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CL:

Les Argollautes
du Pacifique
occideiltal
T1ADUlT DL L’ANGLALS
ET PILESENTE
PAll ANDIIE ET SIMONNE DEVYVER
1 i PA C E
BE SIR JAMES FIIAZER

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Titre original
AUGONAUTS OF THE WESTEflN PACIFIC

Tous drafts a reproduction, tiaduptatian et a fraductiou


rdservés pour bus pays y compris I U.R.S.S.
0 igG3, Editions Gallirnard.
INTflOD UCTIOr4

Sujet, mithode a but de tate enquête

Los pouplados cOtiCros des lies du Pacifique sont, it do rares


I
I e%ceptIOflS prés, ou éiaient avant do s’eteindro, composéos do
warms a do commerçants avisés. Plusieurs donire cites oni
condu d’excollents types do pirogues de haute mor, dont cites so
gervalent pour entrepreudre do lointaines expeditions merean
tiles, des razzias ou dos guerros do eonquéie. Los Papous mCla
nésiens, qui habitent Ia côte do Ia Nouvello-Guineo a los arehi
pets environnants, no font pus excoption h cette rCglo. II s’agii,
en general, do navigateurs hardis, d’artisans actifs et d’habilos
marohands. Los centres manufacturiers d’articies essentiels
conirno in vaissefle do torre, los mails de pierre, los canoes, los
belles vanneries, los parures prCciousos, so trouvent localisCs
en divers endroits, solon los aptiludes des habitants, los tradi
turns tribales transmisos de gCnCration en gCnCration ci ics
faeilit.Cs particulieros offortos par Ia region; c’est pourquoi ils
font do longues randonnCos pour lour commerce, accompiissant
parfois plusicurs containes do mules.
Certaines formes prCcises d’echange, lo long do routes corn
merciales Lien dalinics, Sc sont crCéos ontre ics diverses tribus.
Un type do trafic intertrihal, trés romarquable, met on rapport
Icr Motu do Port Morosby ci los tribus du golfo de Papouasio.
Los Motu parcourent en mer des centainos do mules daiis de
lourds canoes, peu maniables, appolés lakatoi, pourvus do voiles
caractCristiques en forme dc pimice do orabe, Aux Pupous do
golfo, ils apportont do Ia potorie, des orncmonts en coquillagos
— autrcfois, dos lames do pierro pour obtonir en contropartio
.—

du sagou a de gros troncs d’arbros crousCs on piroguos, qu’ils


utilisont alors pour construiro leurs propres canoCs lakatoi 1•
• I. Leo h(ri — nom dnnné
ditio,is, Cii Ieiigue Motu
a coo cxpó. avoc on grand lure ia cléLafla et lionti—
— unt et6 detritus coup ([C etartu duets [us [[gnus guttéraics
58 Les Argonautes dii Pacifique occidental
Plus loin a l’Est, sur Ia côte méridionaic, vivent los Mailu,
people laborieux ct navigatcur qui, par sos expeditions corn
merciales annuelics, Ctablit une chaine do contacts entre Ia
Nouvelle-Guinèe oñentale et les tribus do In côte centrale .
Enfin, los indigènes des lies ot des archipels dissemines autour
de Ia Pointe Est, sont en relations d’affaires constantes los tins
avec los autres. Avec l’ouvrage du professeur Seliganan, nous
disposons la-dessus d’une exceliente étude, surtout en cc qui
concerne los routes commerciales los plus directes entre los
différentes lies hahitees par les Massim du Sud . Toutefois,
ii existe un autre système d’Cchange, très etendu et fort
complexe, qui, avec ses ramifications, intCresse non seulement
les lies proches de Ia Pointe Est, mais aussi les Louisiades,
l’ile Woodlark, l’archipel Trobriand et Jo groupe d’Entre
casteaux; H pCnètre méme it l’intCrieur do Ia Nouvellc-Guinee
et exercc tine influence indirecte sur piusieurs districts eloi
gnés telies Pile Rossel et certaines regions des côtes septen
trionale et mCridionaie de ‘a Grande lIe. C’est cc système
d’Cchange In Kula
— quo je mc propose do decrire dans cc

livre, et on verra qu’il s’agit d’un phCnomène économique


d’une valeur théorique considerable. II parait exercer une
action profonde sur Ia vie des indigenes qui y participent, et
eux-mêmes ont pleine conscience de son importance, car leurs
idCes, Icurs ambitions, leurs desirs et leurs vanitCs en dépen
dent dans une large mesure.

Avant do procCder it Ia description do Ia Kula, ii serait bon


do dire un mot des méthodes a appliquer pour rCunir des
matCriaux ethnographiques. Dans n’importc quelle branche
du savoir, les rCsultats do Ia recherche scientiflque doivent
étrc présentCs do facon tout a fait probe et sincere. Nul ne
songerait it apporter une contribution scientifique dans Ic
domaine de Ia physique ou do in chimie sans fournir un rapport
détaillC sur l’ensemble des dispositions prises mrs des expé
riences; un inventaire exact do l’appareillage utilise; un compte
rendu de Ia maniCre dont les observations ont etC pratiquCes;

par to capitaine F. Barton, vi. C. &. Sell- dana Transariion., of the B, Society of
gnian, 7/ic 3ielane,ions of British New S Australia, 1915; chap. Iv, 4, p. 612 a
Guinea, CambrIdge, 1100, chap. viii. 62fl.
1. Cl. The iiaitu par B. Malinow,ki, 2. Op. cit., chap. xi.
Sufet, met/jade et but de cette enquCte 5g

• leur nombre; du laps do temps consacrC; du degrC d’appro


.paLiOfl prCvu pour chaque mesure. Dans los sciences moms
11151)
om-
actc comme Ia biologic ci Ia geologic, on ne pout travailler
3 Ia °55 rigourcusement, mais
chaque savant so doit do faire
.e .
a10 au lecteur Ia façon dont les recherches ci los expé
our ont Cté menCcs. En ethnographic, on un exposé honnCte
Uns
Ic telles données est peut-Ctro plus indispensable encore, on
consta, hélas! quo, dans Ic passé, on s’est en general montrC
OUS

avare do précisions et que, loin do s’attacher a nous dire


qui
les 0uvert0mdtt comment ils ont abouti, heaucoup do chorcheurs
xil ljvrer Icurs conclusions toutes mites, sans non
oct
nOUS dCvoiler do lour genCso.
ent II serait facile do citer des ouvrages do grand renom, marques
los, dii sceau do Ia science, oü dos generalisations sans nuances
bce- nous sont offertes, sans que nous soyons informCs des expC
afte nicflces réelles qui ont permis do conclure. Aueun paragraphe
t chapitro n’ost consaerC a décriro los circonstances dans
Ioi-
en- Jesquclies s’offectuerent los observations et Li dire oü los docu
me meats furent rassemblés. J’estimo quo seules possCdent uric
cc valour scientifique los sources ethnographiquos oü ii est
loisible d’opérer Un net depart entre, d’un côtC, los rCsultats
inc de l’etude direete, los données et interpretations fournies par
et los indigCnes, ci do l’autre, los deductions do l’auteur basées
urs sur son boti sons et son flair psychologique En realite, un
.

en- sommaire tel To tableau donne plus loin (div. vi do cc chapitre)


doit êtro bien mis en evidence, afin quo, des I’abord, on puisse
evaluer avec precision Ia part do connaissanco personnelle
qui ontre dans los faits rapportCs par l’auteur, ot so faire uric
idCc do Ia façon don’t los renscignements ont Cté obtenus des
indigCncs.
Du roste, dans Ic domaine do Ia science historique, nul no
pout s’attcndro Li être pris au sCrieux s’iI fait mystèro de sos
on sources et parle du passé comme s’il Ic connaissait par divi
los nation. L’othnographo ott a Ia fois l’historien et son propre /
he chroniqueur; sos sources sont aisCmont aocessiNes, muis dies
nt so rCvelent complexes et insaisissables au supreme dogrC;
no plutOt quo do documents materiels bien definis, ii lui faut
Ic partir do souvenirs ot do comportements d’etres vivants. En
)rt ethnographic, entre Ic matCriau brut do l’observation tel —

qu’iI so prCsento au eherchour dans sos propres observations,


)te
1. A propoe do cello question do me— Ia distinction mitre l’infCronco ot l’ob,er—
iliade nous sommes redevables C l’Lcole vation ost toujoure nettoment établio 00
d’antliropologio do Cambridge dune ou Pan pout fort bien eo rendro compto
facon vraimont ociontifique do trailer Ic doe condiLions dans losqisollos is travail
Problàme, CiLons plus epecialomosst Ic, a eLC monC.
écrits do Ifaddon, Itiven et Seligman, aCi

I
6o Les Argonautes du Pacifiquc occidental
clans los récits des indigenes et clans Ic kaleidoscope de In vie
iribalo — ci l’cxposC ultime et apodiclique des rCsullats, il
y a souveni tine distance énorme i parcourir. Abolir cetle
distance est ‘a lâche qui incombe Ii l’ethnographe au cours
des annCcs lahorieuses qui sCparent l’heure on, abordant sat
tine nyc indigCne, ii lente d’entrer en contact avec les ltabiiants,
de l’Cpoquc on ii couche sos conclusions sur e papier. Un bref
aperçu de ces tribulations, idles que je les ai moi-mCme vCcues,
éclairera cc point mieux sans douie quc ne Ic ferait un long dCbat
abst rait.

Hi

Imngincz-vous soudain, debarquant, entourC do tout voire


attirail, seul sur une grCve tropicale, avec, tout a cOté, un vil
lage d’indigencs, tandis quo l’embarcation qui vous a amené
cingic au large pour bientI disparaitre. Puisque vous vous
installez dans un seeteur rCservé aux Blancs, avec pour voisin
tin commerçant ou un missionnaire, vous n’avcz rien a faire
ci pouvez commencer aussiiôt votre travail d’eihnographe.
Imaginez encore que vous soyez debulant, depourvu d’expé
nicncc préalahle, sans nien pour vous guider ni personne petit
vous aider. 11 sc fail quo Ic Blanc est temporaircment absent,
ou bien indisponible, ou pen désireux de perdre son temps avee
vous. Ccci correspond point pour point a ma premiere initia
tion sur 1e terrain, sur Ia côte sud de Ia Nouvellc-Guinee. Se
itic souviens furl bien des longucs visiles que je rendis dons 1es
villages au cours des prensiCres semaines; de ma sensation de
dCsespoir ci d’nccablement après que plusieurs tentaiives,
obslinCes mais vaines, pour entrer en contact reel avec les
indigCnes ou pour rassembler quelque malériau, eurent tota
lement CchouC. Jo connus des pCriodes de découragement au
cours desquelles je me plongcai dons la leciure (IC romans,
tin peu comme un hommo se met it boire sous l’efIet do l’ennui
ci do Ia depression dus au climat tropical.
Jmaginez alors votre premiere entrée dons Ic village, seul
ou en compagnic do votre cicCrone blanc. Quelques indigenes
s’assembleni autour do vous, surtoul s’ils senleni du abac.
D’aulres, les plus dignes et les plus flgCs, restent assis oü ils
sont. Votre compagnon blanc a sa façon routiniCre de traiter I
avec les indigenes; ci puis il ne comprend non — ou s’inlCresse
peu — a Ia maniCre dont vous, en tant qu’eihnographe, vous

j
•F Sujet, mdthode et but do ceue enquéte

entendez les approcher. La premiere visite vous laisse Ic sen


I tinient quo lorsque vous retournerez soul, les clioses so dCrou
:1 leront mieux. Tel fut du moms mon espoir.
Jo revins en temps utile, et bientCt un groupe so forma ailtour
de moi. Quciques compliments CchangCs en pidgin-english,
un petit cadeau de tahac, crCCrent une ambiance d’amabilitC
I 1,1utuelio. Jo m’clTorcai alors do commeneer mon travail. ‘rout
a’abord, j’Cvitai tout sujet susceptible d’evoiller ‘a mCfiance
ci Je me mis ii faire do Ia technologie. Quelques indigCnes
5’oecupaiont a fabriquer I’un ou l’autro objet. Ce fut facile
do les rogarder faire ot d’obtonir los noms des outils et memo
certaines expressions techniques relatives aux procedCs; mais
a cela se borna Ia conversation. II no faut pas oublior que Ic
pidginenglish, dont on fail usage, est wi instrument fort
defcctueUx pour exprimer des idCes, et qu’avanl d’avoir un
bon ontrainement dans la façon de poser sos questions et do
re 0omprendro los rCponses, on éprouve Ia desagrCablo impression
U- quo, par son truchement, une communication sans en[raves
avee los indigCnos no scm jamais possible; en rCalitC, Jo fus
us tout a faiL incapable, au debut, d’engager avee eux 1111 entre
in Lien plus dCtaillC et plus explieite. Jo savais trés bien quo ie
re meilleum remCde consiste a recueillir des donnCes concretes
•e. et, en consequence, j’opCrai Ic recensement du village, Ctablis
les genealogies, dressai des tableaux et enrcgistrai les termes
ur de parentC. Mais tout ccci demeurait matiCre merLe, ne menait
pus bien loin dans l’intolligenee de Ia veritable mentalitC et
cc du comporternent indigCnes, car je no rCussissais pas a obtenir
a- de mes interlocuteurs une explication satisfaisante sur tous
Je ees points, ou is saisir cc qu’on pourrait appeler Ic sons do Ia -‘ie
es tribale. A part quelquos details superliciels du folklore— mutiles
do par l’usago inSvitable do cc sabir — leurs idCes sum la religion
ci Ia magic, ‘ours opinions sur Ia sorcollerie eL les esprits,
os m’Cchappaient absolument.
a- Les renseignemcnts quo je recevais des quclques residents
au Manes do Ia region, pour utilos qu’ils fussoni en soi, so rCvC
is. laient encore plus dCcourageants quo Ic reste, du point do vue
uI du travail que j’avais entrepris. Voilà des hommes qui, ayant
vCcu des annCos sur place, avaiont ou en permanence l’occa
sion d’observer los indigCnos et do leur parlor, ot qui, pourtant,
no savaient a peu prCs rien d’intCrossant sum eux. Comment
pouvais-je done, en quelques mois ou en un an, espCrer los
rattraper Oil los dCpassor? En outre, Ia façon dent mes infer
ninteurs Manes parluient des indigCnos ot donnaiont leur avis,
était, naturellomont, cello d’esprits inexports, pou habituCs is
formuler lours pensCes avec logiquo ot precision. Et pour Ia
I
62 Lea Argonautes du Pacifique occidental
plupart, us étaient, comme ii va do soi, pCnétrés do cos opinions
fausses ot do ces prCjugCs inCvitables chez un individu

moyen engage dans Ia vie pratique, Mt-il administratour,


missionnaire ou commerçant qui rCpugnent tant a ccliii

qui s’effoyce d’aboutir a une conception objective, scientifique


des choses. L’habitude do traitor avec suflisance et lCgCreté
cc qui apparait comme vraiment essentiel a l’cthnographe;
le peu do prix accorde it cc qui constitue it sos ycux un trésor
scientiuique, c’ost-à-dire l’autonomie et in spCcificité des cane
tCres cukurels ci mentaux des indigenos ces traits quo

Von rencontre si fréquemment dans los Cents dos amateurs do


second plan, je los retrouvais dans los propos do Ia majoritC
des residents blancs .

A vrai dire, lors do ma premiere pCriode de recherche ethno


graphique sun In côte sud, Jo no commcnçai a faire quelques
progrCs qu’it partin du moment oil je me trouvai soul thins Ia
region; et, en tout cas, Jo decouvris alors o& reside Ic secret
d’un travail ellicace sur Ic terrain. Qu’est-ce done quo cet
art magique do l’cthnographe, grace auquel ii panvient a
percer it jour Ia veritable mentalitC indigene, a brosser un
tableau authentiquc do l’existenco tribale? Comme toujours, Ic
succès rCsulto do l’application patiente et systématique d’un cer
tain nombre do règles do bon Sons et do principes scientifiques
avérCs, plutAt quo do Ia decouverte d’un raecourci merveil
leux et rapide, permettant d’atteindre sans efforts et sans
/ Ctre
poine los buts escomptés. Ces principes mCthodologiques peuvent
groupCs sous trois rubriques principales; avant tout, bien
/ tifiques, Ic chorcheur doit avoir des visCes rCellement scion-
entcndu,
/ modorne. connaitre los normes et los critèros do l’ethnographic
En second lieu, il doit so placer lui-mCme on bonnes
conditions do travail, c’est-à-dirc, surtout, vivrc loin d’aulres
( un Blancs, au beau milieu des indigènes. Enfin, il lui faut appliquer
certain nombre do mCthodes particuliCres en vue do ras
sembler, d’utiliser et d’arreten sos preuvos. Quclques mots no
k vail
soront pus inutilos sur ces trois fondements essentiols du
‘7I.jaire.sun place, en commençant par Ic second, to plus ClCmen

1. Se dais dire, Ra,is plus attendre, quil hancock aux Trabriand,; M. flalTeel
y avait quelques agréables exceptions, Drudo, suer, marciland da perle,; et I,
pour no mentionner quo mes amb Dilly missionnaire, 51. M. K. Gilmour.
Sujet, methode et but de cette enquête 63

‘V

Conditions propres au travail ethnographique. — Elles consis


tent surtout, nous venons de le dire, a se coupe,’ d’’]TThThtr,
des Blanes et a rester Ic pius possible en contact êtroit avec
les indigenes, ce gui ne peut se faire que si l’on parvient a
camper dans leurs villages (voir P1. I et II). II est très agréable, i
pour les provisions, de disposer d’un pied-a-terre chez
un resident blanc et de savoir qu’on y trouvera refuge en
cas de maladie ou de lassitude de Ia vie indigène. Mais il
doit se trouver suflisamment eloigne pour ne pas devenir un
milieu oct Von vit en permanence et dont on ne sort qu’à des
• heures bien déterminCes pour e faire 1c village n. II ne sera
mCme pas assez proche pour qu’on puisse y aller a tout instant
pour se détendre. Car l’indigène n’est pas un compagnon
• normal pour le Blanc, et après avoir travaillC avec lui plu
sicurs heures durant, regarde comment il cultive ses jardins,
Ccouté le rCcit de quelquc fait folkioriquc, discutC de ses cou
• - tumes, vous avez une grande envie, bien naturelle. de retrou
ver un de vos semblables. Mais puisque vous ne pouvez satis
faire cc desir du fait de votre isolement, vous partez pour une
promenade d’une heure ou deux, et au retour, vous recherchez
tout normalement Ia sociétC des indigenes, comme vous recher
cheriez n’irnporte queue presence arnie, pour pallier Ia solitude.
Et par ces relations naturelles gui se trouvent ainsi crCCes,
vous apprenez a connaitre votre entourage, a vous familiariser
• avec ses mours et ses croyances, cent fois rnieux que si vous
vous en rapportiez a un informateur retribue et dont les comptes
rendus manquent souvent d’intérêt. La reside toute Ia diffC
rence entre des apparitions de temps a autre au milieu des
• indigenes et un contact reel avec cux. Qu’entendre par cc
dernier terme? Pour Pethnographc, cela signifle que sa vie
au village, gui est d’abord une aventure étrange, quelguefois
desagreable, quelquefois terriblement passionnante, suit bien
tot son cours normal en parfait accord avec le voisinage.
Aussitot que je me fus etabli a Omarakana (lies Trobriand),
je commençai h participer, a ma facon, a la vie du village, a
attendre avec plaisir les reunions ou festivités importantes, a
prendre un intérét personnel aux palabres et aux petits inci
dents journaliers; lorsque je me levais chaque matin, Ia journée
s’annonçait pour rnoi plus ou moms sernblable a cc qu’elle
I
64 Les Argonautes d4 Pacifique occidental

aHait êire pour un indigéne. Jo n’avais c1u’à in’arracher a ma


moustiquaire pour voir, autour do mci, los gens commenccr a
s’affairer — a moms qu’lls no fussent, comme cela arrivait, déjà
fort avancés dans leur tuche quotidienne suivant Iheure ci
aussi Ia saison, car us préparent et commencent lour besogne
do boiino heure on plus tardivement, scion quo Ic travail
presse ou non. Au cours tie ma promenade matinale a travers
Ic village, je pouvais observer los details intirnes do l’existence
famibale, do Ia toilette, do Ia cuisine, des repas; je pouvais
voir ‘Cs prêparatifs pour Ic travail do Ia journCe, des personnes
rnes et de
liartant faire leurs courses, ou des groupes d’hom
femme s occupé s a quelqu e fabrica tion. Los querell es, los plai
santerics, les scenes do famille, les incidents souvent sans
importance, parfois dramatiquos, mais toujours significatifs,
forrnaionl I’atmosphere do ma vie tie tous les jours, tout antant
quo do In leur. Parce qu’ils me voyaient Lout Ic temps panni
ccx, Los indigCnes n’Ctaient plus intrigues, inquiets ou gênCs
par ma presence; des lors, jo cessais d’être un élCment pertur
bateur dans In vie tribale que j’Ctudiais, Jo ne faussais plus
tout du fait do mon approche, comme cola se produit toujours
quand un nouveau venu se prCsente dans une communautC
de primitifs. En réalitC, comme ils savaient que Jo fourrerais
mon nez pariout, memo là oü un indigCne bien Cduque ne
songerait pas a s’immiscer, ils finissaient par me regarder comme
une part et un Clement do leur existence, on mal ou un ennui
nCcossaircs, attCnuês par los distributions de tabac.
Plus tard, dans la journCe, tout cc qui se dCroulait a proxi
mite n’avait aucunc chance d’Cchappcr a mon attention. cho
Les
du
alortes déclon chees an cours do Ia soirée par l’appro
sorcior, los une ou deux grandes querelles et ruptures vraiment
iniportantes au sein de Ia communauté, les ens do maladic,
Ics remCdes essavCs, les morts, les rites magiquos qui doivent
Ctre celebres, pour assistor a tons cos CvCnements, Jo n’avais
pas a courir avec Ia erainte do los manquer, mais us se prC
sentaient la, sous mnos veux, au scull tie ma porte, si je puis
e
dire (voir P1. IV). Et. insistons bien, chaquo fois quo quelqu
chose de dramatique ou do capital so produi sait, il import ait
do procCder a l’onquCte sur-le-ehamp, car los indigenes no
peuvent s’empCcher do commenter cc qui so passe et Us sont
alors trop excites pour s’exprimer avoc reserve, trop intCressCs
pour quo leur imagination se prive d’ajoutcr des details. Aussi,
a maintos roprises, me rendis-je coupable de manquementstara
l’etiquette que les indigenes, assez familiors avec mci, no
dCrent pas a rolever. Jo dus apprendre comninent mc conduire
ot, dons uno ccrtaine mesure, j’acquis Ic s sons s des bonnes et
I Sujet, rnJthode et but de cone enquéte 65
des mauvaises inanières propros aux natifs do cc pays. Grace
a cola, et aussi parce que j’Ctais arrivé it me plaire en leur
0o,npagnie ci Li parlager quelques-uns do leurs jeuc et amuse
ments, je commençai it me sentir vraiment proche d’eux, et
c’Cst certainement La condition preamble do tout succès dans
Jo travail do prospeetion.

Mnis l’ethnographe n’a pas seulement a placer ses filets an


hon endroit ci it attendre qul viendra &y jeter. II dolt so mon
• trer chasseur dynamique, talonner sa proie, la diriger vers los
rots ci Ta poursuivre jusqu’en sea derniers retranchements.
Ccci abcs conduit aux methodes plus actives pour Ia recherche
des documents ctltnographiques. Nous avons indique a La
fin do Ia division iii quo I’ethnographe doit s’inspirer des
resultats los plus modernes do l’étude scientifique, do sea prin
dpcs ot de ses bats. Jo no m’etendrai pas sur cc sujet et no fcrai
qU’Ufle remarqUe a cc propos, pour éviter tout malentendu.
Un hon enirainement portant sur in theorie ci Ia connaissance
do ses donnCcs los plus récentes no consiste pas Li avoir l’esprit
farci d’idCes préconcues n. Si sin homme s’embarque pour une
expedition, decide it prouver certaines hypotheses, et qu’il se
montle incapable do modifier sans cesse sos vues ou do es
quitter do bonne gritce sons I’effet des tCmoignages, inutile
de dire que son travail sera sans aucunc valour. Mais, plus lea
• problCmes qui l’hahitent lors do son enquCte sont nombreux,
plus il s’accoulume La conformer ses theories aux faits et
it
• voir dans ces derniers To moyen d’étayer une theorie
, mieux
II est CquipC pour sa tCche. Les opinions prefabriquees sont
nCfastes La toute uvrc scientifique, mais los conjec
tures sont
Jo bien Ic plus précieux du savant, ci dIes n’apparaissent d’abord
a l’ohservateur quo grace it sos etudes thCoriques.
En ethnologic, Ic gros travail accompli jadis par Bastian,
Tylor, Morgan, ics Vdlkerpsychologen allemands, a permis
do
voir sous un jour nouveau l’information
livree telle quelle par
Its anctens voyageurs, missionnaires, etc., et a montrC
l’intC
ret qu’il y a it appliquer des conceptions plus profon
des et a
nCgliger cellos qui so rCvClent frustes et trompeuscs .

1. Solon lusagc oL lii Lorminolngio scion—


riques et dcscriptits do Ia scionce ole
-

t’0quo liahiluello,
1 Otlinograplijo pour j lag résultats
‘omploio Ia tormo l’liommo, oL In owL dotlinologlo pour Ins
empi— thôorias speculatives ot comparatives.

a
I

ii •
66 Les Argonautes dci Pacifique occidental
Le concept d’animismo a remplacê colui de fetichisme et
de c cWte dCmoniaque , termes sans signification aucune.
L’inteiiigence des systCrnes do elassements par liens de parentC
modernes 5cr Ia
a ouvert Ia voic aux brillantes reeherches
ç S sociologic indigCne dues a l’ecole de Cambridge. Des résultats
/ des rCcentes expeditions allemandes en Afrique, en AmCrique
‘V tin Sud ot clans Jo Paciflque. los analyses psyehologiqiies des
7 penseurs allemands ont tire uno moisson abondante do ron
seignements do valour, tandis que les ouvrages thCoriques do
Frazer, do Durkheim, etc., inspirent — et continueront sans
doute longtemps encore d’inspircr — les savants so livrant au
travail pratique, les orientant vers de nouvelles conclusions.
Sur place, Ic ehercheur s’appuie sur Ia theorie ci y puise sos
idées. Bien entendu, ii peut Ctre iui-mCme un penseur et un
thCoricien, et dans cc cas ii trouvo on liii son propre aiguillon.
Mais les deux fonctions sont distinctes, et dans I’Ctat actuel
do Ia rechercho cUes doivent Ic demeuror, tant an point de vue
des périodes que l’on consacre nu travail quo des conditions
dans lesquelles eelui-ei s’eflectue.
A l’instar de cc qui so passe toujours quand l’investigation
scientifique pénèfle clans Un domaine jusqu’alors hvrC a Ia
seulo curiositC des amateurs, l’ethnologie a introduit des rCgles
et de l’ordre dans cc qui sembinit chaotique et dCpourvu de
sons. Ce monde surprenant, primitif a indCehiffrablo des
sauvages , die Pa converti pour nous en un certain nombre
do communnutés bien ordonnecs, soumises a des rCgiementations,
so comportant et pensant scion des principes logiques.
Queue quo soit l’nssociation d’idees a laquelie ii aft Pu donnor
lieu a l’origine, cc soni des notions do liherte absolue, de corn
portemont anormal avee quolquo chose d’extraordinaire et de
bizarre a i’extrCmc, qu’Cvoque 00 mat do t sauvage n. Beau-
coup do gens s’imaginont quo los indigeecs viveni au scm do
Ia Nature, a peu prCs comme us Ic dCsirent et comme us le
peuvent, en proie a dos croyances fantasmagoriquos ot Ii dos
craintes folios. La science moderne montre quo leers insti
tutions socialos ont au contraire uno structure bien precise,
qu’elles sont soumisos a uno autoritC, a des conventions et des
lois pour tout cc qui rogarde los rapports publics ci privCs,
Landis quo ees dorniers sont, do surcroit, commandCs par dos
liens do clan ot do parenté oxtrCmoment complexes. En fait,
nous voyons los indigCnos ompCltCs clans un réseau do devoirs,
fonctions et privileges, qui correspond a une organisation tribalo,
communautaire et familiale trés complete (voir P1. IV). Leurs
croyancos et pratiques ne sont pus dCpourvuos d’une cortaine
coherence; leur connaissanco du monde extCricur suflit a los
r Sujet, mdthodo et but do cotta enquêtc 6;
guidcr dans Ia plupart do Icurs cntrcprises et activitCs, toujours
meflCOS avoc vigucur. Quant a leurs productions arlistiqucs,
P elks no manqueni ni do signification ni do bcautC.
Qu’il y a loin do Ia rCponse famouso faite jadis par cc fonc
L tionnaire qui, inLerrogC sur los us ci coutumes des indigèncs,
yepliquaii Aucunes maurs, maniCros bostiales o, ii in position
dc l’ethnographo moderno! Celui-ci, avec sos tables do tcrmos
do parontC, sos gCndalogios, sos croquis, plans ci diagrammcs,
prOUVO l’existence d’une forte et vaste organisalion socialo,
etablit Ia composition do Ia Lribu, du clan, do Ia famille; ot ii
nous brosse un tableau d’indigénes assujottis it nfl code strict
do conduito et do bonnos maniCres, a cOtC duquci in vie ii Ia
Cour dc Versailles ou h 1’Escuriai apparait commo libro ci
facile’.
Par consequent, l’ideal premier ci fondamcntal du tra
vafl othnographiquo do pkin air est do donner un plan clair
ct coherent do in structure sociale ci do dégager du fatras des
bits los lois ot les normos de toils los phenomenes culiurcls.
La charpento sohdo do in vie tribalo dolt Ctre, on premier lieu,
etalihe. Cci ideal exige avant tout qu’on so livro a une étude
complete des phCnomCnes, ci non pas it une rechercite du son
lU satiOnnel, do l’original, encore moms do l’amusant et du bizarre.
Cs
I.e temps n’est plus oft i’on pouvait admettre des rCcits nous
dCpcignani I’indigèno comme une caricature grotesque, cuban
tine, do l’Ctro humain. Pareil tableau ost inexact, et comme
ire
beaucoup d’autres choses faussos, ii a etC detruit par In Science.
L’ethiiographc travaillant sur place so doii de dominor, avec
patience ci sCrioux, i’ensezuble des phCnomènes dans chacun
LOP
des dornaincs de Ia culture tribale Ctudiée, en no faisant aucune
at-
difference entre cc qui est banal, tome ou normal, ci cc qui
do Ctonne ci frappe outre mesuro. Par Ia memo occasion, au cours
do in recherche, Ia culture inhale dans son iniegmalité ci goes
do tous sac aspccts doit Ctre passéo an criblo. La structuro, Ia Ioi
ci Ic principc rolevCs dans chacun do ces aspects doivent alors
ICS
Cite rapportCs it un soul grand onsomblo cohCront.
Un eihnographo qui conimcnccrait par n’Ctudior quo Ia
religion, ou Ia technologie, on I’organisation sociale, sCpare
es,
I. La lOgesidoire flu ontO • do jo,iis,
I OS 101 no voyalt dons its in,ligOues quo dci
conduits par Icon se,,l, instinci, et pen—
chant,, on prois a dos passions eltrénoos •
iii otres boitsaux et sans mwurs, ost clOpassOo San, Iota, init,mai,,, ot sauvagos
par tin auto,,, moderns :1 1,ropos do, Un,, uncut asissi monoissontale ‘Hr 10
irs Mas.stn do Sn,] eve,: Ie,ols ii a vOcu et vO,cthbiu Otct des chose, no sisurait être
1 travasllO i en cuiilact êtroi t.po odant do imagines, mOms par q,si enrolL l’i,,tention
LeO, flOmh,reu 9 Cs ounCes, dCcla re • N,,,,s Oust,]— tie porodier It p,, it do vet Inissionnaire.
gum,, A cc, I,om,nes aans Tnt, A devvntr
obd,ase,,t,, A cc, liommes ,nI,umains A 01CC d’opr&s to itOv. C. liv. kiwi, cit It
almo,
London Missionary SocieLy, Sa,’oge Life
i no CC, honimos sa,,vages A so clvi.
ls5,r. I EL ones, Fe in Nc,,’ Gs usda, sat,, cli Is.
los , Gui,] Os lass, iescr
68 Les Argonautes du Puct,ique occidental
wit de façon artificielle un domaine do i’enquête, et se verrait
sCncusement handicape dans son travail.

vi

ns-nous
AprCs avoir CnoncC cette régle trCs generale, attacho
parlicu liCres. Nous venons
a des consideration s do mCtho de plus
stir place a pour devoir
do dire quo l’cthnographe travaillant
los consta ntes do Ia vie de In tribu,
de relever los regles et mie
est perman ent et fixe; do recons tituer l’anato
tout cc qui ces
do sa sociCl C. Mois
de sa culture, do préeiser Ia composition sont
sont cristail isCcs et Men Ctahlie s, no
chases, même si cites
Cent et
nulle part formuldes. U s’agit d’un code do lois non
Ia traditio n tnibale comine
non explicite, et l’ensemblc do
structu re sociale se trouve nt enferm Cs dans Ic
l’ensemble de Ia
n. Mais cc n’esL
plus insaisissabic des matCriaux : l’étre humai
es qu’on
rnCme pas dans l’esprit ou Ia mCnioirc des homm
nettcm ent expnim Ces. Exacte mcnt comme
trouvera ces lois
sans Savoir
us obéissent h leurs instincts at Li leurs impulsions,
indigCnes
pour cola étabhr une scule Ioi de psychologie, los
pouvo ir do contrai nte et aux obliga tions dii code
se plient nu
institu tions izadi
tribal sans los comprendre. Los normes des
atique de I’intera ction des forces
genes sont Ic rCsultat autom
du milieu.
montales do Ia tradition ct des conditions matCnielles
nque institu tion
Do mCme quo Ic simple membre d’une quelco
qu’il s’agisse d’un Etat, d’une Eglise ou d’une
moderno —

armée —relCve d’elJe et est en elk, mais ne peat apercevoir


t rcndrc
I’action d’ensemblo de tout le corps eonstituC, ni surtou
do mCme ii serait vain d’essn yer
compte de son organisation,
un indigC ne en termes sociolo giques abstrai ls. La
d’intcrrogcr
institu tion possCd e
difference est que, dans notre sociCtC, chaque
ses histori ans, ses archive s ci docu
ses membres intelhgents,
semblable.
ments, tandis qu’une sociCtC indigCne n’a nien do
de trouve r un moyen
line fois qu’on a compnis cola, il importe
diflicu lte. Cot expedi ent., pour i’cthno
capable do vaincre cette
te a rassem bler les donnC es concre tes des tCmoi
graphe, consis
alisa
gnages et a procCder a sos propres deduct ions et gCnCr
fait eviden t, inais no fut ni trouvC ,
tions. Ccci semble tout
pratiqu é en ethnog raphic, jusqu’ à cc que Ia pros
ni du moms
de science.
pection sur place ait etC menCe par des hommcs
Du reste, au moment do Ia mettrc en pratiqu e, il osi aussi
dimdile do concev oir los applica tions concre tes do cette méthode
I Sn/ct, mdshodc et but do cetle onquête 69
it quo do procCder it son execution systCmaiiquc et ralionndlle.
Puisque nous no saurions interrogor un indigene sur des
? regles genCrales ci abstraites, nous pouvons toujours lui
50uincttre un cas donnC et lui demander queue solution ii
0visagC. Ainsi, par exempie, pour s’informer do Ia facon dont
considCrcraii un crime ci ie punirait, II serait inutile do poser
one question trés gCnCrale bIle quo Comment traitez-vous
et punissezvous un criminel? ‘s car II so pourrait quo, pour
Is 0%printe In rCponse, los mots eux-mCmos manquent en langue
;digCne ou en pidgin. Mais un cas imaginaire, ou micux encore,
CvCnement qui s’cst eliecLivcment produil, incitera l’indi
u, gene a émottre son avis ci a fournir une ample moisson de
ie 1enscignclnents. Un cas reel, en eliot, doclenchera chez lui un
CS flat de paroles, suscitera des signes d’indignaiion, lui fern
at prendre part1— ci tous ces propos contiendront sans doute bon
et nonibre de vues prCcises, do condamnations morales, lout
TIC conime 115 rCveleront Ic mCcanisme social mis en action par Ic
IC mCfaii comtms. Do là, ii sera facile de l’amoner a parlor do
st faits similaires, do reveller le souvenir devenements passes,
jscuter ci do leurs consequences ci do leurs divers aspects.
A partir do ces donnécs, qui doiveni englober Ic plus grand
)it nombro possible d’élements concrets, l’infCrenco rCsulte d’une
es simple induction. Le traitement scientifiquc diffCre do colul
do I du hon sons, tout d’abord du mit quo, toujours un pcu pedant,
1i jj le chercheur pousso beaucoup plus loin l’oxamen, d’uno fnçon
CS très complete et trés ininutiouse, en procCdant avec système et
mCtliode; et onsuito, du fait quo l’esprit rompu aux techniques
on scionliliques dingo I’onquete dans desvoies vraimont utiloset vers
no des huts ofirant un intCrCt red. En eliot, l’objct do I’entraine
oir menU sciontifiquo est do procurer nu savant operant sur Ic ter
ire rain une charte mentale qui puisse lui servir d’appui ot do guide.
er Pour revonir a notro cxoinplo, certains cas précis venus en
La discussion révèlent a i’ethnographo Ic mécanisino social du
do chCiinient. Celui-ci ost unc partio, tin aspect do Ia force do
contrainte do Ia trihu. Imaginoz encore quo, par uno meihodo
Ic. sirnilaire d’infCrenco it partir do donneos Mon circonscribes, ii
en arrive it comprendro pourquoi on conduit do tello on tollo
no- !acon Ia guorro, los operations morcantiles, lcs fetes tnihales,
oi. il disposera alors do bus los moyens nécessairos pour rCpondre
sa- aux questions relatives au gouveraement de In tribu et
ii Ia
ye, coorcition sociaie. Lors dos vraies enquCtos, sur place, Ja
Comparaison ontre ces divers points, ies efforts en vue do
ce. los
coordonner, feront souvent apparaitro dans l’information des
1551 trous ot des faillos qui ouvriront
Ia voie aux rocherchos ulte
jde neures.
70 Los Argonautes du Pacifique occidental
Par experience personnolle, je puis dire quo, très souvent,
un problème paraissait resolu, tout semblait arrCtC et clair,
jusqu’h ce quo je me motto a rCdiger l’esquisse prCliminaire
do mes résultais. Sculement alors, j’apercevais des manques
Cnormes qui allaient m’indiquer les nouveaux problémes a
es
poser ci me tracer mu têchc future. En fait, je passal quclqu
mois entrc ma premie re ci ma second e expedi tion, ci plus d’un
an entre cefle derniCre et Ia suivante, is examiner toutes mes
notes, is en extraire chaque Lois ics parties qui paraissaicnt au
point pour la publication, bien quo je susse pertinemment
chaque Lois quo j’aurais is remanior Ic tout. Cette fecondation
réciproque do i’auvre constructive et de l’observution me
s
semblait uno excellente chose, ci je no pense pus quo j’aurai
Pu effectuer de reds progrC s sans ccla. Je Iivre cet aperçu do
ma propre histoire simplement pour montrer quo cc qui vient
d’être dii ne constitue pas un programme gratuit, mais bien
Ic rCsultat d’une experience personnelle. Dans cc volume, Jo
dCcris uno importante institution qui se rattache is un trés
grand nombre d’activitCs connexes et qui offre Non des aspects.
Pour qui y rCflCchit, U appert quc los informations relatives
un phenomène si extraordinairement complexe et prCsentant
autant do ramifications, no sauraicnt Ctre obtenues de façon
sufflsammcnt complete ct exude sans cette interaction cons
tante d’essais conslructifs et do verification empirique. En fait,
l’institution do Ia Kula, Jo l’ai dCpeinte par écrit, dans sos
grandes lignes, une bonne demi-douzaine do lois, tandis quo
j’Ctais stir place ou dans los intervalles do mes expeditions.
Chaque fois, des diflicultes et dos problèmes nouveaux surgis
saient.
Recueillir des données concretes sur une grande série do I
faits est done Pun des points essentiels deJa mCthode ompirique.
Ii no sullit pas d’Cnumerer quelques exemples, ii faut Cpuiscr,
dans Ta mesuro du possible, tous los cas qui sent is votre portéc;
ot, dans cette recherche des cas, l’enquêteur en rnventone
d’autant pius quo Ic plan qu’il a en tête est plus net. Mais
chaque Lois quo Ic matCriau do Ia recherche le permct, cc plan
mental doit dovenir uric rCalitC; ii doit so matérialisor on un
et
diagramme, un sommaire, un tableau synoptique compl
los ouvrag es moder nes
des cas envisages. Dcpuis longlemps, dans
passablement bons qui traitent des indigenes, nous espCrons
trouver uno liste detaillee ou un rclovC des tormes do parenté,
ent
avec toutos les donnCcs qui s’y rattachent, et non pas seulom
quelquos relations ou expres sions pittore sques ou anorm ales.
Dans Ia rechorche dos lions do parenté, le fait do suivrc l’une
aprCs l’autre chacune do cos relations dans des cas concrets,
Sajet, mdthode et but do coLts enquêtc
7!
méne naturellement ii l’edilication d’arbres généalogique
PraLiqUée déjà par ics premiers auteurs, panni Ics
s.
meilleurs,
tels Munzinger, ci, si je me souviens bien, Kubary, cetle
ethode a été porléc a son point de perfection dans les ouvrag
cs
du Dr Rivers. D’autre part, dans l’éiude des donnécs concretes
sur les transactions économiques, afin de retracer J’histoire
d’un objet précieux ci de saisir pourquoi eL comment ii circule,
noire principe d’une enquéte approfondie et compiCte conduira
a l’etabiisscment do tables do iransactions semblables a celles
que l’on trouve dans l’cnuvre du professeur Seligman 1 C’est
en me conformant cn cette matiCre a l’exemple du professeur
Seligman, que je suis parvenu a fixer certaines des rCgles
les
,ius difliciles et les plus complexes de Ia Kula. La méthod
e
qui consiste a traduire les renseignemeuts, autant qu’il se peut,
sous forme de graphiques ou de tables synopticucs, dolt Otre
étenduo it l’étude de pratiquement tous les aspects do
In vie
indigCne. Tous les types de transactions peuvent être Ctudié
s
d’aprCs des eas reels connexes, que Von fait figurer sur des
tableaux synoptiques; d’un autre cCtC, un tableau scm dresse
de tous les dons et presents d’usage dans une sociétC donnée
,
avec Ia definition sociologique, cCrCmonielle a Cconomique
de chaque article. Ainsi, les procCdCs de magic, les cCrémonies
qui les concernent, les types d’actes lCgaux, tout cela peut
Ctre inventoriC, en sorte que chaque élCment pui se appara
itro
de facon synoptique sous ml certain nombre de rubriques.
En
plus de cek, bien sum, un recensement genealogique trCs dCtaill
é
de chaque communautC, des cartes, des plans et diagrammes
Ctablis avec minutie, expliquant le système de propriété
des
les privileges tie drnsse et de péche, nc, serviront
do
base indispe
jardins , nsable a Ia recherche ethnographique.
tine gCnCalogie n’est rien d’autre que Ic tableau synoptique
de certains rapports suivis de parentC. Sit valour
en taut
qu’instrunient de recherche est due au fait qu’elle
permet au
chercheur de formuler des questions in abstraco, suscep
tibies
d’Ctre posCes d’une maniCre concrete a l’informateur
indigCne.
En tant que document, sa valeur provient de cc
qu’elle donne
hon nombre de faits authentiques, prCsentCs dans
leur agence
ment nature1. Un tableau synoptique
do Ia magic remplit
Ia mCme fonction. Comme instrument do recherc
he, par
exemple, je m’en suis servi pour verifier les idCes
relatives ala
nature du pouvoir magique. Avec un tableau
devant les yeux,
je pouvais aisCment a sans inconvenient passer
d’un poste it
l’autre, et inscrire en face de chacun d’eux
les pratiques et
1. Par oxoanpic, lea tables d circula
tion dii pr&ieux ten do ILache, op. cit., p. 531, 532.
1
ii

-‘ii
/‘
Los Argonautos du Paciflque occidental
croyances qui s’y rapporient. La rCponse a mon problem0
I
I abstrait pouvait alors s’obtenir en tirant In conclusion gCnérale
de l’ensemblc des ens; cc procédé est illusLrC flux chapitres xvii
et xviii ‘. II ni’est impossible d’entrer plus avant dims Ia discus-
4. sion de cc problCme gui entrainerail des distinctions supple
mentaires, comme, par exemple, Ia difference gui exisle entre
an Lahleau do donnCcs concretes, réclles, telle une gCnCnlogie,
et un tableau rCsumant les lignes génCraics d’ne coutume on
d’une croyanee, comme dolt Cisc celui du système magique.
Hevenant une fois de plus a in question de l’honnutete
methodologiquc, discutCe déjà ii in division ii, je desire indiquer
id quo Ic procCde do Ia presentation concrete ci elassée des faits
dolt s’appliquer d’abord aux propres pièces fi conviction do
I’ethnographe. C’est dire qu’un ehereheur, gui veut qu’on liii
fasse confiance, doit presenter do façon claire, concise, et
sous Ia formo d’un Mat. les observations personnelles direcies,
d’une part, les informations indirecies qui Ctayent son exposé,
de l’autre. Le sommairc qui suit illustre cetto maniCre d’opCrer
et aidera Ic lecteur de cc livre a se faire une opinion sur Ia crCdi
bilitC de chacune des affirmations qu’ii souhaiternit spéciale
ment verifier. Ce tableau et les nombreuses rCfCrences dispersCes
tout an long de l’ouvrage, destinCs a montrer comment, dans
quelles circonstances ci avee qucl dcgrC d’exaetitude, je suis
parvenu a connaitre un detail donnC, pcniietlront, je l’t’spCre,
de jeter une pleine IumiCre sue cc qui constitue les sources du
Iivre.

LISTE CIIRONOLOGIQUE DES EXPEDITIONS KULA


DONT LAUTEUR A ETE Tfl.IOIN
PEEMIEIIE ExpEniTroN, aoàt 1914-mars 1915.
Mars 1915. Dons Ic village do Dikoyas (lie Woodlark), vu quolques offres
earCn,o,iielics. Obtention dos premiers renseignements.

DEcxiME EXPDtTlON, mai i9fl-mai igiG.

Join 1915. Des visiteurs knbigiiloya arrivont de Ynkuta ii Kiriwi,,a.


Obscrv Is mouillage Kayo inrin ci vu les hummes ii Omarakazia o&
j’ai recucilli des documents.
1. Da us Ce I Nrc, ou ire Ic tablea ii do table, ma is ,eulcmen t dé Cr Ii; Ic, ret’
Ii titioxe, gui nap pa rum L pt’s itH c telnet’ L leigh “men Le cynop I lqu ci do I ‘expéd i ties
rn genre Ii, ,locutnettt donl e pane iLl, Hula an ‘hxipitre xvi, ai’isi gut Ic tableau
Ic Iecteitr ni tn,uvura qile qtiI’lquc échan- do Ii irt:,gie Hula donna an eht’1i1 Ire xVIL
tubas sIc tableaux ‘ylioptiqiucs, omen, Jo n’ai 31a5 VOU It) hUrcliargcr id Ic red1
It’ lisle di’s parti,:iiiai, is Ia Kul:t diuntéc avec des grapbir1uca, etc., prérérant In
ci atialyséc an clii pit re xii,, div id,,,’ TI rewn’cr p1,11 r In p i,i,l ca Li ,,ii cc, inpIlti
Ia lisLe boa ,,reuits et cadeaux an who— sic mel documents.
pi tre VI • division vi, nun mi,o bus (urine
Sujet, met/jade of but do cette cnqitëte
Juillet 1915. Plusiours groupos venant do Kitava {lcharquont stir Ia plago
do Knulukuba. Intorrogê los hommes a Omarakana. Bonucoup do ronsci
gnooiotlts réums Li cotto époquo.
epiernbn 1915. Tentative infructueuso pour faire voile vors Kituva
vec To’uluwa, Ic chtf dOmarakona.
octobn.fl0Vd114br0 1915. Assisté au depart do trois expeditions do Kiriwina
vers Kitava. Clinquo Lois, Touluwa ramCne on ehargement do rnwaU
(brassards do coqoulhige).
Novembro 1915-mare 1956. PrCparatifs pour uno grande
truversCo do
haute mor Li partir do Kiriwina vets los lies Marshall Bennett. Cons—
trucliOll ii un conoil; romiso nouf dun autre; fabrication do lit voile
a Omara kana ; misc h luau; jasusoria 5cr Ia plage do Kaulukuha. Par In
memo occasion, dos informations sont ohtonues sur cos notivités ot
sur dautros sujets qui y ont trait. Obtonu curtains toxtus mngiques
sur In construction dun canoe et sur in magic ICula

rHoissEMo nxi’iiuittoy octobro igt7-ootobro it8.


jqovcnibre i9z-dércmbru 1917. ICula intLiriouro; ourtainos donnâcs
obtonu o
a Ti, kwa ii kwa
‘ Des groupos arrivent do Kitava h Wawela. flassem
Dece,utne-[eI’rlcr 1918.
b1 des itilormal ions stir Los yoyoin’. Obtenu los formules magiques du
kaygan.

4 Mars 1918. PrOparatifs Li Saziaroa; preparatits aux lIes Ampiilett;


Ilotto Dobu arrive flux Amph lo tts. LoxpCdi tim, upalaku on provenance
do DoI,u poursuit vers Boyowa.
April 1918. Leur nrriv’o Ieur rtceptiori it Sinakota ; lee transactions RuIn
lo irauill rassomlilement intçrtril,itl. Oblenu dos formuics Inagiquos.
In

Mel rgi8. Vu a \‘akuta cit groupo veitant do Kitava.


J0,n-j,,ztlet 1918. Informat jo’t stir Ia magic RuIn ci los coutumes, vCriflCo
ot a,igmcntCo A O,narakann, on particulior pour en qui rogardo
los
branchos oriontales do In Rub.
Aodt-srptrln&re 1918. Toxtos mogiques obteixus a Sinaketa.
Urtobrc 1918. Rosiseignomoists obtossus dun certain nombro
do natifs
do Dobu ot do district du Massim meridional (intorrogCs Li Samnrai).

Pour résumer le premier point, eapital, do Ia méthode, dsons


LA pie ehaque phénoméne doit Ctre êtudiê a Ia )umière du plus
grand nombre possible do sos manifestations concretes CL en
procedani Li I’examen eomplet d’exemples détaillés. Sil
Sc
petit, los resuliats seront classifies en une sorte de tableau
ifres synoptique, qui sera utilisC comme instrument delude et
coruine document ethnologique. Grace a ces rapports consignCs
ci a cette observation des fails reels, los lignes direotrices do
Ia culture indigCne, au sons Ic plus large du mot, ainsi quo
Ia
villa.
a OU
j constitution de Ia sociéiC, apparaitront. Cetto methode pourrait
êtrc appeléc la mdthode do la documentation statist iquc par
l’clcni pie concret.

11
1

74 Los Argonautes du Pacifi quo occidental

vi’

Faut-il ajouter quo, sous ce rapport, I’ceuvre dii chercheur


scientifique dépasse do beaucoup mOme los meilleures produe
tions des amateurs? U y a toutefois in point oü ces derniers
excellent. Nous voulons parlor do Ia presentation des traits
familiers do Ia vie indigCne, de Ia maniCre de nous los faire
saisir sous Icurs divers aspects, cc qui n’est possible qu’après
un contact intime et prolongC avec los populations locales,
qucile que suit, d’ailleurs, Ia nature do cc contact. Certuines
conclusions dii travail scientifique — on particulier, de ceiui
qui a etC appelC travail de prospection — qui nous donnent,
si i’on peut dire, un excellent squelette do in constitution
tribale, n’en manquent pus moms de chair et do sang. Nous en
apprenons hcaucoup sur In structure do in sociCtC Ctudiée,
mais, a i’interieur de cc cadre, nous sommcs incapables do
percevoir ou d’imaginer los rCaiiiCs do i’existence, Ic dCrou
icment dii train-train qiiotidicn, Ic bruit et l’excitation quo
provoquent me fete, une cCrCmonie ou un CvCnoment inattendu.
Quand on Ctabiit los règies et los constantes de in coutume des
autochtones, et quand on los reduit ü une formule precise a
partir do l’ensemble des kits et des rCcits indigenes, il appert
que cetto precision memo dcmeure Ctrangèro a Ia vie rCelle
qui, cue, no repond jamais d’une facon stricte a aucuno rCgle.
II convient d’observer en outre In maniCre dont une coutume
est pratiquCe, Ic comportoment des naturels lorsqu’iis obCissent
aux principes dCpeints dc façon aussi nette par i’ethnographe,
los exceptions elles-memes que Von constate presque toujours
dans ies phCnomCnes sociologiques.
Si toutes los conclusions sont uniquement basCes sur los
propos des informateurs, ou dCduites do documents objoctifs,
il est, bien stir, inipossibie d’y ajoutcr cc qu’on a pu rCcoiter
do visu sur Je comportemont red. Et voilà pourquoi cortaines
uvres dues a des amateurs ayant longtemps rCsidC dans Ic
pays, tols dos planteurs ou dos commorçants instruits, des
modecins ot des fonctionnaires, et last, but not least, a do rares
missionnaires intelligents ct sans prCjugCs auxquels l’ethnogra
phie doit tant, sont boaucoup plus souples et plus vivantes quo
in piuparl des comptes rondus purement scientifiques. Mais
pour entrer en contact avec ‘Cs naturels, ie chercheur spéciabsé,
qui a I’occasion d’adoptor los conditions do vie decritcs plus
Sujet, mdthode et but de cello enquêto 75
haut, so trouve dans une situation bien moilleure quo los autres
residents blancs. Aucun do ceux-ci, en effet, no vit vraiment
dans Ic village indigene, saul pendant des pCriodes trés courtes;
chacun a ses activitCs personnelles qui l’absorbent terriblement.
D’aillcurs, quand, pour son métier, Ic Blanc entre en relation
avec l’indigCne — comme c’est c cas du missionnaire, du
1’ marchand et du fonctionnairo — il s’agit ou de Ic convertir,
ou de l’inlluencer, ou do se servir do lui, ci cela rend impossible
,ute observation vraie, neutre, impartiale, exclut une totale
5 sincCritC, dii moms pour los missionnaires et les fonctionnaires.
0 Si Pen habib dans un village sans autre occupation quo do
suivre Ia vie indigenc, on assiste sans cesse flux activitCs habi
5, tucUcs, cCrCmonies et transactions, on a sons los ycux des
exemples de croyances telles qu’elles sont vraiment vCcues, ot,
aussitOt, toule la chair et Ic sang do Ia vie indigène authentique
t, vienucnt Ctoffer Ic squelette des constructions thCoriques.
fl C’est Ia raison pour laqueUe, en travaillant dans ies conditions
fl Jecrites, l’ethnographc a Ia possibilitC d’ajouter quelque chose
0, d’esscritiel au canevas brut do Ia structure tribalo, it savoir les
Ic details sur Ia facon de so comporter, do so rêunir, et tous los
mcnus incidents. Jl est capable, dans ehuquc cas, do dire si
un acte est public ou privC; comment se tient une assemblCe
U. publique et cc qu’elle reprCsente; ii pout juger si un CvCnement
es .. est ordinaire ou bien excoptionnol ci excitant; si los indigenes
it y apportent beaucoup de sincCritC ct do sCrieux ou s’ils Ic
rt prenncnt it la plaisanterie; s’ils agissent pour Ia forme ou avec
Lie zèio ci circonspection.
lo. En d’autres termes, ii est une sCrie do phenomCnes do grande
ne importance quo I’on no saurait enregistrer en procCdant a des
at intcrrogatoircs ou en dechiffrant des documents, mais qu’il
10, imporle do saisir dens leur pleine rCalitC. Appelons-les los
imponddrables do la c’o authentique. Ce sont des choscs comme
Ia routine du travail quotidien de I’homme, les details des
LOS soins corporels, la maniCre de prendre sa nourriture et do Ia
Is, I preparer; Ic style dc Ia conversation ci de Ia vie sociale autour
cr des feux du village, l’existence d’amitiés solides ou d’inimities,
LOS de courants do sympathies et do homes entre les habitants;
Ic les vanitCs et ies ambitions personnclles qui transparaissent
Les dans Ia conduito do l’individu et dans les reactions Cmotivos
es de ceux qui I’cntourent, ot qui, pour discrCtes quellos soient,
no sauraient tromper. Tous ces faits peuvent et doivent Ctro
no formulCs et consignCs sciontifiquement, mais pour cola, il
015 Importe do percer it jour I’attitude mentalo qu’ils expriment,
sC, plutOt quo de se borner, comme Jo font couramment les obser

H
lus vateurs non qualifies, it noter des details d’unc maniCre super-
76 Les Argonautes dt Pacifique occidental
licielle. Et e’est in raison pour laquelle ic travail des hommes
do science, pour peu qu’fls s’atteiicnt sCrieusement 3 l’etude do
eeL aspect de Ia vie primitive, donnera, j’en suis sür, des rCsul
tats dune valeur jamais atteinte. Jusqu’à present, seuls des
amateurs ont cruvrC en cc sens, et c’est pourquoi, dans l’en.
somble, cc fut aussi mediocre.
En effet, Si Ofl so rappcllc quo ces impondCrables, tous déjà
ClCmcnts importants de Ia vie recite, constituent une part de Ia
substance veritable de t’Cdificc social, qu’en cux se tissent los
Ills innombrables qui maintiennent Ia cohesion de Ia famille.
dii elan, de Ia communautC vitlageoise, de In tribu — leur
signification apparnit en toute clartC. Les liens les plus solides
du groupe social — rites bien prCcis, devoirs Cconomiques ot
civiqucs, obligations, cadeaux cCrCmoniels et marques exté
rieures de respect — tous également captivants pour le eher
cheur, ne revCtent certes pas un intérCt aussi aigu pour l’individu
qui ‘Cs assume. Appliquons ceci Li nous-mCmes. Nut n’ignore
cc que la vie do famille reprCsente a nos yeux:d’ abord et
avant tout, l’atmosphCrc du home, les innombrables menus
gestes ci attentions par lesquels s’exprimcnt l’affection, I’inté
ret mutuel, les petites prClCrences et les petites antipathies,
qui forment l’intirnitC. Que nous puissions hCriter d’une per
sonne, que nous ayons 3 suivre Ic corbillard d’une autre, cc
sont là des faits gui sociologiquement relèvent de Ia definition
de famille ii ci de svie lamiliale s, mais qui dans Ia perspective
de cc que Ia famille reprCsente vraiment pour nous, ne ligurent
en gCnCral pas au premier plan.
Cette remarque vaut aussi pour une communautC indigCne,
F et si I’ethnographe entend donner 3 ses lecteurs une idCe de Ia
vie rCelIc, ii ne saurait sous aucun prCtexte faire abstraction
do telles donnees. Aucun aspect intimc tout autant que legal
no dolt Ctre laissC dans l’ombre. Or, ic plus souvent, ics comptes
rendus ethnographiques ne developpcnt pus ces deux aspects
ii in lois, mais soit l’un, soit l’autre — et, jusqu’ici, Ic cOtC
intime a etC Li peine traitC comme ii convient. Dans tous les
rapports qui s’Ctnblissent en dehors du cadre de Ia famille —

mCme ceux entre simples membres dc Ia tribu et, au-dclà, entre


mcmbres hostiles ou amis d’autres tribus qui se rencontrent
pour traiter toutes sortes d’affaires sociales — cc point de vue
personnel se retrouve, exprimC dons les details caractCristiques
du commerce entre individus, La maniCre do se comporter los
uns en presence des autres, et s’il differe de Ia forme legate,
precise, des rapports sociaux, il n’en mCrite pas moms d’être
étudiC et exposé pour lui-mCme.
Dc mCrne, lorsqu’on so penche sur les actes marquants de Ia
Sufet, mdtizode et but do cette enqu&e 77
vie tribalo, comme les cérCmonies, rites, fetes, etc., outre In
o description brute do l’Cvénemont, los details et los nuances de
in conduito méritent d’être indiquês. L’importance do ceci
:5 .
pent Otre iUustrée par un exemplo. On a beaucoup Cent et
discutC sur los survivances. Mais lo caractère do survivance d’un
acte n’apparait jamais micux quo dana los aspects accessoires
an comportomont, dana In manière dont cot note s’dflectue.
a Prenons un ens dons notre propre culture in pompe ot le cOtC
grand spectacle qui accompagnent los cCrCmonies ofliciollos,
3, ou encore une habitude pittoresque porpCtuCe par un gamin
Li’ dos rues; nullo a description generate no prCcisera si Ic rite
a so maintiont fort et vivant dans Ic cmur dos promoteurs et dos
participants, ou s’il s’agit d’une chose morte dont Ia pratique
no s’expliquc que par in seule tradition. Mais si l’on arrive on
observant bien Ii determiner le comportement reel, lo degré
de vitalitC de l’acte apparaitra aussitOt awe notteté. 11 n’cst
pas douteux que, pour tous los points d’une analyse socio
t
is
T logique ou psychologique, ou pour toute question de théorio,
in manièro d’agir et sos faces divorses no rovêtont uno impor
tanco extreme. Le comportoment constitue donc un kit,
un fait utile, quo Von no saurait negliger. Et insonsé ot myope
serait l’hommo do science qui, omettant toute uno classe do
:0 phCnomènos qu’il trouve It sa portCc, los laisserait so perdre
n Sons prétexto qu’au moment mêmc U n’aperçoit pas i’usage
théoriquo qui pourrait en être fait!
II eat bien certain quo dana la façon do s’y prondro pour
observer et enrogistrer sur place cos irnponddrables do Ia vie
rdcile et du comportcmcnt typique, i’Cquation porsonnello do
a l’obscrvatcur intervient boaucoup plus quo lorsqu’il s’agit
n do rCunir des donneos ethnographiquos brutes. Mais, dans ce
ii cas aussi, ii faut faire tout son possible pour quo los faits
parlent d’eux-mCmos. Si, au cours do Ia tournéo quotidionne
dans Ic village, on s’apercoit quo certains petits incidents,
.6 certaines maniCres caractCnistiquos do manger, do parler, do
travailler (voir par oxcmple Ia P1. III) se roproduisont
— sans eesso, il conviont do los noter tout do suite. II importe
aussi quo cc travail, qui consiste It rassembler et a fixer des
it impressions, commence des quo l’on visit0 un secteur pour
l’Ctudier. En eliot, hon nombro do particularitCs qui échappont
It l’analyse a qui Irappent de prime abord ne se romarqucnt
plus aussitCt qu’elles sont dovenues familiCres. D’autres, en
revanche, no soront percues quo lorsqu’on aura aequis une
•0 meilleure connaissance des conditions locales. Un journal
ethnographique, qui no vous quitte pas ot quo Von tient d’une
facon systématiquo en parcourant une region, sora un instru
1

78 Les Argonautes du Pacifique occidental


meat ideal pour cette sorte d’enquCto. Et si, a cOtC de cc qul
est normal et typique, l’ethnographe note soigneusement cc
qui s’en Ccarte peu ot beaucoup, ii pourra indiquer les deux
extremes entre lesquels se situe Ia norme.
Quand on Ctudie les cCrCmonies ou los autres CvCncrnents do
la vie tribalo, eomme par exemple Ia scene qui appurait sur Ia
Planche IV, ii ost nécessaire non sculemont do noter los details
des rites presents par Ia coutume et Ia tradition ot qui, en
l’occurrence, sont essentiels, mais aussi, do façon precise, avec
beaucoup do soin et dans I’ordre, los attitudes des acleurs et
des spectateurs. Oubliant Un instant qu’il commit ot cornprend
Ia structure de Ia cCrCmonie, ‘Cs principalos idCcs dogmatiques
qu’eHo rocouvre, l’ethnographe ossaiera do so croire simple-
mont nu milieu d’un groupe d’etrcs humains, qui tantôt
plaisantent ou gardont Jour sCrieux, tanLôt concentrent leur
attenUon ou so montrent d’une fflchouse frivolilC, soit qu’ils
aient leur humour de tous los jours ou qu’ils soient sous
l’dffet d’uno terrible excitation, etc. S’il porte une attention
constanto a eel aspect do Ia vie inhale, s’il s’attache sans relâche
a Ic fixer et a l’expnimer en termes concrets, il enrichira ses
notes d’une masse dc donnCes suggestives et sGres. II so rCvClora
alors capable do siLuor I’CvCnomcnt a sa vraie place dans In
vie do Ia tnihu, c’est-h-diro d’indiquer s’il est courant ou excep
tionncl scion que los indigCnes suivent leer train-train quoti
dien ou Se montrent tout is bit bouloversCs. Et il aura aussi
Lout en main pour rondre cela a son lecteur d’une bacon claire
ci convaincante.
Ii n’est pas mauvais non plus que dans cc genre de travail,
l’ethnographe abandonne quolquefois sa camera, son bloc-
notes et son crayon, pour so joindre is cc qui so passe. II peut
prondro part aux jeux des indigCnes, los accompagnor dans lours
visites et leurs promenades, s’asseoir, Ccouior, participer a
Icurs conversations. Jo no suis pas certain quo cc soit aussi
simple pour tout le mondo — pout-Ctro Ic temperament slave
est-il plus malleable et plus naturelloment sauvage a quo celui
(IC l’EuropCon occidental — ulais, silo degrC de succès vane, il
n’en domeure pas moms quo chacun pout essayer. Do ces
plongcons dans Ia vie indigCne — quo j’ai renouvelCs a maintes
roprises autant pour l’etudo dIe-memo quo par bosom do
compagnie humaine — j’ai rapportC chaque fois Ic sentiment
trés net quo lour conduite, Jour maniCre d’être is l’occasion do
toutes sortes do transactions tnibales, me devenuient plus
clairos ot plus intelligibles qu’auparavant. Toutes ccs romarquos
methodologiques, Ic lootour los rotrouvora, illustrees, dans los
chapitres qui suivent.

A]
Sujet, methode et but do cette cnquêtc 79

VIII

Passons enfin au troisième et dernier but do l’enquête scienti


lique de p1cm air, au dernier type do phénomene qui exige
d’être note si l’on veal donner un tableau complet et vCridique
de In culture indigène. A côtC des grands traits do ‘a constitution
tribale ci des details culturels qui en fonnent le squelette, a
cCtC des menus faiLs de l’existence quotidienne et des habitudes,
lesquels constituent, pour ainsi dire, sa chair et son sang, ii
faut encore s’occuper de I’esprit — les VUCS, les oplmofls,
les sentiments des indigCnes. En effet, dans chaquc acte do ia
tribu, ii y a, d’abord, ‘a routine imposCe par la coutume ot la
tradition, ensuito Ia maniCre dont ii est accompli, et enfin,
l’expllcation qu’exi donnent ‘Cs indigenes, tdlle qu’eIle est
concue par leur esprit. Un homme, qui se plie a diverses obliga
tions consacrCes par i’usage et qui caique ses actes sur Ia tradi
tion, obCit a certains mobiles, Cprouve certains sentiments,
subit l’influence do certaines idées. Ces idCcs, sentiments,
mobiles, sont crCCs et conditionnes par Ia culture dans laquelle
on les dCcouvre et constituent done une particularitC ethnique
d’une sociCté donnée. Un effort doit par consequent être fait
pour les etudicr et les consigner.
Mais cela est-il possible? Ces dispositions subjectives ne
sont-elles pas trop informes et Cvanescentes? Et, a supposer
mCmc que ics gens Cprouvent, penscnt et connaissent ccrtains
Ctats psychologiques en rapport avec l’exCcution de certains
actes coutumiers, Ia plupart d’entre eux ne sont-ils pas inca
pables do los formuler ou de les traduire par 1e verbe? Ce dentier
point doit Ctre tenu pour avérC et o’est sans doute là Ic veritable
nurnd gordien de l’Ctude des faiLs do la psychologio sociale.
Sans essayer do traneher ou do dCfairo cc nmud, e’est-a-dirc do
resoudro Ic problCmo theoriquernent, ci sans pénétrer plus
avant dans Ic domaino do Ia mCthodologie gCnCralo, j’abordcrai
directcmcnt Ia quostion dos moyens pratiquos pour vaincre
les diflicultes ci les complications.
Tout d’abord, il faut poser en principe qu’il s’agit d’etudior
ici des facons stCréotypCes do penser et do sentir. Comme socio
logue, nous ne nous intéressons pas It cc quo X... ou Y... peuvent
Cprouver en tant qu’individus scion les hasards de Icur experience
personnelle — nous nous intCressons soulomont a cc qu’ils
sentent et pensent. cii tant quc mcmbrcs d’uno communautC
8o Los Argonautes du Pacifique occidental
donnee. Des lors, cc Litre, leurs Ctats montaux soot façonnés
d’une certaine manièro, ils prennent Ia marque des institutions
au scm dosquelles us so développeni, us subissent I’influence do
Ia tradition et du folklore, du vehiculo memo do Ia pensCc,
c’ost-h-dire du langage. Le milieu social ci culturol oU cos
hommes Cvolucnt los contraint do penser ci do sontir Lane
manière bion définic. Ainsi. celui qui vii dans uno communauté
polyandro no saurniL éprouvor los memos sentiments de jalousie
qu’un strict m000game, quoiqu’iI puisso en avoir quclque
notion. Un individu qui vit dans Ia sphere do In Kula no saurait
s’attachor do facon permanente ci sontimentale Li corlains de
sos biens, memo s’il en fait Ic plus grand cas. Ces oxomplos sont
c livrfis sans autro commentairo, mais on en trouvora de moilleurs
dans lo texte de cc livre
Des lors, In troisiCme loi pour l’enquCte sur place prescril
dCcolez los façons typiquos de penser et do sentir qui corres
pondent aux institutions et Li in culture d’uno communauté
donnée, ci formulcz los rCsultats d’une maniCre irrCcusable.
Quelle scm In mClhodo pour 3’ parvenir? Los meiliours Ccrivains
othnographos — ici, h nouveau, I’ecolo do Cambridge avoc
Haddon, Rivers. Soligman, so place en tête de I’Ethnographie
britannique — so sont toujours efforcCs do ciler verbatim los
declarations d’une importance crucialo. us ont montionnC
los tormos do classification indigCne — appollations techniques,
sociologiques, psychologiquos oi professionnelles — ot oni
rostituê, avoc touto Ia precision possible, Ic contour verbal
de Ia pensCe des naturels. Un pas de plus en cc sons pouL Ciro
accompli par l’olhnogmapho qui possedo In langue indigCne
et pout s’on servir commo insirumeni d’enqueie. Lorsque
j’ai appris Ic dialecto kiriwinion, j’ai roncontrC dos diflicultCs
aussitôt qu’il s’ost agi do coucher sur Ic papier los propos
directemont traduits — procede quo j’nvais d’abord adopté
pour prondre des notes. Souvent Ia traduction privait Ic toxto
do tous sos caractCres significatifs, lui ôlait toutos ses aspCritCs,
on sorto quo, petit La petit, je fus amoné La onrogistrer cerlaines
phrases importantos teflos qu’ellcs Ctaient oxprimCes, dons Ia
languo indigenc. Des quo mos connaissancos linguisliqucs Ic
permiront, je me sorvs do plus en plus du kiriwinien, Li id
poini quo, pour finir, je rCdigoais oxclusivemont on cetto langue,
notant rapidcment, mot pour mot, ehaque declaration. A
poino avais-je atloint cc slade, quo jo me rondis compto quo,
par In memo occasion, jo roeuoillais des matCrinux linguistiquos
abondants et une sCrie do documents ethnographiques; ii mc
faudra d’aillours los roproduire tols quo je los ai consi—
gnés, en dehors do leur omploi dans Ia redaction de mon
T
Sujet, mdthode et but de cette enquête 8i
eeit’.Cccorpus inscriptiortum Kiriwiniensiumpourraservir, non
scnlen1en a moi-même, mais a tous ceux qui, gréce a une perspi
cacité ci a un pouvoir d’interprCtation supérieurs wax miens,
sanront y decouvrir des points ayant Cchappé a mon attention
— tout a Mt comme les autres corpora constituent Ia base des
diverses intcrprátations des cultures anciennes et prehisto
riqUes seulement, ces inscriptions ethnographiques seront
trCS cuinpréhensibles et cLaires, car elks auront etC presque
toutes traduites do maniCre complete, sans Ia moindre ambi
guILe, ci dIes seront entreeoupêes de commentaires indigCnes
ou scholia, puisCs a Ia source Vive.
Inutile d’en dire plus long ici sur ce sujet, puisque tout un
chapitre (chap. xvn[) lui est consacrC et que plusicurs tones
indigènes sont fournis en exemples. Le Corpus sera, bien en
tendu, publiC séparCment a unc date ultericure.

ix

IDes propos indiquent done que le but des travaux de plein


air de l’ethnographe petit Ctre atteint grace a trois voics
d’approche
‘. L’organisation de la tribu ainsi quo l’anatomie de sa culture
doivent Cire fixCcs sous forme d’un canevas clair et précis.
La methode de Ia documentation concrete, statistique, est Ic
moyen qui permet d’Ctablir pareil canevas.
2. Dans ce cadre, les irnponderables de Ia c’ie authentique
ci le type de comportement doivent Ctre insCrCs. Il convient de
recucillir ces elements par des observations minutieuses,
detaillees, sous forme d’une espCce do journal ethuographiquc,
rendues possibles par un contact Ctroit avec l’cxistenco indig&ne.
3. Une collection de rapports ethnographiques, rCcits
caractCrisliques, expressions typiqucs, fails folkloriqucs et
fur,ii;ths magiques, doit former un Corpus inscriptionuni servant
de tCmoignage sur Ia mentalite indigCne.
IDes trois voics d’apprdche ménent au but final qu’un ethno
graphe ne devrn.it—jnmais perdre do vue. Ce but est, en bref,
de saisir loiöint do vue do l’indigCne, ses rapports avec Ia vie, v
1. Jo venal, dalopter coLLe ligirn do quo on moyen offraiL a l’etbnogrnpl,a
cubIt quo’ d in Fern une lettro do pour reu,,ir one masan do sources écrites
Detour A411. Garliner légyptologue linen sonthiables a cells quo nails out légu,ocs
tQnhstl, ‘no recom,nandant In prncdor Ins anciennes cultures, sync, on plus, Is
ezartomo,, I commo in In toledo. Do iou faculté do Its óclairor par couuuuui,sance
Point do von d’arel.éuloguc, II compre- pereonnello do le vie do cello culture soul
naut naturellement lea posuiluilités enormos loon sos Angloe.

I
I
82 Les Argonautcs dcc Pacifiquc occidental
do comprendre sa vision do son monde. Nous avons a Ctudier
l’hommc et ce qui Ic touche au plus profond de Iui-même,
e’est-a-dire que nuns devons étudier Ia prise quo Ia vie a sur
Dans chaque culture, les valeurs divergent qucique peu; ‘Cs
gens aspirent a des huts differents, suivent des impulsion5
differentes, souhaitent une forme differente de bonheur.
Dans chaque culture, nous trouvons des institutions different05
grace auxquelles l’homme defend ses intérCts vitaux, des
coutumes diffCrentes par quoi ii realise ses aspirations, des codes
do lois et de morale différents qui rCcompensent sos vcrtus
et punisseut ses mutes. Analyser ics institutions, les coutumes
et les codes vu se pencher sur Ic comportement et Ia iiieriuditc.,
sans Ic désir subjectif do prendre conscience de cc gui aninie
les gens, do saisir Ia raison profonde de leur joie de vivre _..

c’est, a mon avis, passer a cOtC de in recompense supreme que


l’on pout espCrer retirer de l’etude de l’homme.
Ces gCnéralitCs, le lecteur los trouvera illustrées &ins Ics
ehapitres qui suivent. Nous y verrons Ic sauvage lutter pour
satisfaire certains do sos dCsirs, atteindre a un certain type
do valour, suivre sa ligne d’ambition sociale. Nous le verrons so
lancer dans des entreprises difficiles et perilleuses pour observer
une tradition de magic et d’héroIsme; nous Ic vorrons se laisser
prendre nu piCge de son propre roman. Peut-Ctre in lecture du
récit de ces mours Ctranges fera-t-elle naitre un sentiment do
sympathie pour los efforts et les ambitions de ces iiidigànes.
Peut-etre pourrons-nous mieux comprendrc l’homme et sa
mentalitC en nous engageant dans des voics non suivics jtxsqu’ici.
Peut-etre que In connaissance approfondie d’une forme de In
nature humainc gui nous est trangère et fort CloignCc pei’iiiet
tra-t-eUe d’eclairer noise propre nature. Dans cc cas, ci scuic
mont dans cc cas, nous aurons Ic sentiment légitime qH’il
valait la peine do chercher a comprendre ces indigenes, leurs
institutions et coutumes et quo la Kula nous aura etC do quelquc
pro fit.

-J

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