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A U B RÉ· S 1 L.
,-
Ouvrages nouv~aux chez .le meme Libraire.
HISTOIRE COIVlPLETE DES VOYAGES ET DÉCOU-
VERTES EN AFRIQUE , depuis les sii:cles les plus
reculés jusqu'à nos jours; accompagnée d'un Précis géogra-
phiquc sur ce continent et les Iles qui l'euvironnent; de
Notices sur l'état physique, moral et politiq_ue des diveriõ
peuples qui l'habitent, et d'un TablPau de soo Histoire
naturelle ; parle docteur LEYDEN et M. llUG H MURRA Y;
traduite de l'anglais et augmentée de toutes les découvt!Ttes
faites jusqu'à ce jour; par l\:I. A. C., S. du S., de F., 3 vol.
in-80, avec un atlas in-4°, composé de la carte générale de
l'Afrique et de ~ix autres cartes. Prix. 25-fr.
Nota. Le tome 4• et dernier est sous presse.
Le même Libraire fait traduire, de l'anglais l'Hrsroul!:
. DEs V OY AGES ET DÉcouVERTEs EN Asrn, etc.; cet ouvrage sera
enrichi de notes par ~- Langl~s , de la bibliotheque du roi;
3 vol. in-So, avec cartes ·et fig~res.
AU BRÉSIL,
DANS LES ANNÉES I 8 15 , 1816 ET I 81 7 ,
TRADUIT DE L'ALLEMAND
PAR J. B. B. EYRIES.
euvnAGE ENRICHI n'uN SUPER BE ATLAS' COJ!IPOSÉ D ~ 41 PLAI\CHES
GRAVÉES EN TAILLE-DOUCE, ET DE TROIS CARTES.
TOME- PREMIER.
N.D.S.Petropolis
Pensionnat
PARIS,
ARTHUS BE~TRAND, LIBRAIRE,
RUE HA.UTEFEUILLE , Nº· 23.
18.21.
~S- 4i ~ ~- ~ s \
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INTRO-DUCTION.
DU TOME PRE:MIER.
Pages.
CHAPITRE PR~MIER.
'I'raversée d'Arigleterre à Rio - de - Janeiro.
• J
CHAPITRE II.
Séjour · à Rio-de-.faneiro. - La ville et ses environs.
- Les ·I ndiens · de San-Lou1·enzo. -Préparatifs pour
un voyage dans l''intérieur. 29
CHÀ.PÍTRE ·111.
Voyage de Rio-He•Janeiro au cap Frio.-Praya-Gran.de.
- San-Gonsa:lvez. - t e· Guajin:tibo. -La Serra-de-
Inua. - Lac et Fregúesia-de-Marica. - Gunpii;ia.
Ponta-Negra. - Sagoareína. -Lagune de Ararouama.
-San-Pedro dos lndios. -Le cap Fdo. 52
CHA PITRE IV.
Voyage du cap Frio à Villa de San-Salvador dos Campos
dos Goaytacasés. - Campos Novos. - . Riv~ere et
Villa de San-J oao ~ ·- Rio. das Ostras. - Fazeud·a de
Tapebuçu. - Riviere et Villa de Macahé. - Paulista.
- Coral de Battuba. - Bana do Fw·ado. -Rio Bar-
ganza. - Abbaye de San-Bento. - Villa de San-
Salyador sur le Pa1·a1ba. 1 :h
Pag(s .
CHAPI'TRE ,V.
Séjou1· .à Villa de San-Sahador. - Villa ele San-
Salvaftor. - Excursion à San-Fidelis. -Les Indiens
Coroados.-· Les 'Pourys. 180
CHAPITRE VI.
Muribecca. -Hostilités eles Pourys. -Quartel das Bar-
reiras. - L'ltapemirim . ....:._ Villa.:.Nova de Benevente
sur l'Iritiba. - Goa1·aparim. ' 233
.- CHAPITRE VII.
Séjour à Espírito-Santo et voyage au Rio-Doçe. - Villa
Velha do - Espírito -Santo. - Cidade de Victoria.
-Bana de Juçu. _"'-Araçatiba. -Coroaba. :_ Villa
nova de Almeida·. - Quartel do Riacho .. - ~io-Doçe.
-Linhares. -Les Boutocou<lys , ennemis iuvétfrés
eles Po1:tugais.
CHAPITRE ·. VIII.
Voyage du Rio-Doçe à Caravellas, ou Rio d'Alcobaça,
et retour au Morro d'Araba sur le Mucuri. -Quartel
de J uparanan da Praya. - Riviere et barra de San-
Mateo. - Le M~curi. -'- Villa Viçoza. - C;uavellas.
- Ponte de Gentio sur l'.Alcobaça. ~ Séjour .e n cet
endroit. ·
AU BRÉSlL~ 1"
CHAPITRE PREMIER~
\
VOYAGE
perdu leur plus grande violence; et je me flat-
' tai en conséquence de l'espoir d'une traversée
t'ranquille et agréable. -Notre navire le Janus,
de trois cent vingt tonneaux; sortit de la Tamise
par un tres-beau temps; et nous eumes d'autant
plus confiance au proverbe des matelots anglais ' ·
evening red and morning grey, sign of a very
fine day ( soirée rouge et matinée grise, signes
d'un beau jour), que le soir du jour de notre
départ, le ciel était d'un rouge magnifique. Un
vent frais et favorable nous fit prompternent arri-
ver à l'embouchure de la. Tamise; mais dans la
nuit il changea, il fallut mouiller.
Les premiers i,ours d'une tr_aversée sont ordi-
nairement employes à s'arranger dans le navire
et à considérer les objets nouveaux dont on
est ent.ouré ; ils pass~ rent promptement. Le
second jour commençait à peine que tout nous
.donnait lieud'espérer un voyage heureux. Nous
faisions route en compagnie d'un grand nombre
de vaisseaux de toutes les grandeurs, qui, les
voiles gonflées, glissaient rapidement sur la sur-
face des eaux. Vers midi ces présages flatteurs
s' év nouirent, le vent devint contraire, ou fot
obligé de. louvoyer. On passa devant Marga te,
jolie petite ville, on donbla le cap North-
.. AU BJ.!.ÉSIL. 3
Foreland avec ses falaises blancl~es et escarpée·s,
on' entra dans ]a Manche, et le soir· oi;i mouilla
j:l.UX Dunes en face de Deal. QCette partie de
J
·, ./
1'
AU BRÉSIL.
vagues et leur choc con~re lena vire. ·Le capitaine
fit de vains efforts peur poursuivre sa route ,
'1
AU BRltSIL; 7
dans k Dorsetshire,. d'Ou se tire :lia belle pierre à
bâtir. que l'Õn emploie à Lon!fres. :Mais dà1is
· la n~it a· s'éleva encare une tempête si rude
~u'il fallut louvoyer po1)r n'~-tre pas j eté ·éontre
Ies rochers·; u~e de noS' voiles fut déchirée pai· -
le -vent. L~ lendemain la grosse mer et le
vent peu fav'orable-nous forcerent de relâcher à
Torhay',_r~de s-Qre et vaste-, eníourée de·hautes
falaises, etfermée au nora par·la pointe de Poi·t-
Iand, au sud par le cap ' St3rt-Point•; le s0ir
nous do~blâ:mes ce prc;>meH;toir;e, ·qui consiste
en hauts :irochers _deritelés ; au-dessns s' étend,
de mêéne que tout le long de 'la eôte du Devon-
shire, qne be1le pla.ine ve.r.doy:a nte, dont l'uni-
fqrmité est i91terron~p1;1e par la coÚ]eur- jaune des
fleurs de l'a-j,o nc (ulex eu-r.opqJus), arbrisseau
tres-commun des deux côtés de Ia Manche. On
vc;,iJait à }A su1;face de 1a nier des.rochers contre
lesq-uels les vagl.lles v:enaien·t se brise~ , · tablean
qu'~Jnhellissait la lumiere donce d"u, soleil. cou:.. ·
chant. Ceee~dant Eotre vaisseau~ eontinuait'tm-· -
pideuiel!lt,s.a rou.te. Des lc le111demain màtin rrous
apetç-U.mes. aiu loin le. fopt Peaclennis, pres de-
Falmolit.th,.et nous qu~ttâmes- fa )lanche an ca>p
Léza.-rd· ql;Íi se distingu'e par ses' deux pha-
:res blancs. Les côtes du Cornoúailles ~-t d·u
8 VOYAGE
I .
Devonshire n'ont pas la couleur blanche de cell.es.
de North et S01ith Foreland; elles offrent une
teinte rougeâtre.
Enfin nous nous trouvons dans l'im.m.ense
'
Océan; la terre avait entierem.entdisparu de nos
yeux, et le .cap Landsend, la pointe la plus m.éri ~
dionale de l'Angleterre, se dérohe à nos regards
le 22 mai à, midi. De ce moment cess~ toute
distraction causée p~r la diversité des objets dont
on est entouré ; le ciel et la rrie1: sont les seuls que
l'on aperc;oive; on che1:che à s'oc~uper en écri-
vant; heureux qui a fait une ample provision
de bons livres !
. 11 ne nous arriva rien de remarquable jusqu'à
Madere, que nous aperçumes le dixieme jour
de notre navigation. On eut beau jeter des lignes
et ·d'autres instrumens de pêche , on ne prit
que. des grondins ( trigla gurnardus) , pois-
son tres-bon à rnanger. Des troupes de rnar-
souins nous accompagnaient souvent de loin,
surtout quand la mer était un peu agitée; on fit
feu sur eux, on 'n 'en tua aucun. L 'oiseau de
tempête était aussi de nos fideles compagnons;
les Portugais le nômment alma de mestre. Les
ma rins, qui regardent com me l'indice d' une tem-
pête prochaine l'arrivéed'une troupe nombreuse
"
AU BRÉSIL. 9
de ces oiseaux autou_r. d'un naviré' , nele voient
pas avec plaísir.
Un cutter de la marine ~oyale d'Angleterre
DOUS annouça que son pays av~it déclaré . Ia
guerre à la France · aussitôt on fit l'appel de nos
matelots; cependant on n'en prit aucui1 pour le
service de l'ét~t. Cette nouvelle .nous causa de
v;ves inquiétudes~ surtout lorsqu'en pa,ssant de-
vant la côte d'Espagne nous v1mes un bâtimeilt
se diriger vers le nôtre; mais nos alarmes furent
hieritôt dissjpées ~ c'était un navire anglais; il
se chargea de nos Iettr~s pour l'Eurnpe.
Le i e r juin, vers midi, une terre haute et des
monta.ghes se moú.trerent. confusément dans le
lointain;
' . c'était Madere. A six h eures du soir,
nous étions devant · Ponta-Parga, ·sa pointe
occidentale, que nous doublâmes avec bon vent;
Ia .mer était converte d' oiseaux de ·tempête ; de
mouettes, et d'auÚes oiseaux aquatiques. L'aspéct
de Madere est i~posant ·de tous côtés : c~tte He
s'offrait à nos regards comme un immense rocher
dont 1es flancs se perdaient dans les nuages; ses
côtes escaq~ées ei :p.oires sont coupées pàr ·des
ravines et des gorges profondes; partout cepen-
. dant la vigne étale ·ses .pampres verdoyans' entre
lesquels s'tHevent les inaisons blanches d~s habi -
--·---1._.. . . ."...
12 ' VOYAGE
cisssent, saisissent Ia proie, etsànt couverts d' une
infinité He suçoit's. La vésicule n.e parah sujette
à aucun ·changement; je n'ai pu y découvrir.
l'orifice d'aucun vaisseau. A la mort de l'anim:al
elle ne s'affaisse pas, et même plongée dans
l'esprit de vin elle conserve sa forme. Sa faculté de
se mouvoi~· est faible; elle se contracte en forme
de croissant; elle courbe aussi ses deux extré-
. m~tés, en haut et en bas : par ces rnouvemens
elle se releve lorsqu'une vague l'a renversée. On
peüt toucher la vessie sans éprouver une sensa-
tion douloureuse; mais Ies tentacules occasion-
nent une démangeaison violente. Les Portugais
nomment ce singulier n"1ollusque agoa viva ou
caravela; les Anglais portitguese man of war,
les Français galere. Plus pres de l'équateur, le
nombre de ces mollusques diminua; au contraire
celui de la medusa pelagica augmenta. Des
oiseaux de mer voltigeaient quelc1uefois autoúr
de nous. Notre capitaine en second prit à . la
niain, apres un-grain, une hirondelle de mer qui
de fatigue étoit venue se reposer à bord ; nous
·v tmes aussi des frégates qui avaient été empor-
tées de dessus les rochers voisins.
Pendant que nous avions traversé- Ja partie
septenirionale de la zone tofride , le temps avait
AU BRÉSIL.
ét~ gGnéralement beau; mais ensuite la chaleur
qui1 augmentait co~1tinucllement nous était sou-
vent tres-incommode dafls le vaisseau. Des
nuage~ sombres , inÇlices de pluie et d'or~ge,
s'éJevaient quelquefois isolément sur l'horizon;
ils s' étendaient et arrivaient avec rapidité, appor-
•
tant une bourrasque violente et une forte ondée
de pluie, qui dans un instant inondait le navire;
mais ordinàirement le soleil brillait de nouveau
une demi-heure apres. Lorsque l'eau commença
à se gâter, ces ondées forent reçues avec plaisir.
Les navigateurs imprudens qui, à l'approche
d'un semblable météore, ne serrent pas leurs
voiles supérieures, ont souvent beaucoup à souf- ·
/
frir de ces raffales subites? et quelqu<;lfois en sont
victimes. Notre capitaine nou ~ raconta qu'un
accident de ce genre était arrivé peu de temps
auparavant à un navire qui avait péri. Le nôtre
eut une voile déchirée; comme on prenait tou-
jours les précautions requises , il n'éprouva
pàs d'autre dommage. - ,
Le 22 juin le Janus passa Ia ligne. I:es cé--
rémonies .usitées en pareille occasion .:ne furent
pas . oubliées. Au sud de l'équateur le temps fut
plus Inauvaís. Des grains de peu de durée, ac-
compagnés.de raffales violentes, étaientfréquens; .
YOYAGE
la mer était assez souvent agitée. Les oiseaux
de tenipête, les marsouins, les cachalots, et de
plus gros cétacées, se'tnontraien t communément.
Nous avions coupé l'équaieur parles 28 º·, 25
de longitude à l'occident de Greenwich parce
qn'étant auparavant dans des parages plrn~ rap-
•prochés des côtes d' Afrique, ou
nous avions
essuyé beaucoup de pluie et d' ouragaris, nous
avi~ns , pour Dous en éloigner , gouverné à
l' ouest; ce qui Dous porta dans les courans, qui
nous firent avancer vers la côte d' Amérique.
Le 27 juin, pendant que nous déjeuniohs; cm .
nous annonça que ]'on voyait 1a terre. Tout le
mo_nde courut sur le pont pour contempler la
côte du Br_ésil, qui s' élevait du sein de l'Océan.
Bieniôt parurent, sur-la snrface de la mer, deux
especes de goémons et de nombrenx indices de
te.rre; enfin nous rencontrâmes un radeau de
pêcheur qui portait trois hommes; on nomme
ces radeauxjangadas; ils sont faits de cinq à six
pieces d'un bois léger que l'o~ appelle au Brésil
pao de jangada. Koster en a donné 1a figtJre
dans son voyage au BrésiJ ( I ). Ces jangád,a s na-
viguent assez súrement en, mer; on s'en sert
/
AU BRÉSIL.
pour la pêche ou pour le transport de différens
objets le long de 'la côte; ils vont tres-vite, au ,
moyen ·d'une grande voile latine ~ attachée à
un ~ât court. Nous aririons volontiers, ~pres une
]on~ traversée, profi.té de l'occasion de Dous
procurer du poisson frais, mais· ce n'était pas la
peine, poursatisfaire ée désir,de courir apres les
pêcheurs. Nous fimes route vers la côte; nous
nous en étions assez rapprochés à midi pbur re·
connahre que e'étaient les environs de Go!ana ou
Pai·a'iba-do-Norte, dans la capitainerie de Per-
namhouc. Si pres de la terre , la force du vent
aurait pti pendant la nuit Dous faíre courir des
. dangers : heuteusernent nous purnes à temps
virer de bord, et retourner au large. 11 tomba
pendant la nuit des torrens de pluie accompa-
gnée d'un gros temps , qui nous obligea de
louvoyer pendant plusieurs jours, presque sans
changer de place. Le vent souffiait aveé furie ;
le navire roulait avec violence. La pluie ne
discontinuait pas : nous ·n'étions guere en
sureté dans nos lits. Nos matelots souffraient
le plus de l'humidité; le danger qui nous me-
naçait les obligeait d'être jour et nuit sur le
p ont; le rhum suffisait à peine à soutenir. leur
courage et leur bonne volonté. L'aspect de la
' .
VOYAGE ·
1ner , dans les nuils sombres , orageuses , plu-
vieu~es , était effrayant; les yagues bruyantes ve-
naient en s'élevant frapper le navire; J'immense
surface de l'eau semblait être en feu; des mil-
liers de points lumineux , ·des bandes et p1ême
de larges tra1nées de lumieres J?rillaient de tous
côtés , cbangeant. de forme et de place à chaque
instant. Cette lumiere resseni.blait entierement
à celle que donne le bois pourri lorsq~'il cst
mouillé ; c'est un phénomene que l'on voit
fréquemment dans les forêts. Durant ces nuits
sombres et orageuses , on met son espérance
dans le jour qui suivra; mais souvent le jour
paraissait sans que notre position dev!nt meil-
leure. II était aussi nébuleux , aussi sombre que
la nuit qui 'l'avait précédé; les marins ne pou-
vaient cacher leurs craintes; i]s appréhendaient
une tempête plus violente. Chague fois qu' elle
semblait s'annoncer, on faisait les préparatifs
nécessaires pour résister à sa violence, prépa-
ra_tifs qui causent des inquiétudes et des alar-
n1es extrêmes <JUX passagers. Nous avions com-
mis une grande faute de nous tant approcher de
la côte dans Ie voisinage de Pernambouc, parce
que du.r ant l'hiver de .la zone torride, les orage~
et les tempêtes regnent dans ces parages. Le
AU BRÉSIL. 17
cilpitaine dirigea sa route, autant que le vent le
luí perniit, pour gagner Ja hau.te mer , mais
il fut constamment obligé 'de louvoyer, et par
conséquent n'avança pas beaucciup. Enfin, huit
jours apres avoir aperçu la terre. pour ' la pre-
miere fois, le vent devint un peu~ meilleur et
nous 1aissa la liherté de preridre une routé
plus directe. Qn m.e surait quelqu,efois la force
des courans ' précaution nécessaire . quand cm
navigue si pres de_Ia côte. De grands. oiseaux de
mer, des goélands ou des petrels nous·entoQraient
sans que no~s pussions en tirer un seul ; . les
physalies nageaient. autour de nous, les poissons
volans fendaient l'air en avant du na vire, ' et de
gros céiacées lançaient l' eau par leurs évents.
·Le 8 juillet à ~idi noris vimes d~ nouveau la
côte du Brésil ·d ans le voisinage de la·Bahia-de- •
todos-os-Santos. Elle se montrait scius l'aspect de .
montagnesde.belJes formes, a'u-dessus desquelles :' . ,
reposaient d'épais nuages. On voyait la plnie
tomber sur la·côte-, et en mer nous éprouvions
constammen.t- des alterna tives de .gros ten~ps ,
de phüe, et de v.ent contr!lire. flomme tous _
}es SOÍl'S le vent soufilait de terre , DOUS . DOUS .
. :rapErochi0ns de Ja côte p~ndant Í~ ~jour, _et
pendant la nuit nous ,regagnions le larg~ :
2.
,·
VOYAGE
de cette maniere nous ne . perdions gueres la
ferre de vue.
Le I o, le temps fut beau et le vent favorable~
N ous ayions passé les écueils dangereux nom -
més A bro.llws (ouvre les yeux: adra os olhos);
ainsi nous pumes faire route directement pour
le cap Frio. Par les 22 º ~5 ' de latitude sud
j'observai une seconde espece de physalie, qui
est beaucoup plus petite que l'autre, et n'a pas
du tout de teinte rouge ( 1 ). Ces mollusques se
n;10ntraient en grand nombre. La chaleur àmidi
dans ces parages devenait chaqne jour plus ac-
cablante ~ une seule tasse de thé causait une
transpiration abondaDte. En revanche la tempé-
rature des nuits, pend~nt lesquelles la lune pril-
lait et ·1es étoiles resplendisaient·d'un éf?lat sin-
gulier, était tres-agréable. Les indices de l'ap-
proche de la terre augmentaient à chaque ins-
tan.t : on rencontrai~ des goémons, des plantes,
du bois, toutes sortes d'<>hjets semblables;
enfin le i 4 à midi nous revimes la côte et nous
reconnúmes distinctement devant noui le cap
Frio, ·en avant duque! git un llot rocaíJleux. La
(1) C'est sans doute celle que 1\1. Bosc a représentée dans
la planche 19 de son Histoire N aturelle d~s rers.
•
(
AU BRÉSIL. 19
JOie se · manifesta vivement de toutes parts;
nous tenions la mer depuis soixante-dix jours,
et nous n'avions pk1s qu'une · bien courte tra-:-
versée jusqu'à Rio--de-.Janeiro.
~ans la matinée? le Junus doubla le cap
Frio avec un vent frais et favor le ;· le i 5 nous
v.lmes de pres la · côte méridionale du Brésil,
car ce cap la sépare de Ja côte orientale. Le vent
agitait fortement la mer, qui, de même que sm·
les côtes d'Europe, avait pris la teinte de _vert
clair qu'elle a pres de terre. La vue des moh-
tagnes du Brésil, remarquables par la beauté et
la variété de leurs formes , par la ver<lure de
leurs superbes forêts éclairée~ dans ce moment
de la maniere la· plus diversifiée, par leur éten-
due sans interruption le long de la côte ,' nous
causait un plaisir, un ravissement extraordi- ·
naire : nous nous .figurions dans notre imagi:..
natÍOn les scenes nouvelJes que DOUS aJlious
contempler' et nous attendions ~vec empresse-
ment l'instant de déha·rqner. Les montagnes
primitives vers lesquelles nous faisions voile
ont les formes les plus variées : el1es sont
souvent coniques ou · pyramidales; les nuages
couvraient 1eurs cimes, et une. nuée·ou vapeur
légere leur donnait une teinte ~louce t res-
!20 VOYA'GE
agréable. A midi, par un vent três-faible, Ie
· thermomêtre à l'ombre se soutenah à i9" de
Réaumur; bientôt il descendit à 17° par un
c).llme qui dura jusqu'au soir : un peu plus tard,
le vent s'éleva avec assez ·de force, le navire
marcha avec )idité ., et le lendemain matin
nous étions devant l'entrée ·de la baie de Rio-
de-Jaueiro.
Le calme qui survint de nouve~u ·nous fit
rester en place, pendant que l'agitation .de la
meF nous secouait rudement. Nous étions prês
de ~· ouverture qui mene à l~ ville royale de
Rio-de-Janeiro; une multitude de petites iles,
dont quelques-unes frappent . par leurs formes
bizarres, s'y éleve:i:it au-dessus de la surface de
l'eau, et s'unissant à la masse des rnontagnes
dans le lointain, présentent une perspective
três-pittoresque.
Le vent s'étant élevé três-doucemeut vers
onze heures, le bâtiment avançait à peine d'une
maniêre visible, quoiqu,'il eut toutes ses voiles
dehors. Nous primes le parti de profiter de cette
inactivité pour visiter les Hots les plus proches
de nous, et -faire ainsi connaissanêe avec le sol
du Brésil. Le capitaine fit mettre un canot de~
hors, et prit avec lui quelques matelots; Úois
:
- \
AU BRÉSIL.
passage1?S ,. du nombre desqµels j'étais., l'accom-·
pagnerent. Nous allions de l'avant, sans:remar-
qt; er que l'eauentrait avec rapidité dans le.cano~;.
com~e il était. reste suspendu à l'arriere ·du
navire, Ia chaleur du soleíl en avait. déjoint
les coutures .. Apres avoir pendant une demi-
heure travaillé péniblement à vainci~e la houle ;
nous nous v1mes contráints de. v.ider l'eau qui
remplissait le canot; mais nous manq.u ions âes,
instrumens nécessaires ., il fallut nous. servir de
nos souliers. La hauteur des lam~s nous avait
dérobé la vue·du. navire ;·enfin, apres avoir vidé
deux.. fois le canot , nous arrivélmt!s heurcmse-
ment à l' Ilha raza, l'lle plate , ainsi nommée
pour la distinguer de l'Ilha rotunda, qui--est
hauté. Mais en approchant de cette He déserte , ·
nous reconnumes l'impossibilité d'y descendre ~
De tous côtés s'élevaient des rochers aigus, sm~
lesquels e multitude de mollusque~ éten-
. daient un véritable rés.e au. La mer brisait av~c
tant de··fracas et. de furie sur ce récif, que, tem-
plis de crainte, il fallut nous coritenter d''ad:_
mirer de Ioin les beaux arbustes touffus q_ui
couvrent Ià ·surface de l'lle , et d' écouter le
ramage des oiseaux qui se faisait entendre
au-dessus de ·nos têtes .. L'aspect de cette ile dn
22 VOYA'GE
tropique était entierement noi,weau, et tres-in-
téressant p0ur nous. Snr les pointes des rochers
se tenaient, par couples, une multitude de
rnouettes à dos noir, qui ·ressemblent en tout
aú larzts 1narinus des mers d'Europe. Nous leur
tirâmes plusieurs coups de fusil sans . en tuer
une seule' .car 'au premier elles s'étaient toutes
envolées, . et nous entouraient en nous assour-
dissant de lem·s cris. Apres âvoi:r resté environ
' d e cette i'J e, nous songeames a
une h eure prC's A \
de nous. '
N ous ne. faisions que peu de route à cause
de. la faiblesse du vent, toutefois nous jetâmes
l'ancre le soir dans le goulet de l'entrée de la
baie. Cette entráe est imposante et tres-pitto""'."'
resque. De çhaque côté s'élevent des rochers
âpres et gigantesques , sembl~bles à ceux de ·la
Sui~se, et terminés pàr des cimes ,arrondies ou
en pointe , qui la plupa-r t ont un nom particu-
lier; deux pointes réunies portent celui de Daos
.
na vire avant qu'un bâtim.eut ennemi puisse le ~uivre. L'An~
. ·. '
AU BRÉSIL.
rappela sur le p ont. Dans Je fônd de la baie,
précisément à l'endroit oú la quantité de grands
navires. nous avait fait supposer qu'était situé
Ri<:> - -de - Janeiro~ · un coup d'reil vraiment
magnifique nous surprit au miJiep. de . Ã~ nuit ;
c'était celui d'un beáu feu d'artifice.
·Nous á.ttendions le lendem~in · av~c un re-
doublement d'impaiience; des le point ·du jo~r,
on leva l'ancre, et, à la faveur ~'!ln . vent mo-:-
déré, o~ s'avança vers le port. La joie animait
tout le ·monde, on était .réuni sur le e ont. Un
canot· arrivé de terre et conduit par huit ln-
diens nous amena deux pilotes qui .dirigerent
le Janus · à son mouillage devant la ville. Ces
mátelots nous appcirÍerent de fort belles oranges
qui nous semhlerent d'autant meilleures que '
depuis soixante-douze jours que nous ·étions en
mer, nous n'avions pas gouté un fruit frais.
Nous voguions d'un côté à l'autre de·f'entrée
resserrée, et nous nous approchions de .Ja ville;
les montagnes diminuaientde hauteur sur ehaque
rive, nous apercevions de jolies maisorÍ ~ ·avec
des toits rouges, au milieu des ravines ombra-
gées par des arbres touffus , et dominées par Ies
cocotiers ; des bâtimens naviguaient en t ous
sens sur la rade. Nous laissâmes derriere nous
VOYAGE
' plusieurs nes ' . entre autres céllé sur laquelle
Villegagnon b âtit Ie fort Coligni_, et qui porte
encore son nom. De ce point on aperçoit une
grande partie de la baie. de Rio qui est enton-
rée de hautes m.ontagnes , parmi lesqueUes la
Serra dos Orgàos ( Ia mon tagne des orgues) se .
distingue par ses pies, semblables à ceux des
Alpes de Suisse. Beaucoup . de jolies lles sont
éparses dans ce port, le plus beau et le plus stff
du Nouveau-J\1ond~, et dont l'entrée est défen-
due de chaque côté par de fortes batteries·. On
est en ce lieu vis-à-vis de la ville de Rio-de-Ja-
neiro, bâtie snr plusieurs collines au bo1°d de 14}
rner. EU~ présente une belle perspective avec
ses églises et ses couvens situés sur les hauteurs.
Le fond du tableau derriere la ,ville est formé
par des montagnes de forme conique, arron-
dies au sommet et couvertes de forêts : elles em-
bellissent ,infiniment le' paysage j, dont le devant
est animé par une multitude de na vires de toutes
les nation~. C'est là que regnent l'activité et la
vie; des canots, des chaloupes y sont sans cesse
en mouvement; les petits navires des ports
voisins remplissent les intervalles entre les grands
vaisseaux. des nations de l'Europe .
.A peme. nous eúmes laissé tomber l'ancre,
AU BRÉS1L.
quenous fumes entourés de bateaux; l'un por-
tait des soldats qui eouvrirent aussitôt le pont
du na vire. Les employés de l' àlfandega ou de
la doüane
\
s'établirent à bord,· '
la commission
de santé arriva aussi; 'il vint des officiers qui exa-
minerent nos passeports; enfin le bâtiment fut
rempli d'une quantité d'Anglais qui demande- ~
rent eles nouvelles de leur pays. La derniere
soirée que nous passâmes à bord, apres unem-
prisonnement de soixante-douze jours, se passa
rapidement; il faisait un beau clair de lune ~ Ie
temps étoit d'une chaleur douce et agréable :
nous restâmes .à causer sur Ie pont jusque bien
avant dans la nuit; cependant nous ne pouvions
nous cacher les uns aux autres une certaine
impatience de voir arriver le lendemain. Notre
imagination s'occupait vivement de l'avenir. Au -
milieu de ce's pensées mes yeux se porterent sur
I
.)
- AU BRÉSIL.
CHAPl'I RE II. 1
'
.> ) ,
.
VOYAGE
D'un autre côté on voit des carrosses et d'autres
voit11res, tra1nées par des mulets , .rouler dans
les, rues en général mal pavées, mais garnies
de trottoirs; la plupart se eroisent à angles
droits;· les inaisons n'ont ordinairement qu'un
rez-de-chaussée, ou un étage. ~U-dessus; cepen-
dant il y en a de fort grandes .dans quelques
parties de la ville, surtou~ dans le voisinage du
port, dans la ruapireita, t:;l prês du palais du roi,
qui n'est pas magnifique, mais qui est tres-bien ,
situé, et d'ou l'on jouit d'une belle vue sur la
mer .. Les principaux édific~s- sorít les églises.,
·clont l'intérieur est assez gén_é ralement orné avec
rnagnificenée; les f~tes reli~euses, les proces-
sions et autres cérémonies semblables sont fré-
quentes; une c9utume-siriguliere dans to,u tes ces
_solemnités est de tirer dans les rues, devant 1es
portes des églises, des feux d'artifice avec gra,nd
·bruit et grand fracas. · .. .
... Rio possede une salle d'opéra assez ·grande;
on ·y jou.e des opéras italie:qs; les danseurs sont
français. L'aquéduc est un ouvrage im1wrtant ; -
Ja promenade à la colline de laquelle il1se rend
à la ville, est tres-agréable; on y jouit de la vue
du port et' de cel!e de la ville, qui s'étend dans
une ravin~ d'oi.1 s'élevent des cocotiers du Bré-
AU ERÉSlL. 33
sil (cocos bzttyracea). Du côté ,d e terre~ Rich;st
entouré de marais. couverts de mangliei·s (Rhi-
zophora). Ce, voisinage ,1et en géHéral sa sítua-
tion, ne doivent pas être favorables à la santé
des habitans.
· L'_E uropéen transplanté pour la premiere fois
'<lans .cette cont.rée équatoriale, est ravi de la
beauté des p1:od~ctions de la nature, et ·sur.t out
d~ l'abondance et de la richesse de la végétation.
Les plus beau:x:: arbres croissent dans tous -les
jardins : on y voit le ma1íguier colossal , qui .
.donne un ombrage. é pais et _un fr~lit excellent,
le cocotier à la tige haute et svelte, le bananie1:
en groupes serrés, le papayer, I'~.rythrina ·aux
fleurs d'un rouge de corail, et un grand norn.bre
d'autres, répandus dans tous les jardins quitou-
chent à la ville. ·Ces superbes végétaux re1Íd~nt
les promenades extrêmemeut a_gréables; l~s bo-
cage~ qu'ils forment offrent à l'admiratio,n des
étrangers des oiseaux et·<les papillons qu'il n'd
pas encore ·vus, parmi lesquels je ne citerai que
les colibris au plumage doré, comm~· les plus
connus.. Les _promenades sur.les bords defa mer
n_'ont pas rnoins de charmes, par la vue des
vaisse::Íúx qui arrivent des régions du _monde les
plus éloignée·s. Je nedois pas oublier non plus le
I. 5
·r -.
34 VOYAGE
Passeio publico, grande place pl~htée d'allées
d'arbres, et tcrminée par une terrassc'.
Jusqu'à ·présent la na ture a ii>Ius fait que
l'homme pour le Brésil :•toutefois depuisrarrivéc
du roi on a beaucoup eflectué pour l'avantage
du pays.·Üri doit mettre de ce nombre plusieurs
ordonnances, rendues- en faveur .du cornmerce,
qui est tres-Çtctif, ·et dans lequel, cependant, au
détriment . des sujets, l' Angleterre a .u ne trop
grande prépondérance; €ar les navires. portu-
gai.s paient des droits plus forts. que ceux de la
Grande-Bretagne. Toutefois .la circulâtion de
capitaux considérables a béaucoup· enrichi la
capitale; le séjour de la . cour ne contr-ibue ·pa.s
peu à cette prospérité : elle nourrit un grand
nombre de personnes, et les envoy~s des ·c om·s
d'Europe ainsí qne les étr~_nger,s attirés par di- ·
vers motifs en ce pays, ont extrêmement ré-
pandu. le goilt du luxe par:ini les différentes
cl~sses d'habitan~. La . mi se, les modes, y res-
semblent entierement à celles des capitales d'Eu-
rope. On y tt'ouve déjà une si grandé quantité
d'artistes et d'artisans de tous les pays et dans
tous les genres, que dans pen d'années on y
rnanquera . de peu de ces choses qui tien~ent à
l'agrécpent de la vie. On_y jou~t d'ailleurs d'une
AU BRESIL. 35
.abondance de frnits et d'autres productions de
la nature que l'on doit à la beauté du climat; et
que l'homme ne sait apprécier et mettre à pro-
·fit que lo1:squ7il les obtient par le travai], la
çulture ,. et lorsqu'il parvient à les perfection-
ner. Les o ranges, Jes inangues, 1les figues , les
raisins, les goyaves, les ananas, ~cquierent ici un_e
qualité p~rfaite; on. y a plusieurs variétés de
bananes, notamment celle de San=--Tome, et la
banana da terra , que l' on regarde com me plus
saine encore : toutes deux sont tres-nourris-
santes et ·tres-savoureuses. Parini les fruits qui
se verident dans les rues, on remarque le coco,
., dont Ie lait est si rafra!chissant; le fruit du ja-
quier à feui lles enlieres ( artocarpus integri-
folia ) , dont le g.oút est dl uIJ# clouceur désa-
g-1•éable; · les melons d' eau ( melancias) _; les
amandes du q1ia·t elé ( lec,ythis ollaria); celles
du pin du Brésil (-araucaria ). On clit que la
caH.ne à sucre cro1-b nat.m.~·elleme!_lt dans le pay's,
notamment · aux envirpns de la capitale. Les
ma•r chés ne sont pas moi11s bien foutuis de pois-
sons de différente espece, des formes les pfos
singulieres et des couleurs les pl~1s belles ; en-
fin, la _volaille et le gibier de H:mtes sortes vien-
1:i.ent ajouter à l'abcmdan~e. On. a ' ici une T;;ice
36 ·VOYAGE
de poules à bec et à pieds jaunes, qui, dit-mi,
vient d' Afrique.
.
L a garn1son , .qu1. est tres-non1
\ b .r euse , re-
,
pand aussi beaucoup d'argent dans la ville. La
différence entre les soldatsyenus·d'Europe apres
avoir servi eu Espagne ·sous W ellington, ·e t
ceux -qui ne sont pas sortis du Brésil , frappe
au premier coup d'reil. Les premier.s ont une
tournure tout-à-fait militaire; les autres sont
amollis par la chaleur du climat : l'exer:cice
fini, ils font rapporter leurs armes chez eux
pàr des negres.
: On ne peut pas attendre un tableau- complet
de cette capitale et de ses habitans , de la part
d ' un voyageur qu1. n ' y .a 'r..ia1t•
. qu' un court se- ,
''·
VOYAGE
)a ville sous la co11duite du capitaine Perreira ,.
qui connait 'tres-bien l'es environs. · On s'ém-
ba'rqua pour traver~~r une partie de 1'.1 haie. Un
tres-beau temps nous favorisait; chaque in-
stant m' offrait le coup d' reil ravissant de tableau'x
nouveaux pour 1noi qui se renouvelaient sans
cesse, et dorit le charme s'accroissait par la
diversité et la vivacité des teintes de hiuiiere
qui animaient les jolis bosquets r~pandus fo
long du rivage. .
On débarqua à peu de distance de San-Lou-
renzo, et l'ou se mit à gravir des coHines d'une
élévatioq médiocre par un s.e ntier 'qu'ombra'-
. geaient des haies touffues de végétaux élégans;
. Ies lantana' avec leurs fleurs de couleu~ de feu'
, rouge f~ncé ou rose; · les héliconia, et d'atitres
arbustes d'un aspect égaleníent gracieux , for-
ment ici des taillis épais. Au sommet de la col-
_line, les ·n1aismis des lndiens sont éparses au
milieu des bosquets d'!=>rangers, de bananiers,
·e t d'autFe&arbres cl1Jrgés de fruits exquis. C'est
ici qu'un peintre de paysages aurait l'oceasion
de perfectionner sdn pinceau, par la vue de la
riche végétation des tropiques et de tableaux
champêtres d'une nature sublirne. L~s habitans
étaient occupés dans leurs huttes à fabriquer de
AU :BR-ÉSIL. 39·
Ia ·poterie avec une argile d'un gris foncé , qui
r~ugit quim<l elle· a passé au- feu : ils ét~ient
assis à terr~ Ils.fon:i de,grands vaisseaux avec
leurs mains seules, sans employer la roue _,
I
et unissent la surface· .au moyen d' une petite
coquille qu'ils humectent avec la bouche. Les
hommes travaillent au. service du roi sur les
vaisseaux. Le visag~ de la plupart de·ces Indiens·
· portait ~ncore les íraits distinctifs de lenr race;
d'autres, au contraire, semblaient offrir une ori-
gine déià 'mélangée._ Les caracteres: distinctifs
de la race brésilienhe_, que .j'observai da~s ·ce .
lieu pour la premiere fois' et que rai ensuitc .
con.stamment retrouvés, sont une taill~ moyen,-
ne , souver,i.t médiocre; le corps bien· pr<?por-
tionné, ramassé et musculeux. chez les hommes i
1a peau rougeâtre ou d'un brun jaunc%tre _, les.
cheveux durs _, longs , . épais, li~es~ d'un noir
foncé; fa face large _, assez osseuse ; les yeux
souvent obliques , .et, cependant le visage,.,bien
fait; les traits forts, lés Ievres géné-ralement
épaisses; les mains et les pieds petits et d'une
forme délicate; la barbe géq éralement peu four-
, nié et dure.
Le peti~ nombre d'lndiens qui demeurent en
-ce lieu est Je reste de l'ancienne et nombreuse
VOY.AGE
population de ce canton : ce ·n'était pourtant
pas , à prnprement parler , dans . te lieu qu'ifa
vivaient. Dans l'origine, Rio et les environs
étaien t habités par . la tribu belliqueuse des Ta-
n10yos. Ceux-ci, chass.és en partie par les Tou-
• pinimbas·, nomrnés Toupinambas parles ·Por-
tugais, se réunirent ensuite avec · ces Indiens
centre les. derniers _, ·et firent conjointement al,
liance avec les Français ; mais ces ·Européens
ayant été expulsés en i·567 par les Portugais,
les indigenes qui avaien t pris leur parti furent
en partie exlenniüés, en partie repoussés dans
l<:;s forêls.:. S'il faut en crnire une tradition peu
vraisemhlable, ces Toupinambas furent forcés
de recuier à travers les forêts jusque s1~r les
bord~ du fleuve des Amazonés, o-ti ·ils se sont
établis: Toutefois, il est··certain que l'on trouve
m1 reste de cet!f:e t.ribu ·oans- une pe.t ite He située
au confluent de ce grand fleuve .et du Madeira,
et o-li l'on voit la hourgade de Toupi.nambara,
qui a ensuite donné· naissaQce à celle de To-
payos : on peut juger par là de l'extension im-
mense de cette peupla<le (1 ). Le Français Jean
· bus des Toupinambas et eles antres Indiens des côies. qui ont
dé l'affinité a,vec eux, s'étendaient da'n s tout le Brésil; c'est
e.e que prouy. ,nt les noms · tirés de leur langue, ue l'on
trouve sur touté Ia côte cirien,tale, Ie long du fleuve des Ama- "'
zones, et même dans le Paraguay, <;>u Azara Ieür applique
la dénom ination de Guaranys. ( /Toyage dans l' Amérique
méridionale, tom. II, pag. f•2.)
Les mots de la langue guarany que ·cite ce voyageur, of-
frent i)lusieurs différences avec la lingoa geral , _mais en rriême
temps plusieurs points de ressemblance , de sorte que ces
deux peuples, paraÍssent avoir entre eux b.eaucoup d'affiuité.
( i) Noticias antecedentes, curiosas , e necessarias, du.s
42 VOYAGE
sées ou apprivoisées, Indios mansos, (et les hor-
des sàuvages, Tapuyas. Les premiers, lorsque
les Européens découvrirent ce pays , n'habi-:- ·
taient que les côtes maritir,nes ; ils étaient par-
tagés en tribus nombreuses , qui ne différaient
pas beaucoup entre eUes par la langue, les mreurs
.et les usages. Toutes nourrissai~nt leurs pri-:
sonniers -de guerre, ·les tuaient ~n jour de fête,
avec le tacapé ou ive.ra pemmé, massue Qrnée
de plumes, et ensuite les mangeaient. On ·cite
parmi ces tribus les Tamoyos, les ToupinaÍu-
has, les Toupinaquins, les Tobayaras; les Tou-
pis, les Toupigoaes, les Toumimin~s, les Amo'ig-
pyras , les Araboyares, les _ Rasiguaras, les
Potygoares, les Carisos, etc. Com me leur langue
~ e parlait tout le long de la côte, on la nommait
lingoa geral ':m matriz. Les jésuites, et entre
autres José de Anchiéta ., nous en ont donné
une ~rnmaire tres.:.complete (1). Q ttPique tous
ces i'ndiens soient au]ourd'hui civilisés et parlent .
portugais, ils compreírnent cependant quelques
mots de cette langue, et plusieurs vieillards .Ja
48 VOYAGE
fisans ( l ). ln.dépendammeut de ces deux. végé-
taux, qui font proprement la base:de.Ia. nour-
riture de tous les peuples du Brési~, on cultive,
dans Jes pimenteiras qui entourent les maisons,
diverses plantes
.
qui' servent à 1'assaisonnement
.
des mets : ce sont différentes sortes de piment,
entre a.utres la malaguéta, dont l~: frui t est:rouge
et allongé' et le pimenta di ch_e iro' qui est rond
et de couleur rouge ou jaune. On y voit aussi
·aes touffes de ricin (. baga ) (2) , ;mx. fe~lilles .
anguleuses, et des graines duque! on exprime
de J'huile pour les besoins du ménage. lVI,.Sel-
low, notre botaniste , trouva pres des habita-
tions .des lndiens une espêce de lepidium sau-
vage, dont le gout ressemb~e à celui d-q cresson
alénois d'Europe : les lndiens disent . que c'est
un remede assuré contre les maux de poitrine.
Pendant que M. Sellow moissonnait dans son
champ, j'achetaí des Incl~ens de jolis ·oiseaux
qu'ils teHaient dans des cages de .bois; eutre·
autres le tangara violet et orange ( tanagra via-
1
(1) Kóster, l>ag. 369 (tom. II, ·pag. 265 de la traducttion ).
- M; we, }Jag. 7 5 ( tom. 1, pag. 124 de la . Traduction ).
. - ......
'·
••
AD · BRÉSIL. 51
1
CHAPITRE III.
AP BRÉSIL. 55
server notre bagage de l'humidité la n.u it , ·de
on le . pla.ç a en demi - cercle ' et l' on éteudit
dans l'intérjcur des peRt1x de breuf, qui· nous
servaient d~ lit. Au, ·milieu de l'enceinte oi1
alluma un grand feu. D' épaisses couvertun~s .
de laine nous défendirent de la forte .rosée de
ce climat : nos porte-manteaux nous tenaient
lieu d'oreillers. Notre souper frugal, ·qui con-
sistai:t en riz et en viande, fut bientôt prêt; nous
po~tions avec nous des plats , des cuillers et
tons les autres uste:risiles nécess~ires. Les étoiles
brillaient de cet édat remarquabl~ qu'elles ont
entre les tropiques : notre repas en plein air
fµt assaisÔnné par la ga1té. Les planteurs voi..i.
sins , qui passaient pres de nous ei~ se retirant
chez eux·, íaisaient ieurs commentaires sur éette
sÍnguliere troupe de ·bohémiens (1). Comme
nous pouvion~ être volés dans ces cant'ons ha-
hités ' nous noqs etions partagé~ en : plusieurs
trqupes pour fai1•e tour à tour la garde pendant
la nuit. l\'les chiens de e11asse allemands me fu-
0
. '
rent tres-utiles en cette Ócc~sioó; car au' mo~ndre
'
'1
. ~ l ', j
. t •
(1) Le guit-guit.
58 VOYAGE
rorige éclatant, une espece de bignonia' avec de
grandes fleurs d'un jaune tendre , à laquelle
M. Sellow donna le nortl spécifique de coriacea.
Du rnilieu de ces buissons s'élevaient .des cac-
tus , des agave f cetida, et des touffes d'un ro-
seau en éventail. Le long des chemins éroit le
balisier aux fleurs d'un rouge briUaut , qui a
quelquefois dix à douze pieds de ' haut; mais le
buginvilléea. brasiliensis , arbre· un peu épi-_
1 neux , touffu, et remarquable par le bel aspect
..
66 VOYAGE ·
de citer une espece de bromelia dont' le calice ·
1
\
AU BRÉSIL. 69
)) forrpent les · caracteres particuliers du nou-
» ·veau continent (1). )) - ,
Quand nous eumes atteint les hauteurs de Ia
Serra-de-lnua, nous aperçumes des perroquets
voler par couples au-dessus de la forêt, en pous-
sant de grands cris : e' é.tait _le. perroquet à front
rouge, nommé caniutanga: dans ce cantou , et
chaua dans d'autres, à cause de son cri ( 2 ). Dans
la suite il a souvent servi à nos repas. Nous
sommes ensuite arrivés dans un pays agréable
- 0 _,
et uni, et nous avons passé la nuit à la Fazenda-
de..'...lnuá. Le propriétaire était un capitaine qui
ne fut pas peu surpris de notre visite. II élevait '
dans s:_i ferroe beaucoup de bétaií et de volaille.
Ses breufs . étaient d' une beauté et d'uqe gros-
seur étonnantes, et ses cochons tres ·gras; on
en Çt ic'i une race petite , noire, à dos abaissé , à
boutoir allongé , à oreilles pendantes. La basse-
)
AU J3RÉS1L.
fondent par troupes, sur les ch<)mÍ>s de ma'is _
voisins des bois.
En quitt;mt lnua nous 1sommes entrés dans ,, -
une forêt d'arbres gigante.sques entortillés de
liancs, oi.1 des objets que nous ·n\wions pas en-
core vus se sont présentés à nos regards. Nous
avons .d'abord aperçu à' terJ·e la grande arai-
gnée yelue, aranha oaranguojeira ( araneçi
_avicularia, L,.), dont Ia morsure occasionn-e ,
dit.,.on , une enflure douloureuse. Ainsi -que
M. Langsdorfl'a dit, elle vit priucipalement dans
la terre. ·Indépendamment de , ce singulier in-
• I
,.
72 VOYAGE
retentissanl e , q1ii ressemble parfaitement · an
bruit d'un marteau sur une enchune, ou áu son
d'une cloche félée. Cet oiseau, qui appartient
au genre nommé procnias par Illiger, porte
tóut Ie long de la côte- orienlale le nom d' ara-
ponga; il resseml: Ie beaqcoup par son plumage
au cotinga ·guirapanga ( a1npelis carunçula-
t:a, L. ) , mais il en differe par des caoocteres ·
essentiels ; sa górge nue et verte--, Ie manque de
· caroncule charnue sur le front, l'en distinguent
suffisanuüent.
:(_,a forêt om.bragée _d ans l~quelle nous voya-
giçms était e:xtrêmement agréa:ble à parcourir ; ·
des troupes· de p~rroquets volaie:n't de côté 'et
d'autre en criant; on remarquait parmi -les plus
uombreux la jolie petite perruche à queu.e cunéi-
forme, que l'on nonune ici tíriba. Je tuai un
écureuil ( sciurus · ce~tuans ) , le seul de· cette ·
espece· que j'aie rencontré dans mon voyage : il
se distingue par son pelage mêlé de gris bru-
11âtre et de jaune. Des trains de bêtes de somme
pass_erent pres de nous; Ieurs conducteurs n'é.:..
taient pas peu surpris eles coups de fusil qu'ils ,
entenda"ient tirer de chaque côté de la r:oute,
par 1i os chasseurs répandus · dans toutes Ies di-
rections.
AU BRÊSIL.
· A.pres avoir traversé des plá1ttations, des fo-
rêts brülées 1, des plaines rriarécageuses, et des'
prairies entóúrées de montagnes ·rocailleuses ,
eouvertes de bois et tres-pittoresques, 'nous
sommes arrivés dans des prairies oii. les aigrettes-
blanches, le vanneau d'Amérique ( vanellus
cayennensis), les jacanas, nommés ici piasocca,
et les pluviers, se promenaient pa17troupes. Les
bestiaux paissaient dans ces pâturages, le loriot
violet (oriolzts violaceus) courait de tous côtés.
·Nos ·mulets de selle étaient déjà: .si b_ien dressés, -
que je pus tirer sur ces oiseaux sans descendre.
' Je tuai plusieurs loriots .d'un coup. L'ani ( cro-
_tophaga ani, L. )n'était pas moiús e0mmun que
ce loriot brillant, dans les haies d'es fazendas
et dans les ,prairies, à peu pres comme les étour.:.
n~aux, dan~ plusieurs pays d'Europe; ils étaient"
en =outre si peu farouches, que j"e pouvais m.'éri.
approcher de tres-pres sur ma rnonture.
Le soir, nous sommes entrés dans le village
de Marica, sur le lac dú. même nom. Cette pa.. '. .
roisse, ( Freguesia) renferme à peu pres hpit
cents :imes. Les habitans d'une maison un peti
écartée, à_laquelle nous fintes halte, ·ferm,erent
soignel)sement · leur porte. Tous les vo1sms ·se
i·assemblerent aussitôt ·. pour nous i•egarder ;
...
.i
VOYAGE
mais à pein e eumes-nou,s commencé à dépouil-
ler et à préparer les animaux que nous avions
tu és dans la journée ·' que jeunes et vieux .se
mirent à secouer fa tête et à rire tout haut de ·
la -folie des, étrangers. Nos fu~'i!ls à .deux coups,
o!)j_e ts absolument nopveaux pour eux, -les in-
téressaicnt beaucoup plns que nos personnes.-Le
Iac ~ariea , s-ur les hords duquel nous nous
.som1nes arretes un 1our pour connaitre ses en-
• º /\ ' • . A
..
AU URÉSIL.
·•
aura, L.), q~e, jusqu'à présent, Azara seul
a di.stingué ~vec exactitude ( I ). Au premier
coup d'ceil, il ressemble beaucoup à l'ouroubou
à tête grise, mais en l'observant av:ec atteption, (
/
AU BRÉSlL.
un maranta à belles fleurs bleues attira aussl'
l'atten,t ion de nos ·botanistes. ·
Notrn jeune Indien Francisco nous donna -
aujour~'hui une scene singuliere. Quelqu'un de
Ia. compagnie crut voir un oiseau perché sur un
grand .arbre desséché et tira dessus :_ alors il ·.
s'ap~rçut , g~e ce qu'il avait pris pour- .un oiseau .
n'é.tait q11'u~e; ~xc~oíssance de -la hra~1che. Fran- .
cisco, doué '. ço~me tous ses c~mpatriotes d'une
vue l?.er9a~te, . avait ~u p~·ern~er coup d'reil re-
connu la z:i1ép~i~e ~ ~~:iais.il ;atte11;dit trar;iquiU~rnen-t
que l'auti:-e .eut ti~~· son ~oup de fl!sil, et alors il
partit. d'~n : .é«?lat ~le<!'ire ~i im:modéré, qu'il
resta un ce~ta~p teq1ps sans pouvo~r se~i'erpettre.
Les sens _des In.d iens sont si perfec~ionnés par
l'exetcice; . qu~ ~ne b,évu,e sembJ.a ble à celle . q~i ,
vena_i.t .d~avoir l~eu ~em: parait ex.trêm~m_en~ ri..::,
dicul~ ~t .P~~o.y:ibI.~. Francisco ~o~s .d ivertissait
souvent; il av;:iit de la douceu~ et de la fidélité,
mais ~u?s} ~~a~cou. f _çl'ttinom·, ; pro,.rre f!!.tc1 ·e . va-
nité; il f prétendait tou1·.otus ' Jl.voir
j 't , I' t <f':f
!~ )
tué le't, plus
I J 1 j
. '
V OY AGE
n ommait F rancisco, d e m ême q ue ,n otre jeune ·
l n d ien, se m it à n otre service· comme ch asseur ,
et m ont1~a d es t alens ra res p our ce m éüer. 11
était m i nce et l este , endurci à la fatigúe , ti rait
t r es-b ien, et joignait à c es q ualités un b on ca- .
r actere. d onnaissant le p ays et les an irn.aux q ur
s'y trouv~ient, il n ous fournit . u ne . q uantité
d 'objets ihtér.ess·a ns, e ntre autres u n m arikina
( simia ro~alia· , L . ) q ue nous n'avions p as:en-
c ore p u n ous procur.er . L 'araponga ( p rocnias
n udicolliJ ), d ont j'ai p arl é plus h aut , était
ext rên1en1ent c omnúu1 d ans toutes c es monta- .
gnes b oiÜ es; sa v oix sonore l'annonçait p artout . .
F r an:cisço f ut le prernier q ui tua ce b el ·oiseau
p o u r n d tre collection. L es b ons ch asseur s brési-
liens sÓnt d oués d'un h aut d egré d'ad resse p our
. aller à ·la découverte d ans les grandes fo rêts; .
leur corps endurci et l'hab i.tude d e m arch er
t du jo urs pie d s n us leur r en d cette hesogne
e xtrao rdinai,remen t facile·. L eur vêtement con~
siste en ·une che mis.e: l éger e e t d es p antalons d e
t oile ' de, coton ;·-ils -p o.1h ent souvent su r I' épaule ·
u n e veste de drap , p om; la mettre q uand il·p leut
o u quand la fra1çh eur d e la nuit se fait sentir ;.
· ils se c ouvr ent la tête d'un ch ap eau de feutr~ ou
d e paiUe. L eur poire à p oud re et leur gibecierc
AU BRÉSIL. 35
sont suspendues à une' co~rroie de cui,r ..passée
en b andouliere; la- b atterie d e leur l ong fusil
est o rdinairement p~éservée d e l'huniidité par
u ne p eau d 'ariimal.
L a température d e G urapina était 'tres-va-
n
r iablé. fit si froid ·p endant q uelques j_ours ,
q ue Ie t hermometre, à midi, t omba jusqu'à 13°
de R éaumur : d ans l'intervalle ; Dous e-limes u n
temp5' assez chaud et agréable. J e m 'enfonçais
fr équemment ·d an.s cette solitude montue.u se ,
charmé d u p rofond r epos et d u silence q ui y r é-
gnaient, el q ui n'étaient interrompus q ue pa.r
les cris de q uelques t roupes d e p erroquets : j'y
aurais p assé des journées entiere&. C'é~ait d ans
d es dispositions <l 'esprit semblables q ue Dous
. p assions le temp s dans les environs d e G urapina,
t r.es-dispos et t res-gais , et d'autant plus contens
q ue n ous avions
. .
d es vivres frais en abondance.
Ceux que le voyageur b r ésilien a la p ossibilité
d e p orter avec l ui sont la farine d e m anioc, q ue
souve~t on n omme simplement f arinha ; d es
h aricots noirs ( feijào) , d u m ais (milho) , de
l~ viande salée seche (carne seca ou ·ao ser-
tam) ( 1). A u li eu d e cette viande seche, n ous
(1 ) A P ernambouc, on la nomme carne .de seara. V oyage
de K oster, p ag. 1 25 et i 5o, tom. I , p ag. 2 10. ·
/
86 VOYAGE
nous procunons à la ·fazenda de honne viande
fraiche; en outre, le ·propriétaire nous appro-
visionuait d'une grande 'quantité d 'oranges ex-
·e
cellentes, d'eau-de-vie de sucre agoa ardente
de ca1.z na), de riz, .de sucre, de farinha, de · ·
mais, de coton, ·e t il poussa fo désintéressernent
au point de ·refuser tóute espece ' de paiement
pour lant d'objets. Sr. géuérosité nous obligea
de partir de ·ce Jieu plutôt que nous ne l'avions
projeté, car cc-l canton, indépendarnment de
beàucoup d'autres avantages' nous offraii des
·jouissances aussi nornbreuses qu'agréables, et
une méltiere abondante à notre curíosité. Nous
pdmés donc congé de notre hôte; et nous nous
mimes eP. route pour Ponta-Negra.
. )etaient
L es e l iennns ' . , a' untel
souvent <..:l e1onces
'"
-point' que nos . hêtes de somcne couraient le
risque de s'y enfoncer avec leurs charges. Nóus
~tra,versâm es à cheval des broussailles touffues,
conJposéesde bantes grarninées de la consistance
de~ r oseaüx' de ha1isie1~s; de rhexias et de pal-
m iers nains. Sur quelques hai1teurs nous vi-
mes eles nP,gres qui, pour défricher le terrain ,
arrachaient les petits buissons avec un fer en
forme de faux attaché à une longue pe1·che. En
passant ,Jevant quelque& fazendas, nous admi-
AU BRÉSIL.
râmes les haies épaisses d'orangers 'lui les en-
. .
vironpaient. Nos gibecieres et nos poches bien
remplies d'oiseaux et . ~e pÍus~eurs sortes de
graines mi'ires, nous arrivân:i~s. en~p .à ~a Lagoa-
da-Ponta-Negra. ,Çette h>lie lagune nourrit t
sur
ses iives marécageus~s .P<?!lyertes der J'.Oseaux
des troupes nombreuses 4~ jac:m~s et de hé~ ·
rons hlancs dont ~os chaf!~Çurs . tuerent quel-
qu_e s-uns. Le plum~ge de ces ois~aux conserve
toujours µne _propreté écla,~nte , . même dans
les ~ndroits les plus bo~rbeux, grâce à l~urs
longs pieds. A peu de distance ~ous ,atteigpim~s
une vendá isolée ou les voyageurs O?t cou-
tume, dans .l a grande' chaleur, de. se i:~fi:aichir
avec de la . limonade, 9:i-1 ~. ce qui \:al}t n~,ie,ux. ,
avec du. punch f!·oid. No.u s appdmes_en -~e lieu
qne. la. pouvelle de notre venue .prochai~e _nous
avait ; préc.~dés , et nous flmes . J.a . dés1:tgréable
e~péri~nce _qt;ie .. l'~ôte avait d'a:vance .spéculé
st;tr . notre bo.urs~. Sur une .hauteur , pres de
cette :r;naison, nol.~s fumes st;trpris d,u ~oup d'~.il
magnifique de la _n-Í.er, ~e la ·~agun.e. ~t. d_u~ p~ys
voisin de Rio.- de-Janeiro c1ui s'étei;id:\it der-
ricre DOUS. En avancant
~ ,, ensuite au .' .milieu
':
de
halliers épais, DOUS trouvâmes Uil oiseau IlOU-
veau pour n_o us ·, le gi;a1~d ani ( crotophq,ga
/
88 · VOYAGE
majdr, L. ), qui étaitfort commun. Son plumage
est Doir, à reflets .verdâtres et violet~. Nous en-
tendions le hruit de I.a m~r , et hientôt Dous
grav1mes de.s du.nes d'oú DÜUS· vhnes Ies vagues
hlanchi~santes d'écume hriser contre les mon-
tagnes de la côtc=: couvertes de foréts. Au delà
des monticules de sahle blanc qui -hordeDt Ia
plage ( praya) croissent des buissons touffus
composés de toutes sortes d'arbre-s~que les vents
de mer et les tempê'tes tiennent tres-ba~, et qui,
par cónséquent, ne s'élevent graduellement qu'à
mesure qü.'ils s'éloignent du · rivage.
Dans ces _halliers hauts de viligt à trente pieds,
au milieu · desquels. Dous poursuivions notre
route le long de 1a mer, croissaient de grnnds
cactus: les bromélias, pa.rés souvent de fleurs ma-
gnifiques, y sont tres-Doml~reu~. De petits lé-
zards couraient sur les feuilles seches au-'dessous
des arbres, tandis que le grand ani ei- le tijé
( tanagra · brasília) au plumage rouge de sang ,
animaient ces broussailles. Ce bel oiseau est
tres-commun dãns le Brésil, surtout sur les côtes _
de la mer et sur les hords des rivieres.
Vers Ie soir, nous nous trouvân1es entre la
côte de la mer et un grand marais couvert de
roseaux dans lequel des troupes d'oiseaux se
•
AU BRÉSIL.
reposçiient. Les tijés y~étaient surtout nomhreux;
1a grive à ventre roux ( turdus rufiventris du
musée de Berlin), que l'o'n n_omme ici sabiah,
se tenait sur le sommet ~es buissons ' et faisaít
entendre sa voix agréahle et flutée. Au ·crépus-
cule, les engoulevens vinrent v~leP autour de
nos chevaux, de mên1e qu'un g~and papillon
couleur bleu d'ardoise ( papilio Idonienaeus,
Fab.), dont nous aurions pu prendre~ plusieurs,
si, dans ce moment, le filet qui nous était né-
cessaire ne nous avait pas manqué. Je trbuvai
une chauve-souris morte suspendue à une bran-
che, elle avait surement expi·ré dans cette po-
sition : elle appartenait au genre phyllostoma , /
I
AU BRÉSIL.
ensemble, ne nous rapportant que quelques sacs
de petits poisso'ns frais. Cependant la nuit était
passée, et notre sou per fot réellement un dé-
jeuner.
La Jagune de Sagoaréma communique avec
Ia mer : elle a six legoas de long et trois quarts
de ,legoas de large. Son eau est salée, et quoi-
qu' en certains endroits il s' en exhale une odeur
désàgFéable , elle est tres - poissonneuse. Des
pêcheurs habitent de petites cabanes de terre ·
éparses sur ses bords; chacune a un fossé qui
lui .sert de citerne pour }!eau de pluie. Ces pê-
cheurs , comme tpus les Brésiliens, sont lége-
rement vêtus ; ils portent de gran&~ chapeaux
de paille, de Iarges pantalons , _ et. des chemises
tres-minces, ont le cou ~écouvert, et marchent
pieds nus : tous ont à la ceinture un stilet aigu,
monté en laitou ou en .argent. _L'usage de por-
ter cette arJDe est, au reste, . général chez les
Portugais, usage for~ dangereux_, c:ir il donne
lieu ·à beaucoup .d'assassin~ts, surtout par mi les
hommes grossiers comme le sont les pêcheurs
de-Sagoaréma. Ils tiennent en commun la venda
située sur les bords du lac, et en partagent le
,produit : il est par consé,q uent supedlu d~ re-
marquer ·qu~ ·1es ·voyageurs y sont plus chere-
VOY~GE
,. .
AU -BI\ÉSID-. 93
Nous gar,dions l_e silenc.e ; .nous sentions yive-
nient à. combien d~ privations un voyageur doit
s'att~ridre lorsque poussé par un désir ir-résis-
til?Je d?augmenter &.e s connais:sances, ihe trouve
seul' dan·s ,un monde étranger. Notre reil s'ef- ~
força va,i_n emen( de percer le voile ~n1.ystéríeux
de. l'avenir , ..i:l n'aperc.evait avec inquiétude que '
les peines qui not1s restaient encore à ·surinon-
ter, ,a \'an t , que ; nous pussions espérer de par-
co~rir. de .ilpuveau l;i plai~e liquide de l'Oc.é an
·PC!~r reto:Urner dan's ;nos foyers: ,La nuit ·mit fin
à,, i:lp~ .réf)e·x ions. .
_ N.~ms .. reviomes à Sagoaréma, qui est princi-
palement peuplé de~pêcheurs; :que1que~-uns ont
au:ss~ . des plàn;ta~iG:rÍs ;,. On. y. récoltait autrefois
beaucoup de. .COC<henille, mais ce.tte.. culture à
ces~é . .Le roi ~ payait la livre 6400 . reis ou un
denii-.dQb.lê. ~ ·51 fr~ncs). -Les planteurs ont eux- .
u~êm~s ... détrtJit c.e tte branche ·avantageuse. de
conm1~r,çe ~i iJ~ .rpêlàie,n:t' .d e fa farinba à la co-
chenillel, et: la falsi~aie.~t tellement, ,q1;1e éette .
marchandise j>e..Fdit · toute sa valeur .··Le le~de- .
main, qui était un dimanche, mes compagnons
de voy~g~ ~~tendirent .la messe à l' église d~
S~goa1~~~a·
J' t... . ..
: . 'c::'ep\:füdailt jé fis traverser la l~gune, ,
\
u ·.' . . . ~
(1) J'ai nommé cet .oiseau sterna ,arge!flea. On. peut aisé-
ment •le confondre avec' notre síernç, minutà~ mai's il ell
u.ne
di:ffer~: il est plus gros ; çar il a . néuf pouces. ligne de
AB BR.ÉSlL. 95
hord de la mer : eUes voltigeºai~rrt .de. côté et
d'autre comme ies hirondelles de riv~ge, et leur
blanchem· éclatante était rehaussée par le fond
noin1tre du ciel qui p.r ésageait une tempête.
Derriere fos dunes se prolongeafr une· ligne de
marais, et, dans l'íntervalle-; le sol sablonneux
était ·c ouvert de huissoüs toúffu!'> de pàlmiers
nains qui ne s' élevaient pas 'à pfos de troi·s pieds·.
Ce végétal est dép~~urvi1 de tige; il a les feuiUes
pin,n ées·, roulées" tin d'edarf~ ou. courbées ·en de-
hors, ei ses pédoncules, de ~ê·me que ceüx de .
la 1ria·s sette ( typlia) ' sont portés 's•m• une
hampe droit:e , et col.iverts de petits fruits de ]a
grosseur des nóisettes, qui s'ont rangés comme
-les gráin~ du mai'.s, et ónt à' Ieur l:a·c ine une chair
d'un jaune; rougéâtre , douce et bonne à n1ah-
ger. Cette ' plante porte ici le Iiom de cocos de
guriri ou: de p :z"Ssando. · ~
. . . 1
Ayant <lécidé de passer la nuit à la fazei1da
de Pitanga qui se présentaít de·v:úit 'nous juchée
comme un vieux ch:11eau sur ·une m~ntagne, et
'!
6 VOYAGE
eclairée par la lune, nous nous hâtâmes d'y-ªr-
river. 'La porte s'ouvrit à nos co_ups redoub.Iés,
et le feytor ou économe eut la complai~ance d,e .
nous faire entrer dans . un vaste ' P~tim~nt ou
l'on.prépare Ia farine de m~nioc. Ayant trouvé
ce g1te tr~s-commod~ pour nos gens et notre
bagage, nous ..Y restâmes plusieurs jours ptmr
parcourir le pays voi~in. .
( Cette fabrique de farinha était une .des plu~ . /
completes que l' on pÍtt voir . .V oici comme on
. prépare la farinha : onraéle d'abord ~es' racines
du manioc pour les dépouiller · de Ieuri écorc~,
ensuite 01~ les soun:iet à l'action d'une grande ~
/ ro.'9e qui les réduit en_une esp~ce de bouillie ;
on_met e.e:tte pât~ dans une longue et larg1-'! po::--,~
che faite de roseaux ou de morceaux d'écorce
1 • ~ t '
j l
AIJ BRÉSlL. 97
grandes chaudier.e~ 9,e c~ivre ~u d'argile cuite ,
enchâssées· dans des D1.(\ssifs de maÇonn.e rie·: la .
chaleP.r lui enleve · son humidité, et pendant.
cette opération on ia remue .constamnient avec.
une Jongue perche garnie à son exttêri.ii!é d'ime
pe.tite planche, afin qu'elle ne brtl.le pas ~ ·C eite
p<ite desséchée est ce que l'dn ~ppelle au J3i;ésil le1
mandioca ( ~j. Nous nous serv~més des chat~
dieres . à mandioca pour faire sécher nos objets
d'histoire natrirelle quand le temps devirit hu-
~i.de; mais' quoique l'ori passât la nuit à sur-
yeiller l' opération ' qu~lques animaui rares fu-
rent brulés.
. Le temps ét~ii froid, un vent violent soufilait
le long de la, côt~. A mi.d i le thermometre é- s'
levait à 13º. Les environs de Pitanga, remplis de
ni~rais, . de pâturages, çle buissons et de forêts ~.
/
1 -
98 VOY:AGE
nous fqurnireilt plusieurs ani111.aux intéress~ns.
Nos ehasseurs nous a pp~rterent pour la premiere
fois le jacupemba(penelope marail,L.)(1),oiseau
tres-bon à rnanger, et des toucans verts, aracaris
ouarassaris(ramphastosaracari, L.), belpiseau
dont le cri href articule deux . syllahes. Pitanga
· était autrefois _un couvent, .c'es~ ce que l'on re-
connalt facilement à son ég1ise. Sa ·vue est for~
belle et _tres-éte:1,1due. Un télégraphe corres-
pondait- · a..vec .celui de Sagoaréma que nous
apercevions dans le loin.Íain. V ers midi notre
tropa fut ,chargé~. · L'éco'nop1e de la fazenda eut
la complaissaúce de pons nccompagoer à che-
val pour nous montrer le chernin, ce qui nous
fut d'un grand secours; a,vec nos n1ulets indo- .
ciles i10us eussions sans d.o ute perdu une p~rtie
de notre hagage pendant l'obscurité de l~ nuit
qui nous surprit, et dans les mauvais chemins
remplis d'eau' ; car ces animaux ne pouvaient
avancer . avec ieur charge dans les . sentiers
étroits des forêts, se h.e ur,aient contre les arbres,
s'effarouchai_e nt et jetaient' leµr far:de41u, puis
s'enfuyaient. Nous percllmesbeaucoup dé temps
/1
r..
102. 'VOYAGE
que Ja Condamine ( 1) a vue à ]a riv1ere des ·
Amaz9nes, sentl'ail. PJusieurs de ces plantes bi-
zarres jetent de longs filà1mens qui pen©.ent jus-
qu'.à terre, oú ils prennent racine et s'élevent
de nonveau, Ínontent et descendent alternati-
vement , , et forment ainsi des réseaüx épais_et
solides qui interceptent le chemin des voya-
geurs; on est obligé de les couper avec la serpe
po~r pouvoir avancér; ces filarnéns . ligneux
qui, lorsque le ventou toute autre cause les
met en inouvement' vienüent frapper la têt~
des voyageurs , sont fort ordirfaires dans toutes
les forêts du Brésil et de la zone torrid-e-. La;
"" végétati~m. est en _général si abonda~te _dans
' "* cette zone, que cha<'p1e grand arbre est ·une
image d'un petit monde , une espece de jardin
botanique reinpli de ·plantes so.u vent difficiles
à ohtenir' et la plupart inconnués.
Nous avous tué dans cette forêt beaucoup de
heaux oiseaux. Le souroucoua ou couroucou à
ventre jaunê ( trogon ;z_1iridis)y était tres-con~mun;
partout on entend retentir sa voix qui est u,1
sifilement répété dept~is lc ton le plus haut jus-
qu'au plus bas; nous apprimes bientôt tt .}'imi-
AU BRÉ~IL. 103
. ·voYAGE
M. Sellow ne découvrit pas beaucoup ·de nê-u.-
velÍes plantes , mais il trouva -en abondance. ·la .
belle alstroemeria lig..tu, L. ), fleur agréablement
ray.é e de rouge et de blanc. ll ' rencontra aussi
un serpent assez commµn , mais . qu1 rn1t · orne-
l ·c. ~ 1'
'
106 VOYAGE
fazenda à travers des rriarais et des s~bles cou-
ve1~ts de bois. Elle est située au rnilieu d'une
prairie. , Notre hôte de la veille nous avait
fait espérer que nous y serions reçus amicale-
ment : c'était autrefois . un couvent; l'église
est grande; tout aupres sont les bâtimens d'ex:..
ploitatioµ. Nous y avons vu, pour la premiere
fois, une malaclie qrii; dans le Brésil méridio-
'
naI , est tres-conímune ,
parm1. I es negres, e ' est
.un gonflement eles pieds ·qui se recouvre.n t
d'une peau dure comme dans . Fêléphantiasis.
Nous demandâmes au maitre de la fazenda
à passer la nuit chez lui; bien différent eles
planteurs brésiliens qué nous n'avions corinus
jusqu'alors que · sous nn côté avantageux , il
nous indiqua ·t;n;ie méchaNte écurie ou ~range
dont le toit nous m~ttait à cou vert de la pluie ,'
mais dont .Ies côtés ouverts nous exposaient
à tou~e l'inclémence du tem.p s. A n.otre arrivée,
Ie p1:opriétaire s'éloigna et -n ous prouva ainsi
qu'on lui avait fait trop d'honneur à _Tiririca
en le qualifiant d'homme hospitalier .. L'ayant
fait prier de nous vendre du riz pour nous, et
du .m ais pour nos i{mlets, il refusa , sous pré--
texte qu'il n'avait ricn., et dit que si l'on vou-
~ 1
lait nous donner de l'eau, il nb s'y opposerait
/
AU BRÉSIL. 107
-
( 1) l\'Iawe parle de cel oiseau, p. 80 ( tom: I , p. 156 ).
Je tuai ~ dit-il, de beaux. v:anneaux qui avaient à chaque
a ile uu 'éperon rouge: ces oiseaux font,beaucoup de bruit.
I Q8 VOYAGE
le cri 9uer, quer,, quer, qui effraie et fait enfuir
tous les autres 'Oiseaux. On' le repcontre dans
toutes les prairies ' les pâturages et les maré-:-
cages du Brésil. La grande hirondelle à collier
blanchâtre est pe même com.mune en ce lieu (:r:).
La chale~r devenait de pius en plus accablan-
te; on D.e sentait pas le ·moindre soufle d 'air; le
.s able sec et profond dans lequel les rayóns du.
soleil se réfléchissaient, augmentait l'ardeur
- hrülante de l'atmoitphere.
Nos chasseurs tuerent pans une · belle. forêt
que nous ~raversions une jolie espece de ma-
racana (psittacus gu'ianensis, L. ) qui v·o lait
en troupes innombrables. Au· sortir de cette
forêt nous arrivâmes à un endroit oi.i un grand
nombre d 'l n diens de San-J!i>edro étaient occu-
pés à réparer-le chemin. Cette réunion d'hom.-
AU BRÉSlL.
~es d'une teinte cuivrée était pour Dous un
spectacle Douvaau et · interessa:ilt.
:Apres avoir franchi quelques collines' DOUS
aperçümes tou~ à coup la. grande lagune ·de
Araruama qui ~, six legoas de long sur bi1e
largeur considérahle; elle co~nmniqu~ avec la
nier à une legoa_et _q~mie au nord dri capr Frio.
Qn dit que. l'on récolte .du sei ·en quelques en-
droits de . ~es hords ; elle e~t -tres-poisson-
neuse ( 1 ). Des forêts et des niaisons entouraient
le rivage opp,osé; sur une petite hauteur dàns
le foirttain s'él~vait l'église du village de San
Pedro .. Ayant fait le t~ur d'u~e . partie de la la-
gune', nous flmes halte à la venda du villag~;
bientôt arri.verent nos é'bass~urs fatigués de Í~
' -' .
chaleur et de la longueur de la course à pied;
ils. avaient tué en chemin plu's ieurs anin~a-t;i::t
curieux.
San Pedro dos lndios est un village d'fodieris,
(Aldéa), qtie les jésuites ont form~ en réunissant
d 'abord des lndiens Goayatacas (2)~ 'L'églisé-est
AU BRÉSIL. 115
de la racinJ! de rnanio«i!, du mais eí des patates:
la racine est raçlée , coupée en petits mor-
ceaux.., bouillie, puis mâchée : on la retire de
la bouche avec les doi.g.ts, on la met dans u11
vase que l'on remplit d'eau,. et ou Ia laisse fer-
~enter (i}. 11 envésulte une boi~son enivrante,
aigrelette et :nourrissa-nte, d0nt le gout appro-
che heaacoup de c:eh1i du petit-lait. Ou le boit
oi::di:nairement chaud. La. man.iere de vivre des
Iudiens de Sàn~Pedro · ressemble encore à celle
des ancien:~· lndiens côtiers. Les ;Portugais ont
ac;lopté plusiem~s .d e leurs usages; 'entr~ ·autr.es
-.
{ 1) De Lery, pag. 1 !J 4 .
'\
AU BRÉSIL. 117
1 •
(1) De Lery·; pag. 1 ~5.
1 (2) Jbid.' p~g. 127.
(3) Pl. 514 (tom. II; pag. 181 ).
( 4) Haús Staden les noinme tamaracas, eh. XXXII ;- ee
sont lles especes· de féliches.
• 1
118 "'\"OV:AGE
le ~ieH même oi1 la nature avait 6.xé sa .demeure,
en n'en aperctw1'a plus de v;estiges, et son sou-
veni'l· ne se conservera q,ue. dahs les relations
de Jean de Lery et de Hans Staden (}-)· , ·
•N ousnous entretinmes le soir avec les ha~i..J.
1
.
(1) Histoire d' un tJoragefait en la !erre du Brésil, au-
t'remerit dite anta(·c tiq ue, par J ea~ d e Lery, 1585. ( La:
premiere édition est de 1578. ) - Hans Staden w.ahrhafiige
historia und Beschreihung eille!· Landschaft, etc. (·'His-
toire Péritahle et description d'un pays du 1~ o~Peau monde, -
l' Amérique, hahité par des peuples sautJages ;· nus, cruels
et anthropophages, écrite par Hans Stad{!n, quiy afait un
v oyage) . - Francfort, 1556, 1 vol. in-4º.
AU BRÉSIL. 119
passâmes plusieurs jours à . San - P,ed~·o; nos
"foyageurs nous apporterent quelques micos
( simia .fatuel/us C>U sahoui COrnu), }e pares-
seux à collier noir ( I), espece. encore peu con-
nue ~ etc:' Nous l'avons ensuitê trouvée <lans .
des canto:r:is .plus au sud; au contraire, nous.
ne !'avc;ms pas rencontrée tlan s ceux qui sont
plus· áu nord.
Le lendem~in dimanche, tous les habitans
des environs arriverent. en ·foule ·à 1a messe à
San-Pedro. Nous alMmes à Féglise , devant
laquelle des hranches de palmiers desséchée·s
formaient une allée élevée à l'occasion d' une fête,
qui avait eu liell' quelque temps auparavant:
La vue des visages bruns des Indiens et
de lenr physionomie originale était faite pour
intéresser un .é tr.ariger ' elle attira notre atten-
tion. Le soír ils danset·ent dans la maison de
/ .
·,
122 VOYAGE
ou,gardeniá), b_ois léger dcmt on fait des cuil-
lers et .des-assiettes, ·e t dont l'écorce rend un
sue lariteux; le péroba, h<:>is dur et éompacte,
prop11e aux canstructions navales, employé par
, r ve'la prop111ete
l...,e gouvernen1en t qu1. s' en estrese. _lf,
/
.VOYAGE
sionnen.t pas le rn,oindre balancement. L'extré·
mité des rames ou pagaies est oblongue·; dans les
petites·pirogues on. les ma·p ie a~ec la' main.libre.
. • • J
AU BRÉSIL. 127
\
' .
.rio . voYAG~
. CHAPJTRE Iy.
Vpyar1,e ~u .c ap Frio ,à V~~Ja '\e ~an-~~!v~$-lpr dps · c~p:ipos dos·
, Go.<i:rt'.a cas,é s. - C~_mpof! Nc;ivos. ~ ~i~,i,er:e .et Y;il!a de
San-.J .oa_o. - R!p .dª"s Os.J;réJ.~· --;-:-- Fª~emla ,d~ :r~p,el?u.ça. ~
Rivi~1·e
. . . · et
. Villa
'...
de
..
Macahé.
. .
~ .-Paulista.
.· . ' ' .
-: -Coral
. .
de Bat-
tp~a, -- Bana do ~t~ra:da. ---:- _Rfao _Bar. ~anza. -:- ~~p~ye d~
San-Bento. - ViHl?- ele San~Salvador sur le P_ara;iba.
J
LE 7 septemh.r e n0us fim.es · trav€:rser la
lagu:ó.e à notre baga,ge, -qui fut suivj. de nos
1:n ulets. Jls a"'.aien;_t pas~éJe temps de -notre sé...,.
j our à Villa do Cabo-Frio, .dans une fazenda
isolée au-delà de la lagune, oQ. on les avait mis
au vert. Le 8 , accompagnés de M. Carv~lho,
nous quittâmes le canton du «ap Frio , en nous
acheminant lentement le long •de la lagune;
lorsque nous entrâmes dans les forêts , quel-
qu~s-u~s de DOS animaux s'échapperent; Oi.1.
eut beauco~1p de peine à les rattraper; mais
bientôt apres, accoutumés, par notre long sé-
jour au cap Frio, à errer en liberté dans les.'- 1
.· I
AU B'.EH~iSFL.
pãtu1'ages'; ils1'nous;. óccasionheren t\ t!in'" biéri plus
gr~nd désà.gré·meut · áu- ·miliet;. drur:i · chêmitl
creux. J?allai's1len.te1nent en·, ataflt" d~ la ·ttáp:t·;
loi·squc:5 pente11dis t;~ut··à· 0011p1Ies. .rtrulets chaT~
gés dt:i groS. hàgage c'011rir1 ah · gra.Fid g~Io-i:> àei•-
riere tnoi i Ceilii«iue · jêtirndniái~- p·1,it:aússi sõii
essov atee' u:ra.e telle pMuhi:rle~f; qu':il n."y. avait
pas n1oyen de· le · reteni•r:~ . ·1?0'ttr ne" pas, av"oiP
les., jambesr fracasse~s • par. · ler ól·foo. des:· ca.1s'ses
des mwle'ls.clrar.gés·,. je Ij(1>·nSsai.1e''ifiieti 'detéuté';
auss1tôr toÜW fa trau.pe se dispersa da·:t.J.s. Ia
for~t ·; . qu€lqn.es..;u11s ·. jéteFet.tt'. leut" cha:t1ge: à
terre ·; J:cih déohirat:Hi et br.Ísâht ' leurs harnois.
N_o as1étii>irs1h0rs' d'haleihe et·· épuisés1d:e fatigue--;
ne pouvant devinef la caus0 de cette. ~ €ã-tas~· ·
tropl:re<tria-gi;:...eomiq~e ff,rlous '}'J:Í<iflfõurftftl13sidJins
..l .' " • • . l es
·tol.'.ltes · l es ·w1Iiect10rl'S! ' llt\11'le'FS U\i,OlSlII"!f;
. . ·et ..C~~
< "
,_
\ \
VOYA'.GE
mee à tortfallow.... deer Oll daim; par Mawe ( l ) • .
Koster dit ~me, en parlant d'une de ces de~1x
especes de cerf ( 2), que e'est tme antilope, tandis
que ce genre de quadrupede l com me onle sait,
n'existe pas dans Ie Nouveau-Monde. En général
on tr 0 uve au Brésil quatre especes de cerfs,
qu' 4-.zara a décrites le premi<!r , et il para~t
qu'elles sont répandues dans presque toute.l'A-
mé1ique méridionale. La plus commune est Ia
v .e ado mate~ro des Portugais, le cerf rouge ou
le guazupita, dont Azara a donné une tres:-
bonne description; oli-lé rencontre dans tot1tes
les forêts et l~s halliers; on rhange fréquem-
ment sa . chair' quoiqu'elle . soit seche et filan-
dreQse.
La. tFopa remis~ en_ordre, naus ·continuâmes
notre .rotite au . milieu d'une forêb d'arbres gi'- '
gantesques, ·souvent ·interrompue par des . clai-
rier·es ou "des prairies coupées de maréeages et
de.·'toaffes de ,, rosea-!lx.. nourriss~nt .une quan-
ti~é de hérons, de canards, de vannéaux · et
d;autres oiseaux semblables. Le cri du quer-:-
quer retentit partout, ·et dans _toutes les forêts
P:
·. (1) 80 (tom; I, pag. 155 ).
(2) P. 156 (tom. I, pag. 242 ).
AU BRÊSlL. 155,
on entet.id fréque·m nient la voix sonore de l'a-:-
raponga. Plusieurs · espêces - d'eugenia frutes-
cent~s étaient convertes de fruits "Illftrs; ils sont
noirs, tres-savoüreux", et de la grosseur d' une
petite cerise. On voyait çà et là de grands nids
de termites·; ils devaient être tres-vieux, · car
ils avaient h~it à dix.'pieds d'e hauteur. Nos mu-
lets nous occàsiomie~ent · d~ no~veaux . dérán-
.
gemens, en s?erifonçànt. profondément d'anS <;l'es
endroits marécageux. Enfin les · m!lrimbon'-
des ( i ), espece de· guêpe tres-méchante ~ nbus·'
tourmelitaient continuellement ·; · leur 'piqüre ·
produit un bouÍon et · únê doul~ur tres -vive, .
mais de peu de durée. Nous avions "pê:n~r c'ó':in-
pensation ' à• toüs ces' inconvéniens la beauié
eles arbres de 'ií1 forêt "que ' hou~ traversfon~· ; ·
léu~s. tro·n~s éfan'c és ;; · revêtus d'une ·é co'rce
blanéh~tre " ou d'un rougé" brunâtre ,. ·a'val.ent
quelque · ého~é · d~ ·vériéráblé·; «·iandis 1 qu'au-
1
éle:"tfe:
'
P.~~ · .é~~~,S ;~ de§;._ negrns ..für.1pent;· aupres : .
d.~ ,~a,. nwfa,sQf.k ,dp.-.rp~·o1)Í··ié.fai1?é :ül!l ,~capitarp. ;. un:
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]' . r
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• •
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ete : qqnstr·lil.!~~ ip tl:r )l;Gl~ :;Je~UJfos . , · " 11 • · •• i 11 .. •
" (
rais desséchés du Brésil , sa - c'o 'q uille es t ·d' un ·
brun eli ve·fonce; ' le grand limaçon ·de terre se ·
rencontrait<fréquemrríent -dans ·toutes ·lés forêts -
que _nous ~· avOf:1S travers'é es ; o~ Ié .regnfde .
comme 1u .ne va_riété de l' helix ·Qvalis; l'ahimal
,..
·'
/
142 VOYAGE
t•epiiJe IDOI't que l'lOUS avions empaqueté dans
une toiie·. Le negre cheminait depuis quelqu.e
temps ·, lorsqu'il aperçut encore un petit mou-
veinent 'dan~ son fa~deau; sa •frayeur en fut si
grande, qu'il le jeta bien loin de ·lui , et prit
la fuite. A quelqu~ "distance, . nous ;trouvâmes
nos chasseurs qui se reposaient au pied d'un
arbre.; ils av~ient tué plusieurs toucáns, des
\arassaris, des surucua et un petit sahoni rouge.
Le soir nous arrivâmes au bord du Rio San-
Joao, qui se jette d~ns la mer, pres de. la' villa
:qâtie dans cet endroit. II a trais à quatre
cents pieds de large; on le passe ·en pirogue ;
no1i mulets le · tra'\e'rserent à gué un peu plus
haut. Nous abordâmes de l'autre côté à Villa
da Barra do San-Joao, bourgade qui a plusieurs
rues et d'assez bons bâtimens, à la m::\Iliere du
pays. L'église, bâtie du·temps des jésuites ,. est
isolée-sur un rocher pres de la mer . . Barra do
San-Joao est un des lieux ou les voyageurs et
les marchandises qui' viennent de Minas-Geraes
sont visités pour empêcher l'exportation illícite
des pierres précieuses. Le fleuve étant naviga-
ble; - il y avait cinq à six , brig~. à l'ancre. Un
forgeron anglais , établi dans la villa, nous
raconta _ qu~ déjà des navires de son pays
..
AU BRÉSIL. t43 \.
étaient venus dans ce coin solitaire, ce qui
1.:ii avait donné l'idée de se faire nommer vice-
consul de sa ~ation. Ses idées arnbitieuses ne
l' empêcherent çependant . 'pas, à _riotre grande
f
satisfaction, de mettre la main à Preuvre pom.·
réparer des armes que nous lui rerqimes. Le
manqu~ de bons ouvriers. en ce genre est tri's-
pénible. _pour le natura~iste qui . parcourt le
Brésil; car ,il est tres-rare de· trouver des gens
qui entendent même .Ia partie la plus -grossiere
du travail de l'armurier. L'on cultive p:res de
San-Joao beaucoQp de riz et .de manioc: on:
dit que le terrain , surtout en r~montant le
fleuve, est tres-ferfrle ;· ·lç sa'l:>le- même est
fécond dans les endroits. oi1 il est suffisamment
,
arrose.
En quittant la pointe sablonneuse située
. entre le fleuve et la mer' et sur)aquelle la villa
est bâtie, nous suivimes la côte au nord. Dans,
une 'plaine converte d'arhrisseaux variés, .cr<,>is- .
saient u_n amaryllis dktn rouge écarlate, .avec
des spathes à deux fleurs ., des banisterias à
fleurs jaunes, et de jo\ies especes de myrtes.
: A ganche nous avions Ie l\'Ionte de San-Joao,
haute montagne ·isolée, _en avant de laquelle _
des forêts, et au-delà de celle_s -ci 'des ~arécages
I ,_
\
VÓY'.AGE
c0uv.e rts de br.oussailles s~étendáient dàns la ·
'- '
-phtine vers 1a mer.
Apres avoi1~ traversé des <iha:-m•p s de n1anioc
l'nis ~n cuJtm:e · dep,ui~ peu de ite1''.nfls, ' aÍHsi que
le prou.vaient {des sou·ches brúlée& ·ciüe ·Von
'yoyait ·,éparse~. , ~ nous arrivâmes par .:aí1 éhen~in
sab.lonneu~ et p.€nible au ~ord de ·fa ,nier;, 'prÊ's
\.
d' une ·jolie·cólline i·ocaiUeus~ plantée d·e ·cóco~
. ~iers, qu~ -s 7aya.nçait en -mer ,. et-· au •pied ·(l:e
. l .
. ,_'.te
AU BRÉSIL.
que deux heures apres il faut défaire ici tout
le bagage. ·
Ayant trouvé au-delà de la riviere de pe-
tites hiittes en ·terre qui étaient vide~, · nous
noús y somines mis à l'abri de la pluie. Avant
d'arriver ·de nouveau· sur 1e i·ivagé par ceue·
route, cm franchit ·des collines couvútes de .
taqµarussu, g:r and roseau qui s'éÍ~ve à trênte
et quarante pieds de hauteur. Ses tiges co-
· lossales, qui ont jusqu'à six pouces dediartletre,
se recourbent doucement à leur extréniité; les
feuilles sont pinnées , .les branches sont armées
de pi.q uans courts et foi·ts' qui rerident irnpé-'
nétrables les buissons ' que forme cette espece
de bambusa ; ils sont .' d'áiileurs e'xtrên1enient.
touffus; le grand nomh.r~ de feuilles sêchês ' et
de ·· spathes ·desséchés · qui . tomhe'ni" et restent
entre les liges ·prodUisent au moindre soufle
de vent hn bruit partiéulíer. Le ·c hasseur ren:-·
c.o ntre ces halliers. avec' plãisir, ca'r' en c·o upa:nt
une tige au+-dessous du nreud, ,il en découle une
eau 'frakhe et agréable ; quoique 'u n peu fade,
qui apaise:, J'ardéu.·r de lâ soif. · Cétte plante
remarqaable . aime. les terrains montagn eux ·et ·
secs: c'est pourquoi elle esttres-comfnune dàns
Ia capitainerie de Mií1as . Geraes, o~ l'on ·fait
I. 10
'· .
VOYAGE
des gebelets de ses tiges. :f:n marchant le long
de la rner nous avons rencontré pres d~ quel-::
qµes maisons isolées une autre plante égale-
:qi_~pt ut~le le piite (aga-ve .fmtida). Ses feuilles
à. hor.ds Iisses, roides, longues de huit à dix
pieds, formc:mt des haies solides; .de -leur centre
/
s'éleve une hampe 'robuste haute de ~r'ente
pi,eds, qui porte des fleurs d'un jaun~ verdâtre;
et· donne aÚ paysage un aspect singulier. La
moel.le de ·1a tige , .:p.ommé~ pita, tie:pt lieu de
liége aux naturalistes .qui recueillentdes insectes.
S .u r le bord de la mer des palênieçs nains, des
broQ.1.~lia et d~aut~es plantes que le :vent ~m
pêch~ de ~~élever . forment des halliers ~r:n-;:
pér~étrable& , Nous fumes tre.s-bien reçus à la
fa~e.nd~ qe Tapehuçu, pal" le prop.1;iétaire, 'qlili
est ~P-s.eign~ ( alfiêrez ) de Ia mil.ice. Cette fa-
zep.dª e$·t dans une charmante situation sur
un.e cQllia~ •Pl~es. de la mer ; -derriere. s'éJevent
des. forêts_, elles n'en s(i)nt séparées que . pai~
upe fagµJ:ie doat J~s · ea~ux réfléchissent l'image
dei; íl,rb,res; la · yue se porte sur .une vas·t e
p)aii:i.e co,µ \ ertf,l de ·forêts inaccessihles et 'aq
1
(r) f. 127 e
tom. J, _p ag. 225).
'(2) Voyage de Koster, · Appendice, p. 484' (tom. II ,
1)ag. 47:;1 ).
/
i48 VOYAGE .
M. · Sellow .pense ·avec beaucmip de vraisem-
blance que cet arbre n'appar_tient pas au genre
de:s cocotiers. Marcgraf' Mawe et Koster ont
suffisamment ·fait connattre son · utilité. Les
folioles ont des fibres tres-fortes qu{: ~estent
à· nu lorsqu' on brise le parenchyme · qui les
recouvre ·; on les tord et on fait des cordes
fines, ' s?lides, et de couleur verte; qui servent
principalement à fabriquer ·d'eicell~ris ,~lets
pour la : pêche. Ce palmier est tres-commun
dans ce canton , et porte une petite noix -duré
et :r:ioire qui renferme un amande bonne à
rnange:r. On· prend les feuilles avant qu'e1les
soient dévêloppées, on les dépouille de leur
epveloppe, et, apres les avoir ·déga·gées du
mucilage c1ui les retient : collées, on. s'en sert
pour. -couvrir lés maisor1s.; on en fait aussi des·
na.ttes et des corbeilles -fo~t jolies~
Nous avons· trouvé daiÍs les forêi~ épaisses de
cet endroit -une quan'. tité de beaux arbres. L'ipe
était couvert de gra1l des flet.1rs-d'un .jaBne foncé,
une autre hignonia à fleurs blanches · croissait
da ris les marais. Le quat<;!lé ,. ou sapucaya, s'é-
levait au-dessus des arbres les plus hauts; il est
rem_arqua_~le par ses petites feuilles et ses fruits
pendans qui ressemblent à un pot muni de son
,
/
I
AU BRÉSIL.
c'ouveucl~ , et qui - renferment des amandes
:Qonnes à manger (1). Les s,inges, et surtout les
grands , ainsi que l~es aras ro,uges et bleus
(psittacus 1nacao . r;t araraunq,, L. ), en son~
tres:-friands. Sans l~s ailes d~~ perroquets e~
sans l'agilité des . si:oges à grimper aux arbres,
il est tres-difficile d' obtenir ce's fruits qui pen-
dent à une hautenr considérable: ordinairement
on coupe l'arbre; les lndiçns y grimpent à l'aide
des cipos ou lianes entorLillées autour des troncs,
ce qui leur facilite beaucoup le uioyen d'ar.river.
Dâns une autre partie de chasse__nous avons exa-
miné un palmier que ,M. SeUow. regarde com me
un ~louveau genrc : son spadix jaune était pen-
dant, le spathe, en forme de nacelle , ·était
gra~d, et de même que les feuilles pinnées·, d'uile
beaut.é remarquable. En travaíl1allt à abaüre
cet arbre, le bois en parut ti:es-dur; 'm ais des ·
qu'onfut parvenu auc_reur,. tres-poreux, il t~mba
• A '•
auss1tot.
' Le 16 septem bre nous pdmes congé de la
fa1nille de notre hôte, et noL1s no11s n1irp.es en
1
"
vóYA"GE -
roüte pour Ma'(~ahé. La plúie et le vent tró'ú-
blerent l'atmosphêre; nous né pumes jouir de la
helle perspectivê au pays ou la ·serra de I'firí
. ' \.
VOYAGE
combattaient avec, Ies Ouêtacas ou les Goayta-.
casés sur Ie Para'ibaj1).
La petiÍe vilJa •de San-Joao de Macahé est
comp~sée de maisons éparses sur Ie hord de Ia
riviere · au milieu des bois. Le Macahé .décrit à ..
~on embo~lChure un c~ude aut~ur d'u~e 1angue
de terre saillante. Les maisons, quoique ,basse.s,
sont en partie propres et jolies, construites ~n
terre soutenu~ par des jarnbages de bois, et
souvent · e~duites de bla'nc. Des cours ( q,uin-:-
taes) formées par des tiges de cocotiers les
entourent, et · sont remplies de ch~vr~s, de
cochons et de volailles. Les habitans font un
petit commérce d~ farinha , de haricot~, de · ·
ma'is, de riz et de sucre; ils exportent aussi de~
bois : c'est pourquoi il y a toufours quelques
sumacas ou lanchas, espece de na vires cabo-
teurs, mouill~s devant la villa. On dit que dans
le Sertam., sur la partie supérieure de la riviere,
des-Indiens Garou]hqs, o :u Guaroulhos, habitent
dans d~s aldeas ou villages. L'ouvrage . intitulé
Corografia brasilica parle de cette tribu sous
le nom. de Guaru, et dit que dans la serra dos
'
(1) Voyage, pag . 53.
AU ·.·B-RÉSIL. 153
,.Orgaos on . en trouv:e ·enpore un .rel?te Hommé
.. sacouro~s, qui sollt · en~ier;em~nt civilisés;
mais ils ont presq~e entieren;i.ent.disparu; Iten
.~xistE:1 entreautres, ajou~e-t-on, Çan~ la .Fregue~ia
de.- Nossa-Senhora-das-Neves (1).. La pluie .nous
retint quelques jours dans cet endroi~-, ce qui
nous donoa leloisir derassem~ler d.e s graines de
coulequin ( cecropia) et d'autres plantes à cap-
sules. Nous en partimes un _dirp.anche apres
ini<li.
Un~ pluie violente nous . surprit et nous ac- /
í
VOY:AGE
qu'aux forêts dans l'Oues:t attestaient la v.~o
lenc e des vents qui regnt;:"ot . dans ce ca~ton.
No.us av.o~s eontinué à m.archer jusqu'à la nuit
le long d'une la,ngue de terr~ étr.oit~ entt:e la
mei: agitée et une lmigue labgune' et rious som~
rnes arrivés à Paulista,. ber.gerie isolée, 011 .nous
. n'avons trouvé pour apaiser notre, faim qu1 un
peu de -fari~ha pour nous et du mais po~r nos
chevaux,~; Heureus~meqt nous nous étions. pour:::
'VUS à Baretto d!une petite quantité .de viande
des~_échée (carne s.ecca) et . de haricots (.foi~
goiis ). La maisoii éta,nt assez grande, ~ous y.:
sommcs restés toute la journée du lendeinain
pou11 nous -reposer de ·nos (atigues.
Nous av ons tué beaqcoup d'huitriers . du
Brésil (haematopus}., qui couraient ·en t_roupes
le long_de la côte- dans les forêts e:µtremêlées
d'un gr:a,nd nojnbr e de . cocotiers, et divers~s .
petites chop,cittes que les habitans appellent ·
0:ab.<Juré. ' ~ais qu'it ne faut pas confondre
ave~ celle que Ma:i;cgraf :ç10mrp.e ainsi ( l ). Ce,t te
.
(1) C'est vraisemblablement legecko spiricanda de Dan-
din. ( Histpire naturelle des reptiles, tom. IV, pag. 115 .' )
(2) Stellio to1'quatus : il paraít avoir de l'affinité avec. Ie
stellío quetz-patéo de Dandin ( Hist. natur. des reptiles,
/.
AU ,BllÉSIL.
abondeht dahs toute la con_trée qti~ ai vue. f
Sur le ri vage nous tro\lvâmes peu de moules~ ·
L~s branches des arbrisseaux, dans les .n~àrais ,
servaient "ªe support aux · ºn ids pyriformes eIÍ;
tei;re, d~ l'espece de guêpe dont j'ai parlé p.lus-
ha'ut{ 1 ).
En quittant P:iulista-, ·nous .suivimes les
dunes. De vastes maráis et des lagunes con-
vertes de roseaux, dans lesquelles les · b~ufs
et les chevaux .; en nombre cpnsidérable,
ont de l'eau jusqu'à la moitié du ventre ,·e~
- .
tom. IV, ,pag. ~6 )._La coulenr de cette espece varie beau-
coup ; · l'auimal · a dans sa. .j~unesse , ,, le _ long . du dos, de ,
longues _raies_sombres qu} disparai ~ seut avec l'âge ; il de-
vient ensuite g~is ~~·gen_té, a vec des. refl~ts pourpres ·~ t e ui...:.
vrés et comme parsemés de points clairs : toutefois , le
caract-tlre distinctif de l'e~p êce e ~ t im1rrnahle ; c'~st une ~
tache noire ~- oblo~guê', a'u c8 :é du cou' , en av.a -i ít d e l'é.,.
paule,. et trois . rnies l sombres qui is'élê_v ent perpendiculai-
ren;eni:· au-dessus de .la . paupiere fe.rmée.
' . Les descriptions
.
du qu~tz-paleo.r son.t eu' général trop incompletes ; cepen-
dant il. est, im eossible . de le méconn~.itre. Le lézar.d à col-
lier no ir porte le nom de lagarta le Iong de ' l~ . côte
. ) . (
orieutale.
~ 1) Pelopf!Jus .lunatus, Fabr.
I. 11
VÕYAG~
pàissant, se pi·ôlongertt _vers l'intérireur du pays.
Des cfl!tãntítês de van:raaáux .( van'ellus cayen"'"
•I nénsis ), de hétons ! d~ n10uettes, d'birondeHes
. de mer et de ·caniái·els , rem1:>lissaient ce -canton.
lJés -J~nheáúx queí·-'qrter, ·d :0nt j'ai .tléj·à ~ parlé
cornme d' oiseartx tres-incommodes p~u.r les
chasS-eu r~ ·, vole'tín:l'e ru~ine que ceux c1l'1Europe
autour de la tête· de quiGon.que s'approche de
l'eur riid. ' ,
Les brou~saiHes dê s dunes consistent ord.i....
nairement e:n br0n1élias ét. en cà'Ctu~ 1nêlé's .à
. diver~es plan!es à feuilles. Les fleurs blanches
des cactus à tiges verticales ve~aient a-e s'êpa=-
noúi°r; qhôi'qu'e ·plbsi'etí'r s·'individús -eu:ssent -ll.e·s
hranches à ' cinq ét à ~ix abgté~, 'íls p~il·~isS'ént
appartei:iir tous} _ui1~ '.Se'r ile ' 'e spêce' oú' e.h' 1für-
mer .tout au plus ·~~Üx, car . ce ·s~ngdli.e'r végéta'l
épineux offre, .~uiv~11i ~on ~ge, d~ grandes . va-
riétés dans le nombre de s~s . ~n:g1e&; ,. Ü 1est
_, tres-·dangere-uoc "p0u1".fos -p reds de.s -mulets et ·de.s
t'h'é'v'á:Ux qui vóyagerri; ·um . p~qúa11t:cq1ui . pénétP~
Cfán's ·le -slàh'dt ·ott ~lJ.rà'ils la joitttl!t1re d'un ··d e ."ces
'ânhnaux·rie"t.àr'd'ésf>·a s à 1le.ir-d hdNd1birteú-x.'
·Nous -avons úou"vé i:làfis r1e ·sãble i'é i'tirniJ-ra
ulmifolia, et ~Ums les ~1arais dehx esp~~es" i:le§
n~mphcea à fleuh blãhch'és·; \'in'°dicâ ~t "Ó'!l~.
aUtt1·e lllQmrné.e erosa pa,r M. Sello;w ; 1celle-ci
;i ,des .flem:s tr,.e\)-gra,u des.; e:qfin uµ .gran<;l flu-:-
.teau ( ali$ma) à flel,lrs :QlaQches ., ~t ii. fe,uiJles
.:.é tr.óit.es et .aUon.gées, qui p~·oba;blem,en.t e.st de
mên;i.e no1,lv.ea.µ. 11 lll'était 1pas facile de .cueiJli'.r
.cette helle plante qui croissait au milieu des
tmarais. .M. Sdlow s'e,nfonça profondém~nt
:dans l'eau , et la .va;Se noirâtres; ;j.e n~el,1s· ipas
.une meilleure chance en ehercha:nt à at-
~tr.apper les oiseau.x. des marécages.
Ce:tte va,st~ Jpl,aine dé_sert~ e.s t rempH.e de
.bcreufs·ierF.ant <:;n :lih~rté à c:;inq e,t ~ix ;n ·i ilJes ,de
di:Stílnce çle t.onte . hal::iita~iqn buma~ne. Çh,a q1w
~propr,ié,taire . de~ :fi:i.zendas voisines .rassemhle
.un.e ou d.e·~ ._fois p;ir an- dan;S un , cqrr~l, ou
-em:p1lacemen.t ento.µ i:é de pieH_:x , .tqµs )es ,ani-
. maux qui lui appartiennent; ils sont con:~pté:s
-~t- rma.rqu.és_. .
N@u.s avon,s f,ait .bali-te au . corral .de B51ttub,a ,
.êloign:é de qinq,légo-as·.de .P.a1uli§ta; il .coJnpr~µ~
-dans .son .~Rc.einJé . l!lr:te grande. çahane .~n t.~rré.
,La .plai~e . d Z<;ilentour (campo) .s'éteµd à .per~
.d e _,v ue. Les . e.auoc .restent ·f r.é quemment _(il~s'J[l~s
~-lieux le.s p1u.s has , ce <qui domile . nais~ance .à.
-des la:gpnes. 'I'out l'~~p~ce ..;est. _rievêt-,.i d'une
·<he11be cp.u11te, ,q:ae pai&sent ,l«ts .best.\;;tux ~rr,~ps.
:VOYAGE
Quand on s'approche d'eüx ils Ievent la tête
_ en l'air, respirerit fortement, et s'enfuient an
,g alop, la queu~ élevée et flciúante.Jl es:t tres-
remarquable qae, grâc~ à l'activité et aux soins
des Européens, cet ariirnal utile se soit déjà ré-
pandu sur la plus grande·partie du ·globe . Dans
lé nord, le breuf -i:>ait au milieu de forêts de
·houleanx, oi.1 le sol est'.durci par la-'gelée : ·dans
la zone. tempérée, c'est dans 'd e charm.antes
prairies entre âes bois de , hêtres touffus ·;
dans ·les ·· régions d'u Tropique, c'est . sous
des hananiers et des : palmiers ; dans .les : iles
du granel Océan·, e' ést sous des ·rnelaleuca,
des metrosideros ; des casuarina. Párto\1~ cet .
aninial indispensable ·à J'homme ·civ.ilisé pros-
pere et lui ·assure l'accroissement· de son bien-
ê 't re·. ; 1 , • _: ~
A l'approche de la soirée, la · troup.é éparse
-de nos chasseurs se réunit · pour réparer . par
-un bon repas les fatigues de la journée; . ma.I-
·henreusen:ient.nos prov.isions n ' étaient pas suffi.;.
:.sant'es~ pour noQs satisf~ire .tous. CepenÇ.ailt,
comme il était inipossible qu'une '. compa:~rnie
'de chasseurs souffrlt .de la , faim aU milieu de
troupeaux --de bestiau~ sauvages , : noQs , c·o u-
rúmes d 'a ns la ·plaine, · et nous ··nous parta-
. AU BRÉSlL. 165
gec1mes sm· une longu.e ligne , espérant bien
tuer un jeune breuf; la nuit vint trop · tôt,
les bc:euf~ étaient t1·op farouches, nous eúmes
les pieds blessés par , des piquans · de ç_actt1s
épars sur la surface de la pla{ne; il fallut -donc
pour aujourd'hui renoncer à notre dess~in
et remettre au lendemain la chasse commandée
par l'appétit.
La maison oi.i nous passions la nuit tombait
en ruines; la pluie pénétrait à t:ra:vers les ·trous
du toit; couchés dans nos hamacs, nous fúmes
tourmentés par .des essaims de ·bichos do pe
( pulex penetrans) qui nous laisserent gouter ·
peu de repos. Le lendemain nous en tirâmes
de nos ·pieds eles quantités innombrahles. Cet
inse·c te, tres-com.mun dans toutes les. niaisons
inhabitées q\li se trouvent dans· les lieux , sa-
blonneux, s'introduitdanslespieds, danslevo{-
sinàge de là sernelle; dans les doigts ,<les pieds,
et aussi entre les ongles des mains. II n'est pas
vrai qu~il entre jusque dans les muscles; il se
iient toujburs entre cuir et .chair. On s'aperçoit
bientôt desa présence à une dérnangeaison tres- ·
vive , qui finit par devenir une douleur peti con.. '.
sidérable ; alors il ~aut creuse'r avec une aiguille
dans l'enclroit qui fait .màl, en prenant bien
VOYAG~ .
gar.d e de rié pas érever son corps épii tessemhlé
à une vessie, et qui est rempli d'cêúfs (t). On
fait bien , pour éviter l'inflariuilation, quand
l'ahimàl à · été en:levé ; de ~frotter la petite plaie
ávec du taÍJaC en poudt:e OU de l'obgue'ht ha-:-
silic, qui se trol_ive chez _tous les apdthicaires
du Brésil. ·
Cette nuit désagréable fut suivie d'rtn jour
SOn;bre et ·pluvÍeux ; mais ilO_S eStQillâCS DOUS
rappeletent bientôt 1a chasse de lá veillé, com-
niencée et inteíTonipue. Le . b~tail épouvante
courait de côté et d'autre; nós m'.ulets servirént
à le poursuivre. Erifin on tua un breuf d'un
coup de fusil; il fut bientôt dépecé, e~ lorsque ..
éhacun eut été ra's sasié , on se dispersa pour
la chasse. Elle fut heureuse. Francisco, l'lndien
Coropo, tua un ibis à face co'uleu~ de .chair, dé-
crit par A'z.a ra sous le rtom de eurucou rose (2)';
d'autre's·'chasseurs tuerent deux especes de fau-
:
AU BR~SIL.
posait sm· la terre; elles ,avaient dans l'~ntérieur
quelques séparations; notre troupe étant tres-
nombreu~e' , nous ne puiues toiis y trouv~r.
place :, ceux qúi étaient .a·c coulumés à supporter
en plein air . les nuits du Brésil resterent en
dehors. N01;ts autres Européens nous nous as-
s1mes avec la. fa~1ille des pêcheu:rs sur _]a paille
1
~- ·' -
i>> ~,ra:nc.le femlle d'arbre. en façon de ~orn.~
)) ·d 'épices; metta;ntalo1·s le-feu 1par le ~petit bot'.it_.,
-)> et le metta.nt ainsi allumé -da:Qs \eur houeh,e_ ,
)) ils en .tire.n.t en oett.e façon la fliu:née{ l ). >> ;
Les pipes dont l~s pêcheurs de .même q~~ les
.pauvres gens et les u(,gres du Bresil {9p.t 1,.15age _,
,c ·q nsistent .e n une petite têt~ d~"'~gile uoirâtre
à 1aquelle ,e,st adapté un ti11yaµ . fait de 'la tig.~ da
.s amamba.ya (m.er:tensi(if, diclzo_tomçi), .esf!êoe ,d~
grande fouge,re. Mais 1a géné_ra-lité d~ l)résih~ns
de to.utes les . .classes aim-e :bie.n ·i;;n.ieu:x prenãr:e ·l~
)
•
.A'.U ·.BR.É$ilL.
p:ê cheurs preparerent leurs- pirogues 'f>OUr ra .....
mener nos mulets à fa nage le long dlil. ;Ba~ganza.
Cette riviere est _Te~1,lie pres des huttes -de -·.
grosses ·toúffes de roseaux daris JesqueUes -ni-
chell't des quantités ,innombrahles d' oiseaax
aquftiques, ·s1:1rtout de hérons, de cormorans,,
de !poules ·d'eau.., de ·plongeons, ~te. ; -ron y · vo~t
·mê~ne ·q trelquefo.is des .spa.tiules. Parmi les ;pê-
-éhettr-s qui ~rep-t -trl:i verser ~l'eau à notre .tropa,
·:je distinguai un ivieillar.d a:vec une longu:e baube;
il ~po1'tait un sabre au ,côté. . 'Un. :plu~ jeune
~'on·ta,.' un petii iZh-eval, et nous ipromit de nous
.:tllontrer ile' chemin .au ·tr.avers de Ja ,plaine inon-
·dé'e. -Sa inis-e rétait originale : iLavait ·un :petit
'ffiaD'teau cl.re\drtip., une ·veste courte, -.des culottes
-qui 11'aill~i'ent :pas_au . genoq, :erifin des éperonis
í3.ttachés· à ·ses pieds nus. C ·était Ú.rnh-on'lme :b.cm
.et"0pligeant; -il allait · toujom~s · en avant · ~ans la
íp~ail'ire- ou . l'ea1x .tfans queil ques parties etait
1
.i'
AU :BRÊStL. t 79 _/.
des vendas dont les -maltres montrent :, ' comme
leurs semblables en Europe, ~ne politesse tres'·
intéressée.
, , Le soleil était enc0re tres-ha'u t sur l'horizon
quand nous sornm.es arrivés à Villa de San-Sal-
vador, situé sur la rive méridionale d~ f a ralha,
dans un canton fertile et d'un aspect enchan-
teur. Notre hôte bienveillant de San-Bento nous
avait
I
invités à occuper sa rnaison dans-
cette
.
ville, durant notre séjour. Nous ·y descendtmes,
et nous y lumes les premieres gazettes que-nous
eussions reçues depuis notre ' départ de Rio.
Elles nous apprirent l'issue de la bataille de W a-
terloó ; nouvelle .à laquelle les habitans de cette
ville prirent une 'part 'tres-vive. -
VOY.AG.E
CHAPITRE V .
i .8 2 VOY A'GE
1
I~.º ·voYAGE
· temps; la verdure tendre ·du -feuillage nouveau
répandait un ·air de galté sur, toute 'la contrée;
et Ia douceur de la température plaisai~ infini-
mentà des'1omm.es duNord, peu accoutumés "~
comme nous, aux grandes chaleurs.
,Apres trois heures de route, nous nous som- ·
, mes ·rapprochés de nouveau des bords du Pa-
ra'iba, qui nous surprirent rar leur beaµté
dans cet ~droit. Trois lles convertes en par-
tie de .grands bois interrompent le cours- du
fleuve ' dont la largeur ne le cede pas à
celle du Rhin; il coule avec rapidité; , ses·,riyes
óffrent alternativement des collines convertes
de bois , des forêts, _ et des fazenp.as dont les
:toits en triiles rouget' forment un contraste agréa-
hle avec la verdure des arhres, et autour des-r
quelles les cases" des negres forment de petits
villages. Les vallées entre les collines son.t rem-
plies de marais, oi-.. des touffes d'une espece de
hignonia tres - haute offrent fréquemment le
triste aspect d'un bois desséché. Ce tronc et
le~ branches de cet arbre , qui. sont d'tme cou-
leur cendrée cla~re, et son feuillage vert hrun
foncé , le font ressembler à un arbre mort ,
d'autant plus qu'il croit toujours en groupes ser-
rés : d'ailleurs sa fleur est belle,
. .
grande,· -· ~t c:Ye-
1
(
AU BRÊSlL. 19t
couleur blanche. On voit ·dans ·ces endroits une
quantité dehelles plantes, entré autres une cléo- ,
mé ~rborescenle, couverte de gros bouquets·de
fleurs blanches et roses. Des bignonias à fleurs
jaune ~oncé et blanches s'entrelaça~ent ' en 'grim-
pant aux arbres le long de la route; et les buis-
sons du bor"1. <lu fleuve étaient.,. parés des:.grandes
fle~rs jaunes ' de l' allamanda cáthanica, L.,
arbrisseau qui po\1sse des tigés verticales ; ·
. Quand nous eftmes parcourü la mbitié _du ·
chemin, notre conducteur nous mena ·dans ;une
fazenda ·dont le m~hre ~ qui était un capitam;
nóus invita tres-poliment à d1n~r. Devant ·&a
maison, située sur une-hauteur d' oú l' on jouis.:..
sait d'une. vue -magnifique du fleuve, croissait
,un ipé amarello ( bignonia ) couvert de grandes
fleurs~ jaunes qui éclosent avant les feuilles . .Le
bois-de cet arbre est tres-compact; on le tra-
vail~e aisément. Apres le d1ner nous ·a vo'ns con-
tin11é . notre · voyage ' , m~is · mi orage violent
rendit - cette charmante rcmte ·un peu désa-
gréable. · _
. Ayant gravj le Morro de Garriba, móntagne
escarpée sur le bord du fleuve, nous · avoi1s tra-
versé· à son sommet une-forêt <$paisse, et arri-
vés dans un endroit ·ou elle s'ouvrait, nous
VOYAGE
avons été surpris par le cóup d'reil magnifique
du f]euve qui coulait à nos pieds. Au míli~u
des sommets dentelés et couverts de bois qui
s' offraient à notre vue, le Morro de Sapateira,
rnasse de rochet"S ·r emarquable par sa form.e ' ·
~ttírait principalement les regards, et, par]' op-
position qu'il offrait avec les jolies c?11ines ver-
doyantes sur lesquelles .1es habitans ont . b~ti
leurs demeures, rehaussai.t le charme de ce pay-
sage .. Immédiatement, à nos pieds, au-dessous
de la paroi d'une montagne à pie, on voyait
une petite prairie ou que1ques maisons·ombra-
gées decocotier.s composaient le groripe le plus
1-iant. Le. chemin étt'oit; apres avoir suivi Ia m~m
tagne jusqu'à ·son ·sonnnet, redescend dans ta
vallée, ou, à , chaqu~ faz~nda, I'on est'embaumé
de l'odeur suave des· fleurs des orangers. Des ·
hignonia, gri's à .fleursblanches, et hauts devingt
à treute pieds, .-pouvraient la surface d'un ma-
rais ;. des bihorea~1s (árdea nycticorax) avaien'.t
p1acé .Jeurs nids sur cet ar:b re : cet ·oiseau, u~
peu plus gros que celui d'Allehrngne, para1t
d'ailleurs être le même. II couvrait Ies branches
des Lignonias ., et ·semblait r'e garder curieuse-
1nent les passans; nos chasseurs en ·tuerent plu-
sieurs; mais ·ils ne · purent les aller ramass~r
AU BRÉSIL.
clans les ravines, tant elles sont profondes. Ob.
dit que les crocodiles sont . communs dans ces
gorges, lna1s. nous n ' en avons aperçu aucun . . .
. A -notre arrivée à la fazenda do Collegio,
apres avoir traversé un pays agréablement va-
rié, la nuit .avait commencé; cependant avant
qú'il fit complétement obsc1ir,. nou& atteign!mes
les bords dn Rio-do-Collegio, p.etite · riviere
profonde et rapiçle que nous , devions passer ;
nous en·,vhunes h.eureusmnent à hout, mais bien
mouillés, . et quoique nos cqevaux et nos mu-
lets, pour parvenii· au bord de l'eau ,_.eussent été
obligés de . se .tra!ner sur leur croupe par une
descente rapide qne-Ja pluie avait rendue ex-
trêmement ·glissante.
N0us avons ensuite marché dans une forêt
sombre le long du Parn'iba, j usqu'à une lieue et
demie de San-Fidelis. La :r:iuit était nbire, et le
sentier fres-étroit, inégal, embarrassé .de bran-
chages et d'arbres t_ombés ' se trouvait sou vent
sur le bord de rochers escarpés. Le solda,t qui
nous servait de guide d~scendait fréquemen t de
cheval pour débarrasser la route, et nous étions.
obligés d'en faire_a,ntant, et de m<;mer pendant
un assez long·espace nos chevaux par .la hride.
Enfin nous nous trouvons sur les· bords. d'une
I. 15
...
VOYAGE
ravine profonde et roide, au-dessus de laquelle
on avait jeté un petit pont de trois troncs d'ar-
bres; malgré les entailles que l'on avait prati-
quées sur leur surf:;i.ce pour que les chevaux
pussent y- prendre pied, quelques-uns des nôtres
firent de fréquentes chutes, et peu s'en fallut
qu'ils ne fussent précipités dans l'ablme. Avec
un peú de patience nous avons surn1onté cet
obstacle. Le silence de la ·nuit étaÍt interrompu
par les cris de l'engoulevent, par la voix des
grosses cigales ( cigarcas), et pai~ le croasse-
ment si1}gul~er des grenonilles , tandis que des
insectes lumineux resglendissaient de tous
côtés au .m ilieu de l' obscurité de la forêt. Enfin
nous sommes parvenus à une prair1e unie sur
les rives du Parai:ba , et nous nous so1nmes
trouvés tout à coup parmi les cabanes des In-
diens Coroados de San-Fidelis. Notre g~ide alJa
aussitôt à Ja maison du pere Joào, curé du
lieu, et lui fit demander 'Pªr un de ses esc1aves
uFl gite pour la nui~; mais le hon ecdésias-
tique refusa tres-sechement, et toute tentative
ultérieure pour le ramener à des sentimens plq.s
. . charitables fut inutile. Sans la honté du capi-
tam chez qui nous avions si hien d1né , nous
aurions certainement été ·o bligés de coucher à
AU BRÉSIL.
la belle étoile; heureus.e mer.it il •avà.i t tit:re mai-
son dans cet endroit. Quoiqu'elle fút -dénuée
pe toute espece de meubles , e' était un asile à-
ne pas. dédaigner; nous y suspend1mes nos ha-
macs, et nous y dorm1mes tres-bien.
San-Fidelis, 's itué sur ·]a rive · droite du Pa-
raíba qui est ici assez large; est un -v illage d'In-
diens Coroados ou Coropos, et une mission
fondé.e il y a environ trente ans par des capu-
··cins italiens. Les missionnaires. étaient alors au
nombre de ·quatre, fun . est le curé actuel,
l'autre -r emplit les mêmes fonctions à l'aldea da
Pedra, à huit 1egoas en remontant 'le fleuve, les
deux autres sont morts . . Les lndiens appar-
. tiennent à 1a tribu des .C oroados, des Coropos
et des Pou rys : ces derniers , encore sauvages
et libres, errent dans les solitudes situées .e ntre · ·
Ia. mer et la rive septen.triortale d_u Paraºiba, et
s'étendent jusqu'au Rio-Pomba dans 1e gouver-
nemeht de Minas-Geraes (1). lls se condúisent
paisiblement vis-à-vis de San-Fidelis, mais dei:-
. :~,' >• ••
~2QO VOYAGE
lem~nt ceJles de l'arara (psittacus macao, .L.);
que l'on commence à trouver sur .les bords du
Para.ih~ supérieur, . <lans l'aldea da Pedra. De
mêm.e que les autr~s sauvages, les Coroados 7
qui se servent de, cette . arme avec beaucoup
d'habileté , chassent . fr é quen.m.1en.t dans les
grandes forêts qui prennent naissance à la _porte
de leurs hutte~. La Corografia brasilica (1) dit
que illnsieurs familles ~e Coroa4os habitent
ensemble dans la inême cabane ; .ce nombre se
horn€'. à deux. Autrefois pe . peuple enter:ait s"'.s·
chefs dans de longs vases .de t,erre nommés ca-
. mucis, ou on le~ plaçait assis. Au point dµ jour
tous se baignaient; mais d.e puis long-temps ils
onl renoncé à ces usic\ges.
Le lendemain de no.tre 'arr~vée . à _San-Fidelis
étant rin dimanche , nous s01µn1es . allés à la
messe à l'églis~ du couvent , oi.1 Ia c"Uriosité
de .voir des étrangers avait attir~ beaucoup
d'hetbitans du voisinage. Le r~ere .Joào fit un.
long sen1~on dont je ne compris pas un mot.
La niesse finie, .nous parcounl.mes le couvent
inhabité. L' église est grande et elaire, elle a été
'J
(1) I.es Pourys .s ont les plus petits des sauvages de Ia côte
orientale que· )'ai vus. Suivant l\'.I . Freyreiss, ils sont plus
forts et robustes q,ue lea Coroados , daus la capitaiue,rie· de
:io6 VOYAGE
ceaux de toile noués autour des reins, ou qm
portaient des culottes courtes que les Portqgais
leur avaient données, tous étaient entie-r ement
•
nus.. L es uns ava1ent l a teJe rasee , d' autres ,
A
1
VOYAGE
miroirs,. etc., ·et nous av,ons partagé entre eux
quelqqes houteW,.es de rhU:tn; présent qui ·les
a mis de tres-bonne humeur et nous a ' gagné
' leur confiance. Nous Ieur avons, annoncé pour
le lenâemain notre visite dans leurs forêts , s'ils
voulaient hien nous y recevoir ; et leur ayant
promis de leur porter des choses qui leur se-
.raient agréables , ils nous .quitterent tres-'con-
tens , e.t retournerent dans leur solitude en
poussant de grands cris et erÍ chantant.
Le lendemain matin , à p-eine étions - nous
sortis de la maison que nous aperçumes les
sauvages qui sortaien,t de leur vallée. Nous cou-·
rumes à }eur ren~ontre , DOUS }e'S régalâmes
de rhum, et nous nous ernpressâmes deles suivre
dans leur~ forêt,s. 'Des que nous fumes au-delà
du moulin à sucre de la fazenda, nous vlmes
toute la -horde des Pourys. couchés . sur l'herbe.
Cette réunion d?hom~es bruns tout nus pré-
sentait ün coup d' reil tres -~ singulier et inté-
ressant. Ho1nmes, fe~mes, enfans étaient serrés
les u~s contre les autres, et nous contemplaient
d'un air curieux et timide. Tous s'étaient parés
le mieux qu'ils avaient pu ~ Un "petit nombre de
femmes avaient un morceau de toile autour des
hanches ou devant la poitrine; mais la plupart
...
AU .BRÊSIL.
étaient sans aüeul?- yêteruent;-quelqúes hoinmes
avaient noué aut.o ur de leur fropt, comme·orne-·
ment' un morçeau de peau de l'esp~cé de singe
noi:nmé mono ( i); d'autres avaient leurs cheveux
completenient rasés. Les - fe~mes portaient l~ri.rs
petits cnfans, les unes dans des lie.n s d'écorce
d'arbre ·attachés ·au-dessus·de I'épi;mle ·droite;
d'autres ·sur·Ie dos au moyen ·d' une large bfl.I?--
, delette qui passait sur Ie front. C'est la ' maniere . /
·r
·,
(r) Atcles.
I. ,
/
.)
..,
~10 VOYAGE .
autour des poignets e_t des j~intures, pour ornei,.
1. ces p::\:r:ties ~t les rei:id_re p~us minçt'.'.s· ..
_ Les homme~, comme_ j~ gai dit .p1,us ·haut,
sont généraleme:q.t carrés., traJ)us, et (réquem7
ment tres-charn~s; ils C?n~ l~ tête g•'osse et
ronde, le visage Jarge, les pommett.e s de's joues
ordinairement saillantes, les yeux noirs, petits
et quelqu_e fois obliques, le nez court e.t large;
1es dents tres-blanches; quelques-uns se <li~
~inguent pourtant par des traits .plus prÓnonc_é s, ·
ele petits ne~ recourbés ,. et des yeux tres-vifs,
qui sont_agréables chez Jln petit no~bre, som-
hres au. co"lltt:aire ,_ sérieux et cachés sous ~n
front. ~vancé chez la plupart. Un eles hornmc;!s
nous frappa par sa physionomie de Cafo.1.ouk;
il ~vait la tê te grosse et rqnd'e' les cheveux ç ou-
pés à un pouc~ . de longueur , . Ie corps ~us<?u _:
l_e ux.et trapu, le .co~ large .e t court, le vi~ag.e
grand et pia~ , , les yeux disposés obliquement,
tin pe~ plus. gran_d s: que ceux des ,Calmouks-,
tres-noirs ' , :6.xes .e t hflgards; les sourcils noirs,.
~pais , tres-hauts, arqués; le nez pétit, . les na-
rines larges ,- la ~ou~h~ :µn peu g i_:ande. Cet
l homme, -qui suivant .le témoignage de nos con-
ducteurs n'avait pas êté vu dans cet endróit,
nqu~ sembla si itédoutable; que chacun de nous
· AU . BI\ÉSIJ.,. : .2n
. ~.a voua·. qri'il ' ne ,-v<;mdrait pas· satt~ ., a.r mes·• .Je .
r enconÚer seul dans un end~o~t ecarté. La
petites~e d~ la taill~ est ·c~mJilµne a.ux. P~urys
et à tous les peuples du Br.é sil; qui à c~t égard le
.cédent aux Eurc:>péens et ' encore ~plu~ ··aúx
n egres ( I )~
Tous Íes homm~s étaient arm,és d'arcs et de
.f leches. Quelques peuples de l'Amérique méri.:.
.d ionale, ·surtout ce~x du Maranham , ont de
petit~s lances de bois dur , orn.ées de plumes ;
d'autres, tels que eeux d.u Paraguay, de Mato;'
:Gross~ , _d e. C~yàba e.t de.la Guyane, Cle même
-que les Tóupys de la côte orientale du B..résil, . ·
,s_e servent eneore de col.ntes massues de bois
dur; mais l'arc et ·les fleches sont les armes
principales de tous les peuples de l'Amérique,
.à . l'exception de ceux qui habiten~ les ·.v.astes
.pampas _de Bue.n.os-Ayres et quelques contrées
du Paraguay: .ceux-ci, étant t.oujours à ~heval, ,
.o nt ·pour arme principaie une longue la'n~e, et
.comm~ la ;plupart des peuples d' Afrique un petit
.are et pes fleches. courtes (2). II n'en est pas·· de
,même des Tapou~s de Ia côte .orientale; ·leur
..
.
212 'VOYAGE
seule a.í·n1e est l'a1;c colossal et la fleehe; conune
·elle e.s t tres-longue ils·ne la mettent pas dans un
,, carquois, et la tiennent à l~ main d'e même que
Ies Payaguas du Paraguay (1). L'arc des Pourys
et des Coroados a six pieds et demi de long. II
est füit de bois de ,palmier a"iri, qui est dur, com-
pact, brun noir, et mimi pour cÓrde d'ui1e fibre
de gravathà ( bronielia ). Les fleches des Pourys
ont · six pieds de long et sont faites avec ·Ie ta-
. quara , rosea u sõlide _et. noueux qui croh dans
les forêts seches; ils . les ornent à leur extrémité
inférieure de plumes bleues ou rouges, ou de·
celles du hocco muti ( crax alector, L.), ou .
du jacutÍnga (penelope .Zeucoptera ). Célles des_
, ~
Coroados sont fa1tes d un autre roseau qu1 na
t '- • • '
~ tJ -Ibid., p. 14~ .
•
AU BRÉSIL.
et quelquefois .g ar:nie de bourrelets ; Oii s' en sert/
pour tuer l~s petits anirnatix. Aucune des peu-
pfade·!' que j'ai vues le long d·e la, côte orientale
n~empoisonne ses fle~hes; heureusement leu r-art
n'est pas allé jusque là; encore moins ont-ils
songé à empoisonner . l'ongle de leur. pouce ',
comme les Ottornaques.de l'Orénoque ( I }, Ol,l· à
se servir, cornme les Yameos des bords del'An~a
zóne ,. de sarbacan~s faites du ch!:lum.e de gra1~1i ~
nées colos,sales e2 ).
Notre premiere curi9sité satisfaite, . nous
avons prié les sauvages de nous ·~ener ~ leurs
huttes. Toute la troupe a m.a1·~hé devant, et
nous les avons ~uivis à chevaL N~us avons
,d'abord traversé des champs de cannes à sucre
daris Ja vallée latérale; eiis.uite nous avons suivi
t.m sentier étroit, et enfin nç}us avons rencontré
daqs la f9rêt quelqu~s huttes (co_u aris dans. la
langue pciury). Ce sont les plus simples que l' on
·puisseimaginer_. Le. haniác, tressé avec l'embi1:à,
écorc·e d'une espece de coulequin ( cecropia)'
. ' .
Pª&· 67.
. .
•
214 VOYAGE
est suspêndn . à deux tro~cs d'arbres , aux.qgeJ'g, ·
on attache pli1s haut avec des ' Íianes· une perche-
transversale ; on ' ~ppuie ~bliqueO:'lent :conüe-
cellé-ci' d~1 eôié dri ·v erit ,. ;de grandes fe~illes de
palmiér , qui sont garnies par le bas· de feuilles·
d'heliconia ou ·de pattioba, ~t da~s le voisinage
des plantâtions , de feu~lles de bananier. :A
,r
te'rre' pres a'un petit 'feu on voit quelques-
:Oac'o ns faits ~vec des ·gou'rdês ou des écuell~s
de calehasse el J' çà et _là .'un peu . de cire ;.
divei'ses hagatelles. pour la·p-an1re,"des 'rôseaux>·
pour des' fleches et pour les pointes de cett&
arme; quelques plumes' des provisions ' telle~
que des_bananes et 'd',a utres-' fruits; I'arc et lês:
: fl'êches du chef de .Ia famille sont appuyés contre
un :àrbre ; des chiêns niaigres àc?uéi~lent par de
fqrts aboiemens l'étranger q.ui s>approche dé
ces demeures -solitaires.
Ces huttes sont petites, et _exposé'es ;de tol!ls.
c6tés . aux vicissit,udes de r~tmosph~re, de
sorte que dans l~ mãuvais t~mps l~~rs h~bita~s,.
se -tienne;nt serrés les uns co~tre les autres ,
"' -
assis dans les cendres autour du feu. D'ãilleurs-
J. ) Çrescentia cujeté.
"'
AU B'R É$IL. 215
,.
. ~
.,
\
.. VOYAGE
goütante~pour un Européen:, parce qu'ils ne dé-
pouillent pas le. gibier de sa peau qui noircit en
brU:lant. Ils déchirent avec les . dents ce mets
friand qni est coriace et à moitié cru. On dit
même qu'ils dévorent par vengeance la -chai_r
humaine , mais on ne rencontr.e plus aujour-
d'hui chez les Tapouyas de la _côte oriei1ta1e'la
moindre trace de. cette coutmne.; eJle leur est
attribuée 'p ar d'anciens écrivains qui jwételi~ent .
q~e ces peuples mangent leurs morts pour leur
,. donner une dernieré marque d'affe,ction(1 ). Les
Portugais des euvirons du Para'iba prétendent
que les P<;mrys mangent -•lá chair des ennemis
qu'ils ont t~és, et cette .assertion, comme, ori
le verra pa1da suite ' de cette relation, n.e .. pa-
ralt . pas entierement denuée de véri_té ; mais
ces sauvages ne voulurent.pas en .convenir avec
nous. lnterrogés .sur ce point, ils répondirent
c1ue les Bóutocoudys seuls av:aient cette cou-
,Huirn h.orribl.e. Au reste-M. MaV\:e- racon~e que
les Indiens d.e Canta-Gallo mangent des' oiseaux
crus,non vid és etnon pluinés. Ceux du Para1ha
'-n'en font pas au!ant; je les · ai ' mêp:íe vus vider
.
AU BRÉSIL. - 217
[ .
VOYAGE
échange de grosses boqlés de ~ire qu'ils recueif:.
./1
lent dans Je creux des arbres qu1 servent de
ruches aux abeilles. II~ emploient cette cire. de
cpuleur br.u ne noire à la fabrication de '1€urs
fleches et · de lettrs ares , et en font aussi des
hougies qu'ils veudent aux Portugais; elles brô.-
lent fort hien .. Le centre·, extrêrnement 1-iince ·;
est en; cire ;· ils l'entourent d'úne ·meche de co-
ton, et roul~nt le tout pour lu_i donner de , la
solidité. IIS._rn.ettent un · grand prix à leur co~
teau qu'ils attachent à un· corClon IlOHé autOUF"
de leur cou , et qu'ils laissent pendre i sur leur .
dos ; ce n'est qu,e lquefois ,qu'mi sim-p ie morçeau
de,fer; mais ils l'aiguisent constamment sur une -
pierre .et ']e conservent ainsi extrêmement trarr-.
~han.t. Quand on Ieur donne un couteau , ils en
cassent ordinairement le manche' et eii mettent
un nouveau ·à leur goô.t ;. ils placent la lame
entre deux niorceaux de bois , autour desquels
ils entortillent un cordon .·qu'ilS; serrent for-
ten1ent.
Nos échanges terminés nous, smnmes remon-
tés à cheyal pour aller à d'autres huttes situées
plus loin dans la forêt. Le sentier était -etro'it ,
difficile, encombré de hau~es racines d'arbres,
inégal., monfant et aescendant le long·. des
..
'
"
AU BllES.fL. 2 :-~)
. collines; quelques. sauvages monterent' eÓ: cro u pe .
derriere nous, et nous suivirent de - cette rna-
piere; une·troupe ' d'lndiens Coroados _de San- 1 ,
• r '
.
forêt a également été fini, nous sommes remon-
-. '
..
\
•
" VOY~GE .~ .
IJ. •
1
VOYAGEi·.
tout~haut de · cette barbarie ·c1:oissait à chaque
instant, u11_ d'eux, -prenant.s,o n .couteau, coup·a
la go~ge aµ pa.u vre animal; et mit fi~ à ses tour-
m.ens; ils raclerent aussitôt son poil, découp·e.,.
rent la qhair et se ·Ia p-artagerent (1). Comi:ne :i:l
n'était pas bien gros ; plusieurs s'en allerent le
ve~ltre vide et ·en grognant. Á pein,e la troupe-
ét~it-elle pai'tie, qu'il arr~va pour e·u x de San-~.
fideli_s un sac de farinha que nous leur envoyâ-
. .
mes ~
(1) Je n'ai trouvé 1~i· a'a1~s ce~_te occasjori µi dans. d'~utres '
la c'ouflrmatioi:l d ' un faÚ cité p 11r M . Freyress dans le Jour-
- . . ,, . ,
nal '11on Brasilien, tom. 1, pag. 208 ; il raconte que les
sau~age~ ne mangeut -pas la cbair des animaux qu'ils ont
tuéio.
......
~r "
AU BRESIL.
· :siertrs fernmes, -quelqaefois jusqu'à cinq, quand
ils peuvent les nom-rir. En général ils Iie les
máltraitent pas , mais ils les regardent comme
leur propriété; il faut qu'élles fassen~ ce qu'ils
veulent ; en conséquence, elles sont ehargées
comme des bêtes de somm_e dans les voyages'
tandis (ltte l'hotnme marche aapres d'dles n'ayaht .
qtte ses armes à la maih. .
La ktngue des ·Pourys, qúi diffêre de· celle de .
la pJupart des autres trihüs, a de l'analogie ávec
celle tles Coroados et des Ooropos~ Quelques
écri':'ains; ét entre· autres Azara ;- ont prétendu
que tous ces peuples de l'Amérique n'ont au-
cune idée religieuse; nl.ais cette assertion sem-
ble d'autant n1oihs...-fondée que eet auteur cite
<fuelques opinions d\3s lndiehs dti Paraguay, qui
sáns dt>ttte ont pour base uqe religion encc>i·e
informe. M. Walckenaer, son traducteur, faij;
avec raison en plusieurs,enq roits la même remar- .
qu~ (1). Quánt à tnoi j'ai trotivé chez toutes les
tdbus dé ;Tapouyas que j'ai vues, des prerives
manifestes 4,'une croyance religieuse, et je re-
garde comme une vérité certàine et i.ncont~stable ·
qu'aucun peuple de la terre n'est dépourvu de
·V
(1) Voyages , tonh II • pag. 54 , à ia note. .
L 15
religio;n ( 1) .; Les sau;vages . du ·Brésil cróient · it :
différens, êtres·.i)uissans; i]s . donnent .le nom· de
, 'r_apa '. OJ.l ToupanJau plus grand et·au plus fort, '.
qpi est da,ns le ; t_onnerre ; ºplusiçurs . ,.t.ribus , et·
:q1,êm~ qu,el< ques-m).es des Tapouyas, s'accordent
_'(-.g,t ; ,e eJleset avecles Toupys, .ou avec les lndiens1
çle .la Ling0a:...Geral, sur le nom :de cet espri't cé'.'",
leste. Les Pourys lui donnent celui ·de .Toupa'f! .
. cit;é par Azara. comme étant ~de la .l~ngue de~
Ç4~fén'1ys ; nouve11e. preuve .. de ,l'affinité . de ce
pe;tJple aveç 'les t6bus de la côte, Qrientale. ·On ..
n .é i~oit pas · d'ido1es · chez : -les . Tapouyas , pas..
n.:1:ême. des maracas. ou la. parure :magique . qui
protég.e ·les ·Toupinarnhas. Ce n'est -que sui l~s..
hQ)?,d~ 1 d_Jl fleu:ve des .Ama.zçH;1es que l'on . pr,étend~
ayo.ir -tr~:myé..cert~ines figures .d'i9.9les , , qui .sem-
l;>J~1'!t i.av.Q.i('( tl.es . i:apports ·~.vec la : -:i;:eligion . , O.es:-
t
.
~ • j
.
·••) . '
, ('1) .Le .curé , de ...S1;1.n-~ .oào-Batísta p.ré,t end 'a~oi:i; trQuvé
. ~ ' "! ~ J 1 • • 1 • • _, ... • .1. ,,,1 • ~ ;'. ' ;
chez les Pourys, bien plus grossiers que les Coroado!!, elles
• ~ , 1 ·• .• •I
dbiveut cerfainement 1 n'avoir pas été étrangeres ·()_ ceux-ci.
fl ·est ·iucont~~tabl e' q~1 "ils ·1·econnaisse'nt un être p'i.1issaut e_t
surnaturel, a·uq:uel ils _donnent le non1 de Toupan., et qu'ils.
redoutent. Jow:nat ~on Brasi,lien, '~a·g. 165.
•
AU BRÉSIL.
habit,ms (r). --La ·plupart eles i :ndiens de l'Amé-
rir(ué nié1;idid~àle d nt . 'aussi une idée' confuse
d'un deluge ín~~versel' ; ·e t div~rses traditions qui ·
sont · i·apport~es :entre; aüÚes dans les Noticiéts
cariosas«Le V -á sconcellos'(2 ). ·· '
'~ Notr;e hôte obligeant DOUS ·avait invittés à
passer ·Ia nuit chez lui; nous n'avions · pas pu ··
áccepter son ofrre, et Ie · riJ.ênJ.e -jour nous áv@~S ~
repass·é·Ie· P.ai,a'ina pour reto~rlier à·San-Fideli~.
Les :cor<l>ad<!>s ·y étàiént ·tres-mécbntens ·d e ncnis,
drisÍínt qtte notts né leur av~óns f~itl aucün °p 'r ése'l'lt, ,
' ,.
t~mdis que lfibus avion~ donné beauco.;.p de cho:.. .
ses aux Po~rys. Pour ·ies cálrher ün ·peu nous ·
leúr avo·ns -enco·r'e acheté.de s·ar'c~s..et des 'fleéhes.
N 0 us"-sef'mft1iés11ensúit.e ·allés fa'ife !ifoe visite· au
pe f1e"' IT~ào.~{Le:Jp~ta'il:fa; co~Ie soús ses fenÚres ·;
c'est le': flet~,-y.~;tJ~ i'liús1 "côiis·i'dÍéiii:ibfo 'de la 6api~'
ta1hel·ie de"Eio !Jaífeir:br; >on j ~ ~.di{1pte soix'a·óte-~"
d0t1zé. 1les ';1tí~qli''à'' sa cáiseade i ·(ca~deird) ·a u- ;
dé,?s~s"-1 dê fS'afi.!.:.}11'deHs1.U 'H ···n' élaü '-p~s· ·alor:s"'
tr'e~-bá'iltJ~ n{ai:sHt.itcJns··iJ~ Hsalson, 1 tles -~luies) é·11•
cl'éijenibte1 <t_t jàlfviei·} iNJ~1!>ord Eí! ~ ~ 1 • ·
'"'U.ii êfüéY$in Hiêt1erà t\ravfe)·s l~s inontagnes de
' '
..
r
·voYAGE
San-Fidelis ~ Canta-Gallo, un autre à l\Jinas
- Geraes. Canta-Gallo, établissement formé par.
des Paulistes qui cherchaient de l'or, resta'. lQng-
te1n ps iµccmnu au milieu des grandes ;forêts .,q ui
l'entourept, jusqt;i'à ce qu'enfin le crj d'un coq
le fit déco~vr'ir , ce qui lui valut son nom ( 1 ).
On dit qu'e 'lorsque les ,jésuites s'etablire11t dans
le Brésil, un~ tribu d~lndiens tres-blancs habi-
tait le canton de Canta-Gallo: les preJUiers y-
ay:ant ,t rouvé de la poudre d'or, }a.. .fais.aien~
A apporter au Para'iha da:ns des_ ~açs de papier
par .les lndiens, auxquels ils donpai~nt des ba-.
gatelles de peu de valeur. . -
Notre séparation d'avec le pere -!_oào a · été•
phi!s affectueuse que notre premiere ·eBtrévue,
avec lu,i:; mais p.ous dimes .un adieu plus cordial
au hon, vieillard qui: DOUS av~Ít si,g~n,~f~US<;!ment.
d .0 1mé f,hospitalité • . ~ous av.qµs tr.~;yersé dei
nouveau le Parà~iba p<;>ur. aliei~ à l.fl fazenda de
lVL Furriel, et llOl1;S avons ~ncore vµ k&. Pt:Hirys
v;enir au mo'uli,n à' -suc;re. pour· y_ .sq.~~f. Cles.
ç~nnes. _ün leur anrena le ,p etit gal'çpn , q_ue
1 -
(1) Mawe,, P·· 1·20• , tom. Í~ pag.: 209. Le· c-Jl~pítré ltX
c:ontient la 1lescription de ce cantou. ·
AU BRÉSlL.
de l'impression que sa pr ésence produirait sur
eux ; à notrc grande surprise, pas un ne daigna
lui jeter un coup d'~il; de son côté il ne cher-
cha pas. se.s parens
f
et ses amis' et s'assit au mi-
lieu de nous. Je n'ái retrouvé cette indifférence
chez ancane autre 'trihu., elle parak cependant
n'avoir lieu qu'envers Ies jeunes gens ·, car ces
sauvages ne manquent pas. de tendresse pour les
petits enfans. Jusqu'à ce que le jeune garçon o
VOYAGB _
. -entourées de heaux .arhres, entre .autres de .qua-
. _telés,'couverts, de .Jeµr feuillage tendre, qui é~ait
.c 0t1leur de rose, et de leúrs. grandt s fle.u rs, .de
.fórme:singu)iere et .de couleur lilas: Nous avons
fait Jialte à . la ,maison du . Senhor .Morales._ Ce
planteur, biénve~llant . avait . préparé . pour, nous
quelque~ objets . d'hi:s t.oire .naturelle. qu'il · nous
offrit , . et fit aussitôt . se,l ler . s.e s che~aux_,,: pour
• nous acc.ompagner. Pen~ant que nous étions
,. :chez lui quelques familles . ·de Pourys _, sont
venues carnper aupres: de ..sa ~naiso!l : i]~ aiment ·
heancoup ce hrave homme, qui les traite tou -
jours avec. franchise .et amitié. 11 ne fait pas at-
,t ention aux dommag.e s .qu'i.l s ~ui caus~~t' quoi-
~ ,qu'i]s soient ,quelquefois .considérables; .. il leur
· perrnet toujours de pille1: .ses .orangers et ses ba-
.
nan1ePs, d e me1ne ..que ses .eliamps el e. ca13nes
h
1
. a'
sucre; souvent i1sJes_dévastent . .Un ho1nme sem-
bla ble, ,qui possede leur estime ~t Jeur. amitié, :et
qui ·sait les trai ter c·o nvt;nablement, serait h~.e·n
propre à les a rracher à la , vie sauvage, . et. à les
réunir dans des aldée_s ou .~:i.llages. M. Mo_rales
npus accon~pagna par de·~ .Çhemins n;iontu~ux)e
long du fleuve; _il y eut souvent des passages
difficiles d~ns des .1non tées ,et des descentes
roides. Ensuite nous sonunes entrés dans une
.. '
tres-
.
•
AU ;JHlÉSfL.
;fdrêt «soinbi·e ·ou volaient·des. 'pàpillob:~ magni- ·
fiques.' Tout à .·c oup nous a:vons àperçu ·pres ~des
·bords 1 du fleuve une petite ·lle ·eritol.frée 'd~ i'u-
che'1•s =escarpés: 1 0Il ·y voyait c1uelqu'es vieiíx 'ar-
bres· couverts ·entie·r ement de nids \de guach
(cassicus hcemorrheus), _;qui ont la fm{me de
bourses pendant~s. Des plantations de carmes·à
sucre, de riz, de café , celles-ci ri1oins - fré-
quentes, et rnême de ma'is, s' offraient alternati-
ven1ent ·à nos regards. Au milic;.!l du fleuve
.J
s' élevaiient de jolies lles, en partie cultivées, en
partie convertes - de forêts. V ers le soir n6us .
-sommes arrivés à une plaine le long du fleuve,
'occupée par des pâturages et u:qe grande fa-
zenda. Nous y avons été si bien r.eçus que nous
avons résolu d'y passer la nuit .. Au-delà de Ia
vallée on voyait de bantes montagnes, et par
derriere le Morro de Sapateira, chaine primitive
avec plusieurs sommets.
· Le lendemain à inidi noüs somn1es arrivés au
Muriàhe, riviere peu large , mais profonde et
rapi.d e, qui dans la saison .des pluies cause sou-
vent de grands dégâts ; elle prend sa source à "
la s.~rra ~o Pico, dans le pays eles Pourys: O~'.l. dit
llu'elle estnavigablependant sept legoas, jusqu'à
une cataracte. Une petite pirogue nous a portés
.-
/
~~2 VQ.Y_A G F;
del'aut'-e. côté du:Para'iba, et lesoirnouss.om_mes.
ai;rivés à Villa qe San,"."'Salvado.r~ Nousayo~sren
contré dansnotrerou,te l'aldéa de San-Anto,Fiio,
Jlui était al,ltrefois u:q vill.age_d:J:nqiens-G-o.1:ul_h,o,~~
fondé par Jes j .ésuit~s : <;lUjourd'hui \'on :Qé.
trouve ·ph;as un seul Cab,0clo. pa-rmi s~s. hahi-
t~ns.
AU B.l\t.SJL.
CI:lAPITRE, Vl. ·
Murihecca. -HostUités des· Pourys. -Quartel das Barrch"as .
__,... ~'Itap.erµi,rim.. ...-- Villa-N.on. de. Íleneve:Q..te . sur l"Iritiba.
,,_.. (.i-o~ra,pai;i~ .:
._ ~ ' .l . { j /1 '
,, • ••J . . . . .,.~.l i..1 ... '1
. . r . !. ~ . . , ·r
:';_ (·tr) .Ansichten . dernatur, 'P· 141. '1 !
:í T~.bl~·Ql4-~ _de, lµ, '~f.1-tu:-~ . ' tóm._1, p._46 tit i61 ;__ ·
1 •
AU ~ BRÉSÍL. 2_3.9
1 • ••
AU BRÉSIL.
' .
un de ces animaux dans un sac, etl'autre dans un
cotfre; le lendema~p quand 'o.rí.voulut leur don .....
1
f
·voY:A:G<E
AU )3R,ÉSIL. tj3
DOUS aVQÍlStrouvé .sur r:ile .beaucoqp d~ martin-
pêcheurs; ·de .gran.:des tr.oupes . de cormorans
semblables au .nôtre (carbo ,cormoranus), plon-
geaient pour attraper leur proie; mais ils étai~nt
un peu :far0uches . .Faute· d'objets plus· impor-
tans , nous avons .recµeilli deux especes . de
goemon; que l'on rencontre aussi pres de ,Rio-
e
de Janeiro l); et dans une petite lagune, iongue
.et.étroite, située derriere Jes dunes, nous avons
. tue, un 4?ormorai:l p'l ong~ür..
Au nord de ce lieu, la côte, à une certaine dis·
tance du rivage, est cou~e~te de div~rs . arb~i~~
~eàux, par.mi lesquels o:n distinguait:l_ e pita~~ira
( eugenia pedunculata ) ' une 'n ouvelle e~pece
de_sophora à ,fleurs jaun~s, le cactus hexa'gone
. et d'autres plantes de ce gente que le vent 't~ent
tres - basses . . ·N ous avons atteint avant la nuit
la fazenda Mandinga, r
qui est isolé~.
sur le b~~d., .
de la mer; nos gens et nos mulets, qui avaient
été arrêtés par un. canal, n'arriverent qu~ ·le
lendernain
. ~
matin. Nous avons rencontré '·
en ce~
--
que c'étaiei.Jt des chasseurs de lézards. Les plan-
teurs qui habitent ces déserts, aiment Ia. éhair. dn
teiú (lacertct teguixin, L.), ., grand lézard, ainsi
nommé dans la ling.oa geral . des . Indiens c.ô.-
tiers, et vont souvent .dans les for êts et .les bois.
yOYAGE
s<ibl6'nnéu:i" à)a chasse dé cé"s ~l'ltniaú'x avec · des
éhÍéns dressés à les· p·oú'is'üiv.re. Des. qtie les
élíiens s'a·pp•·ocli.eút d''un Íéiard,. celúi-é'i s'éri:..:_
ft..ift a'vec ' u'fr~ vi tesse· i~co:ncevlirblf . d.a'ris . sdtí·'
irou, qúe le cha's seur créuse, puis ·tu'e l 'áni·iiiáJI:
La·chaleur étant excessive; c-es deux hoi:dín'es ~
démt tdut Ie· córps éiait teUeH1erlt'. hâlé du soleil
qu'oii á'úrâ'it pu 1e·5 pf~ildre p:oor des Tapô·uyás,
s'etãiént. dépouillés de 'touté espe'c e de vêY.e-
ment ; ils. étaient armés de h.aches; iJs·'tivdi'éíi't
(. 1
.J
/
- VOYAGE
de beau ternps. Le canard niusqué ( ·'..b. . úzs
moschata, L.) nichait d:;ins les forêts etl:daris o
AU BRÉSIL.
le héron bJanc à calotte noire , garça real, bel
oiseau qui n'a encore été 'décrit qu'imparfaite-
ment, dont le corps est blanc jaunàtre et le bec
bleu (1); la grande et la petite aigrette au plu-
mage d'un blanc éclatant, et.beaucoup d'autres.
L'ltabapuana nous procura aussi plusieurs
choses rares. M_. Freyress et lVI, Sellow ~ qui se
promenaient le long de ses bords en remon-
tant, aperçurent une gra~1de tronpe de loutres
(b.ttra brasiliensis) qui, sansmarquei,· la moindre
1
{ -
'
25'6 VOYAGE
I
-:i58 .. VOYAGE
' .
tie .dela côte. O.o conserve commetrophée dans
le corps-de-gai·de les fleches des Tapouyas. ·
1/officier qui. ç~ r!imande ce poste . fourn~t
.toujours un dét~chement de trois hommes , à
l'embouchure âe l'ltabapuana. : le,terme de sa
résidence n' est .pas fixé; çelui que nous y '.avons
Tu· y était dep{iis pres d'un an. Triste garnison
dans un désert se1nblable, ol.1 la nom:r~ture mêm.e
est mauvaise., ét 9u le logemen~ ne consist~ qu' e.n
ç~banes qe terre.couvertes de feuillesde pal:q:Üer~
La maison del'officier est pourtant;assez grande,
et r~~ferrp.e plusieµrs chambres, o.;;_ s~ troqvent
des siégE}s eµ bois; rnais Je toit qui t9ml?e erí
,rui:p.~s n'e..CX!pêche p~s la pluie d.e pénétrer. ·Ün
~onstruisit ce corp_ s-:-de-gar.de parce que différens
· meurtres avaient - été. commis
•) . ,
sur le bord de la
.
...
260 .VOY.A:GE d
quatre le.goas a
pàl'cOUl'ff tlans cette . Côntrée
,
'
·.\
26"2· VOYAGE
A ·pres qu@'l ques heures de marche nqus som-,
nfas,arrivés da.a& un endroit ·ou la côte s'abaisse aU: ·
Po~·oaç~o ou hame~u de Ciri(1), qui est aujour; ,
d"'huiabsoluméht ahandoli:hé. C'est Jàqu'au n1ois :
d'aout dernier les Pourys ·ou d'autres Tapouya~,
/
firen.t une at~que soudaine, égorgerent trois pet!-,
som.ies dans la pr~nüere maison' et répandire:nt
une terreur si grande q-qe to~s les ha bitans prirent
aussitôt la fuite. ll n'y a plus que deux maisons
au-delà d'une pethe lagune qui soient encore
habitées pa'r des personnes bien armées, .condi-
tion essentielle de leur sécurité. , Les sauvages·
· em porterent les us tensiles en for et les provisions
qu~:i1s · trouV.erent, 'eí se retirerept dans le:urs
forêts .. Instruit de cette attaque, le sargento :nior
ou major d'Itapemirim, à la tête de cinquante.
soldats, fit .une battue dan$ l;:i. forêt: il trouva
up.e route large et comm.~de poqr les cavaliers
qui le conduisirent à des huttes, puis plus avant
dans l'intérieur; mais il ne rencontra pas un
'sêul lnâ.iei1' el fut f01~cé parle manque de . vi'.'. .
vres d.e evemr bientôt sur ses pas.
'.
/
VOYAGE
tuccas ( I ). Bientôt nous avons , aUeint des
prairies ouvertes ; ou l;s ~arais et Ies 1agunes -
fourmillaient de canards, de moue.t tes et de
1
hérons.
. .
· Vers midi nons sommes arrivés à' Ia riviere
d'Itc:tpemirim ,.sur la rive méridiori~.le de laquelle
est située Villa de Itapemirim, éloignée de sept
legoas de Muribecca (2): elle est petite et nou-
yellement bâtie; l'on y voit quelques ·maisons
assez grandes, _mais elle ne mérite encore . que
le noin . de village; elle a· pour habitans de
pauvres planteurs q ,u i ont leurs propriét~s ;:ians
le voisinage, des pêcheurs et quelqües ouvriers.
Le capitam commandant, ou capitam mor du
- comarca d'Itapemirim, -réside ordinai1·ement
sur sa fazenda; un sargentor mor de Ia miiice
demeure à la Villa. Le fleuve, quoiqu~ peu large,
peut recevoir de ·petits hr-igs, qui viennent
charger du sucre, du coton, du riz, un .peu de
roais et de ~ois. ,,.
Une pluie d'orage ~ tombé'e dans l~s monta--
;vo'Y'.AG.E
gran d bruit et d e s cris atfreux dans :ta forê.t voi..;
sine, virent des Pourys blessés qui venaient cher-
cher un asile chez eux, en disant que les Bouto -'
co,n dys les avaient :attaqués , et . avaient tuê ,'I
plusieurs .des leurs. 11 résulte de tous ces faits
que ~es forêts soüt r e niplies de sauvagés indé-·
pendans
,
et enn·e mis .les .un s des autres; · l' on
disait généralement que les Tapou:xas ont,
dans une période de quinze : ans , massacré
quarante.:...trois colons p_?rtugais le Iong·de l'lta-
pemiri·m. ,On a pourtant ·ouve'r t' ~l travers ces
déserts péri1leux, un'e route, par 'Iaquelle on va
.de Minas de Castello aux frontieres d~ Minas
Geraes, qui en sont éloignées de viogt-deux
lego~s . .
Le capitani mor dp comarca nous avait, sur. .
la présentation -de notre passeport, accuei~li
tres-obligeàmment; il envoya du Bois, de l'eau
et toutes sortes de provisio~s à notre logement:
en. conséquence nous sommes allés à 1a fazenda
lui faire nos re:.Uercimens; elle est située sm· le
bord du fleuve, et entourée de belles prairies,
ou paissent une · quantité de bestiaux et de
chevaux.
Apres quelques jours de repos nou-s avons·
quitté Villa de ltapemirin1, et à une certaine
AU BRÊSIL.
distance notis ·av-oris tr~versé le fleuve pres de . -
son embouchure. Le jatropha urens était .t res- ,
. commun dans les marais que nous av0ns tra- •
versés; les piqures de cette plante furent ,bien·
plus douloureusés pour les pieds nus de ·nos '
chasse1irs que celles de l'ortie, càr ces petits
aiguillons percent même l€s vêteruens. Le ti]é .
à plnmage rouge foncé (ta-n agra brasília, L.)
est·tres:..commun dans les lieux bas et tnaréca-
geux, et sm· les bords des fleuves de cette côte , .
n1ais plus Tare au contraire • da~s"Jes rnontag~es
et les grandes •forêts de l'intérieur. De grandes
troupes de mouettes et. d'hirorídelles de lller:
remplissaient l'air à l'emb,ouchure de l'ltape-
mirim; les pluviersetlesva;nneaux fourmillaient
le long de la côte, ou l' on trouve aussi fréqu.em-
mell..t dans le s;:ible le petit engcmlevent ( 1) ;·dans
les forêts .v oisines on en voit une plus grande .
espece. Selon Marcg~af les Brésiliens des envi-
rons ' .de Pernambouc.
nomment..J cet oisea~1
ibiyaou; mais le ,long de. la côte que j'ai
parco-Urue il por~e le . nom de bacouraou.
La grande chaleur nous faisait beauco-qp
(
AÓ BRÉSIL.
tissent du..côié de. ierre to~t pres ·des plàn..:..
tations~ La riui~ précédenie un gros jaguar avait
tué une jument d11 propriétaire : celui-ci .en-
voya ses cbassem·~ avec leurs chiens à la ··pour:-
suite du ravisseur; çils parcoururent vai~ement.
es forêts voisines.
l!..e M@rro de Aga, haute rnontagne isolée et
arrondie ~ s'éleve du milieu des forêts pres de
la fazenda; elle est rocailleuse, et offre des . pa-
rois à pie et nues; elle est .entourée _de hautes
collines; on·dit·qu~on y jouit. d'uhe vue·magni-
fique: II y á pres ~de l~ m~is,on de la fazenda un
peti't marais , .ou, à l' entrée de la miit, la voix
remarquable d'une .grenouille, que je ne ~on
nais$ai:s pas enc_:;ore, me causa une surprise ex-
1.rême : elle'. ressemblait áhsolument au bruit
q~e produ~t un ferblan~ier ou un chaudronnier.
en_travaillant avec son marteau' excepté que le
son était plus plein. J'ai plus tard vu cette gre-.
n01~ille que le~ Portugais, à cause de sa voix ,
nommént le ferreiro ( forgeron ) . .
Un autre objet du domaine <le J'hi~toire ·n a-
turelle qui attira aussi ·notre atte:rition, fut un
buisson épais cemposé d'une . nouvell~ ·espece
d,'helicopia, dont les hampes à fleurs, parvenQ"es
(
VOYãGÉ .
à une certaine élévation, .se courbe:µt con.,..
stamment . en are, et ensuite relev'ent le1'rs
-extrémités ; de nombréuses fleurs , couvertes
-d~ spath~s . écarlates, ornent la p<;>rtion courbe
de . fa hampe. Ce beau végétal forme un~,
allée cou~erte. Nous avons vu sw· la pl~ge
quelques especes de coquillages l~ivalves et qni-
valves.
A p·e u de distance Q.e , Aga rious ' somm';'~
arrivés _au povoaçao Piuma ou lpi_uma,_oú un
ruis5eau -de même nom, qui n'est n~vigab_Je q~~
pour des · pirogues, s~ jetté . Çla:r;is .~a qiei: . .Op
..
yoit dans cet encÍroit un pont ,µe -~oi~ long d~
:trois ce~ts pas, et_calculé p<;mr les'c,rues dt;t flel;lve;
~'est_ une v~rit~ble curiosité dans ce_s CQnt1..-é es,
Les b?rds d~ l'Ipiuma sont c_o uyerts ele boi~
~pais~ ~~s , ~a\lx. , de mêm~ qu_e ~a. plup,art, çl~
~elles des rpiss.ea.ux . des ~orêt~ e~ de.~ p~lites
riv~eres . d~ _ ce ·pays, ont un~ teinte coul~ur de
c:;if~. M. de Hm~boldt· a fai~ la même observa-
• 1 • ' ' ..
-
1;
?'hydrog~ne y' à~ abonda!;lçe . <;l~ J~ .y~gétª.ti9n.
. '
At:J BRÉSIL.
~t à la mu\titude de plantes donf est couvert
le sol qu'elles traversent (1). _
Quand nous avons p~Ssé le pQnt la ct;1riosité
,d e voir des étranger!?. a . rassemhlé autour, de
DOUS unefoule d'lndiens. Un mat_ e lot espagpol,
.etabli en ce lieu, nous a reçus _ehez lu~, a bara:-"
gouiné toutes sortes de langues , nous a parlé
de
, 1 ,
. J
C€i hom·g fait nu assez. grand comrn.e rce; bien-
tôt nous fumes mieux informés. Le trafic de
,... • ~ . ' l • . . • . , . , ••
, ·.
(i) Murray, appdratus medicaminu;n, tom. IV, p. :52.
(!l) A Pernambou c ils portent le noín de Capitaes do
.. .,z_.. t
C'll(llpO •
' ,
gune, le serpent cibo ·vert (1); sa fonne svelte
et _sa souplesse lu.i 0nt valu son no~n .; il est de
CouleuF o}Íve foncée, jaUlle par deSSOUS' et a
cinq à six _piecls de longue,ur; . quoiqu'il
• • ' •
fass.e
, / • • " • 1
ne
• / • • \ ~
.......
, ........
, ...
( ,
'
(
·vOYrAGE
CHÁPITRE VII.
(
AU BRÉSIL.
Ouetacas ou Goaytacases, qui demeurent sur le
J>ara'iba (1). Dans la derniêre moitié du dix-
septieine siecie, le territoire ~;Espírito-Santo
ne contenait pas plus de 500 Portugais et quatre
viJlages indiens (2). Aujourd'hui on voit dans
mi enfoncement.à la rive ~éridionale du. fleuve-,
à p,eu de distance de son embouchure, Villa
V eiha do Espiríto-Santo ., petite ville laide et
oµverte qui forme à peri pres un carré-;· l'église
est à une ext_rérnité; à l'autre, pres du _fleuve,
la Casa da Camara. Le -fameux couvent,
de Nossa Senhora de Penha un des plus riches
du . Brésil , et qui dépend de l'~bhaye de San-
BentG d_e , Rio-de-Janeiro, est sur une haute
m.on~agne boisée et contigue à' la ville. O p dit
qu'il possede une image miraculeuse de Ja
Sainte-Vierge, et c'est - en. coiiséquenc~ un.
péle~inage tres-fréquenté; il ne s'y trouvait en
ce moment que deux moines. Nous n'avons pas ·
I
/.
VÇJY4\.G:f:
regretté lG\ ·peine q~e 119!JS avon~ prise d<t g.r~vir
Ja 1;noµtagne, ta:r:it la yµe dont on y jq_uit. est
magnifiq•Ú~. Elle défi.e toutes Ies de.scriptiqns~
011 découvre à la fois_ la m;er, des cQ.aines q~
rpontagnes, âes cimes éle~ées et sépar~es p~r
Cles vall~es d'oú le flen.ve _& 'échappe. La VilJa
qonsist~ ~n. m~isqns d_ e t~rr(f ~;:tss~s; elJe n'~s.t
pfts. payé~ et p'offre que des signes .de dépa-
9.ence depui~ qu~ l'on a bâti, une d~rpi-lien~
ph~s haq.t sur Ja rive septentrion_a le du ~lel-!ve,
11
Villa d~-Victoria , j,o.l ie petit~ viUe 1 qui, depqi~
,
n1w1 d epart , , e'l evee
, a ete ' au rang, d. e cI-te;
. '
(cidade). Espi6to - S:;in,to q~i n'ét~ it d'abord
q4'uµ , gq~veq1ement inférieur , est devenu
~ep~is l.Jn~ c~p:i,tain~rie.
Cidad~ ~e Nossa S~nhora1ia Viçtoria
• ' , •
a d'a&-
1: •
1 .
(1) Certhia cyaneQ, L.
AU BRÉ,SÜ.1.
P. l'éucoci!la ), une petite espêce qui .n'a pas
'encore été décrité, que je nommerai strigi-
ltda (1); une nouveile espece de tangara (tana-
gra elegans )(2), et un tres-beau cotinga (proc-
nzas cyanotropzts) (3)' dont le plumage chatoie .
1
à la lumiêre. On pouvait toujours espérer de reJ?.· ·
contrer les jolis manaÍáns ·à couleurs si belles,
sm~ Uh arbre dont ils aiment beaucoup lei
baies.
Cette for~t renformait alissi <lés cerfs. Le
colonel :F alcào fit venir ses chiens d'Aracatiba
"
pour que inous prissions le plaisir de la grande
c-hasse. Voulant rencontrer des animaµx de
grande taille et rares qui fuient le voisinage 'de
l'ho1nme, nous nous somn-ies enfoncés j usqu' à
298 VÓYAGE
pourtant ql.1e le v~r pénetre d'àbord dans Ja
peau, ce qui est contraire à notre expérience.
Le 1endemain nos pirogues sont arrivéesr, et
nous avons passé de l'auúe côté du fleu~e qui
a· pres de mille pas de largeur. Nous avons
voyagé dans une vallée qui serpente immédia-
tement au pied de la hauteur sur laquelle est si-
tué le Jucutucoara. A peu de distance nous
avons aperçu une fazenda qui appartient à un
]\'1. Pinto ; nous avons t_raversé sur un pont de
bois ordinairement fermé par une porte la pe-
tite riviere de .Muruim ou Passagem , et , à
l'extrémité d'un marais couvert de mangliers
( rhizophora, conocarpus, q,vicennia ) , nous
nous sommes trouvés sur le _bord de la r,ner.
En regardant en arriere , on reconnait distiHc-
tement Ia chah1e de Espirito-~Santo, qu.e l'on .
aperçoit tant que I'on se trouve imm.édiatement
f entre se~ parties extrêmes. A trois lieues de·
Villa de Victoria; nous av(;>ns fait halte au pe-
tit Povoaçào de -Pray;a-MoJle.
II consiste en plusieurs rnaisons éparses sur
une plaine verdoyante peu élevée au-dessus de
la mer. Nous y fumes accueillis amicalemen.t,
et les habitans étant bons musiciens , la soirée
se passa fort agréablemen( à faire de la musique
r
AU . BRÉSIL.
e't à danser. Le fils de la . niaison ol.1 nous ·éti~ns,
qui s'entendait. tres-:-bien à fabriquer ·des. gui-
târes ( ?.Jiolas ) , en j o~a , et la plupart des
autres jeunes gens danserent · la baduca. Ils
. prirént toutes sortes cle postures singulieres ,
battant la n:1 esure avec leurs mains, , et faisant
ahernativement claquer deux doigts de chaqu·e
maiú, en imitation des castagnettes espagnoles.
Quoique les Portugais aient beaucoup de dis-
positions pour la musique, on ne voit pourtant
.au' Brésil, dans la campagne,-d'autre instrui:nent
que la guitare. Si Famour de Ia danse et d~ la
musique est commun parmi . les habitans , le
gout de l'hospitalíte l'est autant au moins parmi
le pfos- grand nombre. Nous l'éprouvâmes en~
co,r.e· en ce lieu : on nous o:ffrit à l'envi tout _ce
qui pouvait nous divertir et . nous faire pa~ser
le temps plus vite.
Partis de bonne ·heure de Praya-Molle le
lendem;:tiri matin pbl.ir. le. Povoaçào de Carape-
'
buçu, nous avons vo-yagé dans des forêts qui,
s'étendant le long . de la . côte , . cntourent Jes
baies et couvrent les pointes de terre; on y
voyait voltiger une multitude de papillons, :sur-
tout de nympliaLes. Nous· avcins trouvé. le joJi
nid en forme de hou.r~e, ·d'pne e-speJ::e d' oiseau
I'
3'00 - VOYAGE
du genre du todier. 11 le construit toujours dans
le voisinage de _celui du marimbondo , espeée
de guêpe' afin ' dit-on' d' être en sureté con tre
les pom:suites de ses e.nnemis. ·A yant voulu
m,approcher de ce nid, les gnêpes se montre-
rent aussitôt, et m.'en tinrent éloigné. ~
Les bois le long de la côte sont habités pai·
de pauvres familles qui se nourrisse:rit de la
. pêche et du produit de Ia culture des terres. Ce ··
sont en général des . negres' eles mulâtres' ou
d' autres gens de couleur; on voit pe u de hlancs ·
I
parmi eux; ils se plaignent au voyageur delem•
paúvreté et,de leurs besoins, qui ne pel!lvent être
dus -qu'à leur paresse- et à Ieur manque d'indus-
trie; car le so~ est fertile ; ma'i s trop panvre$.
1
AU BRÉSIL. 3o3
le jacquinia óbov.ata, arbuste à baies rouges et
à feuilles oviforril.es renversées, qui croh dans
les halliers le long de la côte, et porte eu con-
séquence le uom de tinguy (tingi) da praya.
On parl51it encore à Villa-Nova de Almeida
d'un animal de mer, inconDu , tué à coups de
fosil sur la côte voisine peu de temps aupara-
vaDt. II était fort grand; on nous clit qu'il a~ ait
des pieds comme les: maius d'un homme; on
en avait tiré beaucoup d'huile. Le gouverneur
avait envoyé la tête et les mains au chef-lieu de
la capitaiDerie. Malgré les recherches les plus
assidues, nous ne pumes Dous procurer de ren.-
seignemens plus précis sur cet animal, d'autant
plus qu'oD avait brisé et fait bouillir le sque-
lette , et\ qu' on en a~ait eDterré une partie. -
D'apres le peu que Dous avons-appris, il paralt
que c'était un phoque ou un lameutin.
Les forêts traversées par le Sauanha, Dommé
Apyaputang dans l'ancienne langue d es In-
dieDs, sont, dit-on, habitées par des Coroados
et des Pourys. On parle aussi cfe la tribu des
Xipostos (Chipostos), qui viventplushaut,entre .
Ie Rio- Doçe et le Sauanha ; mais tous ces ren..-
seignemens sur les noms des diverses peuplades
indigeDes so:nt défectueux. D~puis le Sau~nha
3o4 VOYAGE
jusqu'-au Mucuri, ~a côte maritime est habitée
pr~sque uniquement par des familles' d'Indiens
côtiers. Us p~rlent ici généralement ]e portu-
' .
gais, et ont échangé leurs ares et ]eurs fleches
. contre le fusil. Leurs maisons different peu de
celles eles colons portugais; leur prÍncipale oc-
cupation est la culture des champs et la pêche.
A u nord du Saúanha , u _n e forêt épaisse
couvre toute la côte. En que1ques heures ou
arrive au ~yrakâassú. (grande riviere des pois-
sons) ,. nom qui vient des Indiens. On voit à
son embouchure un petit ·povoaçào nommé
Aldea velha;ilne renfermequ'un petit nombn~
de maisons; un peu plus haut en remoniant le
fleuve on rencontre un gros village fondé par
les jésuites, qui dans le temps de leur domina-
tion avaient rassemblé dans ce lieu un grand
nombre d'Indiens. Les poissons et les co-
quillages leur pr..ocuraient la nourriture la _plus
nécessaire, ce qui est caus_e qu'aujourd'hui on
trouve encore sur le hord du fleuve de gros
tas de coquilles de n1.o ules. On a voulu .assigner
une autre origine à ces amas, mais pl~siem;s
, auteurs ( 1) confirment que ces sauvages se
.. . ,. .,.'•
..
AU BRÉSJ,
. " ' "•
\... ~
L.
q~l'ils ·s'-été}jem 1:1 1pntrés en ·p lusieurs. endroits
~i).r les hoi,ds ·tlµ RiQ - Doçe en frappant ·dês
rµl}j-q.s , . ~e qt.Ji est ~bc~ eux l'indice qe dis-
positioqs pflcifiques , et . que des Portugais ,
pleins de confiance dan!'.! ces démonstrations ·de @ (
p~ix, _ s 'ét,arn ren.dus parrni eux, a\!aient ·été
t:rqhr~q&~ment . per~.€ :;; PªP les fleches de ces har-
bapes ; · <!Jprs s'ét~ignit toute idée de pouvoir
t1~pµ.;y~r. chel'I . eu~ Je P.windre sentiment d'hu-
r:nal!i~é. ~~iS, "Q.P.· fqit dé:montre évidemment que
J'PJ!. ,e st !lJ.l~ trop loin dans e.e jugement qui
Qffen$,e Ja.. dignité de l'homme, et que· la rnaniere
dpnt QP, traite ces sauvages contribne au moins
autant qüe. leun fé1:ocité naturelle à les rendre
incon·igihles. ·La çonduite n1.odérée et hi:Jmaiúe
de 'M. le comte D ds A..rcG>s , gou;v.ei~neur de là
~apitainerie de Bahia, en~ers les Boutocoadys
qui v.ive~1.t sur les bords .du Ri0-Grand~ de
B.elnlQrJ•t.e, a erodúi.t les effets les ·plus heúreux.
L'e ~ontraste .€_11.l.e lê voyageur observe 101~&que
quil:tªnt le théâtre de ]a guerre iRhu vnaine qui
se . fait sm: les bords du Rio,.::-D9çe, il arrive ,
é\pres un ir!rervall~ de quefo1L1es semaines, dans
. l~!? C,011Z1trées du.. Ji:io- ·G rande de Belmonte , et
qu'il v0it les habitans vivre dans l;;t meilleure
intelligence. avcc les sauvages ,, depuis lá ·paix
'·
.
312 VOYAGE
conclue avec eux il y a trois à quatre ans·, et
qui Jeur assnre la tranquillité' la sureté et les
avantages les plus importans, ce contraste ; dis-
j e, le surprend cxtrêmement, et lui inspire les
réflexions les plus séri~uses.
A fin de bien conna1tre les contrées remar-
- quables baignées parle Rio-Doçe, dont ori nous
avait fait un tableau extrêmement séduisant à
.E spirita-Santo , nous somnies partis de honne
heure du quartel do Riacho, · accompagnés de
deux soldats, et nous avons traversé le ruisseau
· ou riacho qui·lui donne son nom. Nous avions
à pareou rir une distance de huit fortes legóas,
par .un chemin difficile dans des sables prô-
fonds , e,t par les chaleurs brUlantes du mois de
décembre. Le sol, qui est un mélange de sable,
de quartz et de petits cailloux, fatigue beaucoup
les pieds des hommes et des chevaux ; du côté
de l'intérieur, de petits buissons formés entre
autres de cocotiers nains C<l>uvrent le sable; au-
delà s'éleve une forêt dans laquelle, à peu de
âistance de Ia plage, estsitué le quar.t el dos Com-
boyos' oú trois soldats sont postés pour assurer
les communic tion.s. Nous y ~vons trouvé des
traces de grosses tortues de mer, qui sortent de
l'eau pour venií· à terre pondre leurs, reufs da;ns
AU BRÉSIL. 313
le sable. En plusieurs endroits on apercevait en-
core des débrís- de. ces animaux, · entre ·autres ·
des carapaces et des squelettes; nousfumes sur-
pr~s de la grosseur des cd.nes : j'en rencontrai
un qui pesait au moins trois livres. ·Les lndiens
maugent la chair de ces tortues, et-en retirent
une quantité de graisse; ils. -recherchent aussi
leurs reufs' dont on trouve quelquefois jusqu'à
dóuze et seize douzaines dans un trou. Ces reufa
sont ronds, blancs , couverts d ' une rnembrane
coriace et élastique, et rernplis d'un albumen
cl!lir conune .de l'eau' et d'un- jaune de belle
couleur dorée, qui est savoureux quoiqu'il ait
un pen le . goút de poisson. Nous avons ren-
con:tré des familles indiennes qui portaient chez
elles de pleins paniers de ces reuts. On peut ju-
ger de la grandeur de ces tortues, par celle des
carapaces que nous avons trouvées stÍr Ja plage ,
et dont quelques-unes avaient cinq pieds de
long.
Lorsque la chaleur accablante du milieu · du
jour commença à se faire sentir, notre ·tropa se
trouva dans un état voisin de l'épúisement, parçe
que l'eau douce ·manquait pour apaiser la soif
bri'ilante de nos bêtes desomme, et surtout ceJle
des hommes qui allaient à pied, et .qui étaient
'
/
trempés ,:l'e sueq.r. NGlil.!? fim~s halte poµi' cher-
cher un abri à I'ombre des ~?issPJJS, mais la
terre était si .cl~qude que nous pe trouyàmes qu,e
pgu d'~doµ.Gis.sement à }'ipcommo.dit.é dont nous
souffrions : ~1. os pied~ &,euls se repos.er.en t; pous
débarrassâr:p~s les mulets de l.eur charge., ce qui
leur procura t,m peu de s.oul,agement. En c.e tte
oçcasion, re~périepce d~ nos j~J.ines lndiens
nous f.qt tres-qtile; ils. s' enfonçerent .dans lés
buisson~ avec cles yas,e~, et y rass.emplerent l'-eau
qui s.e trouv:út .errtre les feuilles et les tig.es des
- bromélias. Quand la ·pluie vient ·d e ·tomhe.r ,
:cette eau est çl_a ire et pure; or, cpmme il n'avait
pas ph1 depuis lo,ng~tenips , l'ea.u était noire et
sal.e , ·et contenait rnême du frai' .et de petites gre-
:qouilles. On la fit pass..er à.travers un linge, .on
y mêla un peu d'e&u-d~-vie, .d u j1>1s de citron et ·
_qe SJ.icre ·: a~nsi p.répsir,é f!, ~ll.e n.oqs pafHJi~hit .et
. :pous ranima. Une petite gr~ouill.e jam1âtre ( 1)
était -com mune sur les tiges de bromé]i'as; c.et
~mimal, ai,ns_i que plusieurs a.m:res' d.e ~.ett.e fa-
JP.~iie ·, dé_pose {'~S Q:!qf~ <HJ-dessus du sol; n!D.qs
VOYAGE
fréquemment le tapir, l~ pecari ou caytetu (1),
et le tayt etou ou porco à quechada branca (2) ;
le guazupita et ]e guazubira, . deux espetes de
cerfs, et plus de sept especes de chats , dont
l'yaguaret~ et l'yaguare~é noir , sont les ph~s
grandes et les plus dangereuses. ·
Cette coÍJtrée est - em~·ore· t:res-peu habite-e,
de sorte que la con1munication n'a lieu que par
Jes rivieres. Depu~s qu~lquês semaiiles on avait
ouvert un picade ou séntier dans la forêt , le
long de la rive méridi011ale du fleuve, 3nais il
n'est achevé que depuis peu de temps, et on ne
peut y passer que hiei1 armé , à cause des sau-
vages. Le comte de Linhares avait fixé sou at-
tention sur ce
pays fertile; il établit de nou-
veaux postes rniJitaires, et fonda à l}lle dixaine
de legoas erí remontant le fleuve le povoaç.ào-
qui porte son 110111 , à 1l'endroit o-h le f1reh1ier
<juartel avait été placé. U y envoya pour peu-
pler la nouvelle colonie des,<léserteurs et d'au-
tres condamnés. Sans dauté ces nouveaux éta-
blissemens n'aui·aient pas tardé à preu'clre de
!'accroissément ' mais il est à crai11d.re que la
VOYAGE
varies et magnifiques. Différentes especes de
cocos, surtout le coe~ -de palmitto, nom~é
ailleurs jissara, avec leur tige haute et m~nce ,
et le~ir petite cime d'un vêrt éc1atant, et-fÔrmant-
,de ~eaux p~naches, 01:qe'i1t, ces forêts touffues,
du fond desq~elles dês mi.niers de voix singu-
lieres d'oiseaux se font e:rÍtendre. Ati-dessous,
presque à la _surface _d e l'eau, ·des pl~ntes, encore
nouvell~s pour nous, déployaient 1eurs fleurs,
entre autres un Jiseron ou un végétal d'un
genre voisiri qui . .en ava.i t de grandes toutes.
blanches' -'e t une légumineuse qui parait le~
buissÓ1~s de longs fest'ons jaunes. Un jacare, qui,
se chauffait tranquillement au soleil, s'enfuit
au bruit de nos pagaies. Bientôt nous 1sommes
arrivés à plusieurs iles oi.1 les colons de Linhares
ont établi' des pl~ntati~:ms, car ce n'çst que su~
ées points séparés du con.tinent que l'on est en
sureté contre les sauvages qui n' ont pas de
pirog?es; et qui pàr cons'é9:ue11:t ne peuvent;
franchir le fleuve qú~ dans ' les endroits oi.t il
a p'eu de largeur et d'e profondeur. Le guarda
mor de Linhares demeure sur l'Ilh~ do Bo·i
( lle -aux Bceúfs)' et le Cl~ré sur l'ilha \do . bom
Jesus. Vers -~inidi nous avons ap(frçu Linh~res,
ei nous avons débarqué . ·sur la ·ri ve septen-
. AU BRÉSIL.
., 3~5
.,
VOYAGE
ayant encouragé · à entreprencf're des cuÍtur~~
Avec .- dix - sept esclaves negres il a défrié'hé
· ún . grand espace de forêt, ei prouvé par Je
succes de ses plàntàtions que le terrain Je l@ng
du fleuvé est e'.xtrêmeme'nt fertile, et propre à ·
Jâ ·production de tous ""l es végétaux utiles. '
Nous av'Ons passé toute la jóurnée du 28 dé..:.
cemhre chez M. Calri:mn, qui s'est empressé ,
ail'l~iiqu~ M.·Cardoso, da Rosa, de nous i:endre
:ríotre séjour agréàble. .. :
Linhares n'est encore qu'ún établissement
í)etÍ ~onsid'erable / quoiqt~e Ie·· ministre-comte
de Linhares se soit donné, ainsi que je l'ài
J .
AU BRÉSIL.
balle 1a perça de part en · .part. ;Cependant ·
d'autres · expér~ences noi;is ont . prouvé . qu~à' la
distance ·de· soixante pas le plomb le plus gros
ne · pénétrait pas ces cuirasses; qu'il tombait
aplati à terre, et qu' elles offraient une résistance
· suffisante aux fleches des sauvages.
A V 1lla. dé Victoria et ailleurs on f: hrique
des cuirasses de soi~. plus légeres , mais, beau-
coup pl us cheres que celles de coton. Au der-
nier .combatlivré à Linhares, , un Bo_uto~oudy,
extr.êmement vigoureux, lança d'assez pres une
. fleche tres-fovte à u_n soldat . portúgais ~ elle
·.t rav.ersa ·Ia cuirasse , et ne fi.t au solcÍat qu'une
hlessure légere au côté_; les fleche~ causent tou-
·joul's , ~n;tême en rebondissant ? une secousse
violente. ·
On a r~cemment ouvert un chemin qui va
de la fazenda de Bomjardim au quartel do Ria~
cho, et passe devant leJ ac, nom.mé Lagoa dos
· In.dios. ( I ). II 5'y tróuve un second .poste ,q ue
.l'on a n_ornrn.ci Quartel d'Aguiar. Quelques fa-
. mifü~s indien.rres y dem.~µr~nt. , et huit soldats
indiens font le service ; car ces h:ommes une
r, .
AU BRÊSIL. 333
nique avec líl rive septentrionale du fleuve p~r
un canál étroit. Les anciens écrivains sur le Bré_-
sil ·en ont fait mention. SeLastiam Fernandes
Tourinho, qui remonta le Rio-·Doçe en i572,
dit qu'i( a trouv{ à l'ouest_de ce fleuve un lac
qui ·est vraisemblablemehi celui d~nt je parle;
cependant la position du rúisseé;lu qui tomb~
dans l~ Rio-Doçe et celle de la' chute d'eau, tie
ressemblent pas .à ce qui existe : la distance
offre élussi des différences ·eI ). · · ·
, ·M : Freyreiss, qui a visité encor:e une fois
I.. inha1•es quelques mois "plu~· tárd, m'a commu-
niqué sou voyage à .ce lac. J e le raconterai aveé
ses propres ex'pressions: « Un canal qui a rare-
ment plus de soixante pieds de largeur' mais
qui est profond
-
et ~dont la Jongueur peut. être
, d'.u~1e legoa et demie, conduit au lác, 'q ui est.
três-poissomieux ; les bords de ce canal sont
enco"r e habités ·par lds ~o,~tócoudys. _ou les an-
ciens Aymores; ils avaient établi sur le milieu
un passage avec des lian~s , a~·quel l~s Portug~is
dónnaient mal à propos le nom de pont; ceux-ci
. l'ont coupé · d~puis p_lusie{u·s · an·n~es , ~ sans que
les,
antropophages aient essayé
.
de le rétablir;
.
ou
)
•
334 VOYAGE
. d'en te:ndre un nouv.e au; tromp~ par .ces appa-
:r ences, on se livrait à une funeste sécurhé; t~ut
à coup les Boutocoudys se 'montrerent au qlJar-
tel seg~nqo de Linhares , placé sm· le bord du
canal~ et tuerent un solda~ à coups de fleche.
Cet événement s'ét~it passé peu de jours avant
notre arrivée; les sauvages n'avaient cependant
pú, ceue fois, s' emparer du corps de l'homme
qu'i]s avaient assassiné. C'est à cause de cet
accident et dú peu de larg~ur .d u canal que les
~olons du Rio-Doçe choisissent ordinairement
la nµit pour aller pêcher dans le lac. 11 est eh-
~ouré de collines ; sa longueur' est à pen prês
Çe seHt legpas du sud-est au nord-ouest , et
~a largeu~ d'une demi-legoa; 'il peut avoir se~ze
.à dix-huit Jegoas de circuit : sa profondeµr est
inégale ; en plusieurs endroits elle est de huit
à douze brasses ( quarante à soixante pieds ).
Çette grande · masse d'e~u doit si;t formation à
une petite rivie1·e et à ·'ph~&i~urs ' rui&seaux qui
s'y jettent au nord-nor.d-ouest. J'ai déjà dit
·q u'il se déch.arge dans le Rio-Úoçe pres de
Linhar~s par le capal dont je viéns de parler;
il gonfle çonsidérabl~mentlor~que de forti, venis
du sud font refouler l'eau dans cette embou-
chure.. Le fond et les bords de ce lac sont d ·'tm
. .~
AU BRÉSIL; 335
Sftble fin, ou l'on trouve par intervalle des m~r
ceaux de gres (errugineux. A peu pres à quatre
legoas de l'entrée s'éleve . une jolie petite :Hc
qegranit, que . les Sll.Uvages ne visitent'pas à
·cause de son éloignement du rivage, et qui offre
par cqnséqnent une ret~aite sure aux pêcheurs. ))_
Des l'anné~ 1662 , Vascoucellos nomine
parroi les ttibqs qui habiten-i; le long de Rio-
:Poçe , . !es Aymores Boutocoudys , les Pomjs
et les Pata~hos; quoiqne les premiers dominent
' dans c~tte con.trée, les autres y poussent quel-
quefois .leurs excursions. Le même voya'g eur
ohs~rve avec beaucoup de justesse que quelques
.Aynwres ou Doutàcoudys· sont presque aussi: .
blancs que les ; Po1:tugais. La guerr·e déplorable
que l'on fait aux Boutocoudys, sur les bords du
llio-Doçe, met obsta ele à ce que l' on y puisse
pien conna!tre ces hommes clignes de fixer
l'attention. Des qu'on les aperçoit i.~ faut s'atten-
dre à l'instant à' ~ecevoir une fleche; mais plus
ilU nord, sur le Rio-"Grande de Belmonte, .ou
l'on v~t en paix avec eux , on peut les y observer,
sa-ns danger; je réserve donc des détails ulté..:.
rieurs sur cette t~ibu intéressante des indig~nes,
jusqu'au moment o-L1 je décrir.ai mon séjour dans
cette derniere contrée.
'
'•
536 VQYAGE
Le séjour de Linhares est tres-agréap le pom·:
-quelqu'un qui aime la chasse. Au point du jour ·
les sipges viennent si pres des máisons qu'ik
. évitent la peiue . d:aller les · chercher bien loin;
. les perroquets s'y rassemblent en grandes trou-
pes, et les magnifiques · araras y sont attirés,.
·dans la saison froide, par certail'les especes de
fruits. Ces he_aux perroquets ont coutume de
nicher 'tous les ans :dans le même arbre; quand-
ik ont ,tro.u vé ·un· trou qui leur convienne dans
une f"õrte branche ou dans -un tronc. ·on en
iue fréquemment ; on mange leur chair ; mi se
sert des grosses plumes de l'aile ponr écrire,.
les sauvages. en garnissent leurs fleches, et s'en
font aussi des parures. Dans ce!? ·solitudes peu
fréquentées il n'est pas difficile de reverrir_chez
soi le soir avec un _c anot plein de gibier; mais
dan's ces parties de chasse il est nécessaire .-de
se tenir consta'mment en garde contre les saú-
vages. L'expérience • à appris aux soldats de
-Linhares Ia maniere de poursuivre· Ies sauvages
dans les forêts; tons conviennent pourtaQt que
' les· Boutocoudys sont bien meiU~urs chasseurs
, qu~eux et conn aissent beaucoup !flieux la forêt;
il est par conséquent indispensable d\1ser de Ia
plus grande prtidence dans 'ces coinbat~ et dafl:S
J
AÚ BRÉSÍL.
t:es excursions áu milieu des forêts. Les Mineiros
ou habitans de Minas-Geraes passent générale-
ment pour les meilleur~ chasseurs de sauvages'
pàrce qu'iJs. sont familiãrisés' avec leur maniere
de vivre, et avec Ia·petite guerre des forêt:s-, et
que d'aiUeurs ils sont hraves et rqbustes~ La
derniere escarmouche importante qui avait _e u
lieu cont'.re les sauvages ·pres de Linhares avai_t
é"té condu'ite·par le Guarda-Mor·, qui était urr
Minel-ro -banni d~ Minas-Gel'.aês. ·
On nous fit présent à Linhares d'armes ·et
d'ornemens de Boutocoudys, et on i:ious offrit
aussi un petit enfant qui avait été éleve à Bom-
jardim apres !a mort de Sa mere , tué e dans Ull'
combat. Ayant rempli l'objet de notre voyage
à Linbares , noris en sommes partis pour éon-
tinuer notre voyage au nord le long de la côte.
Nous nous s01nmes embarqués dans une grande
pirogue . tres-commode que M. Calmou nous
ayait louée; il a eu " la compl~isance de nous
accoi:npagner. En descendant le fleuve nous
a~ons rendu une visite au Guarda-Mor,: dans
l'Ilha do Bo'i , ou il a établi de belles planta-
tions de manioc ct de ma"is. Nõus nous aper-
ç:úmes bientôt chez lui qu'il est un mineiro,
car il mange plus volontiers du maºis -que de Ia
I. .22
·' 33'8 · VOYAGE
farinha , habitude caractéristique des habitans
de cette province. Pour réduire le mais en
farine, on se sert d.'une masse de bois nommée
preguiza ou paress~ux; J\'I. Mawe en a donné la
description dans son voyage à Tejuco(1). Notre
excellente pirogue était codverte d?un tendelet
en toile et.bien pourvue de vivres. Nous sommes
arrivés en quatre heures à Regençia à l'embo.u-
chure dt;t Rio-Doçe, distance que nous avons
.
mis 'un jour et demi à p~rcourir en remontant .
(1J Page 134, (tome I, page 25±) avec une planche qui
représent~ celle machiue.
-'
\
AUBRÉSIL.
CI-IAPITRE VIII.
1
"
VOYAGE
nécessaire pour continuer notre voyage. Ilnom;
avait donné un écrit qui ordonnait à !'alferes de
Linhares de nous accorder un seul soldat. La
'
·longueur de la route· jusqu'à San-Mateo et son
peil de sureté firent pe~ser à cet officier qu'en-
voyer un seul homme serait l'~xposer · à courir
des dangers à soi:i. retour; nos discours l'en per-
suaderent - com.p letement , et nous obtinme~
deux soldats pour nous accompagner. Mais
nous appr!mes ensuite que le go:uyerneur l'awit
tenu long-temps aux arrêts pour avoir outre-
passé _ses ordres , punition tres-injuste et dé-
raisonnable qui nous fit regretter bien sincere-
rnent d'avoir attiré à ce g!llant homme ua
traitement si rigoureux .
. A yant pris congé de notre brave et ohligeant
compagnon de voyage, nous avons encore
suivi pendant six à sept legoas la côte maritime,
_ fatigante par son uniformité. Nos deux soldats,
l'un negre et l'autre In~ien, s'àrrêtaient souvent
pour cherchcr dans le sable des ce~fs âe tortue,
dont ils remplissaient leurs havresacs, Quoique
ces pauses fréquentes nous déplussent beaucoup
p~r le"s retards qu'elles nous occasionnaient,
nous eumes le soir sujet de nous en réjouir.
J'ai 'déjà dit que toute la contrée C011Jprise enu~e
~
_AU '.BRESIL.
le Rio-Do€e et' San-Máteo est un désert en-
"
.tierement dépourvu d~hábitans .; ou l'ori i:ie
trouve qu'en . tres-peu d'endroits de l'eaú_ à
hoire; il ne faut donc pa.s les rnanquer .en pas.-
sarit' et c'est ce m~tif qui rend tres'."'nécessaire
Uf! guide connaissant bien la :i:oute. Par mal-
heur aucun de nos deux soldats n'avait encore
fait ce voyage. Nous avons ainsi manqué Ca-
çiinba de San-Joào, le premier endroit oi1 l'on
trouve de_l'eau; :rnais nous avons été plus heu-
reux pour Piranga, le second, qui es_t une la-
gune dans 'Une ·petite vallée à côté de la, ro.:ite;
nous l'avon~ ~en_contrée à midi , parce ~ que
nous nous étions partagés dans toutes les dí-
rections pour chercher de reau; nós chevaux
et n~~ mulets purent aussi se rafrakhir. _Mais
. dans P endroit oú nous fumes obligés de: fáire
halte le soir toutes nos recherches fürent inu-
tiles; nous n'en p-fü.mes découvrir, , et il ~ous . fut
iínpossible de profite1· des provisions . que nou~~
avions apportées, .car il fallait qu'elles fussent
cuites à l'eau pour être mangeables. II n_ e,IÍous
r.e stait clone d'autr~ ressource_ pour "apaiser
notre faim que de la farine de mais seche et les
reufs de tortue ramassés par nos soldats, et qui
pouvaient se -cuire à l'eau de mer. On s'occu-
:1v0;yAG;E
. ,
- pait _-à . J~s; :tir~r du bavresac . et ~- . ramassersur . Ie
. riv~g~ .d1r boi~ flottant_, lorsqu'à peu de distance
. d~. nop·~ foyer nous avc;ms trouvé, je ne re_v iens -
-·PP.!' .e nGpre d:un : inç~dent . ~i merve~Ueux ,. uqe
. tor.-w e de , mer coJossale ( 1), qui se disposait .à
.. pondr~. Il ne ppu:yait rien arriver de .p1us heq-
re1:1x pm:i,r ~es gens affan~és comme nous l' étic;ms;
..cet '_ anim~l se.mbl.aj.t être venu . ]à tõut expres
rPPU!' nqus fournir not.re repas. Notre présel)c,e
.ne dérangea pas }a t9rtµe dans sa besogne; DOUS
pumes la tou~her , .: ~t même ~a soulever , . ~e
q~i e~igeait quatr~ . ho~1:nes réunis . . MaJgré. le
brµit que nous faisions en témoignant tout haq.t
n.qtre .étonnement, et délib~raiit sm~ le parti ·que
.nous pr~ndrions, elle ne donna d'autre. marque
. d?i:µqµiét-qde qu'.e n souípapt comme - les . oies
. q-µand .on s'approche de leur. nid. Elle. continua
. l~nte,:nent qe ses. deux pie_d s. de 9-errier.e le t;ra~
.. vail qu'elle ~va~t comme~çé, en cee~sant d~ns
le_sable , a~-dessous.. d.e .la-pal:tie inférieure .d e
·s9n c0rps, un tFou cyl~ndrique et large de huit
-à douze pqnces; elle jetaÍt des deux côtés avec .
peaucoup d'ad resse et de rég~lai:ité, . et pour
._a insi dire en n;esure, la _teri:e.qµ'elle _retirait. du
. .
VOYAGE
ait les. p~~ds mouillés; en ce moment au co1i-
traire l'eau était haute et ra1)ide' et le- passage
de cette en1bouchur·e profon~e nous prit beáu-
coup de temps. Toutes lés bêtes de somme
furent déchargées; les l _ndiens et les negi·es qui
connaiss_aient les locaTités · se déshabillerent ,
porterent sur leurs têtes 1es coffres de l'autre
côté, et ensuite revini:-ent'.· pour trans.p orter les
Européens. Noiis av01Ís troúvé su~ la ·rive op-
posée les ruines ·d'un ·quartel; dans le voisinage
duquel il y avait de honne eau: Des ·Indiens
ávaient passé la ,nuit daus cet endn~it, vrai-
s·e mblablement pour chercher de'S tortues et
pour pêcher, car la lagune est tres-poissonneuse;
dans les environs s'étendent aussi de vastes
campos ou plai1;es ouverte.s , tres-convenables
pour le bétai1. On voy~it encore les· huttes , des
lndiens, construites e~1 feuilles de palmier.
A midi nous s_ommes arrivés à une cavité
dans laquelle coulait une source d~eau fn11éhe
et liinpide' découverte d'un prix inestimable
pour nÕ~s dan~ ce m.ornent. Nous avons encore
passé .la soii·ée et la· nuit dans ce ·désert sur la
côte. Le reniira littoralis formait eu quelgues-
endroits des touffes de gazon au milieu du sable
de cette plage , oú les palmiers nains sont tres-
AU BRÉSIL.
conimuns; au-del.à, vers l'intérieur, s'élevent des
forêts. Des ti-aces de bêtes féroces empreintes
sur le sable · f urent les seu Is signes de la pré-
sence ·d'êtres vivans .qui 'e rrent dans ce désert.
Nous n'avions ici pas d'eau à boire, et presque
:rien à manger; à l'appr.oche de la Duit no~1s
eumes fini une hutte de feuilles de cocotier : .·
nous y avons tous travaillé; nous espêrions
nous y reposer des fatigues de la journée; mais
des essaims innombrables de rnoustiques Dous
tourmenterent tellement, que nous De pumes
fermer l'reil; une violente pluie d'orage nous
enipêchait de . nous en débarrasser en nous
m. e~tant à· l'air~ .Au point du jour, nouvel in-
conv.éúient, tóus nos mulets, qui inouraient
de soif et qui voulaient boire, étaient retournés
à la source oi1 ils s'étaient désaltérés à midi;
ainsi nous perd1mes une demi-jollJ'née à -les
aller chercher et à les ramener ,; .heureusement
nos chevaux de selle De s'étaient pa·s autant .
écartés, de sorte que, les ayant rattrapés plutôt, .
nous pun'les . n1archet· quelque temps en avant
de notre troupe.
Le soir Dous sornmes arrivés à l'embouchure
du Ri'o San-Mateo, qui est un fleuve considé~
rable dont les bords sont couverts de bois de
350 VOYAGE
mangliers ( ·cdnocarpus et avicennia ) , et plus
h:mt de forêts. Deux lanchas étaient à l'ancre
pres de la rive méridionale ; ·de l'autre côté est
le Povoaçà9, nom1né Bàrra de San-Mateo ; il
consiste en vi1?gt-cinq maisons. Le fleuve sort de
forêts habitées par des Tapouyas libres , et
forme plusieurs petites chutes; il est ·navigable
-\
pour les Sumacas jusqu'à neuf legoas au'"':dessus
de son embouchure. Ses bords sont les :plus fé-
conds : du. Comarca ·,. parce que les fourmis y
causent; ·dit-on' pen de dégâts; et l'on trouve
dans les forêts voisin'e s ,beaucoup de jacarandas,
de vinhaticos, de putumajus, de ~cergeiras, et
d'autres bois .utiles. Le Rio San-Mateo
. ..
recoit
plusieurs rivieres, parmi Iesquelles l~ Rio de
Santa-Anna, leRioPretoouMariricu, etle San-
Domingos, sont les plus considérab_les. Comme
la marée montait à l'instant ou nous sommes
parvenus sur les rives du Rio San,.....Mateo, il était
I tres-gros :i et malgré nos cris pour qu'on vint de
l'autre côté nOU$ prendre en pirogue, . personne
ne voulut se hasarder à le traver.s er. F~tigués
d'appeler en vaih, nous nous promenions sur le
sable ·au milieu eles buissons, · et nous nous
citions finalement résignés à notre malheureux
sort ,, qui ilous condamnait à. passer la nuit sans
AU BllESIL.
feu et sans provisions , lorsque nous v~mes ar-
ri ver une pirogue conduite par deux ~legres,
qui nous transporta de_l'autre côté. Notre tropa
li'arriva que fo~t av~nt dans la nuit; eJle put fa-
cilernent supporter le bivouac, . parce qu'elle
était pourvue -O.e provisions, <l.~ feu et de cou-
vertures. De plus, une belle sofirce peu éloignée
de la côte' rnaritime nous fournit - aq~;mdamn1ent
de quoi se désaltérer. - .., ··,:; , · ..
Nous descend1mes à Barra de San-Mateo, à ·
une_venda dout on non1mait le m a!tre capitarn
Regente. Nos ·papiers et les lettres de recom-
mandation du rni1{istre _no~s procuraieni par-
tout ~n tres-bon acé.;:eil; il en fut de ·m ~ rne ici ~
. Suivan~ la carte d'Arrowsmith, l'embou-
chure du Rio San-Mateo est située- par 18° 15'
de latitude australe, suivant d'autres auteµrs
par 18~ 5o', ou à une_tres-petite distance; cette
derniere détermiq ation para1t la plus e xacte ,
car dans l'endroit _oú la carte anglaise place. la
bouche du Rio San-Mateo doitrse trouver celle
du Mucuri.
A peil pres .à huit legoas au-dessus · de l'eni-
b~uchu.re d_u . fleuve est Villa de San-Mateo ,,
d _o nt on dit_que la: position n' ~s;t pas tres-s~ine ,
à ca11se des marais qtti l' environnent ; cette
VOYAGE G
ville compte une .centaine de ,· feux ; · sou terri-
toi_re renferme 5,ooo habitans blatl~s et gens
<le couleur. EHe est une des plus nouv~lles villas
du comarca de Porto Seguro, et s'accroit aveê
rapidité; ses 'hahitans cultivent beaucoup de
manioc; tous I~s ans_elle exporte 60,000 al-
keres de farinha_, à.i nsi que des planches q'u' elle
tire des forêts voisines. Les terres cultivées ne
s'étendent au-delà qu'à huit legoas de distance
jusqu'ãu quartel de Galveyas ·, qui est"le poste
militá~re le plus avancé co11tre les sai:ivages.
A ' une demi-legoa au-dessus· de la Barrá on
trouve le povoaçào de Santa-:Anna, composé
d'une vingtaine éÍ.e familles indiennes , et qu~
compte soixante-dix têtes. Peu de temps apres ·
notre depart ur-1 Boutocoudy fut tué à Santa_.
.Anna; c'était un homme âgé, qui portait ame: ,
oreilles et à la Ievre inférieure de gros , nior...:.
ceaux de bo!~· M. Freyress; qui vi~ita ·de nou-
veau ce canton au ri1ois de fé vr ier, prit la tête
de ce sauva.ge, qui se trouve actuellement dans
'les mains de M. Je professeur Sparrman:rr.
Les forêts des bords dn Rio S a n:...JVIateo ren--
ferinent encore beaucou p d'Indiens non civi1isés, · ·
qni .v ivent en état d'b~stilité contre les ·blancs; '
l~nnée dernierc ils ·tuerent díx-sept persüff.nes.
AU BRÉSIL. , 353
Sur les rives septentrionales du ,fleuve errent
.1es Patachos, l~s Cmrianachos, Ies Machacalis,
nom!Ilés aussi M.acbacaris par les Portugais:
les' sauvage~ ne pronóncent pas . biel?- 1a let- •
trerR ,; on en rencontre encore /uelque~ autres
jusqu'à Porto-Seguro. Les Boutocoudys se mo,n-
trentaussi tres-fréquemmen~ dans cette contrée,,
et ~ccupent principalement la _rive méridionale
du fleuve. Les autres tribus les redoutent "· et ils
;SOnt .les ennemis de toutes c;e lles qui,, ét~nt peu
noml;>r~uses, font cause c<?b:imune contrê eux • .
Le propriétaire d' une fazenda située sur la partie
haute du. fleuve, voyant ses plantations souvent
dévastées par .les sauvâges, s'avisa d\m rnoyen
singulier de se dé1?arrasser de ces hô.tes incom- ..
n1odes. Jl avait cbez lui Ull vieux C3Il0Il de fer;
il le chargea de mitraille de fer et de pl()mb , et
y , ayant adapté une batterie de fusil, il Ie posa -
daiis un sentier' étroit par lequel les sa~vages
. arr~vaient toujours en colonne ; puis il mit en
travers, au m ilieu du chemin , un . morceau d~
.b ois qui communiquait par un c?rdon avec li
détente de la batterie . .Les Tapouyas, arrivant à
·)a brune, marcherent sur le rnorceau de bois·;<•
l'.explosion eut lieu com me on s'y était attendu;
~l.Ie fut ter.riQle. Lorsqu'on SQrtit pour en coo'.:_
I. 2~
354 ·:VoYAGE-
na1tre les' résultats , on iro uva le c::anon êrevé,
et trente lndiéns triés .et muúlé~, les ·uns su~ Ile
lieu même, les. autres ép::irs dans la forêt. On
' ~
ajoute que· les hurlernens de ceux qui s'en.:...
.fuyaient s'entendirent au loi~ dans Ja. có1~trée ..
I)epui scette catast'rophe .affreuse la fazenda n'a
plus été in.quiétée. ·., , ' .
Le Rio -San-Mateo, dont le nom brésilien
. primitif est Cricaré, offre une production -de
Ja nature que l'on ne rencoütre guere aujour-..
d'hui cÍans les fleuves d~ la côte orientale ; e' est
- .
le manati ou' le. lamantin, peixe 'boi· ~ies Por-
tugais. _L'histoire· naturelle de ce siifgulier:ani-
.malest·encore enveloppée de'beaucoupd'obscu-
-rité; sa structure intérieure surtout· n'a ·pas
encore été convenablement examin é é. - II est
.assez commun dans le· }\io.San-Mateo ;· on dit
qu'il ·va aussi dans la n'ier, ·si·i it l a côte el _~ntre
dans d'autres rivierés; _ainsi l'on en a pris idaris
l' Alcobaça'. Le mana ti préfere dans -le Rio San;..
J"lateo ·uu lac ·0\1 croissent bea.titcoup: d ?:h erhes
et de ~oseaux.,. Sà cha_s se ~'est fªs ex-empte _ cle
difficultés.· Le ·chasséur , . emba-rqHé' dans une
petite pirogue, s' avan<±:e áveo p Fé êau tioti et sans
bruit à travers · les roseaux et ~les herhes ; s'jí}
ap,e rçoit l'an_imal av~c - le . d_os au-dessus·<lé ·-l'eau ,,
AU BRÉSlL. 355
;
·'
3.fo. VOYAGE
sauvages . .Les forêts son·t remplics d'U:ne quan-
tité ele bois précieux; on avai.t le projet, pour
eri ti-i~er parti, d'établi~ .un moulin à scie; et un
Allemand ,·natif de Thuringe, nomméKramer,
' qui av:ait dirigé ces sortes d'usines, était chargé
de former celle' que l'on ava~t en vue. Le jacá-
randa , J?oitiçica, le jiquitiba , le vinhatico , 1~
eedro, le caicheta , l'ipe , le"peroba, .Je putu-
n~ujú, le pao b1~azil, etc.; en un mot, les meil-
léures especes ele bois ele la côte orientale se
trouvent presque toutes réunies elans cette con..;
trée ; inais com me 'elle est encore entietement·
pÓssédée par les. Patachos et les bêtes féroces , .
et' qu'ainsi l'établissement de la scierie ne pou.-
vait pas s'effectuer, le ininistre avait donné or-:
· dre à J\1. Da Cunha de se rendre· à Villa dé
l\'Iucuri, d'y r~m1ir le .nombre d 'hommes né-
cessaires pour fonder une fazenda , et les cul- .
tures propres à entr~tenir ' les habitans et les
esclaves, et de n1ettre ces gens en sureté contre J
les incúrsions des Tapouyas. Le hasard voulut
que le capitam Bento Lourenzo Vas ele Abreu
Lima, habitant de Mi1ús- Novas, qui avec vingt-
deux hommes armés était. parti ,des confins de
Minas-Geraes, et avait descéndu le Mucuri en
tra"\7ersant eles solitudes imnienses, arrivât heu-
•
AU. BR·ÉSIL. 363
reusement .à Ia. côte p;aritim~ 'à f.épo<'-{ue dont il
est question. Le ·ministre, frappé de sou appari-
tion inattendue à Villa · de Mucuri , chargea
aussi M. Da Cu!lha de•(ournir à l'intrépide Mi,..
neiro Bento Lourenzo.
Ies l secours. :riJéessaires' ·
en honuri.es pour. ql!l'il pút ou.vrir à trav;ers les
forêts un chemin _praticable pour les-voyf!geurs,
au Iieu du sentier- qu'il avait percé.
,J'eus Ie plaisír de rencontrer: ici cet hornme
intéressant, et j' appris de lui Jes détails de son
entrcprise ren1.arquable par sa hardiesse et -p ar
1es dangers qu'il avait GOÚr~s. Occupé de la re--·
cherche des pierres prédeuses, san séjour co~1- ·
tinuel dans "les .foi·êts lui inspira l'idée de pé-
nétrer· à travers la contrée solítaire qu'il avait
cl.evant lui ,. et de s'avancer le long du fleuve
qu'il prenait pour leRio $an-Mateo .. Dura~t plu-
sieurs années de suite' il fit commencer et con-
tinuer -à ses frais une route à travers Ia forêt, .
et quand ce travai} fut avancé à un certain~
point, il entreprit à pied · le voyage avec· vingt-
deux soldats et des hommes de bonne volonté, ·
tous armés. Il parvint à l'aldéa du capitam To-
111é-, ··célebre chef indien , qui avait réuni ?-ans
les fm::êts sur le haut Mucuri des indigenes de
différentes tribus, et précédemment en ava1t
364 VOYAGE .
baptisé plusietirs d;ins le même lieu"..A'tljour-
cÍ'hui l'aldéa n'existe plus, parce q,ue le chef est
mort; mais on ,voit encore à l'endroit ou elle
était située .des bananiers et d'autres végétaux
devenus sauvages, et dont .Ies indigenes errans
tirent parti. Apres une marche de cinquante·
jours, le brave Mine'iro ait~ignit la côte mari-
time, et ce ne fut que là qu'il reconnut qu'il
avait suivi le co;p rs du Mucuri et non celui du
San-Mateo.
Ce voyage avait été accompagné de difficultés
et. d~ peines fort grandes. Souvent l'on manqua
de vivres , car quelquefois · l'on n'apercevait
pas d'animaux dont on p&t se nourrir, et la
pêch.e · n'était pa_s abondante. Alors cin était
réduit à ,manger des fruits et des racines, ou
})ien ou se sustentait avec les sommités des
palmites ou " le miei sauvage que l'on trouvait
. dans les forêts' jusqu'au moment ou un heu-
reux hasard conduisait un ·animal sur les pas
des voyageurs. Par bonhem; ils ne rencon-
trerent p as de Boutocoudys qui vivent dans
la partie :supérieure .de ces forêts; mais ils
virent souvent des huttes 01.1 ils avaient de-
meuré, et ils _crurent inême que ces sauvages.
les avaient quelquefois ol)servés.
"
AU BR.rtSJL. 36,5
Les soldats indiens du capitam Bento Lou-
ir enzo lui avaient été fort µtiles pom~ aller à
la chasse , et pour préserver sa troupe' des
.attaques des sauvages ; cés lndiens se compo- .
.saientde Capouchos et d'hommes d'autres tribus,
.ainsi que d'un Boutocoudy élevé chez les Por-
tugais. La troupe avait perdu ses bagages aux
.c ataráctes de la partie ' supérieure du Mucurit
qu'elle avait mis quatre jours à franchir ;
pour en venir à hout on avait construit un
r.a deau en troncs d'arhres,, sur lequel on avait
chargé les armes, les vivres, les hàbits etd'autres
objets; mais le radeau fut emporté parle .·t ~rrentt,
et les buissons .du rivage disperserent toute la
cargaison; ce ne fut qu'ávec 1a .plus grande
diffi~ulté que l'on put retirer les armes hors de
l'eau. Lé dernier jour de leur .c ourse hardie e.t
p~rilleuse .. à travers les forêts , les voyageuv~
éprouverent une disette totale; quelques-uns
é.taient rn ême ép{1isés de fatigue et de hesoin
quand ils parvinrent inopinémept à la den:i.Íere
plantation inhabitée sur le fleuve,, -qui appar-
tient au Morro d' Arara,, e~ qui est éloignée de
deux journées de route de Villa de Mucuri.·
La . troupe affamée tomba sur . des rad.nes de
~amoç crues , parmi les.q uelles il s'en trouvait
366 . ·VOYAG.E
. .
malheureusemerit plusieurs de.mandioca brava,~
espece dangereuse'(1). Un vomissement·violent
,qú:i suivit l'usage de ces 'racines -affaibli·t ~ en-
core' plús les aventuriers; iJs étaient pr~s de
perdre lé courage; quand quekiues~uns de
leurs chasseurs furent assez heureux pour tuer
un gros tapi1;. Chacun pat alors· répare~ ses
forées par·mie nourriture saine. Le lendernain
vit .finir les fongues et dures épreuves 'dé ces
hommes courageux.; ils atteignirent le ' but dé
leurs efforts , et entrerent à Villa de M ucuri
,aux·cr~s -d'allég~esse des habitans; qui allumerent
iles f~u iç de · joie pour leur faire fête.
On deva.it ~ com me je l'ai dit plus h:;i.ut, ou-
vrir une roljte le long du seatier que.Je capitam
·B ento Lourenzo s'était fray-é ·, et1'01l n'attendai,t ~
J?OUr l'en'trepr'e-h dre que l'arrivée· de '!'ouvidor
•Da Cunha.·Des ouvriel's é taie nt süccessiveinen't
venús des b0rds du Rio Bati Ma téo, de Viçoza,
-de Porto-Segu-ro ·, de ".fra rrcózo. et d'à·l!ltres e11-
d~Óits de ~.a· côte {;>l'ientaJe; Ja•.p h:ipart étaient
. .
·des lndiens. ·
. \
' I i • )
, ( ~) ~t; s ~ic ~e -~ ett~ e~_pece de :rpar io1c _est yénéneux .et tuê
1
les animaux, p ii; r exemple les ,m.outons : Koster · en clle· un
·eX:eµiple , p. 570; 'tom. II ( 11. · 27~· )-: ~ < .:-'. • ' • ' • •
AU BRÉSIL.
Entre Ies montagnes de ·J\tliiias - G~raes., et
Ia c'ô te orientale ·pen habitée, s'etendent - ·de
vast~s solitudes dans ·le_s quelles· de nombt:eus'e~
bordes ·d 'indigenes sauvages · errent eFico.re ·en
)il;>erté, et qui vraisetnblablement .se maintien-
.d ront Iong-ternps indépendantes des Portugais.
On . cherd1e .de différens· points à · percer des
routes praticables dans '. Cet~e solitude, ·á fin_.ide
,c q nquire avec plus de ' facilitéles prod.uctions du
Minas-Geraes a'ux côtes peu habiúfos etpauvr'-es;
et de, lui procNrer une _·corr~sporidanee di....!
recte avec les capitales et.Ja ,n ier .: Ór J es fleuv·e
off.P{!Pt Ia c.ómmurtication la pltrs ·px:ompte", Iron:
a décidé de continaer, . ces rotltes -en suivant
~~ur · cours ; . on- -en a. "Ouvet't ' nn ~ i s·u r-' i)e
Mucuri, une autre sur Je. R io-Gmrrde de ·E el'.J
r;t)onfe, une i r 0isieme sm: 1l 'Ilheos ,-e~ ·l'oú 5?;6'c-·
çup~ d'en établir' deux de .-plus : &Ht ; J!•Espi ~itb-'
$aritd. et', ·sur . -J~ I:tapém!i:14m · pdi:ir , ~h óÍliiri ·à
Miüas-G.er.aes~ - ", : . . : . ·'. (~:: ~1 .u :: •):: LL: t · J
~ , :Les .forêts du 1 v(\)isj.1~âge ceia :Mu êuti:.S@'ú't ptinJ
cúpalement habii~es par ·l es··Pat ad'ios." I.ies Hbii'. t-
te>coucl'y ~' ne des>fréqi.ient:e~n't : <tu& par il1t:érvà1fl'é!Sl
poiu< deseendre t•jú's'<jtt~à. ·làueô:te.irD~ ~,: e.s'te
r
' .phi~:.
sieurs••a:tatr:€s 'tti'hns flff Tapouya~ vivé'ní ·dáhs~~~
solitudes; sur leurs · tf'rÓFi~ie:Pes ;~aen1etfrcl1'L· :ies>
36.8 VOYAGE
Macohys·, les Malalys et d'autres , c1ans des
habitations fixes. Les Capouchos ou Capachos,
Ies Coumanachos , les 'Machacalys et 'les Pan-
hamis (Paniamys'1) au contraire ' menent encare
une vie errante dans les forêts. On dit qu~ les
quatre dernieres tribus ont fait. alliance avec les
Patachos ~ et peuv~nt tenir tête. aux ,Bouto:-
coudys·. ~i l'on en juge par la ressemblance du
langage, des rnreurs et des usages , ces tribus
doi_vent avoir beaucoup d'affinité entre elles. l)n
grand n~mbre de Maconys ·, tribu qui vit isolée;
ont été Baptis~s il y a une vingtaine d'années;
d'autres ont reçu le baptême du Capitam Bento-
Lourenzo lorsqu'il se trouvait·au milieu d'eux.
Une partie s'est fixée sur les bords d~ Muctui;
une autr_e habite plus au nord sur le Rio Belmonte.
Cette tribu passe, sur les hords du Rio Doce, pour
extremement gross1ere; mais e ·e st a tort, smvant
 • , • ' ' •
·.
AU ...EJ\,ÉSIL. , 369
.. Ces éinq tribus~ comm~ je vien~ P,e le dire;
ont · en général entre· elles · une a:ffi,hit.é dé
:mrenrs , de 1langage et de·figure. ElJes ~se perc'ent
' ' '.
)
ordinaire~ent la levr~ inféri~lir~; -, 'placent et '
dans cette ouverture. ún peiít h~órc~au . de ro..:.
' . .. . ' ) ' . '
µ\~ :rqpe ele Íért YC1J.Jr,qu~ 1;1.n '1 j Cf;l,J1jl~(~~~, PHis5iEl doi;in er
~ · liln j.<;-une :J 1omme, c'es·t i]e,.le .-peindf~ ·; ::v:o\là
p~urquoi t.cmftes~n.ortêht or~ina1reri"1e~t1"du''rocbÚ
àvec :)elleS-(1) ; l,e? . Pat'à.(chot: s~... ~ürii toujourJ
f ·. . .·. ~ ....... .. ~.. · . ·~'" ) ,; . • ' ·• . ' . \ •' )l f f''.'t+ .. ~_.., •4 ·.. .,. - "\
"
/
370 , V:OYAG~
montr~s en en_nemis· le long du ·M ucuri; ~ssei
récemment ils ont tué u~1 lndien~à Ja porte de
la ma1son de )a fazenda de-.·M. Joào Antonio .
Apr~s ~voir passé ,dix jouh en ce "li~u DOUS
aVOllS COnt\nué.'notre voyage ; IÍOUS p.arttmes le
soir pour profit~r de .I a fra!cheur ·de la nqit; Ia
lune
. ..brillait
; .
dans
; . tout
' .
.son .éclat ; sa douce Iu~
miere, réfléchi~ par. Ia surface tran,quille de la
~ner , .' nous dédom~~geait -de l'uniforrnit:é de la
rôute le .l ong de 13: côte sablonneus~. Le gr.and •
engoulevent . pianait sa~s bruit au,.. dessu~ de
nóqs, ,mais à , une élévation trop g,r~de pour
que no_s arm-es p-qssent l'atteindre ( I}·
" .La d!f?tance du Mucuri au Per.ui:pe, ~ufir~
fl.e~ve ~ e~t · Çl~ cinq, legpas. Avant de p·a rvenir
à. Ia pQinte f<;>rm_é e par, la côte , on -re1;1contr~Je
•
'VOYAGE
i:nê,me la viandé. 9'n · ~ob's. l'óffrit', .mais:, cét
oiseau ne póuvant supporter. no.t re éliníãt, nous
refu_sâmes Ie 1)rés<e~1í. . · · .
On ré~ol_te da~s cêi éiidr~it · . b'éa'tj6~up ele
miei , que _fo!-1-rnis~en_t des abe~Úes jã~ «es: di-
poµrvu~s d'aiguill~ns' : pbÜ.r se le pr~cUrer on
SLJ~-pend sous fos ·t~it~ des-frow;õns :cfê hran-
ches d'arb1~e cretisé, doili .ón"hoüche 'I'eitré-
-q:iité .avec de l'~!'gile, et êm Íaisse au Íni1iéu un
p~tit trou rond. Ce . h'liel est ires-·a~omaiique,
. n,1ais il . n'a pas .autant de douceur qiie , éelu1
d'Eu~·opP.. On. ·p réparé ici une boisson ~gréable
et
-
rafralchissante
. '
en. mêlant. ensemble du miei
et de l'eau.
Le Jendemain 26 nous 's omnies retournés à
Pindoba , et le soir no'. ~s sommes re.r:J.tré~ .à Ca-
ra:vellas. E~ deux jóu'r s nous y · ~vons 'tei·riliné
,nos affaires , et nous aou_s s'om~es emba1;qués
_p our ,regagner ViÇdza. Uri heau clair . d~ lune
f\lvorisait notre navig~"tioi1 ; des milliers d'in-
s.e ctes luisans, t~ls .que des lamp:yr~~ '· d~s tau-
. pÍ_n s, et peut-êtr~ â'aut;res ~UC?r~. , , vofoient
, autp~r des b,uis~<??.s . qui ,hor_d aient ,ie rivage.
Nous avons retronvé dans b Casa da 'C amara
. les Ifouiocoi1dys de Ia suüê ·ae ·rouvidõi·:-· Ce-
pendant · la compagtiie de· ceS sau~akes hous
AU. rBRÉSIL.
·~ . ...... " . 39~
incornmoda ·m.o ins ql:leJes hur-l~m.ens-cen~tin,uels
d'un chieµ ~ .qui,:~:vait- été rnordu p,ar5 uu· ~eF
p~n,t-,v~ni~1~l_;lX~ Pn. l ~i .O..ovn~. d;u sJ.1ç, dJJ C::a1 <tle>...
Santo ( argemone mexicq,na },_(~.) D pl~n:t~ -~'pi-.
neuse tres-commune dans ees contrées; mais
~e pauvre . ani~~l 'm ourut. On reg~rd,~ ..à· ·~ort
Ia qµantité ·des · serpe1us v.enimeux du . B f ésil
comm~ plus eonsidéra.b le qu'eHe .ne ·.l'est ·réel-
lement ; . les . habitaus du payiS C\lx-mêmes pré-
!_e:qdent qu~ la .plu.part. çle. c~s i reptiles .s _o nt
~a.ng~reux; . il~ ne sav.e ~t le , c<;>ntt~aire. ,qf,!e <furi
petit nomhr<::; , e~ nom,r.µ~rne_nt de .fa. gra:µd~ ~s
pe~e tJ..e . ~o.a . .4u r~ste, _ qu~l,ques ~erp~ns sont
~res · à crait~dre '~ ·par ~xemple la vipe!·ç y~rte
et le jarar~cca, tous: .d eux d1:1 ~ genre trig9Tto-
cephalus; mais les ·plµs r~d~utable: sont le ser-
pent à sonnettes ( crotalus : horridus ) , · e·t le
~urucucu ( tachesis mutus, Daudin,.;, ·oa cro-
;talus mutus, L . .) . : ceder.nier, nota111men~
ce}q\ qui a s~pt - à huit p~eds de l<;>,ngueu~ ." se
.;t1~0!-lve.. dans tout le _Br~sil. ,Le se rpent: ~ .s<:>n-
pet~es. , P.<?_111mé cobra cascavello pat' les Por-
(1) C'est sans doute cette ,plante dont Azara fait meÍll io.ri
.quand il par~e de la guérisQn de la · fi e v r e. (. Voyages·, e t ~ . ,
_tom. I, p. 132. ) . ·
·VOYAGE
,tugais , ne se ·trouve que · ·dans les ·contrées·
hautes et seches; par ·exemple -il est assez com-
mun à Minas-Geraes et ·dans l'intérieur de la
capitainerie de Bahia.
Apres notre retour de .:Viçoza au Mucuri ,
nous n'avons pas fait un 1ong séjour ·da:ns la
villa qui porte le nom de ce Jle'u&"e' parce -que
}'ouvidor é~ait déjà à l'endroit ou I'on s'occu-
pait d'établir la nouvelle fazenda de Morro
d' Arara. l\'I. Freyreiss avait résolu d'aller re-
joindre· notre troupe à Espirito-Sa.nto ; quant
à n10i, je préférai de rémonter 1e Mucuri -en
pirogue, jusqu'aux travaux que l'on entrep~e
nait, e.t d'y séjourner quelques mois dans les
fotêts. Cependant, apres avoir fait' chacun nos
préparatifs , nous avons encore passé deux
jou'r s ensemble à Mucuri, et nous avons pro-
fité de ce temps pour parcourir les euvirons.
Nous avons visité entre autres Ies travaux de
la route nouvelle que le capitam Bentó L~u
renzo ·avait com1nencée avec ses Mineli"os, et
qui était déjà poussée;à trois lieues. Elle parÍ des
maisons mêmes de Port-Allegre, et ooupe des
P-rairies marécageuses et des savanes , dans_les-·
quelles.on avait construit des porns avec des fasci.:..
nes; au-delà on avait déjà entamé une.QUVerture
AU . BRESIL. ·393
:-dans les. halliers · et dans l'épaisseiu· de la forê.t~
Au rest~ .ce n'était qu'un sentier; et la róute
n'avait .pas une grande largeur. Des troncs d'ar-
bres prodigieux étaient étendus çà et là; on
avait mesur.é .les . distances au. cord~au' et mar-
qué , . par des entailles, le nombre des legoas
sur la partie antérieure d'arbres, qu'on avait
unie apres en avoir enlevé l'écorce. ·Nous avons
encore rencontré, en divers endroits de .la fo-
rêt, les cabanes oil la troupe des Mineiros avait
,p assé la nuit.
· Pres de lá .derniere plantation du Mucuri , qui
appartient à 1\1. Joào · Antonio~ la route des
...,..--1\finelros s'approchait des rives du fleuve et
des maisons que l'on y a bc1ties. Nous y sornmes
allés en compagnie de M. le curéVigaro M~ndes
etdel'escrivam d.e Mucuri, et nous avons trôuvé
le capitam Bento Lourenzo; il nous mena su1· la
hauteur ou est située sa maison, et fit avec ses
compagno~s une décharge ·d'armes à feu en notre
honneur; c'est l'usage des troupes armées ou des
soldatsdans les solitudes de l'intérieurdu Brésit,
surtout dans les postes militaires:, quand des
étrangers leur rendent visite; et à cette occa_-
.sion on charge fortement Ies armes: Apres avoir
NOY·AGE
passé <J:Ueiques· heures fort agréableinent, áv·e c Ie
capit:am et avec M. J oào .Antonio, qui tóus :delil:x.
·nous ·combleventi d·e politesses ; nous· avons re-
.pris~par-le :fil'euve le ehemi:à de fa Villa. ·' ·
· Le 5 févriet nou-s pardmes chactm pour notre
'd:estinat~on ·: M. Freyreiss sé fit tr~nspoFter de
l' autre
- cote d u M_uc_u n. poui: 1•etourner a' E s-
A •
L'emplacement
,. . ,.· .
choisi pour la f~zenda
, . . €_
t. ]~
scierie du com.te de Barca est située _à peu pres
à une journée et demie de route de l'em~ou
. chureduMu~uri; on-l'a nommé Morro d'Arara
( Mont des Araras),' à cause de la grande quan-
tité de cette espece de perroquets ( psittaéus
m°:cao_, L.) que l'on y trouve. Je partis pour
' • J
-~
( i) _V esperlilio naso , esp~ce nou ~elle, remarq uable par
son nez tres-allong~, presque comme une tron-ipe; il s'ávance
cl'une ligue au-dessus de la mâchoire supérieure; oreilles
extérieures pet:ites et tres-poiutues; poils du dessu_s du corps
jauuàtre foncé gris brun; le dessous du corps gris jaunâtre
plus pâle.
(2) Histoire natureUe des p;geons et des gallinacées, par
'l'emminck, tom. I, pag. 2·06.
AB BRÉSIL.
-chaude, .mais, com.me · dans tous les clin1ats
b1·úlans, excessivemenfhumide . .Le cabouré, le
cholarua 7 le bacurau ( caprimulgus) et.le ca-
pueira eperdix guianensis_) ' firent ~'utendre
leur voix seulement au commencenient de la
nuit, et animerent ainsi cet~e vasi:e solitude qui
inspirait 'une certaine horreúr. Le cabouré sur-
toút s'approcha beaucoup de nous; sa vo~x
g1;êle rétentissait de de~sus l'arbre le pius voisin
c1u feu, ' que cet oiseau sembla~t regarcle·r par
curiosité. Les Indiens ·qui . conduisaient notre
. ,.
pirogue se coucherent à demi nus , sans cou-
·verture et sans abri; quelques-uns, à un.e certaine
disí:ance du feu; sur la terre hu?-1icle, et s'en-
·do.rmirent 'franquillement; nous ·au contràire'
quir ' ri'étions pas endurcis à la fatigue, nous
nous' éteridtnres sous de grosses cóuvertures
de laine, sur un lit formé de branches et de
:feuilles de cocótiers.
·Le lendemain mati~1, pendant que l'on pré~
parait le déjéÍme1·' une volée d'araras vint se
po's er · pre~ de nous en pouss'.1~t de graneis cris.
Mariano ·, _un 'de nos lndiens·, se leva aussitôt,
i.>rit son fusil, se glissa derriere .les oiseaux,
et ajusta si bien son coup qu'un instant apres
il revint ioui joyeux ;nous apportant le premie1·
... . . ~ ,. . l. . .·~:. 1··,.::_. _~_:1:··.._. ~.. '. ·"?.',:''~. : ...
.•
. ··:t,
VOYAGE
de ces l;>eaµx pe,rc9qu~t~ qµe .nqys ~µsi;iq~$
ré1,.1ssi à nous .pi~ ocu_r~r · c;l~puis q-µe :nc;>u~ .é.ti9n~
en voyage. _
·À pres le d1ner naus nous somme$ r~mbarau~s,,
.et nous avons nav.igué jusqu'au soir, que n9qs
sommes descendus sur un bane de sable, ou
:pous avons ·alh,imé dµ fe1,r. Pendant que nous
étions occupés à prép;:irer notre a.rara pour }13
joindre à notre collection-, nqµ_s avons ilperçµ
une grande pirogue re~plie çle . monÇle qui noui;
appelait; e' était J\'I. Char~es ,Frazer., anglais , .pro·
_priétaire d'un établí.s sement -~ 1Cor:necha.tiha .snr
..la côte , à peu de distapce de Porto-S«:<guro: µ
avait for~é un pr,ojet de v,oyage se:mblable au
mien, et ~rr'iv.<lit ave~ sa s~it~ . P~ur l'~xéc~;ter.
Nous avons :pas.s é .tqµs . eQs~mble fo. .nuit dafiti
.. cet endro~t, _.et ,nous en ,_son1me1 _ pa~:ti.s l~ , l~p!
demain.
V ers midi nous somm~s ;:tr.rivés lt· up Cfi:p.é:lil
. ornbragé, l;a rge d'_unt=:; douzaine . de .pas, ,et situé
.à la rive sc::ptentrionale du ,ly.Iucuri. Qll;~lq~~s
jours ;iuparavant l'ouvidor ,_l'avait (ait d~l?.a.r
rasser des broussailles qui l' pbstI,'µaient; e~ est qn
. P'!.-ssage, formé _par la nature, pour ,la .commu-
-.nication du :fleuve avec. le fac ,d ' .f\..rqra, q.ui e~t
,ass.ez gi::ind ~-t ~nvirppné de ,toute.~ ·p,ar t.s de
., ,.. ·.:" · · --r--~~-~~
\
AU BRÉSIL. 399.
montagnes boisées. L'ouvidor _avaiÍ commencé
à fonder, à un quart de lieue plus haút sur les
hords du lac ::> la fazenda du ministre à Morro
d' Arara; on avait déjà abattu du bois et con-
's fruit quelques cabanes. L'ouvidor nous reçut
-"tres-poliment; je fis ~ur-le-cham.p mes pr~pa
ratifs pour passer une couple de mois dans cette
solitude écartée.
- ' .
\:..:.:.__