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Les fabliaux
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C O L L E C T I O N FONDÉE PAR JEAN FABRE

ET DIRIGÉE PAR ROBERT MAUZI


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L I T T É R A T U R E S M O D E R N E S

Les fabliaux
Contes à rire
du Moyen Age

PHILIPPE MÉNARD
Professeur à l a Sorbonne

PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE


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Introduction

Les contes plaisants du Moyen Age connaissent aujour-


d'hui un regain d'intérêt. Les éditions et les traductions se
multiplient, un peu partout les recherches se développent.
Manifestement ces textes courts et allègres s'accordent au
goût de notre temps.
Sur cette littérature la thèse de Joseph Bédier, publiée en
1893, a apporté de brillantes interprétations et reste encore
d'un grand intérêt. S'opposant à son maître Gaston Paris, il
démontra qu'il fallait renoncer à la théorie de l'origine orien-
tale des contes. Seule une infime minorité de fabliaux pou-
vaient venir de sources indiennes. La plupart de ces histoires
appartiennent à l'Occident médiéval. A cette ample et con-
vaincante étude de littérature comparée Joseph Bédier ajouta
des commentaires plus rapides et plus discutables sur l'esprit
gaulois et l'inspiration bourgeoise qui, à ses yeux, caractéri-
saient les fabliaux.
En 1957, le Danois Per Nykrog écrivit un livre très atta-
chant, Les fabliaux, étude d'histoire littéraire et de stylistique
médiévale, pour réfuter la plupart des jugements littéraires de
J. Bédier et prouver notamment que la littérature des
fabliaux était destinée à un public aristocratique. Même si
l'on n'admet pas l'idée chère à P. Nykrog, selon laquelle les
fabliaux se livrent à une parodie de la littérature courtoise, on
doit reconnaître que sur de nombreux points, comme les
sujets, les personnages, l'art littéraire, l'obscénité des
fabliaux, ce séduisant travail a sensiblement renouvelé notre
connaissance du genre.
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A côté de ces deux beaux livres les recherches littéraires


plus récentes restent mineures. Elles s'égarent souvent dans
de subtiles considérations sur la définition et la structure du
genre. On ne cherchera pas ici à rivaliser avec les études for-
melles souvent stériles. On ne s'interrogera pas longuement
sur le sens du mot fabliau. Ce diminutif de fable désigne-t-il
une « histoire fictive », une « historiette de peu d'importance
et de peu de prétention », un conte « fait pour le plaisir de
conter » pour le divertissement de l'auteur et du public ? Il
est difficile de trancher. On n'examinera pas non plus les pro-
blèmes de genèse et de développement des contes à rire, de
transmission et de remaniement des œuvres, de survie des
fabliaux dans le folklore. On laissera délibérément de côté les
problèmes d'histoire littéraire : un autre ouvrage tentera d'y
répondre.
On voudrait essayer dans le présent travail d'aller à
l'essentiel. Le corpus des fabliaux comprend approximative-
ment 130 textes. Si l'on embrasse d'un seul regard ces œuvres
diverses, composées au XIII siècle et dans le premier tiers du
XIVe siècle, on est d'abord conduit à faire une brève enquête
thématique à travers ces textes apparemment disparates pour
frayer des voies d'accès, dégager de larges avenues dans la
forêt des situations et la poussière des aventures. De grands
massifs se laissent-ils discerner ? Sans nier la dispersion des
sujets, peut-on mettre un peu d'ordre dans cette masse ?
Peut-on dégager des thèmes dominants et des thèmes secon-
daires ? L'étude de la thématique conduit tout naturellement
à s'interroger sur la structure des œuvres et l'art de la compo-
sition. Est-il possible de réduire les fabliaux à quelques types
simples, voire à une structure unique ? Quelques érudits s'y
sont employés. Faut-il leur emboîter le pas ? D'autre part, la
mise en œuvre de ces récits révèle-t-elle un sens avisé de la
composition, une certaine habileté dans l'agencement de l'his-
toire, bref un art indéniable ? Telles sont les premières ques-
tions auxquelles on voudrait tenter de répondre.
En second lieu, le témoignage des fabliaux sur la société
médiévale mérite quelque examen. Par rapport aux chansons
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de geste et à la littérature romanesque ils nous font découvrir


des cantons inconnus de la société et de la civilisation du
temps. Nous voyons défiler des marchands, des clercs, des
paysans. Certains historiens ont parfois pris au pied de la
lettre les déclarations de nos auteurs et se sont appuyés sur
elles pour reconstituer la vie médiévale. Il est bien évident que
d'une certaine manière le fabliau est un miroir du temps.
Mais il convient de trier les informations données et de les
soumettre à la critique, car les contes plaisants ne sauraient
passer pour des modèles d'objectivité et de réalisme. Comme
toutes les œuvres littéraires, ils procèdent à des simplifica-
tions et à des déformations du réel. Le problème des limites
du réalisme, du mélange indissociable de la vérité et de la fic-
tion ne saurait être passé sous silence.
Une autre question importante attire l'attention. Les
fabliaux sont-ils, comme on l'a peut-être trop vite dit, des
œuvres anticléricales et antiféministes ? Ne conviendrait-il
pas de nuancer ces jugements à la fois anciens et rapides ?
Quelle est l'inspiration véritable de ces contes ? A-t-on affaire
à des œuvres immorales et cyniques ? La libération de l'ins-
tinct et la recherche du plaisir s'étalent-elles partout ? Il serait
intéressant de pouvoir apporter des réponses à ces inter-
rogations.
Il importe aussi de faire la lumière sur le point particulier
de la grivoiserie et de la grossièreté. Des appréciations très
diverses, voire contradictoires, ont été formulées par la cri-
tique. Tandis que Joseph Bédier trouvait certains fabliaux
scandaleux, Per Nykrog estime que la gauloiserie est un pro-
blème complexe sur lequel il faut porter des jugements
nuancés. De fait, pour apprécier justement l'intention des
auteurs, il faut distinguer grivoiserie et obscénité, il faut
prendre en compte les ruses et les provocations des conteurs,
le respect des bienséances et les débordements, l'emploi de
mots discrets et l'étalage de termes crus. Tout se mêle, l'his-
toire de la pudeur, des mentalités, du vocabulaire, du rire.
Dernier sujet de réflexion dans ce livre : le problème du
rire. A n'en pas douter, les fabliaux appartiennent à plein à
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la littérature plaisante. Joseph Bédier les avait appelés très


justement des contes à rire. Mais par un curieux paradoxe
aucun critique n'a encore complètement étudié cet aspect
essentiel. Le rire et son frère subtil et discret, le sourire, méri-
tent d'être examinés pour eux-mêmes, au plan de la stylis-
tique, de la technique littéraire, en un mot au plan de tous les
moyens utilisés pour la production d'effets plaisants. Les pro-
cédés de fabrication du comique, fût-il net et simple, sont
toujours intéressants à étudier. Chez les meilleurs auteurs
apparaissent à l'occasion des signes de complexité et de
finesse : mélanges de ton, effets de dissonance, bonhomie
malicieuse, ironie furtive, humour léger.
Il faudrait sans doute un gros livre pour aborder en détail
toutes ces questions. Il y faudrait même plusieurs thèses. Les
travaux préliminaires sur plusieurs points de stylistique ou
d'esthétique médiévales font encore défaut. Les difficultés ne
manquent pas. L'obstacle le plus fâcheux tient à l'impossibi-
lité de dater des œuvres brèves et anonymes. Il faut se con-
tenter de prendre en bloc cette littérature, sans pouvoir dis-
cerner vraiment des étapes dans son histoire et son évolution.
Mais il est parfois utile de limiter ses ambitions et d'ouvrir
des voies, même si le détail des choses nous é c h a p p e

1. Les références sont faites à mon édition pour les fabliaux que j'ai
publiés. Pour le reste, je renvoie au Recueil, imparfait, mais commode, de
MONTAIGLON et RAYNAUD (abrégé M-R).
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CHAPITRE PREMIER

Thèmes et technique

L'examen des thèmes d'une œuvre d'art n'a guère besoin


de justification. Rien n'est plus instructif que le contenu des
textes pour la connaissance des desseins avoués, voilés ou
cachés par les auteurs. Quoi que disent les écrivains, les situa-
tions parlent d'elles-mêmes. Elles ne trompent pas. La multi-
plicité des fabliaux et la diversité des histoires rendent sans
doute la tâche du critique malaisée. Des investigations à la
fois prudentes et rigoureuses font encore défaut pour isoler
les menus motifs, juger de leur poids réel dans le matériel
roulant des contes, apprécier le talent des auteurs dans l'orga-
nisation du récit et prendre une vue d'ensemble de la combi-
natoire des fabliaux. Malgré ces difficultés, il est possible de
jeter quelque lumière sur ces œuvres variées, éparses sur plus
d'un siècle, de Jean Bodel qui écrit dans la dernière décennie
du XII siècle jusqu'à Jean de Condé qui rédige les derniers
fabliaux dans le deuxième quart du XIV siècle. Certes, en
grande partie les perspectives d'évolution historique nous
échappent en raison de l'impossibilité d'assigner une date pré-
cise à une foule de textes, souvent anonymes. D'autre part,
un embarras supplémentaire tient aux hésitations des critiques
modernes pour définir exactement le corpus des fabliaux. Les
157 contes de Montaiglon-Raynaud ne sont pas tout à fait les
147 de J. Bédier, ni les 160 de P. Nykrog, ni les 124 de
R. Kiesow (formés de 60 fabliaux proprement dits et 64 textes
analogues), ni les 154 de E. Diekmann, ni les 127 de N. van
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den B o o g a a r d Sans entrer ici dans de longues discussions,


disons que nous nous arrêterions plutôt à la dernière liste, qui
écarte avec raison divers dits enregistrés par Montaiglon et
Raynaud, des lais courtois comme le lai le
Palefroi ou l'Espervier, les fables de Marie de France, les
adaptations françaises de la Disciplina clericalis, qui a le
mérite de ne compter qu'une seule fois les diverses versions
de la même histoire, mais nous y opérerions quelques légères
modifications et arriverions à un ensemble de 130 f a b l i a u x

Ces petites incertitudes, qui sont inévitables lorsqu'on essaie


de préciser les frontières des genres littéraires et qui ne
concernent que quelques unités, ne doivent pas nous empê-
cher de voir l'essentiel des thèmes et les caractères majeurs de
la technique utilisée.

1. LES THÈMES DOMINANTS

La masse la plus importante, et peut-être la plus homo-


gène, de contes est constituée par des histoires d'adultère. Sur
un nombre approximatif de 130 fabliaux, on observe qu'une
bonne quarantaine de textes présentent une situation triangu-

1. Cf. J. BEDIER, Les Fabliaux, Paris, 1893, p. 436-440 ; P. NYKROG, Les


Fabliaux, Copenhague, 1959, p. 311-324 ; R. KIESOW, Die Fabliaux, Berlin,
1976, p. 148-154 ; E. DIEKMANN, Die Substantivbildung in den Fabliaux,
Tübingen, 1969, p. 8-33 ; N. van den BOOGAARD dans Neophilologus, t. 71,
1977, p. 342-244.
2. Suppression du Con qui fu fait a la besche (dit « étiologique »), du dit
satirique Les putains et les lecheors, de l'exemplum Le Preudome qui rescolt
son compere de noier. Je serais enclin à enlever aussi de la liste Du vallet qui
d'aise a malaise se met (dit amer contre le mariage). Addition, en revanche,
de Dame Joenne (Romania, t. 45, 1918, p. 99-107), du Pré Tondu (M-R, IV,
p. 154-157), du Héron (Romania, t. 26, 1897, p. 85-91), du Prestre qui fu mis
a u l a r d i e r ( M - R , I I , p . 2 4 - 3 0 ) , d e la V e u v e d e G A U T I E R L E L E U ( é d . LIVING-
STON, p. 159-183), du Vilain qui n'iert pas de son hostel sire (Romania, t. 62,
1936, p. 3-5). Le conte du Prestre pelé (Romania, t. 55, 1929, p. 542-546)
n'est pas un fabliau autonome. Pour Richeut, on peut hésiter. Je préférerais
en faire un conte plaisant. Comme N. van den Boogaard, on ne comptera
pas pour une histoire distincte la Dame qui fist entendant son mari qu'il son-
joit (c'est une version des Tresses), pas plus que la nouvelle version de la
Nonnette (Romania, t. 34, 1905, p. 279-283).
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laire, comme on dit, où interviennent le mari, la femme et


l'amant de cette dernière. Per Nykrog avait jeté un rapide
regard sur ces récits et les avait opposés en fonction du
dénouement : il avait distingué les contes favorables aux
amants, qui forment de loin le groupe le plus nombreux, et
les histoires où le mari finit par l ' e m p o r t e r Il est permis
d'aller un peu plus loin dans l'analyse. L'intéressant travail
de Michel Olsen, Les transformations du triangle érotique
(Copenhague, 1976), a clarifié plusieurs problèmes en passant
tour à tour en revue les fabliaux, le Décaméron, les Cent
Nouvelles nouvelles. Il y aurait encore à poursuivre l'investi-
gation, mais déjà diverses remarques peuvent être faites.
Un premier fait est notable. Ce n'est point le mari qui
prend une amie, mais c'est la femme qui a un amant, hormis
exceptions rarissimes comme Pleine bourse de sens (M-R, I I I
p. 88-102). Pourquoi ce choix délibéré des conteurs ? Pour-
quoi la femme trompe-t-elle le mari et non l'inverse ? Plu-
sieurs raisons peuvent être invoquées, qui vont toutes dans le
même sens. D'abord, il est naturel qu'un être faible comme la
femme dispose de la ruse. Au mari, pourvu de la force, il
n'aurait pas été intéressant de donner en plus l'art de trom-
per. Pour que l'histoire captive les esprits, il faut que le con-
joint infidèle ait à redouter la colère de l'autre conjoint. Si le
mari trompait son épouse, l'histoire aurait moins de piquant.
Michel Olsen suggère une autre explication en disant :
« L ' e x p l o i t é r o t i q u e est u n b o n t o u r j o u é à u n c o u p a b l e »

Elle n'est pas à repousser. Le mari, souvent absent, fréquem-


ment impérieux, parfois brutal, ne fait pas figure d'époux
tendre et affectionné. Mais d'une manière générale l'intérêt
dramatique est bien plus vif si la femme, et non l'homme,
prend l'initiative de la liaison. On doit se souvenir que si
l'adultère intéresse tant les conteurs, et non les amours entre
célibataires libres de leurs personnes, c'est en raison des

3. Op. cit., p. 61-62.


4. Cf. p. 61-70 pour les fabliaux.
5. Op. cit., p. 14.
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obstacles et des menaces qui pèsent sur cette liaison. Un


amour interdit suscite davantage de péripéties qu'un amour
licite. Quand on veut rire, une histoire de mari trompé est
tout à fait à sa place. Le parti pris des auteurs de fabliaux est
déjà un signe d'intension comique.
Les adultères improvisés, où un inconnu entre dans la
maison et s'acoquine promptement avec la dame de céans,
comme on voit dans le Maignien qui foti la dame (M-R, V,
p. 179-183), la Saineresse (M-R, I, p. 289-293), et quasiment
dans le Foteor (M-R, I, p. 304-317), n'eût été l'arrivée du
mari, sont rares. On en comprend bien la raison. On n'aime
pas que le hasard intervienne ainsi dans les histoires amou-
reuses. Michel Olsen a justement remarqué, à un autre sujet,
que le hasard tient très peu de place dans les f a b l i a u x Dans
les situations qui nous occupent on préfère que les rencontres
soient voulues.
Le lieu de l'action n'est jamais indifférent. Malgré deux
ou trois exceptions, telle l'histoire de la Dame qui fist trois
tors entor le moustier (M-R, III, p. 192-198), la scène se
passe toujours au domicile de la femme. Ici encore il convient
de réfléchir un instant aux raisons de cette constante. On dira
peut-être que selon la mentalité médiévale la femme est sur-
tout une ménagère, qu'elle doit donc rester à la maison. Ce
serait oublier qu'une explication de technique littéraire prédo-
mine. Quand la scène se passe au domicile conjugal, une épée
de Damoclès (à savoir le retour du mari) menace toujours les
galants. Situation rêvée pour les conteurs !
Pour que la rencontre entre la dame et l'amant puisse
avoir lieu, il faut que le mari soit absent. Une nécessité de
structure pousse donc les auteurs à faire du mari un mar-
chand obligé de se déplacer fréquemment pour affaires. Il en
va ainsi dans la Bourgeoise d'Orléans (v. 52-61), le Cuvier
(M-R, I, p. 126), l'Enfant qui f u remis au soleil (M-R, I,
p. 162) et bien d'autres textes. Tout départ du mari permet
l'arrivée de l'amant au domicile de la dame. Il y a un rapport

6. Op. cit., p. 14.


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de cause à effet entre les deux phénomènes Des variantes


peuvent se produire. Parfois, le mari part tranquille, sans
soupçonner sa femme de le tromper. A d'autres moments, le
mari annonce très haut qu'il va s'en aller plusieurs jours,
mais se prépare à rebrousser chemin très vite pour surprendre
sa femme en flagrant délit. Il tend un piège à l'épouse
infidèle, comme le mari de la Bourgeoise d'Orléans ou du
Prestre comporté (M-R, IV, p. 2-3). Mais les retours prémé-
dités sont exceptionnels. Nos conteurs n'aiment pas faire du
mari un espion préparant un guet-apens, car l'atmosphère
perd légèreté et entrain. Pour ce qui est de l'amant, il con-
vient qu'il n'ait pas les mêmes obligations professionnelles
que le mari. L'idéal est qu'il soit libre de son temps, qu'il
puisse accourir à toutes jambes dès que le mari tourne le dos,
qu'il réside à peu de distance. Ici encore pour des raisons
techniques le clergé séculier remplit souvent le rôle du galant
dans nos textes. On a dit qu'à côté des laïcs frustes et durs les
clercs paraissaient aux femmes « pleins d'attention et de dou-
ceur » et qu'en outre ils avaient tout le prestige du s a c r é Les
prêtres des fabliaux ne sont pas des modèles de tendresse et
ne se distinguent nullement des laïcs sous le rapport de
l'ardeur érotique. On doit donc écarter les explications
psychologiques ou sociologiques et s'en tenir à des raisons
purement littéraires.
Il ne faut pas demander aux auteurs de fabliaux de nous
expliquer comment un amour illégitime a pu naître ou de
nous montrer les tendres sentiments des deux amants. Nos
conteurs ne font presque aucune place à la vie sentimentale.
Ils vont tout de suite à ce qui est pour eux l'essentiel : les rap-
ports sexuels. La rencontre au foyer de la dame a toujours

7. J.-V. ALTER a essayé d'aller plus loin. Dans Les origines de la satire
antibourgeoise en France, Genève, 1966, p. 119-120, il a fait valoir que si le
bourgeois a des mésaventures conjugales, c'est parce qu'il est trop occupé
par ses affaires et aussi parce qu'étant loyal en affaires il en devient aveugle
dans son ménage. La sagesse serait de ne pas apporter d'explications psycho-
logiques ou sociologiques et de considérer la situation comme une nécessité
de conte à rire.
8. Cf. B. Roy dans L'érotisme au Moyen Age, Montréal, 1977, p. 176-177.
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p o u r finalité l ' u n i o n charnelle. Très souvent l'épouse infidèle


prépare un petit festin. Ce sont mets succulents auxquels le
mari n'est pas habitué ! On pourrait croire que le repas, suivi
du bain, n'est q u ' u n e entrée en matière, une mise en appétit,
si l'on peut dire, et q u ' o n passe ensuite aux affaires impor-
tantes. A vrai dire, le repas, le bain, l ' u n i o n sexuelle partici-
pent du même climat sensuel. O n le voit bien dans les minia-
tures ou les estampes qui mêlent intimement ces trois réalités.
T o u t cela relève du même ensemble. Dans l'esprit de nos
conteurs les héros ne se rencontrent pas p o u r échanger des
états d ' â m e . Mais par désir de rapidité ou de discrétion
n o m b r e de textes se contentent de faire allusion à l ' a m o u r
physique : ainsi la Bourgeoise d ' O r l é a n s (v. 121-128), sa ver-
sion parallèle le Chevalier, s a D a m e et le clerc (M-R, II,
p. 232), D e celui qui bota la p i e r r e (M-R, IV, p. 148), etc.
Dans b e a u c o u p d ' œ u v r e s , c o m m e le Cuvier, le P o v r e clerc, le
P r e s t r e c o m p o r t é , le P r e s t r e crucefié, le Clerc qui f u r e p u s
derriere l'escrin, etc., l ' u n i o n est projetée, mais elle n ' a pas le
temps de s'accomplir, car une péripétie vient t o u t boule-
verser : le retour du mari.
L'arrivée d u mari ressemble à un coup de tonnerre dans
un ciel serein. Il faut vite plier bagage, cacher les mets du fes-
tin (dans le fabliau du P r e s t r e et de la D a m e l'héroïne, qui ne
perd pas la tête, pense à cacher les pâtés sous une touaille,
M-R, II, p. 236) et surtout faire disparaître l ' a m a n t , principal
corps du délit. Le temps presse, il est impossible de fuir et le
mari s'impatiente à la porte. Il crie :
... Ovrez
errant et point n'i demorez !
Por qoi m'avez la porte close ?
(Du Prestre et de la Dame,
M-R, II, p. 236)

De toute urgence il importe d ' a p a i s e r le mari et d'éviter


qu'il entre dans le logis à la façon d ' u n o u r a g a n dévastateur.
Il faut donc improviser et trouver une cachette p o u r l ' a m a n t .
O n n ' a pas l ' e m b a r r a s du choix. Il faut agir très vite. P o u r
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dissimuler le galant on utilise ici un coffre (le Prestre qui f u


mis a u lardier, M-R, II, p. 26) dans lequel on l'enferme, là
un coffre derrière lequel il va se tapir (le Clerc qui f u repus
derriere l'escrin, M-R, IV, p. 48) ou une table sous laquelle il
se fait tout petit (ibid., p. 50), ailleurs une corbeille (Du Pres-
tre et de la D a m e , M-R, II, p. 236), une cuve p o u r le bain (un
cuvier dit le fabliau du Cuvier, M-R, I, p. 127, le Prestre
c o m p o r t é , M-R, IV, p. 4), la ruelle du lit (le Chevalier à la
robe vermeille, M-R, III, p. 38), le lit conjugal (le Pliçon,
M-R, VI, p. 261, les Braies le Priestre, M-R, VI, p. 258), une
crèche dans l'étable voisine (le P o v r e clerc, M-R, V, 195).
L ' é p o u s e ne se contente pas de crier « Ciel, m o n mari ! »
c o m m e dans la comédie de boulevard (Lasse, f e t el, c'est m o n
seignor ! s'exclame l'héroïne du P o v r e Clerc, M-R, p. 195),
elle tente de conjurer ce mauvais c o u p du sort. Assez souvent
elle réussit et le mari ne s'aperçoit de rien. Parfois les
conteurs inventent des péripéties p o u r corser l'histoire : la
voisine réclame le cuvier sous lequel est caché le galant (le
Cuvier, M-R, II, p. 128-129) ou encore la corbeille et le prêtre
tombent à terre (Du Prestre et de la D a m e , M-R, II, p. 237).
Il faut une nouvelle ruse p o u r se tirer d'affaire. Même un
m o t i f simple — la fuite précipité du galant — est susceptible
de variations : dans la F e m m e qui conquie son b a r o n le mari
est immobilisé dans le cellier le doigt sur la b o n d e du tonneau
p o u r empêcher le vin de s'écouler (v. 65-81) ; dans le Pliçon
le mari a la tête recouverte d ' u n e pelisse (M-R, VI, p. 262),
dans le Chevalier à la robe vermeille on lui fait croire que le
frère de la dame est venu et le lendemain à son réveil on
déclare qu'il a rêvé et a été victime d ' u n e hallucination (M-R,
III, p. 38-44). L ' a r g u m e n t de l'illusion se retrouve dans le
contexte très différent des Tresses, également p o u r dénouer la
situation (v. 355-426). Q u a n d une complication surgit, l'inté-
rêt de l'histoire est augmenté. Il en va ainsi dans les Braies au
cordelier (M-R, III, p. 279), où le clerc laisse, en p a r t a n t , ses
propres braies et enfile par erreur celles du mari. Une étude
a p p r o f o n d i e des motifs devrait prendre garde à la place qu'ils
occupent dans l'organisation de l'histoire. Lorsque la ren-
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contre a lieu au début du conte, comme dans les Braies au


cordelier, c'est le signe que l'essentiel est ailleurs. Il s'agit de
montrer l'art de la femme pour se disculper et détruire les
soupçons du mari.
Jusqu'ici nous avons suivi la grande voie des contes
d'adultère et signalé les principales étapes, mais d'autres sché-
mas existent. On peut les évoquer plus brièvement. Ainsi
l'adultère recherché par le galant, mais repoussé par la
femme fidèle à son mari. On reconnaît là le thème d'Estormi,
du Prestre teint, des diverses versions du Segretain Moine. A
partir d'un point de départ identique l'histoire de chaque
conte diverge. Le conte d'Estormi se rapproche de l'histoire
des Trois Bossus où un auxiliaire transporte trois cadavres en
croyant porter trois fois le même corps (M-R, I, p. 13-23), le
Segretain Moine rejoint le Prestre comporté (M-R, IV, p. 14-
40) où le cadavre d'un ecclésiastique est tour à tour mis dans
un tas de fumier, dans un sac à jambon, à l'intérieur d'un
monastère. Le Prestre teint utilise certains motifs du Prestre
crucefié. C'est dire que nous quittons complètement les
contes d'adultère pour entrer dans d'autres séries. Le rendez-
vous trompeur de la dame et l'échec du galant n'est que le
point de départ d'une suite d'aventures.
L'adultère peut apparaître aussi comme un motif relative-
ment mineur dans des récits complexes et différents. Adultère
commis avec la femme de l'hôte qui héberge un voyageur
dans le Boucher d'Abbeville (M-R, III, p. 235-236) ou le
Prestre et le Chevalier (M-R, II, p. 46), mais les deux situa-
tions n'ont aucun point commun. Adultère commis à l'insu
de l'épouse, trompée par l'obscurité de la nuit dans le Meu-
nier et les deux clercs (v. 247-255). Adultère tenant à la loi du
talion dans Constant du Hamel et ressemblant à un viol ven-
geur (M-R, IV, p. 190-194).
Dans les contes d'adultère (projeté ou consommé), le mari
est parfois informé de ce qui lui arrive ou pourrait lui arriver.

9. Cf. Estormi (M-R, I, p. 198-219), le Prestre teint (M-R, VI, p. 8-23),


le Segretain Moine (M-R, V, p. 214-242).
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Ici encore bien des variantes se présentent. Il peut se faire que


le mari accepte son sort, mais c'est exceptionnel. Habituelle-
ment il n'accepte pas d'être ridiculisé. Il s'empare des habits
du galant dans le Povre Clerc (M-R, V, p. 200), fait payer
une coquette rançon dans le Prestre qui f u mis au lardier
(M-R, II, p. 29), tente de rosser celui qui lui a pris sa femme
(Gombert et les deux clercs, M-R, I, p. 243, et le Meunier et
les deux clercs, v. 287-317), se divertit de voir le soupirant
teint en rouge (M-R, VI, p. 21), procède à la castration du
galant (Prestre crucefié, M-R, p. 196) ou contraint le galant à
se châtrer lui-même, ce qui est peut-être plus cruel encore
(Connebert, M-R, V, p. 168-169), étrangle proprement
l'amant qui lui faisait ombrage (Prestre comporté, M-R, IV,
p. 4). Bien des combinaisons sont possibles. Mais dans les
trois quarts des cas les amants triomphent. La majeure partie
des histoires ne prennent pas le parti du mari.
A côté des récits qui montrent le retour impromptu du
mari, d'autres contes peignent un amant ardent et téméraire
qui n'hésite pas à entrer dans la chambre où couchent les
deux époux. Ce défi lancé nuitamment au mari, ce risque
délibérément pris entraînent toujours de plaisantes péripéties,
comme on voit dans Aloul (M-R, I, p. 263-271), les Tresses
(v. 77-152), la Dame qui fist entendant son mari qu'il sonjoit
(M-R, V, p. 132-136), les Braies le Priestre (M-R, VI,
p. 258), où dans le même lit le prêtre se gisoit a diestre et le
mari deviers seniestre. Généralement le mari découvre qu'un
gêneur s'occupe de sa femme, il se précipite sur lui : une rixe
éclate. Quand les serviteurs du mari interviennent, comme
dans Aloul, on a affaire à une mêlée générale dans les ténè-
bres. Bienheureuse obscurité qui permet aux conteurs de bâtir
des intrigues impossibles à conduire ainsi en pleine lumière !
Les prouesses les plus remarquables se passent tout près
du mari qui ne voit rien. Le fabliau du Prestre et de la Dame
6eint le mari cloué sur le sol à la suite d'un pari, plusieurs
corps s'entassant les uns sur les autres : en bas le mari, au-
dessus la servante, ensuite la dame, enfin le prêtre qui profite
de la situation pour s'ébattre gaîment (M-R, II, p. 239-240).
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Le troisième conte des Trois Dames qui troverent l'anel au


conte, de Haiseau, montre le mari tenant les yeux fermés pen-
dant que sa femme se fait rafetier (M-R, VI, p. 6). Dans le
Vilain de Bailluel (M-R, IV, p. 215) on fait croire au mari
qu'il est mort et on le prie de fermer les yeux. Dans le Prestre
qui abevete (M-R, III, p. 56), on persuade le mari qu'il est
victime d'une illusion des sens.
Des scènes érotiques constituent l'essentiel d'environ une
trentaine de contes étrangers aux histoires d'adultère. Comme
on donnera une idée de leur contenu un peu plus loin, on se
bornera ici à un bref classement par séries. Un petit groupe
très net est constitué d'histoires montrant la naïveté sexuelle
de jeunes filles : la Grue (M-R, V, p. 151-156), le Héron
(Romania, t. 26, 1897, p. 85-91), la Pucelle qui vouloit voler
(M-R, IV, p. 208-211), l'Escuiruel (M-R, V, p. 101-108). On
peut y adjoindre la jeune fille prude de la Damoiselle qui n'ot
parler de fotre (M-R, V, p. 24-31). Pour nos conteurs c'est là
un point de départ qui permet de piquants renversements de
situation : la naïve ou la prude accepte toutes les privautés
qu'un gaillard se permet avec elle. La sottise et même la niai-
serie masculine, en matière de sexualité, entraîne des péripé-
ties beaucoup plus burlesques et divergentes dans le Sot Che-
valier (M-R, I, p. 220-230) et les contes parallèles que sont la
Sorisete des Est opes (M-R, IV, p. 158-165) et le Fol Vilain de
Gautier Le Leu (éd. Livingston, p. 153-158). Par suite d'un
quiproquo le Sot Chevalier est pris pour un sodomite, alors
qu'il se contente de réciter à haute voix la leçon d'initiation
sexuelle que sa belle-mère lui a donnée. Les héros des deux
autres fabliaux se persuadent qu'une souris qui décampe est
le sexe de leur femme. Il en résulte fatalement quelques mésa-
ventures le jour des noces de ces trois nigauds.
Le traitement de la naïveté diffère donc selon les sexes.
Pour les femmes la naïveté appelle tout de suite l'union
sexuelle, car un gai luron voit vite à qui il a affaire et profite
des circonstances. Pour les hommes elle entraîne des consé-
quences et des humiliations plus complexes. On notera que
les récits de la Pucele qui abevra le polain (M-R, IV, p. 199-
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207) et de la Damoiselle qui n'ot parler de fotre, cité plus


haut, utilisent le motif de la palpation réciproque du corps
masculin et féminin ainsi que le motif du langage métapho-
rique formant système pour désigner l'union sexuelle. On
retrouve en partie le même jeu de métaphores filées dans
l' Escuiruel, déjà cité, dans le Porcelet (M-R, IV, p. 144-146)
et la Dame qui aveine demandoit pour Morel (M-R, I, p. 318-
329), bien que ces deux derniers textes cherchent surtout à
démontrer l'impuissance de l'homme à satisfaire une femme
trop ardente.
Une autre série très visible est constituée par la manifesta-
tion d'envies sexuelles, parfois au sens freudien du terme.
Rêve de membres virils en vente au marché pour une femme
(Sohaiz desvez, M-R, V, p. 184-191), rêve de sexes féminins
pour un homme (le Moigne, Romania, t. 44, 1915-17, p. 560-
563), rêve de coït (la Damoisele qui sonjoit, M-R, V, p. 208-
210), empressement pour s'approprier l'objet de leur convoi-
tise dans les Trois Dames qui troverent un vit (M-R, IV,
p. 128-132), désirs sexuels naïvement multipliés dans les Qua-
tre souhais saint Martin (M-R, V, p. 201-207), conflit entre la
femme et son mari et décision de séparation de corps quand
le mari prétend avoir perdu par accident son membre viril
(Pescheor de Pont sur Saine, M-R, III, p. 68-75), autant
d'histoires dépourvues de la moindre ambiguïté. On pourrait
réunir au même groupe le conte de Celle qui se fist foutre sur
la fosse de son mari (M-R, III, p. 118-122), car il témoigne
de la persistance de la libido féminine. Le fabliau de la Veuve
s'y associe en partie, mais il est beaucoup plus complexe. Il
ne se limite pas au sexe, et même dans ce domaine il traite
plusieurs thèmes puisqu'il fait à la fin une place au combat
mené par la femme contre son nouveau mari pour qu'il rem-
plisse, malgré son épuisement, ses devoirs conjugaux (M-R,
II, p. 209-212).
Les autres fabliaux érotiques, aussi bien d'ailleurs que les
récits scatologiques, sont trop différents pour former une
série cohérente. On les laissera de côté. Il n'y a aucun point
commun, en effet, entre l'Anel qui faisoit les... grans et roides
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(M-R, III, p. 51-53) peignant la fâcheuse mésaventure de


l'ecclésiastique qui trouve et porte l'anneau sans connaître sa
vertu et le Jugement des cons (M-R, V, p. 109-114), qui sem-
ble la mise en récit d'une devinette g r i v o i s e ou l'histoire du
Chevalier qui fist les cons parler (M-R, VI, p. 68-69), vieux
sujet de folklore g r i v o i s narrant le pouvoir extraordinaire
d'un mortel pour faire parler le sexe féminin. Au plan de la
scatologie, on peut, tout au plus, relever que le fabliau de
Jouglet (M-R, IV, p. 112-127) et celui de Chariot le J u i f qui
chia en la pel dou lievre (M-R, III, p. 222-226) présentent les
déjections comme des vengeances exercées sur un méchant.
Mais cela ne suffit pas à rapprocher vraiment ces deux récits
très différents.
En dehors des intrigues triangulaires et des aventures éro-
tiques, les ruses et les mésaventures constituent deux pôles
importants de la thématique des fabliaux. Sans entrer ici dans
tous les détails, on se contentera de distinguer des séries de
contes. Un premier groupe est formé par les histoires dont les
héros sont des voleurs : Estula (M-R, IV, p. 87-92), où le vol
réussit à la faveur de la nuit et d'un concours de circonstan-
ces favorables, Brifaut (M-R, IV, p. 150-153), où se déroule
une scène de vol à la tire dans une foire au cours d'une bous-
culade et où le voleur fait ensuite la leçon au volé, le Provost
a l'aumuche (M-R, I, p. 112-116), où le voleur est un person-
nage important (un prévôt), l'objet volé dérisoire (un mor-
ceau de lard) et la punition éclatante, les Trois Aveugles de
Compiègne (v. 194-331), où un clerc ingénieux réussit à ne
pas payer l'addition due pour son séjour et celui des aveugles
à l'hôtellerie — cette fraude manifeste est connue des contes
f o l k l o r i q u e s On pourrait rapprocher de ces récits le Bou-
cher d'Abbeville d'Eustache d'Amiens (M-R, III, p. 227-246),

10. Cf. B. Roy, Devinettes françaises au Moyen Age, Montréal, 1977,


p. 158, n° 505.
11. Cf. STITH THOMPSON, Motif-Index of Folk Literature, n. éd., Hel-
sinki, 1955-1958, D 1610-6-1 (Speaking vulva).
12. Cf. H. RHAUE, Ueber das Fabliau « Des Trois Aveugles de Compiè-
gne », Braunsberg, 1914, p. 20-106.
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un des plus jolis contes du Moyen Age comme a bien dit


John O r r ainsi que le Prestre et le Chevalier de Milon
d'Amiens (M-R, II, p. 46-91) où un voyageur hébergé chez
un ecclésiastique réussit à ne rien d é b o u r s e r
U n e poignée de contes présente des voleurs profession-

nels : des prostituées dans B o i v i n d e P r o v i n s (v. 2 5 6 - 2 8 8 ) , qui


semblent habituées à couper la bourse de leurs clients, mais

qui trouvent plus habile qu'elles ; des malandrins dans le


Prestre et les II. ribaus (M-R, III, p. 58-67), qui gagnent de

l'argent en jouant avec des dés truqués, mais ne réussissent

pas à s'emparer du cheval d ' u n prêtre ; des filous de grande


envergure, dans Barat et H a i m e t de Jean Bodel (M-R, IV,

p. 93-111), où deux malfaiteurs associés rivalisent vainement


avec un ancien m e m b r e de leur bande, sinon repenti, du moins
retiré des affaires. Mais il f a u t se h â t e r d ' a j o u t e r que, dans le

détail, ces textes divergent d u tout au tout. Le thème du voleur

volé prend des f o r m e s très différentes d a n s ces œ u v r e s .

O n peut regrouper plusieurs contes mettant en scène des


ruses : habiletés de g o u r m a n d s cherchant à dissimuler le
larcin c o m m i s dans le c h a r m a n t conte de l'Oue au chapelain

(M-R, VI, p. 46-49), o ù le s e r v i t e u r du prêtre dévore allègre-


ment l'oie cuite dont il e s t dépositaire, et l'amusante histoire

des Perdriz (M-R, I, p. 188-193), où la f e m m e déguste seule

les d e u x volatiles qu'elle devait m a n g e r avec son mari ; men-


songes d'une vieille f e m m e se faisant passer pour la mère
d'un inconnu dans la Vieille T r u a n d e ( M - R , V, p. 171-178) et

dans le Prestre qui ot mere a force (M-R, V, p. 143-150) ;


ingéniosité d ' u n prêtre menacé de peines canoniques par son

évêque et r é u s s i s s a n t à se tirer d ' a f f a i r e dans le Testament de


l'asne (M-R, III, p. 215-221) et l'Evesque qui beneï le con
(M-R, III, p. 178-185). Mais il faut avouer que les ressem-
blances sont menues et les divergences profondes. Il paraît
vain de rassembler des contes mettant en scène des paroles

13. Cf. J. ORR, Le Boucher d'Abbeville, London-Edinburg, 1947, p. VI.


14. Il serait intéressant de savoir si Milon s'est inspiré d'Eustache,
comme le suggère J. Orr. Il est plus vraisemblable que les deux œuvres soient
indépendantes.
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Sur les fabliaux du Moyen Age, qui ont inspiré Boccace


et Chaucer et qui suscitent aujourd'hui un intérêt croissant,
aucune étude d'ensemble n'a été publiée depuis un quart de
siècle. Philippe Ménard, qui a entrepris une nouvelle édition
des fabliaux, tente ici de répondre aux questions essentielles
posées par ces contes alertes et gaillards, enjoués et piquants.
Que nous apprennent-ils sur la structure du genre et l'art des
conteurs ? Que nous révèlent les textes sur la vie quotidienne
du temps, sur la condition sociale des auteurs et du public ?
Les écrivains sont-ils des clercs ou des jongleurs ? Les audi-
teurs appartiennent-ils aux milieux aristocratiques, bourgeois
ou populaires ? L'inspiration de ces récits est-elle anticléricale,
antiféministe, amorale ? Comment apprécier l'érotisme qui
emplit cette littérature ou bien les rires et les sourires de ces
œuvres aux tons variés et aux talents divers ? A ces problèmes
importants, qui ont souvent divisé les chercheurs, l'auteur
montre qu'il faut apporter des réponses nuancées.

Philippe Ménard est professeur de Littérature française du


Moyen Age à la Sorbonne.
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