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Nature de l’or

1. Nature de l’or
« Un vieux dicton chinois affirme que la sagesse
commence en appelant les choses par leur nom.
Cette réflexion s’applique parfaitement à l’or. Si
vous avez une mauvaise définition de l’or, vous
commencez la route par le mauvais chemin,
ce qui est un sérieux handicap. Mal nommer
l’or pourrait facilement vous empêcher de
comprendre pourquoi vous devriez en posséder
et comment en déterminer la valeur ».
James Turk

Les métaphores employées pour désigner l’or sont souvent divines et


sont légion 2. Force est de constater que ce métal fait l’objet d’acceptions
tout aussi nombreuses. Entité protéiforme, l’or renvoie à de multiples
définitions qui ne sont pas sans avoir un lien avec la fonction qui lui est
attribuée. Il est possible de procéder à une distinction basique en trois
« camps » 3.
• En Occident, l’or est avant tout appréhendé en tant que matière première
pour la bijouterie. Européens et Américains ont en général une relation
affective neutre vis-à-vis de ce métal qu’ils considèrent rarement comme
une forme d’épargne.
• En Orient, c’est sous son aspect réserve de valeur que l’or est la plupart
du temps envisagé, c’est-à-dire dans une optique de thésaurisation. En
Inde, il occupe une place particulière au sein de la société où il est très
acheté lors des célébrations annuelles ainsi qu’à l’occasion des mariages.
Pour les épargnants qui n’ont pas accès au système bancaire (soit deux
tiers de la population indienne), les bijoux font office de placement et ils
sont transmis aux héritiers au décès de leur propriétaire. La distinction
entre bijouterie et investissement est ainsi moins étanche au sein des
sociétés orientales qu’elle ne l’est en Occident.

2. François Pernot, dans son ouvrage « L’or » (Artémis, 2004), en dresse la liste suivante : « Chair
du soleil » pour les Egyptiens, « sueur du soleil » pour les Incas, « excrément des Dieux » pour
les Aztèques, « semence des Dieux » pour les Perses, « lumière minérale » pour les Chinois,
« pétrole jaune » à l’époque des ruées vers l’or...
3. C’est l’approche adoptée par Bix Weir (« auteur freelance qui analyse les manipulations des
marchés de l’or et de l’argent ») dans un article intitulé « Les Trois Camps de l’Or » publié sur
24hGold.

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• Enfin, l’ensemble des banques centrales envisagent l’or comme une


monnaie qu’elles détiennent au sein de leurs réserves 4. Une école d’Éco-
nomie va même jusqu’à affirmer que l’or est la seule monnaie digne de ce
nom (cf. page 23).
Matière première, monnaie, moyen de thésauriser de la valeur, place-
ment, investissement, valeur refuge ou au contraire actif spéculatif en
bulle… la nature du métal jaune est particulièrement difficile à appré-
hender du point de vue de l’épargnant ! Il est pourtant crucial de se forger
sa propre opinion pour ne pas se laisser abuser par les différents acteurs
ayant un intérêt sur ce marché.

1.1 L’or en tant que matière première


1.1.1 Un métal rare et précieux
à forte valeur intrinsèque
L’or, en tant que métal, est une matière première. Cela ne fait aucun
doute. C’est d’ailleurs la seule facette du métal jaune qui n’est pas sujette
à débat.
Son utilisation dans différents secteurs industriels est due à ses propriétés
chimiques et techniques qui sont présentées dans l’encadré ci-dessous.
Du fait de son inactivité chimique, l’or est insensible aux éléments (air,
eau, variations de température 5) et au temps (il est donc inaltérable et
éternel 6), d’où son indestructibilité 7 et par conséquent le fait qu’il soit un
symbole de l’éternité 8.

4. Ceux qui prétendent le contraire se trouvent bien en peine lorsqu’il s’agit de défendre leur
point de vue (cf. page 21).
5. L’or ne rouille donc pas ni ne se décolore.
6. Ne s’oxydant pas et ne ternissant pas, l’or était un symbole d’immortalité sous l’Égypte des
pharaons.
7. Si l’or fond, son exposition à des chaleurs extrêmes ne le détruit pas pour autant. Comme
l’explique le mathématicien et économiste Antal E. Fekete, l’or est « la seule forme de capital qui
est indestructible aussi bien par temps de paix que par temps de guerre ».
8. Comme en atteste son utilisation en tant que lien entre les hommes et les dieux dans le cadre
des rites funéraires des pharaons de l’Égypte antique.

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Figure 1 : Caractéristiques chimiques et techniques


de l’or métal

Caractéristiques chimiques et techniques


- Densité : 19,5
- Masse atomique : 196,967
- Point de fusion : 1 064 degrés
- Point d’ébullition : 2 960 degrés
- 1 électron sur l’enveloppe extérieure
- 79 protons pour le noyau de l’atome d’or
- Limite d’élasticité : 4 kilos par millimètre carré
- Charge de rupture : 13 kilos par millimètre carré
Poids
- 1 once Troy = 31,10348 grammes
- 1 kilogramme = 32,15 onces
- 1 tonne = 32 150 onces
- 1 tael (Chine) = 37,82 grammes
- 1 tola (Moyen-Orient) = 11,6638 grammes
- 1 baht (Thaïlande) = 14,60 grammes
Pureté
- 24 carats = 99,99 % d’or (999,99/1000)
- 22 carats = 99,5 % d’or (995/1000)
- 18 carats = 75 % d’or (soit 18/24)
Bijouterie de la majeure partie de l’Europe
- 9 carats = 37,5 % d’or (9/24)
Bijouterie de la majeure partie du Royaume-Uni
- 8 carats = 33,33 % (8/24)
- Minimum accepté pour la bijouterie
Qualificatifs
- Or vert : alliage d’or et d’argent
- Or blanc : alliage d’or (75 %) et de palladium (25 %) ou de nickel (15 %)
et de cuivre (10 %)
- Or rouge : alliage d’or (75 %) et de cuivre (25 %)
- Or violet : alliage d’or et d’aluminium
- Or gris : alliage d’or et de fer
- Or jaune : alliage d’or (3/5), d’argent (1/5) et de cuivre (1/5)
- Or rosé : alliage d’or, d’argent, et de cuivre (davantage de cuivre
que précédemment)

Source : Hoang, page 16.

Du point de vue industriel, ce métal présente l’inconvénient d’être


très rare sur terre. Le cuivre (50 parties par million - ppm), et dans une
moindre mesure l’argent (0,07 ppm), sont présents en quantités beau-
coup plus importantes que le métal jaune qui n’affiche que 0,005 ppm.

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Sa concentration s’avère néanmoins supérieure à ce qu’elle devrait être


au regard des caractéristiques géologiques terriennes. Lorsque la Terre
n’était encore qu’un magma à l’état de fusion, le fer aurait plongé vers
le noyau terrestre. Les métaux précieux, intensément attirés par le fer à
l’état liquide, auraient suivi ce dernier pour se concentrer au niveau du
manteau terrestre, désertant quasiment l’écorce terrestre. Situé à plus de
3 000 km de profondeur, il est peu probable que cet or soit jamais extrait.
Une hypothèse scientifique récente (Université de Bristol, 2011) attribue
la relative abondance de la croûte terrestre en or, en platine et en autres
métaux précieux à un bombardement de météorites (corps proportion-
nellement beaucoup plus riches en métaux que l’écorce terrestre) survenu
il y a environ 4 milliards d’années, alors que la surface de la Terre s’était
solidifiée. Si cette hypothèse d’un or « tombé du ciel » reste à confirmer,
la start-up Planetary Resources, Inc. déclarait en avril 2012 qu’elle travail-
lait à l’exploitation de l’or spatial contenu dans certains astéroïdes. Que
l’épargnant se rassure, on imagine mal que ce projet, quoique soutenu par
des pontes de l’industrie des nouvelles technologies (notamment le réali-
sateur de cinéma James Cameron et le cofondateur de Google Larry Page),
soit à même de rendre légale, techniquement possible et financièrement
rentable l’exploitation de l’or spatial du jour au lendemain.
La multiplicité des qualités intrinsèques au métal jaune débouche au
Moyen Âge sur la recherche de la pierre philosophale 9 par les alchimistes
notamment arabes et européens. La quête de cette médecine universelle
renvoie au thème de l’or symbole d’immortalité 10. Alors que toutes les tenta-
tives visant à transmuter des métaux vils en métal précieux ont échoué,
deux avancées scientifiques très récentes en matière de production artifi-
cielle d’or prouvent que ce type de travaux doit être surveillé de près :
• L’équipe dirigée par le professeur A. J. Shaka de l’Université Irvine de
Californie est parvenue en 2011 à reproduire en conditions de labora-
toire ce qui se passe à l’échelle de l’explosion d’une étoile (supernova). En
bombardant pendant 23 heures des isotopes de mercure dans un réac-
teur nucléaire pour en déloger un neutron, on parvient à obtenir de l’or
pur. Ce processus nécessite cependant une décharge électrique phéno-
ménale que seule l’énergie nucléaire permet de produire. L’opération est
aujourd’hui loin d’être rentable sur le plan financier.

9. Le vulgarisateur scientifique Louis Figuier explique que « les alchimistes attribuaient à la


pierre philosophale trois propriétés essentielles : changer les métaux vils en argent ou en or ;
guérir les maladies et prolonger la vie humaine au-delà de ses bornes naturelles ».
10. Ce qui s’est longtemps reflété dans l’ingestion d’or à des fins médicales. Alors que cette
pratique est aujourd’hui délaissée, d’aucuns continuent de prêter des vertus médicinales à
l’argent colloïdal.

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• Des chercheurs de l’Université du Michigan ont réalisé en 2012 une


avancée majeure dans la discipline qu’ils ont nommée « l’Alchimie
microbienne » en découvrant que la bactérie cupriavidus metallidu-
rans est capable d’excréter des micro-pépites d’or 24 carats après inges-
tion de chlorure d’or. Cette méthode de production artificielle a elle
aussi lieu à perte.
En définitive, l’aspect fondamental du point de vue de l’épargnant est
que l’or possède une valeur intrinsèque. Parce qu’il est universellement
reconnu pour sa valeur, très rare, coûteux à produire (coûts gigantesques
de prospection, d’extraction et d’affinage du minerai) et particulièrement
prisé 11, l’or est un métal précieux. Cette caractéristique ne peut pas être
altérée par les banques centrales, car à la différence des billets de banque,
l’or ne s’imprime pas. L’état de la science ne permet pas (encore ?) de
reproduire artificiellement ce métal à profit. Comme sa valeur intrinsèque
ne peut pas être dépréciée, l’or bénéficie d’une valeur plancher en deçà de
laquelle son cours ne peut pas descendre.

1.1.2 Utilisations
Souvent associé à l’idée de perfection (cf. le nombre d’or, 1,618), le métal
jaune constitue un matériau dont les hommes aiment se parer depuis
l’Antiquité, d’où l’utilisation massive de ce matériau dans la bijouterie et
la joaillerie. La grande ductilité de l’or le rend également extrêmement
pratique pour les opérations de dorure à la feuille dans le domaine de
l’art. Sur la période 2002-2012, la demande d’or provenant du secteur
de la bijouterie s’est élevée à 62 % du total de la demande mondiale en
moyenne annuelle, soit la part du lion (2 293 tonnes).
Pour autant, l’or est-il un matériau « inutile » ? Comme l’explique James
Turk, « l’or est une matière première spéciale et unique car c’est la seule
matière première produite en vue d’être accumulée ». Il est vrai que sa
ductilité, qui lui profite dans le domaine de la bijouterie, fait obstacle à
son utilisation en tant que matériau pour des outils ayant vocation à être
robustes. Toujours sur la période 2002-2012, seuls 12 % de la demande
mondiale provenaient de l’industrie, soit une part relativement minime
(433 tonnes) 12. Les propriétés chimiques et techniques de l’or sont appré-
ciées en particulier dans les domaines traditionnels de l’électronique, de

11. Attention à ne pas le confondre avec la pyrite qui est un sulfure de fer parmi les plus abon-
dants au monde, de couleur jaune, à l’éclat métallique et qui est communément appelé « l’or des
fous ».
12. Les 26 % restant provenant de la demande d’or dite d’« investissement ».

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la santé et des biotechnologies. Le métal dont Saint Éloi est le patron fait
également l’objet d’un lobbying intensif de la part du Conseil mondial de
l’or 13 en faveur de son utilisation dans le cadre des technologies émer-
gentes comme les nanotechnologies.
Enfin, le recours à l’or reste au goût du jour sous certaines formes margi-
nales qui traduisent tant le statut social des consommateurs que l’air du
temps. Des confitures de champagne aux paillettes d’or à l’iPhone 5 plaqué
or 24 carats (en passant par les armes plaqué or chères aux Mobutu Sese
Seko et autres Saddam Hussein), ce type de produits s’adresse à des indi-
vidus très aisés qui souhaitent vivre leurs années folles à la sauce bling-bling.
Non seulement l’or est très peu utilisé dans l’industrie, mais son carac-
tère indestructible implique que pratiquement tout le métal jaune jamais
extrait est encore existant (cf. page 87). L’or se distingue en cela des autres
matières premières qui, pour beaucoup d’entre elles, sont définitivement
consommées simultanément à leur utilisation industrielle.

1.2 L’or en tant que métal politique


« L’or est la monnaie des rois ; l’argent celle
des marchands et la dette la monnaie des
esclaves ».
Ty Andros

« Le système financier, c’est l’ensemble des


institutions dont la matière première est la
DETTE. La finance, elle émet de la dette,
elle fait circuler de la dette, elle place de la
dette, elle négocie de la dette ».
Jean Peyrelevade

« L’or symbolise au plus haut point les


combats de l’homme contre la rareté,
contre la finitude, contre la domination
des tyrans. L’or est instrument de lutte
contre les mensonges, les fausses promesses,
les “demain on rase gratis”, les free lunchs ».
Bruno Bertez

13. Le Conseil mondial de l’or (World gold council) est le lobby de l’industrie minière aurifère.

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