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La Vente Immobiliere Et L'incapable
La Vente Immobiliere Et L'incapable
Le contrat de vente met en présence deux ou plusieurs parties qui précisent librement, d'un commun accord,
les conditions et clauses du contrat en vertu du principe d’autonomie de la volonté
Avant d’atteindre l’âge de 18 ans révolu, le mineur ne peut, sans l’intervention de son représentant légal
(tuteur légal, testamentaire ou datif), vendre un bien immeuble lui appartenant.
La représentation légale du mineur, telle que régie par les articles 229 et suivants du Code de la famille, est
assurée par :
le tuteur légal : le père, la mère en cas d’absence du père ou par suite de son décès ou de la perte de sa
capacité. Le juge est aussi considéré comme étant tuteur légal ;
le tuteur testamentaire désigné́ par le père ou par la mère ;
le tuteur datif désigné́ par le juge.
Le mineur émancipé est capable d’aliéner seul un immeuble. En revanche, la vente conclue par le seul
mineur non émancipé est nulle.
Mais le mineur, qui ne doit pas être livré à lui-même pour la gestion de son patrimoine, ne peut exercer cette
latitude, il est soumis à un statut protecteur, à savoir une tutelle qui englobe aussi bien sa personne que ses
biens
La vente d’un bien appartenant à un mineur ne peut donc être traitée indépendamment des dispositions du
livre 4 du Code de la famille marocain relatif à la capacité et à la représentation légale.
L’art 233 a eu le mérite de débrouiller les confusions que contenait l’ancien statut personnel en délimitant
les champs de chaque tutelle :
Ainsi, la tutelle sur l’incapable et le mineur englobe à la fois la gestion de leurs affaires patrimoniales et
personnelles, toutefois celle-ci se trouve sous contrôle de la justice
Dès sa naissance , l’enfant peut être propriétaire de biens provenant d’une succession ou de donations et
autres présents , mais il n’a pas pour autant la capacité totale de gérer seul ses biens , d’où l’intérêt de
s’interroger sur spécificités du régime d’aliénation des biens appartenant à l’incapable ainsi que la limite du
tutorat dans la gestion financière du patrimoine d’une telle catégorie
Plan :
Contrôle judiciaire
Concernant les actes portant sur l’administration des biens de l’incapable sous tutelle et conclus par son
tuteur, ils ne sont pas sujet à l’examen judiciaire a antériori ( anterieur )
Dans le cas de la cession immobilière d’un bien appartenant a un mineur et dont la valeur dépasse 200 000
dhs, le tuteur doit obligatoirement obtenir une approbation de la part du juge des mineur et ce antérieurement
à cette cession
L’abaissement de ce seuil demeure possible lorsque le juge des mineurs estime que cette baisse est dans
l’intérêt pur du mineur en ordonnant l’ouverture d’un dossier de tutelle légale
Le contrôle du tribunal s’étend donc aux actes frappant le patrimoine du mineur effectues par le tuteur
testamentaire ou datif, dans ce sens l’article 271 de la moudawana subordonne les actes accomplis par le
tuteur testamentaire ou datif au contrôle judiciaire lorsqu’il s’agit notamment de :
vendre un bien immeuble ou meuble de l'interdit dont la valeur excède dix mille dirhams (10.000 DH) ou
créer un droit réel sur ce bien ( une hypothèque ), apporter en participation une partie des biens de l'interdit à
une société civile ou commerciale ou l'investir dans un but commercial ou spéculation , se désister d'un droit
ou d'une action, transiger ou accepter l'arbitrage à leur sujet ,conclure des contrats de bail dont l'effet peut
s'étendre au-delà de la fin de l'interdiction ,accepter ou refuser les libéralités grevées de droits ou de
conditions ,payer des créances qui n'ont pas fait l'objet d'un jugement exécutoire ,servir, sur les biens de
l'interdit, la pension alimentaire due par celui-ci aux personnes à sa charge, à moins que cette pension ne soit
ordonnée par un jugement exécutoire .La décision du juge autorisant l'un des actes précités doit être
motivée.
C- La levée de la tutelle :
Apres avoir atteint l’âge de dix-huit ans la personne devient apte à prendre toutes les décisions concernant sa
propre vie, inclus la gestion de son patrimoine, et de s’engager devant les autres
L’octroi de la majorité implique donc la récupération de la part du mineur de la totalité de ses biens et
obtient la pleine capacité pour leur gestion
Cela s’applique également à l’interdit pour cause de démence ou de prodigalité, une fois la cause levée,
l’interdiction prend fin et la personne concernée récupère sa pleine capacité
-Afin de dissiper toute équivoque liée à cette contradiction, la Cour suprême a précisé que le Code de la famille,
adopté en 2004, et qui traite en particulier l’état et la capacité des personnes, s’applique en priorité, et ce,
conformément à la règle selon laquelle la loi spéciale déroge à la loi générale
-Si la valeur des biens du mineur, ajoute l’article 240 du Code de la famille, excède 200 000 dirhams, le tuteur légal
est tenu d'ouvrir un dossier de tutelle au nom du mineur. Le juge peut, même si ce seuil n’est pas atteint, ordonner
l’ouverture de ce dossier dans l’intérêt du mineur.
S’il est généralement admis que le tuteur légal est affranchi de tout contrôle préalable dans la gestion des biens du
mineur, il reste, néanmoins, soumis à un contrôle dit a posteriori.
Il doit, à ce titre, présenter, deux types de rapports :
- un rapport annuel sur la gestion des biens du mineur et leurs fructifications et sur la diligence qu'il apporte à
l'orientation et à la formation de l'interdit
- un rapport de fin de mission qu’il doit présenter au juge, pour homologation. Ce rapport porte sur la situation
et la destination des biens du mineur sous tutelle. Le juge s'assure de la sincérité des revenus et des dépenses
et de la situation débitrice ou créditrice du patrimoine du mineur.
-
Après avoir atteint l’âge de la majorité, le mineur dispose d’un délai de 2 ans pour intenter toute action liée aux
comptes et actes préjudiciables à ses intérêts. Toutefois, en cas d’utilisation de faux, de dol ou recel de documents, ces
actions se prescrivent une année après que le mineur en a eu connaissance.
Attention : Contrairement à l’idée générale selon laquelle la vente par le tuteur légal d’un bien immeuble n’est
soumise à aucun contrôle judiciaire préalable, le Code de la famille prévoit deux cas où l’accord préalable du tribunal
est exigé pour tous les représentants légaux, y compris le père et la mère.
Il s’agit des cas suivants :
- Cas de conflit d’intérêts : ce cas est prévu par l’article 269 du Code de la famille qui traite la situation où le
représentant légal entend conclure un acte qui oppose ses intérêts, ceux de son conjoint ou ceux de l'un de ses
ascendants ou descendants, aux intérêts de l'interdit .Le représentant légal doit, dans ce cas, saisir le tribunal à
l’effet de désigner un représentant de l'interdit pour la conclusion de cet acte. Cette situation peut se présenter
lorsque, par exemple, le tuteur légal, entend affecter en hypothèque un bien lui appartenant en indivision avec
le mineur, pour garantir le paiement d’un prêt dont il a bénéficié seul.
En application de cet article, la Cour de cassation a eu l’occasion d’annuler un acte de vente d’un bien immeuble
appartenant à un mineur. Cet acte avait été conclu par la mère tutrice légale au profit de l’époux de cette dernière
- Partage immobilier : tout partage entre le mineur et autres coïndivisaires doit faire l’objet d’une
homologation préalable de la part du tribunal. Avant de donner son accord, ce dernier doit, au moyen d’une
expertise, s’assurer que cette opération ne porte aucun préjudice aux intérêts de l'interdit.
3- Cas particulier prévu par l’article 239 du Code de la famille
L’article 239 du Code de la famille envisage l’hypothèse où le tuteur légal (le père ou la mère) se trouve, en vertu
d’une condition insérée dans l’acte d’acquisition du mineur, obligé de décliner sa compétence au profit d’une autre
personne. Ce cas peut être envisagé lorsqu’une personne, au moment où elle fait donation d’un bien à un mineur,
stipule dans l’acte de donation, qu’elle exercera elle-même la représentation légale du mineur, en ce qui concerne les
actes portant sur le bien donné.
Même si cette « mention spéciale » ne fait pas partie des droits qui doivent obligatoirement être inscrits sur les livres
fonciers, le donateur peut, au moyen d’une réquisition qu’il peut insérer dans l’acte de donation, demander au
conservateur de la propriété foncière compétent de mentionner cette clause en particulier sur le titre foncier du bien
objet de la donation.
Si aucune mention liée à l’exercice de cette « tutelle spéciale » ne figure sur le bien objet de la vente, il est fortement
recommandé au notaire rédacteur de l’acte de bien lire le titre de propriété du mineur (origine de propriété) et de
vérifier si le titre foncier relatif au bien objet de la vente contient des conditions liées à ce cas, et ce, afin d’éviter tout
risque éventuel d’annulation de l’acte.
B- Prolongements pratiques
1- Mineur émancipé
Le mineur émancipé est pleinement capable. Il peut, à ce titre, entrer en possession de ses biens, comme il peut les
gérer ou en disposer tout seul. Il en va différemment pour les mineurs non émancipés qui ne peuvent vendre leurs
biens immeubles qu’en étant représentés par leurs représentants légaux (tuteur légal, testamentaire ou datif).
Le mineur peut, lui-même, demander au tribunal compétent son émancipation dès qu’il atteint l’âge de 16 ans et qu'il
montre des signes de maturité.
Cette demande peut aussi être faite par le représentant légal du mineur.
À l’appui de la requête d’émancipation, le demandeur joint tout document pouvant prouver la maturité du mineur et sa
capacité à gérer ses biens tout seul, notamment un recueil de témoignages de 12 personnes établi par acte adoulaire,
l’accord du représentant légal, et un certificat délivré par les services sanitaires psychiatriques
Le mineur émancipé acquiert sa capacité et assume sa responsabilité entière à compter de la date mentionnée sur la
décision judiciaire rendue en dernier ressort.
2- La mère tutrice légale répond-elle aux conditions exigées par l’article 238 du Code de la famille ?
Le CF marocain place la mère majeure en deuxième position juste après le père pour exercer les missions conférées au
tuteur légal. La mère ne peut représenter le mineur dans la vente du bien immeuble lui appartenant que si elle répond
aux conditions suivantes :
-la mère doit être majeure
-la mère n’exerce ses fonctions qu’en cas d’absence du père, de son décès ou tout autre motif.
En pratique, le notaire chargé d’établir l’acte de vente demande à la mère de produire le livret de famille pour vérifier
si le décès du père est mentionné sur ledit document.
L’absence du père peut être justifiée par un jugement définitif conformément à l’article 263 du CPC.
Dans les autres cas où la mère se trouve dans l’impossibilité de produire un document justifiant l’absence normale du
père ou les autres motifs empêchant le père d’exercer la tutelle légale sur l’enfant mineur, il est fortement
recommandé de demander à la mère de produire une attestation de représentation légale à délivrer par le juge chargé
des affaires des mineurs (sur ce point, certains tribunaux désignent la mère en tant que tutrice dative puisque c’est le
juge qui la désigne, d’autres confirment sa nomination en tant que tutrice légale conformément au classement prévu
par l’article 231 du CF).
4- Le représentant légal du mineur a-t-il déjà ouvert au nom du mineur un dossier de tutelle légale ?
Le tuteur légal (le père ou la mère), n’est soumis, dans le cadre de la vente du bien du mineur, à aucun contrôle
judiciaire préalable. Toutefois, si la valeur du bien dépasse les 240 000 dhs, le tuteur légal doit procéder à l’ouverture
d’un dossier de tutelle auprès du secrétariat greffe du tribunal de première instance, section justice de la famille. Le
juge chargé des tutelles peut baisser cette limite et ordonner l’ouverture du dossier de tutelle même si la valeur des
biens appartenant au mineur n’atteint pas les 240 000 dhs.
Ce dossier, conservé au niveau du secrétariat greffe, doit contenir tous les documents liés à l’exercice de la tutelle, tels
que l’ acte d’hérédité, les actes passés par le tuteur pour le compte de l’interdit, les autorisations données par le juge,
ainsi que les rapports annuels et le rapport de fin de mission relatifs à la gestion des biens appartenant au mineur
-Le versement du prix de vente s’effectue moyennant un chèque barré (barrement spécial CDG) à libeller à l’ordre du
notaire ou moyennant un virement sur le compte ouvert au nom du notaire auprès de la CDG, ou en espèce
directement sur le compte ouvert au nom du notaire auprès de la CDG.
3- Mise en oeuvre du devoir de conseil prévu par l’article 37 de la loi n° 32-09 sur le notariat
Afin de permettre au tuteur légal de remplir efficacement sa mission de tuteur légal, le notaire doit l’informer sur
l’ensemble des obligations dont il est tenu à ce titre, notamment :
- l’obligation de veiller en général à la sauvegarde des intérêts de l’enfant
- l’obligation d’ouverture du dossier de tutelle le cas échéant
- l’obligation d’établir un rapport annuel sur la gestion des biens du mineur et de le soumettre au juge chargé
des affaires des mineurs
- l’obligation d’établir un rapport de fin de mission et de le soumettre au juge chargé des affaires des mineurs
pour validation
- Le droit accordé au mineur, qui conserve son droit d’intenter toute action relative aux comptes et actes
préjudiciables à ses intérêts pendant les deux années qui suivent sa majorité, sauf en cas de faux, dol ou recel
de documents, auquel cas ces actions se prescrivent une année après qu’il en a eu connaissance.