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MARIE

SYRINX LOUISE

DEBUSSY
✨LOUISE✨
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Introduction
Nous avons choisi de vous présenter aujourd’hui la pièce Syrinx de Claude Debussy. Le but de
cette conférence est de réaliser ensemble une analyse et une mise en place d’un réel travail
sur table. Evidemment, il est difficile de pouvoir entamer un vrai travail sans expérimenter la
pièce avec sa flûte dans les mains. C’est pourquoi nous allons nous pencher aujourd’hui sur
l’aspect davantage théorique. Nous avons d’ailleurs choisi Syrinx pour ces raisons là. Elle est en
effet infiniment riche culturellement et l’analyse mythologique a été un vrai plaisir à faire
toutes les deux! Aussi, nous avons choisi une pièce courte pour être les plus exhaustives
possible!

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Exposons d’abord le plan que nous allons suivre aujourd’hui:

PLAN
I. Le travail sur table
1.Culture intrinsèque
a)Contexte de l’écriture de Syrinx

b)La mythologie autour de Syrinx et de Pan

c) Un mélodrame symboliste (contexte théâtral)

2. Etude comparée de différentes interprétations : culture


extrinsèque

3.L’analyse de la partition
a) Aspect Formel

b)Une pièce en constante évolution

c) L’organisation mélodique de Syrinx

II. L’expérimentation : quels moyens?


1 ) L’intention

2) Diriger et chanter, deux étapes primordiales pour trouver ses appuis

3) Quel matériel musical?

4) Le son et le vibrato

5) Le souffle et la respiration

6) Le travail avec le piano

7) Après tout cela, quel recul avons-nous sur notre travail?

Conclusion
Sources
Nous vous proposons avant toute chose, afin que nous puissions être les plus claires possible,
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d’écouter la pièce ensemble. En effet, peut-être que certains d’entre vous ne l’ont jamais
entendue! Nous avons choisi pour commencer la jolie version de Juliette Hurel, avec la

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comédienne Florence Darel, mais nous en écouterons d’autres par la suite.

Ecoute de Syrinx par Juliette Hurel

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✨MARIE✨
I. Le travail sur table
1. Culture intrinsèque
Pour commencer, se remettre dans le contexte historique et culturel d’une pièce est
indispensable, ne serait-ce que pour savoir ce qui est culturellement admis, dans les
traditions. Nous ne jouerons pas du Telemann comme du Mozart ou du Debussy! En effet,
s’imprégner de l’Histoire et du contexte de la pièce amène aux bonnes intentions.

a) Contexte de l’écriture de Syrinx


Rappelons d’abord qui est Claude Debussy. Il est un compositeur français à cheval entre le
XIXème siècle et le XXe. Musicien libre et anticonformiste, Debussy a souvent été caractérisé
d’impressionniste musical, étiquette qu’il n’a jamais acceptée. Sa musique accorde une place
de choix à la couleur et aux timbres instrumentaux.

La décision de Debussy d'écrire Syrinx n'est pas née d'un désir spontané du compositeur
français mais d'une demande spécifique qui lui a été adressée par un de ses amis, le poète et
dramaturge symboliste Gabriel Mouray (1865-1943).

Symbolisme = rejet du naturalisme, retour à des thèmes mythologiques et sacrés, et une


explication du monde par la spiritualité voire l'occultisme
En fait, Syrinx a été composé pour le poème dramatisé de Mouray intitulé Psyché , dans le
but de servir de musique de fond et sans aucune ambition de devenir une pièce de concert à
part entière.

Ainsi, pour mieux comprendre l'histoire de la pièce, les historiens de la musique se sont appuyés
sur la correspondance entre Debussy et Mourey , qui débuta en 1909 et se termina en 1913 ,
quelques semaines avant la mise en scène de l'œuvre.

Debussy termine la partition de Syrinx en 1913 , après une longue période d’écriture, dont les
phases sont bien documentées dans la correspondance entre Debussy lui-même et son ami
Mouray.

Cependant, sa publication officielle n'eut lieu que 14 ans plus tard, en 1927 , grâce au travail
éditorial de Jean Jobert , qui ne put baser la rédaction de la première édition sur le manuscrit
original de Debussy mais sur une copie de ce dernier, jalousement gardée par le flûtiste Louis
Fleury .

La participation de Louis Fleury à l’œuvre n'était pas inhabituelle étant donné sa réputation
d'interprète et de promoteur de la musique contemporaine. Par exemple, Fleury est apparu
dans des représentations du Pierrot Lunaire sous la direction d'Arnold Schoenberg et plusieurs
compositeurs éminents de l'époque ont écrit des œuvres qui lui sont dédiées.

C'est Fleury lui-même, le musicien, qui a eu le privilège et la responsabilité de jouer Syrinx


pour la première fois .

La représentation eut lieu à Paris , en décembre 1913 , au théâtre Louis Mors , à l'occasion de
la mise en scène de Psyché , un poème dramatisé en trois actes de Mouray .

Après être tombé amoureux de la composition, Fleury a décidé de l'inclure définitivement dans
son répertoire, transformant Syrinx d'un exemple sublime, mais potentiellement inaperçu, de
musique de scène en une véritable pièce de concert , destinée à connaître un succès dans
toute l'Europe.

Fleury fut non seulement le premier musicien à avoir eu l'honneur d'avoir entre les mains la
partition originale de Syrinx mais il fut aussi le seul à détenir les droits exclusifs pour
interpréter la pièce devant un public .

Ceci explique pourquoi l'ouvrage fut mis à l'imprimerie si tardivement, plus précisément après
la mort de Fleury, survenue en 1926, et de Debussy lui-même, décédé en 1918.

Jobert a produit la première édition de Syrinx en collaboration avec le flûtiste Marcel Moyse , à
qui on attribue l'inclusion dans la partition d'une série de mesures et de signes de souffle, tous
deux absents de la partition autographe de Debussy.

A l'origine, le titre donné par Debussy à sa pièce pour flûte seule était La Flûte de Pan .

La décision de le publier sous le nom de Syrinx découle probablement d'une opération


éditoriale de Jobert. L’histoire du manuscrit de Syrinx est une trop longue histoire, nous ne
nous étalerons pas !

Néanmoins, il est important de souligner que par le mot Syrinx Jobert n'a pas voulu faire
allusion à la nymphe grecque Syrinx mais à la nomenclature couramment utilisée en Grèce

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pour désigner le type spécifique de flûte jouée par Pan.

b) La mythologie autour de Syrinx et de Pan


Le Syrinx de Debussy est basé sur l' histoire mythologique de Pan , un satyre grec connu
pour être tombé amoureux de la nymphe Syrinx.

Selon le mythe, Syrinx était une nymphe de la forêt tandis que Pan , une créature vigoureuse
mi-homme mi-bouc , était un satyre lié au royaume de la nature sauvage et de la sexualité .

Un jour, Pan aperçut la nymphe et commença à lui faire la cour avec insistance.

Syrinx, qui ne voulait rien avoir à faire avec lui, décida d'échapper aux attentions sexuelles du
satyre et demanda de l'aide à son père, le dieu des rivières Ladon .

Ladon, espérant sauver la fille du harcèlement sexuel de Pan, la transforma en un bouquet de


roseaux d'eau au moment même où le satyre essayait de l'embrasser.

Lorsque Pan réalisa qu'il ne tenait que des roseaux d'eau, il commença à soupirer et le flux
d'air sortant de sa bouche souffla à travers les roseaux, générant une série de sons
merveilleux.

Le satyre pensa immédiatement que les notes provenant des roseaux étaient la voix de sa bien-
aimé Syrinx et décida de les couper pour en faire un instrument de musique.

À partir de ce jour, chaque fois que Pan jouait de la syrinx dans les bois, il avait l'impression
d'embrasser la nymphe , tandis que la malheureuse Syrinx restait à jamais piégée dans le
corps de l'instrument de musique , condamnée à passer le reste de sa vie en compagnie du

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satyre détesté et n'exprime sa voix triste que sous forme de notes.

✨LOUISE✨
c) Un mélodrame symboliste (contexte théâtral)
Selon le Nouveau Dictionnaire musical de Harvard, un mélodrame est « une pièce musico­-
dramatique dans laquelle le texte parlé alterne avec la musique instrumentale ou est récité sur
un fond musical continu. »

Cette méthode d’exécution présente la musique et les mots comme deux entités parallèles
interagissant simultanément. La musique s'intensifie comme la composante dramatique des
mots tandis que le contenu et la structure du récit façonne la composition. Dans ce contexte
musico­-dramatique, le récit et la musique sont interconnectés, chacun fonctionnant comme
une expression réciproque ou complémentaire de l’autre.

Stéphane Mallarmé disait :

« Ce n'est pas la description qui peut dévoiler l'efficacité et la beauté des monuments, des mers ou du
visage humain dans toute leur maturité et leur état natif, mais plutôt l'évocation, l' allusion, la
suggestion. »

La confession de Mallarmé, exprimée dans sa Crise de la poésie, véhicule un certain sens de la


poésie symboliste. Le langage a la capacité de stimuler nos capacités cognitives, permettre
l'évocation plutôt que la simple dénomination ou la représentation des choses, de sorte à ce que
la vraie beauté des existences peut être exprimée. Ces déclarations de Mallarmé peuvent nous
permettre de mieux comprendre Syrinx. Conformément à une demande précise de Mouray,
Syrinx a été écrit par Debussy pour représenter musicalement les états émotionnels, les
pensées et les soupirs qui auraient dû accompagner les derniers instants de la vie du satyre
grec Pan .

La scène se déroule dans la grotte de Pan. Une naïade, ou nymphe de la rivière, vient à la
grotte le soir et entame un dialogue avec une oréade, ou nymphe de la montagne.

Comme le souligne Laurel Ewell (musicologue americaine), "la naïade est craintive, mais
l'oréade l'encourage à écouter le son de la flûte de Pan, lui assurant que lorsqu'elle le fera, elle n'aura
plus peur".

La naïade est finalement séduite par le chant et se rend sans crainte.

Laurel Ewell suggère ensuite un parallèle entre l'interprétation dualiste de Schopenhauer et


plus tard de Freud qui voudrait que la psyché se compose de deux entités opposées, le
conscient et le subconscient.

Cette dualité nous allons beaucoup la retrouver dans Syrinx. Nous le verrons avec la bataille
entre deux tonalités et tout au long de la pièce nous oscillerons comme entre deux états
mélodiques qui coexistent. C'est comme si Debussy voulait racheter l'image féroce et sauvage
du satyre et la transformer en celle d'une créature fragile et mourante, confrontée à la
transition inexplorée de la mort, piégée dans sa dernière danse de souvenirs et de regrets .

Comme nous l'avons déjà dit, c'est Pan lui-même qui interprète le solo de flûte, caché dans sa
grotte, à l'abri des regards indiscrets des nymphes de l’Oréade et de la Naiade et des oreilles
curieuses du public. D’ailleurs, lors des premières représentations, Louis Fleury sera caché du
regard du public.

Dans une lettre du 17 novembre 1913, concernant la musique de scène de Psyché, Debussy
écrit:

« Jusqu'à présent, je n'ai pas trouvé ce qu'il fallait... car une flûte qui chante à l'horizon doit tout de
suite contenir son émotion ! Autrement dit, il n'y a pas de temps pour les répétitions, et un caractère
artificiel exagéré grossira l'expression puisque la ligne ou le motif mélodique ne peut s'appuyer sur
aucune interruption de couleur. S'il vous plaît, dites-­moi très précisément après quelles lignes la
musique commence. »

La date et le contenu de la lettre suggèrent qu'elle a été écrite au début de la composition. Sa


frustration de « ne pas avoir trouvé ce qu’il fallait » et sa demande du placement précis de la
musique suggère la genèse de La Flûte de Pan évoluée en association étroite avec le texte

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correspondant.

Le texte, le voici, nous allons le lire ensemble:

PSYCHE, Acte III, Scène 1

L'Oréade : « Mais voici que Pan de sa flûte recommence a jouer »

Ces lignes agissent comme une sorte de signal permettant au flûtiste de


commencer à jouer les huit premières mesures du solo puis de s'arrêter

Il semble que la Nuit ait dénoué

Sa ceinture et qu'en écartant ses voiles

Elle ait laissé, pour se jouer,

Sur la terre tomber toutes les étoiles…

Oh ! comme, dans les champs solennels du silence,

Mélodieusement elles s'épanouissent !

Si tu savais…

Tais-toi, contiens ta joie, écoute.

Si tu savais quel étrange délire

M'enlace, me pénètre toute !


Si tu savais... je ne puis pas te dire

Ce que j'éprouve. La douceur

Voluptueuse éparse en cette nuit m'affole…

Danser, oui je voudrais, comme tes sœurs,

Danser… frapper de mes pieds nus le sol

En cadence et, comme elles, sans effort,

Avec d'harmonieuses poses,

Éperdument livrer mon corps

À la force ondoyante et rythmique des choses !

Celle-ci ressemble, au bord des calmes eaux

Où elle se reflète, à un grand oiseau

Impatient de la lumière…

Et cette autre tout près qui, lascive, sans feinte,

Se roule sur ce lit de rouges hyacinthes…

Par la chair d'elles toutes coule un feu divin

Et de l'amour de Pan toutes sont embrasées…

Et moi, la même ardeur s'insinue en mes veines ;

Ô Pan, les sons de ta syrinx, ainsi qu'un vin

Trop odorant et trop doux, m'ont grisée ;

Ô Pan, je n'ai plus peur de toi, je t'appartiens !

Nous ne procéderons pas à une quelconque analyse textuelle, la matière première de la

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conférence reposant sur l’aspect musical.

✨MARIE✨
2 ) Comparer différentes interprétations
Si certains préfèrent écouter les différentes versions existantes d’une pièces après leur travail,
d’autres aiment les entendre avant, pour s’inspirer.

Nous vous laissons choisir votre camp !

Il existe probablement des centaines de versions de Syrinx : Emmanuel Pahud, Juliette Hurel,
Vincent Lucas, Jean-Pierre Rampal et tant d’autres…

Néanmoins, nous allons procéder à une rapide analyse de deux versions aux antipodes, pour
démontrer à quel point deux versions d’une même pièce peuvent être diamétralement
opposées.

Nous avons choisi la version de Jean-Pierre Rampal et celle de Philippe Bernold, aux
antipodes. Nous avons fait exprès pour que notre analyse soit un petit peu exagérée...

Rappelons d’abord qui sont-ils? Philippe Bernold, l’un des plus éminents des flûtistes actuels
et prof au CNSM de Paris. Jean-Pierre Rampal, lui, est l’un des artistes marquants de la vie
musicale de la deuxième moitié du XXème siècle, non seulement par sa virtuosité mais aussi
parce qu’il a réussi à faire rayonner la flûte dans le monde entier et à la hisser à une place

🎧 🎧
de soliste.

Ecoute de Rampal et Bernold


Vous remarquerez tout de suite les grandes lignes des différences entre ces deux versions.

D’abord, nous noterons une grande force, fougue voire violence chez Rampal quand nous
soulignerons plutôt une certaine douceur ou un calme chez Bernold. En effet, Rampal a un
jeu beaucoup plus déclaratif face aux interrogation et aux incertitudes de Bernold.

Bernold a un son davantage cristallin, contrairement à son homologue qui fait preuve
d’un son extrêmement timbré et d’un vibrato très serré.

Ce qui saute aux yeux également est le tempo : Rampal va beaucoup plus vite et prend
beaucoup moins de temps de silence, contrairement à Bernold qui fait beaucoup durer ses
points d’orgue, par exemple.

Les nuances sont également très différentes, beaucoup plus douces chez Bernold. Le
rubato également n’est pas le même, même si il est présent chez les deux flûtistes. En effet,
Bernold prend quelques libertés au niveau du tempo et du rubato voire même du
rythme, quand Rampal suit la partition plutôt à la lettre.

A noter que la version de Rampal étant plus datée il est possible que cela influe sur la qualité
du son.

Nous vous laissons vous faire cette opinion sur votre version préférée néanmoins il est
important de noter toutes les différences que peuvent illustrer les écoutes de versions

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différentes.

✨LOUISE✨
3.L’analyse de la partition
Nous pensons qu’afin de travailler l’interprétation d’une œuvre, il faut goûter, tester
différentes choses, essayer, aussi, afin de découvrir quelle interprétation nous souhaitons
véhiculer.

Voici quelques moyens, quelques pistes que nous pouvons vous proposer:

a) Analyse formelle
Avant de procéder à une analyse approfondie de la partition de Syrinx , il nous semble opportun
de vous donner quelques informations générales sur la pièce.

D’abord, précisons que dans la plupart des éditions, la ponctuation, les mesures et les
nuances sont écrites par le flutiste et le professeur du Conservatoire de Paris Marcel Moyse.

Commençons par dire que Syrinx est une pièce pour flûte seule écrite dans la tonalité de si
bémol mineur.

La métrique choisie par Debussy est pour la majeure partie de la composition du ¾ . Les
seules exceptions sont quelques mesures, placées vers la fin, dans lesquelles la mesure devient
du 2/4 , puis revient à du ¾.
Répondre à la question relative au tempo de Syrinx n'est pas facile, car l'auteur français le
modifie continuellement tout au long de la pièce et ne donne pas d'indication métronomique
claire mais préfère s'appuyer sur une série d'expressions linguistiques telles que : assez
modéré, retenu, un peu mouvementé (mais pas trop), ralenti, rubato, assez modéré, tenu jusqu'au
bout, encore plus retenu.
Cependant, le tempo culturellement admis est de 40 BPM .

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Quant à la durée , Syrinx est généralement réalisé sur une période de 3 minutes ou moins.

b) Une pièce en constante évolution


Ce qui fait du Syrinx un chef-d'œuvre de la littérature musicale pour flûte est clairement sa
nature en constante évolution , qui donne aux interprètes la possibilité d'expérimenter en
permanence différents niveaux de volume, de tempo et de vibrato .

En fait, la première chose qui attire l'attention lorsque l'on regarde la partition de Syrinx est le
grand nombre de marques indiquant des changements spécifiques, et parfois inattendus, de
tempo et de volume.

De ce fait, l'interprète doit constamment combiner un sentiment de spontanéité et


d'improvisation avec un tempo strict, tout en respectant la fluidité naturelle des rythmes
fixés par Debussy.

Il est important de dire, en ce qui concerne l'approche de Debussy envers sa propre musique,
que le compositeur français détestait le fait que les gens veuillent interpréter le « sens »
de ses compositions, en essayant d'aller au-delà de ce que les éléments structurels,
mélodiques et rythmiques écrits proposent.

C'est pourquoi notre analyse s'en tiendra autant que possible à la partition et aux indications
réelles qui y sont présentes, même si l' application théâtrale de la mélodie laisse une

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certaine liberté pour imaginer les paysages émotionnels de Pan en tant que personnage.

c) L’organisation mélodique de Syrinx


Je vais essayer d’accès mon analyse vers l’Histoire de Pan, et ne pas trop m’égarer dans une
analyse trop précise, que vous pourrez faire vous même. En effet, s’imprégner de l’Histoire et
du contexte de la pièce, comme nous l’avons montré précédemment, peut également nous
amener aux intentions du compositeur. Connaître la mythologie de Pan, par exemple, peut
réellement nous amener à être dans le juste, à nous inspirer: comme si l’on racontait une
histoire, comme si les mots de Mouray était notre fil rouge pour nous guider dans la musique.

Syrinx est un merveilleux exemple de la technique des tons centraux. Cette technique implique
qu’un ton devienne un point d’orientation mélodique, c’est-à-dire que la mélodie est une
élaboration de ce ton. L’utilisation d’un ton central peut être considérée comme rappelant la
tonalité où une hiérarchie de hauteurs se concentre sur un seul ton central, le tonique. Ici,
c’est le si bémol.

·Le système de rotation

La musique de Debussy a longtemps été perçue comme singulièrement problématique pour


l'analyse formelle. Si certaines de ses compositions sont conformes aux modèles traditionnels
et peuvent donc être expliquées par des formes classiques, d'autres nécessitent des approches
moins conventionnelles.

Syrinx nous fournit un exemple de cette dernière catégorie et, malgré son apparente conception
strophique, s'explique mieux comme une structure rotative.

Le concept de rotation a été inventé par James Hepokoski (musicologue américain) et a été
largement appliqué à la forme sonate.

Le processus temporel est décrit dans la théorie de la sonate comme "des structures qui
s'étendent dans l'espace musical en recyclant une ou plusieurs fois un motif thématique
référentiel établi comme une succession ordonnée au début de la pièce"

Syrinx comprend trois rotations complètes.

Le module A définit le début de chaque cycle ; il est marqué par l'arabesque d'ouverture et
par la tonalité statique de si bémol mineur. (mesures 1 à 8)

Le module B introduit le mouvement harmonique et se caractérise par l'infiltration tonale de


sol bémol majeur. (mesures 9 à 25)

A la fin, nous retournons à un modèle A’, reprenant l’arabesque du début maintenant


cependant sous le contrôle de l'infiltration de sol bémol majeur. (mesures 25 à la fin)

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Nous nous baserons sur ces trois sections pour organiser notre analyse.

Section d'ouverture et thème principal (A)

Regardons le début de la pièce : dans les 2 premières mesures, Debussy présente le thème
principal de l’arabesque, une puissante déclaration d'ouverture, se terminant par un
mystérieux diminuendo . Celle-ci établit la tonalité de Sib mineur.

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La troisième mesure est une répétition de la déclaration d'ouverture, du thème de
l’arabesque , dont la fonction est de renforcer l'importance mélodique du thème dans la
mémoire de l'auditeur. Néanmoins, la fin est différente : l'arrivée sur le Sib à la mesure 4 initie
une troisième ascension.

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JOUER

Au début, la mesure 5 semble être une simple répétition de la troisième ascension qui vient
d'être entendue ; cependant, après la répétition du premier geste, Debussy introduit un accord
de septième en ré bémol mineur, qui se résout en do bémol majeur.

JOUER
Les mesures quatre et cinq présentent une analyse intéressante de la psyché de Pan : une
séquence anxieuse de crescendo, suivie de brusques chutes vers le piano , comme si Pan

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essayait désespérément d'élever son esprit sauvage et exubérant, mais en vain.

-Petite parenthèse- :

Le mouvement VI-I (lab - dob) reflète la cadence en do b majeur de La Fille aux Cheveux de
Lin de Debussy et pourrait donc être conçu comme une réference de celle-ci . En comparant
les deux passages, on remarque que les hauteurs de la main droite du piano sont exactement

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les mêmes que celles utilisées dans Syrinx.

Ecoute de La fille aux cheveux de lin


Il est important de souligner que l'importance du Do b augmente progressivement tout au long
du passage. En outre, sa relation chromatique avec la tonalité principale laisse entrevoir la
tonalité de sol bémol majeur, injectant de l'incertitude dans le plan harmonique de la pièce.
Section médiane (B)
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Arrivé à la mesure 9, le compositeur décide de répéter le thème principal mais cette fois une
octave plus bas, ajoutant une sorte de nuance sombre à la phrase mélodique initiale.

Cependant, la descente terminale du thème est inversée à la mesure 10, ce qui donne lieu à
un changement harmonique . Ainsi, on a affaire à un arpège d’un accord de sol b majeur,
définissant clairement la nouvelle tonalité et expliquant la fonction du do b dans la
section A.

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JOUER

La mesure 13 accueille la note la plus haute dans cette partie de la composition , qui
symbolise probablement la nouvelle tentative de Pan de rétablir sa vitalité, tandis que le
diminuendo qui suit semble suggérer un nouvel échec, un abandon mélancolique.

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JOUER

La section caractérisée par les triolets avec diminuendo (Mesure 14) nous projette dans la
partie la plus secrète (et pourtant agitée) de Syrinx, marquée par un sentiment de
répétition obsessionnelle qui semble faire allusion à un désir qui ne veut pas accepter
l'inévitable réalité de la perte, de la déchéance et de l'abandon.

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JOUER

Dans la mesure 20, Debussy nous entraîne, ainsi que son personnage principal, Pan, dans un
nouveau scénario musical , où les intervalles et le flux de la mélodie abandonnent l'état
antérieur de tristesse anxieuse, laissant place à l'espoir, tout comme lorsque l'obscurité est
soudainement percée par un rayon de lumière.

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JOUER

Dès la mesure 22, on assiste à un puissant climax en volume et en tempo , faisant peut-être
allusion à la réémergence d'un ensemble de sentiments douloureux dans le cœur de Pan, qui
prend probablement de plus en plus conscience de la disparition progressive de la vie de
son corps.

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JOUER

Section finale (A’)

La dernière section de la composition reprend le thème principal, joué dans l'octave


supérieure, emprisonné dans une série de crescendo et de diminuendo, évoquant l'état
mental d'une âme souffrante qui aspire encore à lutter contre les sentiments de défaite, de
tristesse et la démission.

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JOUER

Les césures qui précèdent chaque reprise du thème accentuent la dominante de sol b (ré b) ;
cependant, elles ne permettent pas sa résolution attendue. L'arrivée à la dominante à la
mesure 31 semble mettre fin à la lutte entre les deux tonalités? Les dernières mesures, bien
que suggérant fortement la tonalité de sol majeur, n'atteint jamais son but final et restera
sur la dominante.

MONTRER A LA FLUTE QUE L’ON ATTEND UN SOL B


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La dernière note mourante incarne le calme figé d'un adieu et, en même temps, ouvre un
portail mystique vers la mémoire, le seul endroit où Pan pourra revivre et se réunir, peut-être,
avec son amante perdu, la nymphe Syrinx.

Ainsi, Syrinx doit être considérée structurellement comme non orientée vers un but.

La pièce prolonge le ton primaire initial par des techniques contrapuntiques et ne contient

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pas de clôture finale.

Néanmoins, l'impression de manque de direction est largement due à la nature statique de la


tonalité de si bémol mineur. Alors que le sol majeur génère du mouvement en tentant de
s'imposer comme la tonalité principale de la pièce, le sib mineur le retient constamment.

Si l’on se base sur les écrits de Laurel Ewenn quant à la dualité de Schopenhauer, en
attribuant des rôles différents aux tonalités de sib mineur et de solb majeur, Debussy
établit une correspondance directe entre le combat psychologique de la naïade et
l'architecture tonale de la musique : sib mineur représente la conscience de la nymphe
qui, envahie par la peur, englobe ses sentiments et ses volontés. L'état mental est illustré dans
la musique par une absence continue de mouvement harmonique et l'utilisation d'une
gamme altérée en si bémol mineur.

Le sol b majeur, en revanche, fonctionne comme la volonté subconsciente et procure à la


nymphe la liberté et la joie grâce à des mouvements orientées vers un but. Sur la base de
cette interprétation, nous pourrions affirmer que le schéma tonal de la pièce suit le poème
dans sa domination progressive par la liberté séduisante de la tonalité de sol b majeur. A
la fin de la pièce, la volonté subconsciente prend le contrôle de la bataille psychologique de
la pièce ; cependant, l'absence de résolution finale ne lui permet pas de se matérialiser
pleinement.

Afin que la conférence reste digeste nous nous en tiendrons à cela pour ce qui est de l’analyse
musicale de Syrinx. Néanmoins nous vous invitons à pousser plus loin l’analyse si cela vous

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intéresse!
II. L’expérimentation : quels moyens?

✨MARIE✨
1 ) L’intention

Travailler une pièce doit toujours être la suite d’une intention. Savoir ce que l’on veut est
primordial. Néanmoins, un tas de problématiques flûtistiques se confrontent souvent à nos
intentions. C’est pourquoi il faut savoir cerner quels moyens exploiter.

Nous pensons qu’il faut chercher à jouer quelque chose qui nous touche, et pour cela anticiper
lorsque l’on prend sa flûte, quelle intention nous avons dans l’oreille.

L’intention c’est d’abord ressentir, et entendre. Cela nous emmènera ainsi à des objectifs et à
dessiner notre démarche. Il est ainsi extrêmement important de savoir vers où notre travail veut
se diriger. Syrinx est un très bon exemple : mille façons de le jouer existent et il faut savoir,
avant de travailler quelle sera la notre!

Nous allons essayer de vous dresser une liste de quelques moyens qui pourront être des pistes
dans votre travail. Néanmoins, elle ne saurait malheureusement être exhaustive! En effet,
Beaucoup de points ne pourront être abordés car pas vraiment liés à Syrinx: l’articulation, le
mécanisme, l’appropriation du lieu où l’on va jouer, la gestion physique de notre corps ou la
gestion de nos émotions etc... Tout cela est tout aussi important au sein du travail d’une pièce,

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même si nous ne pouvons tout évoquer dans cette conférence.

✨LOUISE✨
2) Diriger et chanter, deux étapes primordiales pour trouver ses appuis

Diriger et chanter une pièce est également un passage très important.

Sur Syrinx, par exemple, le rubato omniprésent nous pousse à devoir savoir comment diriger
chaque phrase. Si l’on n’est pas capable de la diriger ou de la chanter nous ne saurons pas la
jouer!

Il faut d’ailleurs comprendre les notions de temps fort et de temps faible afin de savoir
comment mener sa phrase. Sentir les levées, les appuis, les suspensions, les gestes
verticaux ou horizontaux, les tensions ou les détentes, tout ceci nous pousse à mieux
comprendre les phrasés.

Nous pouvons également marcher en fonction de la mesure, par exemple , pour mieux
ressentir toujours ces appuis. Faire des gestes qui inspirent notre phrasé s’apparente un petit
peu comme à un danseur qui tracerait sa musique!

Aussi, on se rend souvent parfois compte en chantant d’intentions musicales que l’on n’aurait
pas pu expérimenter à la flûte. Il est beaucoup plus facile de trouver une certaine justesse dans
le phrasé en chantant quand nous n’arrivons pas à transmettre la même chose à la flûte!

Cette étape est ainsi nécessaire.

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DEMO SUR LA PREMIERE PHRASE avec des temps forts différents

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3) Quel matériel musical?

Nous ouvrons une petite parenthèse quant au matériel musical. En effet, ceci ne se cantonne
pas à Syrinx mais à n’importe quel type de morceau.

Le choix de l’édition de la partition, d’abord, est important par exemple. Il dirigera notre travail
puisque comprenant toutes les annotations nécessaires. Par exemple, toutes les deux, nous
avons choisi de nous appuyer sur celle de Jobert qui comprend les annotations de Marcel
Moyse. Syrinx ne possède qu’une page, mais se pencher sur les tournes de pages est aussi
important, de sorte à ce que cela ne gène pas le déroulé de la pièce.

Ici, nous avons choisi une pièce pour flûte seule mais si ce n’était pas le cas, toujours garder un
œil sur les autres parties (piano ou orchestre) est très important.

Nous parlions tout à l’heure des différentes interprétations. En effet, posséder des CD ou des
vidéos d’autres flûtistes jouant Syrinx est très enrichissant.

Aussi, un élément et non des moindres: le pupitre. Veut-on jouer par cœur ou avec partition?

En effet, tous ces petits détails de matériel musical paraissent anodins mais sont en réalité
extrêmement importants.
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✨LOUISE✨
4) Le son et le vibrato

Avoir un son est une chose. Trouver un son particulier sur une pièce en est une autre. En effet,
jouer une pièce nécessite parfois de trouver un autre son que celui que l’on a l’habitude
d’arborer. Par exemple, sur Syrinx, trouver une couleur est extrêmement important.

Cela se jouera notamment avec les paramètres du son (ouverture, direction, quantité, vitesse).

Sur Syrinx, les questions que nous pourrions nous poser pourraient être: est-ce que je veux un
son timbré ou non ? A quel moment est-ce que je veux vibrer? Etc.…

Chaque note doit pouvoir vibrer, être vivante! Nous pensons en effet que chercher
simplement à avoir un bon son est sans intérêt, il faut que le son nous parle et qu’il soit en
mouvement! Dans Syrinx, par exemple, les nuances nous aideront aussi à faire vivre cette
sonorité.

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DEMO SUR LA PREMIERE PHRASE avec un son très vibré et timbré tout le long ou juste à la fin

✨MARIE✨
5) Le souffle et la respiration

Etre à l’aise avec ses respirations et son souffle est peut-être l’élément le plus important dans
le jeu flûtistique. Il est nécessaire de définir en amont la façon de gérer ces respirations avec
laquelle nous nous sentons le plus à l’aise.

Ceci se joue dans l’amplitude que l’on veut donner à sa respiration, par exemple, et ceci se
jouera en lien avec l’énergie du morceau.

L’étape évidemment indispensable est de placer ses respirations, sans couper net la phrase
musicale et sans faire trop de bruit. Les questions à se poser sont ainsi : “combien de temps fait
ma respiration?” ou “Combien de temps puis-je tenir sans respirer?”
Il peut aussi être intéressant de jouer en sons soufflés pour sentir comment notre souffle
donne vie à la musique, ou en chantant à l’intérieur de la flûte pour garder le chant intérieur
que nous avons tous lorsque nous connaissons bien une pièce.

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DEMO DES RESPIRATIONS SUR LA PARTITION

✨Louise✨
6) Le travail avec le piano

Nous avons choisi une pièce pour flûte seule, ainsi, le travail avec le piano est inexistant.
Néanmoins, si la pièce est accompagnée, il est nécessaire de travailler avec celui-ci. D’abord
analyser sa partie, et trouver des liens entre cette partie pianistique et la partie de la flûte (qui
a le thème à quel moment, par exemple).

Etre en cohérence avec les appuis, les carrures, les cadences du piano, tout ceci est
extrêmement enrichissant !

✨MARIE✨
Encore une fois, tout ceci se jouera dans l’expérimentation en travaillant avec le ou la pianiste!

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7) Après tout cela, quel recul avons-nous sur notre travail?

Maintenant le travail abouti, qu’avons-nous comme ressources pour avoir du recul sur notre
travail?

La première chose à laquelle on pense est évidemment le professeur. Celui-ci pourra nous
aiguiller et répondre à nos questions évidemment. Mais il est tout aussi important d’avoir des
échanges avec d’autres, des amis, mélomanes ou auxquels la musique est inconnue, en
concert ou dans le cercle privé.

Un très bon médium également est l’enregistrement sonore ou vidéo. Il permet d’avoir un
retour direct sur notre prestation et de se trouver soi-même face à des problématiques dont
nous n’avions pas forcément soupçonné l’existence avant de s’écouter jouer. Aussi, la vidéo
permet d’avoir un visuel sur la gestuelle qui a une grande place dans l’interprétation. En effet,
les gestes, la posture ou la façon de bouger doit être en toute cohérence avec nos intentions

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musicales! Et l’enregistrement peut être un excellent moyen de s’en rendre compte.

✨Louise✨
Conclusion

Après l’évocation de tous ces moyens, un grand travail a déjà été fait.

Le reste du travail du montage de cette pièce se tiendra, nous le pensons dans la technique
flûtistique. Trouver son son, trouver les couleurs qui nous plaisent, et travailler le texte,
évidemment. Et surtout expérimenter la pièce en la jouant et en se l’appropriant!

Nous vous avons apporté l’aspect théorique de la pièce et maintenant c’est à vous de jouer !

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Nous vous laissons nos sources sur le tableau.

Sources
· Bibliographie

Wheeldon, Marianne. "Interprétation de la discontinuité dans les œuvres tardives de Debussy".


Current Musicology (2004) : 92-115.

Hepokoski, James. "Nuages et cercles : Rotational Form in Debussy's Nuages". Dutch Journal of
Music Theory (2010) : 1-17.

Ewell, Laurel. "Un mélodrame symboliste : La confluence du poème et de la musique dans l'œuvre
de Debussy". Université de Virginie occidentale, 2004
Whitman, Ernestine. “Analyse et critique de l’interprétation des œuvres pour flûte de Debussy.”
Université de Wisconson – Madison, 1977

Cobussen, Laurel. "La signification des éléments paratextuels dans le Syrinx de Debussy". Université
de Leiden, Pays-Bas, 2004.

Partitions

Debussy, Claude. "Syrinx". Ernst-Gunter Heinemann, composé en 1913, publié en 1927

Debussy, Claude. "La fille aux cheveux de lin". extrait du 1er livre des "Préludes" pour piano
Editions Durand, composé en 1910

· Discographie

Rampal, Jean-Pierre et Veyron-Lacroix Robert. "Debussy, Prokofiev, Bartok, Poulenc". Columbia


Odyssey, 1976

Bernold, Philippe, "Picasso and music". Harmonia Mundi, 1997

Hurel, Juliette "Impressions francaises ". Zig-Zag territoires, 2011

Olafsson, Vikingur "Debussy, Rameau ". Deutsche Grammophon , 2001

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