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Chapitre III: EQUILIBRES HETEROGENES

Introduction

Lors de l’addition de certains ions (OH-, Cl-, ...) dans une solution contenant des cations
métalliques, nous constatons qu’il apparaît une phase solide. L’apparition d’un solide, à partir
des ions en solution, constitue une réaction de précipitation : on dit que « le solide précipite ».
Lorsque la solution est au contact du solide, on obtient un état d’équilibre chimique
hétérogène : la solution aqueuse qui coexiste avec le solide cristallisé est dite « saturée » (à la
température considérée).
Lorsqu’on verse un solide ionique dans l’eau, les ions sont libérés dans la solution. Mais il
existe une limite à cette solubilité. Pour tout soluté mis en solution dans un volume donné de
solvant, il existe, pour une température donnée, une limite de solubilité nommée s (exprimée
en mol.L–1). La solution ainsi obtenue est alors saturée. Le système est hétérogène et composé
de 2 phases : la phase solution (soluté dissous dans le solvant) et la phase solide (soluté non
dissous).

1- Notion de solubilité s et de produit de solubilité Ks

De nombreux sels (cristaux ioniques) sont peu solubles dans l’eau. On parle de solution
saturée quand la phase solide ne parvient plus à se dissoudre dans le solvant (ici l’eau). Par
définition, la solubilité s d'un composé ionique ou moléculaire, appelé soluté, est la quantité
maximale de moles de ce composé que l'on peut dissoudre ou dissocier, à une température
donnée, dans un litre de solvant. Elle s’exprime généralement en mol.L-1; on peut aussi
l’exprimer en g.L-1. On parle de sel peu soluble quand s < 10-2 mol.L-1.
Dans le cas d'un composé solide ionique, la constante d'équilibre de la réaction de dissolution
est appelée produit de solubilité et est notée Ks(T). Elle ne dépend que de la température T et
en général elle augmente avec celle-ci. La solubilité s est fonction de ce produit de solubilité
et varie dans le même sens.
Soit le sel solide BxAy très peu soluble.
L’équilibre de solubilité s’écrit: BxAy xBZ+(aq) + yAZ’-(aq) (Pour cause
d’électroneutralité xZ = yZ’). La constante de cet équilibre, que l’on désigne par Ks, s’écrit :

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Ou sous la forme simplifiée :

Remarque :
* L’électroneutralité du solide comme celle de la solution impose une écriture très stricte des
coefficients stœchiométriques.
* Le produit de solubilité est sans dimension.
* Les produits de solubilité ont des valeurs faibles, souvent exprimées sous la forme 10-x, ce
qui justifie l’emploi fréquent du pKs. Alors p Ks = - logKs donc Ks= 10-pKs.
* Pour utiliser le modèle du produit de solubilité, il ne faut pas utiliser de solutions trop
concentrées ! Dans le cas contraire, il faut remplacer les concentrations molaires par les
activités des ions.

2- Paramètres influençant la solubilité

a-Influence de la température

Quand la température de la solution augmente, si le soluté est solide, la solubilité augmente et


si le soluté est gazeux, la solubilité diminue.

D’après la formule de Van’t Hoff, on a =


Quand la pression augmente, si le soluté est gazeux, la solubilité augmente.

b- L’effet d’un ion commun : cas une solution saturée en bromure d’argent (AgBr).

Dans cette solution saturée on a [Ag+]éq.[Br-]éq = Ks(AgBr). Apportons à la solution, sans quasi
variation de volume, des ions Ag+. On observe la précipitation d’un peu de sel AgBr.
Pourquoi ? En ajoutant des ions Ag+ à la solution saturée, on augmente la concentration en
ions Ag+, et donc le quotient réactionnel Q = [Ag+] [Br-], l’équilibre est rompu, le sel se
trouve alors dans l’obligation de précipiter pour ramener le quotient réactionnel Q au Ks qui
on le sait, est une limite infranchissable !…cet ajout a donc provoqué un déplacement de
l’équilibre de dissolution vers la gauche, c'est-à-dire une diminution de s.
Conséquence : la solubilité s diminue toujours, par ajout d’un ion commun.

c- Influence du pH de la solution
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Beaucoup de sels ont des anions basiques tells que les sels basiques usuels peu solubles : les
carbonates, les sulfures, les phosphates, les oxalates, les cyanures.
Par réaction acido-basique on peut, en ajoutant un acide détruire partiellement voire
totalement les sels à anions basiques. Par exemple : pour dissoudre les dépôts calcaires
(CaCO3) qui se déposent dans les tuyauteries, il suffit d’acidifier le milieu, les pluies acides
rongent ainsi les monuments calcaires. Mais pourquoi ? L’acide va chercher dans le sel
l’anion basique CO32- pour réagir avec lui.
L’acide en s’attaquant aux anions basiques des sels peu solubles, provoque leur dissolution, et
ainsi augmente leur solubilité.
Remarque: l’eau pure, composé amphotère de pKa (H2O/HO-) = 14 est généralement un
acide trop faible pour détruire les sels à anions basiques.
Conséquence:
La solubilité d’un sel à anion basique augmente toujours en milieu acide.
La solubilité d’un sel acide augmente de même, en milieu basique. Mais on rencontre peu de
sels acides.
La solubilité des sels amphotères (ex: Al(OH)3) augmente à la fois en milieu acide et basique.

d- Couplage précipitation et complexation

Partons d'un sel peu soluble en solution aqueuse, par exemple AgCl qui est un sel très peu
soluble, ajoutons à la solution, un agent ligand susceptible de complexer le cation du sel, par
exemple l’ammoniac NH3. L’équation de destruction du précipité est alors dans notre exemple
AgCl(s) + 2 NH3 Ag(NH3)2+ + Cl-
On calcule la constante d’équilibre de cette réaction. Ici on trouve K = 10 -2,6. Selon la valeur
trouvée pour cette constante d’équilibre, on peut voir s’il est nécessaire d’introduire ou non le
ligand en excès pour arriver à détruire soit partiellement soit totalement le précipité. Dans
notre exemple comme K < 1 il faudra mettre le ligand en excès, pour déplacer l’équilibre vers
la droite.
Cette réaction provoquant une dissolution du sel AgCl en ion complexe Ag(NH3)2+ qui lui est
dissout dans l’eau, on peut dire que par complexation on a augmenté la solubilité du sel.
On peut donc, par compétition entre précipitation et complexation, détruire
partiellement voire totalement un précipité d’un sel peu soluble et donc augmenter la
solubilité.

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Autre exemple, pour détruire les dépôts calcaires, on peut utiliser de l’EDTA susceptible de
complexer Ca2+. (C’est ce qui est encore et malheureusement (!) utilisé dans certains produits
ménagers.)
Conséquence : on peut, par complexation, augmenter la solubilité d’un sel.

e- Condition de précipitation

Appelons Q = [Anion]p [Cation]q le produit des concentrations des ions constitutifs du sel
que l’on introduit à t = 0 dans le solvant eau.
Quand Q > Ks le solide est contraint à précipiter, pour ramener Q (trop grand), à la valeur
infranchissable du Ks qui est plus petite.
Remarque 1: si on introduit une quantité de sel supérieure à sa solubilité s, on a alors Q > Ks,
alors tout le sel ne peut pas se dissoudre.
Conditions de précipitation ou non dissolution totale chaque fois que l’on introduit dans le
solvant eau :
Soit une quantité de sel supérieure à la valeur de sa solubilité s
Soit les 2 espèces ioniques (anion et cation), à des concentrations telles que le quotient
réactionnel Q = [Anion]p.[Cation]q soit supérieur à Ks.
Par contre, pas de précipité quand [Anion]p.[Cation]q < Ks.
[Anion]éqp .[Cation]éqq = Ks = Cte est une limite infranchissable à température donnée.
Remarque 2: en présence du précipité, ce qui est constant à température donnée, c’est le
produit des concentrations des ions à l’équilibre, pas les valeurs intrinsèques de la
concentration de l’anion et de la concentration du cation à l’équilibre qui, elles peuvent
prendre n’importe quelles valeurs, à condition simplement de maintenir constant leur produit.
Quand la concentration d’un ion augmente la concentration de l’autre doit donc simplement
diminuer, si on veut maintenir l’équilibre avec le solide.

f- Analyse qualitative, précipitations sélectives

Les réactions de précipitation sont utilisées pour précipiter sélectivement des ions présents en
solution. Par exemple, pour précipiter des halogénures (chlorures et iodures), on rajoute à la
solution des ions Ag+. A cause de leur petit Ks, AgCl et AgI vont précipiter au cours de
l'addition d'argent. Néanmoins, le Ks de AgI est beaucoup plus petit que celui de AgCl, en
conséquence, l'addition d'ions Ag+ à la solution rencontrera d'abord le produit ionique
correspondant à AgI, qui précipitera donc sélectivement en premier, puis celui d'AgCl.

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La figure suivante montre typiquement comment par l'addition successive d'acide
chlorhydrique, d'acide sulfureux, d'hydroxyde de sodium et de carbonate de sodium, l'on peut
sélectivement séparer des familles d'ions d'une solution initiales comprenant un grand nombre
d'espèces.

3- Calcul de la solubilité

a- Calcul de la solubilité s d’un sel de type AB

Soit l’équation de la réaction suivante :

BA B+(aq) + AZ’-(aq), KS = [A]× [B] =S2 donc, S =

b- Calcul de la solubilité S d’un sel de type AB2

Soit l’équation de la réaction suivante:


B2 A B2+(aq) + 2A-(aq) ,

Puisque [B] = 2 [A]; KS = [A] × (2[A])2 = 4[A]3= 4S]3 donc et donc, [A] = S =

c- Calcul de la solubilité S d’un sel de type AaBb

Soit l’équation de la réaction suivante:

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BbAa aBZ+(aq) + bAZ’-(aq), Ks = [AZ’-]a[ BZ+]b = [aS]a[ bS]b = aabbSa+b

D’où S = . C’est une formule générale de Calcul de solubilité.

Remarque:
Comme l’activité du solide est égale à 1, on constate que le Ks est le produit des
concentrations à l’équilibre des espèces dissoutes, concentrations portées à la puissance des
nombres stœchiométriques du sel.
Plus Ks est petit, plus le pKs est grand, moins le sel est soluble.
On retiendra qu’une valeur élevée de pKs annonce un sel très peu soluble. Mais attention c’est
la valeur de la solubilité s et non le pKs qui permet de comparer la solubilité de 2 sels.

4- Solubilité des sels dans l’eau: applications

a- Exemple de sels constitués d’ions indifférents

1- Quelle est la solubilité d’une solution saturée de chlorure d’argent AgCl sachant que le
produit de solubilité de AgCl est Ks = 1,6x10-10 ?
2- Que devient la solubilité si on ajoute 0,1 mole de HCl dans 1 litre de la solution saturée
précédente (le volume ne change pas) ?
Solution:
1-AgCl(s) Ag+(aq) + Cl-(aq) ⇒ s = [AgCl] = [Ag+] = [Cl-] ⇒ Ks = s2 ⇒
s = 1,265x10-5 mol L-1.
2- HCl + H2O H3O+ + Cl-
Les Cl- ajoutés ne peuvent que déplacer l’équilibre de dissociation de AgCl (←)
[Cl-]S = [Cl-]acide + [Cl-]AgCl = 0,1 + s’
[Ag+]S = s’
Ks = (0,1 + s’)s’ = 1,6x10-10 donc, s’ = 1,6x10-9 mol l-1 << s
Il y a bien recul à l’ionisation de AgCl

b- Exemple de sels constitués d’ions à caractère acide

On met 1 g de nitrate d’argent AgNO3 de masse molaire 170 g/mol dans 100 cm3 d’acide
acétique CH3COOH 0,05 M (Ka = 1,8x10-5). Y a-t-il précipitation d’acétate d’argent
AgCH3COO pour lequel le produit de solubilité est Ks = 2x10-3 ?
Solution:
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CH3COOAg(s) Ag+(aq) + CH3COO-, Ks = [Ag ]S[CH3COO ]S = 2x10
+ - -3

Les concentrations:
[Ag+] = n/V = (1/170)/0,100
[CH3COO-] ≈ [H3O+] et [CH3COOH] ≈ 0,05 (un acide faible peu dissocié)
Ka = 1,8x10-5 = ([CH3COO-][H3O+])/[CH3COOH] = [CH3COO-]2/0,05
D’où [CH3COO-] = 0,95 x 10-3 mol L-1.
Il en résulte : [Ag+][CH3COO-] = 0,06 x 0,95 x 10-3 = 0,57 x 10-4 < Ks
Pas de précipitation d’acétate d’argent

c- Exemple de sels constitués d’ions à caractère redox

On ajoute progressivement du nitrate d’argent AgNO3 à une solution 0,01 M en chlorure de


sodium (NaCl) et 0,01 M en chromate de potassium (K2CrO4), ces deux sels étant solubles
dans l’eau. Calculer la concentration de l’ion restant en solution quand le deuxième
commence a précipiter.
Ks(AgCl) = 1,6x10-10, Ks(Ag2CrO4) = 1,7x10-12
Solution:
H2O + NaCl(s) Na+ + Cl- (réaction totale)
2H2O + K2CrO4(s) 2 K+ + CrO42- (réaction totale)
Cl- et CrO42- vont réagir avec Ag+, donc :
1) Il y a précipitation de AgCl pour [Ag+] > Ks(AgCl)/[Cl-] = 1,6x10-8
2) Il y a précipitation de Ag2CrO42- pour [Ag+]2 > KS(Ag2CrO4)/[CrO42-] = 1,3x10-5
Quand on ajoute Ag+, le chlorure d’argent précipite bien avant le chromate d’argent.
Quand le chromate d’argent commence à précipiter on a [Ag+] = 1,3x10-5, d’où
[Cl-] = Ks(AgCl)/[Ag+] = 1,23x10-5
On constate que pratiquement tous les Cl- ont précipité.

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