution (Art. 30 al. 2 et 3 avec l’institution
de la compensation). Les autres ont été suggérées par la jurisprudence relayée par la doctrine et par d'autres textes
(voir, P.-G. POUGOUE, Op. cit., p.101 ; G. KENFACK DOUAJNI, « Les Etats de l'OHADA et la convention des
Nations-Unies sur les immunités juridictionnelles » in Penant avril-Juin 2006, pp.198-223 ; Cass., République
Islamique d'Iran et OIATE c/Société Framatone, 20 mars 1989 ; Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les
relations diplomatiques s'agissant des Etats étrangers, art. 31 al. 3).

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A lire
Note de jurisprudence à propos de CCJA, 3e Ch., n°103/2018, 26 avril 2018
Par Emmanuel Douglas FOTSO
Docteur en droit
ATER - Université Paris 13
Le revirement était attendu, il est là ! La CCJA vient d’opérer un revirement sur la question de
l’immunité d’exécution des entreprises publiques. On se rappelle de cette jurisprudence contestée par
laquelle la haute juridiction communautaire avait jugé, en application de l’article 30 de l’AUPSRVE,
que l’entreprise publique bénéficie de l’immunité d’exécution même si elle est constituée sous forme
de personne morale de droit privé (CCJA, 1ère Ch., n°43/2015, 7 juillet 2005).
La doctrine avait très vite critiqué cette jurisprudence en relevant que l’impossibilité pour les
investisseurs de contraindre les entreprises publiques au paiement de leurs dettes devait être un facteur
de réticence pour les investisseurs à s’installer dans l’espace OHADA (F. ONANA ETOUNDI,
L’immunité d’exécution des personnes morales de droit public et ses applications jurisprudentielles
en droit OHADA, Revue de droit uniforme africain, n°000- 09/08/2010 ; Ohadata D-13-55).
Le législateur de l’OHADA avait même été invité à réécrire l’article 30 de l’AUPSRVE qui entretient
une confusion manifeste entre les notions d’entreprises publiques et établissements publics. Ainsi,
selon le Professeur SAWADOGO, seuls ces derniers devraient bénéficier de l’immunité d’exécution.
Quant aux entreprises publiques, elles devraient être soumises aux voies d’exécution dès lors qu’elles
sont constituées sous la forme d’une personne morale de droit privé (F. M. SAWADOGO, La question
de la saisissabilité ou de l’insaisissabilité des biens des entreprises publiques en droit OHADA, D-
07-16).
En dépit des critiques, la haute juridiction était restée fidèle à sa jurisprudence. Ainsi elle a jugé qu’en
application de l’article 30 de l’AUPSRVE, les entreprises publiques quelles qu’en soient la forme et
la mission échappent à l’exécution forcée et aux mesures conservatoires (CCJA, 2e Ch., n°09/2014, 4
février 2014). Des sociétés détenues intégralement par l’État (Cas de la société FER en Côte d'Ivoire:
CCJA, 1ère Ch., n°44/2016, 18 mars 2016) tout comme des sociétés d’économie mixte (Cas de AES
Sonel Cameroun : CCJA, Ass. Plén., n°105/2014, 4 novembre 2014), toutes constituées sous forme
de sociétés commerciales ont également été qualifiées d’entreprises publiques par la CCJA qui leur a
reconnu l’immunité d’exécution. La haute juridiction a même jugé que l’immunité d’exécution devait
être reconnue à l’entreprise publique constituée sous forme de société commerciale même si la
législation nationale la soumettait au droit privé (Cas du Port autonome de Lomé : CCJA, 3e Ch.,
n°24/2014, 13 mars 2014).
La CCJA vient d’abandonner cette position rigide dans son arrêt n°103/2018 du 26 avril 2018.
En l’espèce, un créancier a fait pratiquer des saisies sur des biens appartenant à la société anonyme
dite société des Grands Hôtels du Congo. Sur contestation de cette dernière, les juridictions
congolaises ont ordonné la mainlevée de la saisie au motif que le débiteur saisi bénéficie de
l’immunité d’exécution. Les juridictions congolaises fondent ainsi leur décision sur l’article 30 de
l’AUPSRVE selon lequel l'exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux
personnes qui bénéficient d'une immunité d'exécution.
C’est contre cette solution, pourtant conforme à la jurisprudence traditionnelle de la CCJA, que le
pourvoi est introduit devant la CCJA. Il est reproché aux juges du fond de qualifier la société des
Grands Hôtels du Congo d’entreprise publique alors même qu’elle est une société d’économie mixte
constituée sous forme de société anonyme et dont le capital est réparti entre les personnes privées et
l’État.
L’affaire donne l’occasion à la CCJA de revenir sur sa jurisprudence concernant l’immunité
d’exécution des entreprises publiques. Elle relève dans l’arrêt commenté qu’une entreprise publique
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ne peut bénéficier de l’immunité d’exécution dès lors qu’elle est d’économie mixte et constituée
sous forme de personne morale de droit privé. Il faudrait donc désormais distinguer entre
entreprises publiques de droit privé et entreprises publiques de droit public, seules ces dernières
bénéficiant de l’immunité d’exécution. Quant aux entreprises publiques de droit privé, elles seront
désormais soumises aux voies d’exécution même si on peut hésiter quant au régime applicable à celles
d’entre elles dont le capital est détenu intégralement par l’État et ses démembrements. Le simple fait
qu’elles soient constituées sous forme de droit privé suffit-il à les soumettre aux voies d’exécution ?
L’arrêt ne répond pas avec certitude à la question mais il semble bien cohérent que l’option pour une
forme privée emporte application du droit privé et donc des voies d’exécution.
Quoi qu’il en soit, l’évolution jurisprudentielle amorcée par la Cour devrait conduire à un peu plus
de sérénité dans les milieux d’affaires de l’espace OHADA où l’immunité d’exécution et sa
conception extensive par la CCJA avaient été perçues comme un risque juridique qui, prise à l’absolu,
pouvait freiner le développement des relations d’affaires entre les personnes publiques et les tiers
(ARMEL IBONO Ulrich, « L’immunité d’exécution des personnes morales de droit public à
l’épreuve de la pratique en droit OHADA », Revue de l’ERSUMA : Droit des affaires - Pratique
Professionnelle, N° 3 - Septembre 2013, Doctrine).

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Chapitre 1 : La saisie immobilière


La saisie immobilière est la voie d'exécution forcée par laquelle, un créancier muni d'un titre
exécutoire constatant une créance certaine, liquide et exigible fait placer sous-main de justice
un ou plusieurs immeubles qui appartiennent à son débiteur, en vue de les vendre pour se faire
payer sur le prix. Cette vente a, généralement, lieu devant la barre du tribunal, mais elle peut se
faire en l’étude d’un notaire99.

La saisie immobilière se traduit alors par une expropriation forcée de l’immeuble ou des
immeubles du débiteur ou d’immeubles affectés à la garantie de la créance (cautionnement
hypothécaire). Ainsi discuter de son régime juridique revient à mettre l’accent sur les formalités
de la saisie (Section 1) et les effets de la saisie (Section 2).

Section 1 : Les formalités de la saisie immobilière

Cette procédure de vente au regard des dispositions de l'article 246 l’AUPSRVE est soumise à
des formalités obligatoires, auxquelles les parties ne peuvent déroger par voie contractuelle100.
Ces formalités obligatoires sont réunies autour de deux grandes étapes de la procédure : les
conditions d'ouverture de la saisie (Paragraphe 1) et la procédure de la saisie (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les conditions d'ouverture de la saisie immobilière

La saisie immobilière obéit aux règles générales en matière de saisie exécution. C'est dans ce
sens que l'article 247 AUPSRVE dispose que : « la vente forcée d'immeuble ne peut être
poursuivie qu'en vertu de titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible ». De
même, l’article 253 AUPSRVE prévoit que si l'immeuble n'est pas immatriculé et si la loi
nationale l'exige, l'immatriculation devient une phase obligatoire101. L'analyse conjuguée de ces
deux textes permet de cerner les conditions relatives au bien saisi et aux personnes impliquées
dans la saisie. Ces conditions constituent des préalables à l'acte de saisie.

99
AUPSRVE, Art. 237-3.
100
Les organes qui interviennent dans la procédure de la vente forcée de l'immeuble ? Le domaine de l'exécution
des titres exécutoire relève du monopole de l’huissier ou de l'agent d'exécution (la notification des actes, l'exécution
des décisions de justice et des titres exécutoires), le juge n'intervient qu'en cas d'incident (AUPSRVE, Art. 248) et
le notaire.
101
AUPSRVE, Art. 253 : « Si les immeubles devant faire l’objet de la poursuite ne sont pas immatriculés et si la
législation nationale prévoit une telle immatriculation, le créancier est tenu de requérir l’immatriculation à la
conservation foncière après y avoir été autorisé par décision du président de la juridiction compétente de la
situation des biens, rendue sur requête et non susceptible de recours.
A peine de nullité, le commandement visé à l’article 254 ci-après ne peut être signifié qu’après le dépôt de la
réquisition d’immatriculation et la vente ne peut avoir lieu qu’après la délivrance du titre foncier ».
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A. Les conditions préalables à la saisie

Elles sont différentes des règles de procédure contenues dans l'opération de saisie immobilière.
Elles constituent la première étape à franchir avant toute procédure de saisie immobilière. Elles
sont liées à la créance, à son support, à l'immeuble objet de la saisie.

L'exigence d'un titre exécutoire102. Aux termes de l'article 247, al. 1 AUPSRVE, le créancier
poursuivant ne peut faire vendre les biens de son débiteur que lorsqu'il détient un titre
exécutoire. Celui-ci fixe l'étendue des obligations du débiteur, et l'importance des droits du
créancier. Il ne peut faire l'objet d'aucune modification. L'alinéa 2 de l'article 247 AUPSRVE a
apporté un assouplissement au principe posé. Il admet que le créancier peut poursuivre
également son débiteur en vertu d'un titre exécutoire par provision, ou même pour une créance
en espèce non encore liquidée. Mais l'adjudication ne peut être effectuée qu'en vertu d'un titre
définitivement exécutoire et après liquidation de la créance. Il faut remarquer que les deux
aspects (le titre exécutoire par provision et la créance non encore liquidée) se rejoignent. En
effet, la créance liquidée ou non liquidée doit avoir comme support un titre exécutoire.

Les conditions relatives au bien saisi. Il doit s’agir d’un immeuble appartenant au saisi. Le
législateur OHADA, par souci de simplicité n’a pas voulu reprendre les dispositions prévues
par le code Civil français103 ; ainsi, peu importe qu'il s'agisse d'un immeuble par nature104ou par
l’objet auquel ils s’appliquent. On pourrait adjoindre à la liste les immeubles par destination105
du fait du silence du législateur, mais leur cas est incertain.

La saisie immobilière ne peut être poursuivie par les créanciers chirographaires lorsque le
débiteur présente des biens meubles dont la saisie serait suffisant pour désintéresser le créancier.

102
On peut s'interroger sur le sens que l'AUPSRVE donne au «titre définitivement exécutoire». Est-ce qu'il vise un
titre exécutoire par exemple un jugement définitif ou un arrêt d'une Cour d'Appel ou bien est -ce qu'il est question
par exemple de jugement ou arrêt passés en force de chose jugée? Pour notre part, le titre exécutoire s'entend de
tous les jugements et arrêts, ordonnances juridictionnelles rendus par les juridictions et revêtus de la formule
exécutoire. Le titre exécutoire peut aussi être un acte administratif, un acte notarié ayant acquis force exécutoire.
On peut énumérer cinq différents types de titres exécutoires : 1- Les décisions juridictionnelles ayant force
exécutoire qui ont été régulièrement signifiées, sauf lorsqu'elles sont exécutoires sur minute ; 2- Les actes et
jugements étrangers, ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par décision juridictionnelle non
susceptible de recours suspensif d'exécution 3- Les procès -verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ;
4- Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ; 5- Les décisions auxquelles la loi attache les effets d'un
jugement c’est-à-dire es actes administratifs qui ont un caractère exécutoire.
103
Code civil français, Arts. 2204 à 2217.
104
La saisie brandon est la saisie des récoltes opérées au moins six (06) semaines avant la récolte c’est-à-dire avant
leur maturité. Ils deviennent alors des meubles par anticipation après. Pour apprécier la maturité de ces fruits, c’est
à la date de la saisie qu’il faut se placer. La maturité est l’état d’un fruit mûr alors que la maturation est le processus
menant au développement complet d’un phénomène, à la plénitude d’une faculté.
105
Sans qu'il soit besoin de les désigner dans le procès -verbal de saisie. Sens contraire ? Voir D. 1951 Chr. 41
12F 1979 D 1979 354 notes Derrida.
27
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Toutefois, le droit OHADA restreint dans trois (3) cas la saisie106 : l'immeuble constituant une
propriété co-indivisaire107, l'immeuble grevé d'une hypothèque108 et les immeubles situés dans
le ressort de plusieurs juridictions109. Également, sont cités les droits réels immobiliers110.

L'immatriculation préalable. Comme précédemment précisé, si les immeubles devant faire


l'objet des poursuites ne sont pas immatriculés et si la législation nationale prévoit une telle
immatriculation, le créancier est tenu de requérir l'immatriculation à la conservation foncière
après y avoir été autorisé par décision du Président du Tribunal de Grande Instance du lieu de
la situation des biens111.

A peine de nullité, le commandement ne peut être signifié qu’après le dépôt de la réquisition


d’immatriculation et la vente ne peut avoir lieu qu’après la délivrance du titre foncier112.

B. Les conditions relatives au saisi

Le principe général en matière de saisie est que la chose objet de la saisie doit appartenir au
débiteur. Mais dans le cas de la saisie immobilière, il peut en être autrement en ce que les
créanciers hypothécaires et privilégiés peuvent saisir l'immeuble et le faire vendre entre

106
AUPSRVE, Arts. 249 à 252.
107
Le cas est prévu à l'article 249 de l'Acte Uniforme. Ce texte stipule que: « la part indivise d'un immeuble ne
peut être mise en vente avant le partage ou la licitation que peuvent provoquer les créanciers d'un indivisaire».
Cette limitation est fort compréhensible dans la mesure où l'immeuble co-indivisaire n'appartient au seul créancier,
mais est la propriété de l'ensemble des co-indivisaires. On ne peut donc saisir un bien appartenant à autrui, une
telle saisie est sanctionnée par la nullité.
108
AUPSRVE, Art. 251 : « le créancier ne peut poursuivre la vente des immeubles qui ne lui sont pas hypothéqués
que dans le cas d'insuffisance des immeubles qui lui sont hypothéqués, sauf si l'ensemble de ces biens constitue
une seule et même exploitation et si le débiteur le requiert». Cette restriction est une juste application des règles
de garantie. Il faut que le créancier réalise d'abord la garantie? Si les revenus de la vente sont insuffisants pour
honorer la créance, alors il procède maintenant à d'autres Saisies.
109
AUPSRVE, Art. 252 : « La vente forcée des immeubles situés dans les ressorts de juridictions différentes ne
peut être poursuivie que successivement. Toutefois, et sans préjudice des dispositions de l’article 251 ci-dessus,
elle peut être poursuivie simultanément :  1° lorsque les immeubles font partie d’une seule et même exploitation
;  2° après autorisation du président de la juridiction compétente lorsque la valeur des immeubles situés dans
un même ressort est inférieure au total des sommes dues tant au créancier saisissant qu’aux créanciers inscrits.
L’autorisation peut concerner tout ou partie des biens ». Ceci étant dit, Le législateur OHADA protège les intérêts
du débiteur. Ainsi, il faut éviter d'immobiliser l'essentiel de ses biens immobiliers pour une créance de moindre
valeur (AUPSRVE, Art. 264) ; les revenus nets et libres des immeubles pendant deux ans sont suffisants pour
payer la créance (AUPSRVE, Art. 265) ; l'initiation d'une procédure collective entraîne la suspension des
poursuites (AUPC, Art. 8).
110
Ces derniers confèrent à leur titulaire des prérogatives sur un immeuble appartenant à autrui. Il s’agit du bail
emphytéotique qui est une location de très longue durée consentie par une personne publique sur un immeuble.
On a également l’usufruit immobilier et enfin le droit de superficie qui permet à une personne appelée superficiaire
d’user et de tirer les fruits de la surface d’un terrain alors que les droits sur le sous-sol sont détenus par une autre
personne appelée tréfoncier.
111
AUPSRVE, Art. 253 al 1.
112
AUPSRVE, Art. 253 al 2.
28
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quelques mains qu'il se trouve en vertu de leur droit de suite. La saisie immobilière peut donc
être pratiquée soit entre les mains du débiteur, soit entre les mains du tiers.

Le débiteur. Lorsque la saisie est dirigée contre un immeuble du débiteur, on est dans la
situation la plus simple. Une difficulté surgit cependant lorsque l’immeuble est en indivision
c'est-à-dire qu’il appartient en commun à plusieurs personnes. Le créancier ne peut saisir alors
l’immeuble que s’il provoque le partage ou la liquidation113. Il n’aura pas besoin cependant de
le faire lorsque son droit de créance est antérieur à l’indivision114.

La caution réelle. La saisie peut être dirigée contre la caution réelle précisément la caution
hypothécaire, c'est-à-dire la personne qui s’était engagée à suppléer la défaillance du débiteur
en donnant un de ses immeubles en garantie.

Le tiers acquéreur de l’immeuble. La saisie peut être pratiquée contre le tiers acquéreur de
l’immeuble c'est-à-dire celui à qui l’immeuble a été vendu par le débiteur ou la caution
hypothécaire. Seul le créancier hypothécaire, c'est-à-dire celui qui avait constitué une
hypothèque sur l’immeuble peut la saisir entre les mains du tiers acquéreur. Le créancier
hypothécaire met ainsi en œuvre son droit de suite115.

Ces conditions remplies, le créancier peut maintenant engager la procédure de la saisie


proprement dite.

Paragraphe 2 : La procédure de la saisie immobilière

Le créancier poursuivant doit accomplir un certain nombre d’actes dont l’effet est le placement
de l’immeuble sous-main de justice. La procédure commence par un commandement aux fins
de saisie qui doit être signifié et ne produit de ses effets qu’après publication. L’ensemble des
actes de la procédure peut se résumer en deux grandes étapes : la saisie proprement dite et la
vente de l'immeuble.

A. La saisie proprement dite

Le contenu et la signification du commandement. Le commandement est une interpellation


faite au débiteur par voie extrajudiciaire, l’avertissant que faute de paiement dans un délai de

113
AUPSRVE, Art. 249 : « La part indivise d’un immeuble ne peut être mise en vente avant le partage ou la
liquidation que peuvent provoquer les créanciers d’un indivisaire ».
114
C’est le cas notamment lorsque la créance était sur la tête du de cujus (ex. : le père).
115
En analyse inverse le créancier chirographaire ne saurait saisir l’immeuble des mains du tiers acquéreur car il
n’a pas de droit de suite. Toutefois, il peut utiliser l’action paulienne, Art. 205 Cocc.al. 1 : « Le créancier peut
agir en révocation des actes frauduleux par lesquels son débiteur lui porte préjudice après la naissance de sa
créance. ».
29
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20 jours, l’immeuble sera saisie et vendue116. Le commandement doit contenir un certain


nombre de mentions obligatoires parmi lesquelles : la reproduction ou la copie des titres
exécutoires ; l’indication de la juridiction où l’expropriation sera poursuivie ; la constitution de
l’avocat chez qui le créancier a élit domicile, etc.

Le commandement doit être signifié au débiteur et au tiers détenteur de l’immeuble117.


L’immeuble ne peut être saisi entre les mains du tiers détenteur que si le créancier dispose d’un
droit de suite (hypothèque). Lorsque c’est le cas, le tiers détenteur a trois possibilités : délaisser
l’immeuble c'est-à-dire sortir et permettre la saisie ; payer intégralement la dette du débiteur et
conserver l’immeuble ; refuser de sortir et subir l’expropriation forcée.

La poursuite initiée par le créancier est rendue plus difficile par le fait que la jurisprudence
retient souvent que la signification du commandement doit être faite à personne c'est-à-dire
main à main.

La publication du commandement118. C'est une formalité administrative importante. Elle


informe le débiteur tout comme les tiers de la procédure de saisie immobilière. Elle se fait au
niveau du Livre foncier dans un délai de 3 mois à compter de la signification. Le Livre foncier
est un service de l’administration des domaines où sont répertoriés tous les immeubles
immatriculés au Sénégal c'est-à-dire ceux ayant un propriétaire bien identifié. On exclut les
immeubles non immatriculés, les terres du domaine national.

S’agissant des terres de l’Etat sur lesquelles un droit réel immobilier a été consenti, la publicité
est effectuée par les soins de l’autorité administrative. Lorsque le débiteur ne s’exécute pas dans
un délai de 20 jours contenu dans le commandement, la transcription du commandement à la
conservation foncière vaut saisie119.

La publication du commandement aux fins de saisie a comme principal effet d’interdire au


débiteur120 tout acte d’aliénation de l’immeuble ou de consentir des droits réels à des tiers ou
encore des sûretés sur l’immeuble. Ainsi, les fruits de l’immeuble121, à compter du
commandement, sont immobilisés et serviront à désintéresser les créanciers. Le saisi continu
cependant à administrer l’immeuble sauf opposition des créanciers.

116
AUPSRVE, Art.254, al. 1.
117
Il peut s’agir du tiers acquéreur ou de l’héritier de l’immeuble.
118
Elle est réglementée par les articles 239 à 261 AUPSRVV.
119
AUPSRVE, Art. 262 al. 1.
120
AUPSRVE, art. 262 al. 2.
121
Par exemple, le loyer ou le prix de vente de la récolte.
30
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B. La préparation de la vente

L'objectif recherché dans la saisie immobilière c'est la vente de l'immeuble saisi. Cette vente
est préparée à travers un ensemble de procédures, de formalités. C'est la partie la plus délicate.
Elle comprend plusieurs étapes toutes importantes: la rédaction et le dépôt du cahier des
charges ; la sommation de prendre communication du cahier des charges ; l'audience
éventuelle ; la publicité en vue de la vente

La rédaction et le dépôt du cahier des charges. Il faut l’établissement d’un cahier des
charges122. Le cahier des charges qui contient les conditions de la vente est établi par l’avocat
du créancier poursuivant. Il contient entre autres la date de la vente et la mise à prix, le minimal
de vente de l’immeuble. Ce prix ne peut être inférieur au 1/4 de la valeur vénale de l’immeuble.
Ce cahier est, ensuite, déposé au greffe du tribunal. Cette formalité présente une importance par
rapport au délai et par rapport au juge compétent. L'article 266 a1 2 de l’AUPRSVE précise que
le dépôt est effectué dans le ressort du tribunal où se trouve l'immeuble dans un délai maximum
de cinquante (50) jours à compter de la publication du commandement.

La sommation de prendre communication du cahier des charges. Le dépôt est suivi de la


sommation faite au débiteur ou au saisi ainsi qu’aux créanciers inscrits (titulaires d’une sûreté
publiée) afin d’en prendre connaissance. Cette sommation n’est pas faite aux créanciers
chirographaires et aux créanciers non-inscrits (ceux qui n’ont pas fait publier leur sûreté).

L'audience éventuelle. Elle a pour objectif de trancher les contestations, de purger les nullités.
La sommation qui fixe le jour et l'heure de l'audience éventuelle, ne peut retenir une date à
moins de 30 jours après la dernière sommation. Quant aux dires et observations, ils sont jugés
après échange de conclusions dans le respect du principe du contradictoire.

Le Tribunal de Grande Instance prend toutes les décisions qui s'imposent à l'audience
éventuelle. Il peut ordonner d'office la distraction de certains biens saisis, lorsqu'il constate que
la valeur globale apparaît disproportionnée par rapport au montant de la créance ou modifier le
montant de la mise à prix s'il apparaît inférieur au quart de la valeur vénale de l'immeuble. De
même, il tranche les incidences de la saisie.

122
Le cahier des charges par définition est un projet de vente minutieusement préparé par l'avocat du créancier
poursuivant pour être soumis aux parties à la procédure de saisie immobilière. En tant que projet de vente, le cahier
des charges précise les conditions et les modalités de la vente de l'immeuble saisi. Il est soumis à des conditions
de forme et de fond prévues à l'article 267 AUPRSVE.
31
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Les incidences sont les contestations nées de la procédure ou qui s’y référent directement et qui
sont de nature à exercer une influence immédiate et directe sur la saisie. On note :

- La jonction des poursuites qui permet à un créancier autre que le poursuivant de se


joindre aux poursuites en mentionnant un nouveau commandement en marge du
premier. Dans cette hypothèse de pluralité de saisies, les poursuites sont dirigées par le
premier poursuivant mais les autres peuvent se faire subroger à ce dernier en cas
de collusion, fraude, négligence, ou toute autre cause de retard imputable au saisissant.

- La demande en distraction est aussi un incident. Par elle, un tiers se prétend propriétaire
de l’immeuble et tente de le soustraire de la vente.

- Les demandes en annulation qui sont les incidents les plus fréquents. Elles peuvent être
fondées sur une violation des règles de fond ou de forme.

Les parties sont informées de l'intention du Tribunal, qui les invite à présenter leurs
observations dans un délai maximum de cinq (5) jours.
La publicité en vue de la vente. Elle est réglementée par les articles 276 à 279 AUPSRVE. La
publicité en vue de la vente se fait par un extrait du projet de vente c'est à dire du cahier des
charges. C'est cet extrait qui est publié par insertion dans un journal d'annonces légales et par
apposition de placard à la porte du domicile du saisi, de la juridiction compétente ou du notaire
convenu. En pratique, l'apposition des placards se fait à la juridiction saisie123. L'extrait du
cahier des charges soumis à la publicité contient, à peine de nullité, les termes de l'article 277
AUPSRVE.

Section 2 : Les effets de la saisie immobilière


Lorsque toutes les formalités préparatoires en vue de la vente sont régulièrement accomplies,
le Tribunal saisi procède alors à la vente de l'immeuble suivant une procédure particulière. Cette
vente peut se réaliser par l'adjudication ou par la surenchère. Dans tous les cas, elle est faite sur
réquisition de l'avocat poursuivant et aux enchères publiques.

Paragraphe 1 : L'adjudication de l’immeuble

Trente (30) jours au moins et soixante (60) jours au plus après l’audience éventuelle, se tient
l’audience d’adjudication au cours de laquelle l’immeuble est attribué au plus offrant. Elle a
lieu aux enchères publiques et à la barre du Tribunal ou en l'étude du notaire convenu. Les
enchères sont des offres successives et de plus en plus élevées présentées par tous ceux qui

123
Les notaires sont compétents en matière de vente d'immeuble sur saisie.
32
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désirent acquérir l'immeuble124. Celui qui fait l'offre la plus importante est déclaré adjudicataire.
L’absence d’enchère, c'est-à-dire d’offres d’achat, conduit à adjuger l’immeuble au créancier
poursuivant mais ce dernier a la possibilité de demander la remise de l’adjudication à une autre
audience et sur une nouvelle mise à prix.

Lorsque l’immeuble est adjugé au créancier poursuivant, ce dernier n’est tenu de payer que :
les frais et le montant du prix d’adjudication excédant sa créance. Par exemple, si le montant
de sa créance est de 10.000.000 F CFA et que le prix de l’adjudication est de 11.500.000 F
CFA, il ne sera tenu de payer que les frais et 1.500.000 F CFA. Il en est ainsi lorsqu’il est le
seul créancier inscrit ou privilégié. Au contraire, il a l’obligation de verser la totalité du prix
de l’adjudication.

Il arrive que l’adjudicataire ne respecte pas ses obligations dont la plus importante est le
paiement du prix. On dit dans ce cas qu’il y a folle enchère. Ce qui provoque une nouvelle vente
de l’immeuble.

Il faut noter toutefois que l’adjudicataire qui n’exécute pas son obligation de payer le prix est
sanctionné dans la mesure où s’il y a nouvel enchère et que le prix est inférieur à celui qu’il
devait payer. Ce faisant, il se verra obligé d’en régler la différence, ce qui veut dire qu’en fin
de compte on atteindra le prix initialement proposé par l’adjudicataire.

Lorsque l’immeuble a été adjugé, toute personne peut, dans le délai de 10 jours suivant
l’adjudication, acquérir l’immeuble en faisant une surenchère qui ne peut cependant être
inférieure au 1/10 du prix de vente de l’immeuble.

Paragraphe 2 : La distribution du prix de vente

L’adjudicataire de l’immeuble peut être un tiers ou le créancier poursuivant lorsqu’il n’y a pas
eu d’enchères lors de la vente. Cet adjudicataire procède au dépôt de l’expédition de
l’adjudication à la conservation foncière (administration des domaines). Ce dépôt provoque la

124
La procédure des enchères est assez complexe avec un système de bougie. L'article 283 AUPSRVE décrit le
déroulement de la procédure. Avant l'ouverture des enchères, il est préparé des bougies de manière que chacune
d'elles ait une durée d'environ une minute. A l'ouverture des enchères, le Tribunal allume une bougie d'une durée
environ une minute. Si pendant la durée d'une bougie il survient une enchère, cette enchère ne devient définitive
et n'entraîne l'adjudication que s'il n'en survient pas une nouvelle avant l'extinction de deux bougies. S'il ne
survient pas d'enchère après que l'on ait allumé successivement trois bougies, le poursuivant est déclaré
adjudicataire. Pour la mise à prix, à moins qu'il ne demande la remise de l'adjudication à une autre audience sur
une nouvelle mise à prix. Dans ces conditions le créancier poursuivant devra réitérer toutes les formalités de
publicité. L'adjudication peut être remise pour causes graves et légitimes par décision judiciaire rendue sur requête
déposée cinq (5) jours au moins avant le jour fixé pour la vente. La décision judiciaire ainsi rendue n'est susceptible
d'aucun recours sauf si elle est rendue en violation du délai de 5 jours. Aux termes de l'article 284 AUPSRVE, les
avocats ne peuvent enchérir pour les membres du Tribunal compétent ou de l'étude du notaire devant laquelle se
poursuit la vente, à peine de nullité de l'adjudication ou de la surenchère et de dommages et intérêts. Les avocats
ne peuvent enchérir pour le Saisi Dl pour les personnes notoirement insolvables, ni pour eux-mêmes.
33
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radiation de toutes les hypothèques et privilèges inscrits qui se trouvent ainsi purgés par la
vente125. Cette radiation a pour effet de déplacer les droits des autres créanciers sur le prix
adjugé. Le créancier poursuivant entre ainsi en concurrence avec les autres créanciers qui
disposent d’une hypothèque ou d’un privilège ainsi que les créanciers chirographaires qui
s’étaient joints à la poursuite.

Le prix de la vente de l’immeuble doit servir à désintéresser le ou les créanciers126 selon un


ordre établi par la loi. La distribution du prix, qui est l’opération par laquelle le juge désintéresse
les créanciers en les payant, est réglementée par l’Acte uniforme portant organisation des
sûretés (AUS) adopté le 15 décembre 2010. A cet effet, il suffit de se référer aux dispositions
de l’article 225 AUS précisant l’ordre des paiements des créanciers sur les deniers provenant
de la réalisation de l’immeuble127

125
AUPSRVE, Art. 294.
126
En cas d'un seul créancier, Voir AUPSRVE, Art. 324 ; en cas de plusieurs créanciers, la répartition se fait
suivant deux procédés : la répartition consensuelle ou la répartition judiciaire.
127
Les deniers provenant de la réalisation des immeubles sont distribués dans l’ordre suivant :  1° aux créanciers
des frais de justice engagés pour parvenir à la réalisation du bien vendu et à la distribution elle-même du prix ; 
2° aux créanciers de salaires super privilégiés ;  3° aux créanciers titulaires d’une hypothèque conventionnelle
ou forcée et aux créanciers séparatistes inscrits dans le délai légal, chacun selon le rang de son inscription au
registre de la publicité immobilière ;  4° aux créanciers munis d’un privilège général soumis à publicité chacun
selon le rang de son inscription au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier ;  5° aux créanciers munis d’un
privilège général non soumis à publicité selon l’ordre établi par l’article 180 du présent Acte uniforme ;  6° aux
créanciers chirographaires munis d’un titre exécutoire lorsqu’ils sont intervenus par voie de saisie ou d’opposition
à la procédure. En cas d’insuffisance de deniers pour désintéresser les créanciers désignés aux 1), 2), 5) et 6) du
présent article venant à rang égal, ceux-ci concourent à la distribution dans la proportion de leurs créances totales,
au marc le franc.
34
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Chapitre 2 : La saisie mobilière

Elle a la particularité de porter sur des biens meubles. La loi uniforme établie des règles qui
diffèrent selon la finalité de la saisie. Certaines saisies ne sont effectuées par le créancier que
pour prévenir le non-paiement de la dette et ses conséquences. Elles sont faites à titre
conservatoire. D’autres saisies visent la vente de biens pour permettre au créancier de se
désintéresser sur le prix. Ce sont les saisies-ventes. Il arrive aussi que le créancier se fasse
attribuer ou céder une créance appartenant au débiteur par l’effet de la saisie, on parle de saisie
de créances. Enfin, lorsque le saisissant poursuit la remise ou la restitution d’un bien meuble
corporel, la qualification retenue est la saisie appréhension.

Cependant, seules les saisies mobilières conservatoires (Section 1) et les saisies ventes seront
étudiées (Section 2)

Section 1 : Les saisies mobilières conservatoires

Elles peuvent être considérées comme des mesures de précaution que le créancier prend en vue
de se prémunir contre l’insolvabilité de son débiteur. Par la saisie conservatoire, un bien meuble
du débiteur va être mis à la disposition du créancier et sera conservé au profit de ce dernier. Les
dispositions applicables aux saisies conservatoires sont différentes selon que la saisie concerne
un bien corporel ou un bien incorporel.

Il existe des conditions générales à toutes les saisies conservatoires et des conditions spéciales
(Paragraphe 1) aux différentes saisies conservatoires (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les règles communes à toutes les saisies conservatoires

La saisie conservatoire n’est pas une saisie à fin d’exécution, c’est une mesure de précaution.
Prenant appui sur cet état de fait, le législateur est moins sévère en ce qui concerne les
conditions de mise en œuvre128. Une créance simplement fondée dans son principe et l’existence
de circonstances de nature à en menacer le recouvrement, suffisent pour solliciter une telle
mesure129. En plus, son recouvrement doit être en péril, menacé par une éventuelle insolvabilité
du débiteur dont l’appréciation est laissée à la discrétion des juges (difficultés financières,
oisiveté, intempérance). La créance n’a pas besoin d’être constatée par un titre exécutoire même
si le créancier doit en apporter la preuve par exemple par acte authentique ou sous seing privé.

128
Ainsi, l’exigence d’une créance liquide, certaine et exigible étudiée pour la saisie immobilière n’existe pas pour
les saisies mobilière conservatoires.
129
Cela signifie que la créance doit être vraisemblable.
35
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Lorsque le créancier ne dispose pas d’un titre exécutoire, une autorisation judiciaire est
nécessaire pour la poursuite de la saisie. La demande d’autorisation est faite par voie de requête
c’est à dire par une procédure non contradictoire, le créancier n’étant pas tenu d’assigner le
débiteur. La décision autorisant la saisie est susceptible d’appel dans un délai de 15 jours à
compter de son prononcé.

Le débiteur saisi peut demander la mainlevée de la saisie qui aura pour conséquence de
supprimer tous les effets de la saisie pour violation d’une condition de fond ou de forme.
Lorsque la saisie a été régulièrement faite, la mainlevée est impossible. Le débiteur peut
cependant agir en réduction ou en cantonnement de la saisie. Par l’action en réduction, le
débiteur sollicite l’abaissement de la somme constituant la créance alors que par l’action en
cantonnement il demande la soustraction de certains biens de l’assiette de la saisie (penser à
l’action en revendication et à l’action en distraction).

Paragraphe 2 : Les règles spécifiques aux différentes saisies conservatoires

Ces règles diffèrent selon que la saisie porte sur un bien meuble corporel ou un bien meuble
incorporel.

La saisie conservatoire des biens meubles corporels. Lorsque le débiteur est présent,
l’huissier ou l’agent d’exécution doit lui réitérer verbalement la demande de paiement. Si le
débiteur ne s’exécute pas, un procès-verbal de saisie est établi pour valoir saisie. Ce procès-
verbal doit contenir, à peine de nullité, 10 mentions dont la désignation détaillée des biens saisis
et l’avertissement que les biens saisis sont placés sous la garde du débiteur ou d’un tiers désigné
d’accord partie ou par le juge130.

Ces biens ne peuvent être ni déplacés ni aliénés à compter de la signification de l’exploit de


saisie au débiteur131. La violation de cette obligation par le débiteur rend l’acte d’aliénation
inopposable au créancier. La saisie conservatoire des biens meubles corporels peut être
pratiquée entre les mains d’un tiers détenteur d’un bien du débiteur (emprunteur, dépositaire,
réparateur, etc.). Elle nécessite alors une autorisation supplémentaire du juge lorsque les biens
en question sont situés dans les locaux d’habitation du tiers détenteur132.

130
AUPSRVE, Art. 64.
131
La remise immédiate de la copie du procès-verbal portant les mêmes signatures que l’original vaut signification
(AUPSRVV, Art. 65, al. 2).
132
AUPSRVE, Art. 105. La saisie n’intervient qu’à l’expiration du délai de 8 jours comme prévu par l’AUPSRVE,
Art. 106 al. 1.
36
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Il existe une saisie conservatoire des biens meubles corporels spéciale. A cet effet, la saisie
foraine est pratiquée envers un débiteur forain c’est à dire qui n’a pas de domicile fixe ou un
domicile à l’étranger. Le créancier saisissant doit avoir son domicile dans la commune où se
trouvent les biens à saisir. Dans la saisie foraine, du fait de l’absence de domicile du saisi, le
gardien des biens saisis est nécessairement le créancier ou un tiers.

La saisie conservatoire des biens meubles incorporels. L’AUPSRPVE ne vise que deux
catégories de biens meubles incorporels : les créances et les droits d’associés et valeurs
mobilières.

S’agissant de la saisie conservatoire des créances, elle est nécessairement pratiquée entre les
mains d’un tiers. Ce dernier présente la particularité d’être le débiteur du débiteur saisi. Il ne
peut être un simple détenteur de biens appartenant au débiteur. Ainsi, le créancier peut saisir
les sommes représentant des loyers que son débiteur devait percevoir au titre de contrat de bail.
La saisie est alors pratiquée entre les mains des locataires. L’acte de saisie est signifié au tiers
saisi et doit contenir un certain nombre de mentions. Parmi celles-ci, on cite le décompte des
sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée ainsi que la défense faite au tiers saisi de disposer
des sommes réclamées dans la limite de la créance du créancier ou du montant fixé par la
décision judiciaire.

Le tiers saisi est tenu de faire connaître à l’huissier l’étendue de ses obligations à l’égard du
débiteur ainsi que les modalités qui les affectent133. L’AUPSRPVE reconnaît au créancier
saisissant, un droit de gage sur la créance devenue indisponible du fait de la saisie. Le débiteur
dispose des voies de recours étudiées dans le cadre des règles applicables à toutes les saisies
conservatoires134.

La saisie conservatoire des créances a un caractère conservatoire. L’indisponibilité des créances


saisies peut gêner le débiteur qui paie le créancier. Au cas contraire, ce créancier dispose de la
possibilité de demander la conversion de la saisie conservatoire en saisie attribution. Cette
conversion est plus simple lorsque le créancier disposait déjà d’un titre exécutoire.

Concernant la saisie conservatoire des droits d’associés135 et valeurs mobilières136, elle peut être
opérée entre les mains du débiteur lui-même lorsqu’il détient les titres. Elle peut aussi être faite

133
AUPSRVE, Art. 156.
134
Demande de mainlevée de la saisie, action en réduction et action en cantonnement.
135
Les droits d’associés sont les titres sociaux émis par les sociétés en contrepartie des accords faits par les associés
(parts sociales et actions).
136
Les valeurs mobilières sont les actions et obligations émises par les sociétés anonymes.
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entre les mains de la personne morale émettrice des titres ou d’un mandataire chargé de gérer
et de conserver les titres137 3. Dans cette dernière hypothèse, l’acte de saisie doit être dénoncé
au débiteur saisi dans un délai de 8 jours par un acte de dénonciation. L’acte de saisie rend
indisponible non seulement les titres en question mais aussi les droits pécuniaires attachés à ces
titres (bénéfices, recouvrement d’obligations, etc.). Le créancier conserve la possibilité de la
conversion en saisie-vente lorsque le débiteur ne paie toujours pas.

Section 2 : Les saisies-ventes

Les biens susceptibles de faire l’objet d’une saisie vente sont particulièrement divers.
L’AUPSRVE cite ceux ayant une nature corporelle ou incorporelle même si pour cette dernière
catégorie n’est réglementée que la saisie des droits d’associés et valeurs mobilières. S’agissant
des biens meubles corporels, la loi uniforme réserve une place particulière à la saisie des
récoltes sur pied c'est-à-dire les fruits et récoltes pendant par racine ou par branche.

Contrairement aux saisies conservatoires, les saisies ventes sont des procédures à fin
d’exécution. Cela explique sans doute le fait que les conditions de mise en œuvre soient plus
sévères sur le fond que sur la forme (Paragraphe 1). In fine, la procédure aboutit à
l’expropriation du bien c’est-à-dire les effets de la saisie-vente (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les conditions et procédure de la saisie vente


Nous verrons successivement les conditions puis la procédure de la saisie-vente.

A. Les conditions de la saisie-vente

Ces conditions renvoient à la nécessité d’un titre exécutoire (supra). Le titre exécutoire détenu
par le créancier saisissant doit constater à son profit une créance certaine, liquide et exigible.
Les biens meubles saisis doivent appartenir au débiteur peu importe qu’il soit détenu par ce
dernier ou par un tiers. S’agissant des fruits et récoltes, la saisie ne peut être effectuée, en
principe, que dans les 6 semaines avant l’époque habituelle de leur maturité.

B. La procédure de la saisie-vente

La saisie est pratiquée entre les mains du débiteur ou d’un tiers détenteur (emprunteur,
dépositaire, réparateur, etc.). Le débiteur est averti de la saisie par un commandement de payer
qui lui est signifié à personne ou à domicile réel. Cette signification interrompt la prescription
et fait courir les dommages et intérêts moratoires (ou retards). Elle fait courir un délai de 8 jours

137
AUPSRVE, Art. 236.
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au cours duquel le débiteur est tenu de payer. L’acte de saisie ne produit pas une dépossession
du bien comme en matière immobilière. Cet acte doit porter à la connaissance du débiteur que
les biens ne doivent être ni déplacés, ni aliénés. L’absence de dépossession n’est pas le seul
avantage que la loi accorde au débiteur. Ce dernier peut en effet dans un délai d’1 mois à
compter de la signification procéder à la vente amiable du bien saisi.

Lorsque la saisie est pratiquée entre les mains d’un tiers détenteur, celui-ci est tenu de faire une
déclaration positive ou négative sur les biens qu’il détient éventuellement et qui appartiennent
au débiteur. Ce tiers détenteur est nécessairement un participant à la procédure de saisie des
droits d’associés et valeurs mobilières.

Notons enfin que lorsque le créancier détient lui-même un bien appartenant à son débiteur, il
peut exercer une saisie sur lui-même mais en respectant la procédure décrite pour la saisie entre
les mains d’un tiers détenteur.

Paragraphe 2 : Les effets de la saisie vente

A l’égard du débiteur, l’acte de saisie rend indisponible les biens saisis même si le débiteur
continue à en être le propriétaire. Le défaut de paiement dans le délai de 8 jours conduit à la
vente du bien. Cette vente peut être amiable ou forcée.

A. La vente à l’amiable

Elle est faite sur l’initiative du débiteur saisi à qui l’AUPSRVE laisse un délai d’1 mois à cette
fin (mais après le consentement de tous les créanciers poursuivants. Mais le refus d’un
créancier peut fonder un abus de droit fondant sa responsabilité). Cette procédure est exclue
s’agissant de la saisie des récoltes sur pied.

La vente amiable offre plus de célérité (confidentialité, secret) pour le débiteur du fait de
l’absence de publicité. Même lorsque la vente est faite à l’amiable, le rôle de l’agent d’exécution
(l’huissier) est prépondérant. Le débiteur doit l’informer des offres d’achat qui lui sont faites.

L’huissier porte l’information à la connaissance des créanciers poursuivants qui disposent d’un
délai de 15 jours pour accepter ou refuser les modalités de la vente en même temps qu’ils
peuvent se porter acquéreurs (le silence éventuel des créanciers équivaut à un oui, à un
consentement, une acceptation implicite à l’issue des 15 jours).

En cas d’acceptation des créanciers, le débiteur ne perçoit pas le prix de vente qui doit être
consigné entre les mains de l’agent d’exécution ou au greffe du tribunal.
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B. La vente forcée des biens saisis

Elle se réalise lorsque le débiteur n’est pas intervenu pour une vente amiable, en cas d’absence
d’acquéreur pour la vente amiable ou lorsque le créancier poursuivant refuse les conditions de
la vente amiable. La vente forcée nécessite une publicité pour informer les tiers. Le lieu de la
vente est fixé d’accord partie ou par le juge.

Contrairement à la saisie immobilière, le prix de vente est fixé par l’agent d’exécution et les
enchères sont portées directement par les intéressés sans ministère d’avocat. Ces règles sont
écartées lorsque les biens saisis sont des droits d’associés et valeurs mobilières. Dans ce cas,
l’établissement d’un cahier des charges devient nécessaire comme en matière immobilière.

Aussi, contrairement à la vente forcée d’immeuble, le débiteur peut être ici enchérisseur.
L’adjudication est faite au plus offrant et dernier enchérisseur après 3 criés.

Le prix est payable comptant et entraîne transfert de propriété des biens en question sauf lorsque
la vente a concerné des droits d’associés et valeurs mobilières d’une société dont les statuts
contiennent des clauses d’agrément.

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