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Chargée de TD : Lucia Romo

Hypersexualité :
Entretien motivationnel sur les femmes « sex-addict »

Année Universitaire : 2014-2015


Table des matières

Introduction ........................................................................................................................................ 1

I. Hypersexualité : addiction comportementale .............................................................................. 3

De l’addiction sexuelle au trouble de l’hypersexualité .................................................................... 3

Données épidémiologiques .............................................................................................................. 5

Comorbidités ........................................................................................................................................ 5

II. Entretien motivationnel ................................................................................................................ 6

Entretien motivationnel .................................................................................................................... 6

Modèle transthéorique du changement ............................................................................................ 6

Etude de cas ...................................................................................................................................... 7


Autres prises en charge ..................................................................................................................... 9
Réflexion personnelle ....................................................................................................................... 10

Bibliographie
Introduction

« Je pris conscience de ma dépendance. Conscience est un bien grand mot, car je n’avais
aucune idée de ce qui se passait en moi : lorsque l’idée d’aller voir un film porno me venait à
l’esprit, un désir impérieux naissait en moi et me prenait toute la tête ; et lorsque j’avais assouvi
ce désir, je me sentais honteux, coupable et triste à la fois ».

Cette citation extraite de l’ouvrage d’Orroz sur les dangers du sexe sur internet (Orroz,
1
2007) est liée à l’addiction sexuelle et relève tout l’enjeu de la problématique sur laquelle nous
nous pencherons sur ce dossier. Mais avant cela revenons sur les aspects fondamentaux qui
étayeront notre sujet. Les termes de « dépendance » ou encore « addiction » se sont vulgarisés dans
la vie quotidienne oubliant parfois qu’il y a un caractère pathologique et nocif qui les accompagnent.
En effet nous remarquons une « tolérance » de plus en plus grande à l’égard des dépendants de
notre société. Ainsi une personne dépendante au tabac par exemple sera intégrée par ses pairs, lui-
même ne prenant peut être pas conscience de son addiction car la consommation est autorisée
partout dans le monde et donc ce geste est devenu presque normatif. Cependant bon nombre de
personne se font traiter chaque année pour ce type d’addiction dite « avec substance ».

Mais qu’est-ce qu’une addiction ? Où est la limite ? Sur quels critères se baser ? En
s’appuyant sur la Classification Internationale des Maladie dans sa 10 ème édition (CIM10, 2006) 2
nous définirons l’addiction comme un « ensemble de phénomènes comportementaux, cognitifs et
physiologiques, survenant à la suite d’une consommation répétée d’une substance psychoactive,
associés à un désir puissant de prendre la substance, une difficulté à contrôler la consommation,
une poursuite de la consommation malgré les conséquences nocives, un désinvestissement
progressif des autres activités et obligations au profit de cette substance, une tolérance accrue et
parfois un syndrome de sevrage physique ».

Ceci étant la CIM10 ne prend pas en compte l’existence d’addictions sans prise de substance
psychoactive. Il est vrai qu’un débat existe tendant à classer ce genre d’addiction parmi les troubles
obsessionnels compulsif (TOC). Les addictions et les TOC impliquent tous deux un manque de
contrôle de la personne concerné mais il y a des différences. Une équipe de chercheurs de

1
Orroz. (2007). Les dangers du sexe sur Internet, quand surfer devient une drogue. Le Manuscrit.
2
Organisation Mondiale de la Santé. (1993). Classification Internationale des Maladie et des problèmes de santé
connexes 10ème édition. Masson.
1|Page
l’université de Columbia (« Go ask Alice », 2013) 3 atteste qu’il n’y a pas de relation clairement
défini à un objet pour les personnes souffrant de compulsions. Les addictions quant à elles sont
principalement caractérisées par une incapacité à mettre fin à un comportement préjudiciable en
dépit de ses conséquences négatives. La dépendance s’installe pour palier le plaisir physique ou
psychologique ou le soulagement de la douleur.

Ici nous partirons de l’idée de Laurent Mayet (Mayet, 2007)4 qu’il y a des addictions avec
ou sans substance car ce qui caractérise l’addiction se retrouve aussi bien chez personne adoptant un
comportement compulsif que la dépendance à une drogue par exemple.
Les addictions sans substance dites « comportementales » font l’objet de plus de réserve de la part
des individus. Il faut savoir qu’une addiction comportementale est plus insidieuse et plus difficile à
détecter car le cas échéant il ne suffit pas de voir une personne consommer pour en détecter les
signes de dépendance et quand bien même, beaucoup de gens ne font pas encore le lien entre un
type de comportement répétitif, indispensable et incontrôlable comme par exemple jouer à des jeux
d’argent et le caractère dépendant qui l’accompagne.

Cela est d’autant plus vrai pour le trouble qui nous intéresse ici : l’hypersexualité. D’après
Marc Valleur et Jean Claude Matysiak (Valleur et Matysiak, 2004) 5 les gens ont du mal à se
représenter l’addiction sexuelle comme une maladie tant le fait de souffrir d’une hyperactivité
sexuelle peut être mal venu. Et pourtant il existe à l’heure actuelle une nouvelle vague d’addiction
encore ignoré il y a quelques années. Ces nouvelles formes d’addictions sont à l’image de la société
d’aujourd’hui, elles concernent toute la population et touchent tous les âges notamment les plus
jeunes pour qui la consommation dans l’excès devient une normalité perdant la valeur de la demi-
mesure. Dans ses nouvelles formes d’addiction on retrouve les jeux vidéo, les jeux pathologiques
mais aussi les addictions sexuelles.

Nous partirons donc de ce constat pour vous présenter dans un premier temps ce qu’est une
addiction comportementale. Nous reviendrons tout particulièrement sur la notion d’hypersexualité
qui fait son entrée dans le DSM 5 faisant référence à l’addiction sexuelle et nous vous informerons
sur toute données épidémiologiques concernant ce trouble auprès de la gente féminine. Dans un
second temps nous vous présenterons ce qu’est l’entretien motivationnel et de quelle façon nous
pourrions appliquer cet entretien pour ce genre d’addiction comportementale à partir d’une vignette

3
Go ask Alice. (Mai 2013). Repéré à http://goaskalice.columbia.edu/whats-difference-between-addiction-and-
compulsion
4
Mayet, L., Et al. (2007). Les nouvelles addictions. Scali. Paris
5
Valleur, M., Matysiak, JC. (2004). Les nouvelles formes d’addictions. Flammarion. Paris
2|Page
clinique. Enfin nous vous présenterons les étapes de prise en charge recommandées dans ce cas
particulier. Une dernière partie sera consacrée à une réflexion personnelle sur le sujet choisi.

I. Hypersexualité : Addiction Comportementale

De l’addiction sexuelle au trouble de l’hypersexualité

Il est vrai que le problème concernant les addictions sexuelles existe depuis très longtemps,
cependant longtemps resté tabou il a fallu attendre 2013 pour voir son entré dans le Diagnostic and
Statistical Manual of Mental Disorders utilisé par nombreux psychologues (DSM 5, 2013)6. Nous
allons vous présenter de manière non exhaustive quelques différents modèles qui ont théorisés cette
addiction comportementale.

Le terme « dépendance sexuelle » a été introduit pour la première fois au milieu des années
1970 par Al Anon, membre des Alcoolique Anonyme. Mais il faudra attendre les années 1980
notamment avec le livre de Patrick Carnes « out of the shadow » 7 pour que les cliniciens
commencent à s’intéresser au phénomène. Dans ce livre, Carnes commence déjà à catégoriser la
dépendance sexuelle en 11 comportements différents : les comportements sexuellement chargés de
fantasmes (les relations et les situations), la séduction des partenaires¸ le sexe à haut risque avec des
personnes inconnues, payer pour des services sexuels, négociation sexuel (troc ou vente de ses
charmes), voyeurisme, exhibition, le sexe intrusif (ex : toucher quelqu’un dans la foule), les
échanges douloureux (ex : sadomasochisme), la masturbation avec objet, le fétichisme (France
annuaire, 2014)8.

Dès lors des psychanalystes tel que Aviel Goodman ont développé la notion de dépendance
sexuelle reconnu comme maladie en Amérique du nord (Valleur et Matysiak, 2003)9. En médecine
le processus de l’addiction sexuelle a été théorisé la première fois en 1988 par Reed et Blaine10. Les
deux psychiatres ont donc mis en place un processus en quatre phases :
 Phase d’obsession (en réponse à des difficultés existentielles le sujet est totalement absorbé
par des préoccupations sexuelles)

6
American Psychiatric Association. (2013). DSM-5: diagnostic and statistical manual of mental disorders, 5e edition.
Washington D.C.
7
Carnes, P. (1983). Out of the shadow: understanding sexual addiction. CompCare. Minneapolis.
8
France Annuaire. (2014). Repéré à http://franceannuaire.eu/selon-patrick-carnes-il-y-a-11-types-de-comportement-de-
dependance-sexuelle-cette-information-est-importante-lorsque-quand-travailler-2/
9
Valleur, M., Matysiak, JC. (2003). Sexe passion et jeux vidéo. Flammarion. Paris.
10
Reed, RC., Blaine, DA. (1988). sexual addictions. Holistic nurse.
3|Page
 Phase de ritualisation (exécution des rituels qui précèdent le comportement sexuel)
 Phase d’agir sexuel (qui entraine un soulagement temporaire donc provisoire)
 Phase de désespoir avec un sentiment d’impuissance à contrôler sa conduite

Dans les années 1990 le trouble addictif au sexe peut apparaitre dans le DSM IV 11 sous le terme
de « trouble sexuel non spécifié ». Une suggestion d’ajouter « l’addiction sexuelle » à la
classification DSM a été rejeté par l’APA. Il faudra attendre Kafka qui en 200912 puis en 2013
propose des critères sous l’intitulé de « trouble d’hypersexualité ». Aujourd’hui ce trouble est repris
dans le DSM 5 dont voici les critères diagnostics :

Trouble de l’hypersexualité, DSM 5 (2014)

A. Fantasmes, pulsions sexuelles et comportements sexuels récurrents et intenses pendant une


période d'au moins 6 mois, en association avec 4 ou plus des 5 critères suivants
1. Une grande partie du temps est utilisée par les fantasmes et pulsions sexuelles et par la
planification et l'accomplissement d'une activité
2. Se livrer répétitivement à des fantasmes, pulsions et comportements sexuels en réponse à
des états d'humeur dysphorique (ex: anxiété, dépression, ennui, irritabilité)
3. Se livrer répétitivement à des fantasmes, pulsions et comportements sexuels en réponse à
des évènements stressants de la vie
4. Efforts répétés mais infructueux pour contrôler ou réduire de façon significative ces
fantasmes, pulsions et comportements sexuels
5. S'adonner répétitivement à une activité sexuelle en ne tenant pas compte du risque de
préjudice physique ou affectif pour soi ou autrui
B. Présence d'une détresse personnelle significative ou d'une altération dans les domaines sociaux,
occupationnels ou autres domaines importants du fonctionnement associées avec la fréquence et
l'intensité de ces fantasmes, pulsions et comportements sexuels
C. Ces fantasmes, pulsions et comportements sexuels ne sont pas dus aux effets physiologiques
directs d'une substance exogène (ex: une drogue prêtant à un abus ou un médicament)

11
American Psychiatric Association. (1993). DSM-IV : diagnostic and statistical manual of mental disorders, 4e edition.
Washington D.C.
12
Kafka, M.P. (2009). Hypersexual Disorder: A Proposed Diagnosis for DSM-V. American Psychiatric Association
4|Page
Dans l’entretien avec le patient il faudra préciser s'il s'agit de : masturbation, pornographie,
comportement sexuel entre adultes consentants, cybersexe, sexe par téléphone, clubs de strip-tease
ou autre.

Données Epidémiologiques

Dans un premier temps il faut savoir les données statistiques connues concernant le nombre
de partenaire qu’à un individu tout au long de sa vie ne reflète pas la réalité. Les statisticiens
constate un nombre beaucoup plus important de partenaire pour les hommes que les femmes, or
s’agissant d’études hétérosexuel la moyenne devrait être plus ou moins égale pour les deux genres.
Le fait est que les femmes faussent les résultats en minimisant la multiplication de relations au
contraire des hommes qui ont tendance à exagérer le nombre de partenaires qu’ils ont eu au cours
de leur vie (sexe passion et jeu vidéo, 2004).

Dès lors il existe peu de chiffres précis sur les addictions sexuelle d’autant plus en France ou
il n'y a pas eu d'enquête épidémiologique mené jusque-là. Aux Etats-Unis on estime que 3 à 6 % de
la population générale aurait des comportements sexuels compulsifs. Ils seraient à 80 % de sexe
masculin (Institue Fédératif des Addictions Comportementales) 13.

Ceci étant les données cliniques demeurent des estimations non confirmées par des études
épidémiologiques. À partir de l’analyse des données d’une enquête nationale sur la santé et la
sexualité en Suède et en Nouvelle-Zélande on estime autour de 12 % des hommes et 7 % des
femmes ont un comportement hypersexuel sans pour autant entrer dans les critères du trouble.
D’après une étude de Skegg et al. (2010) seulement 0,8 % des hommes et 0,6 % des femmes adop-
tent des comportements sexuels qui seraient pathologique. Il est reconnu que les hommes seraient
plus susceptibles que les femmes de développer un trouble hypersexuel (Reid, 2013) (Couture et
Proulx, 2014) 14.

Comorbidités

En ce qui concerne la comorbidité, on a souvent rapproché l’hypersexualité des troubles


obsessionnels compulsifs voire même de certaines paraphilies (compulsion de drague effrénée ou
masturbation frénétique).

13
IFAC. Repéré à http://www.ifac-addictions.fr/les-dependances-sexuelles.html
14
Couture, M., Proulx, I. (2014). Le trouble hypersexuel. Repéré à
https://www.ordrepsy.qc.ca/pdf/Psy_Qc_Mars2014_Dossier05_Couture_Proulx.pdf
5|Page
Ces troubles sont souvent associés à d'autres addictions : alcoolisme, abus de psychotropes
(42 %), troubles du comportement alimentaire (38 %), addiction au travail (28 %), jeu pathologique
(5 %), achats pathologiques (26 %). Les antécédents familiaux d'addiction sont fréquents (87 %
pour l'alcoolisme et toxicomanie).
Pour les troubles psychiatriques on sait que beaucoup de personnes viennent en premier lieu
consulter pour des troubles d’anxiété ou dépression qui masquent l’addiction. Il existe également
une comorbidité associé au trouble de la personnalité.

II. Entretien Motivationnel et prise en charge

Entretien Motivationnel

L’entretien motivationnel part du principe d’amener un changement de comportement par


l’argumentation de la motivation. C’est un entretien bref et semi structuré centrée sur la personne..
Comme toute thérapie liée au changement il est important que la motivation de vienne du patient, le
thérapeute va ainsi le guider sans avoir une attitude d’expert. En outre le thérapeute n’est pas là
pour persuader ou contredire le patient dans ses propos. En revanche, il est important de renforcer le
patient dans son désir de changement dans les débuts de sa motivation. Certaines stratégies motiva-
tionnelles seront à mettre en place en début d’intervention comme élaborer avec le patient des solu-
tions à son problème d’addiction, ou encore de maintenir la volonté de changement (Laurin 2011)15

C’est lors des premiers entretiens que l’alliance thérapeutique se crée il est donc primordiale
d’être pertinent dans les choix des stratégies qui doivent être adaptée au profil et à la typologie du
patient afin de rendre d’autant plus efficace la pratique de l’entretien motivationnel.

Le modèle transthéorique du changement

Le modèle transthéorique du changement théorisé par Proshaska et DiClemente 16 va en


quelque sorte influencer la technique de l’entretien motivationnel. Il est utilisé dans les conduites de
dépendance.
Ce modèle se schématise en cinq stades qui sont les suivants :

15
Laurin, C., Lavoie, K. (2011). L’entretien motivationnel et les changements de comportements en santé. Perspectives
Psy, Vol. 50. p. 231–237
16
Proshaska, JO., DiClemente CC. (1984). The transtheoretical approach: crossing traditional boundaries of therapy.
Homewood.
6|Page
 Le stade de la pré-contemplation ou pré-intention : la personne ne voit pas le problème de
son addiction, elle n’envisage pas de changer de comportement.
 Le stade de la contemplation ou intention : la personne commence à avoir des doutes, elle
s’interroge sur l’éventualité de modifier son comportement mais pas tout de suite, elle va
ressentir l’ambivalence.
 Le stade de préparation à l’action : l’individu a pris conscience du problème, il décide
d’aller se renseigner à ce sujet.
 Le stade de l’action : la personne prend un rendez-vous avec un médecin, un psychologue,
va acheter un livre sur le sujet… elle agit en vue d’éliminer son addiction.
 Le stade du maintien : objectif de maintien de l’abstinence ou d’un comportement visant à
réduire les risques.

Ce modèle inclus également un autre stade : le stade de rechute qui fait partie de l’évolution natu-
relle des maladies addictives.

Ceci étant il faut savoir que certaines personnes ne prendront jamais conscience de leur ad-
diction et resteront à la première étape tout aussi bien qu’il peut y avoir des personnes qui reculent
d’un stage au lieu d’avancer dans le processus de changement. La frontière entre les différents
stades est en outre très subtile.

Etude de cas

Pour ce dossier sur le trouble de l’hypersexualité féminine nous avons décidé de présenter
l’entretien motivationnel car celui-ci est adapté aux addictions aussi bien avec substance que
comportementale. C’est à travers la présentation d’une vignette clinique d’une jeune femme
dépendante au sexe que nous allons passer en revue les étapes de l’entretien motivationnel.

Madame K, vient consulter un thérapeute pour son problème d’addiction sexuelle, voici un extrait
de son récit :

«J’ai 28 ans en couple depuis peu, je travaille dans un magasin de prêt à portée. Je sors souvent
avec mes amis en boite ou pour faire la fête. Je suis passionnée par plein de choses. J’ai une vie en
apparence rangée si bien que personne ne soupçonne « ma deuxième vie ». Il y a 6-7ans à peu près
alors que je redoublais ma première année de fac, j’employais beaucoup de mon temps libre sur les

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sites de rencontre à la recherche d’un compagnon et j’y ai trouvé l’attention d’hommes différents
qui ne tarissaient pas d’éloges sur mon physique et ma personnalité. Avec le temps j’ai fini par
faire des rencontres avec ses différentes personnes du net, s’est mis en place alors un jeu dangereux
ou je testais mes limites mais le jeu a été plus fort que moi si bien qu’une fois ma soif sexuelle
assouvie je passais à une autre « proie » le but étant de multiplier l’expérience de plaisir avec des
inconnus. Mais cela ne s’arrêtait pas là plusieurs fois par semaine il m’arrivait de regarder des
films X en m’inspirant de certaines scènes à reproduire tout en me masturbant devant. Je passais de
plus en plus de temps sur les chats de discussions au lieu de travailler. Au début ce n’était que le
soir puis c’est devenu le matin et le soir, puis à n’importe quel moment ou je pouvais me connecter
pour chatter. A chaque pulsion de sexe assouvie je culpabilisais de ne plus pouvoir contrôler cette
envie de « toujours plus », je me disais cette fois c’est la dernière. Mais cela me paraissait
impossible, il m’est même arrivé de me porter malade au boulot pour aller à un de mes « rendez-
vous sexuel ». Pourtant je n’éveillais pas les soupçons, je gardais cette vie secrète pour moi car je
n’étais pas expansive sur ma vie privée. C’est comme si deux personnalités cohabitaient et dès que
je me retrouve seule la pulsion m’envahit et quelque part cela me fait peur et me fait souffrir. Je
suis à bout ...»

Madame K présente donc un trouble de l’hypersexualité conformément aux critères diagnos-


tics répertorié dans le DSM 5. Il est vrai que ce genre d’addiction est très difficile à conceptualiser
notamment pour les femmes cependant le thérapeute devra se montrer neutre face à la patiente en
souffrance et surtout pas dans le jugement. En ce référent au modèle transthéorique du changement,
Madame K se trouve dans la phase de l’action, elle a pris conscience de son problème, jusque-là
elle n’avait rien fait pour changer étant dépassé par les évènements mais sa prise de rendez-vous
chez le psychologue montre une volonté de changement.

Dans ce cas l’entretien motivationnel va être axé sur la demande de changement de la pa-
tiente. Cependant on peut se trouver face à des complications telles que l’ambivalence (ne plus être
addict et continuer à avoir des rapports multiples par exemple). Il faut faire attention à ne pas faire
de la « réactance » en affirmant que la surconsommation sexuelle aura un effet aversif.

Les pièges à éviter lors de l’entretien seront notamment les questions/réponses car
l’entretien est semi directif, il faut privilégier en revanche des reflets, des échos, des résumés, des
reformulations pour que la personne entende à nouveau sa demande, une façon de renforcer le com-
portement à changer. Il faut faire attention également à ne pas avoir un discours d’expert. Un autre

8|Page
piège à éviter est la focalisation d’emblée sur le problème focalisation car cela peut braquer la per-
sonne d’autant plus si elle ne considère pas que le problème vient d’elle, il faut savoir instaurer le
cadre et doucement s’axer sur le problème. Ici madame K pourrait très bien dire que c’est les
hommes qui la tente et non pas elle qui va vers eux, et donc rejeter la faute sur l’objet de consom-
mation. Dans ce cas on va la laisser parler et réajuster le problème sur son addiction.

Pour Madame K, une des techniques de renforcement est aussi de faire un flashback sur sa
vie avant ce problème d’addiction. C’est une façon pour le thérapeute de pointer l’origine du pro-
blème mais aussi de montrer qu’il y avait un comportement positif avant ce problème et donc
d’arriver à l’état pré-addiction.

Enfin après avoir exploré avec le patient les pistes de l’addiction et où se trouve
l’ambivalence de la patiente il existe une technique conceptualiser par Janis et Mann (1977) 17 qui
est la balance décisionnelle. Ceci étant il faut faire attention à ne pas utiliser cet outil n’importe
comment. On l’utilise une fois qu’on évalue bien dans quel stade la patiente se trouve. Dès lors on
lui demande ce qu’elle souhaite (arrêter ou réduire ?), puis celle-ci fera un listing des avantages et
des inconvénients si elle arrête ou continue de consommer (ici le problème d’addiction sexuelle). Il
faut également demander la force des arguments (de 1 à 10 par exemple).

On peut utiliser des outils évaluant le trouble de l’hypersexualité. Un questionnaire en 12


items des sex-addict anonyme existe depuis 200218 et permet en outre d’évaluer l’état de dépen-
dance.

Autres prises en charge

En plus de l’entretien motivationnel il existe également d’autre prise en charge pour les
personnes souffrant de trouble de l’hypersexualité. Le thérapeute de Madame K pourra alors lui
proposer de la psychoéducation sexuelle pour la prévenir notamment sur les risques qu’elle encoure.

Une thérapie cognitive et comportementale axé sur le modèle de prévention de la rechute


pourrait être utilisé pour le traitement de l’hypersexualité. Il pourrait également se mettre en place
une thérapie sexuelle et conjugale. (Couture et Proulx, 2014).

17
Janis, I. L., Mann, L. (1977). Decision-making: A psychological analysis of conflict, choice and commitment. Press.
New York.
18
Sex addicts anonymous. (2002). Douze questions : un outil utile à l’autoévaluation.
9|Page
Par ailleurs madame K peut intégrer des groupes d’aide aux addicts sexuels. Elle peut
également faire de la relaxation afin de calmer ses angoisses et gérer mieux son trouble.

Nous conclurons ici ce dossier sur le trouble de l’hypersexualité par une réflexion
personnelle sur des questions qui m’ont amené à choisir ce thème et sur le regard que je porte en me
mettant à la place d’une psychologue clinicienne future.

Réflexion Personnelle

Pourquoi ce sujet ?

J’ai décidé de travailler sur cette thématique car lors de l’un de mes entretiens clinique avec une
patiente en addictologie l’an dernier, je me suis posée beaucoup de question sur ces nouvelles
formes d’addictions comportementales qui non seulement restent encore tabou de nos jours mais
qui touchent tout le monde et commencent de plus en plus jeune (le cas échéant était une
adolescente de 16ans qui avait plusieurs partenaires sexuels).

Qu’est-ce que cela m’a apporté en tant que future clinicienne ?

En travaillant sur ce dossier théorique j’ai pu notamment me faire une idée sur la réalité des faits
concernant cette addiction. Il n’existe que très peu de littérature française traitant de ce sujet. Cela
m’a donné envie d’en savoir plus car à l’instar d’une consommation de substance, l’addiction
sexuelle passe par un comportement naturel à la base qui devient nocif par une surconsommation, et
je m’étonne de voir des chiffre assez faible au final sur les données épidémiologiques. Une pratique
clinique quotidienne montrerait je pense que ce phénomène n’est pas si isolé et qu’il devient un
problème réel de société.

De plus cela m’a permis de me questionner sur les différents prises en charge prévu pour ce trouble
et je me rends compte bien qu’il y ai des techniques, je pense que les thérapeutes n’ont pas
forcément la formation adéquate pour faire face à ce genre de situations. Il se peut qu’on nous fasse
des « confidences » qui peuvent mettre mal à l’aise parfois, et je pense que c’est une des lacunes
qu’il faudrait palier lors des enseignements en psychologie.

Ceci étant ce thème attise d’avantage ma curiosité et j’aimerais peut être mettre en place une
recherche plus approfondie sur le trouble de l’hypersexualité chez les femmes.
10 | P a g e
Bibliographie

American Psychiatric Association. (1993). DSM-IV : diagnostic and statistical manual of mental
disorders, 4e edition. Washington D.C.

American Psychiatric Association. (2013). DSM-5: diagnostic and statistical manual of mental
disorders, 5e edition. Washington D.C.

Carnes, P. (1983). Out of the shadow: understanding sexual addiction. CompCare. Minneapolis.

Janis, I. L., Mann, L. (1977). Decision-making: A psychological analysis of conflict, choice and
commitment. Press. New York.

Kafka, M.P. (2009). Hypersexual Disorder: A Proposed Diagnosis for DSM-V. American
Psychiatric Association.

Laurin, C., Lavoie, K. (2011). L’entretien motivationnel et les changements de comportements en


santé. Perspectives Psy, Vol. 50. p. 231–237

Mayet, L., Et al. (2007). Les nouvelles addictions. Scali. Paris

Organisation Mondiale de la Santé. (1993). Classification Internationale des Maladie et des


problèmes de santé connexes 10ème édition. Masson.

Orroz. (2007). Les dangers du sexe sur Internet, quand surfer devient une drogue. Le Manuscrit.

Proshaska, JO., DiClemente CC. (1984). The transtheoretical approach: crossing traditional
boundaries of therapy. Homewood.

Reed, RC., Blaine, DA. (1988). sexual addictions. Holistic nurse.

Sex addicts anonymous. (2002). Douze questions : un outil utile à l’autoévaluation.

Valleur, M., Matysiak, JC. (2003). Sexe passion et jeux vidéo. Flammarion. Paris.
Valleur, M., Matysiak, JC. (2004). Les nouvelles formes d’addictions. Flammarion. Paris

Source Internet

Couture, M., Proulx, I. (2014). Le trouble hypersexuel. Repéré à


https://www.ordrepsy.qc.ca/pdf/Psy_Qc_Mars2014_Dossier05_Couture_Proulx.pdf

France Annuaire. (2014). Repéré à http://franceannuaire.eu/selon-patrick-carnes-il-y-a-11-types-de-


comportement-de-dependance-sexuelle-cette-information-est-importante-lorsque-quand-travailler-
2/

Go ask Alice. (Mai 2013). Repéré à http://goaskalice.columbia.edu/whats-difference-between-


addiction-and-compulsion

IFAC. Repéré à http://www.ifac-addictions.fr/les-dependances-sexuelles.html

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