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Les origines du nationalisme

français
À la fin du règne de Louis XV vers 1775, la monarchie commence à être mal
vue par le peuple de France. Lorsque le peuple commence à utiliser le terme de
“nation” pour se définir, il y a une volonté de se distinguer ou même de s’opposer
au roi. En effet, le sentiment national naît de la Révolution française. Cette période
de l’histoire commence en 1789 et se termine en 1799. Il s’agit d’une période de
bouleversement politiques et économiques qui ont eu des conséquences majeures
sur le régime politique français et l’Europe. Plus précisément, la Révolution
française met fin à l’Ancien Régime et laisse place à la Première République en
France. Elle met en avant le principe qu’un peuple existe en droit. L’idée de nation
ne s’est détachée que peu à peu de celle de l'Etat. Elle se définie d’abord par l’unité
de gouvernement, d’administration et de langue existant sur un même territoire
d’après le dictionnaire de l’Académie française. La nation désigne à partir du
XVIIIème l’ensemble des citoyens qui, de leur propre chef désirent vivre ensemble.
Or, au XIXème lorsqu’il s’est agi de déterminer la nation, deux doctrines se sont
opposées : la doctrine française, ou doctrine classique, fait de la nation un
phénomène conscient et volontaire. Ses limites sont marquées par la volonté des
habitants de telle ou telle région d’appartenir à une nation. Au contraire, la doctrine
allemande, ou doctrine romantique, estime que la nationalité est inconsciente et
involontaire. Sont membres d’une nation, qu’ils le veuillent ou non, ceux qui ont
pour langue maternelle la langue commune et les mêmes traditions populaires. Par
extension, le principe de la nation a donné naissance au nationalisme qui a
plusieurs sens. Il est utilisé pour décrire certaines formes outrancières du
patriotisme, devenant synonyme de chauvinisme qui est un patriotisme excessif,
agressif. Il peut aussi désigner la revendication d’un peuple soumis aspirant à
l’indépendance. Le nationalisme se trouve alors à l’origine de l'Etat-nation. Le
développement de la conscience nationale a précédé la fondation de l’Etat-nation ;
cette prise de conscience se traduit par le droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes qui rejoint le principe des nationalités. Ce principe constitue un
élément essentiel de l’idéologie nationaliste issue de la Révolution française. C’est
le dogme suivant lequel l’État et la nation doivent coïncider dans les groupements
politiques. A l’origine de la théorie du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, il
s’oppose au principe de légitimité ou au principe dynastique et affirme le droit à
l’unité et à l’indépendance des peuples unis par une langue, une histoire et des
traditions communes. Proclamé par l’Assemblée constituante, le droit des peuples
devient une des bases de la politique européenne de Napoléon Ier. Aujourd’hui, il
sert d’étiquette et de profession de foi à certaines écoles de pensée et à certains
groupements, qui affirment la primauté dans l’ordre politique de la défense des
valeurs nationales et des intérêts nationaux. Ces groupements généralement
classés à droite et à l’extrême droite de l’opinion publique donnent une
prééminence exclusive à l’intérêt national. Nous nous demandons alors dans
quelles mesures le nationalisme s’est établi en France à partir de la Révolution
française. Dans un premier temps, nous verrons l’émergence de la nation entre 1815
et 1870. Dans un second temps, nous verrons le nationalisme en France de 1870 à
1885. Dernièrement, nous nous questionnerons sur l’émergence d’un nouveau
nationalisme de 1886 à 1900.

I. L’émergence de la nation entre 1815 et 1870


A. La naissance de la nation

La nation est d’abord représentée par une assemblée qui parle pour le
peuple. Dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, l’article 3
exprime que le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la
nation. La souveraineté nationale se définit comme étant une autorité absolue
détenue par le peuple, la nation. L’un ne va pas sans l’autre. Ernest Renan, historien
et philosophe français, énonce les différents éléments caractérisant l’unité d’une
nation : “l’ethnie, la langue, la religion, la géographie, les intérêts économiques et
militaires.” Or, il nuance son point de vue en disant que ces éléments ne suffisent
pas à la création d’une nation et que seules les personnes se sentant
émotionnellement liées à la nation peuvent en faire partie : “Une nation est une
âme, un principe spirituel [...], c'est l'aboutissement d'un long passé d'efforts, de
sacrifices et de dévouements ; avoir des gloires communes dans le passé, une
volonté commune dans le présent, avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir
en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple.” (Extrait de
Qu'est-ce qu'une nation ? par Renan en 1882). Le 14 juillet, les révolutionnaires
célèbrent la Fête de la Fédération qui commémore la prise de la Bastille de 1789.
Elle marque l’irruption du peuple de Paris comme acteur de l'histoire. Le roi Louis
XVI assiste à cette fête et prête serment à la nation et à la loi dans un climat d'union
nationale. Les républicains commencent à théoriser le droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes, c’est-à-dire qu’ils théorisent le droit des peuples à choisir leur
régime politique, indépendamment des pays voisins. C’est comme cela que naît la
nation.

B. Napoléon III et le principe des nationalités

Les élections de 1848 sont les premières élections présidentielles prévues à la suite
du projet de Constitution adoptée le 4 novembre 1848. C’est la première fois qu’on
parle d’élire un président de la République au suffrage universel masculin direct
pour 4 ans. Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier, est candidat. A ce
moment-là, il ne connaît rien de la France et revient de 8 ans d’exil. Il est élu. Il
reprends les idées de la Révolution française et fait du principe de nationalité un
des piliers de sa politique. C’est le dogme suivant lequel État et nation doivent
coïncider dans les groupements politiques. Il s’appuie aussi sur le droit des peuples
à disposer d’eux-mêmes ce qui lui apporte des alliés favorables aux idées
nationalistes de l’époque en France et dans le reste de l’Europe. Les mouvements
nationaux sont encouragés : ​Napoléon III insiste pour que la Moldavie et Valachie
deviennent autonomes, ce qui sert de base à la création de l'état de Roumanie. En
outre, Napoléon assoit sa politique pendant la guerre de Crimée contre la Russie et
en Italie contre l’Autriche. Or, le principe des nationalités se retourne contre lui
quand vient l’unification allemande. En 1864, il y la première guerre d’unification
allemande contre les danois. En 1866, il y a la deuxième guerre d’unification
allemande entre allemands et autrichiens. Napoléon III se rend compte de la
puissance de l’armée prussienne et négocie l’unité contre la Belgique puis le
Luxembourg. En 1870, il y a la troisième guerre d’unification avec Bismarck.
Napoléon III se retrouve prisonnier et l’empire est dissout avec la proclamation de
la République le 4 septembre 1870.

II. Le nationalisme en France de 1870 à 1885


A. La défaite de la Commune de Paris

Après la défaite de Napoléon III à Sedan, les républicains modérés forment un


gouvernement de la défense nationale pour d’une part préparer la République et
d’autre part battre les troupes prussiennes. Or, la France fait face à une défaite
considérable contre les prussiens et le gouvernement négocie avec Bismarck qui
veut un gouvernement régulièrement élu, pour obtenir l’armistice. De nouvelles
élections sont alors initiées avec comme enjeu majeur : faut-il continuer ou mettre
fin à la guerre ? Les monarchistes prennent donc du pouvoir et Adolphe Thiers est
élu chef du pouvoir exécutif de la République française par l’Assemblée Nationale le
17 février 1848. Malgré l’opposition du peuple, le gouvernement signe le traité de
paix à Francfort. C’est une paix douloureuse pour le peuple. C’est ainsi que la
Commune de Paris naît. Il s’agit de la première tentative de gouvernement
socialiste en 1871 et un élan de nationalisme se reforme. La Commune possède la
capacité de voter ses fonctionnaires, d’organiser sa police, son enseignement, sa
défense et se caractérise aussi par une intervention constante des citoyens. La
liberté de la presse est garantie, le service militaire est obligatoire. Elle institue la
séparation de l’Eglise et de l’Etat, l’école laïque, gratuite et obligatoire, l’éducation
professionnelle, la liberté totale de la presse et la justice gratuite. ​La Commune de
Paris se soulève contre les décisions du gouvernement de Versailles. Son existence
est un sursaut de nationalisme contre le gouvernement. Les parisiens refusent de
rendre les armes et il y a un début de guerre civile. Adolphe Thiers se trouve donc
contraint à agir contre. Avec l’aide des allemands, Thiers construit une armée de
130 000 hommes le 21 mai 1871. C’est ce qu’on appelle la “semaine sanglante” car
cette reconquête est faite avec une extrême violence. A partir du 23 mai, des
bâtiments du pouvoir sont brûlés : les Tuileries et l’hôtel de ville. Le 28 mai 1871, 137
communards sont fusillés contre le mur du Père Lachaise. Il va y avoir une culture
de la défaite française à partir de 1870. ​En septembre 1878, Renan défend une
conception française de la nation : la nation doit être acceptée et revendiquée. Pour
définir une nation, il faut la volonté d’être ensemble. Renan est conservateur et
pour lui, on devrait revenir à la monarchie. En ce qui concerne les républicains, ils
gardent leur foi ancienne dans la nation. Ils arrivent à créer un lien entre la nation
française et la République. Quand ils arrivent au pouvoir en 1880, ils émettent l’idée
de conquérir des pays au-delà des mers. C’est ainsi qu’ils furent à l’origine de la
deuxième partie de la colonisation du XIXème siècle. En effet, il y a une idée
coloniale française qui s’impose et un nationalisme qui repose sur la grandeur de la
France dans le monde.

B. L’unification nationale sous la IIIème République

La politique d’unification nationale des républicains remonte à la Ière République.


En 1879-1880, ils mettent en place des réformes symboliques : la Chambre des
députés et le Sénat retournent à Paris qui redevient la capitale de France, la
Marseillaise devient l’hymne national, le 14 juillet devient une fête nationale, les
communards condamnés sont amnistiés, ils érigent de nombreuses statues
représentant la République, renomment les noms de places et de rues et le buste de
Marianne est trouvé dans toutes les mairies de villes. On a aussi des lois votées
concernant l’enseignement :
- Loi du 16 mai 1881 : gratuité de l’enseignement primaire
- Loi du 26 mars 1882 : école obligatoire et laïque
- Loi du 30 octobre 1886 : laïcisation progressive
Il n’existait pas d’identité française propre avant la Révolution française. Pendant
l’Ancien Régime, une frontière entre le français et l’étranger se créée et les conflits
juridiques émanant de cette différence font évoluer la définition du français : au
début du XVIème, pour être reconnu français il faut être né dans le royaume de
France, être né de parents français et vivre de manière permanente en France. Or,
par un arrêt du 23 février 1515, le parlement de Paris introduit le droit du sol dans le
droit français de l’époque et les enfants des parents étrangers peuvent devenir
français s’ils valident les autres conditions. Pendant et après la Révolution
française, les révolutionnaires rompent avec le droit de l’Ancien régime et il y a une
volonté d’intégrer le plus d’étrangers possibles en France. ​La République procède
donc par naturalisation. Entre 1889 et 1927, 1.1000.00 étrangers sont devenus
français. Il y a donc une poussée de xénophobie à l’encontre des étrangers qui naît
en France et l’émergence d’un nouveau nationalisme.
III. Un nouveau nationalisme de 1886 à 1900 ?
A. La crise boulangiste, première grande crise de la République

En 1886, Georges Boulanger est ministre de la guerre. Il rend obligatoire le service


militaire pour le clergé et rétabli la revue militaire du 14 juillet. En 1887, l’affaire
Schnaebelé éclate. Schnaebelé est un commissaire de police français arrêté sur la
frontière par des policiers allemands ; on l’accuse d’espionnage mais il est victime
d’un piège. Ceci provoque une grande indignation du peuple et Boulanger propose
d’envoyer un ultimatum à l’Allemagne. Si l’Allemagne ne répond pas positivement,
la France les menace d’entrer en guerre. Le gouvernement refuse mais cela donne
de la France l’impression que la République parlementaire est incapable de se
venger. Cette affaire est à l’origine d’un véritable essor nationaliste porté par la
Ligue des Patriotes qui est sous la direction de Paul Déroulède. Donc, en 1887, il y a
la naissance d’un nouveau nationalisme en France. Boulanger devient alors un
danger pour la République. Celle-ci est, en outre, affaiblie par l’affaire qui éclate à
la fin de l’année. Cette crise marque une rupture dans la définition de nationalisme.
Il s’agissait à l’origine d’un élan républicain émanant de la Révolution française et
désormais, il s’agit plutôt d’un mouvement politique émanant des royalistes.

B. Le passage de gauche à droite du nationalisme

Avec le changement de sens de la définition du nationalisme qui se transforme en


nationalisme anti-parlementaire et autoritaire, de nouvelles organisations
nationalistes voient le jour.
1) Premièrement, il y a la Ligue des Patriotes fondée par les républicains dont
Paul Déroulède, militant politique français et acteur important de la droite
nationaliste en 1882. Cette ligue s’éloigne très vite de la République pour
donner un modèle autoritaire. Déroulède se rallie à Boulanger pendant la
crise boulangiste. Lors des élections législatives partielles, les boulangistes
en remportent une grande partie. Le gouvernement devient conscient du
danger que représente Boulanger et son mouvement. Le gouvernement
décide donc de dissoudre la Ligue des Patriotes. Déroulède démissionne
mais la Ligue revient pendant l’Affaire Dreyfus. Le nationalisme est
réellement passé d’une gauche républicaine à une droite nationaliste et cette
Ligue en est l’exemple.
2) On a un autre mouvement qui est la Ligue Antisémitique d’Edouard
Drumont. Il fait partie des premiers à dévoiler explicitement son
antisémitisme. Il publie en 1886 ​La France Juive​. C’est une Ligue qui est
présente mais qui n’est pas aussi importante que la Ligue des Patriotes. En
1892, il fonde un journal qui s’appelle ​La Libre Parole​. C’est un journal très
anti-républicain et antisémite. En 1894, ce journal lance l’affaire Dreyfus. En
1901, on a le parti national anti-juif.
3) Il y aussi la Ligue de la Patrie Française lancée en 1898. Elle se constitue
contre les intellectuels dreyfusards. Ils sont anti-dreyfusards et financent la
droite.
Avec des différentes ligues, on voit très clairement le nationalisme allant de la
gauche à la droite avec l’émergence de l’antisémitisme en France. Ces ligues sont
très fermées à l’étranger et on a des idéologies racistes grandissantes dans les
partis politiques. C’est ce qu’on appelle le nouveau nationalisme.

Conclusion

En conclusion, la création de la nation et du nationalisme s’est fait doucement mais


sûrement à travers l’histoire et sous plusieurs formes. La nation s’est d’abord créée
avec les idées de la Révolution française et a grandi en un concept plus grand qu’est
le nationalisme. Ce dernier fut d’abord une occasion pour la gauche de s’unir
contre la monarchie mais est devenu, avec l’apparition des ligues et le
développement de l’antisémitisme, un concept émanant des royalistes. Aujourd’hui,
le nationalisme est une idéologie des partis politiques de droite.
Bibliographie
BIRNBAUM Pierre, “La France aux Français”, Histoire des haines nationalistes​, 1,
Paris, Seuil, 1993.

CABANET Patrick, ​Nation, Nationalités et Nationalismes en Europe 1850-1920,​ 1,


Paris, Ophrys, Documents Histoire, 1996.

CARON Jean-Claude, MICHEL Vernus, “Chapitre 10 - Le temps des nationalismes.


La France de 1871 à 1914”, ​L'Europe au 19e siècle. Des nations aux nationalismes
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GELLNER Ernest, ​Nations et nationalisme​, 1, Paris, Payot, 1983.

JAFFRELOT Christophe, “Les origines idéologiques du nationalisme”, Catherine


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VENAYRE Sylvain, ​Les origines de la France, Quand les historiens racontaient la


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