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Armand Colin

LE STYLE DANS LA LANGUE ET DANS LES TEXTES


Author(s): Jean-Michel Adam
Source: Langue Française, No. 135, La stylistique entre rhétorique et linguistique (SEPTEMBRE
2002), pp. 71-94
Published by: Armand Colin
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41559441
Accessed: 28-11-2015 05:27 UTC

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Jean-MichelAdam
Universitéde Lausanne

LE STYLE DANS LA LANGUE


ET DANS LES TEXTES

1. Grammaire et stylistique, langue et style :


un dualisme qui empêche de penser le continu

Selon une belle formulede Cassirer, il faut chercher« le cœur même du


langage [...] bien plus dans la stylistiqueque dans la grammaire»(1972: 72). En
la reformulant, disons qu'il fautpenserla langue au moins autantdans la gram-
maire que dans le style,dans les lois des sous-systèmesque dans les infinies
variationsque les textesmanifestent. Comme le disentG. Deleuze et F. Guattari:
Ce qu'on appelleun style,qui peutêtrela chosela plus naturelledu monde,c'est
précisément le procédéd'une variationcontinue.Or, parmitous les dualismes
instaurés il y en a peu de moinsfondésque celuiqui séparela
par la linguistique,
linguistique (1980: 123)
de la stylistique.
Les linguistesne sont pas seuls responsables d'un état de faitaux racines
trèsprofondes:
En lieu et place d'une penséedu continu,l'idéologiefrançaise des « Lettres » et le
repliement cognitiviste et scientistede la linguistique multiplient partageset les
les
exclusionsréciproques.Malgréles tentatives d'« articulation», la volonté« trans-
disciplinaire»,[...] on ne parvient pas à penseretà enseigner la relationde la langue
(des langues)à la littérature (aux littératures)dansune théoriedu langage.L'ensei-
gnement du « français » resteainsiécarteléentredes polaritéstechnicistes et esthéti-
santes,et l'instrumentalisme demeuredominant. D'où la crisede la discipline, les
bricolages institutionnels etla déploration de la pertede sens.(Chiss2001: 149)
Le « retourde la stylistique» dont je parlais, en 1997, dans Le styledans la
langue1s'est très largementconfirmédepuis. Les ouvrages d'introductionse

1.C'està uneexplicitationdesfondements etdesimplications


linguistiques de
méthodologiques
cetessaide « reconception » quele présent
de la stylistique article Fautedeplace,je
estconsacré.
nedéveloppe paslebilancritique duchapitre1.Lesbasesépistémologiques
etméthodologiques
de l'analyse
textuelle
desdiscours sontlargement exposées textuelle.
dansLinguistique Desgenres
dediscoursauxtextes(1999).Dansla mesure où mespropositionssontlargementexemplifiées
danscesdeuxlivres, je n'étudieraidansle détailqu'uncourtpoèmed'Eluard,particulièrement
enmettant
intéressant, l'accentsurl'ancrage textuelle
de l'analyse desdiscoursdanslesthéories
del'énonciationdeBenveniste,BallyetBakhtine.

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sont multipliéset l'éclectismeœcuménique des référencestienttoujours lieu
de pseudo-interdisciplinarité.Il est justifiépar les nécessitésde la préparation
des épreuves de l'agrégation et du CAPES, par cette « stylistique des
concours» dont parle brièvementE. Karabétian(2000 : 190-193).Les exigences
économiques de l'édition universitaire expliquent cette multiplication de
manuels propédeutiques qui, occupant le devant de la scène, écrasentpublici-
tairementles essais qui manifestentdes choix méthodologiquesplus fermeset
une position épistémologique moins éclectique - comme, par exemple La
françaiseen mutation? de Madeleine Frédéric(1997)2.
stylistique
Le remplacementattendu de la stylistiquelittérairepar la sémiotique, la
poétique et la théoriedu rythme(Meschonnic 1970) ou par l'analyse textuelle
(Delas 1992, Adam 1991) n'a pas vraiment eu lieu. Cet échec s'est traduit
éditorialement par le « retour » d'une stylistique aux présupposés et au
rapportà la théorierassurants:
Après le momenttriomphantdu formalismestructuraliste, dans les années
soixante, estvenueunelassitudeenversla théorie.
soixante-dix, Écoutezcommeon
parled'« inflationthéorique».[...] Cettelassitudeestun rejetdu formalisme,mais
qui se retireà lui-mêmetoutprojet,toutepossibilitéde critique.C'est donc un
retourde l'empirisme,etsurtout de l'éclectisme,
des bricolagesqui cherchent
à arti-
culercecietcela.(Meschonnic 1985: 97)
Dans le mouvement de « retour» des disciplines auquel nous assistons
depuis quelques années, la stylistiqueapparaît comme une démarcheconjonc-
turellede récupérationet d'intégration-articulation œcuménique de travaux
de linguistique énonciative, pragmatique et textuelle,de sémantique et de
sémiotique, de rhétorique et de poétique. On peut dire que « L'éclectisme
méthodologique de la stylistique est ainsi reconduit et amélioré, sans être
véritablementinterrogénon plus que l'objet même de la stylistique» (Jenny
1993 : 113). Les ouvrages d'initiationde G. Molinié le prouvent (1987, 1989,
1993). Pour ce dernier,la stylistiqueest d'abord une praxis (1989 : 3), c'est une
discipline « de terrain». La diversitédes référencesthéoriquesest justifiéepar
l'intentionde « profiterd'un momentprivilégiédans notreépoque : celui qui
relie l'irremplaçable acquis des recherchesclassiques et traditionnellesaux
précieux piments des développements actuels les plus modernes. La sagesse
consistedonc à partirde la stylistiqueet non du style» (1987 : 9).
Il me semble, tout au contraire,nécessaire de se demander sur quelles
bases la linguistique peut redéfinir le concept de style et, avec lui, les

2.Endépitd'unbilanconvergent etd'options
théoriquesproches,je meséparedeM.Frédéric sur
unpointimportant.Alorsqu'elleesttentée
parunecorrectionassurantlemaintiendela discipline
stylistique,
je prône,toutau contraire,
unereconception
(Goodman & Elgin1994)quiveutêtreune
alternative
auxconceptions enplace(voirégalement Delas 1992).Sanspréjuger de l'existence
parailleurs,
possible, d'unestylistique
articulée
à uneesthétiquedontdébattent,avecpertinence,
B.Vouilloux2000,L.Jenny 1997& 2000etledernier
livredeG.Molinié (1998).

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anciennesfrontièresdisciplinaires.Dans la mesure où, comme le dit d'ailleurs
G. Molinié (1993 : 7-45), le texteest l'unité de base de la discipline et où les
sciences du langage fournissentles concepts de référencede la discipline,je
crois utile de repartirde la façon dont Benvenisteet Bally remettenten cause
la coupure langue/parole qui fonde la dichotomie grammaire/stylistique.
Nous repartironségalement de la translinguistiquede Bakhtinequi présente
- -
l'avantage de réaliser avec la théorisationdes genres et du texte ce que
postule seulementla translinguistiquede Benveniste.

2. Avec Benveniste et Bally : repenser les frontières

2.1. La « translinguistique» de Benveniste

Comme Bally l'a faitde son côté,Benvenisteinstauredans la langue « une


division fondamentale,toute différentede celle que Saussure a tentéeentre
langue et parole » (1974 : 224) :
Du signeà la phraseil n'y a pas transition,ni par syntagmation ni autrement.Un
hiatusles sépare.Il fautalorsadmettreque la languecomportedeux domaines
dontchacundemandesonpropreappareilconceptuel.
distincts, Pourceluique nous
appelonssémiotique, la théorie saussurienne servira
du signelinguistique de baseà la
recherche.Le domainesémantique, par contre,doitêtrereconnucommeséparé.Il
aurabesoind'unappareilnouveaude concepts (1974: 65)
etde définitions.
En distinguant une linguistique du système et une linguistique du
discours (1974 : 63-66 & 215-229),Benveniste sépare le systèmede la langue
(plan de la signifiancedes signes isolés qu'il nomme « sémiotique») et la mise
en discours (plan « sémantique» de la signifiancequ'il articuleavec les para-
mètresinterpersonnelset spatio-temporelsde la situationd'énonciation). En
1970,élaborantavec « l'appareil formelde l'énonciation» l'ensemble nouveau
de concepts et de définitions dont il a besoin, Benveniste parle de deux
linguistiquescertesdifférentes, mais irréductiblement complémentaires:
Le « sens» (dans l'acceptionsémantique[...]) s'accomplitdans et par une forme
spécifique,celledu syntagme, du sémiotiquequi se définit
à la différence par une
relationde paradigme.D'un côté,la substitution, tellessont
de l'autrela connexion,
les deuxopérations typiquesetcomplémentaires. (1974: 225)
Il s'agit clairementd'« une autre manière de voir les mêmes choses, une
» (1974 : 79) :
autremanièrede les décrireet de les interpréter
Surce fondement sémiotique, construit
la langue-discours unesémantique propre,une
de
signification l'intentéproduite parsyntagmation de motsoù chaquemot ne retient
1974: 229)
qu'unepetitepartiede la valeurqu'ila entantque signe.(Benveniste
Cette « significationde l'intenté» permetde penser l'acte d'énonciation(et
donc le faitde stylequi en résulte)comme une tensionconscient/inconscient,

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une visée de sens. Comme Saussure, Benvenistes'attardesur la question de la
phrase, qu'il «distingue foncièrementdes autres entitéslinguistiques» (1966:
129). D'un côté, il semble réduire le discours à la phrase: «Nous communi-
quons par phrases, même tronquées, embryonnaires, incomplètes, mais
toujours par des phrases» (1974: 224). En fait,il considère qu'avec la phrase
une limiteest franchie,on entredans un nouveau domaine, celui du discours:
« C'est même par là qu'on peut la définir: la phrase est l'unité du discours»
(1966:130):
La phrase,créationinfinie,variétésans limite,est la vie mêmedu langage en
action.Nous en concluonsqu'avec la phraseon quittele domainede la langue
commesystèmede signes,et l'on entredans un autreunivers,celuide la langue
commeinstrument de communication,dontl'expressionestle discours.
Ce sontlà vraiment deuxuniversdifférents,
bienqu'ilsembrassent la mêmeréalité,
et ils donnentlieu à deuxlinguistiques bien
différentes, que leurs chemins
se croi-
sentà toutmoment. (1966: 129)
Cette subdivision repose sur une partitiondes unités qui sont l'objet des
différentsdomaines de la linguistique.
Le discours,dira-t-on,qui estproduitchaquefoisqu'on parle,cettemanifestation
de l'énonciation,n'est-cepas simplement la « parole»? - Il fautprendregardeà la
conditionspécifiquede l'énonciation: c'estl'actemêmede produireun énoncéet
nonle textede l'énoncéqui estnotreobjet.Cetacteestle faitdu locuteurqui mobi-
lisela languepoursoncompte.(1974: 80)
La « sémiotique» ou linguistiquede la langue-systèmea pour domaine le
mot et pour limitela proposition.La « sémantique» de l'énonciationn'a pas
pour objet la manifestationdiscursive de l'acte de mobilisationde la langue
par un locuteur. Si la sémantique de l'énonciation peut être ainsi réduite à
l'acte même de produire un énoncé et non au textede l'énoncé, c'est parce
qu'une troisièmebranchede la linguistiqueest appelée à prendreen chargece
dernier objet. On oublie généralement3que, dès 1969, ne se contentantpas
d'ouvrir l'analyse intra-linguistique à la « sémantique de l'énonciation »,
Benvenisteproposait de « dépasser la notion saussurienne du signe comme
principeunique, dont dépendraità la foisla structureet le fonctionnement de
la langue » (1974 : 66) dans deux directions:
- dans l'analyseintra-linguistique,par l'ouverture d'une nouvelledimensionde
signifiance,celledu discours,que nous appelonssémantique, désormaisdistincte
de cellequi estliéeau signe,etqui serasémiotique ;
- dans l'analysetranslinguistique des textes,des œuvres,par l'élaboration
d'une
métasémantique surla sémantique
qui se construira de l'énonciation.

3.Jen'ai guèretrouvéque chezH. Meschonnic


(1997: 323-324)
unetrèsclaireallusionà ce
passagedu tomeII desProblèmes
delinguistique Meschonnic
générale. enparlepourinscrire sa
poétiquedansla lignée
decette annoncée
translinguistique parBenveniste.

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Ce sera une sémiologie de « deuxième génération», dont les instrumentset
la méthode pourrontaussi concourirau développement des autres branches
de la sémiologie générale.(1974 : 66)
Le champ généralde la linguistiquese divise ainsi en troisdomaines,diffé-
rentset complémentaires,au sein desquels le rôle centralde la linguistiquede
l'énonciationapparaît clairement:

Linguistique du discours

Linguistique I Linguistiquede l Translinguistique


du système l'énonciation des textes>
(« sémantique ») des œuvres
(« sémiotique »)
Analyse intralinguistique

Benvenisteouvriramagistralement l'analyse intralinguistique au champ du


discours, mais il n'aura le
pas temps,après l'attaque cérébrale qui le frappeen
décembre1969,de dessinerles contoursde la «translinguistique des textes,des
œuvres». On se prend pourtantà rêver,quand on lit,dans un entretienparu
dans le derniernumérodu NouvelObservateur de l'année 1968,cetteréponseà la
question : « Est-ce le
que langage poétique est intéressant pour la linguistique?» :
Immensément. Mais ce travailest à peine commencé.On ne peut pas dire que
l'objetde l'étude,la méthodeà employer soientencoreclairement Il y a des
définis.
tentatives intéressantes maisqui montrent de sortirdes catégories
la difficulté utili-
séespourl'analysedu langageordinaire. (1974: 37)
Benveniste conclut cet entretienpar une allusion aux « recherches qui
visentà coordonnerla théoriede la littérature et celle de la langue » (1974 : 40).
On comprend mieux ces remarques lorsque Mohammad Djafar Moïnfar
(1992 : 24) mentionnel'existencede « près de troiscentsfeuillesde notes et de
textesanalysantle langage poétique », en particulierchez Baudelaire.
Benveniste est très proche de Bally lorsqu'il limite,en 1965, l'objet des
travaux intralinguistiques au langage qu'il dit ordinaire ou commun : « à
l'exclusion expresse du langage poétique, qui a ses propres lois et ses propres
fonctions» (1974 : 216). Il est également très proche du linguiste genevois
quand il ajoute : « Mais tout ce qu'on peut mettrede clarté dans l'étude du
langage ordinaire profitera,directement ou non, à la compréhension du
langage poétique » (1974 : 217).

2.2. Charles Bally : penser le continu de la langue

Pour Bally: « Plus les combinaisons linguistiquesd'un écrivainlui restent


propres,plus on peut parler de style; mais c'est une différencede degré,non
de nature» (1965a : 61). En révisantla distinctionsaussuriennede la langueet
de la parole,Bally refondel'opposition grammaire La « grammaire
/stylistique.

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logique » ne décrit que la part intellectuelle de la langue, dominée par les
idées, plus écrite qu'orale. Il retirela stylistiquedu champ des études litté-
raireset la déplace dans la part de la langue négligée par Saussure : la sphère
codée de l'expressiondes sentimentset des émotions,la part de la langue qui
est « affectivéepar la situation». Il déclare,dans sa leçon d'ouverturedu cours
de linguistiquegénérale du 27 octobre 1913, resterainsi fidèle à Saussure en
annexant« au domaine de la langue une provincequ'on a beaucoup de peine
à lui attribuer : la langue parlée envisagée dans son contenu affectifet
subjectif».C'est à cette «étude spéciale» qu'il donne, contretoutes les dési-
gnationsacadémiques usuelles, le nom de « stylistique» :
La langueaffective m'apparaîtdoncdansle globede la languetoutentière, comme
une zone périphériquequi enveloppela langue normale; elle participede son
caractèresocial,puisque tous les individuss'accordentsur les valeursqu'elle
contient; ce caractèrela distinguenettement
de la parole,avec laquelleelle a une
affinité
indéniable, à causede sonadaptationplusimmédiate aux besoinsde la vie.
(1965a(1913):158-159)
Les composantesdu « globe de la langue » peuvent êtreainsi présentées:

^ 3. « Paroledesindividus
»
«
(espacedu style»)
2. Langue n.
X « affective
» '
/ (orale>écrite) .pariée» '
/ Langue4^ '
/«STYLISTIQUE«/ <<normale>> ' '
I / « intellectuelle
» ' I
' [ (écrite>orale) - 1 /
' 1 NOYAU
' ' 1 = « Langue» « Assautsininterrompus
»
N. deSaussureУ

2+ ile»
de Saussure

Les traces linguistiques de la rhétorique pratique qu'étudie la « stylis-


tique » de Bally ne sont pas des accidents de la parole, mais des éléments
constitutifsde la langue elle-même. Pour le disciple de Saussure, « il y a
toujours lutteentrela parole des individus et la langue organisée,parce que
cettelangue ne les satisfaitjamais complètement» (1965a : 158). Il dit encore:
L'actionincessantedes sujetsparlantspeutêtrecomparéeà un siègeen règleque la
parolefaitsubirà la langue- j'entends: la languenormale,la langueintellectuelle.
La parolelivredes assautsininterrompus à la fortecitadelleoù se cantonnent
le
vocabulaireusueletla grammaire « logique». (1965a: 158)

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Cette vision élargie de la langue présente l'immense intérêtde traiterles
polarités intellectuelle et affectivecomme des dominantes : « Tel fait de
langage exprime-t-ilsurtoutune idée ou surtoutun sentiment?» (1951 § 165).
Pour complétercetteconceptiond'un continu,j'ai proposé, dans Le styledans
la langue(1997 : 46-84),de distinguer,chez Bally,troisordresde manifestation
de la totalitéde la langue : la langue naturelle,la langue littéraireet le style.Il
définitla langue littéraire,en termessocio-historiques,comme un résidu « de
tous les stylesaccumulés à traversles générationssuccessives,l'ensemble des
élémentslittérairesdigérés par la communautélinguistique,et qui fontpartie
du fonds commun tout en restantdistinctsde la langue spontanée » (1965a :
28). Cettepremièredistinctionpermetde considérerla dimensionprescriptive
du « bon », du « grand » styleet du « bien écrire» comme un des pôles de la
langue. Si la langue littéraireest une formecristalliséed'expression qu'une
communauté impose, à une époque donnée, comme norme haute de la
langue, les notions de styleet de faitde styledoivent,elles, êtresortiesde la
visée prescriptivedes traitésqui ont la seule langue littérairepour objet.Bally
complèteailleurs ce pôle de la langue littéraireen parlantd'un « art d'écrire»
(référenceimpliciteà Albalat) qui « donne des préceptes,forme- et déforme-
la langue des individus » (1911 : 104) en vue d'une seule fin,plus ou moins
précise: bien parleret bien écrire.Ainsi tirévers le pôle de la langue littéraire,
1'« art d'écrire» est distingué de la langue ordinaire spontanée et expressive
(objet de la « stylistique» linguistiquede Bally) et du « style», pôle de la véri-
table créativitéesthétique-artistique,objet des études littéraires.Ces trois
pôles constitutifsde la langue peuvent être schématisés par la figured'un
trianglequi tente de rendre compte du continu graduel des trois ordres de
manifestationde la totalitéde la langue :

de la langue, selon Bally


Les troisordresde manifestation

LANGUE [« Stylistique»
ORDINAIRE de Bally]

/ ' Créativité
d'écrire / '
/ LA '
/ LANGUE '

LANGUE ^ STYLE
LITTÉRAIRE littéraire]
[Stylistique

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Comme le note Bally, les limitesidéales entreces troispôles sont « néces-
sairementflottantes» (1951 : 181). En d'autres termes,tout est ici affairede
degrés et de frontièresfloues. Redéfinissant sa linguistique énonciative
comme une « stylistiqueinterne» de l'interactionlangagière et cantonnantsa
tâche de linguiste à l'étude de la pointe supérieure du triangle,Bally consi-
dère les descriptions linguistiques comme un travail de « mise à nu des
germesdu style» dans la langue ordinaire:
La tâchede la stylistiqueinterneest précisément,touten se confinant dans la
languecommune,de mettre à nu les germesdu style,de montrer que les ressorts
qui l'actionnent
se trouventcachésdans les formesles plus banalesde la langue.
sontdeuxdomainesà la foisdistincts
Styleetstylistique etvoisins.(1965a: 61)

Ballyromptavec les conceptionsclassiques de la langue des écrivainsconsi-


dérée comme une langue étrangèred'Aristoteà Marcel Proust(Adam 1997: 73-
80). Pour lui, la langue de toutle monde «a des ressourcesinépuisablespour la
productiondes effetsesthétiques»(1951: 179). Il en veut pour preuve le faitque
l'écrivain«n'a pas besoin de toujoursinventersa langue,mais qu'il en trouveles
élémentsessentielsdans le langage organisé» (id.). Au lieu de dire que l'artiste
forgeun idiome hors de la langue commune,Bally met l'accent sur un conti-
nuum et les différencesqu'il pose (il les qualifiede « déformationssublimes»,
1951: 249) ne sont,en fait,que des différences graduelles:
Les créations littéraires
ne nous seraientpas accessibles,
si ellesn'entraient
pas en
nous,au moinsen partie,parles moyensd'expression que nouscomprenons etque
nousemployons sanscesse.(1951: 181)
Il s'ensuit une désacralisation salutaire du style,définicomme « transpo-
sitionde la langue commune» :
Il esttempsde ne plus considérer la languelittéraire
commeune choseà part,une
sortede créationex nihilo; elle est avanttoutune transposition spéciale de la
languede tous; seulement les motifsbiologiquesetsociauxde cettelanguedevien-
nentmotifsesthétiques. (1965a: 62)
Conformémentà son projetgénéral,Bally redéfinitl'art littéraireen termes
de travailde l'énonciateuret surtoutd'intentioncommunicativepropres:
Ce qui estl'essenceet la raisond'êtreconstante de l'effort
littéraire
estabsentdu
langagespontané,à savoir: l'intention de produirecetteimpression de beauté,et
l'intention
de la percevoiretde la goûterdanslesproductionsdesautres.(1951: 179)
Cette citationpourraitlaisser penser que la qualité esthétiqued'un énoncé
ou d'un texten'existe que du côté du pôle du style (pôle droit du triangle),
mais, comme le note plus loin Bally, le langage spontané est toujours « en
puissance de beauté » (1951 : 181), même si sa fonctionpremière n'est pas
d'exprimerla beauté :
Ne soyonspas tropabsolus[...] etdisonsque cetteintention,quandelleexistechez
le sujetparlant,estconstamment refouléeà l'arrière-plan
par les nécessitésimpé-
rieusesauxquellesobéitle langagedans sa fonction naturelleet dans sa fonction

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sociale: besoind'adapterson expressionaux milleexigencesde la vie,besoinde
direce qu'il importede dire,besoinde tenircomptedu ou des interlocuteurs, de se
fairecomprendre, de faireprévaloirsa pensée,etc.S'il arrivealorsque les moyens
misen œuvrepourremplir cettefonctionportent en eux une valeuresthétique, ce
qui esttrèsfréquent, ou bience caractèreestadditionnel, resteignoré
inconscient,
de celuiqui parleet mêmede celuiqui écoute; ou bience caractère estperçuavec
le sentimentvague qu'il concourtmieux qu'un autre à la fonctionvisée par
l'expression ; la valeuresthétiquedu faitde langageestalorsvue sous l'angledu
jugement d'utilité.(1951: 179-180)
Ainsi,la valeur esthétiqued'une productionverbale ordinaireest addition-
nelle et inconscienteet c'est avant toutdans la traceque l'écritintroduit,et qui
n'appartientpas en propreà la littérature, que se situe la différence :
L'hommequi parlespontanément etagitparle langage,mêmedanslescirconstances
lesplusbanales,faitde la langueun usagepersonnel, il la recréeconstamment
; si ces
créationspassentinaperçues,c'est que la plupartn'ontpas de lendemain,sont
oubliéesau moment de leuréclosion,etéchappent à l'attention.(1965a: 28)
Les deux modes d'inventivité-créativité linguistiquesqu'il nomme « trou-
vailles spontanées du parler» (pôle supérieur du triangle)et « trouvaillesde
style » (pôle droit) dérivent, selon le linguiste genevois, « d'un même état
d'espritet révèlentdes procédés assez semblables» (1965a: 28). Les modes de
créativitélinguistiquene se distinguentque par le motifet par l'intention:« Le
résultatest différentparce que l'effetvisé n'est pas le même. Ce qui est but
pour le poète n'est que moyenpour l'homme qui vitet agit» (1965a : 29)4.

2.3. Lecture énonciative de l'incipit des Laurierssont coupés d'Édouard


Dujardin5
Dans un développement de Linguistiquegénéraleet linguistiquefrançaise
longuementconsacréà la littérature, Ballyexplique que les écrivainssymbolistes
et impressionnistessemblentsimplement« avoir poussé à l'extrêmeplutôtque
répudié certainestendances du françaisd'aujourd'hui» (1965b: 362). Il relève
plusieursfaitslinguistiquesqu'il identifiechez Verlaine,Daudet et les Goncourt,
mais qui se trouvent,me semble-t-il,exemplairementconcentrésdans l'incipit
des Laurierssontcoupésd'Édouard Dujardin (1887). Cetteouvertured'un roman
reconnucommeprécurseurdu monologueintérieurmeten scène le mouvement
par lequel un locuteur«s'approprie l'appareil formelde la langue et [...] énonce
sa positionde locuteur» (Benveniste1974: 82) :
d'airlointain,
Un soirde soleilcouchant, de cieuxprofonds; etdes foulesconfuses
;
des bruits,des ombres,des multitudes; des espacesinfinimentétendus; un vague
soir...

4.Pourexpliquer dumoyen
ceglissement Гartdujeu(Adam1997: 52).
aubut,Ballyrapproche
la question
5.A.Kabatel(2001)abordetreslargement du monologue chezDujardin
interleur :
nousnouscontentonsd'yrenvoyer.

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Car sous le chaosdes apparences,parmiles duréeset les sites,dans l'illusiondes
choses qui s'engendrentet qui s'enfantent, un parmiles autres,un commeles
autres,distinctdes autres,semblableaux autres,un le mêmeet un de plus, de
l'infinides possibles existences,je surgis; et voici que le tempset le lieu se
précisent ; c'estl'aujourd'hui; c'estl'ici; l'heurequi sonne; et,autourde moi,la
vie; l'heure,le lieu,un soird'avril,Paris,un soirclairde soleilcouchant, les mono-
tonesbruits, les maisonsblanches,les feuillages d'ombres; le soirplusdoux,etune
joie d'êtrequelqu'un,d'aller; les ruesetles multitudes, et,dansl'airtrèslointaine-
mentétendu,le ciel; Parisà l'entourchante,et,dansla brumedes formes aperçues,
mollement il encadrel'idée.
... L'heurea sonné;sixheures,l'heureattendue.Voicila maisonoù je dois entrer,
où je trouverai quelqu'un; la maison; le vestibule ; entrons. Le soirtombe; l'airest
bon; il y a une gaietédansl'air.L'escalier; les premières marches.Si,parhasard,il
étaitsortiavantl'heure? cela lui arrivequelquefois ; je veuxpourtant lui conterma
journéed'aujourd'hui.Le palierdu premier étage; l'escalierlargeetclair; les fenê-
tres.Jelui ai confié,à ce braveami,monhistoireamoureuse.Quellebonnesoirée
encorej'aurai! Enfinil ne se moqueraplusde moi.

2.3.Ì. Dans le premier paragraphe, la parataxe énumérative permet de


faireémergerun monde au degré zéro de la prédication,en attentedu surgis-
sement du sujet de l'énonciation, condition de la prédication. Les adjectifs
parviennent à peine à laisser percer une très vague subjectivité. Les
syntagmesnominaux sont indéfinis,la référencene s'opère que progressive-
mentpar la suite selon un mécanismemusical de repriseet de variation: « Un
soir de soleil couchant [...] un vague soir [...] un soir d'avril [...] un soir clair
de soleil couchant [...] le soir plus doux [...] le soir tombe». La précisionréfé-
rentielle est progressive. Il en va de même avec les paramètres de
l'énonciation: «les durées et les sites [...] le tempset le lieu se précisent;c'est
l'aujourd'hui; c'est l'ici [...] Paris [...] l'heure a sonné; six heures». Entrele
premier et le troisième paragraphe, on passe d'une représentationà peine
pensée, dans laquelle le retraitdu sujet pensant est ressentide façon d'autant
plus forte que le troisième paragraphe, lui, n'est plus que l'expression
continuede la position d'un locuteurpar rapportà une réalitéqui n'est plus
qu'étroitementla sienne. La médiationdu paragraphe central(encadré par un
alinéa et des points de suspension), avec au centrel'émergence du sujet de
l'énonciation(«je surgis»), rend possible cettetransformation profondede la
prédication.
On observe alors plusieurs des données avancées par Benveniste pour
caractériserl'énonciation.D'une part,le surgissementdu «je» rend possible
la mise en place des repères: « et voici que le temps et le lieu se précisent;
c'est l'aujourd'hui; c'est l'ici ; l'heure qui sonne; et, autour de moi, la vie » (je
souligne). Les déictiques de temps et de lieu subissenttoutefoisici une essen-
tialisationpar la nominalisation(« l'aujourd'hui », « l'ici »). De plus, le sujet de
l'énonciation prend, avec « moi », la formedu « nom propre de locuteur »
(Benveniste 1974 : 200). Au stade linguistique du « moi », l'identité est plus

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avancée qu'au stade du simple déictique «je». Benveniste insiste,dans son
articlefondateur,sur une autre caractéristiquede l'énonciation: « V accentua-
tionde la relationdiscursiveau partenaire, que celui-cisoit réel ou imaginé,indi-
viduel ou collectif» (1974 : 85) et il note aussitôtque le monologue n'est jamais
qu'une « variétédu dialogue, structurefondamentale.Le "monologue" est un
dialogue intériorisé,formuléen "langage intérieur",entreun moi locuteuret
un moi écouteur» (id.). Cet incipit,qui met progressivementen scène l'émer-
gence des conditionsmêmes de la parole, bascule toutnaturellement,au troi-
sième paragraphe, dans l'intériorisation du dialogue (« entrons »). La
textualisationet la littérarisationde l'acte d'énonciation, c'est-à-dire de la
transformation de la langue en discours,débouche ici sur une « invention» du
monologue intérieur,réalise, sous formed'un continu, ce que G. Philippe
(2001) identifie: le glissementd'un discours intérieursans dimensioncommu-
nicative (primatcognitif)à un discours intérieurintroduisantune dramatisa-
tionénonciative(primatcommunicationnel).

2.3.2. Bally prêteà l'écrituredes écrivainssymbolisteset impressionnistes


les traitslinguistiquessuivants: (a) « Les symbolistesont couru cetteaventure
de rendreen françaisdes impressionsvagues en effaçantles contoursprécis
des mots et des idées » ; (b) « L'impressionnismeest d'essence statique, et ce
n'est pas un hasard s'il donne la formesubstantiveaux procès et aux qualités;
c'est une manière de les cristalliser».Il cite comme exemple de cristallisation
dans une formesubstantive une énumération de ce type : (c) « Aligner des
phrases tellesque La nuit.La pluie.Un gibetpleinde pendusrabougris(Verlaine),
c'est fixeret matérialiserdes impressions fugitives». L'incipit de Dujardin
présentela majoritéde ces traits.
On trouve non seulement des formes de substantivisation (b) par
: « une joie d'être quelqu'un, d'aller » (§2), mais surtoutl'étonnant
l'infinitif
emploi nominal des déictiques dont nous avons parlé plus haut :
« l'aujourd'hui », « l'ici ». Les énumérationsnominales (c) abondent: « l'heure,
le lieu, un soir d'avril, Paris, un soir clair de soleil couchant, les monotones
bruits,les maisons blanches,les feuillagesd'ombres; le soir plus doux, et une
joie d'être quelqu'un, d'aller ; les rues et les multitudes,et, dans l'air trèsloin-
tainementétendu, le ciel » (§2) ; « L'escalier ; les premières marches. [...] Le
palier du premierétage ; l'escalier large et clair; les fenêtres.» (§3).
À l'affaiblissementde la valeur explicative-justificativedu connecteur
CAR à l'initialdu second paragraphe,s'ajoutentles lexicalisationsde l'efface-
mentdes contours(a) : des « foules confuses» et du « vague soir» du premier
paragraphe à la « brume des formes aperçues » qui « mollement encadre
l'idée » du paragraphe suivant.
Dans les termesde la théorieénonciativede Bally,on est tentéde dire que le
dictum(« procès qui constituela représentation » 1965b: 36) apparaît ici avant
»
que le modus(« opérationdu sujetpensant id.) n'envahisseprogressivement le

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texteau point de donnerà la pensée représentéela formeesthétiquemoderne
du monologueintérieur.

3. Le style et la langue, le texte et l'intertexte :


le dépassement bakhtinien des frontières

3.1. La méta(trans)linguistiquede Bakhtine

3.1.1. Les chercheurs du « cercle de Bakhtine » ont très tôt souligné la


combinaison organique des champs méthodologiquement séparés de la
langue et du style:
La grammaire et la stylistique
se rejoignentet se séparentdans toutfaitde langue
concretqui,envisagédu pointde vue de la langue,estun faitde grammaire, envi-
sagé du pointde vue de l'énoncéindividuel, estun faitde stylistique. Rienque la
sélectionqu'opèrele locuteurd'une formegrammaticale déterminée est déjà un
actestylistique.
Ces deuxpointsde vue surun seuletmêmephénomène concret de
languene doiventcependantpas s'exclurel'un l'autre,ils doiventse combiner
organiquement (avecle maintien méthodologique de leurdifférence)
surla base de
l'unitéréelleque représentele faitde langue[...]. (Bakhtine1984: 272)
Situant Г« acte stylistique» dans l'énonciation même, ils proposent une
« synthèsedialectique » des points de vue de Г« objectivismeabstrait» gram-
mairien et du « subjectivisme individualiste » stylistique (Bakhtine-Volo-
chinov 1977 : 118). Cette idée est présente lorsque, dans le Marxismeet la
philosophiedu langage, à propos du discours rapporté,tout en regrettantque
Vossler et les vosslériens mettenttrop en avant « les facteurs subjectivo-
psychologiques et les données stylistiquesindividuelles », ils déploraient le
faitque leurs travauxsoientaccusés d'êtreplus stylistiquesque linguistiques:
En réalité,l'écolede Vosslers'intéresseà des problèmesqui sontà chevalsurles
deuxdisciplines, ayantcomprisleurimportance méthodologiqueet heuristique,
et
nousvoyonslà matièreà admirercetteécole.(1977: 174)

Dépassant les controversesqui amènent certains à considérer tel faitde


langue comme un schéma syntaxique à part entièreet d'autres comme une
simple variante stylistique,Bakhtineet Volochinov mettentle doigt sur un
pointméthodologiqueimportant:
De notrepoint de vue, il est impossibleet méthodologiquement irrationnel
d'établirune frontièrestricteentrela grammaire et la stylistique,
entrele schéma
grammatical etsa variantestylistique.
Cettefrontièreestinstabledansla vie même
de la langue,où certaines
formes se trouventdansun processusde grammaticalisa-
tion,tandisque d'autressonten coursde dégrammaticalisation, et ce sontjuste-
mentces formesambiguës,ces cas limites, qui présentent le plus d'intérêtpourle
linguiste,c'estjustementlà qu'on peutcapterles tendancesde l'évolutionde la
langue.(Bakhtine- Volochinov1977: 174)

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3.1 .2. Il ne suffitpas d'introduirela variationau cœur du système,il faut
encore,pour penser la « combinaisonorganique » dont parle Bakhtine,passer
par une autre de ses propositions : « Apprendre à parler c'est apprendre à
structurer des énoncés (parce que nous parlons par énoncés et non par propo-
sitions isolées et, encore moins, bien entendu,par mots isolés) » (1984 : 285).
Cette définitiondébouche sur la mise en avant d'une véritable« stratification
du langage en genres» (1978 : 111) qui manquait cruellementà la linguistique
énonciativeet réalise les conditionsd'une « translinguistiquedes textes» :
Les formesde langue et les formestypesd'énoncés,c'est-à-direles genresdu
dans notreexpérienceet dans notreconscienceconjointe-
discours,s'introduisent
mentetsansque leurcorrélation soitrompue.(Bakhtine
étroite 1984: 285)
Pour Bakhtine,la proposition est un élément signifiantde l'énoncé pris
comme toutet elle n'acquiert son sens définitif que dans le cadre de la totalité
que forment verbale
l'interaction et le texte:

Lorsquenous choisissonsun typedonnéde proposition, nous ne choisissonspas


seulement unepropositiondonnée,en fonction de ce que nousvoulonsexprimer à
nous sélectionnons
l'aide de cetteproposition, un typede propositionen fonction
du toutde l'énoncéfiniqui se présenteà notreimagination verbaleet qui déter-
minenotreopinion.L'idée que nousavonsde la formede notreénoncé,c'est-à-dire
d'un genreprécisdu discours,nousguidedansnotreprocessusdiscursif. (Bakhtine
1984:288)
Confrontéà la question des frontièresde la linguistique, il ouvre cette
dernièresur ce qui constituel'unité même des faitsde discours et ne peut être
laissé à la stylistique:
La linguistique [...] n'a absolument pas défriché la sectiondontdevraientrelever
les grandsensemblesverbaux: longs énoncés de la vie courante,dialogues,
discours,traités, romans,etc.car ces énoncés-làpeuventet doiventêtredéfiniset
étudiés, eux aussi,de façonpurementlinguistique, commedes phénomènesdu
langage.[...] La des
syntaxe grandes masses verbales [...] attendencored'être
fondée; jusqu'à présent, n'a pas avancéscientifiquement
la linguistique au-delàde
la phrasecomplexe: c'estle phénomène linguistique le pluslongqui aitétéscienti-
fiquement exploré.On diraitque le langageméthodiquement purde la linguistique
s'arrêteici [...]. Et cependant,on peutpoursuivreplus loinl'analyselinguistique
pure,si difficile que cela paraisse,et si tentantqu'il soitd'introduire ici des points
de vue étrangers à la linguistique.(Bakhtine 1978: 59)

3.1.3. Autour du principedialogique, s'élabore une «translinguistique»-


motchoisipar T. Todorov (1981) pour traduirel'idée bakhtinienne, plus confuse
en français,de « métalinguistique» - qui prendvraimentles texteset les œuvres
pour objets. Dans la théoriegénérale de Bakhtinele langage est doublement
stratifié socioprofessionnelledu
: en genres et en professions.La stratification
« langage commun» est à la foisune donnée objectiveet une source d'expres-
sivité: « Pour les locuteurs eux-mêmes,ces langages des genres,ces jargons
professionnels,sont directementintentionnels, pleinementsignifiants, sponta-
némentexpressifs; mais à l'extérieur,pour ceux qui ne participentpas à ces

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perspectivesintentionnelles, langages et jargonspeuventêtreobjectaux,caracté-
ristiques,pittoresques, etc.» (1978 : 111). Afind'éclairera contrario
la teneurde ce
principedialogique,j'ai choiside travaillerci-aprèsun courtpoème d'Éluard qui
me paraîtaller dans un sens trèsdifférent de la définitionque Bakhtinepropose
du styleselon lui profondément monolinguede la poésie:
Le langagedu genrepoétique,c'estun mondeptoléméen, seuletunique,en dehors
duquel il n'y a rien,il n'y a besoin de rien.L'idée d'une multitudede mondes
à la foissignificatifs
linguistiques, et expressifs,
estorganiquement inaccessible
au
:
stylepoétique.(1978 108)
Bakhtine interprèteles inventions futuristesde Khlebnikov comme un
point d'aboutissement de cette idée d'un langage spécial proprement
poétique : « L'idée d'un langage unique et spécial pour la poésie est un "philo-
sophème" utopique caractéristique du verbe poétique [...]. L'idée d'un
"langage poétique" spécial exprime toujours la même conception ptolé-
méenne d'un monde linguistiquementstylisé» (Bakhtine1978: 110). Selon lui,
les exigencesde ce qu'il nomme le « stylepoétique » sont radicalementhétéro-
gènes à la langue du romanet à sa définitiongénéralede la langue.
Dans une note, Bakhtinereconnaîtquand même qu'il ne caractériseainsi
qu'une « limiteidéale des genres poétiques » et que « dans les œuvres réelles
des "prosaïsmes" substantiels sont admis ; il existe nombre de variantes
hybridesdes genres,particulièrementcourantesaux époques de "relève" des
langages littérairespoétiques» (1978: 109). Nous allons voir commentun petit
poème d'Éluard contredittotalementcettedéfinition:« Aussi bien est étranger
au stylepoétique quelque regardque ce soit sur les langues étrangères,sur les
possibilités d'un autre vocabulaire, d'une autre sémantique, d'autres formes
syntaxiques,d'autres pointsde vue linguistiques»(1978 : 107).

3.2. Le plurilinguismedu poème

Ce petitpoème de deux vers de Paul Éluard :


Pourquoisuis-jesi belle?
Parceque monmaîtremelave.

permetd'illustrerdeux points importantsd'une approche translinguistique.


D'une partle rapportde touttexteà (au moins) un genrede discourset,d'autre
part,deux aspects du dialogisme constitutif:le faitque même la langue de la
poésie peut êtretraverséede valeurs et d'échos d'autres emplois des motset le
faitque tout texteest pris dans la chaîne dialogale /dialogique des réponses
intertextuelles:
«Tout discoursest dirigésur une réponse,et ne peut échapperà
l'influenceprofondedu discours-réplique prévu» (Bakhtine1978: 103).

3,2. 7. Au cœur du principedialogique


Le faitque le premiervers soit une question rhétoriqueillustrebien le prin-
cipe dialogique, mais comme le dit Bakhtine,encore faut-ilaller plus loin et

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chercherl'influencedu principe dialogique au-delà de ce dialogisme montré,
dans les « couches profondes du sens et du style » (id.). Pour mettre en
évidence le dialogisme qui traversece petittexte,on peut partirde la définition
de l'emploi polyphonique de l'interrogation, dite rhétorique, que
J.-C.Anscombreet O. Ducrot ontproposée :
[...] En l'énonçant,son locuteurindiqueà l'allocutaireune questionque l'allocu-
tairedevraitse poserà lui-même.Le locuteurfait« entendre » la voixde l'allocu-
tairese posantcettequestion: dansnotreterminologie, nousdirionsque si l'énoncé
interrogatif estalorsprononcéparle locuteur,c'estsonallocutairequi estl'énoncia-
teurde l'actede question.(Anscombre & Ducrot1981: 16)
L'énonciatricede la question (v. 1) faitentendrela voix d'un interlocuteur
réel ou fictif(B). L'énoncé du premiervers est soit la reprised'un énoncé anté-
rieur de B, soit une question que la locutrice(A) se pose à elle-même. Dans
tous les cas, un dialogisme interactifconstitutiftransparaît.Le monologue
n'en est, de toute façon,pas un, qu'il s'agisse d'un dialogue avec soi-même
(A) ou d'une reformulation d'une question de B.
L'autre aspect du dialogisme qu'illustre ce poème peut être abordé, dans
un premiertemps,ce poème ne comportantpas de titre,par une glose du titre
de la sectiondans laquelle il se trouveinsérélors de chaque reprise-réédition :
« Les petitsjustes ». Ce titreaux connotationsbibliques renvoie certainement
moins aux membresdu groupe surréaliste(comme les commentateursse plai-
sent à le souligner) qu'à une autre valeur socio-discursiveque, filsde coutu-
rière,Éluard n'ignorait certainementpas. Comme J.-Ch.Gateau le rappelle
(1994 : 72), le vocabulaire de la mode désigne par « petit juste », dès le
XVIIIesiècle, une pièce de vêtementfémininqui moule étroitementle corps.
C'est le sens qui, à partird'étroit,d'ajusté, donne le composé justaucorpsdési-
gnant un vêtementajusté à la taille. De ce sens découle une autre référence
possible, aux poèmes de la section,tous plus courts,plus étroitsque les autres
poèmes. L'économie verbale de ces pièces brèves est donc proche de celle des
vêtements ajustés, dépourvus de tissu superflu. La polysémie du titre
poétique tientdonc à une « pluriaccentuation» (Bakhtine-Volochinov1977 :
44) qui est un aspect des valeurs socio-discursivesdes emplois antérieursdes
mots, un aspect du caractère « plurilingual » (Bakhtine 1978 : 104) de mots
toujours,d'une certainemanière,« étrangers». Les sens religieux,profaneet
poétique se mêlent ici d'une façon lisible dès le titrede la section. Ceci est
même confirmépar le(s) genre(s) au(x)quel(s) ce texterenvoie.

3.2.2. Le texteet le(s) genre(s)6


En apparence, d'un point de vue compositionnel,le poème est construit
sur la formede base de la structurede l'explication : question en pourquoi

prochede cellede la transposition


etméthodologiquement
6.Cetteanalyseestthéoriquement
d'unfaitdivers
enpoèmeparBiaiseCendrars lechapitre
quedéveloppe textuelle
8 de Linguistique
(Adam1999).

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suivie d'une réponse en parce que (Grize 1990 & Adam 1992). Malgré la
présence des deux opérateurs explicatifs,cette structureest élémentaire.Si
l'opérateur « pourquoi » ne fait pas passer d'une schématisation initiale
présentant un objet complexe à l'énoncé de ce qui fait problème (le v. 1
présente seulement l'objet problématique),le connecteur« parce que » intro-
duit le noyau de l'explication(v. 2). Mais il manque surtoutla phase de ratifi-
cation au cours de laquelle l'explication est généralementsanctionnée et la
séquence refermée.
Cette absence de clôture s'explique par le fait que le deuxième vers
n'apporte qu'une réponse énigmatique à la question posée. L'inachèvement
textuelde cetteséquence explicativese justifie,en fait,par l'appartenance de
ce texteau genre de l'énigme et/ou de la devinette.Selon la terminologiede
Bakhtine,le poème, en tantqu'œuvre littéraire,est un genre second (élaboré)
qui faitici un empruntcaractéristiquedes détournementslittérairesau genre
premierde la devinette,genre populaire des traditionsorales, mais aussi au
genreplus élaboré de l'énigme,genre issu de la nuit des temps des pratiques
discursivesorales antiques (sens initiatiqueet religieuxde l'énigme) et genre
littérairemondain trèsen vogue au XVIIesiècle.

En répliquant à une question mystérieuse(recourantplus au sens figuré


que propre et ayant, en fait,son origine dans un savoir d'initié), celui qui
répond réussitou non son intégrationdans la complicitéd'une micro-société.
Comme le souligne A. Jolies (1972 : 103-119), l'énigme-devinette est une
« formesimple » qui suppose l'appartenance à une société secrète ou à un
groupe régi par un ensemble de conventionsacceptées. La devinettepopu-
laire orale a, en raison de l'effetde confirmation sociale du candidat interrogé,
quelque chose à voir avec l'énigme. On peut prendrela définitioninitiatique
de Joliesà la lettre: « Le devineur [...] n'est pas un individu qui répondraità
la question d'un autre, mais celui qui cherche à accéder à ce savoir, à être
admis dans ce groupe, et qui prouve par sa réponse qu'il est mûr pour cette
admission» (1972: 110).

Entre énigme et devinette,Éluard semble trancherquand, à propos du


premier tome de Livre ouvert(écrit en 1938-1940), dans Raisons d'écrire, il
déclare : «Je ne résistepas à la tentationd'introduire,dans ce que j'écris, de
puériles devinettes» ( Œuvres complètes , La Pléiade, tome 1: 1569). Puérile ou
savante, l'énigme-devinetteest une pratique discursive marquée par « deux
traitsspécifiques: ludisme et dialogisme» (Charles 1981: 29). Ce jeu de société
peut être ainsi défini: « Toute énigme en général, de quelque nature qu'elle
soit [...], est un mystèreingénieux qui affectede couvrir sous les voiles un
autre sens que celui que présententnaturellementces paroles ou ces figures»
(Ménestrier 1981 : 36). Dans son essai de la fin du XVIIesiècle, Ménestrier
mentionnele cas des énigmesen vers,genreauquel notrepoème pourraitfort
bien appartenir.Ménestrierdistingue trois types d'énigmes en vers : (a) en

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formede demande et de question, (b) en formede descriptionet (c) en forme
de prosopopee en faisantparler le corps ou le sujet de l'énigme (1981 : 32).
Notre textea toutes les apparences du type (a), nous verronsplus loin qu'il
combinecettemise en formeavec le type(c).

Que l'on doive prendre très au sérieux les « puériles devinettes» intro-
duites par Éluard paraît évidentlorsque, dans une sectionantérieurede Capi-
talede la douleur,on tombesur ce poème qui donne une définitiondu statutde
la véritéen poésie - « dire la vérité sans la dire » - qui est bien proche de la
définitionde l'énigme:

L'HABITUDE
Toutesmespetites amiessontbossues :
Ellesaiment leurmère.
Tousmesanimaux sontobligatoires
,
Ils ontdespiedsdemeuble
Etdesmainsdefenêtre.
Leventsedéforme ,
Il luifautunhabitsurmesure ,
Démesuré.
Voilàpourquoi
Jedisla véritésansla dire.

Tomachevskivoyait,comme Bakhtine(1984 : 271), dans ce « remplacement


constantdes genresélevés par des genresvulgaires» (1965 : 304) le moteurde
l'évolutiondes genreslittéraires.

Tout choixd'un genrea des implicationsdirectessur la compositiondu texte


et surle stylemême.Bakhtinerésumeainsi les relationsdes textesaux genres:

L'utilisationde la langues'effectuesousforme d'énoncésconcrets, uniques(orauxou


écrits),qui émanentdes représentants de telou teldomainede l'activitéhumaine.
L'énoncéreflète les conditions
spécifiques de chacunde ces domaines,
etles finalités
nonseulement parsoncontenu(thématique) etsonstylede langue,autrement ditpar
la sélectionopérée dansles moyens de la -
langue moyenslexicaux, phraséologiques
et grammaticaux -, maisaussi et surtoutpar sa construction Ces
compositionnelle.
troiséléments(contenuthématique, styleet construction fusion-
compositionnelle)
nentindissolublement dansle toutque constitue l'énoncé,etchacund'euxestmarqué
parla spécificitéd'unesphèred'échange.(Bakhtine 1984: 265)

Cela peut êtrerésumé par le schéma suivant (Adam 1999: 92) qui met les
genres directementen relationavec l'interdiscourspropre à un « domaine de
l'activitéhumaine » (une formationsocio-discursive)et qui place le principe
au centredu dispositif:
dialogique et l'intertexte

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INTERDISCOURS
;
GENRES
« Types relativement
stablesd'énoncés»
I
« Thème »

/ TEXTE
/ soumisau
y/ principe
/ DIALOGIQUE
X INTERTEXTUALITÉ N.
« Style » z_
(niveau micro- « Composition »
linguistique) (niveau macro-
linguistique)

3.2.3. Le texteet la matérialitédiscursive


Les deux vers choisis constituentun textequi a été considéré par Éluard
comme assez importantpour qu'il le reprenneau moins à cinq reprises.Paru
d'abord, en 1924, comme deuxième des six poèmes de la section «Les petits
justes » de Mourirde ne pas mourir,ce petittexteest reprisdans Capitalede la
douleur,en 1926,en deuxième positiond'un groupe cettefoisde onze poèmes.
Publié en revue en 1928,il est surtoutrepris,en 1941,dans Choixde Poèmes.Il
est alors le seul textedes « Petitsjustes» reprisde Mourirde ne pas mourir,avec
les poèmes VI, IX et X de Capitalede la douleur.C'est dire qu'Éluard tientà ces
deux vers qu'il ira jusqu'à calligraphierun jour sur une assiette,chez un potier
de Vallauris. Parmi les nombreusesassiettes(certainesdessinées par Picasso)
sur lesquelles le poète graveracertainsvers,celle-là est moins connue,elle est
seulementreproduite,dans Le poèteetsonombre, entreles pages 96 et 97.
À la lumière de ce dernieravatar éditorial,on se trouve en face d'un très
intéressantproblème de textualité.Le même textetracé sur une assiette ou
présentdans une page d'un recueil poétique voit son interprétation se modi-
fieravec ce changementde matérialitédiscursive.Comme le dit M. Foucault :

Composéedes mêmesmots,chargéeexactement du mêmesens,maintenuedans


son identitésyntaxiqueet sémantique,une phrase ne constituepas le même
énoncé, si elle est articuléepar quelqu'un au cours d'une conversation,ou
imprimée dansun roman; si ellea étéécriteunjour,il y a des siècles,etsi elleréap-
paraîtmaintenant dansuneformulation orale.Les coordonnées etle statutmatériel
de l'énoncéfontpartiede ses caractères
intrinsèques.(1969: 132)

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En changeantde support,le sens textuelchange. L'énigme-devinettetracée
sur l'assiette confère au texte une situation d'énonciation relativement
interprétable : la questionest attribuéeà l'objetlui-même,beau parce que décoré,
et l'on peut parlerd'une prosopopèe de l'assiettequi fixeune identitédu «je ».
Quant à l'acte de laverl'assiette,il devientun gestedes plus ordinairesaccompli
par celui qui la nettoieet en prend soin, son propriétaire-«maître».On est bien
alorsdans le type(c) de mise en formerépertorié par Ménestrier.

3.2.4. Le texteet l'intertexte


La variationgénérique et le changementde régimede matérialitédu texte
permettentde montrerà quel point la productionet l'interprétation des signes
de la langue sont modifiéespar les choix discursifsengendréspar l'interaction
en cours. L'approche pragmatique et cognitive des genres proposée par
M. Dominicy décrit en ces termes la spécificitédu fonctionnementdu sens
dans le poème isolé dans la page :
Dans les (fragments de) textesoù prédominesoitla modalitéempirique,soitla
modalitérhétorique, redetermination sémantiquese trouvegéréepar des techni-
ques qui ontpour but de se prémunir vagueetde l'indécision
du [...]. Au contraire,
les modalitéspoétiqueet logique se caractérisent, d'après moi,par l'absencede
toutepriseen chargede l'indétermination sémantique.Le résultaten est qu'un
textepoétiqueou logiqueoffre, dès l'abord,l'aspectd'un plus grandisolement par
rapportau réel,etqu'il se prête,parconséquent, à un nombrebeaucoupplusconsi-
dérabled'interprétations. (Dominicy1994: 120)
Sortide son rapportdirectà un réel,le poème des Petitsjustesest d'autant
plus intéressantque son interprétationreste énigmatique. En fait,la réponse
proposée comme explication du vers 1 par le vers 2 augmente l'opacité du
texteau lieu de la clarifier.Face à cet hermétismepropre au genre de la devi-
nette,la lecturene peut s'opérer avec l'aide de la seule compétence linguis-
tique et du systèmeinterneconstituépar la suite de signes (lecturecentripète).
La mise en action de la mémoire discursive,c'est-à-dired'une lecturecentri-
fuge,attentiveà la présencedans le texted'un intertexte, est indispensable.
Une première lecture possible passe par un script social. Le rôle de
« maître » transformele statut de « je » soit en esclave, soit en animal de
compagnie. J.-Ch.Gateau (1994 : 73) rapporte que, selon des familiers du
poète, il s'agiraitd'une petitechienne.Dans ce cas, par prosopopèe hypocoris-
tique, le maître lui-même prêterait à l'animal femelle la question qu'il
(re)formuleet louerait autant la beauté de la chienne que les soins de son
maître.On retrouve là une modalité de base de toute question rhétorique:
permettreune assertion (affirmerl'extrêmebeauté de « je ») sous le couvert
d'une question posée. Cette interprétationrevient encore au type (c) de
Ménestrier.Il y a bien prosopopèe dans le cas de la chiennequi parle. Il n'y a,
en revanche,formede langage hypocoristiqueque dans le cas du maîtrequi
parle à la place de son chien.

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Mais nous sommes placés, avec ce poème, dans une autreconfigurationdu
sens possible, celle de la modalité sémantique de Г« évocation» dans laquelle
M. Dominicy voit une possible définitionde la relationau monde qu'instaure
la poésie : « La relationau réel n'est pas de l'ordre du descriptif(où il s'agit de
provoquer chez le récepteurla formationd'une représentationmentaleencore
épisodique), mais de l'évocatif: comme le mot simple, comme l'adage ou le
proverbe,l'énoncé poétique prétend susciterl'émergence d'une représenta-
tion prototypique déjà disponible » (1997 : 710). Dans sa mémoire à long
terme,le lecteur peut aller chercherle souvenir de lectures ou de filmsqui
décriventles relationsstéréotypéesd'une esclave et de son maître.
De son côté, le récepteurd'un poème, lorsqu'il a identifiéla « modalité
sémantique» à mettreen œuvre,se laisse guiderpar les indicationsdu texteau
momentd'explorer sa mémoireà longterme.Renonçant à construiredes représen-
tationsépisodiquessuffisamment il
opératoires, tentera donc de retrouver des
représentations et d'éprouver,
déjà présentes, par là même,le plaisiresthétique lié
à la reconnaissance de ses propresdispositions
émotionnelles et cogniti
ves. En ce
sens,la questiondes genresrejointune interrogation plus fondamentale ; car il
s'agit,en fin de de
compte, comprendre pourquoi nous ne pouvons fonder notre
compréhension du réelet notreintégrationsocialeque par l'entremised'activités
« ludiques» dontles règles,apparemment gratuites,nous aidentà partageret à
perpétuer la plupartde nosreprésentations.(Dominicy1997: 727)
De cettereprésentation en mémoiredes relationsentremaîtreet esclave,tout
lecteurpeut inférerqu'il est surprenantque le maîtrelave lui-mêmecelle qui
devraitl'êtrepar elle-mêmeou par des serviteursà la rigueur.La beauté posée
par l'intensif« si » commeextrêmeseraitainsi expliquéepar le renversement des
scripts actionnels sociaux mémorisés
comme des étatsdu corpssocial.
Cette lecture, cohérente au vu des représentationsen mémoire, voit sa
subversion des scriptsadmis renforcéepar un intertextecomplexe. Pour que
cette convocation non plus de grands stéréotypes mais de référentsplus
concretsopère,il fautadmettrele principedialogique de Bakhtine:
Pourla consciencequi viten lui,le langagen'estpas un systèmeabstrait de formes
normatives mais une opinionmultilingue surle monde.Tous les motsévoquent
une profession,un genre,une tendance,un parti,une œuvreprécise,une généra-
tion,un âge,un jour,uneheure.Chaquemotrenvoieà un contexte ou à plusieurs,
danslesquelsil a vécusonexistence socialementsous-tendue.(1978: 114)
La sectionqui précède Les petitsjustes(Mourirde ne pas mourir)comportede
nombreusesréférencesreligieuses(poèmes intitulés«Bénédiction» et «Silence
de l'[d'] évangile »). Sous l'influencedes connotationsbibliques du titre(les
«justes») de la section,le lexème «maître» et l'actionde laver les pieds prêtéeà
ce dernierpeuvent apparaîtrecomme un écho de l'Évangile de Jean13 (1-20),
c'est-à-direde l'épisode au coursduquel Jésuslave les pieds de ses disciples:
[...] (12) Aprèsleuravoirlavé les pieds,Jésusrepritson vêtement, se remità table
etleurdit: « Comprenez-vous ce que je vous ai fait? (13) Vous m'appelez"Maître"

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et "Seigneur", et vous avez raison,carje le suis. (14) Si doncmoi,le Seigneuret le
Maître, je vous ai lavé les pieds,vous aussivous devezvouslaverles piedsaux uns
et aux autres.(15) Jevous ai donnéun exemplepourque vous agissiezcommeje
Tai faitpourvous. (16) Oui,je vous le déclare,c'estla vérité: un serviteurn'estpas
plusgrandque sonmaîtreetun envoyén'estpas plusgrandque celuiqui l'envoie.
(17) Maintenantvous savez cela ; vous serez heureux si vous le mettezen
pratique.»[...]
Ceci ne permet pas de résoudre l'énigme de l'identité du JE du premier
vers et la question qui porte sur l'intensité de sa beauté. La mémoire peut
cependantopéreravec un souvenirconfondudepuis l'époque médiévale avec
un autre texte évangélique, celui de Luc 7 (36-50). Épisode qui relate la
présence de Jésus dans la maison de Simon le pharisien. On se souvient
qu'une « femmede mauvaise réputation» mouille de ses larmes les pieds du
Christ,les essuie avec ses cheveux et répand le parfumsur eux. Le Christdit
alors :
[...] (44) Puis il se tournaversla femmeet dità Simon:«Tu vois cettefemme?Je
suisentrécheztoiettune m'aspas donnéd'eau pourmespieds; maisellem'a lavé
les piedsde ses larmeset les a essuyésavec ses cheveux.(45)Tu ne m'as pas reçu
en m'embrassant ; maiselle n'a pas cessé de m'embrasser les pieds depuisque je
suis entré.(46) Tu n'as pas répandud'huilesurma tête; mais elle a répandudu
parfumsurmespieds.(47)C'estpourquoi,je tele déclare: le grandamourqu'ellea
manifesté prouveque ses nombreux péchésontétépardonnés.Mais celuià qui l'on
a peu pardonnéne manifeste que peu d'amour.» (48) Jésusditalorsà la femme:
« Tes péchéssontpardonnés. » (49)Ceuxqui étaientà tableaveclui se mirent à dire
en eux-mêmes : « Qui est cethommequi ose mêmepardonnerles péchés? » (50)
MaisJésusdità la femme : « Ta foit'a sauvée: va en paix.»
Cette intertextualité externe expliquerait le fait que le « maître » se
comporte comme un/e serviteur/servante. Il relie le laver au rituel de
l'accueil et même à l'amour porté à autrui,le lien potentielmaître-esclaveest
dépassé par le geste du Christ. La beauté de celle qui dit « je » est-elle à la
mesuredes péchés remis? Dans cetteperspective,on voit que le sens caché de
l'énigme s'éloigne de la devinettefamiliale.
Dans la lecturepoétique, la mémoireencyclopédiqueest amenée à restituer
des pièces supposées manquantes dans le but de boucher,autant que fairese
peut, les trous du sens. Cette opérationd'ouvertureintertextuelle peut égale-
mentse faireen directiondu corpus intertextueléluardien. Dans une circula-
tiondu sens internecettefoisà la poésie d'Éluard, il est tentantde rapprocher
notre poème d'un texte de Capitale de la douleur,intitulé « La parole ». Le
premieret le dixièmevers de ce poème présentent,d'une part,une collocation
des lexèmes «beauté /belle» et «parole» et, d'autre part,une prosopopèe qui
livreune identitépossible du pronompersonnelsujetde notretexte:
LAPAROLE
J'aila beauté
facileetc'estheureux [...]
Jesuisvieille
maisicije suisbelle[...]

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Dès lors, le « maître» de la parole pourraitbien être le poète et la parole
ainsi « lavée » le serait, à la manière du travail d'un Francis Ponge, par le
travail de l'écriturequi lave la langue des usages antérieurspour la rendre
esthétiquement« si belle »7.
Il serait également possible, par exemple, de convoquer le court poème
XVII de L'amourla poésie:
D'uneseulecaresse
Jetefaisbriller
detouttonéclat.
Par ce lien intertextuellaverseraitrapprochéde caresseret la beauté de
/briller
toutson éclat apparaîtrait comme la conséquence d'un geste amoureux qui
n'était pas manifeste dans le poème des « Petits justes ». En prenant ici la
parole, le « maître» met le verbe poétique et l'amour dans un rapportque ne
cesse de construirela poésie éluardienne.

3.2.5. Lirele poème comme langage énigmatique


Le genre de l'énigme-devinetteavec lequel Éluard joue renvoie à un effet
herméneutiquetrès général: « l'embarras de l'interprète» (Charles 1981 : 28).
A la différencede la devinette,la même descriptions'applique à des référents
nombreux (petite chienne, assiette, personnages des Évangiles, logos
poétique). Compétence linguistique et compétence mémoriellecoopèrent au
décodage dans la mesure où la lecturepeut êtredéfiniecomme beaucoup plus
que la simple (re)connaissancede la langue d'une suite linguistique.Lire,c'est
convoquer transtextuellement des souvenirs de lecture,de textesgénérique-
ment apparentés d'abord, mais également des souvenirs de textesdifférents,
d'époques différentes, de provenancesvariées (non exclusivementlittéraires).
Cette mémoire à la fois trèsindividuelle et socialementsurdéterminéeinter-
agit en permanenceavec la compétencepurementlinguistique.Si la mémoire
du code est indispensableet la mémoire(inter)textuelle optionnelle,elles n'en
sont pas moins coprésenteset activablesensemble ou à la suite. Si la thèse de
Bakhtineest juste, les signes apparaissenttoujoursavec les souvenirsde leurs
emplois textuels antérieurs,donc avec une intertextualité/interdiseursivité
constitutive,propre à une formationdiscursive et à un individu particulier.
De ceci découle une théoriede l'interprétation des textesénigmatiques:
Auxprisesavecdes texteslittéraires opaques,il seraitdoncpossiblede proposerun
moded'analyseintertextuel fondésurdes restrictions gouvernées par une compé-
tencecitationnelle et
encyclopédique chargée de rétablirune lisibilité
dans des
énoncésdensifiés,brouillésou sémantiquement nonorientés. (Thomas1981: 114)
À la suite de J.-J.Thomas, on peut dire que « lors du commentaire des
textes opaques, l'indécidable entraîne la constitution d'un appareillage

7.C'estégalement
cequesuggère Gateaudanssoncommentaire
Jean-Charles durecueil
d'Eluard
(1994: 73).

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critiquesupplétifqui ne peut êtrequ'intertextuel» (1981 : 125). Notre exemple
nous a montré,d'une part, que le style est tout entierpris dans la textualité
mais, d'autre part,qu'une analyse textuellene peut se limiterà la clôturede
l'énoncé. Traverséde forcescentrifuges, touttexteest ouvertsur une transtex-
tualitégénérique et intertextuelle que conceptionbakhtiniennedu discours
la
éclaire. Le principe dialogique s'applique, quoiqu'en dise Bakhtine,parfaite-
mentà des textespoétiques du type de celui d'Éluard. On ne peut donc isoler
le faitde style du fonctionnementcomplexe d'un texte contextualisable de
diverses façons. La densité des réseaux de sens est telle que la pièce étudiée
est interprétableau niveau trivial de la devinette familiale (anecdote de la
petite chienne) ou de la devinetteinstrumentalela plus ordinaire (assiette à
laver), mais aussi de l'énigme à connotationreligieuse.Le styleest ainsi tota-
lementdépendant de la co(n)textualisationdes énoncés.

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