Vous êtes sur la page 1sur 21

[Tapez un texte]

Université Mohamed Boudiaf - M’Sila- Année : 2023 / 2024

Département de lettres et langue française

Enseignante : Pre. SOUAMES. A

Niveau : Master II (Littérature Générale et Comparée)

Module : Littérature et arts (théâtre)

Antigone de Sophocle : étude d’une tragédie grecque antique

Commentaire de textes :
Recherches préliminaires (conseillées pour comprendre la tragédie) :
- Faites des recherches sur l’histoire des Labdacides et sur l’origine du
mythe.
- Analysez la structure de la pièce en situant chacune des parties : le
prologue, la parodos, les épisodes, les stasima et l’exodos.
- Pour chacune de ces parties de la tragédie, dites quels sont les
personnages en présence.

Activité1 :

Lisez la pièce qui vous est donnée en annexe et faites-en un résumé

1
[Tapez un texte]

Activité2 :

PERSONNAGES
ANTIGONE, fille d’Œdipe, sœur de Polynice.
ISMÈNE, sœur d’Antigone.
LE CORYPHÉE, chef du chœur.
CRÉON, roi de Thèbes.
HÉMON, fils de Créon.
TIRÉSIAS, devin.
EURYDICE, épouse de Créon.
LE CHŒUR.
UN MESSAGER.
UN SERVITEUR.
UN GARDE.
Chœur de vieillards thébains. Gens du palais, serviteurs, gardes.

Prologue

LA SCÈNE EST À THÈBES


DEVANT LE PALAIS DE CRÉON.
ANTIGONE. Compagne de ma destinée, Ismène, ma sœur, de tous les maux que nous avons hérités d’Œdipe 3, en
connais-tu un seul que Zeus4 veuille épargner à notre vie ? Non, il n’est point de douleur, point de malheur, point
de honte ni d’ignominie5 que je ne voie au nombre de tes maux et des miens. Et maintenant, quel est encore ce
nouveau décret que dans la cité populeuse6, le roi, dit-on, a fait publier tout récemment ? Le sais-tu ? as-tu appris
quelque chose ? ou bien ignores-tu les maux qu’à nos amis préparent nos ennemis ?
ISMÈNE. Moi, chère Antigone ? Mais, aucune nouvelle de nos amis ni agréable ni douloureuse ne m’est
parvenue, depuis que nous avons toutes deux été privées de nos deux frères7, tués hélas ! en un seul jour et l’un
par l’autre. Et depuis le départ de l’armée argienne8, cette nuit même, je n’ai rien appris qui doive ajouter à mon
bonheur ou à mes maux.
ANTIGONE. Je le savais bien ; et voilà pourquoi hors des portes du palais je t’ai fait sortir, afin que seule tu
m’entendes.
ISMÈNE. Qu’y a-t-il ? Tu me parais rouler dans ton esprit quelque projet.
ANTIGONE. Eh quoi ! au sujet de la sépulture de nos deux frères, Créon n’a-t-il pas honoré l’un9 d’un tombeau
et refusé à l’autre10 cet honneur ? Étéocle, dit-on, a été justement11 enseveli et honoré chez les morts ; quant à

2
[Tapez un texte]

l’infortuné12 Polynice, mort misérablement, tous les citoyens, paraît-il, ont reçu la défense de l’ensevelir et de le
pleurer ; on le laisse sans larmes, sans tombeau et la proie des oiseaux. C’est là, dit-on, ce que le bienveillant
Créon nous veut, à toi et à moi, oui vraiment à moi aussi, nous veut imposer. Il doit venir ici le déclarer
hautement à ceux qui l’ignorent ; l’affaire est d’importance à ses yeux, et quiconque essaierait d’agir sera
lapidé13 par le peuple de Thèbes. Tel est l’état des choses ; à toi bientôt de montrer si tu es de noble race, ou si tu
démens ta naissance14.
ISMÈNE. Mais, malheureuse, si les choses en sont là, quelque parti que je prenne, que gagnerais-je ?
ANTIGONE. Vois si tu veux prendre part à mon entreprise15 et m’aider.
ISMÈNE. Quelle entreprise ? quels sont donc tes projets ?
ANTIGONE. Veux-tu avec moi ensevelir le cadavre ?
ISMÈNE. Est-ce que vraiment tu songes à l’ensevelir, malgré l’interdit officiel ?
ANTIGONE. Oui, je l’ensevelirai, lui, mon frère et le tien, même si tu t’y refuses.
ISMÈNE. Malheureuse ! après que Créon l’a défendu !
ANTIGONE. Mais il n’a pas le droit de m’ôter ce qui m’appartient.
ISMÈNE. Hélas ! songe, ô ma sœur, à notre père16 mort dans la honte et l’opprobre17 ! Après avoir lui-même
découvert ses crimes, il se creva les deux yeux de sa propre main. Et puis sa mère et son épouse, double titre, par
un funeste lacet18 termina honteusement sa vie. Enfin nos deux frères, le même jour, s’égorgent mutuellement, et,
malheureux, achèvent l’un par l’autre leur commune destinée.
Et nous, nous restons seules. Vois donc combien notre mort sera plus misérable, si malgré la loi nous
enfreignons19 les ordres et le pouvoir de nos maîtres. Il ne faut pas oublier aussi que nous sommes femmes et que
nous ne pouvons lutter contre des hommes. Et puis, nous recevons les ordres de plus puissants que nous ; il faut
nous y soumettre et même à de plus durs. Pour moi donc, je prie les mânes20 de me pardonner, car je cède à la
force ; mais j’obéirai à ceux qui sont au pouvoir. Essayer plus qu’on ne peut, c’est folie.
ANTIGONE. Je ne te demande plus rien ; non, même si tu le voulais maintenant, tu ne me ferais pas plaisir en
m’aidant. Sois donc ce qu’il te plaît ; moi je l’ensevelirai. Je serai fière de mourir dans cette action. Moi, sa sœur, je
reposerai près de lui, la sœur près du frère, et je serai saintement criminelle21. Car le temps est plus long où je dois
plaire aux habitants des Enfers plutôt qu’aux hommes. Là, en effet, je reposerai éternellement. Toi, si tu le veux,
méprise ce que les dieux honorent.
ISMÈNE. Non, je ne le méprise point, mais agir contre la volonté de mes concitoyens, j’en suis incapable.
ANTIGONE. Tu peux invoquer ces prétextes ; pour moi, je vais à l’instant recouvrir le cadavre d’un frère aimé.
ISMÈNE. Ah ! malheureuse ; que je tremble pour toi !
ANTIGONE. Non, ne crains pas pour moi ; songe à ta propre sûreté.
ISMÈNE. Mais du moins ne révèle à personne ton projet ; cache-toi pour ensevelir le corps ; je garderai moi aussi
le silence.
ANTIGONE. Grands dieux ! parle au contraire ! tu me seras bien plus odieuse par ton silence et en ne
proclamant pas à tous mes actions.

3
[Tapez un texte]

ISMÈNE. Ton âme est bien ardente22 où il faudrait du sang-froid.


ANTIGONE. Du moins j’ai conscience de plaire à ceux surtout que je dois satisfaire.
ISMÈNE. Encore faut-il que tu réussisses ; et c’est l’impossible que tu poursuis.
ANTIGONE. Eh bien ! quand je serai à bout de forces, alors je m’arrêterai.
ISMÈNE. Avant tout, il ne faut pas s’obstiner à l’impossible.
ANTIGONE. Si tu parles ainsi, tu mériteras ma haine, et tu seras encore justement haïe de notre mort 23. Allons,
laisse-moi, laisse ma folie s’exposer à ces périls ; les supplices du moins ne m’empêcheront pas de mourir
glorieusement.
ISMÈNE. Eh bien, va, si tu l’as résolu : ta démarche est sans doute insensée, mais tu restes aimée de ceux qui te
sont chers.

Elle sort. Antigone s’éloigne. Entre le chœur, composé de douze vieillards.

Texte établi et traduit par


J. Bousquet et M. Vacquelin (1897)

Analysez le Prologue de la pièce (scène d’exposition) en répondant aux


questions suivantes :
- quels sont les deux personnages de la scène, quel est leur lien de parenté,
de quelle lignée sont-ils issus ?
- quel est le fait tragique énoncé ?
- quel épisode historique est rappelé ?
- en quoi les traits de caractère des deux personnages sont présentés en
opposition ?

Activité 3 :
Etudiez le Deuxième épisode de la pièce :
Montrez que l’opposition entre Antigone et Créon est sans concession en
analysant l’argumentation des deux protagonistes.
4
[Tapez un texte]

Activité 4 :
Expliquez quels sont les éléments du Troisième épisode qui montrent que «
Créon expose à son fils une morale fondée sur l’ordre public et l’obéissance ».

Activité 5 :
Analyse de l’Exode :
- Comment sont morts Antigone et Hémon ?
- De quel type de faute est coupable Créon ?
- Quel châtiment s’impose-t-il ?
- Quelle est la morale délivrée par le Coryphée dans la dernière réplique ?

CORRIGÉ

Activité 1 :
Résumés possibles de la pièce :

1) Version concentrée :
Créon, nouveau roi de Thèbes, après avoir proclamé se vouer au bien de la cité,
prend sa première décision politique en interdisant à ses nièces d’accomplir les
rites funéraires sur leur frère Polynice. Antigone, par amour pour son défunt
frère, méprise ce décret et se dresse contre l’autorité de Créon dont la parole va
se révéler vaine. Cette faillite se concrétise dramatiquement par trois suicides
qui anéantissent le roi qui n’aspire plus qu’à mourir lui aussi.

2) Version détaillée :
Antigone informe sa sœur Ismène qu’elle va accomplir les rites funéraires sur le
corps de leur frère Polynice et ce, malgré l’interdiction du roi Créon, leur oncle,
et le châtiment qu’il adresse à ses nièces : la lapidation par le peuple de Thèbes.

5
[Tapez un texte]

Polynice a en effet été tué par leur autre frère Étéocle dans la guerre des sept
chefs. Ismène reconnaît que l’action est juste mais refuse de s’exposer à
l’interdiction et au châtiment qui s’en suivrait ; elle refuse donc d’aider sa sœur
dans cette entreprise « je cède à la force, je n’ai rien à gagner à me rebeller »
dit-elle.
Pendant qu’Antigone s’en va mettre à exécution son devoir religieux, Créon
s’adresse, avec quelque grandiloquence au chœur des vieillards thébains, choisis
pour leur docilité. Dans son discours, il développe une philosophie politique
dans laquelle il exprime un certain nombre de valeurs nobles : le service de la
cité, le bien du peuple.
Le Garde vient informer le roi que son interdiction a été transgressée. Le
Coryphée suggère à celui-ci que son interdiction était peut-être une mauvaise
décision et que la transgression et voulue par les dieux (« Cette affaire là
pourrait bien être envoyée par les dieux »). Créon se fâche et lui ordonne le
silence. Le Garde est menacé des pires sévices s’il ne ramène pas rapidement un
coupable afin de s’innocenter.
C’est le cœur chargé de réticences (« il y a une chose qui importe avant tout :
sauver sa peau ») qu’il revient accompagné d’Antigone, prise en flagrant délit
de récidive. L’affrontement est immédiat et total : la jeune fille affirme
l’illégitimité de l’édit royal en se réclamant des lois divines, non écrites et
éternelles. Au fil de l’argumentation, Créon cède le terrain. Après que la jeune
fille ait justifié sa lutte par l’amour fraternel, exposant ainsi sa motivation
fondamentale (« je ne suis pas fait pour vivre avec ta haine, mais pouf être avec
ce que j’aime ») il finit par disqualifier sa nièce : ce n’est pas une femme qui
fera la loi. Quand Ismène réapparaît, c’est pour s’entendre accusée par son oncle
d’avoir participé à la cérémonie mortuaire et pour exprimer son désir de partager
le sort de sa sœur. Antigone refuse, la jugeant intéressée (terrorisée à l’idée de se
retrouver seule survivante de sa famille). Créon, exaspéré par ce comportement,

6
[Tapez un texte]

les traite de folles et les fait placer en réclusion, là où doivent se tenir les
femmes.
Le jeune prince Hémon, fiancé d’Antigone, accuse son père, Créon, d’abuser de
son pouvoir, de piétiner « les honneurs que l’on doit aux dieux », et de
commettre de ce fait une « faute contre la justice ». Aux propos nuancés et
pleins de bon sens du jeune homme sur la manière juste de gouverner, le roi
répond par des injonctions à l’obéissance inconditionnelle que les fils doivent
aux pères, le peuple à son chef, et l’accusation d’être devenu l’esclave de sa
fiancée (« Créature dégoûtante, aux ordres d’une femme »). Hémon quitte
brusquement les lieux en jurant la mort que Créon prend, à tort, pour une
menace contre sa vie.
Tirésias, le devin déclare au roi que les dieux n’approuvent pas son action et
qu’il en pâtira pour la cité si Antigone n’est pas libérée et Polynice enterré.
Créon insulte Tirésias et l’accuse d’être à la solde de Hémon et de Antigone,
comploteurs qui en veulent à son pouvoir. Malgré tout, Créon se rend aux
prédictions du devin, change d’avis et veut procéder aux funérailles du mort et
délivrer Antigone. Mais il est trop tard car Antigone s’est pendue dans la grotte
où elle avait été emmurée et Hémon se tue.
Créon apprend que sa femme Eurydice, elle aussi vient de se tuer. Il est anéanti
par cette série de désastres (« désastre venu de mes propres plans ») et n’aspire
plus qu’à une mort rapide (« Débarrassez cet endroit d’un propre à rien »).
Le Coryphée tire la leçon de cet « entêtement qui tue » : « il ne faut pas
déshonorer la loi qu’imposent les dieux ».

Activité 2 :
Analysez le Prologue de la pièce (scène d’exposition) en tenant compte des
points suivants :

7
[Tapez un texte]

- quels sont les deux personnages de la scène, quel est leur lien de parenté, de
quelle lignée sont-ils issus ?
Les deux personnages de cette scène d’exposition sont Antigone et Ismène ;
elles sont sœurs et filles d’Œdipe, coupable d’inceste et de parricide et de
Jocaste. Un destin cruel pèse sur leur lignée comme le rappelle Ismène à sa sœur
Antigone :
« Hélas! Rappelle-toi, ma sœur, comment notre père est mort dans Ici haine et
la honte, après s’être arraché les deux yeux de sa propre main pour se punir de
crimes qu’il s ‘était lui-même découvert. Après quoi, son épouse et mère - deux
noms confondus - mit un terme à son existence avec un nœud coulant. »

- quel est le fait tragique énoncé ?


Le fait tragique énoncé est l’interdiction de procéder aux funérailles de Polynice
et l’autorisation pour Etéocle, édictées par Créon, nouveau roi de Thèbes :
« Antigone : Hélas! oui. Créon ne vient-il pas d’honorer de la sépulture l’un de
nos frères, pour la refuser outrageusement à l’autre ? Pour Etéole, à ce qu’on
dit, jugeant bon de le traiter selon la loi et la règle, il l’a fait ensevelir de sorte
qu’il jouisse du respect parmi les ombres. Mais le malheureux cadavre de
Polynice, paraît-il, il a fait interdire aux citoyens de lui donner la sépulture et
même de lui accorder les lamentations »

- quel épisode historique est rappelé ?


Ce fait tragique survient à la suite d’une guerre dans laquelle les deux frères se
sont entretués :
« Ismène : toutes deux nous avons été privées de nos deux frères tombés le
même jour et sous leurs coups mutuels. Depuis le départ de l’armée d’Argos »
en quoi les traits de caractère des deux personnages sont présentés en opposition
?
Antigone : elle est présentée d’emblée comme ayant un caractère intraitable :

8
[Tapez un texte]

1) sa volonté de défier l’interdiction de Créon :


«Ismène : Tu médites donc de l’ensevelir malgré l’interdiction publique ?
Antigone : Bien sûr, c’est mon frère ...Ismène : Malheureuse fille, malgré la
défense de Créon ? Antigone : il n’a pas le droit de me séparer des miens. »
« Je sais que c’est faire plaisir à ceux à qui par-dessus tout je dois plaire. »
Antigone a pris sa décision et rien ne peut lui faire changer d’avis.
2) ses propos vifs condamnant l’attitude de sa sœur :
« ...et tu vas me montrer tout de suite si tu es bien née ou si tu n’es qu’une
dégénérée »
« Quant à toi, si bon te semble, persiste à mépriser ce qu’estiment les dieux. »
« Mais non, clame-le donc. Si tu ne vas pas le répéter partout, tu me dégoûteras
beaucoup plus encore par ton silence. »
« En parlant ainsi tu te feras haïr de moi, et tu te voueras à la juste haine du
mort. »
Ismène : présentée comme étant plus soumise et conforme à l’image
conventionnelle de la femme :
1) l’effroi que lui inspire la décision de sa sœur :
«Malheureuse fille, malgré la défense de Créon ? »
« Ah ! que je tremble pour toi, ma pauvre ! »
« Ton cœur s’échauffe quand il y a de quoi le glacer. »
« Mais il ne convient pas dès l’abord de chercher l’impossible. »
2) le refus qu’elle lui oppose de l’aider dans son entreprise par peur du
châtiment ; elle apparaît donc faible et soumise par rapport à la détermination de
sa sœur :
« Et maintenant que nous voilà seules, abandonnées, nous deux, songe à quelle
mort plus affreuse nous nous exposons si, par résistance à la loi, nous
contrevenons à la décision et à l’autorité du despote. Et puis réfléchis que nous
sommes des femmes : nous ne sommes pas nées pour lutter contre les hommes.
Comme nous dépendons de maîtres plus forts que nous, il nous faut obéir à ces

9
[Tapez un texte]

mesures, et peut-être à de plus rigoureuses encore. Pour moi donc, tout en


priant ceux qui sont sous terre de ‘accorder leur indulgence du fait que je subis
une violence, j’obéirai à ceux qui détiennent le pouvoir, car agir au-delà du
possible, cela n’a pas le moindre sens. »
« Ce n ‘est pas mépris de ma part. Seulement, pour m ‘insurger contre ‘ la
masse des citoyens, je n ‘en ai pas les moyens. »

Synthèse de l’analyse du prologue :


Le prologue apparaît comme une scène d’exposition marquée par de nombreux
contrastes qui apparaissent dans l’opposition entre deux caractères, entre deux
femmes de la même lignée et qui abordent pourtant la décision du roi de manière
diamétralement opposée :
Antigone est prête à braver l’interdiction, elle y est déterminée au nom du
respect dû aux liens du sang et à un mort. Sa décision lui est dictée par le bon
droit et le respect dû aux dieux. Empêcher de procéder aux rites funéraires est
considéré par Antigone comme un sacrilège, elle se situe bien au-delà d’une
simple décision humaine ; elle apparaît en héroïne d’un rang élevé. Sa décision
est d’autant plus héroïque qu’Antigone, fille d’Œdipe au destin tragique, seule,
car sa sœur lui refuse son aide, décide d’affronter Créon, roi puissant d’une cité
victorieuse, incarnant le pouvoir absolu.
Ismène, quant à elle, est tout à fait l’opposé de sa sœur ; elle agit en femme
faible et soumise et refuse de prêter main forte à sa sœur par peur des
représailles et du châtiment.

Activité 3 :

10
[Tapez un texte]

Dès l’instant où ils sont en présence, Antigone et Créon s’affrontent.


1)Antigone ne cherche pas à fuir ses responsabilité : elle reconnaît ouvertement
son acte :
« Oui, je l’avoue, je les ai accomplis ; je ne le nie pas. »
Elle reconnaît également avoir procédé aux rites funéraires du mort en toute
connaissance de l’interdiction de Créon :
« Oui, je la connaissais. Comment en eût-il été autrement ? Elle était notoire. »
Antigone ne craint pas d’affronter Créon et même de condamner sa décision.
Elle considère qu’elle n’avait pas à s’y tenir puisqu’elle émane d’un mortel.
Seules les prescriptions des dieux ont grâce à
« Oui, car ce n’est pas Zeus, je pense qui l’a publié, ni Diké, celle qui demeure
avec les dieux d’en bas. »
Elle conteste la décision de Créon en lui déniant toute légitimité, sur un ton de
défi et l’interdiction qu’il a proclamé est qualifiée de ses yeux : « caprice » :
« Ce ne sont pas eux [les dieux] qui ont imposé de pareilles lois aux hommes, et
je ne croyais pas que tes ordres eussent une autorité telle qu’un être mortel pût
se permettre de transgresser les lois non écrites, mais imprescriptibles des
dieux. Car ce n’est pas d’aujourd’hui ni d’hier qu’elles sont en vigueur, mais de
toujours, et nul ne sait quand elles jurent édictées. Je ne me souciais pas, par
crainte des caprices d’un homme, de subir le châtiment de la divinité. »
Antigone justifie son acte par les arguments suivants :
Les liens du sang sont sacrés à ses yeux :
«Tandis que si ce mort, un frère né de la même mère, je l’avais laissé sans
sépulture, j’en eusse éprouvé une souffrance. Le reste me laisse insensible. »
Les devoirs religieux dus à un mort, qu’elle considère comme un impératif
auquel elle ne peut se soustraire :
«Comment acquérir une gloire plus éclatante qu’en donnant la sépulture à son
frère ? »
« L ‘Hadès n ‘en exige pas moins ces rites. »

11
[Tapez un texte]

l’affirmation d’une philosophie de l’amour et non de la haine :


« Pour aimer je suis née, et non pas pour haïr. »
D’où ce jugement du Coryphée :
«Intraitable, hérité d’un père intraitable, se montre le cœur de cette jeune fille.
Elle ne sait pas plier devant l’infortune
Face aux arguments d’Antigone, Créon répond par les arguments suivants :
le sang d’Etéocle réclame vengeance et il est aussi le frère d’Antigone -.«Mais
n’était-il pas aussi ton frère, son adversaire mort de même en combattant ? »
Il condamne l’attitude d’Antigone qui se démarque de l’attitude commune :
« Tu es seule parmi les Cadméens à raisonner de la sorte. »
« et tu n’as pas honte de penser autrement qu’eux ? »
- On ne doit pas mettre sur le même plan celui qu’il considère comme un
criminel (Polynice) et celui qu’il considère comme un juste (Etéocle). La justice
doit être rendue à tout prix :
« Pourquoi donc ces honneurs qui sont à son égard une impiété ? »
« Et pourtant c’est le mettre au rang de l’impie. »
« Mais c’était en dévastant notre sol, alors qu’Etéocle le défendait. »
« Soit, mais l’impie ne saurait bénéficier des mêmes attentions que l’homme de
bien. »
- Créon prône la vengeance jusque dans la mort :
«Même quand il est mort, jamais l’ennemi ne prend figure d’ami. »
L’affrontement s’aggrave et s’intensifie et ceci est rendu par le biais de la «
stichomythie », échange vers à vers qui a lieu entre Créon et Antigone.
Créon ne veut pas seulement faire reconnaître son crime à Antigone, il veut
qu’elle se soumette à son autorité. A ses yeux, elle n’est pas seulement coupable
d’avoir enfreint son interdiction, elle est également, et surtout coupable de « s’en
vanter » et de refuser de se soumettre à sa volonté ; elle nuit ainsi à son orgueil
de roi tout puissant qui entend affirmer son autorité :

12
[Tapez un texte]

« Sache-le bien, les caractères trop rigides se brisent très facilement. Le fer le
plus résistant, quand on le remet au feu pour le durcir encore, on le voit qui le
plus souvent se rompt et casse. D’ailleurs, une simple bride suffit à dresser les
chevaux les plus rétifs. Et puis, il n’est pas permis de faire l’orgueilleux à celui
qui dépend d’autrui. Cette fille, consciemment, a commis sans conteste une
insolence en passant outre à l’édit que j’ai promulgué ; une seconde insolence,
c’est de s’en vanter après l’acte. Non, je ne suis plus un homme, c’est elle qui
l’est, si elle ne paye pas cette double insolence. »
Cette déclaration de Créon n’entame en rien la détermination d’Antigone. Elle
continue à le défier ouvertement en affirmant l’impossibilité d’approuver ses
paroles et en condamnant ce qu’elle considère comme un abus de pouvoir :
«Alors, qu’attends-tu donc ? Aucune de tes paroles ne m’est agréable, et
puissent-elles ne jamais me plaire ! Les miennes ne te font pas plaisir non plus.
N’importe ! Comment acquérir une gloire plus éclatante qu’en donnant la
sépulture à son frère ? Si la peur ne leur verrouillait la langue, tous ceux qui
sont ici me donneraient leur approbation. Hélas ! la tyrannie jouit de multiples
privilèges, et particulièrement de dire et de faire ce qu’elle veut. »
Chacun des deux protagonistes s’enferme dans sa position et le bras de fer
engagé entre eux se transforme en folie :
« Et si je te parais agir en folle, peut-être aussi est-ce un fou qui me taxe de jolie
», affirme Antigone et «Alors qu’une lueur d’espoir dans la maison d’Œdipe
avait éclairé ses derniers rejetons, voilà qu’une poussière ensanglantée
accordée à ceux d’en bas la dissipe encore une fois dans la démence des paroles
et la frénésie vengeresse » chante le chœur à la fin de ce deuxième épisode.
En définitive, il n’y a pas d’autre issue possible qu’une fin tragique pour ces
deux héros d’essence divine.

Activité 4 :

13
[Tapez un texte]

Expliquez quels sont les éléments du Troisième épisode qui montrent que «
Créon expose à son fils une morale fondée sur l’ordre public et l’obéissance ».
Morale fondée sur l’obéissance :
« Bien, mon enfant ; c’est cela qu’il faut avoir à cœur : tout subordonner à
l’autorité paternelle. Voilà pourquoi les pères de famille souhaitent avoir sous
leur toit des héritiers soumis, capables de tirer vengeance de leurs ennemis en
accablant ceux-ci, ainsi que d’honorer leurs amis à l’égal d’eux-mêmes. »
Morale fondée sur l’ordre public :
« Celui qui, dans l’existence familiale, se montre honnête homme, se comporte
également bien dans la vie publique. Cet homme, je suis sûr qui saura
commander et se laisser commander ; dans le tumulte de la bataille il tiendra
ferme à son rang, en soldat loyal et brave »
Pour Créon donc l’ordre public découle de l’obéissance et de la soumission à la
volonté du père. Sa tyrannie s’exerce autant pour ses sujets que pour son fils.
Hémon, tout en affirmant le respect qu’il doit à son père, tente de le mettre en
garde contre son excès de rigidité, contre la colère source d’injustice. Il l’engage
à revenir à la raison et à reconsidérer sa décision :
« Père, les dieux ont donné aux hommes la raison, et c’est de tous les biens de
ce monde le plus beau. Quant à moi, je ne pourrais ni ne saurais dire que tu ne
parles pas là selon les règles. Néanmoins, quelque autre serait susceptible
d’avoir également une opinion valable. »
« Ne commets pas l’injustice. Je suis jeune, il est vrai mais il ne faut pas tant
considérer l’âge que la conduite. »
Créon est sourd aux idées et aux sentiments de son fils ce qui conduit à
l’échange vif sur le mode de la stichomythie entre le père et le fils et donc, à
l’affrontement inévitable, une fois encore, à l’issue duquel Hémon déclare :
« Elle mourra donc, et sa mort en entraînera une autre. »
Paroles que Créon interprète comme une menace contre sa vie :
«Tu pousses l’audace jusqu’à me faire telle menace ? »

14
[Tapez un texte]

A l’issue de cet échange, Hémon, qui n’a pas réussi à faire entendre raison à son
père, rompt définitivement avec celui-ci :
«D’ailleurs, de tes yeux tu ne verras plus mon visage. Exerce tes fureurs en
compagnie de ceux qui recherchent ton amitié. »

Activité 5 :
Analyse de l’Exode :
Antigone se pend dans la grotte où Créon la fait enfermer et Hémon, ne
pouvant supporter la mort de sa bien-aimée, sort son épée et se l’enfonce
dans le ventre sous les yeux de son père, Créon et de sa mère, Eurydice.

Créon est coupable de la faute de l’hybris, la démesure :


«Ah ! cruelles, humaines erreurs de mes folles pensées ! O vous, voyez ici les
membres d’une même famille meurtriers et victimes. Ah ! mes calamiteux
décrets ! Ah ! mon enfant, si jeune, avant l’âge, hélas ! tu es mort, tu nous a
quittés, par un effet de ma folie, non de Ici tienne. »
Créon s’impose la mort :
« Ou ‘il vienne donc, qu’il vienne, que je ne voie plus un nouveau jour ! »
« Emportez loin d’ici un homme qui est de trop ».
La morale délivrée par le Coryphée dans la dernière réplique est la suivante :
L’orgueil et l’impiété à l’égard des dieux se paie par de grands châtiments.
Seules la sagesse, la raison et la soumission au destin sont récompensées.

15
[Tapez un texte]

Synthèse à l’étude de cette tragédie

Voici, en guise de synthèse à l’étude de cette tragédie, ce qu’écrit G. Chappon à


propos de Antigone de Sophocle et sur la portée qu’il faut lui donner :
«La tragédie d’Antigone exprimait encore l’effort des hommes du Ve siècle pour
conquérir leur liberté contre la puissance la plus mystérieuse et la plus
tyrannique imaginée par la société grecque : le Destin. De là vient la grandeur
de ses personnages en même temps si humains.
Sans doute la leçon finale est une acceptation de l’asservissement : « Il n’est pas
de moyen pour les mortels de se libérer d’un malheur marqué par le Destin ».
Sans doute Créon s’écrie : « Toutes choses échappent à ma prise. »
Mais s’il avait pu la prévoir, n’aurait-il pas accepté la mort d’Hémon, comme il
a voulu celle d’Antigone à l’heure où il se traçait sa ligne de conduite ? Il
reconnaît lui-même à la fin : « Les malheurs (qui) viennent de ma faute. » « De
ma faute », non pas de la faute des dieux ni du Destin, qu’il a lui-même défiés
avec sa raison, avec sa propre volonté.
Comme Antigone est elle-même l’auteur de son châtiment, comme Antigone a,
en pleine conscience, défié la mort.
Ces personnages ont choisi, en toute liberté, leur voie.
Voilà en quoi, s’ils subissent en définitive la loi du Destin, ils ont fait effort pour
s’en libérer : premiers pas dans la voie royale. Ils ont donné de la hardiesse aux
hommes à venir, et, si l’on reste sur le plan de la création dramatique, c’est leur
flambeau que saisiront, bien plus tard, les héros cornéliens: ceux-là montreront,
dans leur éblouissante clarté, ce que l’on peut attendre des hommes quand ils
veulent être pleinement des hommes. ».

16
[Tapez un texte]

Activité II

Résumé :

Episode 1 : Créon marque son refus d’offrir une sépulture à Polynice. Pourtant les gardes chargés de vieillir sur le corps lui annoncent que

quelqu’un l’a recouvert de terre. Créon les envoie à la recherche du coupable.

Episode 2 : Antigone, la coupable, est amenée par les gardes auprès de Créon.

Deuxième épisode de la pièce Antigone de Sophocle

CRÉON : Et ainsi, tu as osé violer ces lois ?


ANTIGONE : C'est que Zeus ne les a point faites, ni la Justice qui siège auprès des dieux souterrains. Et je n'ai
pas cru que tes édits pussent l'emporter sur les lois non écrites et immuables des dieux, puisque tu n'es qu'un
mortel. Ce n'est point d'aujourd'hui ni d'hier qu'elles sont immuables ; mais elles sont éternellement puissantes et
nul ne sait depuis combien de temps elles sont nées. Je n'ai pas dû, par crainte des ordres d'un seul homme, mériter
d'être châtiée par les dieux. Je savais que je dois mourir un jour, comment ne pas le savoir ? Même sans ta volonté
et si je meurs avant le temps, ce me sera un bien, je pense. Quiconque vit comme moi au milieu d'innombrables
misères, celui-là n'a-t-il pas profit à mourir ? Certes, la destinée qui m'attend ne m'afflige en rien. Si j'avais laissé
non enseveli le cadavre de l'enfant de ma mère, cela m'eût affligée ; mais ce que j'ai fait ne m'afflige pas. Et si je te
semble avoir agi follement, peut-être suis-je accusée de folie par un insensé.
LE CORYPHÉE : L'esprit inflexible de cette enfant vient d'un père semblable à elle. Elle ne sait point céder au
malheur.
CRÉON : Sache cependant que ces esprits inflexibles sont domptés plus souvent que d'autres. C'est le fer le plus
solidement forgé au feu et le plus dur que tu vois se rompre le plus aisément. Je sais que les chevaux fougueux
sont réprimés par le moindre frein, car il ne convient point d'avoir un esprit orgueilleux à qui est au pouvoir
d'autrui. Celle-ci savait qu'elle agissait injurieusement en osant violer des lois ordonnées ; et, maintenant, ayant
accompli le crime, elle commet un autre outrage en riant et en se glorifiant de ce qu'elle a fait. Que je ne sois plus
un homme, qu'elle en soit un elle-même, si elle triomphe impunément, ayant osé une telle chose ! Mais, bien
qu'elle soit née de ma sœur, bien qu'elle soit ma plus proche parente, ni elle, ni sa sœur n'échapperont à la plus
honteuse destinée, car je soupçonne cette dernière non moins que celle-ci d'avoir accompli cet ensevelissement.
Appelez-la. Je l'ai vue dans la demeure, hors d'elle-même et comme insensée. Le cœur de ceux qui ourdissent le
mal dans les ténèbres a coutume de les dénoncer avant tout. Certes, je hais celui qui, saisi dans le crime, se
garantit par des belles paroles.
ANTIGONE : Veux-tu faire plus que me tuer, m'ayant prise ?
CRÉON : Rien de plus. Ayant ta vie, j'ai tout ce que je veux.
ANTIGONE : Que tardes-tu donc ? De toutes tes paroles aucune ne me plaît, ni ne saurait me plaire jamais, et, de
même, aucune des miennes ne te plaît non plus. Pouvais-je souhaiter une gloire plus illustre que celle que je me
suis acquise en mettant mon frère sous la terre ? Tous ceux-ci diraient que j'ai bien fait, si la terreur ne fermait leur
bouche ; mais, entre toutes les félicités sans nombre de la tyrannie, elle possède le droit de dire et de faire ce qui
lui plaît.
CRÉON : Tu penses ainsi, seule de tous les Cadméens1.
ANTIGONE, désignant le chœur : Ils pensent de même mais ils compriment leur bouche pour te complaire.
CRÉON : N'as-tu donc point honte de ne point faire comme eux ?

1
Cadméens : habitants de Cadmée, la citadelle de Thèbes.
17
[Tapez un texte]

ANTIGONE : Certes, non, car il n'y a aucune honte à honorer ses proches.
CRÉON : N'était-il pas ton frère aussi celui qui est tombé en portant les armes pour une cause opposée ?
ANTIGONE : De la même mère et du même père.
CRÉON : Pourquoi donc, en honorant celui-là, es-tu impie envers celui-ci ?
ANTIGONE : Celui qui est mort ne rendrait pas ce témoignage.
CRÉON : Il le ferait sans doute puisque tu honores l'impie autant que lui.
ANTIGONE : Polynice est mort son frère et non son esclave.
CRÉON : Il est mort en dévastant cette terre, tandis que l'autre combattait vaillamment pour elle.
ANTIGONE : Hadès2 applique à tous les mêmes lois.
CRÉON : Mais le bon et le mauvais n'ont pas le même traitement.
ANTIGONE : Qui peut savoir si cela est ainsi dans l'Hadès ?
CRÉON : Jamais un ennemi, même mort, ne devient un ami.
ANTIGONE : Je suis née non pour une haine mutuelle mais pour un mutuel amour.
CRÉON : Si ta nature est d'aimer, va chez les morts et aime-les. Tant que je vivrai, une femme ne commandera
pas.
Episode 2 Antigone de Sophocle, texte établi et traduit par
Paul Demont, Le livre de poche, (1996)

Commenter cet épisode de la pièce d’Antigone de Sophocle en insistant sur l’approche formelle de
: approches thématique, lexicale, syntaxique et rhétorique tout en répondant aux questions
suivantes :

Au nom de quelles lois Antigone conteste-t-elle l’autorité de Créon ? De quelle manière a-t-elle

enfreint ses ordres ?

Comment justifie-t-elle sa désobéissance ?

Que décide finalement Créon au sujet d'Antigone ? Dans quel état d'esprit attend-elle la mort ?

1-Quels sont les arguments avancés par Antigone et par Créon pour défendre leurs points de vue
respectifs ? Lequel des deux possède les arguments les plus percutants, pourquoi ?

2-La situation au théâtre est particulière parce qu’elle repose sur une double énonciation : le
personnage s’adresse tout d’abord à un autre personnage présent sur la scène mais, au travers de ses
paroles, l’auteur fait aussi passer un message au public. Quel message sur le pouvoir Sophocle
cherche-t-il à faire passer au travers des paroles d’Antigone ?

Résumez la thèse de chacun des personnages.

- En quoi la pièce de théâtre de Sophocle représente-t-elle un conflit entre la loi sociale et la loi
morale ? De quel type de faute sont coupable Antigone et Créon ( l’hybris dans cette scène) ?

2
Hadès : dieu des Enfers.
18
[Tapez un texte]

Commentaire de texte
Introduction
Situation du passage :

L’Antigone de Sophocle Thèbes, 445 av. J-C. est sans doute la plus grande des tragédies
grecques, qui illustre l’apogée de la réussite culturelle antique proposant un modèle parfait du
phénomène de civilisation que fut la tragédie grecque du Vème siècle avant J.C.[phrase d’accroche]

Cet extrait se trouve juste après l'arrestation d'Antigone. Les gardes du roi ont fait arrêter
Antigone alors qu’elle essayait de recouvrir le corps de son frère Polynice, bravant ainsi le décret royal
qui interdit de rendre les honneurs funèbres au fils d’Œdipe considéré comme un traitre à sa patrie.
Antigone se ressaisit et refuse de céder au roi.[ Présentation du texte]

Problématique :

La confrontation entre le roi de Thèbes Créon et Antigone est la scène centrale de la pièce. Cet
extrait pose la problématique suivante : en quoi cette scène constitue -t-elle un affrontement
argumentatif ?

Doit-on choisir la famille ou l’État, l’humanité ou l’autorité, la religion ou les lois de la Cité ?

Au nom de quelles lois Antigone conteste-t-elle l’autorité de Créon ? De quelle manière a-t-elle
enfreint ses ordres ?

Présentation du plan :

Nous verrons dans un premier temps que l’opposition entre Antigone et Créon est sans
concession tout en analysant l’argumentation des deux protagonistes. Cependant, force est de constater
que le sens de cette scène peut être enrichi par deux systèmes de valeur, ce que nous développerons
dans un deuxième temps concernant le discours qui véhicule la contestation de l’héroïne. Enfin, nous
verrons que la dualité Antigone / Créon créé hybris qui bouleverse l’ordre naturel des choses et qui est
à l’origine de la tragédie.

Développement
Dès l’instant où ils sont en présence, Antigone et Créon s’affrontent. Loi divine contre
loi humaine. En effet, Antigone veut donner une sépulture à son frère mort (= loi divine)
« Certes, non, car il n'y a aucune honte à honorer ses proches ».
Les liens du sang sont prépondérants. Créon représente les lois humaines, celles de la cité. Antigone a
enterré son frère contre la volonté du roi, Créon (loi humaine ). « Et ainsi, tu as osé violer ces lois ? »
Dans cet extrait, l’auteur a utilisé également dans un premier temps de longues phrases pour
donner lieu aux répliques plus au moins convaincantes de la part des deux protagonistes :
Antigone et Créon. Ces longues répliques justifient d’une manière persuasive ; l’utilisation de
courtes phrases par la suite entrecoupées par des points de suspension ou de fausses interrogations.

Antigone emploie souvent des phrases interrogatives et semble moins définitive. Elle interroge
le discours de Créon pour mettre en évidence les contradictions : «Veux-tu faire plus que me tuer,
m'ayant prise ? ». Le seul endroit où Antigone utilise des points d'exclamation sert peut-être à marquer
son désarroi. « Que je ne sois plus un homme, qu'elle en soit un elle-même, si elle triomphe impunément, ayant
osé une telle chose ! ». D’autre part, la longueur des répliques semble toujours inversée : lorsque

19
[Tapez un texte]

Créon parle beaucoup, Antigone prend peu la parole. Lorsqu'au contraire elle parle, Créon
intervient moins. Le dialogue n'est pas équilibré et la répartition de la parole témoigne déjà
d'un désaccord.
Progressivement, la conversation devient tellement dérangeante pour Créon qu'il ne cherche
plus qu'à y mettre un terme. On note la répétition de l'impératif.
Enfin, Antigone, elle, plutôt que de se confronter directement à Créon, maintient une
certaine distance ironique » Que tardes-tu donc ? ……. Tous ceux-ci diraient que j'ai bien fait, si la terreur
ne fermait leur bouche ; mais, entre toutes les félicités sans nombre de la tyrannie, elle possède le droit de dire et
de faire ce qui lui plaît. »

Le vocabulaire employé est volontairement peu métaphorique et tend à rendre la situation plus
complexe. Créon parle comme une personne d'expérience. Beaucoup de ses arguments font appel au
passé.
Concernant le discours qui véhicule la contestation de l’héroïne, la scène commence par un cri de
révolte de l’héroïne, un cri de ralliement, de résistance : une Antigone résistant au pouvoir établi par
Créon. Le non d’Antigone va s’affirmer quand elle va s’opposer à la loi de Créon : « […] tout ce que
tu dis m’est odieux, - je m’en voudrais du contraire – et il n’est rien en moi qui ne te blesse.»

Nous voyons que la tonalité pathétique domine le discours d’Antigone qui se manifeste dans
les sentiments de douleur qu’Antigone extériorise à travers ses paroles. Le discours pathétique se
manifeste dans sa voix qui dit le « je et le moi » qui s’expriment. A travers ce discours nous voulons
que l’autre réagisse. Le pathétique fait appel à la compassion et c’est à travers ce discours que la
parole devient action .Elle est pragmatique en quelque sorte parce qu’elle provoque la réaction de
Créon. Et c’est là justement qu’est exprimée une véritable contestation. Le lexique utilisé dans le
passage est placé sous le signe d’une totale subjectivité. En effet, ce passage regorge d’invectives et
mises en cause directes, accentuées par des modalités expressives : exclamatives, impératives et
surtout interrogatives. Le discours d’Antigone montre la fréquence de la prise de position et la force
du dire comme celui l’agir. Antigone ne cherche pas à fuir ses responsabilités : elle reconnaît
ouvertement son acte :
« Oui, je l’avoue, je les ai accomplis ; je ne le nie pas. ». Elle reconnaît également avoir procédé aux
rites funéraires du mort en toute connaissance de l’interdiction de Créon :
« Oui, je la connaissais. Comment en eût-il été autrement ? Elle était notoire. »
Antigone ne craint pas d’affronter Créon et même de condamner sa décision. Elle considère qu’elle
n’avait pas à s’y tenir puisqu’elle émane d’un mortel. Antigone conteste par des négations la décision
de Créon en lui déniant toute légitimité, sur un ton de défi et l’interdiction qu’il a proclamé est
qualifiée à ses yeux : » : « Ce ne sont pas eux [les dieux] qui ont imposé de pareilles lois aux hommes,
et je ne croyais pas que ……………………………………….de subir le châtiment de la divinité. »
Antigone justifie son acte par les arguments suivants :
Les liens du sang sont sacrés à ses yeux : «Tandis que si ce mort, un frère né de la même mère, je
l’avais laissé sans sépulture, j’en eusse éprouvé une souffrance. Le reste me laisse insensible. »
Les devoirs religieux dus à un mort, qu’elle considère comme un impératif auquel elle ne peut se
soustraire : fausses interrogations : «Comment acquérir une gloire plus éclatante qu’en donnant la
sépulture à son frère ? » « L ‘Hadès n ‘en exige pas moins ces rites. »
- Créon prône la vengeance jusque dans la mort : «Même quand il est mort, jamais l’ennemi ne prend
figure d’ami. »
Ainsi, l’affrontement s’aggrave et s’intensifie et ceci est rendu par le biais de l’échange de vers à vers
qui a lieu entre Créon et Antigone.
Créon ne veut pas seulement faire reconnaître son crime à Antigone, il veut qu’elle se soumette à son
autorité. A ses yeux, elle n’est pas seulement coupable d’avoir enfreint son interdiction, elle est
également, et surtout coupable de « s’en vanter » et de refuser de se soumettre à sa volonté ; elle nuit
ainsi à son orgueil de roi tout puissant qui entend affirmer son autorité :
« Sache-le bien, les caractères trop rigides se brisent très facilement. Le fer le plus résistant, quand on
le remet au feu pour le durcir encore, on le voit qui le plus souvent se rompt et casse »

20
[Tapez un texte]

Cette déclaration de Créon n’empeche en rien la détermination d’Antigone. Elle continue à le défier
ouvertement en affirmant l’impossibilité d’approuver ses paroles et en condamnant ce qu’elle
considère comme un abus de pouvoir :
«Alors, qu’attends-tu donc ? Aucune de tes paroles ne m’est agréable, et puissent-elles ne jamais me
plaire ! Les miennes ne te font pas plaisir non plus »
Chacun des deux protagonistes s’enferme dans sa position et le bras de fer engagé entre eux se
transforme en folie :
« Et si je te parais agir en folle……………… voilà qu’une poussière ensanglantée accordée à ceux
d’en bas la dissipe encore une fois dans la démence des paroles et la frénésie vengeresse » chante le
chœur à la fin de ce deuxième épisode.
En définitive, il n’y a pas d’autre issue possible qu’une fin tragique pour Antigone.

C’est la volonté hybris de Créon qui bouleverse l’ordre naturel des choses qui est à l’origine de la
tragédie : il fait mourir les vivantes et garde les morts chez les vivants, il empiète sur le rôle des dieux.
Mais Antigone aussi bouleverse l’ordre des choses : elle ne vit que pour les morts en ignorant les
vivants : elle n’a ni mari ni enfants.
Il existe une véritable dualité entre Créon et Antigone, tous deux, dans leur obstination, leur solitude
et leur certitude sont de purs héros sophocléens. C'est la lutte de l’État contre la famille, le supplice de
Polynice contre l'enterrement en grandes pompes de son frère (l’un ne se comprend que par rapport à
l’autre, honorer Etéocle serait banal si l'on accordait le même honneur à Polynice).

Enfin, Antigone résume sa pensée dans une alternative tragique : « je veux être sûre de tout
aujourd’hui et que cela soit aussi beau que quand j'étais petite ou mourir ». Elle refuse
d'abandonner ses idéaux d'enfance et est prête à sacrifier sa vie pour cela. Elle devient alors
une véritable héroïne tragique, qui lutte pour son destin.
Ainsi, Antigone représente la résistance, celle qui a lutté pour défendre ses idéaux même si cela ne lui
permettait pas un bonheur facile.

Conclusion

Au terme de l’étude de cette scène qui véhicule une réflexion sur le rapport des individus avec
le pouvoir, on peut dire que l’enjeu politique s’ancre donc dans cet affrontement entre Antigone qui se
réclame des « lois non écrites », celles d’une justice ancestrale qui touche au sacré, et Créon qui
défend « les lois écrites », celles de la Cité. Cet affrontement met en scène le conflit des hommes et
des Dieux.

Ainsi, cet extrait de la pièce Antigone présente une grande scène d’affrontement entre Créon et
Antigone, où chacun expose ses principes et sa conception du monde : Antigone s’appuie sur « les lois
non écrites et infaillibles des dieux », Créon sur celles édictées par la cité.. Enfin, Antigone, pour
justifier son geste, met en avant les droits inaliénables des liens du sang, tandis que Créon récuse leur
valeur lorsqu’il s’agit d’un ennemi. [ Reprise de l'essentiel ]
Donc, on peut dire qu’Antigone reste d’actualité, autant par les valeurs au nom desquelles elle
conteste que par les résultats de cette contestation. Elle est obnubilée par son entêtement et n'accède
pas à la demande de son oncle Créon et provoque donc son énervement. Comme Antigone est elle-
même l’auteure de son châtiment et a en pleine conscience, défié la mort. Cette héroïne a choisi, en
toute liberté sa voie. [ Ouverture ]

21

Vous aimerez peut-être aussi