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L’agrégat de protons et de neutrons dans les noyaux est maintenu ensemble par
l’interaction forte à l’origine de l’attraction mutuelle entre les nucléons.
Des forces répulsives entre les nucléons doivent également exister au sein des noyaux.
L’équilibre entre les forces attractives et répulsives fait que les noyaux présentent
une densité à peu près constante et un rayon qui est proportionnel à 𝐴1/3 . Si la
répulsion était absente, tous les noyaux devraient s’effondrer dans un petit rayon de
l’ordre de la portée de l’interaction forte ≃ 2 × 10−13 cm.
Certaines des caractéristiques des forces qui existent entre les nucléons sont accessi-
bles à l’évaluation par un examen des masses des noyaux en regard des masses des
neutrons et des protons les constituants.
Cette quête a été initiée en particulier par Aston. Les données spectroscopiques qu’il
a pu collecter étaient suffisamment précises pour mettre en échec la loi d’addition
des masses : La masse du 168 O n’est pas égale à 4 fois la masse de 42 He et la masse
de ce dernier n’est pas égale à 4 fois la masse de 11 H.
A l’instar de la chaleur de formation d’un composé chimique donné, ce défaut de
masse fut interprété comme une énergie libérée quand les constituants d’un noyau
s’agrègent pour former ledit noyau. Cette énergie ne pouvait être évaluée correcte-
ment que lorsque la structure du noyau soit établie avec précision.
1
𝑀 −𝐴 𝑀
𝑃 = = −1 (1.1)
𝐴 𝐴
où 𝑀 est la masse de l’atome neutre et
𝐴 est le nombre de masse du noyau.
Le coefficient 𝑃 s’exprime en uma par
nucléon.
Par réarrangement de l’équation précé-
dente, le coefficient de cohésion peut être
considérée comme une correction (de l’or-
dre de 10−3 pour plusieurs noyaux) qui
lie la masse de l’atome de l’atome neu-
tre au nombre de masse de son noyau Figure I.1 Allure générale de la variation
: du coefficient de cohésion 𝑃 (exprimé en
10−4 uma/nucléon) en fonction de 𝐴. La
𝑀 = 𝐴(1 + 𝑃 ) (1.2) courbe présente un minimum au voisinage
de la région du Fe, Co et Ni.
Aston a souligné à juste titre que le co-
efficient de cohésion 𝑃 mesuré est lié d’une certaine manière à la stabilité des noyaux,
mais la relation aux forces nucléaires n’a pas pu être déduite parce que les constitu-
ants des noyaux étaient inconnus.
2
grande densité de charge, donc l’effet déstabilisant de la répulsion de Coulomb, due
au nombre élevé de protons.
La systématique montre qu’il existe des noyaux très lourds stables (Uranium, Plomb,
Or ⋯) comme il existe des noyaux très légers qui sont très instables.
La stabilité d’un noyau est un compromis entre masse et énergie.
2.1 Définitions
La spectroscopie de masse montre que la masse d’un système stable est plus petite
que la masse de ces constituants. La différence apparaît comme l’énergie de liaison
du système. L’expérience montre que la masse atomique 𝑀 d’une espèce formée des
mêmes isotopes est presque un multiple de l’uma.
Remarque 1
Masse atomique et masse nucléaire
On entend par masse atomique 𝑀 (𝑍, 𝐴) la masse de l’atome non ionisé et de numéro
atomique 𝑍. En toute rigueur, si 𝐵𝑒 désigne la somme des énergies de liaisons des
𝑍 électrons, alors
𝐵𝑒
𝑀 (𝑍, 𝐴) = 𝑍𝑚𝑒 + 𝑀 ′ (𝑍, 𝐴) − (2.1)
𝑐2
3
où 𝑀 ′ (𝑍, 𝐴) est la masse du noyau. Les énergies de liaisons électroniques varient
de quelques eV à quelques keV. Donc très faibles par rapport à 𝑀 ′ (𝑍, 𝐴). De même
la masse de l’électron est 2000 fois plus petite que la masse du proton, de sorte que
l’on puisse poser 𝑀 ′ ≃ 𝑀 (𝑍, 𝑁 ).
En fait la différence est importante lorsque l’on considère le bilan énergétique de
certains processus nucléaires notamment les désintégration 𝛽.
2.2 Le noyau assimilé à une goutte liquide (Modèle de la goutte liquide)
4
Déf Énergie totale de liaison du L’énergie totale de liaison 𝐵(𝑍 , 𝐴) d’un nu-
noyau clide, formé de 𝑍 protons et de 𝑁 neutrons, est
l’énergie nécessaire pour dissocier un noyau en
ses constituants élémentaires (neutrons et pro-
tons). Réciproquement, c’est l’énergie libérée
quand 𝑍 protons et 𝑁 neutrons se combinent
pour former un noyau.
• Pour 𝐴 ≤ 28, on observe une structure cyclique montrant une forte énergie de
liaison pour les noyaux dont 𝐴 est un multiple de 4.
• Une baisse relative de 𝐵/𝐴 pour les éléments lourds : 7.3 MeV/nucléon.
• Les noyaux lourds ont tendance à réduire leur nombre de masse par des fissions
spontanées ou des désintégrations 𝛼 pour atteindre le maximum de l’énergie de
liaison. A l’inverse, les noyau légers ont tendance à augmenter leur valeur de 𝐴
par des processus de fusion pour atteindre le même maximum.
Remarque 2
– L’énergie nucléaire :
5
Certains noyaux lourds ( 𝐴 ∼ 240) subissent des fissions. Supposons les
symétriques. La variation de 𝐵/𝐴 au cours d’un seul processus est alors de
l’ordre de 1 MeV correspondant à une perte d’énergie de 200 MeV environ. Si
par contre deux noyaux 2 H (𝐵/𝐴 = 1.113 MeV / nucléon) fusionnent pour
former une particule 𝛼 (𝐵/𝐴 = 7, 075 MeV / nucléon) la perte d’énergie
serait de l’ordre de 6 MeV/nucléon !
Ce terme est le plus important. Plus le nombre des nucléons en volume est
important plus ils seront très fortement liés (interaction forte). Ce terme est
proportionnel au volume :
𝐵𝑣 = 𝑎𝑣 𝐴 (3.2)
6
𝑟 centrée en 𝑂 et portant la charge 𝑞 = 𝜌𝑉 ; 𝑉 = 43 𝜋𝑟3 . Rapprochons de
S une charge élémentaire d2 𝑞 jusqu’à ce qu’elle touche sa surface. L’énergie
d’interaction d2 𝑊 est alors, en supposant les deux charges de même signe,
𝑞d2 𝑞
d2 𝑊 = (3.4)
𝑟
Répétons la même opération de sorte à ce que l’on forme, à partir des charges
élémentaires d2 𝑞, une couronne sphérique portant la charge d𝑞 entourant S. L’én-
ergie d’interaction devient alors,
𝑞d𝑞
d𝑊 = (3.5)
𝑟
Substituant à 𝑞 et à d𝑞 leurs expressions en fonction de la densité de charges et
de 𝑟,
14 3 4
d𝑊 = 𝜋𝑟 𝜌d{ 𝜋𝑟3 𝜌} (3.6)
𝑟3 3
L’énergie d’interaction 𝑊 s’obtient en intégrant l’expression précédente depuis 0
à 𝑅, rayon du noyau :
𝑅
14 3 4 3 𝑍 2 𝑒2
𝑊 =∫ 𝜋𝑟 𝜌d{ 𝜋𝑟3 𝜌} = (3.7)
𝑟3 3 5 𝑅
0
𝑍2
𝐵𝑐 = −𝑊 = −𝑎𝑐 1 (3.8)
𝐴3
Or ce terme doit être nul pour le proton (hydrogène ) puisqu’une particule n’in-
teragit pas avec elle même. Pour contourner cette difficulté on admettra qu’il
faut déduire une énergie intrinsèque 𝑊1 , obtenue en posant 𝑍 = 1 dans l’expres-
sion ci-dessus et ce pour chaque proton du noyau 𝐴 𝑍
X:
𝑍(𝑍 − 1)
𝐵𝑐 = −𝑎𝑐 1 (3.9)
𝐴3
Si on se limite à ces trois termes l’énergie de liaison du noyau s’exprimera comme
:
𝑍(𝑍 − 1)
𝐵 = 𝑎𝑣 𝐴 − 𝑎𝑠 𝐴2/3 − 𝑎𝑐 1 (3.10)
𝐴3
7
d’où l’expression de sa masse 𝑀 :
𝑍(𝑍 − 1)
𝑀 (𝑍, 𝑁 ) = 𝑍𝑚𝑝 + 𝑁 𝑚𝑛 − [𝑎𝑣 𝐴 − 𝑎𝑠 𝐴2/3 − 𝑎𝑐 1 ] (3.11)
𝐴3
Le maximum de stabilité au sein d’une chaîne isobarique, est obtenu en posant
∂
𝑀 (𝑍, 𝐴)] = 0 (3.12)
∂𝑍 𝐴
ce qui correspond à
(3.13)
1
𝑍 = 0.66𝐴 3
Càd que pour 𝑍 = 20, 𝐴 serait de l’ordre de 28 ce qui est en totale contradiction
avec expérience. L’expression de 𝐵(𝑍, 𝐴) proposée est insuffisante. Il faut donc
chercher d’autres termes correctifs.
On constate que les noyaux légers ( 𝐴 < 40 ) sont stables si 𝑁 est égal à 𝑍. Au
fur est à mesure que 𝑍 augmente 𝑁 augmente plus vite atteignant des rapports
de l’ordre de 1.5 pour les noyaux lourds.
Pour tenir compte de ces données on introduit un quatrième terme appelé terme
d’asymétrie qui, contrairement aux trois premiers termes de natures classiques,
est de nature quantique.
Pour construire ce terme on procède par analogie avec les propriétés thermo-
dynamiques d’un liquide : L’énergie est proportionnelle à la composition de ce
dernier. Le terme 𝐵𝑎 doit :
– dépendre de 𝐴 ;
– dépendre de 𝑍 et de 𝑁 ;
– être minimal si 𝑁 = 𝑍 ;
– être symétrique en 𝑁 et en 𝑍.
En définitive :
(𝑁 − 𝑍)2
𝐵𝑎 = −𝑎𝑎 𝐴 (3.14)
(𝑁 + 𝑍)2
8
𝑎𝑎 est une constante empirique qui sera déterminée par ajustement sur les valeurs
expérimentales.
Le terme (𝑁 + 𝑍)2 est un facteur de normalisation introduit de sorte que les
ordres de grandeurs de 𝐵𝑎 soient cohérents avec les trois premiers termes.
Le terme 𝐵𝑎 est affecté du signe moins car il contribue à la déstabilisation du
noyau occasionnée par l’asymétrie 𝑁 − 𝑍 en ce sens qu’au delà d’une certaine
limite, les neutrons cessent d’être des agents stabilisateurs.
Le noyau le plus stable au sein d’une chaîne isobarique correspondra maintenant
à
𝐴
𝑍Stable = 2 (3.15)
1.98 + 0.0155𝐴 3
Relation en bon accord avec expérience.
𝐸𝑐 − 𝐸𝐹 −1
𝜋(𝐸𝑐 ) = [1 + exp ( )] (3.16)
𝑘𝑇
où 𝑘 est la constante de Boltzmann et où 𝐸𝐹 est l’énergie de Fermi du système
que l’on exprime en fonction de l’impulsion de Fermi comme1
𝑝𝐹2
𝐸𝐹 = (3.17)
2𝑚
𝜔𝜆3𝑇 ≫ 1 (3.19)
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s’agit donc d’un système de fermions pour lequel un traitement quantique est
essentiel. Dans la suite on se placera dans ce cas.
d𝑉 = d𝑥 d𝑦 d𝑧 (3.20)
et en coordonnées sphériques :
d𝑉 = d𝑟 ⃗ = 𝑟2 d𝑟 sin 𝜃d𝜃 d𝜑 (3.21)
Si l’on ne s’intéresse pas à la direction de 𝑟,⃗ l’intégration sur l’angle solide fournit
:
d𝑉 = 4𝜋𝑟2 d𝑟 (3.22)
Dans les mêmes conditions, un élément de volume dans l’espace des impulsions
sera donné par :
d𝑝⃗ = 4𝜋𝑝2 d𝑝 (3.23)
Pour retrouver le volume élémentaire dans l’espace des phases, c’est-à-dire le volume
occupé par particule dans cet espace, il suffit d’invoquer les relations de Heisenberg,
Δ𝑝𝑥 Δ𝑥 ≥ ℏ (3.24)
Δ𝑝𝑦 Δ𝑦 ≥ ℏ (3.25)
Δ𝑝𝑧 Δ𝑧 ≥ ℏ (3.26)
10
Dans le cas d’un gaz de fermions de spin 𝑠 = 1/2, (𝑔𝑠 = (2𝑠 + 1) = 2), au zéro
absolu, on peut mettre deux particules par cellule pour 𝑝 < 𝑝𝐹 et les cellules
sont vides pour 𝑝 > 𝑝𝐹 . D’où :
𝑝𝐹 𝑝𝐹
Ω
𝑛 = ∫ 𝑔𝑠 d𝜈 = ∫ 2 4𝜋𝑝2 d𝑝 (3.28)
ℎ3
0 0
11
d’où l’énergie cinétique moyenne par nucléon pour les noyaux symétrique ou
quasi-symétrique :
𝑇 (𝐴)
𝐴 ≃ 3 𝐴𝐸𝐹
5 𝐴 ≃ 35 𝐸𝐹 ≃ 22 MeV (3.35)
12
𝑉0 = (−𝐸𝐹 + 𝑆) ≃ −45 Mev (3.36)
L’isobare le plus stable sera celui qui aura l’énergie total la plus faible. Cela
revient à minimiser 𝑇 et à maximiser 𝑊.
Pour un isobare donné, l’énergie cinétique est minimale, lorsque protons et neu-
trons occupent de la même façon le fond du puits de potentiel. Cela est réalisé
lorsque 𝑁 = 𝑍 = 𝐴 2.
En effet, si on pose 𝜖 = 𝑁 − 𝑍, l’expression (3.34) devient
3 𝜖 53 𝜖 53
𝑇 (𝐴) = 𝐸𝐹 𝐴 [(1 + ) + (1 − ) ] (3.37)
10 𝐴 𝐴
où 𝐸𝑝 est l’énergie de Fermi calculée pour 𝑁 = 𝑍. En développant 𝑇 (𝐴) au
deuxième ordre en puissances de 𝜖/𝐴 :
3 5 2 1 𝜖 2
𝑇 (𝐴) = 𝐸𝐹 𝐴 [2 + 0 + 2 ⋅ ⋅ ⋅ ( ) + ⋯] (3.38)
10 3 3 2! 𝐴
3 1 (𝑁 − 𝑍)2
= 𝐸𝐹 𝐴 + 𝐸𝐹 +⋯ (3.39)
5 3 𝐴
On retrouve que l’énergie cinétique est minimale pour 𝑁 = 𝑍. Le terme d’asymétrie2
est la différence entre les énergies cinétiques 𝑇 (𝐴)𝑁=𝑍 du noyau symétrique et
𝑇 (𝐴)𝑁≠𝑍
1 (𝑁 − 𝑍)2 (𝑁 − 𝑍)2
𝑇 (𝐴)𝑁=𝑍 − 𝑇 (𝐴)𝑁≠𝑍 = 𝐸𝐹 ≃ 12 MeV (3.40)
3 𝐴 𝐴
3.5 Le terme d’appariement
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Pair Pair Pair P-P 166+11= 177 Très prononcée Plusieurs (2 à 3)
Impair Pair Impair I-P 55 + 3 = 58 Moyenne 1
Impair Impair Pair P-I 51+3 = 54 Moyenne 1
Pair Impair Impair I-I 6+4 = 10 Faible 0
Les premiers noyaux I-I stables sont 2 H, 6 Li, 10 B et 14 N. Ils sont en dehors de
la zone de validité du modelé de la goutte liquide. Il existe un cinquième noyau,
le 180 Tl, qui constitue un cas particulier.
Pour tenir compte de ces effets d’appariement on introduit un cinquième terme
𝐵𝑝 , le terme d’appariement :
1
La valeur adoptée pour 𝛿 (Bohr et Mottelson, 1969) est 𝑎𝑝 𝐴− 2 MeV où 𝑎𝑝 ∼ 12
MeV. En tenant compte des cinq termes, la formule semi empirique de Bethe-
Weizsäcker s’écrit :
𝑍(𝑍 − 1)
𝑀 (𝑍, 𝐴)𝑐2 = 𝑍𝑚𝑝 𝑐2 + 𝑁 𝑚𝑛 𝑐2 − 𝑎𝑣 𝐴 + 𝑎𝑠 𝐴2/3 + 𝑎𝑐 + (3.42)
𝐴1/3
{ +𝛿 (P-P)
𝐴 − 2𝑍 ⎧
+ 𝑎𝑎 + ⎨0 (P-I) ou (I-P)
𝐴 {
⎩ −𝛿 (I-I)
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Figure 3.3 Comparaison des énergies de liaison par nucléon expéri-
mentales (points) et des valeurs obtenues à partir de la formule em-
pirique dans le cas de noyaux pair-pair stables
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