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Chapitre I

Section efficace - Approche élémentaire

I Introduction : Caractéristiques générales du noyau-Nomenclature

Le noyau atomique concentre toute la charge positive de l’atome supposée électriquement neutre. Il
concentre également la masse de l’atome. Lorsqu’on l’observe de façon fine, on constate que le noyau
possède une structure étendue, dont les dimensions n’excèdent pas quelques 10−14 m. Vis à vis des
dimensions de l’atome (≃ 10−10 m = 1Å) le noyau peut être considéré comme pratiquement ponctuel.
En physique nucléaire l’unité généralement usitée est le fermi (fm) : 1 fm = 10−15 m.

1.1 Constituants du noyau : Les nucléons

Le noyau, comme l’atome est un objet composite. Ses constituants sont appelés les nucléons. On a
découvert, il y a une cinquantaine d’années, que les nucléons ont eux-mêmes sont composites. Pour
étudier cette structure, il faut encore descendre par rapport au fermi dans l’échelle des distances : c’est
le domaine de la Physique des Particules. Pour les besoins de la Physique Nucléaire, on peut considérer,
en première approximation les nucléons comme des objets ponctuels au même titre que les électrons.
Il existe deux espèces de nucléons, les protons et les neutrons. Le neutron est électriquement neutre
alors que le proton est chargé. L’atome est électriquement neutre. Cela impose que le nombre de
protons doit être égal au nombre d’électrons.
Le proton est doué d’un moment cinétique intrinsèque ou spin de valeur ℏ/2. Outre sa charge électrique
cela justifie le moment magnétique intrinsèque non nul qui lui est associé (cf. tableau ci-dessous). Le
neutron est également doué d’un spin de valeur ℏ/2 mais il est électriquement neutre pourtant il possède
également un moment magnétique intrinsèque. probablement due à une densité volumique de charge
non nulle.
Particule Masse Charge électrique Moment magnétique
Électron 𝑚𝑒 = 9.109389 × 10 −31
kg −𝑒 = −1.602177 × 10 −19
C −2.00231930436182(52) 𝜇𝐵
Proton 𝑚𝑝 = 1.672623 × 10−27 kg +𝑒 +(2.792847356 ± 2.3 × 10−8 ) 𝜇𝑁
Neutron 𝑚𝑛 = 1.674928 × 10−27 kg 0 −(1.9130427 ± 5 × 10−7 ) 𝜇𝑁

où 𝜇𝑁 = 2𝑚 𝑒
𝑝
= 3.1524512326(45) × 10−14 Mev ⋅ T−1 est le magnéton nucléaire et 𝜇𝐵 = 𝑒
2𝑚𝑒 = 5.7883817555(79) ×
10−11 Mev ⋅ T−1 est le magnéton de Bohr.
Du point de vue de la physique statistique, le proton et le neutron sont des fermions. Un système de
deux fermions identiques obéit au principe d’exclusion de Pauli : “deux fermions identiques ne peuvent
pas être dans le même état quantique et la fonction d’onde d’un système de deux fermions identiques
est antisymétrique”.
Le neutron libre (non lié) est instable ; il se transforme spontanément en un proton. La transformation
accompagne d’un électron (𝛽 − ) et d’un antineutrino (¯ 𝜈) :

𝑛 ⟶ 𝑝 + 𝛽 −1 + 𝜈¯ (1.1)

1
La transformation spontanée du neutron est appelé désintégration. L’espérance de vie d’un neutron
libre est de quelques dizaine de minutes.

1.2 Nomenclature

Chaque noyau est constitué de 𝑍 protons et de 𝑁 neutrons. 𝑍 est le nombre de charge ou numéro
atomique. La somme 𝐴 = 𝑍 + 𝑁 définie le nombre de masse ou le nombre baryonique.
On désigne souvent par nuclide ou nucléide un noyau formé de 𝑍 protons et de 𝑁 neutrons. On le
représente par le symbole 𝐴 𝑍 X𝑁 où X est le symbole chimique. Ainsi le proton est symbolisé par 1 p, le
1

neutron par 10 n et l’électron par −10 e.

• Les nuclides ayant le même 𝑍 et des 𝑁 différents sont appelés isotopes. A titre d’exemples :

– le carbone naturel contient 98.89 % de 6 C,


12
1.11 % de 6C
13
et des traces de 6C
14
radioactif ;

– l’uranium naturel contient 99, 275 % de 92 U,


238
0.72 % de 92 U
235
et 0.005 % de 92 U.
234

• Les isotopes ont les mêmes propriétés chimiques puisque celles-ci sont attachées électrons atomiques.

• Les nuclides ayant le même nombre de masse 𝐴 sont appelés isobares, ils appartiennent à des
éléments différents. Par exemple 146 C et 147 N.

• Les nuclides ayant même 𝑁 sont appelés isotones. Par exemple 6C


13
et 7 N.
14

• On appelle noyaux pair-pair des nuclides dont 𝑍 et 𝑁 sont pairs et noyaux impair-impair des nuclides
dont 𝑍 et 𝑁 sont impairs. Enfin, on appelle noyaux impairs ceux dont 𝐴 est impair, c’est à dire
ceux dont 𝑍 ou 𝑁 seulement est impair.

1.3 L’unité de masse atomique

Les masses atomiques sont accessibles à la mesure avec une précision satisfaisante. Les dispositifs
désignés à cet effet sont les spectromètres ou spectrographes magnétiques. Leurs précisions est de
l’ordre de la fraction du MeV (1Mev = 106 eV).
Au premier ordre, la masse d’un élément est caractérisée par le nombre de masse 𝐴 qui représente le
nombre de nucléons que contient le noyau. On sait mesurer avec une grande précision le rapport des
masses atomiques des éléments. Si l’on se fixe la masse de l’un d’entre eux, on en déduit celle des
autres. On a convenu de prendre égale à 0.012 kg (12 g) la masse 𝑀 d’une mole d’atomes de carbone
dont le noyau est l’isotope 126 C. Ceci définit le nombre d’atomes dans une mole, c’est à dire le nombre
d’Avogadro 𝒩𝒜 : nombre, on en déduit la masse d’un atome de carbone :
12
𝑀 = 𝒩A × 𝑚 = 12g ⇔ 𝑚= (1.2)
𝒩A

2
Déf L’unité de masse atomique (uma ou amu ou u)
L’unité de masse atomique est définie comme le (1/12)ème de la masse de l’atome de carbone neutre
dont le noyau est formé de 6 protons et de 6 neutrons.

12 1
𝑚= ⇔ 𝑢= = 1.660538782 × 10−27 kg (1.3)
𝒩A 𝒩A

Ainsi, la masse d’un atome de carbone vaut 12𝑢. L’énergie 𝜖 associée à une unité de masse est 𝜖 = 𝑢∗𝑐2 ,

𝜖 = 1.660538782 × 10−27 × (2.99… × 108 ) ≃ 931.5 MeV.


2

Par abus de langage on donne souvent, en physique nucléaire, les masses en MeV mais il faut garder
présent à l’esprit qu’il s’agit de MeV/𝑐2 .

Particule Masse (kg) Masse(u) Masse(u)∗𝑐2 (MeV)


Électron 𝑚𝑒 = 9.109389 × 10−31 kg 0.00054858 0.511
Proton 𝑚𝑝 = 1.672623 × 10−27 kg 1.007276 938.2723
Neutron 𝑚𝑛 = 1.674928 × 10−27 kg 1.008665 939.5656

II Section efficace - Approche élémentaire

Les expériences de diffusion sont un outil important de la physique nucléaire et des particules. Ils
sont utilisés à la fois pour étudier en détail les interactions entre différents particules et d’obtenir des
informations sur la structure interne des noyaux atomiques et leurs constituants.
En général, au cours d’une expérience de diffusion, des particules 𝐴 (projectiles) interagissent avec des
particules 𝐶 (particules cibles) pour donner d’autres particules 𝐵 (produits). Pour les mêmes conditions
initiales on peut avoir divers types de particules 𝐶. La diversité sous-entend natures, énergies, ⋯

Détecteur

Collimateur
Cible

Direc�on
incidente
Faisceau incident (A)

Par�cules produites (B)


Figure II.1 Schéma d’une expérience de diffusion

3
𝐵11 + 𝐵21 + ⋯ + 𝐵𝑟1
1
(Voie 1)

𝐵12 + 𝐵22 + ⋯ + 𝐵𝑟2


2
(Voie 2)
𝐴[Projectile] + 𝐶[Cible] ⋮ ⋮ ⋮
𝐵1𝑚−1 + 𝐵2𝑚−1 + ⋯ + 𝐵𝑟𝑚−1
𝑚−1
(Voie (𝑚 − 1))

𝐵1𝑚 + 𝐵2𝑚 + ⋯ + 𝐵𝑟𝑚


𝑚
(Voie 𝑚)
Figure II.2

Une voie est un mode possible de fragmentation du système initial (𝐴 + 𝐶) composé de 𝐴 et 𝐶. Une
voie est dite ouverte si elle est permise par les lois de conservations sinon elle est dite fermée.
Les particules incidentes 𝐴 constituent le faisceau incident. On les supposera parfaitement collimatées
et monocinétiques. Elles tombent normalement sur une cible homogène, très mince et constituée de
particules 𝐶.
Les conditions suivantes sont généralement supposées réalisées :
• Les particules 𝐴, 𝐶 et {𝐵𝑘 } sont supposées sans structure interne et sans spin.

• Le faisceau incident n’est ni trop intense pour que l’on puisse négliger l’interac-
tion entre particules incidentes, ni trop faible pour qu’il y ait un nombre raisonnable
d’événements.

• Les projectiles sont de même nature et ont tous la même énergie cinétique (pro- Figure II.3
jectiles monocinétiques). Ils forment un faisceau parallèle tombant perpendicu-
lairement sur la surface 𝑆 de la cible. Le faisceau est caractérisé par le flux Φ
Nbre de particules
Le flux incident Φ=
[Unité de surface ] [Unité de temps ]
Φ = 𝜌𝑣

où 𝜌 est la densité des particules dans le faisceau.

• La cible est un objet macroscopique contenant un grand nombre de diffuseurs


• Les effets de cohérence entre les ondes diffusées par les différents centres
diffuseurs sont négligeables.

• La cible est suffisamment mince (𝜆 très faible) pour que les diffusions
multiples soient négligeables.

• nombre de centres cibles par unité de volume est :


Surface géométrique

𝜂𝒩 Sec�on efficace
𝑁=
𝑀 Figure II.4
où 𝒩 est le nombre d’Avogadro ;

4
• le nombre de centres cibles est 𝑁𝑐 = 𝑁 .𝑆.𝜆.

Figure II.5 Processus de diffusion (les primes signifient que la nature de la particule
n’a pas changé) : (a) diffusion élastique ; (b) diffusion inélastique -production d’un
état excité qui se désintègre ensuite en deux particules ; (c) inélastique production de
nouvelles particules ; (d) réaction des faisceaux en collision.

Ces hypothèses ramènent le problème à l’étude du cas idéal de la collision d’une particule incidente
𝐴 avec une particule cible 𝐶. Après la collision, toutes les particules sortantes ou quelques-unes sont
comptées dans des détecteurs qui sont situés à des distances macroscopiques de la cible. Il est à
rappeler que plusieurs processus peuvent avoir lieu simultanément et qu’à chaque voie 𝑖 est associée
une probabilité 𝜋𝑖 qui dépend des conditions de l’expérience.

Remarque 1

• Les particules {𝐵𝑘 } produites selon chacune des voies sont émises simultanément.

• On qualifiera un processus d’élastique, lorsque la nature et le nombre de particules sont inchangés :


𝐴+𝐶 ⟶𝐴+𝐶
Ainsi, si les particules 𝐴 et 𝐶 sont électriquement chargées et si on observe la diffusion longtemps
avant la diffusion et longtemps après la diffusion, le processus peut être considéré comme élastique.

• Dans la pratique Il est possible de produire des faisceaux d’une grande variété de particules (électrons,
protons, neutrons, ions lourds, ...). Les énergies de faisceau disponibles varient entre 10−3 eV pour les

5
neutrons "froids" jusqu’à 10+12 eV pour les protons. Il est même possible de produire des faisceaux
de particules secondaires qui sont eux-mêmes produits dans des réactions à hautes énergies.

• Des cibles solides, liquides ou gazeuses peuvent être utilisées comme matériau diffusant ou dans les
expériences avec des anneaux de stockage, où un autre faisceau de particules peut servir de cible.

• Dans le cas général, la diffusion :

Projectile + Cible ⟶ Produit1 + Produit2

où le projectile est plus léger que la cible et Produit1 est plus léger que Produit2 , est symbolisée par
:

Cible (Projectile , Produit1 ) Produit2

III Définition de la section efficace

Dans un premier temps on s’intéressera à la diffusion, au sens de la mécanique classique, de particules


supposées ponctuelles et sans structures internes. La diffusion est qualifiée d’élastique dans la mesure
où la nature et le nombre des particules avant et après interaction sont inchangés.

3.1 Rappels : Systèmes du centre de masse (SCM) et du Laboratoire (SL)

Deux systèmes de référence -au moins- sont à considérer pour 𝑧¯


étudier la diffusion des particules. Le premier, appelé système du SCM
laboratoire (SL), est attaché au laboratoire ou plus spécifiquement ⃗
(∑⃗⃗⃗⃗⃗⃗
¯𝑝𝑖 = 0)
attaché à un observateur qui est immobile par rapport au dit lab- 𝑧 𝑀1
𝑦¯
oratoire. SL ¯𝑝1⃗ C
𝑥¯
Le deuxième système de référence est attaché au centre de masse ¯𝑝2⃗ 𝑀2
(barycentre ou centre de gravité) des particules en présence. Les 𝑦
quantités vectorielles définies par rapport au SCM sont repérées 𝑂
𝑥
par un astérisque.
Figure 3.1 SL-SCM
Si 𝑝𝑖⃗∗ = 𝑚𝑖 𝑣𝑖∗⃗ est la quantité de mouvement de la 𝑖−ème particule
de masse 𝑚𝑖 dans SCM alors :

𝑛
[∑ 𝑝𝑖⃗∗ ] = 0⃗
𝑖=1
avant interaction
(3.1)
𝑛
[∑ 𝑝𝑘⃗∗ ] = 0⃗
𝑘=1 après interaction

6
Déf SCM
Le Système du Centre de Masse est un référentiel particulier où la somme des quantités de mouvement
est nulle :

𝑝𝑖∗ = 0⃗
∑ ⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗ (3.2)
𝑖

Cette définition reste valable même dans le cas relativiste.

3.2 Collision élastique dans SL

On considère dans SL, une particule M1 de masse 𝑚1 et de vitesse initiale ⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗


𝑣1 qui entre en collision
élastique avec une particule M2 de masse 𝑚2 animée de la vitesse ⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗
𝑣2 . Le centre de masse des deux
particules se déplace à la vitesse 𝑣𝐶
⃗ :
𝑚1 ⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗
𝑣1 + 𝑚2 ⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗
𝑣2
⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗
𝑣𝐶 = (3.3)
𝑚1 + 𝑚 2

Pour simplifier les calculs on considérera dans la suite, le cas où la particule M2 est initialement au
repos dans SL. Dans ce cas :
𝑚1 ⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗
𝑣1
⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗
𝑣𝐶 =
𝑚1 + 𝑚 2
(3.4)
𝑀
= 0 ⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗
𝑣
𝑚2 1

où 𝑀0 est la masse réduite du système des deux particules :


1 1 1
= + (3.5)
𝑀0 𝑚1 𝑚2

Avant interaction (SL) Après interaction (SL)

→ M1
𝑉1′
→ → → 𝜃
M1 𝑉1 C 𝑉𝐶 M2 𝑉2
𝑚1 𝑚1 + 𝑚 2 𝑚2
𝜑
→ M2
𝑉2′
Figure 3.2 Système du Laboratoire

7
Suite à la collision, la particule incidente est déviée de sa trajectoire initiale d’un angle 𝜃. Sa vitesse
devient ⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗
𝑣1′ . La particule cible acquiert une vitesse ⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗
𝑉2′ qui fait l’angle 𝜑 avec la direction initiale. La
conservation de la quantité de mouvement fait que 𝑣𝐶 ⃗ reste inchangée.
En écrivant la conservation de l’énergie cinétique et de la quantité de mouvement, on obtient un système
de trois équations avec quatre inconnues.
À titre d’exemple, en éliminant l’angle 𝜑, on obtient une équation de 2-ème degré dont les coefficients
dépendent de la vitesse initiale, des masses 𝑚𝑖 et de l’angle 𝜃 :

𝑣1′ 2 𝑣′ 𝑚1 𝑚 − 𝑚1
( ) − 2 ( 1) cos 𝜃 − 2 =0 (3.6)
𝑣1 𝑣 1 𝑚1 + 𝑚 2 𝑚1 + 𝑚 2

Cette équation est quadratique en 𝑣1′ et est indépendante des forces mises en jeu lors de la diffusion
puisqu’elle découle de la comparaison des états du système avant et après interaction.

3.3 Collision élastique dans SCM

Considérons la collision décrite précédemment du point de vue d’un observateur constamment lié au
centre de masse du système des deux particules. Ce changement d’observateur équivaut, avant la
collision, à une translation à vitesse constante −𝑣𝐶 du SL : La particule de masse 𝑀1 s’approche alors
du centre de masse C des deux particules à la vitesse :
𝑀0
𝑣1 − 𝑣 𝐶 = 𝑣 1 (3.7)
𝑀1

De même la particule de masse 𝑚2 , initialement au repos par rapport au SL, se déplace également vers
le point C à la vitesse 𝑣𝐶 .

Avant interaction (SCM) Après interaction (SCM)


𝑉1∗′ Θ
→ → M1
M1 𝑉1∗ C 𝑉2∗ M2
𝑚1 𝑚1 + 𝑚 2 𝑚2
Φ

𝑉2∗′ M2

Figure 3.3 Système du Centre de Masse

La quantité de mouvement totale du système des deux particules est nulle dans le SCM. On en déduit
que le rapport des vitesses des particules est égal au rapport inverse des masses :
𝑣1 − 𝑣 𝐶 𝑚
= 2 (3.8)
𝑣𝐶 𝑚1

8
Les quantités de mouvement des deux particules sont égales et de directions opposées à chaque instant.
Ainsi, après collision, le mouvement des deux particules prendra naissance au point C suivant des
directions opposées. Si la particule de masse 𝑚1 est diffusée dans la direction Θ, la particule de masse
𝑚2 sera également déviée de l’angle Φ ; sa trajectoire fera l’angle Φ avec la direction initiale de 𝑚1 de
sorte que :

Θ+Φ=𝜋 (3.9)

Tout se passe comme si on opérait sur la droite joignant les deux particules une rotation d’angle Θ.
Les masses étant constantes, si la vitesse de 𝑚1 diminuait suite à la collision, la conservation de la
quantité de mouvement imposerait que la vitesse de 𝑚2 diminue également ce qui serait en contradiction
avec la conservation de l’énergie cinétique :
Les quantités de mouvements et vitesses de chaque particule
se conservent avant et après collision par rapport au SCM.

L’énergie cinétique totale 𝒯 dans le SCM est :

2𝒯 = 𝑚1 (𝑣1 − 𝑣𝐶 )2 + 𝑚2 𝑣𝐶
2
(3.10)
= 𝑚1 𝑣12 − (𝑚1 + 𝑚2 )𝑣𝐶
2

Elle coïncide avec l’énergie cinétique de la particule incidente dans le SL diminuée de l’énergie cinétique
du centre de masse auquel est affecté la vitesse 𝑣𝐶 et la masse (𝑚1 + 𝑚2 ).
Il est à noter enfin que si le concept de projectile et de cible a un sens dans le SL, il disparaît
complètement dans le SCM. On parlera alors de deux particules qui se rapprochent l’une de l’autre
avec les caractéristiques décrites ci-dessus.


𝑉𝐶

→ →
𝑉1∗′ Θ 𝑉1′
𝜃
𝜑
Φ →
→ 𝑉2′
𝑉2∗′


𝑉𝐶
Figure 3.4 Diagramme des vitesses

9
3.4 Modèle de la sphère rigide

Soit, en 𝑂, le centre d’une sphère rigide de masse 𝑀, de rayon 𝑅 et est supposée immobile par rapport
au référentiel SL. Un faisceau permanent de billes de masse 𝑚, de rayon 𝑟 et de distribution uniforme
et constante tombe sur la sphère.
On supposera que 𝑀 ≫ 𝑚, 𝑅 ≫ 𝑟 et que toutes les billes
sont dotées de la même vitesse 𝑣 ⃗ orientée parallèlement à
l’axe 𝑧 ′ 𝑧. Compte tenu du rapport des masses, les référen-
tiels SL et SCM sont confondus.
Toutes les billes qui heurtent la sphère rebondiront sur celle-
ci suivant les lois des chocs élastiques. Considérons dans le
faisceau incident une surface d𝑠 normale à 𝑧 ′ 𝑧.
Le nombre de billes d𝑛 qui traversent d𝑠 par seconde est
le nombre de billes contenues à l’instant 𝑡, origine de cette
seconde, dans un cylindre de base d𝑠 et de hauteur 𝑣. Si la
densité des billes dans le faisceau est 𝜌 alors d𝑛 = 𝜌𝑣d𝑠.
Soit 𝜃 l’angle de diffusion des projectiles. Si on considère le Figure 3.5
triangle (𝐼𝐻𝑂) :

𝑥 𝜃
sin 𝛼 = et 2𝛼 + 𝜃 = 𝜋 ⇒ 𝑥 = 𝑅 cos
𝑅 2

Quand 𝑥 augmente 𝜃 diminue et réciproquement. Les billes ayant rebondi sur la sphère formeront un
faisceau divergent.
Les projectiles ayant des paramètres d’impacts compris entre 𝑥 et 𝑥+d𝑥 rebondiront avec des déviations
comprises entre 𝜃 et 𝜃 + d𝜃 ((d𝜃) < 0).
Quand 𝜃 varie de d𝜃, 𝑥 varie de d𝑥 = − 12 d𝜃𝑅 sin 𝜃/2. Les billes dont 𝑥 est compris entre 𝑥 et 𝑥 + d𝑥
rencontrent un plan normal à 𝑧 ′ 𝑧 sur une couronne de rayon 𝑥 et d’épaisseur d𝑥. La surface de la
couronne est 2𝜋𝑝d𝑝. Le nombre de billes traversant d𝑠 par unité de temps est d𝑛 = 𝜌𝑣2𝜋𝑥d𝑥.
Ces particules auront après déviation leurs trajectoires comprises entre deux cônes d’axe 𝑧 ′ 𝑧 et de
demi-angle au sommet 𝜃 et 𝜃 + d𝜃. Ils rempliront donc un angle solide dΩ = 2𝜋 sin 𝜃d𝜃.
Le nombre d𝑛′ de billes diffusées par seconde entre ces deux cônes est égal au nombre de billes traversant
par seconde la couronne de surface 2𝜋𝑥d𝑥. Ce nombre d𝑛′ est proportionnel au flux incident Φ = 𝜌𝑣
et à l’angle solide dΩ.
En général, on désignera par 𝜎(𝜃, 𝜙) le coefficient de proportionnalité entre d𝑛′ et ΦdΩ :

d𝑛′ = Φ 𝜎(𝜃, 𝜙) dΩ (3.11)

Le coefficient de proportionnalité est appelé section efficace différentielle de diffusion dans la


direction (𝜽, 𝝓) : Le nombre de particules arrivant par unité de temps au détecteur est égal au nombre

10
de particules qui traverseraient par unité de temps une surface 𝜎(𝜃, 𝜙), disposée normalement à 𝑧 ′ 𝑧
dans le faisceau incident.
En d’autres termes, on dira qu’il y a diffusion à chaque fois qu’une particule incidente traverse une
surface fictive 𝜎(𝜃, 𝜙) associée à chaque particule cible pour des conditions de l’expérience données.
La section efficace différentielle est homogène à une surface. On la mesure fréquemment en barns ou
en sous-multiples du barn :

𝟏𝐛𝐚𝐫𝐧 = 𝟏𝟎−𝟐𝟒 𝐜𝐦𝟐 . (3.12)

La section efficace totale de diffusion 𝜎Total est définie comme suit :

𝜎Total = ∫ 𝜎(𝜃, 𝜙)dΩ (3.13)

Remarque 2
Dans le cadre du modèle de la sphère rigide :

• On définit la section efficace différentielle comme :


𝑥 d𝑥
𝜎(𝜃) = ∣ ∣
sin 𝜃 d𝜃
où 𝑥 et d𝑥 doivent être exprimés en fonction de 𝜃 et d𝜃.

• Le calcul immédiat donne

𝑅 cos 2𝜃 1 𝜃 1
𝜎(𝜃) = 𝑅 sin = 𝑅2
sin 𝜃 2 2 4
• 𝜎(𝜃) est constante. La diffusion est dite isotrope : Quelle que soit la déviation 𝜃 le nombre de billes
diffusées est 14 𝑅2 𝜌𝑣dΩ.

• La section efficace totale 𝜎Total est :


1
𝜎Total = ∫ 𝑅2 dΩ = 𝜋𝑅2
4

3.5 Section efficace et probabilité d’interaction

Pour rendre compte des probabilités d’interaction au lieu d’associer à chaque particule cible une section
égale à sa surface géométrique 𝜋𝑅2 , il serait plus correct d’associer à chaque particule cible une aire
fictive et effective 𝜎 perpendiculaire au faisceau incident de sorte que si un projectile traverse 𝜎 une
interaction a lieu.
La taille de 𝜎 doit dépendre de plusieurs paramètres physiques : La nature de la cible, la nature des
projectiles, l’énergie mise en jeu ⋯

11
Les projectiles tombent sur une surface 𝑆 de la cible (normale au faisceau) d’épaisseur 𝜆. Le nombre
𝑁𝑐 de centres cibles candidats à l’interaction est :

𝑁𝑐 = 𝜔𝑆𝜆 (3.14)

où 𝜔 est le nombre de centres cibles par unité de volume ou densité des centres cibles.
Dans le cadre des hypothèses précisées plus haut et en supposant que tous les noyaux contenus dans le
volume 𝑆𝜆 participent, la somme des surfaces de la cible utiles pour l’interaction est 𝑁𝑐 𝜎. La probabilité
𝜋 pour qu’une particule incidente donne lieu a une interaction est :
𝑁𝑐 𝜎
𝜋= = 𝜔𝜎𝜆 (3.15)
𝑆

Soit 𝑁0 le nombre de projectiles tombant sur la cible par seconde (à l’intérieur de la surface S). Le
nombre 𝑁 ′ des événements mesurés par unité de temps dans les 4πstéradians est :

𝑁 ′ = 𝜋 𝑁0 = 𝜔𝜎𝜆 𝑁0 (3.16)

or 𝜔𝜎𝜆 = 𝑁𝐶 alors

𝐍′ = 𝑁 𝐶 𝜎 Φ (3.17)

3.6 Définition de la section efficace

Partant de la relation (3.15) :


𝜋𝑆 𝑁 𝜋𝑆
𝜎= = 0
𝑁𝐶 𝑁0 𝑁𝐶
(3.18)
𝑁′ 1
=[ ]×[ ]
𝑁0 𝑁𝐶 /𝑆

La définition de la section efficace peut être attachée aux paramètres qui expriment les conditions
expérimentales :

Déf Section ef- La section efficace 𝜎 est (le nombre d’événements par seconde) par (Particules inci-
ficace dentes par seconde) par (Particules cibles par unité de surface)
ou
La section efficace est J.e nombre d’événements nucléaires qui se produisent par centre
cible et par projectile.

[Événements par seconde]


𝜎=
[Particules incidentes par seconde] × [Centres cibles par unité de surface]

12
3.7 Section efficace partielle

Les particules projectiles de même nature et de même énergie peuvent produire avec des particules cibles
identiques divers processus nucléaires à la fois. Chaque processus peut être évalué et caractérisé par sa
propre section efficace que l’on désignera par section efficace partielle. La section efficace partielle rend
compte de l’importance d’un événement nucléaire d’un type particulier.
Ainsi, l’interaction des neutrons de 14 MeV avec des noyaux 107 Ag peut conduire à divers processus à
la fois :

Processus Réaction Section efficace Nombre d’événements/s


1. Diffusion élastique 107 Ag (𝑛, 𝑛) 107 Ag 𝜎𝑛,𝑛 𝑁𝑛,𝑛

2. Diffusion inélastique 107 Ag (𝑛, 𝑛 ) 107 Ag


′ 𝜎𝑛,𝑛′ 𝑁𝑛,𝑛′

3. Réaction nucléaire 107 Ag (𝑛, 𝑝) 107 Pd 𝜎𝑛,𝑝 𝑁𝑛,𝑝


Si 𝑁𝑐 est le nombre de centres cibles et Φ est le flux incident alors le nombre d’événements par unité
de temps est la somme des événements par unité de temps de chaque type :

𝑁Total
′ = 𝑁𝑛,𝑛
′ + 𝑁𝑛,𝑛′
′ + 𝑁𝑛,𝑝
′ (3.19)

avec
𝑁𝑛,𝑛
′ 𝑁𝑛,𝑛′
′ 𝑁𝑛,𝑝

𝜎𝑛,𝑛 = ; 𝜎𝑛,𝑛′ = ; 𝜎𝑛,𝑝 =
𝑁𝑐 Φ 𝑁𝑐 Φ 𝑁𝑐 Φ
Dans ce cas, la section efficace totale 𝜎Totale est :

𝑁Total

𝜎Totale =
𝑁𝑐 Φ
1
= (𝑁𝑛,𝑛
′ + 𝑁𝑛,𝑛′
′ + 𝑁𝑛,𝑝
′ )
𝑁𝑐 Φ
= 𝜎𝑛,𝑛 + 𝜎𝑛,𝑛′ + 𝜎𝑛,𝑝

et de façon général, la section efficace totale 𝜎Totale est la somme des sections efficaces partielles
décrivant chaque voie de sortie :
voie 𝑞
𝜎Totale = ∑ 𝜎𝑖
voie 1

3.8 Section efficace différentielle

Le nombre d’événements par unité de temps considéré ci-dessus suppose que le dispositif expérimental
mis en place permet de mesurer tous les événements qui se produisent dans les 4𝜋 str. Ce qui est
matériellement impossible dans la majorité des cas.

13
En pratiquer pour détecter et compter les rayonnements issus des différents processus nucléaires on
choisit un détecteur que l’on place dans une position repérée dans l’espace par les angles 𝜃 et 𝜙 usuelles
de la base sphérique.
le détecteur, placée à la distance 𝑟 de la cible placée à l’origine 𝑂 du référentiel, présente une ouverture
de surface 𝒮. L’angle solide sous lequel est vu le détecteur du point 𝑂 est dΩ = 𝑟𝒮2 = 2𝜋 sin 𝜃d𝜃.

Rappel : En toute rigueur l’angle solide d2 Ω = sin 𝜃d𝜃d𝜙. Mais compte tenu de la symétrie de
révolution autour de l’axe 𝑧 ′ 𝑧 matérialisé par le faisceau de projectiles, on intègre d2 Ω par rapport à 𝜙
et l’on obtient l’expression de dΩ.

Le nombre d’événement reçus par la fenêtre du détecteur et donc compté dans l’angle solide dΩ est
d𝑁 ′ = 𝑁𝑐 Φd𝜎. La quantité d𝜎 = d𝜎(𝜃, 𝜙) est la section efficace différentielle.
On défini le nombre 𝑛′ (𝜃, 𝜙) des événements par unité d’angle solide comme :
d𝑁 ′ d𝜎
𝑛′ (𝜃, 𝜙) = = 𝑁𝑐 Φ
dΩ dΩ
ou
d𝜎 𝑛′ (𝜃, 𝜙)
=
dΩ 𝑁𝑐 Φ

d𝜎
dΩ est la section efficace différentielle par unité d’angle solide. Elle s’exprime en barn (ou ses sous
multiples) par stéradian.
Le concept de section efficace différentielle par unité d’angle solide permet de rendre compte de la
distribution spatiale d’un rayonnement issu d’un processus nucléaire donné. En effet, certaines interac-
tions nucléaires conduisent à une émission isotrope dans les 4𝜋 Str tandis que d’autres à émission de
rayonnements selon une direction particulière.
La connaissance de la distribution de dΩ d𝜎 en fonction des angles d’émission des rayonnements pour

des projectiles monocinétiques permet, en particulier, de tirer des conclusions quant aux modes et aux
spécificités de l’interaction projectile-cible. Cela, permet en particulier de confirmer ou d’infirmer les
hypothèses élaborées pour décrire lesdites interaction dans le cadre de modèles théoriques.
La connaissance expérimentale de 𝑛′ (𝜃, 𝜙) permet de déduire 𝑁 ′ et par suite la section efficace totale
ou la section efficace partielle si 𝑛′ (𝜃, 𝜙) est déterminé pour un processus particulier :
2𝜋 𝜋
1
𝜎= ∫ d𝜙 ∫ 𝑛′ (𝜃, 𝜙) sin 𝜃d𝜃
𝑁𝑐 Φ
0 0

3.9 Section efficace différentielle par unité d’énergie transférée à la particule cible

On appelle fonction d’excitation la variation de dΩ


d𝜎 en fonction de l’énergie cinétique des particules

projectiles pour une direction d’émission donnée du rayonnement.

14
Considérons la diffusion élastique non relativiste de deux particules. La particule cible de masse 𝑚2 est
supposée initialement au repos dans SL. Les lois de conservation s’écrivent :

𝑝2 𝑝12 𝑝22
= + (3.20)
2𝑚1 2𝑚1 2𝑚2
𝑝1⃗ = 𝑝2⃗ + 𝑝2⃗ (3.21)

Par projection de (3.21) parallèlement et perpendiculairement à la direction incidente, et en utilisant


(3.20) :
1 𝜇 2 2Θ
𝑇2 = 𝑚2 𝑣22 = 2 𝑣 sin (3.22)
2 𝑚2 2

Toute variation d’angle Θ de dΘ engendre une variation de 𝑇2 de d𝑇2 (Cf. TD) de sorte que :

d𝜎 𝜋𝑏2 𝜇2 2 1
= 𝑣 2
𝑇2 2 𝑚2 𝑇2

La section efficace en fonction des transferts d’énergie sera importante pour les particules cibles dont
La masse est faible. Ainsi l’énergie transférée à un noyau lourd est moins importante que celle que celle
communiquée à un électron.
La section efficace est d’autant plus élevée que 𝑇2 est faible : Le nombre d’événements correspondant
à un transfert d’énergie élevé sera faible comparé au nombre d’événements correspondant à un faible
transfert d’énergie.

IV Section efficace de Rutherford - Approche classique

La première idée connue quant à la structure de la matière en atomes date de quelques 25 siècles. Plus
récemment, au début du 20ème siècle le physicien anglais Joseph John Thomson a proposé une nouvelle
mouture du concept de l’atome. Certes les idées apportées ont permis des avancées importantes dans
ce domaine mais souffraient de quelques insuffisances. Certaines de ces insuffisances ont été comblées
par Rutherford. Le modèle de l’interaction des particules chargées qu’il a élaboré et les résultats
expérimentaux obtenus ont permis de poser les jalons de la structure de l’atome telle qu’elle est connue
actuellement.

4.1 Modèle atomique de Thomson1

Le modèle Thomson est un modèle de l’atome proposé en 1904 par le physicien anglais Joseph John
Thomson. Ses principales caractéristiques sont :

1 https://energie-nucleaire.net/atome/modeles-atomiques

15
– Thomson a découvert les électrons grâce à ses expériences avec des tubes à
rayons cathodiques.

– Dans son modèle, l’atome est constitué d’électrons chargés négativement


intégrés dans une sphère chargée positivement.

– Les électrons sont répartis uniformément dans tout l’atome.

– L’atome est neutre, donc les charges négatives sur les électrons sont com-
pensées par la charge positive. Figure 4.1

4.2 Section efficace de Rutherford - Approche classique

La série de mesures effectuées par Hans Geiger et Ernest Marsden sous la direction de Rutherford
consistaient à irradier une fine feuille de métal lourd (Or), tandis que les projectiles consistaient en un
faisceau correctement collimaté de particules 𝛼 de faible énergie cinétique. Le résultat fondamental de
ces expériences était que la plupart des particules traversaient directement la feuille avec très peu de
déviation angulaire. Parfois, cependant, les déviations étaient importantes (∼ 𝜋2 ). Une analyse détaillée
de ces observations a révélé la structure de la cible, qui a finalement conduit au modèle nucléaire de
l’atome.
Pour apprécier pleinement la portée de ces expériences, il
est essentiel d’analyser les résultats dans leur contexte his-
torique. Avant ce travail, le seul modèle populaire de l’atome
était dû à Joseph Thomson, qui visualisait l’atome élec-
triquement neutre comme un édifice où les électrons chargés
étaient intégrés dans une distribution uniforme de charge
positive. Si ce modèle était correct, on ne s’attendrait qu’à
de petites déviations dans les trajectoires des particules 𝛼
(principalement dues à la diffusion des électrons), contraire-
ment à ce qui a été trouvé par Geiger et Marsden.
On considère dans la suite, dans le système du laboratoire, Figure 4.2 Schéma simplifié de l’expéri-
une particule 𝛼 de masse m_1 et de vitesse initiale 𝑣𝑜⃗ entre ence de Rutherford. Le faisceau de partic-
en collision avec une particule cible de masse 𝑚2 , initiale- ules 𝛼 en traversant la feuille d’or, subit
ment au repos. Après la collision, la cible acquiert la vitesse des diffusion que l’on peut quantifier à
𝑣2⃗ . La vitesse du projectile est 𝑣1⃗ . On peut montrer que : l’aide d’un écran fluorescent : Un flash
est visible à chaque fois une particule 𝛼
𝑚2
𝑣22 (1 − ) = 2𝑣1⃗ ⋅ 𝑣2⃗ (4.1) l’atteint.2
𝑚1

Il ressort clairement de cette analyse que, si 𝑚2 ≪ 𝑚1 , alors le premier membre de l’équation est positif
et, par conséquent, il en sera de même pour le membre de droite.Cela implique que les mouvements de
la particule 𝛼 et de la cible sont parallèles à la direction incidente. En d’autres termes, dans un tel cas,
le mouvement de la particule 𝛼 est faiblement perturbé.

2 www.laradioactivite.com

16
Si au contraire 𝑚2 ≫ 𝑚1 , alors le premier membre de l’équation est négatif, ce qui implique que l’angle
formé par les vecteurs 𝑣1⃗ et 𝑣2⃗ est supérieur à 𝜋2 .On parle alors de diffusion aux grands angles.
Pour fixer les idées, considérons la diffusion de particules 𝛼 sur une cible mince d’Or. Deux cibles sont
possibles : l’électron de masse 𝑚𝑒 ∼ 0, 511 MeV et le noyau de l’atome d’or de masse 𝑚Au ∼ 2 × 105
MeV. La masse de la particule 𝛼 est 𝑚1 ∼ 4 × 103 MeV.
– l’électron comme cible Dans ce cas le rapport des masses est de l’ordre de 10−4 . On peut établir
à partir des lois de conservations que 𝑣1 ≃ 𝑣0 et que 𝑚2 𝑣2 ≃ 2 × 10−4 𝑚1 𝑣0 : la quantité de
mouvement transférée à la cible est de l’ordre de 10−4 l’impulsion initiale de la particule 𝛼.
Ces conclusions (faibles déviations) sont conformes aux prévisions du modèle de Thomson.Mais alors
comment expliquer que des particules 𝛼 soient diffusées à plus de 𝜋2 (rétrodiffusées) ?
Si on considère le modèle de Rutherford selon lequel l’atome a un coeur chargé positivement (le
noyau), concentrant la majeure partie de la masse de l’atome, et les électrons qui gravitent autour
dudit noyau, le traitement développé ci-dessus corroborerait les résultats de l’expérience.

– le noyau d’or comme cible Le rapport des masses est de l’ordre de 50. A partir de l’équation
𝑚2
− 𝑣2 ≃ 2𝑣1⃗ ⋅ 𝑣2⃗ = 2𝑣1 𝑣2 cos(𝛾) ; 𝛾 = (𝑣̂
1⃗ , 𝑣2⃗ )
𝑚1 (4.2)
⇔ 𝑣 2 𝑚2 ≤ 𝑚 1 𝑣 1

Sachant que dans ce cas également 𝑣1 ≃ 𝑣0 , le noyau peut emporter jusqu’à deux fois la quantité de
mouvement incidente. Ce qui implique que la particule 𝛼 peut être rétrodiffusée avec une quantité
de mouvement égale et opposée à sa valeur initiale. Ces grands transferts d’impulsion vers le noyau
peuvent donc fournir de grands angles de diffusion. Conformément aux résultats de l’expérience.

4.3 Formulation de la section efficace de Rutherford

L’hypothèse de Rutherford consistait à considérer que le noyau de l’atome est une particule massive et
chargée positivement. Le noyau de l’atome d’or ( 79 𝐴 Au) et le noyau de l’atome d’hélium (𝛼) ( 4 He) se
2

repoussent mutuellement avec la force de Coulomb 𝑍𝑧𝑒2 /𝑟2 . Compte tenu du rapport des masses, le
transfert d’énergie au noyau cible est très faible.
On montre que la trajectoire de la particule 𝛼 est une branche d’hyperbole dont le noyau cible occupe
l’un des foyers.

On désigne par 𝑥,𝑏 et 𝑑 = 𝑟0 , respectivement, le paramètre d’impact, le diamètre de collision et la


distance minimale d’approche. On pose 𝜖 = 𝑂𝐶
¯ :

𝑑 = 𝜖(1 + cos 𝛿) 1 + cos 𝛿 𝛿


⇔ 𝑑=𝑥 = 𝑥 cot
𝑥 = 𝜖 sin 𝛿 sin 𝛿 2

En écrivant les lois de conservations (cf. TD) :

17
Figure 4.3

𝑥2 𝑏
+ =1
𝑑2 𝑑
dont les solutions sont de la forme :

𝑏 √ 2 𝑏2
𝑑= + 𝑥 +
2 4
𝑏 étant le diamètre de collision. A partir des propriétés de l’hyperbole on établi :
𝑏 Θ
𝑥= cot
2 2

18
Afin d’évaluer la proportion de projectiles qui subiront
une déviation d’angle Θ, on considère un plan Π
situé très loin de la cible et perpendiculaire à l’axe
du faisceau incident. Soit 𝐾 le pied de la perpen-
diculaire de 𝐶 sur Π.
Toutes les particules qui traverseront la couronne
d’épaisseur d𝑥 et centrée en 𝐾 subiront une déflex-
ion comprise entre Θ et Θ + dΘ.
Soit 𝑛 le nombre de noyaux cibles par unité de sur-
face de la cible. La probabilité d𝑃 pour qu’un pro-
jectile subisse une déviation d’angle compris entre
Θ et Θ+dΘ est égale à la probabilité pour que la
particule 𝛼 traverse l’une de couronne d’épaisseur
d𝑥 :

𝑏2 cos Θ
d𝑃 = 𝑛 × 2𝜋𝑥d𝑥 = 𝑛𝜋 2
dΘ (4.3)
4 sin3 Θ
2

Les particules diffusées sont répartis uniformément


sur une zone d’angle solide dΩ = 2𝜋 sin ΘdΘ. On
définit la section efficace différentielle par unité
d’angle solide d’un noyau la quantité 𝜎(Θ) : Figure 4.4 Section efficace de diffusion de partic-
ules 𝛼 par une fine feuille d’or. La courbe théorique,
𝑏2
(4.4) dont la forme est en sin 2 , est en accord avec les
d𝜎 1 d𝑃 1 −4 𝜃
𝜎(Θ) = = =
dΩ 𝑛 dΩ 4
16 sin 2 Θ
résultats des mesures de Geiger et Marsden.

Les résultats expérimentaux de l’époque suivaient la formule de Rutherford établie en supposant l’atome
constitué d’un noyau central de rayon inférieur à 4.5 × 10−12 cm (cf. Fig. 4.4). En particulier les
particules 𝛼 étaient fortement diffusées vers avant (𝜃 faible) conformément à la loi en sin−4 𝜃/2 alors
que le modèle de J.J. Thomson prévoyait des angles de diffusion n’excédant pas 1° . Il fallait donc en
conclure l’existence d’un noyau central de rayon très inférieur au rayon atomique.
Le modèle de Rutherford comportait des points qui ont été conservées même dans les modèles ultérieurs
:
i. La concentration de la majeure partie de la matière dans un petit volume par rapport à la taille
atomique, c’est-à-dire un noyau atomique : Le noyau concentre toute la charge positive et l’essentiel
de la masse de l’atome ;

ii. La charge nucléaire est responsable de la diffusion des particules alpha ;

iii. Les électrons chargés négativement présents autour de l’atome n’affectent pas la diffusion des par-
ticules alpha.

19
Figure 4.5 La courbe de gauche représente la section efficace de Rutherford en fonc-
tion de l’énergie des particules 𝛼 accélérées dans un cyclotron. L’écart par rapport à la
loi en sin−4 2𝜃 est visible à partir de ∼ 15 MeV. La figure de droite représente le rapport
des sections efficaces de Rutherford et de diffusion élastique de particules 𝛼 de 22 MeV
en fonction de l’angle de diffusion. Dans les deux cas la cible est une feuille d’argent
(Ag)

iv. Les atomes étaient constitués d’un noyau central chargé positivement autour duquel les électrons
tournaient sur des orbites elliptiques. L’atome est électriquement neutre.

Cependant, ce modèle présentait une limitations importante : Selon les lois de l’électrodynamique
classique de Maxwell, les électrons en orbite devraient émettre un rayonnement électromagnétique
continu et, par conséquent, s’effondrer dans le noyau dans un temps extrêmement court, contredisant
la stabilité observée des électrons des atomes.

Des études récentes on montré que tant que l’énergie des particules 𝛼 est modérée (quelque MeV)
l’accord avec les résultats de l’expérience est satisfaisant. Le recours à des projectiles accélérés ( 11 H,
2 He, ... ) sur des cibles telles que Ag, Tl, Au, Pb, ... dévoilait des écarts par rapport à la loi de
4

Rutherford (cf Fig 4.5 ). En effet, si la distance minimale d’approche est inférieure à une certaine
valeur critique, des projectiles sont “absorbés” par le noyau cible. En effet pour de très faibles distances
cible-projectile, au au potentiel coulombien se superposait un potentiel ∼ 10000 fois plus intense qu’est
le potentiel responsable de l’interaction forte. Ce potentiel est attractif et est de courte portée ∼ Fermi.
Il est responsable de la cohésion des nucléons à l’intérieur du noyau.

4.4 Limites de la théorie classique

Il convient de noter que, quoique basée sur la mécanique classique, le théorie ondulatoire générale de
la diffusion élastique des particules chargées prévoit, pour la section efficace de diffusion.

20
Cependant, la mécanique ondulatoire et la mécanique classique donnent des solutions comparables pour
les cas limites dans lesquels des noyaux lourds sont irradiés par des particules 𝛼 d’énergie modérée.
En général, la théorie classique est valide lorsque la longueur d’onde de de Broglie réduite ¯𝜆 = 𝜇𝑣 ℏ

associée à la particule fictive de masse 𝜇 est très faible devant le diamètre de collision :
𝑏 2𝑍𝑧
= ≫1 (4.5)
¯𝜆 137𝛽

Cette équation est écrite dans le système cgs où on introduit la constante de structure fine 𝑒
ℏ𝑐 = 1
137
et où 𝛽 = 𝑣𝑐 .

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