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Correspondances d'érudits au xviiie et xixe siècles - L’impossible carrièr... https://books.openedition.

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Correspondances d'érudits au et siècles
| Marie-France de Palacio

L’impossible
carrière d’un
orientaliste à
travers la
correspondance
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Correspondances d'érudits au xviiie et xixe siècles - L’impossible carrièr... https://books.openedition.org/pur/55360

d’Aleksander
Chodźko
Inga Walc-Bezombes
p. 67-77

Texte intégral
1 Aleksander Chodźko (1804-1891) fut un poète, diplomate et
linguiste spécialisé en langues orientales et slaves, passionné
par les littératures orientales du pourtour de la Caspienne.
Personnage complexe à plus d’un titre, il a aussi été l’ami
intime d’Adam Mickiewicz dont il a assuré durant près d’un
quart de siècle la succession à la chaire des littératures et
langues slaves du Collège de France.
2 Une première recherche dans les archives françaises a
permis d’identifier quelques lettres de Chodźko conservées à
la Bibliothèque nationale, à l’Institut et au Collège de France,
adressées à Louis Havet, Joachim Menant, Gaston Paris,
Edgar Quinet, Ernest Renan, George Sand et Franz
Woepcke.
3 Souhaitant orienter notre analyse sur la question de sa
carrière, nous présenterons ici les échanges avec George
Sand et Edgar Quinet. La correspondance avec l’écrivaine
concerne une collaboration autour d’une publication et bien
que ce sujet ait été déjà traité par Françoise Genevray1,
spécialiste de George Sand, nous y apporterons un nouvel
éclairage. La lettre à Edgar Quinet est une demande d’aide et
d’intervention en faveur de Chodźko et nous permettra de
nous interroger sur sa situation à la suite du fiasco de la
publication envisagée avec George Sand.
4 Après ses études de lettres à Vilnius, puis de langues
orientales à Saint-Pétersbourg à partir de 1830, Chodźko fut

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envoyé en Perse d’abord comme drogman du consulat russe


à Tabriz, puis au titre de vice consul à Trabzon, enfin de
consul russe à Téhéran. En 1841 Chodźko obtint un congé,
qu’il mit à profit pour visiter l’Europe – avant de s’établir à
Paris durant l’été 1842.

Le bandit persan en mal de reconnaissance


5 Lors de son séjour à Paris en 1841, Chodźko entra en contact
avec des orientalistes britanniques2 avec qui il forma le
projet d’édition d’un choix de poèmes et de textes épiques de
tradition orale des différentes régions et sphères
linguistiques3 de la Caspienne. Chodźko en avait rapporté la
transcription. La publication, intitulée « Specimens of the
popular poetry of Persia as found in the adventures and
improvisations of KURROGLOU, the bandit-minstrel4 »,
compte près de 600 pages et sa conception éditoriale est
particulièrement intéressante. Elle comporte en effet de
courtes introductions à chaque partie correspondant à une
sphère linguistique, donnant un aperçu du contexte culturel,
puis la traduction en anglais des poèmes ou des épopées en
prose, suivie d’exemples de textes écrits originaux pour
certains dialectes, enrichis de commentaires linguistiques
destinés aux spécialistes. La dernière partie de l’ouvrage
laisse entendre l’espoir de trouver un lectorat plus large :
ainsi neuf « airs persans » pour piano clôturent le recueil.
L’auteur de ces « airs » n’est autre qu’Antoine de Kontsky –
pianiste, pédagogue et compositeur dont la carrière de
concertiste dans les années 1840 est déjà considérable5.
6 La publication londonienne est remarquée par les
spécialistes6, mais les aventures d’un personnage légendaire,
Kourroglu, bandit et poète, même accompagnées des airs au
piano, ne rencontrent pas de succès auprès d’un public plus
large. Pourtant lorsqu’à la fin de la même année, Chodźko
entra en contact avec George Sand, la fascination pour cette
épopée persane fit naître l’espoir d’un évènement littéraire :

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George Sand décida d’adapter Kourroglu en français et après


consultation de l’éditeur, de le publier en entier. L’adaptation
française des aventures de Kourroglou dans la Revue
indépendante fut réalisée très vite, la première partie
paraissant le 10 janvier 1843. Les échanges épistolaires
concernant ce projet sont lacunaires et ne permettent ni
d’affirmer avec certitude qui a mis Aleksander Chodźko en
relation avec l’écrivaine, ni à qui appartient vraiment
l’initiative de l’adaptation en français de cette épopée7…
7 Il est certain que Mickiewicz avait servi de relais, car dans
une lettre qu’elle lui adresse le 18 décembre 1842, George
Sand confirme qu’elle recevra M. Chodźko « avec le plus
grand plaisir et s’il vient avec vous surtout ! » et lira « ce
soir » le manuscrit pour lequel elle le remercie8.
8 S’il n’y a dans la correspondance de George Sand que de
menues traces de préparation de cette traduction et
adaptation, on peut affirmer qu’elle a été faite de l’anglais
vers le français. Ni la rapidité – moins d’un mois entre la
lecture et la publication de la première partie dans la Revue
Indépendante – ni l’absence de toute mention de
collaboration ne permettent de supposer que Chodźko ait été
associé à l’adaptation ou à la relecture de cette version. Les
notes explicatives insérées par George Sand sont basées sur
les textes introductifs de la version anglaise rédigée par
Chodźko.
9 Plusieurs questions se posent face à ce projet de publication.
10 Pour quelles raisons un texte poétique inconnu jusqu’alors
du public occidental, mais comparé tant par Chodźko que
par Sand aux épopées homériques, serait-il publié dans une
« retraduction » préparée à la hâte ? S’agit-il d’un projet
destiné à offrir à l’orientaliste polonais une occasion de se
faire connaître du public français ? C’est possible… Il semble
également plausible que Kourroglu ait « charmé » George
Sand qui, tout en souhaitant peut-être rendre service à l’ami
de ses proches, estimait sa propre version la plus adaptée à

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un large public…
11 Dans tous les cas, devant le manque d’enthousiasme des
lecteurs et abonnés, la revue suspend la publication au
milieu de la première moitié de l’épopée. En 1853, dans la
préface de l’édition de ses œuvres dans laquelle elle a inclus
Kourroglu, George Sand revient sur sa déception face au
manque de succès de cette entreprise9.
12 Il est assez difficile de savoir quelle était la position de
Chodźko par rapport à cette publication. Si la notion d’œuvre
originale, ainsi que l’idée du bien fondé de traduction de la
poésie en prose10, peuvent être, au cours du XIXe siècle, assez
différentes de celles d’aujourd’hui, ces questions se posent
cependant avec une acuité particulière dans le cas de
quelqu’un qui fut lui-même un poète et un linguiste assez
érudit pour discerner les subtilités de la poésie azéri, kurde,
talish, mazanderani et ghilani… La seule lettre d’Alexandre
Chodźko à G. Sand que nous ayons pu trouver jusqu’à
présent, conservée à la Bibliothèque historique de la Ville de
Paris, date du 17 décembre 1842 – donc du moment même
où Mickiewicz introduit Chodźko auprès de l’écrivaine11.
13 Bien que nous ne disposions pas pour l’instant d’autres
lettres écrites en français par Chodźko à la même période –
correspondant, on le rappelle, à son arrivée en France –, tant
le style, avec l’emploi du subjonctif passé que la graphie, avec
l’emploi du « Vous » en majuscule, paraissent assez
exceptionnels12 en comparaison avec le reste du corpus
épistolaire de Chodźko.
14 Ainsi, après un premier remerciement, Chodźko, déclare :
Je ne serais pas sincère si je Vous cachais, Madame, combien
mon orgueil se sent flatté de Votre généreuse proposition de
faire quelques extraits de mon livre […] être introduit à la
connaissance de Vos lecteurs, c’est-à-dire de l’Europe
littéraire, moyennant l’organe aussi puissant que celui de
Votre plume d’or et de soie est un avantage, une illustration,
Vous le savez Vous-même, que tout amour propre ne saurait
assez briguer ou mériter.

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15 Loin de vouloir remettre en cause la sincérité de l’auteur de


la lettre, on peut toutefois s’interroger sur sa position face à
l’opportunité de cette publication. La publication parisienne
revêt un caractère différent de celle de Londres – elle est
censée populariser une sélection de récits et poèmes
composant les « aventures de Kourroglou » auprès d’un
lectorat lettré et éventuellement influent. Le rôle et la
mention de Chodźko dans cette version sont réduits à leur
plus strict minimum : le texte de l’épopée est réécrit et signé
« G. Sand » et le statut de Chodźko est celui de quelqu’un qui
« a rapporté » le texte en Europe et non d’un spécialiste qui
pourrait en expliciter le contexte.
16 Une dizaine d’années après la publication de Kourroglou par
Sand, Chodźko fera le choix d’une nouvelle traduction en
français réalisée en collaboration avec A. Breulier et destinée
aux spécialistes, puisque la publication paraît entre 1855 et
1857 dans la Revue de l’Orient, de l’Algérie et des colonies13.
Curieusement, cette nouvelle version donnée par Chodźko
interrompt le récit des aventures de Kourroglou au même
endroit que l’écrivaine, et, comme le remarque
judicieusement Françoise Genevray : « Tout se passe comme
s’il avait voulu non point donner à lire aux Français l’œuvre
complète, mais bien se réapproprier Kurroglou en
substituant sa version scrupuleusement littérale à la “belle
infidèle” offerte par l’écrivain14. » Ainsi, la traduction en
français par Chodźko et Breulier, bien qu’éditée dans une
revue spécialisée, n’est pas véritablement destinée à être une
édition scientifique, mais à « rétablir » le rôle de Chodźko
dans la transmission de l’épopée azérie.
17 Quant à l’opinion de Chodźko lui-même sur la publication de
Kourroglou par une « plume de soie et d’or », il est
intéressant de constater que, dans une lettre
autobiographique écrite en 1883 à Jan Paploński, dans
laquelle l’auteur estime avoir été spolié par Sarcey ou par
Alix Degranges15, la traduction de Kourroglu par George

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Sand est citée au contraire comme un des « titres » de sa


renommée16. Au cours de sa carrière, la traduction de G.
Sand se trouve plusieurs fois mentionnée par Chodźko aux
côtés des critiques de ses confrères orientalistes lorsque
celles-ci lui sont favorables…

Un orientaliste polonais à Paris


18 Arrivé à Paris à la fin de l’année 1842, au printemps de
l’année suivante Aleksander Chodźko séjourne d’abord à
Bruxelles, puis revient à Paris où il tente de trouver une place
parmi les orientalistes. Le Collège de France conserve
plusieurs lettres relatives à la carrière de Chodźko – deux
d’entre elles datent du début de l’année 1847 et sont des
candidatures spontanées pour des postes d’enseignement de
langues orientales.
19 La première, datée du 7 février 1847, est une lettre adressée
au ministre de l’Instruction publique. Chodźko s’y porte
candidat pour deux postes vacants à cette période : la chaire
de langue persane au Collège de France et la chaire de langue
turque à la Bibliothèque Royale. Il y décrit son parcours et
ses publications et déclare : « Étranger, j’ignore et les formes
et les conditions du concours et je ne serai appuyé auprès de
Votre Excellence par personne ; ce qui m’oblige de
m’adresser directement et de lui exposer mes titres17. »
20 Il y évoque également plusieurs traits de son parcours, qui,
pense-t-il, non seulement lui assurent les qualifications
nécessaires, mais aussi le dotent d’expériences plus
approfondies que celles de ses collègues parisiens :
Pendant un aussi long séjour parmi les Persans, les recevant
chaque jour officiellement, leur parlant chaque soir
amicalement, traitant avec eux des questions politiques et
littéraires, j’ai appris facilement ce qui est fort difficile
d’apprendre à un européen, j’ai appris la nature de leurs
conversations, l’historique de leur langue, et même les
accents de leurs dialectes. Ma position particulière, comme

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employé d’un gouvernement tout puissant en Perse, comme


européen, ami des Persans, comme littérateur, poète moi-
même, capable d’apprécier le mérite des ouvrages littéraires,
et maintes fois capable de protéger les littérateurs – cette
position unique et qui probablement ne se reproduira pas,
m’a mis dans des rapports particuliers et très honorables
pour moi avec le Chah actuel, qui m’honora d’un firman
spécial, en me conférant les insignes de l’ordre du lion et du
soleil de Perse, grand cordon, en diamants, et qui a bien
voulu me faire plusieurs fois des propositions très
avantageuses pour me fixer dans son royaume18.

21 Sans « appui » ou probablement sans réponse du ministre,


deux mois plus tard Chodźko s’adresse à l’administrateur du
Collège de France en réitérant sa candidature, cette fois sans
mentionner « les propositions très avantageuses » qui lui
avaient été faites par le shah de Perse :
Le Collège de France que vous présidez sera sous peu appelé
à discuter les titres des candidats pour les chaires des
langues orientales, actuellement en vacance. Je crois avoir
des droits à me présenter parmi les candidats. Je suis
étranger, et le peu de temps que j’ai passé en France, ne m’a
pas permis de mériter l’honneur de vous être présenté au
Collège par des personnes compétentes, selon les formes en
usage. Je me suis trouvé dans la nécessite d’adresser
directement à Son Excellence Monsieur le Ministre de
l’instruction publique, ma demande et mes titres. Je prends
la liberté de vous communiquer les pièces adressées au
Ministre à cette occasion19.

22 Après avoir démissionné du service de la diplomatie russe en


1844, et ne parvenant ni à se procurer des sources de revenus
stables, ni à obtenir un emploi en lien avec ses qualifications,
à la fin de l’année 1847 Chodźko se retrouve dans une
position particulièrement délicate. Les démarches pour les
postes que nous venons d’évoquer tardent à porter leurs
fruits. Les notes très laconiques laissées dans ses carnets
sont on ne peut plus éloquentes :

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31 décembre 1847. Je finis l’année dans une situation plus


critique que jamais. Pour tout fonds : 3 francs, 1 sous, 4
centimes. Sans aucun moyen de subsistance future, si ce
n’est l’espoir très incertain d’obtenir une place à Paris.
1er janvier 1848, le soir. J’ai donné les derniers 4 centimes à
un pauvre, et ainsi, sans rien je commence une nouvelle
année, je n’ai même pas récupéré une lettre ordinaire de ma
femme. Tristesse et dépouillement20.

23 C’est donc dans ce contexte – les deux chaires en question


ayant été pourvues respectivement par Jules Mohl au Collège
de France et par William Slane à la Bibliothèque Royale –
que Chodźko, irrité et gêné, se décide à demander une
intervention à Edgar Quinet, collègue et ami de Mickiewicz21.
Le moment est délicat et Chodźko en a pleinement
conscience – sa lettre date du 9 mars 1848, deux semaines
après les journées révolutionnaires de février et la formation
du gouvernement provisoire, et quelques semaines avant les
élections à l’Assemblée nationale. En même temps, bien que
particulièrement occupé, Quinet est aussi l’homme du
moment, actif sur tous les fronts. Colonel de la 11e légion de
la Garde nationale de Paris, il reprend également son cours
au Collège de France sur les « Littératures et institutions
comparées dans l’Europe méridionale », interrompu fin 1846
par ordre de Guizot, et fait un triomphe : l’auditoire étant
trop nombreux pour les salles du Collège, le cours doit se
transporter à la Sorbonne… Nous ne savons ni si Quinet a
répondu ni s’il a tenté d’intercéder en faveur de Chodźko,
dont la demande était aussi délicate qu’embarrassante.
D’une part, Chodźko, agacé par ses échecs, traite ses
concurrents de peu compétents, de l’autre, comme il est au
fait d’autres postes vacants, il n’hésite pas à proposer une
combinaison possible selon lui :
M. Quatremère voudrait échanger sa chaire de persan à la
bibliothèque nationale contre la place de conservateur des
manuscrits orientaux qui se trouve à présent vacante dans la
même bibliothèque. Il m’en a parlé lui-même et m’autorise à

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faire des démarches. Mais M. Quatremère qui, pour me


servir de ses propres paroles, ne veut pas risquer le certain
pour l’incertain, se dédirait de sa chaire de persan en ma
faveur, alors seulement s’il n’aurait aucun doute sur la
possession de la fonction du conservateur des manuscrits
orientaux22.

24 Chodźko, qui sent sa vocation plutôt dans l’enseignement,


demande aussi à Quinet « d’en parler au ministre » tout en
soulignant son embarras : « Il me répugne de vous occuper,
Monsieur, de tous ces détails, quoique je ne saurais les
confier aux meilleures mains. » Au-delà de la question, en
soi assez importante, des conditions de carrière pour un
immigré dans un domaine aussi spécialisé que
l’enseignement de langues orientales en France, plusieurs
questions évoquées dans cette lettre sont particulièrement
intéressantes. Bien que les deux concurrents de Chodźko,
Jules Mohl et William Slane, aient été d’origine étrangère,
leur situation n’était pas comparable à celle d’un récent
immigré polonais. Jules Mohl, éminent orientaliste né à
Stuttgart, naturalisé français en 1843, membre de l’Académie
de Belles Lettres en 1844, chevalier de la Légion d’honneur
en 1845, était depuis peu marié à Mary Clark, qui tenait un
des salons très prisés de Paris à cette époque. William Mac
Guckin Baron de Slane, né à Belfast, naturalisé français en
1838, avait participé aux campagnes militaires françaises en
Afrique en tant qu’interprète23. Ce n’est pourtant pas le
statut social ou le manque de « reconnaissance » de la part
de ses pairs que Chodźko met en cause en ouvrant son cœur
à Quinet. Ayant, dans sa lettre de candidature spontanée au
ministre, souligné d’une façon à la fois neutre mais
perspicace sa longue expérience de séjours en Perse,
Chodźko y met en avant sa sensibilité de « littérateur » et son
goût des langues parlées, avec leurs nuances, leurs patois et
leurs « accents ». La lettre adressée à Quinet montre que
Chodźko expose ses compétences en jouant d’un effet de

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contraste puisque, dans un style plutôt polémique, il décrit le


profil de ces concurrents, selon lui inadapté aux objectifs :
« Ils [M. Mohl et M. Slane] peuvent avoir étudié et appris la
littérature orientale, mais ils ne savent pas ni prononcer, ni
parler ni écrire les langues en question, ne les ayant pas
apprises sur les lieux ou de la bouche des indigènes. » Il
oppose donc son expérience d’érudit, mais aussi d’homme de
terrain, à celle de professeurs ayant étudié des langues
anciennes, classiques, et sans contact avec les locuteurs
contemporains. Si William Slane a voyagé comme drogman,
c’est en tant qu’arabisant, et une partie de ses services lors de
campagnes militaires est postérieure à sa nomination à la
Bibliothèque royale en 1847. Quant à Jules Mohl, il s’agit
d’un orientaliste de renom, depuis 1841 secrétaire-adjoint de
la Société asiatique24 et membre à partir de 1844 de
l’Académie de Belles-Lettres, traducteur et éditeur de la
poésie de Firdousi en France.
25 L’écart entre un poète épris de la langue parlée avec ses
sonorités et ses couleurs, dont l’esprit se rapproche de celle
d’un ethno-linguiste, et un grand érudit et traducteur de la
poésie de cour, devenue une référence classique pour tout
spécialiste de littérature orientale, est éloquent. Il est
probablement amplifié par la différence de situation
matérielle et sociale de ces deux orientalistes.
26 Quelques mois après la demande d’intervention de Quinet,
dont les termes ne laissent pas de doutes sur la condition
financière de l’exposant25, n’ayant toujours pas obtenu de
poste espéré, Chodźko note dans son carnet :
15 septembre 1848, Lausanne. Je laisse ici les parents, ma
femme et mon enfant. Je vais seul à Paris pour réfléchir
comment vivre. Jamais encore devant tant de besoins je n’ai
été si démuni. L’argent déposé en actions est épuisé, le
Dictionnaire pour lequel j’ai mis 7 000 francs s’est arrêté au
milieu du troisième tome – qui peut penser maintenant à
acheter ou à lire des livres. Różycki, des 5 000 francs qu’il
me doit ne donne rien et semble-t-il ne sera pas en mesure

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de le faire. Pour tout capital, une fois que j’aurai réglé le


voyage et les frais de vie à Paris pour un mois, il me restera
310 francs, et d’où puiser ensuite26 ?

27 En effet, si à l’âge de cinquante-trois ans Chodźko obtient la


chaire de langues et littératures slaves au Collège de France,
cette nomination se fait en dépit de réserves du corps
professoral trouvant – à juste titre – que les publications de
Chodźko en matière de langues slaves n’étaient en 1857 que
très modestes. À cette époque, Chodźko avait déjà postulé
plusieurs fois en vain auprès du ministre de l’Instruction
publique pour des emplois d’enseignement de langues
orientales. Sans que nous ayons pu trouver pour l’instant de
documents explicites, nous pouvons néanmoins nous
demander si la chaire de langues et littératures slaves n’a pas
été octroyée à Chodźko en guise de reconnaissance pour sa
collaboration en qualité d’expert de 1852 à 1855 auprès du
cabinet d’Édouard Drouys de Lhuys, ministre des affaires
étrangères. En effet, avant de s’établir en France en 1843,
Chodźko remplit des fonctions dans la diplomatie russe dans
la province perse de Ghilan, à Tabriz puis à Téhéran entre
1830 et 1841. Aussi, dans la période précédant la guerre de
Crimée, le cabinet du ministre a-t-il probablement eu
recours aux services et aux connaissances de Chodźko qui
publiait d’ailleurs régulièrement des analyses politiques sous
le nom d’Ivan Revan dans le Moniteur Universel. En 1854,
l’ex-diplomate russe a également édité un ouvrage (cette fois
signé de ses vraies initiales) dont le titre même indiquait une
destination – et peut-être une commande : « Le Drogman
turc, donnant les mots et les phrases les plus nécessaires
pour la conversation, vade-mecum indispensable à l’armée
d’Orient, par A. Ch.27. » L’ouvrage, édité par l’Imprimerie
Impériale, est pensé comme un véritable vademecum
donnant aux militaires des informations sur les mœurs et les
coutumes des peuples, ainsi qu’un guide de conversation et
un lexique d’une présentation soignée, donnant pour chaque

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mot sa graphie en turc, sa prononciation et sa signification.


La seconde édition du « Drogman turc », l’année suivante,
fut augmentée non seulement de quelques exemples de
conversation, mais également de conseils et de précisions de
portée politique montrant d’ailleurs d’une façon tangible et
l’implication de l’auteur dans les évènements et sa proximité
avec le cabinet du ministre28.
28 S’il est difficile d’affirmer que cette publication a « desservi »
Chodźko dans les milieux orientalistes, il est indéniable que
la question de la vulgarisation, et même plus largement de la
finalité de l’étude et de l’enseignement des langues orientales
divisa longtemps cette communauté. Tout en étant sensible
aux textes anciens, Chodźko témoigne d’un goût réel pour les
langues dialectales, leurs couleurs et leurs « accents » – ces
mêmes éléments sont mis en avant par lui-même dans ses
candidatures spontanées et constituent le socle d’une longue
critique de sa « Grammaire persane » par Quatremère en
185229.

Notes
1. G F., auteur d’études consacrées à la version de Kouroglou
publiée par George Sand et notamment de l’article « Quoi, vous n’avez
pas lu Kourroglou ! Une traduction de George Sand, présentation et
choix d’extraits », in [http://www.larevuedesressources.org/quoi-vous-
n-avez-paslu-kourroglou,663.html] et « Alexandre Chodźko et George
Sand », in « Toute la France est polonaise ! » La présence polonaise en
France aux XIXe et XXe siècles. Actes du colloque organisé à Paris en
novembre 2004, Poznań-Paris, 2007.
2. Les lettres adressées de Londres par Chodźko à A. Mickiewicz entre
janvier et juillet 1842 mentionnent : G. Th. Staunton, A. Johnston et
surtout G. A. Fitz-Clarence, membres éminents de la Royal Asiatic
Society qui ont soutenu le projet de publication de Chodźko. Voir
O Ż-P Ż J., Listy Aleksandra Chodźki do Adama
Mickiewicza, Pamiętnik Literacki, r. 53, 1962, z. 3, p. 257-267.
3. Dans cette publication, Chodźko utilise des termes paraissant
aujourd’hui peu précis concernant la langue azéri, l’appelant le « persan-
turque » et la distinguant de l’ismanli. Il mentionne ensuite les dialectes

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ghilek, taliche, et manzénderani et commente leurs spécificités.


4. C A., Specimens of the popular poetry of Persia as found in
the adventures and improvisations of Kurroglou, the bandit-minstrel,
Londres, 1842, cofinancée aussi par Oriental Translation Committee of
Great Britain and Ireland.
5. K A. (Antoine de Kontski ou Kontsky, voir chevalier de Kontsky),
« enfant prodige » d’une famille de musiciens, était connu à cette époque
avant tout comme concertiste et virtuose. Sa sœur Eugenia épousa en
1842 Michał Chodźko, le frère cadet d’Aleksander. Voir Polski Słownik
Biograficzny, Wrocław, Warszawa, Krakow, t. 12.
6. The Asiatic Journal and Monthly Register for British India and his
dependencies, vol. 38, mai-août 1842, p. 336. Atheneum (Londres), 3
septembre (p. 782-783) et 1er octobre 1842 (p. 848). Biblioteka dlja
chtenija [La Bibliothèque de lecture], Saint-Pétersbourg, 1842, t. LV, no
12. Les journaux londoniens rendent compte de la publication, ainsi que
de l’admission de Chodźko au sein de la Royal Asiatic Society en des
termes très positifs, sans toutefois donner une analyse approfondie de ce
travail.
7. D’autres liens potentiels pouvaient favoriser la rencontre entre
Aleksander Chodźko et George Sand : à cette période l’écrivaine était
proche d’Olimpia Chodźko, la femme d’un cousin d’Aleksander.
8. G. Sand à A. Mickiewicz, 18 décembre 1842, lettre nr 2536 in
Correspondance, 1812-1876, édition de Georges Lubin, tome 5, Paris,
Garnier frères, 1964-1991, p. 817-818.
9. Le succès n’est pas au rendez-vous, les lecteurs protestent et la
rédaction suspend la publication. Voici comment Sand analyse elle-
même cette mésaventure dans la préface à l’édition de ses Œuvres
illustrées publiées en 1853 par Hetzel : « Kourroglou est toujours, à mes
yeux, une œuvre très-belle et très-curieuse. Elle n’eut pourtant pas de
succès dans la Revue indépendante, où j’en publiai la traduction abrégée.
Des raisons d’amitié me firent suspendre ce petit travail, que l’on me
disait préjudiciable aux intérêts de la Revue. Mais je protestai et proteste
encore contre l’inintelligence des abonnés qui préférèrent les romans
nouveaux à ces chants originaux d’une littérature étrangère. »
10. Le récit original de Kourroglou dans le manuscrit rapporté par
Chodźko se compose en alternance de parties épiques en prose et
d’« improvisations » rimées.
11. Bibliothèque historique de la Ville de Paris, manuscrit, fonds George
Sand, G3846, folio 65, lettre datée du 17 décembre 1842.

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12. En effet, au cours de l’année 1843 Chodźko décide de s’établir en


France et sollicite soit une collaboration, soit des emplois à partir de cette
période – pour autant, ces lettres d’impétrant ne prennent jamais un
style comparable…
13. Aventures et improvisations de Koûroglou, héros populaire de la
Perse septentrionale, trad. par A. Chodźko et A. Breulier, Revue de
l’Orient, de l’Algérie et des colonies, (2e série/1), 1855, p. 349-366 ;
(2/2), 1855, p. 57-65, p. 168-176, p. 250-257 ; (2/3), 1856,
p. 107-126, p. 477-490 ; (2/4), 1856, p. 269-284 ; (2/5), 1857,
p. 194-214 ; (2/6), 1857, p. 41-62, p. 215-223.
14. G , F., « Alexandre Chodźko et George Sand », op. cit., p. 121.
15. Nous n’avons pas encore résolu cette double question de la
« spoliation » ainsi évoquée par Chodźko : « J’ai rendu d’importants
services à la Perse. Je fus le premier à parler de sa littérature populaire.
“Karroglu” traduit de l’anglais par George Sand ; les “Theazies” qui ont
ensuite été volés par Sarcey et compagnie ; un extrait d’une belle épopée
de Tartares d’Astrakan “Tolgan” – dont l’original a été volé (sic) chez moi
par le drogman royal Alix Degranges si bien que l’on n’a pas pu le
retrouver même à Kazan où Baudouin de Courtenay n’a pas pu le
retrouver depuis. Voici quelques-unes de mes découvertes en Asie en
comptant aussi les chants et la langue des habitants proto perses des
côtes de la mer Caspienne. » in Księga pamiątkowa Mickiewicza,
Warszawa, 1898, t. 1 p. 140.
16. Voir Principaux ouvrages et articles publiés par A. Chodźko
relativement à la Perse, Paris, 1857.
17. Archives du Collège de France, dossier administratif de Alexandre
Chodźko, C-XII, copie de la lettre de Alexandre Chodźko au ministre de
l’Instruction publique, datée du 7/02/1847 ; folios 1-3.
18. Archives du Collège de France, infra…
19. Archives du Collège de France, infra… lettre du 14 avril 1847 adressée
par Aleksander Chodźko à l’administrateur du Collège de France.
20. C A., Carnets et mémoires, Bibliothèque polonaise à Paris,
MAM 852 folios 227-228. L’original de ces notes est en polonais : « 31
grudnia 1847 Kończę rok w położeniu krytyczniejszem niż kiedy dotąd.
Całego funduszu fr : 3, sous : 1, centimes : 4. Bez żadnych środków
dalszego utrzymania się, oprócz niepewnych nadziei, ze dostanę w
Paryżu miejsce. [poniżej] 1 stycznia 1848 wieczorem. Ostatnie 4
centymy oddałem biednemu, tak bez niczego zaczynam rok nowy,
nawet zwyczajnego listu od żony nie odebrałem. Smutno i goło. »

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21. BnF, NAF15507, fol 442-443 Aleksander Chodźko à Edgar Quinet,


Paris 9 mars 1848 : « […] Certes, ce n’est pas le moment de solliciter,
mais bien celui d’action, de sacrifice, d’oubli plein et entier de soi-même.
Détourner votre attention de grandes choses qui la préoccupent
aujourd’hui est presque un crime de lèse humanité. Je le sais, je le sens,
et cependant après beaucoup d’hésitations, j’ai du céder à l’urgence de la
nécessité. J’ose vous écrire pour vous demander votre appui auprès de M.
Carnot, ministre de l’Instruction publique. »
22. Ibid.
23. M. Slane obtint la Légion d’honneur en 1852 pour ses mérites
d’interprète militaire, et fut reçu en 1862 à l’Académie des Inscriptions et
Belles Lettres.
24. Jules Mohl fut au sein de la Société Asiatique de Paris
successivement : commissaire des fonds à partir de 1833, secrétaire-
adjoint de 1841 à 1852, puis secrétaire de 1852 à 1867 et enfin président
de 1867 à sa mort en 1876.
25. BnF, NAF15507, fol 442-443 Aleksander Chodźko à Edgar Quinet,
Paris 9 mars 1848 : « Je n’ai jamais demandé des moyens d’existence au
gouvernement français. Si je lui demande à présent du travail, c’est que je
n’ai pas de quoi nourrir ma femme et que je me vois à bout des
ressources dont je pouvais jusqu’à présent disposer. »
26. C A., Carnets et mémoires, Bibliothèque polonaise à Paris,
MAM 852 folio 229. L’original de ces notes est en polonais : « 15
września 1848 Lausanne Zostawuje tu rodziców, żonę i dziecko moje.
Sam jadę do Paryża dla obmyślenia sobie sposobu do życia. Nigdy
jeszcze wobec tylu potrzeb nie bylem tyle biedny. Pieniądze złożone na
akcye skoczyły się, Dykcyonarz, na który wyłożyłem już 7 000Fr
zatrzymany w połowie trzeciego tomu, bo kto teraz myśli o kupowaniu
lub czytaniu książek. Różycki z należnych mi od niego 5 000Fr nie daje i
dalej zdaje się, ze nie będzie w stanie. Całego kapitału mam 310Fr po
zapłaceniu podroży, po przeżyciu jakiego miesiąca w Paryżu, skąd
czerpać dalej? »
27. Le Drogman turc, donnant les mots et les phrases les plus
nécessaires pour la conversation, vade-mecum indispensable à l’armée
d’Orient, par A. Ch., Paris, B. Duprat, 1854.
28. Voici quelques exemples de rajouts dans la seconde édition du
« Drogman turc » : p. 13-25, dans le chapitre « les causeries » on trouve
désormais des phrases telles que : « L’artillerie russe ne vise pas bien et
ne tire point juste ; elle fait un bruit immense et voilà tout, il ne faut donc
pas en avoir peur » […] ou bien : « Dans l’armée de Russie il n’y a pas

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beaucoup de Russes. Quand tu fais prisonnier un Russe, demande-lui s’il


n’est pas par hasard Polonais, ou Tartare ou Petit-Russien (Cosaque), ou
Servien, ou Bulgare, ou Valaque, car ils ne sont pas Russes, ils sont nos
amis. »
29. Alexandre C , Grammaire persane ou principes de l’iranien
moderne accompagné de facsimile pour servir de modèle d’écriture et
de style pour la correspondance diplomatique et familière, sa critique
par Étienne Quatremère, in Journal des Savants, 1852, p. 370-382,
p. 631-647.

Auteur

Inga Walc-Bezombes
Responsable du service éducatif et
culturel de la Maison de Victor
Hugo et doctorante en histoire à
l’université de Varsovie où elle
achève une thèse sur Aleksander
Chodźko.
© Presses universitaires de Rennes, 2014

Licence OpenEdition Books

Référence électronique du chapitre


WALC-BEZOMBES, Inga. L’impossible carrière d’un orientaliste à
travers la correspondance d’Aleksander Chodźko In : Correspondances
e e
d'érudits au et siècles : France, Pologne, Lituanie [en ligne].
Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2014 (généré le 05 avril
2023). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org
/pur/55360>. ISBN : 9782753557215. DOI : https://doi.org/10.4000
/books.pur.55360.

Référence électronique du livre


e
PALACIO, Marie-France de (dir.). Correspondances d'érudits au et
e
siècles : France, Pologne, Lituanie. Nouvelle édition [en ligne].

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Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2014 (généré le 05 avril


2023). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org
/pur/55347>. ISBN : 9782753557215. DOI : https://doi.org/10.4000
/books.pur.55347.
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