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Έξελευθερικός : une erreur de traduction ou de droit sur les affranchis ?

Author(s): Clément Chillet


Source: Mnemosyne, Fourth Series, Vol. 70, Fasc. 3 (2017), pp. 512-520
Published by: Brill
Stable URL: https://www.jstor.org/stable/44508267
Accessed: 05-05-2023 15:17 +00:00

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MNEMOSYNE
MNEMOSYNE 70 (2017) 512-520 A Journal
of
Classical Studies

BRILL brill.com/mnem

'EÇsXeuôspocóç : une erreur de traduction ou de droit


sur les affranchis ?

Clément Chillet
Maître de conférences à l'université de Grenoble-Alpes
clemenLchillet@univ-grenoble-alpes.fr

Received October 2015 | Accepted February 2016

Cette note est née d'un constat : les dictionnaires courants (Liddell-Scott-Jones,
Bailly) proposent pour le terme èÇeXsuSspixóç deux traductions. L'adjectif soit
qualifierait ce qui se rapporte aux affranchis, soit désignerait leur descendance1.
Le Thesaurus2 et le dictionnaire plus spécialisé de Mason3 s'arrêtent pour leur
part à la seconde de ces définitions en proposant un équivalent latin, libertinus ,
sur lequel nous aurons à revenir. Le Thesaurus devient plus explicite même, en
précisant Uberti filius . Les textes cités à l'appui de cette seconde proposition,
suivie par certains traducteurs des collections bilingues4, sont les mêmes pour
tous les dictionnaires : il s'agit d'un passage de la Vie d'Antoine par Plutarque
(Plu. Anř. 58.2), ainsi qu'un passage des Antiquités romaines de Denys d'Halicar-
nasse (D.H. 4.22.4). Il semble clair que les dictionnaires modernes s'inspirent de
la notice du Thesaurus , qui, de son côté, ajoute plusieurs autres textes à l'appui
de sa définition (èÇeXsuSepixóç = lat. libertinus , Uberti filius ), textes qu'à leur tour,
cependant, les dictionnaires modernes rangent sous la première définition du
terme (« qui concerne les affranchis »). Cette confusion invite à reprendre
l'enquête lexicographique depuis l'origine.
Le corpus de la littérature grecque propose six occurrences du terme : trois
chez Plutarque (Plu. Sull. 8.2 et 33.2 ; Ant 58.2), une chez Denys d'Halicar-
nasse (D.H. 4.22.4), une chez Démosthène cité par Pollux (D. Fragm . 40 apud

1 Ainsi Liddell-Scott-Jones : « of the class of freedmen, or of their offspring » ; Bailly : 1 « qui


concerne les affranchis » ; 2 « fils ou descendant d'affranchi ».
2 Thesaurus Graecae Linguae , éd. Ch.-B. Hase, W. et L. Dindorf, Paris, Didot, 1842-1847.
3 Mason 1974, s.v.
4 Flacelière et Chambry dans leur traduction de la Vie ďAntoine par Plutarque, parue en 1977
aux Belles Lettres à Paris.

© KONINKLIJKE BRILL NV, LEIDEN, 2016I DOI 10.1163/1568525X-12342206

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E3EAEY0EPIKOL 513

Poll. 3.83, éd. B


minora , éd. Latte
nous pencher su
de la seconde défi

D.H. 4.22.4 : xeX


TipyjaaaSai xàç o
í)7rapxoúc7aç,
¿^sXsuSspixòv çOX

Denys utilise l'ad


c'est l'ensemble
d'affranchis » et
les dictionnaires

Plu. Ant. 58.2 : à


â^eXeuGepixol xû
xal xapaxal xaxdx

Plutarque dans la
gner les catégor
tième de la valeu
la mesure portait
Outre ces deux
rences citées ou
d'affranchis, c'e
d'une manière ou
et non de la seconde ou des suivantes.
Le dossier épigraphique n'est guère plus chargé, mais soulève d'autres pro-
blèmes que nos connaissances actuelles des pratiques de l'affranchissement
en Grèce ancienne sont bien loin de pouvoir éclaircir. À l'époque classique il
n'existe que trois attestations, dont une assurée, l'autre de restitution presque
certaine, la troisième complètement restituée5. Elles se trouvent sur deux
stèles athéniennes qui constituent le dossier, ténu mais fort complexe, des
çiáXai è^£X£u0£pixai dont l'interprétation traditionnelle voudraient qu'elles
aient été offertes par les affranchis en hommage après leur affranchissement

5 IG y II2, 1469, col. A attestation assurée 1. 14, restituée mais presque certaine 1. 7 et IG, II2, 1480
col. A, 1. 9 = SEG, XXXVIII, 139, où le mot est entièrement restitué sur le modèle de IG, II2,
1469, col. A, 1. 14.

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514 CHILLET

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nouvelle q
n'importe
d'affranch
joue comm
à Athènes
puisque le
années 321
contexte r
qui établit
mentionné
aient dress
droit, à au
l'inscriptio
ingénus et
D'où vient
Thesaurus
sur une dis
et libertin
en propos
d'Hesychius

6 Meyer, 20
part, l'épigr
trace de la co
la mémoire
antérieure, d
un dossier c
Sur ce point
CXLIV, 2011,
contestée es
d'affranchiss
qualificatif d
Eleutherios.

7 SEG, XXXVI
8 EKM. 1, Be
(Avezou et P
9 Hesychius,
apparaît dan
décrire le st
avec les affr
intermédiair

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EEEAEY0EPIKOE 515

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Un dépouillemen
Ve siècle p.C. conf
tire-t-il alors ce se
interprétée comm
donner un sens in
établit malgré to
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affranchi ». Le pr
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vrai qu'en l'occur
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de changer de ge
les auteurs anciens
quelle est-elle ?
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classiques assurés

10 Le Thesaurus rappo
terme d'à7i£X£Ú0£p
« d'affranchi, fils d'a
terme ne peut être c
lexicale produit des r
térature grecque, une
d'affranchi » : il s'ag
entre àraXséÔEp oç et â

1 1 Notamment parce
1) soit qu'il est insér
pour former le coup
dans D.C. 68.1.2, il es
sont les affranchis ; A
patron de l'affranchi
48.30.8 : "EXeVOV, ¿?£X

bien 39.38.6 ¿ÇeXeM


leurs la condition d'a
Pompée ; D.C. 55.26.
tout à fait correcte d
aUX EÙyEVEÎÇ.

12 IG, XIV, 1907.

MNEMOSYNE 70 (2

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516 CHILLET

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2, 2, p. 952, 1
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tout en citant un
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décrire une réali
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de lat. -inus ?

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vers le latin, et n
d'affranchis qu'il
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l'un et l'autre sont i
sédé par Arethas de
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trouvée cependant
lecture des manuscrit

16 Didyme, dans Léx


Platon cité est Pl. Lg
17 Cf. n. 14.

MNEMOSYNE 70 (2

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518 CHILLET

appui sur
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signale qu'il
prévalant d
de même18
fait le rep
censeur : li
aurait alors
Claude. En
sage de Sué
claudienne
En revanch
sion : J. Cel
veau citoye
point : le li
citoyen (qu
grâce à une
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désigne, da
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leurs sourc
chez Plutar
tage financ
précédant s
que lui prêt
l'enrôleme
paraît plus
dits (dont c
à celui des

18 Suet ClaucL 14.


1 9 Voir Mommsen 1889, 4-5.
20 Cels Saint-Hilaire 2002, 285-294.
21 Ibid.

22 Plu. SiUL 8.2. On notera dans tous les cas qu'il est difficile de mettre sur le
péxoixoi et les ¿ÇeXsuGepucoi, puisque par définition, les premiers ne dispo
citoyenneté romaine. Sulla peut à la limite rançonner les seconds, pour co
citoyenneté, ou vendre le droit de cité à des esclaves, tandis qu'il peut e
vendre l'octroi de la citoyenneté aux premiers qui n'en disposent pas.

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E3EAEY0EPIKOE 519

lui-même à l'affr
politiques23. Il eû
ensuite.

De même, le texte de Denys d'Halicarnasse reçoit un autre éclairage avec


ce sens du mot. L'historien signale que les affranchis étaient rangés dans les
quatre tribus urbaines depuis Servius Tullius, jusqu'à son époque. Or la ques-
tion s'était posée non seulement pour les affranchis, mais aussi pour tous les
Italiens devenus citoyens après la Guerre sociale, de savoir s'ils devaient être
enregistrés dans un petit nombre de tribus, dans de nouvelles tribus ou dans la
totalité des anciennes tribus24.

Dans tous les cas, et quel que soit le sens que l'on accorde à libertinas, il n'est
aucunement question d'un décalage d'une génération chez les auteurs latins,
et aucun des auteurs grecs ne semble avoir voulu signifier une telle chose. La
raison en est simple : à Rome, le fils de l'affranchi avait le même statut que
le citoyen né d'aïeux citoyens. La macule servile grevait l'affranchi, mais non
pas son fils. Sur le strict plan du droit, rien ne distinguait ce dernier, qui était
ingénu car né de père citoyen, au même titre que tous les autres citoyens plus
anciens. L'épigraphie en donne la preuve : s'il est possible de noter le statut
d'affranchi dans la personne d'un citoyen qui ne peut donner le nom de son
père (et qui doit se contenter, pour compléter sa séquence onomastique du
nom de son patron), le fils d'affranchi ne peut être distingué du citoyen en cela
qu'il donne le nom de son père25.
La traduction fautive, issue du Thesaurus semble relever d'une vision idéo-
logique de l'affranchissement qui ne correspond en aucun cas à la réalité
romaine26 : il aurait été impensable de taxer les fils d'affranchis, même sur des

23 App. BC 1.100.
24 La lex Julia de 90 a.C. semblait prévoir la répartition des citoyens soit dans dix nouvelles
tribus, soit dans les anciennes tribus tirées au sort par décade (le texte d'App. BC 1.49.215-
216 n'est pas clair cependant). Mais Velleius Paterculus (2.20.2) ne parle que de huit et
Sisenna (fr. 17 Peter) n'en mentionne que deux qui ne sont peut-être pas cumulatives.
Dans tous les cas, les nouvelles tribus n'auraient voté qu'après les anciennes, ce qui limi-
tait drastiquement l'influence des nouveaux citoyens. La proposition ne fut de toute
manière pas appliquée. Le tribun Sulpicius en 88 proposa une loi visant à répartir les
nouveaux citoyens dans toutes les tribus (App. BC 1.55.242-243), laquelle fut abrogée par
Sylla, puis réinstaurée par Cinna (1.65), en prévision du cens de 86 a.C.
25 Voir le cas de P. Aelius Clarus (qui fut en plus chevalier), dont rien dans la titulature épi-
graphique ne rappellerait qu'il était fils d'affranchi si son propre père, qui fit graver son
inscription funéraire, ne l'avait lui-même rappelé : CIL , VI, 1586 D(is) M(anibus) /P(ublio)
Aelio P(ubli)J[ilio) Palatina (...) Peculiaris Aug(usti) lib(ertus) pater /fecit
26 Cette vision faussée qui imprègne parfois encore la bibliographie, paraît de manière écla-
tante dans un autre exemple, fondé cette fois ci sur le terme à7reXeu0epi)cóç. Alors que

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520 CHILLET

critères cen
nitive le s
que chez De
dant d'affr
civique dim
servile de
Il semble d
(et quelque
affranchis

Bibliogra

Cels Saint-H
61, 285-294
Darmezin, L. Quinze articles sur l'affranchissement en Grèce , à paraître in : Heinen, H.
(éd.) Handwörterbuch der antiken Sklaverei (Stuttgart)
Mason, H. 1974. Greek Terms for Roman Institutions. A Lexicon and Analysis (Toronto)
Meyer, E. A. 2010. Meties and the Athenian Phialai-Inscriptions. A Study in Athenian
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Mommsen, Th. 1889. Le droit public romain , t. vi .2 (Paris)
Zelnick-Abramovitz, R. 2005. Not Wholly Free. The Concept of Manumission and the
Status of Manumitted Slaves in the Ancien Greek World (Leyde)
Zelnick-Abramovitz, R. 2013. Taxing Freedom in Thessalian Manumission Inscriptions
(Leyde)

Plutarque (C
en Sicile, con
commentate
ne semblait
dans ce cas,
sociale (Cicé
nouveaux ci
et qu'il n'est
postes qui le
27 Mommse

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