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Les Argollautes
du Pacifique
occideiltal
T1ADUlT DL L’ANGLALS
ET PILESENTE
PAll ANDIIE ET SIMONNE DEVYVER
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Titre original
AUGONAUTS OF THE WESTEflN PACIFIC
par to capitaine F. Barton, vi. C. &. Sell- dana Transariion., of the B, Society of
gnian, 7/ic 3ielane,ions of British New S Australia, 1915; chap. Iv, 4, p. 612 a
Guinea, CambrIdge, 1100, chap. viii. 62fl.
1. Cl. The iiaitu par B. Malinow,ki, 2. Op. cit., chap. xi.
Sufet, met/jade et but de cette enquCte 5g
I
6o Les Argonautes du Pacifiquc occidental
clans los récits des indigenes et clans Ic kaleidoscope de In vie
iribalo — ci l’cxposC ultime et apodiclique des rCsullats, il
y a souveni tine distance énorme i parcourir. Abolir cetle
distance est ‘a lâche qui incombe Ii l’ethnographe au cours
des annCcs lahorieuses qui sCparent l’heure on, abordant sat
tine nyc indigCne, ii lente d’entrer en contact avec les ltabiiants,
de l’Cpoquc on ii couche sos conclusions sur e papier. Un bref
aperçu de ces tribulations, idles que je les ai moi-mCme vCcues,
éclairera cc point mieux sans douie quc ne Ic ferait un long dCbat
abst rait.
Hi
j
•F Sujet, mdthode et but do ceue enquéte
1. Se dais dire, Ra,is plus attendre, quil hancock aux Trabriand,; M. flalTeel
y avait quelques agréables exceptions, Drudo, suer, marciland da perle,; et I,
pour no mentionner quo mes amb Dilly missionnaire, 51. M. K. Gilmour.
Sujet, methode et but de cette enquête 63
‘V
t’0quo liahiluello,
1 Otlinograplijo pour j lag résultats
‘omploio Ia tormo l’liommo, oL In owL dotlinologlo pour Ins
empi— thôorias speculatives ot comparatives.
a
I
ii •
66 Les Argonautes dci Pacifique occidental
Le concept d’animismo a remplacê colui de fetichisme et
de c cWte dCmoniaque , termes sans signification aucune.
L’inteiiigence des systCrnes do elassements par liens de parentC
modernes 5cr Ia
a ouvert Ia voic aux brillantes reeherches
ç S sociologic indigCne dues a l’ecole de Cambridge. Des résultats
/ des rCcentes expeditions allemandes en Afrique, en AmCrique
‘V tin Sud ot clans Jo Paciflque. los analyses psyehologiqiies des
7 penseurs allemands ont tire uno moisson abondante do ron
seignements do valour, tandis que les ouvrages thCoriques do
Frazer, do Durkheim, etc., inspirent — et continueront sans
doute longtemps encore d’inspircr — les savants so livrant au
travail pratique, les orientant vers de nouvelles conclusions.
Sur place, Ic ehercheur s’appuie sur Ia theorie ci y puise sos
idées. Bien entendu, ii peut Ctre iui-mCme un penseur et un
thCoricien, et dans cc cas ii trouvo on liii son propre aiguillon.
Mais les deux fonctions sont distinctes, et dans I’Ctat actuel
do Ia rechercho cUes doivent Ic demeuror, tant an point de vue
des périodes que l’on consacre nu travail quo des conditions
dans lesquelles eelui-ei s’eflectue.
A l’instar de cc qui so passe toujours quand l’investigation
scientifique pénèfle clans Un domaine jusqu’alors hvrC a Ia
seulo curiositC des amateurs, l’ethnologie a introduit des rCgles
et de l’ordre dans cc qui sembinit chaotique et dCpourvu de
sons. Ce monde surprenant, primitif a indCehiffrablo des
sauvages , die Pa converti pour nous en un certain nombre
do communnutés bien ordonnecs, soumises a des rCgiementations,
so comportant et pensant scion des principes logiques.
Queue quo soit l’nssociation d’idees a laquelie ii aft Pu donnor
lieu a l’origine, cc soni des notions do liherte absolue, de corn
portemont anormal avee quolquo chose d’extraordinaire et de
bizarre a i’extrCmc, qu’Cvoque 00 mat do t sauvage n. Beau-
coup do gens s’imaginont quo los indigeecs viveni au scm do
Ia Nature, a peu prCs comme us Ic dCsirent et comme us le
peuvent, en proie a dos croyances fantasmagoriquos ot Ii dos
craintes folios. La science moderne montre quo leers insti
tutions socialos ont au contraire uno structure bien precise,
qu’elles sont soumisos a uno autoritC, a des conventions et des
lois pour tout cc qui rogarde los rapports publics ci privCs,
Landis quo ees dorniers sont, do surcroit, commandCs par dos
liens do clan ot do parenté oxtrCmoment complexes. En fait,
nous voyons los indigCnos ompCltCs clans un réseau do devoirs,
fonctions et privileges, qui correspond a une organisation tribalo,
communautaire et familiale trés complete (voir P1. IV). Leurs
croyancos et pratiques ne sont pus dCpourvuos d’une cortaine
coherence; leur connaissanco du monde extCricur suflit a los
r Sujet, mdthodo et but do cotta enquêtc 6;
guidcr dans Ia plupart do Icurs cntrcprises et activitCs, toujours
meflCOS avoc vigucur. Quant a leurs productions arlistiqucs,
P elks no manqueni ni do signification ni do bcautC.
Qu’il y a loin do Ia rCponse famouso faite jadis par cc fonc
L tionnaire qui, inLerrogC sur los us ci coutumes des indigèncs,
yepliquaii Aucunes maurs, maniCros bostiales o, ii in position
dc l’ethnographo moderno! Celui-ci, avec sos tables do tcrmos
do parontC, sos gCndalogios, sos croquis, plans ci diagrammcs,
prOUVO l’existence d’une forte et vaste organisalion socialo,
etablit Ia composition do Ia Lribu, du clan, do Ia famille; ot ii
nous brosse un tableau d’indigénes assujottis it nfl code strict
do conduito et do bonnos maniCres, a cOtC duquci in vie ii Ia
Cour dc Versailles ou h 1’Escuriai apparait commo libro ci
facile’.
Par consequent, l’ideal premier ci fondamcntal du tra
vafl othnographiquo do pkin air est do donner un plan clair
ct coherent do in structure sociale ci do dégager du fatras des
bits los lois ot les normos de toils los phenomenes culiurcls.
La charpento sohdo do in vie tribalo dolt Ctre, on premier lieu,
etalihe. Cci ideal exige avant tout qu’on so livro a une étude
complete des phCnomCnes, ci non pas it une rechercite du son
lU satiOnnel, do l’original, encore moms do l’amusant et du bizarre.
Cs
I.e temps n’est plus oft i’on pouvait admettre des rCcits nous
dCpcignani I’indigèno comme une caricature grotesque, cuban
tine, do l’Ctro humain. Pareil tableau ost inexact, et comme
ire
beaucoup d’autres choses faussos, ii a etC detruit par In Science.
L’ethiiographc travaillant sur place so doii de dominor, avec
patience ci sCrioux, i’ensezuble des phCnomènes dans chacun
LOP
des dornaincs de Ia culture tribale Ctudiée, en no faisant aucune
at-
difference entre cc qui est banal, tome ou normal, ci cc qui
do Ctonne ci frappe outre mesuro. Par Ia memo occasion, au cours
do in recherche, Ia culture inhale dans son iniegmalité ci goes
do tous sac aspccts doit Ctre passéo an criblo. La structuro, Ia Ioi
ci Ic principc rolevCs dans chacun do ces aspects doivent alors
ICS
Cite rapportCs it un soul grand onsomblo cohCront.
Un eihnographo qui conimcnccrait par n’Ctudior quo Ia
religion, ou Ia technologie, on I’organisation sociale, sCpare
es,
I. La lOgesidoire flu ontO • do jo,iis,
I OS 101 no voyalt dons its in,ligOues quo dci
conduits par Icon se,,l, instinci, et pen—
chant,, on prois a dos passions eltrénoos •
iii otres boitsaux et sans mwurs, ost clOpassOo San, Iota, init,mai,,, ot sauvagos
par tin auto,,, moderns :1 1,ropos do, Un,, uncut asissi monoissontale ‘Hr 10
irs Mas.stn do Sn,] eve,: Ie,ols ii a vOcu et vO,cthbiu Otct des chose, no sisurait être
1 travasllO i en cuiilact êtroi t.po odant do imagines, mOms par q,si enrolL l’i,,tention
LeO, flOmh,reu 9 Cs ounCes, dCcla re • N,,,,s Oust,]— tie porodier It p,, it do vet Inissionnaire.
gum,, A cc, I,om,nes aans Tnt, A devvntr
obd,ase,,t,, A cc, liommes ,nI,umains A 01CC d’opr&s to itOv. C. liv. kiwi, cit It
almo,
London Missionary SocieLy, Sa,’oge Life
i no CC, honimos sa,,vages A so clvi.
ls5,r. I EL ones, Fe in Nc,,’ Gs usda, sat,, cli Is.
los , Gui,] Os lass, iescr
68 Les Argonautes du Puct,ique occidental
wit de façon artificielle un domaine do i’enquête, et se verrait
sCncusement handicape dans son travail.
vi
ns-nous
AprCs avoir CnoncC cette régle trCs generale, attacho
parlicu liCres. Nous venons
a des consideration s do mCtho de plus
stir place a pour devoir
do dire quo l’cthnographe travaillant
los consta ntes do Ia vie de In tribu,
de relever los regles et mie
est perman ent et fixe; do recons tituer l’anato
tout cc qui ces
do sa sociCl C. Mois
de sa culture, do préeiser Ia composition sont
sont cristail isCcs et Men Ctahlie s, no
chases, même si cites
Cent et
nulle part formuldes. U s’agit d’un code do lois non
Ia traditio n tnibale comine
non explicite, et l’ensemblc do
structu re sociale se trouve nt enferm Cs dans Ic
l’ensemble de Ia
n. Mais cc n’esL
plus insaisissabic des matCriaux : l’étre humai
es qu’on
rnCme pas dans l’esprit ou Ia mCnioirc des homm
nettcm ent expnim Ces. Exacte mcnt comme
trouvera ces lois
sans Savoir
us obéissent h leurs instincts at Li leurs impulsions,
indigCnes
pour cola étabhr une scule Ioi de psychologie, los
pouvo ir do contrai nte et aux obliga tions dii code
se plient nu
institu tions izadi
tribal sans los comprendre. Los normes des
atique de I’intera ction des forces
genes sont Ic rCsultat autom
du milieu.
montales do Ia tradition ct des conditions matCnielles
nque institu tion
Do mCme quo Ic simple membre d’une quelco
qu’il s’agisse d’un Etat, d’une Eglise ou d’une
moderno —
-‘ii
/‘
Los Argonautos du Paciflque occidental
croyances qui s’y rapporient. La rCponse a mon problem0
I
I abstrait pouvait alors s’obtenir en tirant In conclusion gCnérale
de l’ensemblc des ens; cc procédé est illusLrC flux chapitres xvii
et xviii ‘. II ni’est impossible d’entrer plus avant dims Ia discus-
4. sion de cc problCme gui entrainerail des distinctions supple
mentaires, comme, par exemple, Ia difference gui exisle entre
an Lahleau do donnCcs concretes, réclles, telle une gCnCnlogie,
et un tableau rCsumant les lignes génCraics d’ne coutume on
d’une croyanee, comme dolt Cisc celui du système magique.
Hevenant une fois de plus a in question de l’honnutete
methodologiquc, discutCe déjà ii in division ii, je desire indiquer
id quo Ic procCde do Ia presentation concrete ci elassée des faits
dolt s’appliquer d’abord aux propres pièces fi conviction do
I’ethnographe. C’est dire qu’un ehereheur, gui veut qu’on liii
fasse confiance, doit presenter do façon claire, concise, et
sous Ia formo d’un Mat. les observations personnelles direcies,
d’une part, les informations indirecies qui Ctayent son exposé,
de l’autre. Le sommairc qui suit illustre cetto maniCre d’opCrer
et aidera Ic lecteur de cc livre a se faire une opinion sur Ia crCdi
bilitC de chacune des affirmations qu’ii souhaiternit spéciale
ment verifier. Ce tableau et les nombreuses rCfCrences dispersCes
tout an long de l’ouvrage, destinCs a montrer comment, dans
quelles circonstances ci avee qucl dcgrC d’exaetitude, je suis
parvenu a connaitre un detail donnC, pcniietlront, je l’t’spCre,
de jeter une pleine IumiCre sue cc qui constitue les sources du
Iivre.
11
1
vi’
H
lus vateurs non qualifies, it noter des details d’unc maniCre super-
76 Les Argonautes dt Pacifique occidental
licielle. Et e’est in raison pour laquelle ic travail des hommes
do science, pour peu qu’fls s’atteiicnt sCrieusement 3 l’etude do
eeL aspect de Ia vie primitive, donnera, j’en suis sür, des rCsul
tats dune valeur jamais atteinte. Jusqu’à present, seuls des
amateurs ont cruvrC en cc sens, et c’est pourquoi, dans l’en.
somble, cc fut aussi mediocre.
En effet, Si Ofl so rappcllc quo ces impondCrables, tous déjà
ClCmcnts importants de Ia vie recite, constituent une part de Ia
substance veritable de t’Cdificc social, qu’en cux se tissent los
Ills innombrables qui maintiennent Ia cohesion de Ia famille.
dii elan, de Ia communautC vitlageoise, de In tribu — leur
signification apparnit en toute clartC. Les liens les plus solides
du groupe social — rites bien prCcis, devoirs Cconomiques ot
civiqucs, obligations, cadeaux cCrCmoniels et marques exté
rieures de respect — tous également captivants pour le eher
cheur, ne revCtent certes pas un intérCt aussi aigu pour l’individu
qui ‘Cs assume. Appliquons ceci Li nous-mCmes. Nut n’ignore
cc que la vie do famille reprCsente a nos yeux:d’ abord et
avant tout, l’atmosphCrc du home, les innombrables menus
gestes ci attentions par lesquels s’exprimcnt l’affection, I’inté
ret mutuel, les petites prClCrences et les petites antipathies,
qui forment l’intirnitC. Que nous puissions hCriter d’une per
sonne, que nous ayons 3 suivre Ic corbillard d’une autre, cc
sont là des faits gui sociologiquement relèvent de Ia definition
de famille ii ci de svie lamiliale s, mais qui dans Ia perspective
de cc que Ia famille reprCsente vraiment pour nous, ne ligurent
en gCnCral pas au premier plan.
Cette remarque vaut aussi pour une communautC indigCne,
F et si I’ethnographe entend donner 3 ses lecteurs une idCe de Ia
vie rCelIc, ii ne saurait sous aucun prCtexte faire abstraction
do telles donnees. Aucun aspect intimc tout autant que legal
no dolt Ctre laissC dans l’ombre. Or, ic plus souvent, ics comptes
rendus ethnographiques ne developpcnt pus ces deux aspects
ii in lois, mais soit l’un, soit l’autre — et, jusqu’ici, Ic cOtC
intime a etC Li peine traitC comme ii convient. Dans tous les
rapports qui s’Ctnblissent en dehors du cadre de Ia famille —
A]
Sujet, methode et but do cette cnquêtc 79
VIII
ix
I
I
82 Les Argonautcs dcc Pacifiquc occidental
do comprendre sa vision do son monde. Nous avons a Ctudier
l’hommc et ce qui Ic touche au plus profond de Iui-même,
e’est-a-dire que nuns devons étudier Ia prise quo Ia vie a sur
Dans chaque culture, les valeurs divergent qucique peu; ‘Cs
gens aspirent a des huts differents, suivent des impulsion5
differentes, souhaitent une forme differente de bonheur.
Dans chaque culture, nous trouvons des institutions different05
grace auxquelles l’homme defend ses intérCts vitaux, des
coutumes diffCrentes par quoi ii realise ses aspirations, des codes
do lois et de morale différents qui rCcompensent sos vcrtus
et punisseut ses mutes. Analyser ics institutions, les coutumes
et les codes vu se pencher sur Ic comportement et Ia iiieriuditc.,
sans Ic désir subjectif do prendre conscience de cc gui aninie
les gens, do saisir Ia raison profonde de leur joie de vivre _..
-J