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MICRODOSER LE LSD, UN REMÈDE MIRACLE?

Par
Élisabeth ARROYO

Travail présenté à
Claude Rouillard
Dans le cadre du cours
TXM-1000 : Substances psychotropes et dépendances

Faculté de médecine
Université Laval
27 décembre 2022
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Contexte de la situation :

Le phénomène de microdosage de LSD prend de l’ampleur dans Silicon Valley. Le


microdosage consiste en la prise d’une dose sous le niveau de dosage dit récréatif (Hoeg, 2019,
paragr. 1). Les consommateurs se concentrent principalement sur les bienfaits de ce microdosage
tels qu’une augmentation de la productivité et de la créativité (Solon, 2016, paragr. 4). Toutefois,
la prise de conscience des possibilités de développer une dépendance est mise de côté.

Opinion critique :

Bien que je comprenne le désir d’augmenter ses performances, je ne soutiens pas le


microdosage de LSD comme étant une approche sécuritaire pour les raisons suivantes :

Premièrement, les diverses personnes ayant témoigné sur la raison de leur utilisation du
microdosage de LSD dans l’article d’Olivia Solon mentionnent à répétition l’augmentation de
leurs capacités (Solon, 2016, paragr. 3). Ainsi, l’utilisation de LSD leur permet d’avoir de
meilleure performance au travail, ce qui les pousse à poursuivre leur consommation. Bien qu’il
s’agisse d’une sorte de plaisir indirect qui est obtenu puisqu’ils ont de meilleures performances
au travail, ne seraient-ils pas en train de valoriser un espace de travail toxique ? En arriver à un
point tel où les employés de diverses compagnies et champ d’expertise considèrent la
consommation de drogue à haut risque. Au lieu d’essayer de mettre de l’avant des milieux de
travail plus valorisant et moins compétitif, les travailleurs altèrent le fonctionnement de leur
cerveau pour produire davantage. Il ne faut pas mettre de côté la possibilité que les employés
ressentent une certaine pression de débuter le microdosage pour ainsi atteindre les standards de
performance de l’entreprise.

Deuxièmement, il est évident qu’une mauvaise compression du développement de la


dépendance est mise de l’avant. Les utilisateurs semblent croire que le LSD en microdose ne
comporte pas de facteurs addictifs, car sinon ils arrêteraient (Solon, 2016, paragr. 51). Pourtant,
leur cerveau perçoit bien que cette drogue leur procure du plaisir ou du moins un état de bien-
être. En conséquence, leur cerveau associera une importance à cette drogue et un besoin se
développera au fur et à mesure pour entretenir ce niveau de plaisir ressenti. Bien que le LSD soit
consommé à petite dose, cela ne met pas à l’abri les consommateurs de développer une tolérance
(Baumann et al., 2022, p.5). Les consommateurs débuteront par leurs quelques grammes
habituels qu’ils leur procureront les effets désirés. Toutefois, à la longue le corps s’habitue à cette
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quantité de drogue et une tolérance se développe. Que la tolérance soit métabolique ou


fonctionnelle, les utilisateurs de LSD n’en sont pas les exceptions (Rouillard, 2022, diapo. 6-8).
De plus, certains consommateurs de microdoses de LSD disent rencontrer des effets négatifs
(augmentation sueurs, davantage migraines et anxiété) durant les journées de consommations,
mais qu’ils poursuivent tout de même (Solon, 2016, paragr. 26). Il s’agit là d’un usage abusif de
la substance (Rouillard, 2022, diapo. 38). Le LSD pourrait devenir une nécessité pour être
capable de travailler pour certains, car ils témoignent que le LSD leur rend la vie de bureau plus
acceptable (Solon, 2016, paragr. 7).

Troisièmement, le microdosage de LSD est souvent motivé chez les consommateurs à


cause de leurs effets bénéfiques permettant la diminution de la dépression et de l’anxiété (Solon,
2016, paragr.18). Toutefois, je me demande si le fait de mettre autant de l’avant ces bienfaits du
microdosage de LSD ne vient pas à valoriser l’automédication. Des personnes avec des
problèmes psychologiques pourraient y voir une issue à leurs difficultés. Malheureusement, je
vois en cette automédication une dévalorisation de l’aide professionnelle. Les personnes utilisant
le microdosage l’utilisent pour diminuer rapidement sur une base journalière leurs troubles.
Toutefois, si la personne souhaite cesser sa consommation de LSD, ses troubles psychologiques
pourront reprendre de plus belle. Ainsi, les utilisateurs de microdosage n’auront pas le bagage de
trucs et astuces développé avec un professionnel de la santé tel un psychologue pour être capable
de vivre avec leur anxiété sans l’utilisation de drogues.

Quatrièmement, le LSD n’est pas produit dans un milieu pharmacologique réglementé,


ainsi les consommateurs doivent se procurer leur substance via des sources dangereuses telles que
le « dark web » (Solon, 2016, paragr. 30). Le fait que le LSD ne soit pas réglementé ne permet
pas de savoir le niveau de pureté de la dose, ni la dose recommandée et ni la présence de produits
adultérant (Laverdière, 2022, diapo. 17). Par conséquent, les personnes disant microdoser ne
peuvent jamais être certaines de vivre les effets désirés ou s’ils consomment d’autres substances à
leur insu. Ainsi, les consommateurs se mettent en situation de grands risques pour leur santé. De
plus, des microdoses préfètes ne sont pas en vente sur le marché. Les consommateurs doivent par
eux-mêmes avec leurs moyens et leurs connaissances doser leur consommation. Il n’est pas
inévitable qu’une microdose soit mal calculée et qu’une personne en consomme davantage que ce
qui était désiré (Solon, 2016, paragr.36). Le tout peut mener à des effets beaucoup plus intenses
et près des doses dites « efficaces » de consommation de LSD. Ainsi, comment réagiront ces
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personnes dans leur milieu de travail en plein « trip » de LSD ? Un haut niveau d’intoxication au
LSD peut mené à un arrêt respiratoire, coma, hyperthermie et bien d’autres qui peuvent être
mortel (Rega, 2021, p.2). Ainsi, il ne faut pas voir une erreur de microdose comme menant à un
simple « trip » plus long et inconfortable.

Cinquièmement, le fait que le microdosage gagne en popularité et que ses effets


bénéfiques pour la productivité et la créativité soient mis de l’avant pourrait mener à une
consommation prolongée. En résultat, quels sont les effets à long terme du microdosage de LSD ?
Plusieurs consommateurs semblent avoir un manque d’informations sur le sujet et pensent que la
prise de petites doses d’une drogue très forte ne vient pas avec des retombés. Bien que peu
d’études sur les humains soient faites à ce sujet, des études ont été réalisées sur les rats. Ainsi, il a
été découvert que l’utilisation de microdose de LSD chez des rats pendant plus de trois mois a
causé des effets à long terme divers. À la suite de l’arrêt de la consommation de microdose de
LSD, les rats présentaient de l’hyperactivité, de l’irritabilité, de l’anhédonie ainsi qu’une
altération de leurs capacités sociales (Chi et Gold, 2020, p.4). Nous pourrions remettre en cause
tous les bienfaits du microdosage de LSD lorsque ces possibilités d’effets à long terme sont
considérées. Néanmoins, l’American Addiction Centers met de l’avant la possibilité qu’une
personne ayant consommé des microdoses de LSD puisse développer des « flashbacks » des
effets de la drogue. Ainsi, un consommateur ayant arrêté de microdoser pourrait expérimenter
soudainement les effets du LSD autant positifs que négatifs (American Addiction Centers, 2022,
paragr.10). Il s’agit d’un aspect dangereux, car les personnes prenant des microdoses
volontairement s’attendent aux effets et sont d’une manière préparées mentalement à les vivre.
Toutefois, une personne qui a arrêté de microdoser pourrait revivre les effets de la drogue sans
s’y attendre, ainsi comment réagira-t-elle, au moment de les vivre ?

Sixièmement, quels sont les effets à court terme autre que ceux bénéfiques à la
productivité ? Il a été expérimenté avec des microdoses que le LSD en fait beaucoup plus que
simplement augmenter nos performances. Ainsi, il a été observé que le LSD en vient à modifier
les sensations de douleur des consommateurs. Effectivement, les résultats ont présenté le fait que
les participants pouvaient soutenir des températures froides durant de plus longues durées. Mais
cela n’est pas tout, les participants avaient un niveau de pression sanguine plus élevé que la
normale (Rameakers et al., 2021, paragr.4). Je comprends que le LSD peut mener à un sentiment
de bien rapide ainsi qu’une augmentation des performances professionnelles qui sont fortement
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valorisées dans notre société. Toutefois, il ne faut pas mettre de côté les effets possibles sur le
corps autant psychologiquement que physiquement. Bien que dans l’étude citée plus haut il ne
s’agissait que d’eau à basse température, nous ne pouvons pas fermer les yeux sur les possibilités
de complications médicales. Ou encore, la possibilité d’utiliser le LSD pour camoufler des
douleurs présentes qui devrait avoir été traitée par un professionnel de la santé.

Pour conclure, bien que je réalise que plusieurs utilisateurs voient dans le microdosage de
LSD une voie de secours pour leurs diverses difficultés, je ne pense tout de même pas que la
balance penche pour les bienfaits. Ainsi, je me questionne sur le milieu de vie dans lequel sont les
utilisateurs pour en venir à voir le microdosage d’une drogue à fort potentiel de risques
psychiatriques comme bénéfiques (Rouillard, 2022, diapo. 71). Je m’inquiète de la prise en
popularité de ce type de consommation, car il semble que la possibilité de développer une
dépendance est complètement mise de côté, malgré le faible potentiel addictif du LSD (Rouillard,
2022, diapo. 71). La dangerosité d’acheter des drogues non produites dans un milieu réglementé
semble ne plus avoir d’importance aux yeux des consommateurs. Peut-être que le problème n’est
pas le fait de microdoser le LSD, mais davantage notre société si basée sur la compétition que les
travailleurs ne voient pas d’autres, issus, que de se considérer comme des machines pouvant être
améliorer à outrance (Solon, 2016, paragr. 19). Bien que j’aie parlé seulement du microdosage de
LSD, il ne faut pas mettre de côté la possibilité que les consommateurs en viennent à la recherche
de drogues permettant d’avoir des effets encore plus intenses. En effet, la majorité des personnes
disant avoir cessé l’utilisation de microdose de LSD était à cause d’une diminution de l’attrait
envers la drogue (Hutten, 2019, p.429). Le tout à suivre dans une entreprise multimillionnaire
près de chez vous…
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Annexe

Bibliographie

American Addiction Centers. (2022, 8 septembre). LSD and the Dangers of Microdosing.
https://americanaddictioncenters.org/lsd-abuse.

Baumann, S., Carhart-Harris, R., Nutt, D., Erritzoe, D., et Szigeti, B. (2022, 19 octobre).
Evidence for tolerance in psychedelic microdosing from the self-blinding microdose trial.
https://doi.org/10.31234/osf.io/s4qhf.

Chi, T. et Gold, J. A. (2020, 15 avril). A review of emerging therapeutic potential of


psychedelic drugs in the treatment of psychiatric illnesses. Journal of the Neurological Sciences.
https://www-sciencedirect-com.acces.bibl.ulaval.ca/science/article/pii/
S0022510X20300514#bb0175.

Hoeg, N. (2019, 27 juin). Microdosing LSD. Addiction Center.


https://www.addictioncenter.com/drugs/hallucinogens/lsd-addiction/microdosing-lsd/.

Hutten, N. R. P. W., Mason, N. L., Dolder, P. C. et Kuypers, K. P. C. (2019). Motives and


Side-Effects of Microdosing With Psychedelics Among Users. International Journal of
Neuropsychopharmacology. 22(7), 426–434, https://doi.org/10.1093/ijnp/pyz029.

Laverdière, W. (2022, 26 août). Principes de pharmacologie [séance 4] [présentation


PowerPoint]. MonPortail ULaval. https://monportail.ulaval.ca/accueil/.

Ramaekers JG, Hutten N, Mason NL, et al. (2021). A low dose of lysergic acid
diethylamide decreases pain perception in healthy volunteers. Journal of Psychopharmacology.
35(4), 398-405. https://doi.org/10.1177/0269881120940937.

Rega, P. P. (2021, 10 novembre). LSD Toxicity. Medscape.


https://emedicine.medscape.com/article/1011615-overview#:~:text=Severe%20LSD%20toxicity
%20can%20lead,environment%20and%20may%20be%20injured.

Rouillard, C. (2022, 16 septembre). Addiction, dépendance et sevrage [séance 3.1]


[présentation PowerPoint]. MonPortail ULaval. https://monportail.ulaval.ca/accueil/.

Rouillard, C. (2022, 25 novembre). Cannabis et autres psychédéliques [séance 12]


[présentation PowerPoint]. MonPortail ULaval. https://monportail.ulaval.ca/accueil/.
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Rouillard, C. (2022, 9 septembre). Comportements de consommation [séance 2]


[présentation PowerPoint]. MonPortail ULaval. https://monportail.ulaval.ca/accueil/.

Solon, O. (2016). Under pressure, Silicon Valley workers turn to LSD microdosing.
Wired. https://www.wired.co.uk/article/lsd-microdosing-drugs-silicon-valley.

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