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Famille et jeunesse

Ivo Livi, fils de Giovanni Livi et Giuseppina Simoni (1893-1971), naît à Monsummano Alto, en
Toscane (Italie), un an avant l'arrivée au pouvoir de Benito Mussolini (le 31 octobre 1922) et la
mise en place du régime fasciste. Il est le dernier d'une fratrie de trois enfants (sa sœur Lydia (1915-
2003), et son frère aîné Giuliano — Julien — (1917-1994)). Il est issu d'une famille ouvrière et
militante, qu'il vénérera toute sa vie, et qui lui transmet son attachement pour le communisme1.
En 1923, en raison de ses activités militantes communistes, le père d'Ivo Livi voit son atelier
incendié par les Chemises noires, qui le passent ensuite à tabac2. Il fuit alors les persécutions de
l'Italie fasciste, amenant avec lui toute sa famille2. Il souhaite émigrer vers les États-Unis et ils sont
en transit à Marseille. Mais le consulat américain ne délivre plus de visas en raison de nouvelles
restrictions à l'immigration. La famille est alors bloquée3 dans la cité phocéenne, et s'installe dans
un des quartiers industriels et ouvriers du Nord de la ville, où se trouve une importante communauté
toscane. Ivo n'a que deux ans à ce moment-là. Son père crée une petite fabrique de balais dans le
quartier des Crottes. Ses deux aînés quittent rapidement l'école pour gagner leur vie : Lydia devient
coiffeuse, et son frère Julien serveur de café, et fervent militant communiste. L'enfance d'Ivo est
difficile matériellement ainsi que moralement. Il est en effet considéré comme un « immigré rital ».
C'est à cette époque qu'il se passionne pour le cinéma et notamment pour les comédies musicales
américaines, en particulier celles de son idole, Fred Astaire, et ses numéros de claquettes.
Par décret du 20 janvier 19294, la famille Livi obtient la nationalité française et Ivo voit son prénom
francisé en Yves. La même année, la famille déménage dans le quartier de La Cabucelle, dans
l'impasse des Mûriers. Les conséquences de la Grande Dépression ruinent le père d'Yves qui se voit
contraint de déposer le bilan de la fabrique familiale de balais en 1932. Yves a onze ans et est
nettement plus grand que la moyenne des enfants de son âge lorsqu'il falsifie ses papiers pour se
faire engager dans une fabrique de pâtes (la loi interdit le travail avant l'âge de quatorze ans)5. Il
sera encore livreur, également serveur dans la confiserie « Mignon » avant d'être à quatorze ans
apprenti dans le salon de coiffure pour dames où travaille sa sœur Lydia, et passe avec succès un
CAP de coiffeur6. Il travaille par la suite sur les docks de Marseille.

Ascension
Premiers pas dans les cabarets marseillais
En 1938, à l'âge de dix-sept ans, Yves Livi décroche une place de « chauffeur de salle » dans un
cabaret de music-hall de Marseille. Par la suite, il participe à un spectacle dont la première partie
accueille des débutants. Il chante Trenet (C'est la vie, Boum), Chevalier (On est comme on est) et se
livre à des imitations de Fernandel et de personnages de Walt Disney. L'organisateur du spectacle,
Francis T (de son vrai nom Trotobas, alias Berlingot), le prend sous son aile et lui conseille de se
trouver un nom de scène. Yves Livi devient Yves Montant — orthographié alors avec un « t » —
pseudonyme choisi en souvenir de sa mère. En effet, par un mélange d’italien et de français, elle lui
crie, afin qu’il monte jusqu'à leur appartement : « Ivo, monta »7.
Francis T, chanteur-parodiste, organisateur et animateur de spectacles devient alors son premier
imprésario et l'accompagne de 1938 à 1941. Il prend des cours de chant avec Marguerite Francelli à
partir de l'été 1937. Le débutant, de temps à autre, décroche quelques engagements ; sur scène, il est
accompagné au piano par Mado, la fille de son professeur de chant. Ses galas le conduisent parfois
jusqu'à Narbonne et Toulouse et, au début de 1940, son nom attire le public. Montand ambitionne
alors de passer à l'Alcazar de Marseille.
Le 21 juin 1939, il joue sur la scène de l'Alcazar de Marseille, le public paraît conquis par son tour
de chant lequel mêle aux reprises, des créations originales. Cependant, la guerre éclate et remet tout
en cause pour son projet de « monter à Paris ».
Yves Montand se retrouve manœuvre aux « Chantiers et Ateliers de Provence ». Un emploi qu'il
finit par perdre et, ne retrouvant pas de travail, il décide de chercher des engagements comme
chanteur. Il passe dans des cafés, des cabarets modestes, des cinémas où il chante durant l'entracte.
Il trouve un emploi de docker et chante encore parfois le dimanche. Francis T, en janvier 1941, lui
permet de reprendre à plein temps la chanson.
Au début de l'été 1941, Yves Montand se produit une seconde fois à l'Alcazar et obtient un
triomphe. Il est remarqué par le producteur Émile Audiffred, surnommé « Audi », qui prend en
charge sa carrière, persuadé de tenir un chanteur au fort potentiel scénique. Avec lui le chanteur suit
des cours de danse et affine son jeu de scène. Audiffred lui présente Reda Caire qui lui apprend à
mieux chanter, articuler, soigner sa diction et sa présentation sur scène ; il lui enseigne aussi les
bonnes manières et en fait son « secrétaire » particulierNote 1. Audiffred fait comprendre à
Montand qu'il doit agrandir son répertoire, car « Vivre sans chanson, pour un artiste c'est vivre sans
amour ; on n'est rien du tout » lui dit-il, et le chanteur ajoute des chansons célèbres qu'il se
réapproprie avec succès9. Montand se souvient d'Audiffred pour L'Express en 1969 : « C'est à lui
que je dois mes débuts. Il a été très chic pour moi. Il me disait : « Tu verras, petit, tu seras mondial à
Marseille ! » Et on riait tous les deux. N'empêche que, le premier soir, j'avais un de ces tracs »10.
Audiffred le fait chanter au Colisée Plage à Marseille et à Lyon en première partie de Rina Ketty. À
Marseille, Montand obtient un nouveau succès avec son passage au Théâtre de l'Odéon. Il chante à
Aix, Nice, Toulon…
À la rentrée 1941, Émile Audiffred monte la revue Un soir de folie dont Yves est la vedette. Pour
cela, il a besoin d'un répertoire original. Hubert Melone, alias Charles Humel, un auteur-
compositeur aveugle, lui écrit deux chansons : Y'a du swing partout, qu'il n'enregistrera jamais, et
Dans les plaines du Far-West, qui sera son premier vrai succès11. Envoyé aux chantiers de la
jeunesse créés par Vichy, il y reste presque une année durant, puis reprend la scène. En cette
période, malgré l'occupation, il gagne assez bien sa vie, mais doit régulièrement prouver que son
nom Livi ne dissimule pas en fait celui de Lévy. Risquant enfin d'être envoyé en Allemagne, afin
d'éviter le service du travail obligatoire (STO), il décide, en accord avec Émile Audiffred, de partir
pour Paris

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