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Scène Antigone / Le garde :

Les confessions et les regrets d’Antigone.


Situation :

Antigone a enterré le cadavre de son frère Polynice. Elle a donc bravé la loi de
Créon, le roi, qui interdisait, sous peine de mort, de donner une sépulture à
Polynice. Antigone est condamnée à mort. Elle se trouve seule avec un garde.
Elle attend sa mort.

Analyse :

Ce texte est extrait d'Antigone, pièce de théâtre de Jean Anouilh, dramaturge français du
XXème siècle. Anouilh s'est inspiré de Sophocle, un auteur grec du IVème siècle av. J.-C. La
pièce évoque le conflit entre deux visions du monde incompatibles, représentées
respectivement par Antigone et par son oncle Créon : l'obéissance aux lois divines
(Antigone) et les impératifs de la raison d'Etat (Créon).

Cet extrait prend place vers la fin de la pièce. Antigone, l'héroïne éponyme de la pièce a été
condamnée à mort par son oncle Créon pour avoir désobéi à son ordre de ne pas rendre les
hommages funèbres à son frère Polynice. Elle se résigne à son sort, mais demande à un
garde de transmettre un dernier message à son fiancé, Hémon, fils de Créon.

I/ La résignation d'Antigone
Antigone se confie au garde. Pour la première fois Antigone se remet en question. Elle
regrette son acte et avoue sa peur et son remords _ Et Créon avait raison, c'est
terrible, maintenant, à côté de cet homme, je ne sais plus pourquoi je meurs.
J'ai peur…
Oh ! Hémon, notre petit garçon. Je le comprends seulement maintenant
combien c'était simple de vivre…

Elle est consciente, elle a accepté son destin ("Je vais mourir tout à l'heure.") Elle
s'interroge cependant sur la manière dont elle va mourir ("Tu crois qu'on a mal pour
mourir ?"),

« O ! Tombeau ! O lit nuptial ! O ma demeure souterraine ! » C’est une


métaphore où Antigone compare sa mort à son mariage. Elle assimile la mort et la
nuit de noces, son tombeau et son lit nuptial, Elle s'interroge sur le sens de cette mort ("Je
ne sais plus pourquoi je meurs. J'ai peur..."), elle se demande si elle a eu raison de
désobéir à Créon, de s'obstiner à rendre les hommages funèbres à son frère, de préférer
finalement un mort (Polynice) à un vivant (Hémon), la mort à la vie, elle évoque l'enfant
qu'elle n'aura pas avec Hémon.

II/ Un faux dialogue :


Antigone et le garde ne sont pas "sur la même longueur d'ondes", leur dialogue n'est
pas un vrai dialogue, mais l'alternance de deux monologues. Antigone comprend (trop) bien
le garde, mais le garde ne comprend pas Antigone.

Le garde ne se met absolument pas à la place d'Antigone, il n'éprouve ni sympathie ni


compassion, il ne pense qu'à lui et aux risques qu'il court en parlant avec Antigone. Le
garde pense à son avancement, à sa carrière militaire, Antigone pense à la souffrance, à la
mort et s'interroge sur le sens de ses actes.
"Comment vont-ils me faire mourir ?" : le garde répond à la question d'Antigone avec
brutalité et cynisme, plus par bêtise que par méchanceté ; il en est involontairement
comique : "Vivante ? - Oui, d'abord."

L'incommunicabilité entre les deux personnages s'exprime dans ce qu'ils disent, mais aussi
dans leur façon de parler, dans les niveaux de langue qu'ils emploient respectivement. Les
deux personnages ne parlent pas de la même chose, mais ils ne parlent pas non plus de la
même manière.

"Ô tombeau : Ô lit nuptial ! Ô ma demeure souterraine", s'écrie Antigone, tandis


que le garde remarque : "Une drôle de corvée encore pour ceux qui seront de faction." : au
registre lyrique, pathétique et tragique qu'emploie Antigone, s'oppose le registre
réaliste, prosaïque, terre-à-terre du garde.

III/ La solitude d'Antigone


Elle se manifeste par des didascalies : "Elle est toute petite..., ainsi que par des paroles :
"Toute seule" ; elle prend conscience qu'elle est seule, plus seule qu'une bête ("Des bêtes se
serreraient l'une contre l'autre."), sa solitude se traduit par une sensation de froid. La lettre
est une manière pour Antigone d'échapper à la solitude car Hémon est le seul être vivant
auquel elle tient et qui tient à elle, mais elle se heurte :

a) à la lâcheté humaine

"Si on me fouille, moi, c'est le conseil de guerre."

b) à la médiocrité et à la laideur

"Tout cela est trop laid." Le garde accepte finalement de transmettre le message à Hémon,
non par sympathie pour Antigone, mais par intérêt (l'anneau d'or d'Antigone)

c) aux limites du langage

Elle se rend compte qu'elle en dit trop et ne demande au garde que de transmettre à Hémon
les mots : "Pardon, mon chéri. Sans la petite Antigone, vous auriez été bien tranquilles. Je
t'aime..."

d) à l'arrivée des autres gardes qui empêche Antigone de préciser au garde le destinataire de
la lettre (Hémon).

Conclusion :
Antigone est résignée à mourir, à suivre (ou à subir) son destin jusqu'au bout. Il n'y pas
d'autre solution, elle n'a pas le choix car préférer avoir la vie sauve, c'est renoncer à
accomplir son devoir vis-à-vis de Polynice. Cependant, Antigone n'est pas un personnage
surhumain, mais une jeune femme sensible et vulnérable qui n'a pas honte d'avouer sa peur
de souffrir et qui s'interroge sur le sens de ce qu'elle a fait. Le dialogue entre Antigone et le
garde met en évidence l'existence de deux mondes étrangers l'un à l'autre ; les deux
personnages ne parlent ni de la même chose, ni de la même manière. Ce passage met en
évidence la solitude d'Antigone, abandonnée et incomprise. La manière dont le
dramaturge souligne le décalage entre la fragilité de l'héroïne et la grandeur
tragique de la mission qu'elle assume jusqu'au bout ne peut que susciter la
compassion du spectateur ? d’où la tonalité également pathétique.

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