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Europan France
L’existence d’un projet latent, ou inside 2
A – Hypothèse 4
Europan France
partenaires qui ne partagent pas nécessairement les mêmes
L’existence d’un projet latent, avancées architecturales ?
Europan France 2
Approfondir cette hypothèse de l’existence d’un inside nous
semble donc centrale pour que les autres acteurs de
l’aménagement puissent mesurer ces évolutions dans les
modes de conception et collaborer avec l’architecte de
manière plus riche et transparente. Pour cela nous allons
chercher à :
- comprendre comment se forme cet inside ;
- montrer la place de cet inside dans le processus de la
conception architecturale, ou l’étude du travail d’actualisation ;
- comprendre si les évolutions actuelles des schémas de
conception et d’univers référentiels libèrent ou contraignent la
conception contemporaine.
Europan France 3
1 - Comment se forme cet inside que l’architecte met en œuvre. Mais les exemples cités sont
généralement tirés d’œuvres majeures d’architectes majeurs
qui n’éclairent qu’imparfaitement la conception. Or la
question posée ici est bien de comprendre les modes de
A - Hypothèse production de l’ensemble des projets d’une session Europan
dans laquelle, manifestement, des effets de masse, sont
Le temps de la conception est un temps assez obscur aisément repérables et ne peuvent s’apparenter à une
pendant lequel l’architecte, sur sa table, rassemble succession de métaphores personnelles.
l’ensemble des éléments en sa possession et en livre une
forme construite, synthétique en ce qu’elle agrège dans un Si nous reprenons l’analyse de Michel Conan selon laquelle,
dispositif intelligible un nombre important de préoccupations confrontés à la complexité du projet, les architectes
croisées. C’est ce que montre par exemple le travail de cherchent à la réduire en limitant les champs d’investigation,
Philipe Boudon sur les échelles de conception. Ceci décrit la nous formulons l’hypothèse que la nature de cette limitation
forme apparente de la conception, vision quelque peu est conditionnée par l’existence d’une forme architecturale
idéalisée que les non-architectes accordent généralement préalable portée par les concepteurs. En d’autres termes, la
aux architectes. Les travaux de Michel Conan ont complété visée d’une image finale sous-tendrait le travail, de projet
ce point de vue en montrant qu’en fait, l’émergence de cette entendu alors comme adaptation de cette image finale aux
vision synthétique se faisait en réduisant un programme contraintes spécifiques du couple programme-contexte.
complexe « à quelques éléments jugés importants par
l’architecte ». A ce titre, l’expérience menée par Sépia1 Toutefois, au terme d’ « image finale » nous préférons celui
cherchait à étendre cette base problématique à l’aide d’une d’inside. En effet, nous souhaitons souligner qu’il ne s’agit
méthode de « programmation générative »2 en imposant aux pas ici d’une transposition littérale, d’un simple « copier-
concepteurs de se référer à un ensemble de problèmes listés coller » d’un projet pré-existant. Même si l’inside se nourrit
par des usagers. L’évidente résistance qu’opposaient certains en amont d’une ou plusieurs sources de projets, on ne peut
architectes pour entrer dans un travail de conception plus l’associer à la notion de référence pure trop identifiable.
partenarial est peut-être à l’origine de l’émergence du Cette notion d’inside permet en fait de traduire un
concept de « générateurs primaires »3 à l’attention des phénomène plus complexe, une alchimie qui croise au moins
étudiants. Le « générateur primaire » est une métaphore trois déterminants principaux à l’origine de cette idée de
initiale, généralement non liée au programme, qui va projet latent : une famille d’appartenance principalement liée
permettre la résolution des problèmes par un travail de à la formation, un corpus de références aux évolutions
transpositions, comme par exemple l’habitat canaque pour le actuelles, et une vision créative propre. Il ne s’agit pas ici
centre culturel Jean-Marie Tjibaou de Piano à Nouméa ou d’analyser chacun des trois termes indépendamment puisque
l’envol d’un oiseau pour l’opéra de Utzon à Sydney, etc. La nous pensons qu’ils sont indissociables à l’intérieur de
prise de conscience de l’impact de ce « générateur primaire » l’inside. La formation, en insistant fortement sur l’aspect
assure déjà une meilleure compréhension des modes de faire inventif des architectes, milite davantage pour que les
concepteurs se tournent vers des références d’avenir, c’est-
1
Patrice Séchet, Programme Sépia, Secteur expérimental pour la programmation innovante à-dire, en termes de corpus, vers le mouvement moderne
de l’habitat pour personnes âgées en France, lancé en 1989 à l'initiative du ministère
chargé du Logement et du ministère chargé des Affaires sociales, avec la participation de la associé aux derniers projets présentés dans les revues, de
Caisse des dépôts et consignations. 1930 à nos jours. Un inside commun à une génération
2
Michel Bonetti, Méthode de programmation générative
3
Michel Conan
d’architectes, mêlant apprentissage au sein des écoles et
Europan France 4
publications récentes, prend sans doute ainsi forme. De là, la que nous avons retenu un découpage par attitude face à ces
nécessité de connaître cette culture de base, plus plastique enjeux urbains plutôt qu’une catégorisation par architecte de
qu’autrefois, qui circule aujourd’hui et ses références les plus référence qui aurait eu pour effet d’une part de rabattre le
actives. La connaissance de cette grammaire partagée est concept dynamique d’inside sur une notion de citation de
nécessaire pour identifier la nature actuelle des inside et références manquant de richesse et, d’autre part, étant
distinguer la part de création de la part de citation. Pour cela donné qu’aujourd’hui l’école hollandaise (Koolhaas, OMA,
nous avons élaboré une méthode de tris croisés permettant MVRVD…) occupe une position centrale, d’écraser d’autres
de rapprocher l’univers des publications récentes (principales attitudes encore actives bien que cohabitant avec cette
revues sur un an : AMC, le Moniteur, El Croquis, d’A) et esthétique. Pour autant, cette position incontournable n’est
l’ensemble des soixante projets présélectionnés en première pas sans conséquence et nous y reviendrons plus
phase d’Europan 7. Nous avons ainsi fait émerger dans un spécifiquement ultérieurement.
premier temps, issues des projets publiés dans les revues,
quatre familles principales aujourd’hui actives dans le débat Ces quatre familles se répartissent en deux groupes :
architectural et urbain. Dans un second temps, nous avons
cherché à mesurer leur impact sur la production des jeunes Premier groupe
architectes. On notera que sans viser à l’exhaustivité, à Les « Mondes à part » 4. Ce sont de vastes projets
l’exception de projets spécifiques publiés en raison de architecturaux englobant les échelles architecturale et
l’importance de leur programme ou de la reconnaissance urbaine dans leurs principes de résolutions. Oeuvres
nationale de leur concepteur et qui peuvent être datés, ces architecturales à part entière, de grandes dimensions,
quatre familles dominantes recouvrent assez bien les modes elles se confrontent généralement clairement à leur
récents avec lesquels les architectes contemporains abordent environnement direct. Ce premier groupe est constitué
ces « challenges suburbains ». par :
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Les « Objets ». Ce type de projet repose parfois quelque peu formelles (bandes de
essentiellement sur une posture artistique liée largeur abstraitement définies, s’implantant
aux courants plus ou moins récents de l’art indifféremment sur des tissus privés ou publics,
contemporain et généralement déjà médiatisés se superposant sur des barres d’immeubles ou
par des architectes : le minimalisme, le dé- des autoroutes …). Généralement, de légères
constructivisme, le land-art... Les compositions déformations, des glissements, des effets de
urbaines traditionnelles laissent alors place à matières des différentes bandes viennent
des jeux de boîtes aux différentes faces adoucir la répétition, évoquant des ambiances
identiques posées de manière singulière ou et des programmes variés.
répétitive dans le paysage, ou encore à des A l’échelle architecturale, deux modèles « se
sculptures complexes. Les plus récents glissent » ensuite indifféremment dans ces
exemples de ces tendances sont Zumthor, compositions. D’une part le maniérisme
Herzog et de Meuron pour les minimalistes, moderne5, déclinaison de petites barres aux
Gehry, Hadid pour le dé-constructivisme, architectures blanches des années 30 qui
Mirallès pour le land-art… rythment et altèrent à la fois l’ordre des
bandes en superposant leur propre géométrie.
Deuxième groupe D’autre part, la modernité nordique, aux
Les « Projets en interaction». Ces projets, qui vont formes cubistes en bois et brique posées sur
se nourrir du dialogue avec le contexte, regroupent des espaces plus paysagers et fréquemment
deux catégories. Contrairement au premier groupe, mises en valeur par un « bosquet », une
les projets rassemblés au sein de ce deuxième groupe « prairie », et dont la conception fait apparaître
distinguent l’architecture de l’urbanisme dans un jeu plus clairement l’échelle individuelle.
d’articulation d’échelles. On note également que le
land-art conserve son influence, notamment par Les « Architectures urbaines ». Dans les
l’entremise des paysagistes. Il regroupe : publications, ces références appartiennent
plutôt au domaine opérationnel. D’une
Les « Trames ». L’attitude consiste à architecture parfois un peu datée (« modernité
mesurer, à prendre pied sur un territoire à académique »), elles acceptent plus volontiers
partir de bandes où l’on vient ensuite inscrire certaines déformations/transpositions pour des
différents programmes, généralement sous motifs urbains. Sans aller jusqu’à se fondre
forme de petites barres sérielles. Elle constitue dans un contexte, ces architectures s’y
le mode dominant de composition des inscrivent assez finement. Par exemple, le
architectes et paysagistes à l’échelle urbaine dispositif d’îlots ouverts prôné par de
sur des sites de grandes échelles. Portzamparc qui présente vraisemblablement le
A l’échelle urbaine, elle exprime graphiquement grand avantage pour les maîtres d’ouvrages
des éléments de continuité entre les quartiers d’inscrire quelques demandes récurrentes
(éléments généralement inscrits dans les (domanialité, gestion, échelle plus modeste,
cahiers des charges des villes confrontées à ce diversité…) sans menacer l’individualisme du
type de contexte dissocié) même si, en y
regardant de plus près, ces continuités sont 5
Concept Patrice Séchet
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projet (chaque bâtiment étant A titre d’illustration de ces quatre familles, parmi les projets
systématiquement isolé des autres). Ces primés :
diverses figures de compromis leur enlèvent
probablement une part de leur force et de leur - les « Mondes à part », regroupant les familles des
simplicité, les rendant du coup moins « Nappes » et des « Objets » :
attrayantes, nous le verrons, pour les jeunes
architectes qui s’en inspirent assez peu. « Nappes »
6
Matthieu Gelin – Stéphane Appert. France.
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« Objets » « Architectures urbaines »
(ici logique d’objet, rattachement aux mouvements artistiques alternatifs)
« Trames »
7
Massimo Giuffini – Luca la Torre – Alberto Iacovoni – Ketty di Tardo – Alexander Valentino 8
Gilles Delalex – Yves Moreau. France-Belgique.
– Francesco Careri – Barbara Renzi. Italie. 9
Frédéric Nakache – Fannie Oruihuela. France-Colombie.
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D - Evolution actuelle des inside
10
Jörg Rügemer – Christian Dengler. Allemagne-Espagne. 12
Samuel Delmas. France.
11
Julien Odile – Marie Deroudihe – Emmanuel Lamotte. France. 13
Guilhem Bastide – Guillaume Géminard – Meryl Gaucher – David Duart. France.
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Valence, Bataillons végétaux, (BT 29016)
Drancy, Barre, (IL 63114)
Preuve de la force actuelle de l’univers formel porté par ces
Conséquence, à peine un tiers des propositions restent nouvelles écoles dans la construction de l’inside, non
fidèles au mouvement moderne ou plus précisément à son seulement ce rapport des deux tiers s’applique
dérivé maniériste tel qu’il se décline en France. indifféremment sur des sites du nord au sud de la France et
pour des groupements urbains allant du village à la grande
ville, mais cette forme architecturale se diffuse aussi quelle
que soit sa famille conceptuelle d’origine. Ainsi, en termes de
réflexion urbaine, il existe une résistance aux projets
globalisants des agences hollandaises (qui se rattachent au
premier groupe des « Mondes à part »), résistance portée
essentiellement par les stratégies géométriques des
« Trames ». Cette famille représente près de 45% des
projets contre 41% pour les deux familles du premier groupe
« Nappes » et « Objets ». En revanche, à l’échelle
architecturale, elle n’engage pas de changement de
traitement formel significatif.
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espaces comme de projets recherchant leur dynamisation par
une recomposition forte. Les équipes ayant choisi ces sites
semblent l’avoir également fait par adhésion à leur forme et
se révèlent très précautionneuses, très respectueuses dans
leurs interventions.
17
Stéphanie Losaker – Dorothée Vicario. Allemagne. 18
Fredéric Fraeys – Yannick Denayer - Grégory Marot – Antoine Vincentelli. Belgique.
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(métaphore privilégiée de l’innovation) plus forte que dans
des espaces où dominent déjà le vide et la dissociation.
19
Vincent Prioux – Cedric Petitdidier. France. 20
Samuel Delmas. France.
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Valence, Fertile Strips (l), (XP 01321)
21
Guilhem Bastide – Guillaume Géminard – Meryl Gaucher – David Duart. France. 22
Pierre Béout – Jakub Jakubik – Julie Bourdin. France.
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Enfin, la famille des « Objets », est présente uniformément
sur les sept sites car le contexte lui est assez indifférent. Elle
recherche plus un espace support qu’un espace à révéler.
23
Daniel Gasser – Véronique Cheseny – Sébastien Arnold – Luc Perret. France.
24
Benjamin Fleury – Olivier Busson – Olivier Henry. France. 25
Mickael Marionneau – Charlotte Daubech-Bernard – Yann Perron. France.
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E - Conséquence des évolutions de ces autant à une démarche et à ces nouveaux concepts qu’à une
forme. La citation a changé de nature. Elle se joue de
inside : une session marquée par l’analyse jusqu’au projet. Beaucoup de jeunes architectes ne
l’émergence de postures urbaines à la fois pratiquent pas une transposition formelle après coup pour
plus informées et plus radicales répondre à des problématiques préalablement identifiées,
mais procèdent en amont par une adhésion globale à ces
références comme attitude, comme posture face au monde, à
La conséquence de ce fort impact des publications récentes la société. En d’autres termes, ils ne se positionnent pas
sur l’inside des jeunes architectes est le rejet d’une uniquement sur la forme, mais sur un ensemble fond-forme
démarche urbaine traditionnelle en faveur d’une pensée de la intériorisé qui agit profondément sur tous les aspects de la
ville plus prospective. L’étude de ces projets a en effet construction du projet. Si l’on peut se réjouir de ce
montré combien ils se construisaient contre l’analyse et la positionnement élargi, plus politique, plus sociétal et moins
composition urbaine traditionnelle, recueil de classification strictement spatialiste, les plus-values qu’on pourrait en
jugée normative (public-privé, maillage, hiérarchisation…) attendre semblent se heurter à deux écueils que toutes les
dont sont peu porteuses les récentes innovations urbaines. équipes ne parviennent pas à surmonter :
Cette analyse conventionnelle se voit rejetée au profit d’une - d’une part, lorsque pour certaines équipes c’est l’ensemble
pensée de la ville mêlant librement différents registres aux qui devient objet de citation, la posture radicale, l’attitude
différents stades du projet. Ainsi, dans la phase d’analyse, provocante, le jeu d’expériences nouvelles, l’esthétique
les données physiques d’un contexte font place à des architecturale, le mode de rendu …l’inside devient en fait
concepts identifiant des expériences plus fondamentales qui monolithique donc difficile à travailler. Il opacifie et ferme
cherchent à traduire les « tensions entre des espaces », à alors la démarche car la manière dont émerge le
« donner forme à l’immatériel, aux déplacements dans questionnement n’est clair pour personne puisque recouvert
l’espace, aux flux », à promouvoir des « sociabilités nouvelles par l’idée d’un projet global issu d’un inside que l’architecte
sur des nouveaux lieux de partage », à « superposer les seul connaît et maîtrise.
fonctions urbaines », à prendre en charge les dialectiques de - d’autre part, l’inside peut se révéler, plus encore que lors
« l’éphémère et du durable », à « inscrire l’individu de la formulation de nos premières hypothèses, non
localement tout en le référant au territoire »… Ces nouveaux seulement comme un support latent mais comme l’idée
concepts très partagés ont pour conséquence un faible déjà avancée d’un projet, ambiance urbaine surimposée au
recours aux classifications traditionnelles dans l’exposé des contexte. Les solutions anticipent et conditionnent alors le
démarches et projets. Ce qui permettait de comprendre questionnement. Là encore, pour certaines équipes, c’est
l’usage et l’affectation des espaces, les modes de bien à un travail de démarche que cet inside fait alors
contextualisation est abandonné au profit d’expressions écran, à la prise en compte de problématiques spécifiques
d’actions plus abstraites, plus savantes, telles les « nouvelles car il ne s’agit plus d’un simple traitement formel mais bien
cohérences », « fragmentation », « assemblage », d’une citation qui tient lieu de process. En d’autres termes,
« glissement », « mouvement tectonique », « matrice », ce n’est pas l’inside qui s’actualise et qui s’adapte à la
« rhizome » ou « hybridation », prolongements naturels et commande, c’est cette commande qui est reformulée, voire
généralisés d’une abstraction des représentations spatiales… transformée, pour justifier le projet et son inside.
L’inside n’est donc pas limité à une mise en scène
architecturale, à un décor. Les jeunes architectes adhèrent
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Nous verrons heureusement que ces deux écueils peuvent retenus lors de cette première sélection appartiennent à
être surmontés par certaines équipes, mais généralement à cette famille. En revanche, elle n’est pas une assurance pour
deux conditions qui permettent de garder ouvert le système : être primé ou mentionné puisque seuls un lauréat et un
la diversité des sources dont résulte l’inside et la maîtrise des mentionné appartiennent authentiquement à cette famille.
échelles et temporalités du projet où travaille l’inside. Peut-être la pertinence et la clarté apparentes des
propositions s’étiolent-elles à force de voir ces plans tramés
déclinés sur tous les sites ? Enfin, comme c’est la famille qui
F - Positionnement d’un jury et inside évoque le plus d’anciennes sessions Europan, cette référence
se révèle sans doute contre-productive pour incarner
l’« innovation ».
Dernier point, plus anecdotique, sur la manière dont se
perçoivent ces inside dans la dynamique de ce jury. Si l’on
s’essaie à repérer la destinée des inside selon leur famille
d’origine, on peut identifier quelques tendances.
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2 - La place de l’inside dans le nous avons questionné chacun des soixante projets sur la
base de ces six points afin de mesurer leur prise en compte.
processus de conception Enfin, nous avons positionné ces projets sur un tableau
architecturale, ou l’étude du travail graphique permettant de mesurer leur degré d’intégration du
questionnement posé par des réponses appropriées.
d’actualisation
Ce travail révèle une attitude très répandue de
Les éléments du chapitre précédent ne permettent pas questionnement, voire d’interprétation de la commande qui
encore d’apprécier les qualités propres des inside en fonction peut aboutir à définir des enjeux sensiblement différents du
de leur famille de référence pour ce qui est de leur capacité cahier des charges initial, au point qu’on peut dire que
d’actualisation avec le cahier des charges et les différents l’architecte ne s’estime pas vraiment lié par cette commande
contextes du concours. Mais puisqu’ils montrent que l’inside même s’il s’y implique. De nombreuses équipes s’abstraient
est un facteur déterminant de la réponse apportée, il nous des contraintes, estimant légitime une certaine autonomie de
est apparu intéressant d’essayer d’évaluer ce rôle des la réflexion et du projet architectural qui peuvent avoir leur
familles d’origine dans le travail d’actualisation lorsqu’il s’agit logique propre indépendamment des attendus de la
de répondre à un faisceau de questions sur un site commande. Ainsi, à peine 20% des projets respectent plus
particulier. Pour analyser ce second temps dans le processus des deux tiers des contraintes posées par la maîtrise
de conception, qui est celui de l’actualisation, et notamment d’ouvrage et les deux tiers des projets n’en respectent au
le rôle de l’inside qui permet à cette actualisation d’intégrer plus que la moitié. Cette attitude est fortement conditionnée
plus ou moins des contraintes programmatiques, nous avons par l’inside ou posture initiale.
construit deux grilles d’analyses spécifiques. Elles reprennent
chacune les éléments de la commande afin de produire une Pour le premier groupe des « Mondes à part » regroupant les
évaluation de chaque projet en fonction de l’adaptation de sa familles des « Nappes » et des « Objets », les propositions
réponse, d’une part au programme et, d’autre part, au ont très peu de liens avec le programme et les intentions des
contexte. Retranscrit à partir de tableaux graphiques, ce villes. Six des sept projets appartenant à la famille des
travail nous a permis de « mesurer » précisément, en le « Objets» ne répondent à aucune des questions posées !
visualisant, l’impact de ces inside dans le travail Quant à la famille « Nappes », à l’exception d’un seul projet,
d’actualisation. Ce sont ces conclusions que nous présentons aucune proposition
ici. ne respecte plus de 50% des critères. En revanche, pour le
second groupe des « Projets en interaction », regroupant les
« Trames » et les « Architectures urbaines », le lien est
beaucoup plus construit. Six des sept projets appartenant à
A - Première grille : le programme urbain la famille des « Architectures urbaines » font l’impasse
des villes, ou le rapport à la commande seulement sur un des critères. La famille « Trames », moins
stable, apparaît comme intermédiaire avec le premier groupe
puisque seul un gros tiers des projets offre 50% et plus de
Nous avons procédé à l’analyse de chaque projet, en le réponses au programme.
rapportant aux cahiers des charges proposés par les villes.
Pour cela nous avons, dans un premier temps, synthétisé les On note corrélativement que dans le cas des actualisations
programmes en six points essentiels. Dans un second temps, pour lesquelles l’inside intègre très peu des éléments de la
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commande, l’exposé de la démarche proposée par l’équipe se - d’une part, d’interrompre le cheminement de la pensée de
centre sur une interprétation d’autant plus forte du l’espace, de la figer prématurément autour d’hypothèses
programme proposé. Dans ces cas, il s’agit des familles finalement convenues puisque pré-existantes et
d’inside qui impliquent, plus que des citations formelles, de reproduites avec peu d’interactions,
véritables « postures globales» vis-à-vis du contexte, de la - d’autre part, de fonctionner en vase clos : on ne conteste
programmation et des acteurs. Ces inside révèlent une pas le travail important d’aboutissement des « projets au
attitude particulière du concepteur vis-à-vis des autres faible potentiel d’actualisation », ni parfois leur force
intervenants (maîtrise d’ouvrage, usagers). Ce qui est ici en plastique, mais bien leur aspect détaché des systèmes de
jeu, c’est l’aspect monolithique de l’inside. Les qualités contraintes urbaines (euphémisées) et des attentes locales
d’actualisation à la commande des inside sont ainsi très liées (réinterprétées),
aux familles de rattachement et au rôle qu’ils confèrent aux - enfin, de poser comme acquis la clôture du débat
références (cf. chapitre 1). Lorsque l’inside se charge de esthétique au profit de l’architecte, puisqu’il est
l’ensemble des échelles, y compris urbaines, dans un projet totalement lié au type de résolution spatiale et
architectural global (ce qui est le cas des familles « Nappes » inversement.
et « Objets »), il devient plus difficile de distinguer et de
traiter spécifiquement telle ou telle problématique, de la Les références sont des éléments indispensables pour vivifier
développer ou de la corriger indépendamment du tout. Il la pensée architecturale. L’évolution de l’histoire de
engage donc l’architecte dans une posture plus défensive, l’architecture est faite d’une succession d’apports extérieurs
plus fermée vis-à-vis de son projet. En revanche, lorsque et d’interprétations locales. Ce qui compte ici pour apprécier
l’inside intègre des échelles distinctes (famille « Architectures les dispositions et capacités de l’architecte au travers de son
urbaines ») ou fragmentées (famille « Trames ») après qu’un inside, c’est bien le statut de la référence, la diversité de ses
début de démarche urbaine ait été posé, la posture de sources et le moment de son intégration dans le processus
l’architecte apparaît plus perméable au questionnement de la de conception. En d’autres termes, si elles sont « multiples et
maîtrise d’ouvrage. non prématurées », les références viennent se poser sur une
ossature suffisante, après une prise en compte des différents
A ce premier enjeu « échelle globale ou échelles paramètres composant le programme, et deviennent alors
distinctes ? », se lie un second, celui de la « multiplicité - autant un instrument d’interrogation et de discussion qu’un
diversité » des référents nourrissant l’inside. Lorsque le vecteur de développement. Si, au contraire, elles sont
système référentiel n’est pas excessivement centré sur une « premières et monolithiques », on peut craindre qu’elles
vision particulière, le projet gagne en adaptation. C’est un coupent le projet des enrichissements successifs par une
point que l’on vérifie facilement lorsque l’on compare le « prise » trop précoce du projet, comme on le dit du béton…
positionnement des projets des familles « Nappes » (un
référent très dominant) et « Architectures urbaines »
(plusieurs références mobilisées dans la démarche) dans le
classement par respect des critères.
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B - Deuxième grille : le contexte des sites,
le rapport à l’environnement
Grigny, Au nom du père, (LP 001), conserve le tracé de la future rue, mais
produit par ailleurs une forte complexification de l’espace et de la
topographie des espaces extérieurs sans adapter l’enveloppe au nouveau
tracé.
26
Sara Brunessaux – Antoinette Zalewski – Solenne Blondet. France.
Europan France 19
d’altimétrie, engagent un autre rapport aux rues ou aux
infrastructures. Sur ces sites, ce positionnement est celui de
50% des projets. Par ailleurs, ils ont pour trait commun
(comme de nombreux projets de revues ou de
monographies) de ne pas représenter les contextes dans
leurs propositions.
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ventilent sur les seuls sites de Grigny, Drancy et l’isolement des bâtiments entre eux, la rupture formelle par
Eckbolsheim, sites dont les problématiques urbaines sont les contraste avec l’existant, la géométrie orthogonale plaquée
plus prégnantes, mais aussi sans doute les plus clairement sur les tracés existants, etc.
énoncées.
Symétriquement, les architectes partagent une notion du
Dans ce second groupe des « Projets en interaction », on patrimoine assez particulière. Rompant avec les autres
retrouve la position intermédiaire de la famille des représentations de la société, elle consiste à patrimonialiser
« Trames ». En effet, plus de la moitié des projets de cette des bâtiments construits après guerre et, à l’inverse, à
famille se retrouvent dans la catégorie des « Dissociations », adopter une posture très libre vis-à-vis du patrimoine plus
ce qui pointe à nouveau la nécessité d’aller voir au-delà de ancien. Ainsi, malgré des demandes explicites de démolitions
l’apparente intégration dans le contexte porté par le rendu exprimées par certaines villes dans leur cahier des charges
propre à cette famille, car ses propositions ne recouvrent pas (pour différentes raisons plus ou moins explicitées :
toujours des intentions appartenant au registre des obsolescence des typologies, faible attractivité du quartier,
« Continuités ». desserte urbaine insuffisante, mixité sociale et fonctionnelle
perdue…), 60% des architectes se refusent à démolir des
A l’opposé, aucun projet des familles « Nappes » et bâtiments à Grigny ou à Drancy. Les noms de Aillaud et Lods
« Objets » ne se retrouve dans cette catégorie 3 des sont évoqués comme argument de stratégies de sauvegarde,
« Continuités », alors qu’à l’opposé, dans la catégorie 1 de la et les projets visent souvent la mise en valeur de leurs
« Dissociation », on retrouve l’essentiel des projets de la œuvres. Au contraire, sur les sites plus marqués par une
famille des « Objets », et plus de la moitié de la famille des histoire ancienne, tels les sites où subsistent des casernes
« Nappes ». comme à Reims et Valence ou les traces d’un ancien couvent
comme à Villeurbanne, moins de 15% des projets conservent
En valeur absolue, le rejet de la ville traditionnelle reste explicitement des éléments significatifs de ce patrimoine.
dominant sur l’ensemble des réponses. Très marqués par le
mouvement moderne, les jeunes architectes continuent à
voir dans ce qu’on appelle la « ville constituée » des formes
obsolètes, convenues, contraignantes et préfèrent s’ouvrir à C - Remarques sur la qualité du processus
de nouvelles pratiques urbaines, à de nouvelles formes
d’habitat qu’il s’agit en conséquence de faire évoluer. En
d’actualisation en fonction de l’inside et
revanche, les formes et morphologies architecturales en dehors du contexte Europan
évoluent plus nettement, d’une part en faisant la part belle
aux matériaux naturels que sont le bois ou la brique et, Aujourd’hui, ce travail d’actualisations successives d’un inside
d’autre part, en proposant des échelles plus domestiques avec les données programmatiques et les intentions urbaines
avec des immeubles souvent de faible gabarit et se révèle un aspect central du travail de conception de
individualisés (différentiation des façades, rapport à l’architecte, un travail indispensable à comprendre pour une
l’extérieur des logements). C’est donc dans le domaine de maîtrise d’ouvrage désireuse d’entretenir un dialogue
l’intégration urbaine que l’on observe les plus fortes fructueux avec sa maîtrise d’œuvre. Pour cela, celle-ci doit
continuités avec les générations précédentes : ainsi les être en mesure, dans un premier temps, d’apprécier les trois
architectes aiment toujours marquer une forme de rupture paramètres constitutifs de l’inside du concepteur (formation –
avec l’environnement qui recouvre différentes formes :
Europan France 21
références – créativité ; cf. premier chapitre), puis, dans un
second temps, de discuter, lors de la phase d’actualisation,
de cet inside et de son système d’intentions. Ce qui lui
demande, en plus d’un travail d’acculturation, d’exprimer
clairement ses intentions dans un cahier des charges.
28
Laurent Gravier – Sara Martin Camara. France – Espagne.
29
Massimo Giuffini – Luca la Torre – Alberto Iacovoni – Ketty di Tardo – Alexander
Valentino – Francesco Careri – Barbara Renzi. Italie.
Europan France 22
Reims, Matrice (l), (SL 50030)
32
Willy Vazzoleretto – Philippe Saille. France.
33
Daniel Gasser – Véronique Cheseny – Sébastien Arnold – Luc Perret. France.
30
Nicolas Toury. France.
31
Raphaël Crestin – Léon Garaix – Romain Kiesgen. France.
Europan France 23
D - Un travail d’actualisation qui vaut et celui de la maîtrise d’ouvrage) mérite d’être explicité au
même titre que le débat sur « le fond » (les résolutions
aussi pour la maîtrise d’ouvrage fonctionnelles), l’architecture étant bien constitutive des deux
comme le sous-tendait la définition de Kant citée en
On ne saurait conclure ce chapitre sans pointer une réalité introduction. A ce titre, et là aussi en dehors du processus
symétrique à l’émergence de l’inside des architectes, une très spécifique d’Europan, les efforts de rationalisation de
réalité qui nous est apparue lors des débats au sein du jury, l’évaluation de projets, méthodes souvent très
lorsque celui-ci intégrait les points de vue de la maîtrise fonctionnalistes, mériteraient de s’enrichir d’autres méthodes
d’ouvrage. La manière différenciée (parfois ouverte, parfois qui intègrent des débats permettant aux inside de chacun de
plus fermée) dont les différents projets primés furent perçus s’exprimer et par là, de s’actualiser, de se comprendre, de se
par cette maîtrise d’ouvrage fut l’illustration que sa rejoindre. Cela construirait les conditions d’un vrai débat sur
commande, tout comme les questions fonctionnelles de son l’architecture sous tous ses aspects.
programme, étaient elles aussi chargées de représentations
formelles sous-jacentes. En d’autres termes, que la maîtrise
d’ouvrage véhiculait elle aussi un inside plus ou moins défini,
plus ou moins ouvert ou fermé. Cet inside se forme
probablement très différemment de celui de l’architecte (et il
ne s’agit pas de l’étudier ici) mais, comme ce dernier, il
participe activement à l’évaluation tout en restant dans
l’inexplicite. Et, de la même manière que pour les
architectes, certains préalables « non-dits » de la commande
vont avoir plus ou moins de difficultés à s’actualiser à leur
tour au contact de conceptions différentes des
représentations de leur inside propre, mais par ailleurs
porteuses d’éléments de résolution, d’efficacité et
d’implantations sur un site que celle-ci n’avait pas forcément
imaginée. Preuve une nouvelle fois que fond et forme sont
bien mêlés en architecture et qu’il n’y a pas, d’un côté, une
résolution technico-fonctionnelle et, de l’autre, une approche
plastique. Pour les habitants, on le sait, l’approche plastique
a des enjeux symboliques qui agissent autant, sinon
davantage, sur leur perception que la satisfaction d’un besoin
fonctionnel. Pour l’architecte, c’est l’expression visible de son
travail de résolution d’équations souvent complexes. Pour les
édiles, c’est l’affichage d’un positionnement révélant la place
qu’ils confèrent à l’individu, leur ambition politique, leur
vision de la société… Ces univers vont ainsi naturellement
entrer en interaction et se contraindre mutuellement. Des
arbitrages seront nécessaires. Pour toutes ces raisons, le
débat sur « la forme » (que recouvrent l’inside de l’architecte
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3 - Les évolutions actuelles de ces
inside libèrent-elles ou contraignent-
elles la conception ?
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Charles Carré – Rapahaël Gabrion. France.
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concession » vis-à-vis des contextes et « insoumises » face
aux contraintes programmatiques.
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Hugues Leclercq. France.
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Reims, Un jardin-cité, XL 00738
36
Cédrik Deshautels – Frédéric Roda – Anne Barrois. France.
37
Frédéric Nakache – Fannie Orihuela. France. 38
Jean-Philippe Thomas – Milovan Yanatchkov. France.
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