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1.

Une confrontation

 Le personnage d’Antigone Personnage contradictoire, à la fois enfantin


et déterminé. 
 Enfantin dès le début, dans l’évocation naïve des couleurs du
paysage (« C’était beau. Tout était gris. Maintenant, tu ne peux
pas savoir, tout est déjà rose, jaune, vert. C’est devenu une
carte postale. ») ; mais sur tout dans son rapport à la nourrice,
qu’elle appelle « nounou », ou « ma vieille pomme toute
ridée » ; à qui elle dit : « quand tu pleures, je redeviens petite »

 elle est fragile, elle est innocente.

 Déterminé, parce qu’on comprend jusqu’où elle est prête à aller :


« garde tes larmes, tu en auras peut-être besoin encore ».

 La Nourrice 

 Personnage naïf, ayant un rôle protecteur envers Antigone. Elle


est bienveillante.

 Elle a un rôle de substitution pour Antigone, elle remplace la


mère (qui est Jocaste) : « Je me lève quand il fait encore noir, je
vais à ta chambre, pour voir si tu ne t’es pas découverte en
dormant et je ne te trouve plus dans ton lit ! », ou encore « Il va
falloir te laver les pieds avant de te remettre au lit. »

 elle a éduqué la jeune fille, mais sa vieillesse résignée s’oppose


à la jeunesse énergique (et désespérée) d’Antigone.

 Le quiproquo Le quiproquo est un des rouages majeurs de cette


scène. 

 il reprend le thème de l’interdit énoncé par Créon : le corps de


Polynice, qui a fomenté un coup d’État, ne doit pas être enterré.

 il porte sur le terme « amoureux » : Antigone sort en secret dans


la nuit pour aller jeter de la terre sur son frère, mais la nourrice,
naïve et innocente, pense qu’elle va retrouver un amant. Seul
le spectateur, témoin et complice, sait que ce n’est pas une
histoire d’amour, mais une histoire de mort… Cet « amant » est
le frère d’Antigone.

 Si elle répond « oui », c’est qu’elle aime son frère, et qu’elle va


en effet le retrouver alors qu’elle n’en a pas le droit : le terme
amant n’est donc pas tout à fait incorrect. [transition] La
confrontation entre la jeune fille et la Nourrice fait ressortir les
éléments qui invitent le lecteur à avoir de l’empathie pour
Antigone : elle n’a pas de mère, son frère est condamné à ne
pas avoir de sépulture, elle va mourir et elle le sait. Ce sont là
donc tous les ingrédients du pathétique, qui vient renouveler la
force tragique de la pièce.

2. Une scène pathétique

 Un rapport maternel Le rapport privilégié entre Antigone et la nourrice


sert à susciter de l’empathie chez le spectateur : il faut qu’il se projette
dans Antigone, qu’il souffre avec elle. C’est le principe de la catharsis. 
 dans cette scène, Antigone dit adieu à la Nourrice (comme elle
le fera avec tous ses proches, Hémon et Ismène) : rien n’est
formulé, mais le spectateur le sait ;

 le mensonge n’est pas un vrai mensonge (sur « l’amoureux ») :


c’est une manière de préserver la Nourrice.

 mais la jeune fille reste une jeune fille et Antigone finira par
avouer qu’elle n’a pas d’autre « amoureux » que Hémon : l’âge
particulièrement bas d’Antigone (15 ans) doit susciter la pitié.

 L’évocation des morts Cette évocation des morts est un des processus


dramaturgiques les plus émouvants. 

 c’est Jocaste qui apparaît ici, à travers les paroles même de sa


propre fille : « Elle te dira :  »Bonjour, nounou, merci pour la
petite Antigone. Tu as bien pris soin d’elle » » .

 ce procédé qui consiste à faire parler les morts (ou les choses
dépourvues normalement de parole) se nomme prosopopée : la
prosopopée permet de faire apparaître ce qui est invisible, ce qui
n’est pas vu par le spectateur. C’est un procédé qui
convoque l’imagination.

 Polynice mort est également présent dans cette scène : on sait


qu’Antigone est partie l’enterrer. Mais son nom n’apparaît pas.
Le mort banni n’a pas le droit à un nom ! Le terme « amoureux »
apparaît donc comme un subterfuge langagier qui reprend aussi
le rapport traditionnel de l’amour et de la mort (Éros et
Thanatos).

 Il s’agit pour Anouilh de reprendre les grands principes de la


tragédie.

 Le destin d’Antigone Enfin le pathétique est sensible à travers la mort


annoncée d’Antigone. 

 « Garde tes larmes ; tu en auras peut-être besoin encore »


Antigone dit cela à sa nourrice car elle sait qu’elle va mourir.

 La tristesse et les pleurs de la nourrice annoncent la tragédie


finale.
 Mais toute la tragédie réside encore dans un non-dit, que
symbolise l’aube « grise », cet entre-deux : le jour qui n’est pas
encore venu, la nuit qui n’est pas encore finie. Le moment
entre la vie et la mort.

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