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Chapitre II

Énergie de liaison du noyau

L’agrégat de protons et de neutrons dans les noyaux est maintenu ensemble par
l’interaction forte à l’origine de l’attraction mutuelle entre les nucléons.
Des forces répulsives entre les nucléons doivent également exister au sein des noyaux.
L’équilibre entre les forces attractives et répulsives fait que les noyaux présentent
une densité à peu près constante et un rayon qui est proportionnel à 𝐴1/3 . Si la
répulsion était absente, tous les noyaux devraient s’effondrer dans un petit rayon de
l’ordre de la portée de l’interaction forte ≃ 2 × 10−13 cm.
Certaines des caractéristiques des forces qui existent entre les nucléons sont accessi-
bles à l’évaluation par un examen des masses des noyaux en regard des masses des
neutrons et des protons les constituants.
Cette quête a été initiée en particulier par Aston. Les données spectroscopiques qu’il
a pu collecter étaient suffisamment précises pour mettre en échec la loi d’addition
des masses : La masse du 168 O n’est pas égale à 4 fois la masse de 42 He et la masse
de ce dernier n’est pas égale à 4 fois la masse de 11 H.
A l’instar de la chaleur de formation d’un composé chimique donné, ce défaut de
masse fut interprété comme une énergie libérée quand les constituants d’un noyau
s’agrègent pour former ledit noyau. Cette énergie ne pouvait être évaluée correcte-
ment que lorsque la structure du noyau soit établie avec précision.

I Coefficient de cohésion (Packing Fraction)

Avant la découverte du neutron, à l’époque où l’on admettait que les constituants


du noyau sont les protons et les électrons, Aston a mesuré expérimentalement les
masses d’un certain nombre de noyaux. Il a exprimé ses résultats en fonction du
coefficient de cohésion 𝑃 définie par

1
𝑀 −𝐴 𝑀
𝑃 = = −1 (1.1)
𝐴 𝐴
où 𝑀 est la masse de l’atome neutre et
𝐴 est le nombre de masse du noyau.
Le coefficient 𝑃 s’exprime en uma par
nucléon.
Par réarrangement de l’équation précé-
dente, le coefficient de cohésion peut être
considérée comme une correction (de l’or-
dre de 10−3 pour plusieurs noyaux) qui
lie la masse de l’atome de l’atome neu-
tre au nombre de masse de son noyau Figure I.1 Allure générale de la variation
: du coefficient de cohésion 𝑃 (exprimé en
10−4 uma/nucléon) en fonction de 𝐴. La
𝑀 = 𝐴(1 + 𝑃 ) (1.2) courbe présente un minimum au voisinage
de la région du Fe, Co et Ni.
Aston a souligné à juste titre que le co-
efficient de cohésion 𝑃 mesuré est lié d’une certaine manière à la stabilité des noyaux,
mais la relation aux forces nucléaires n’a pas pu être déduite parce que les constitu-
ants des noyaux étaient inconnus.

II Masses des noyaux et énergie de liaison

Considérons deux systèmes 𝑆1 et 𝑆2 . Désignons par 𝐸


et 𝐸2 leurs énergies respectives. Si 𝐸 > 𝐸2 on dira que
le système 𝑆2 est très lié par rapport à 𝑆1 ou que 𝑆2 est
plus stable par rapport à 𝑆1 .
Le noyau le plus simple qui puisse exister est le pro-
ton dont l’espérance de vie ou vie moyenne est estimée
à 1031 années (l’âge de l’univers est estimé à environs Figure II.1 Transitions
14 milliards années) . Si on lui ajoute un neutron nous spontanées d’un système
obtenons le deutérium ; un système relativement stable. physique : Seule la transi-
Si on lui ajoute un autre neutron nous obtenons le tri- tion (2) est possible
tium qui est très instable. En effet le système obtenu est trop massif pour qu’il
soit stable. Si on ajoute un quatrième neutron, l’énergie du système est telle qu’un
système lié ne peut pas exister.
Toutes les combinaisons de 𝑁 et de 𝑍 ne donnent pas lieu à des nucléides stables
ou radioactifs. On trouve que pour les nuclides stables légers (𝐴 < 40) le nombre
des protons est égal au nombre des protons (𝑁 = 𝑍). Au-delà de 𝐴 = 40, les
noyaux stables ont plus de neutrons que de protons, en effet 𝑁 ≃ 1.7𝑍, ce qui est
compréhensible car les noyaux lourds ont besoin de plus de neutron pour réduire la

2
grande densité de charge, donc l’effet déstabilisant de la répulsion de Coulomb, due
au nombre élevé de protons.
La systématique montre qu’il existe des noyaux très lourds stables (Uranium, Plomb,
Or ⋯) comme il existe des noyaux très légers qui sont très instables.
La stabilité d’un noyau est un compromis entre masse et énergie.

2.1 Définitions

La spectroscopie de masse montre que la masse d’un système stable est plus petite
que la masse de ces constituants. La différence apparaît comme l’énergie de liaison
du système. L’expérience montre que la masse atomique 𝑀 d’une espèce formée des
mêmes isotopes est presque un multiple de l’uma.

Déf Défaut de masse La différence entre 𝑀 et 𝐴, exprimée en uma,


est le défaut de masse Δ𝑀 :
Δ𝑀 = 𝑀 − 𝐴
L’excès de masse 𝛿 est défini comme étant Δ𝑀 𝐶 2 .
Le diagramme 𝛿 = 𝑀 (𝑍, 𝑁 ) est appelé vallée
de stabilité. Il renseigne sur la stabilité des noy-
aux.

Déf Coefficient de cohésion Le coefficient de cohésion est le défaut de masse


par nucléon :
𝑓 = 𝑀 −𝐴
𝐴
La systématique montre que 𝑓 est nul pour 𝐴 ∼
20 ( région du néon) et 𝐴 ∼ 170 ( région de
l’erbium ). Il est maximal aux extrémités et
minimal au voisinage de 𝐴 = 60 (Co-Ni) (voir
planches).

Remarque 1
Masse atomique et masse nucléaire
On entend par masse atomique 𝑀 (𝑍, 𝐴) la masse de l’atome non ionisé et de numéro
atomique 𝑍. En toute rigueur, si 𝐵𝑒 désigne la somme des énergies de liaisons des
𝑍 électrons, alors
𝐵𝑒
𝑀 (𝑍, 𝐴) = 𝑍𝑚𝑒 + 𝑀 ′ (𝑍, 𝐴) − (2.1)
𝑐2

3
où 𝑀 ′ (𝑍, 𝐴) est la masse du noyau. Les énergies de liaisons électroniques varient
de quelques eV à quelques keV. Donc très faibles par rapport à 𝑀 ′ (𝑍, 𝐴). De même
la masse de l’électron est 2000 fois plus petite que la masse du proton, de sorte que
l’on puisse poser 𝑀 ′ ≃ 𝑀 (𝑍, 𝑁 ).
En fait la différence est importante lorsque l’on considère le bilan énergétique de
certains processus nucléaires notamment les désintégration 𝛽.
2.2 Le noyau assimilé à une goutte liquide (Modèle de la goutte liquide)

La densité de la matière nucléaire correspond à une densité de nucléons voisine de


1038 nucléons/cm3 . La constance de la densité nucléaire, bien qu’elle soit défor-
mante, nous amène à tracer le parallèle entre les propriétés de la matière nucléaire
et les propriétés d’une goutte liquide (incompressible). Certains aspects de la struc-
ture nucléaire seront traités par analogie avec les propriétés connues des fluides
incompressibles.

Figure 2.2 Énergie moyenne de liaison (MeV par nucléon) en fonction de 𝐴

2.3 Énergie de liaison du noyau

4
Déf Énergie totale de liaison du L’énergie totale de liaison 𝐵(𝑍 , 𝐴) d’un nu-
noyau clide, formé de 𝑍 protons et de 𝑁 neutrons, est
l’énergie nécessaire pour dissocier un noyau en
ses constituants élémentaires (neutrons et pro-
tons). Réciproquement, c’est l’énergie libérée
quand 𝑍 protons et 𝑁 neutrons se combinent
pour former un noyau.

Déf Énergie moyenne de liaison L’énergie moyenne de liaison ou l’énergie totale


du noyau de liaison par nucléon est définie par le rapport
𝐵(𝑍 , 𝐴)
Énergie moyenne de liaison = (2.2)
𝐴

La systématique des noyaux stables montre :

• Une certaine ’périodicité’ de 𝐵/𝐴 pour les éléments légers.

• Pour 𝐴 ≤ 28, on observe une structure cyclique montrant une forte énergie de
liaison pour les noyaux dont 𝐴 est un multiple de 4.

• Présence d’un maximum très large autour de 𝐴 voisin de 60 (Co-Ni) correspon-


dant à 𝐵/𝐴 de l’ordre de 8.5 MeV/nucléon.

• Une baisse relative de 𝐵/𝐴 pour les éléments lourds : 7.3 MeV/nucléon.

• Les noyaux lourds ont tendance à réduire leur nombre de masse par des fissions
spontanées ou des désintégrations 𝛼 pour atteindre le maximum de l’énergie de
liaison. A l’inverse, les noyau légers ont tendance à augmenter leur valeur de 𝐴
par des processus de fusion pour atteindre le même maximum.

Remarque 2

– Saturation des forces nucléaires :


Si au sein du noyau un nucléon 𝑖 pouvait être lié de la même façon à l’ensemble
des (𝐴 − 1) nucléons, l’énergie totale de liaison serait 𝐴(𝐴 − 1)/2. L’énergie
moyenne de liaison serait (𝐴 − 1)/2, donc une droite en fonction de 𝐴 ce qui
est en contradiction avec expérience : Il y a saturation des forces nucléaires.

– L’énergie nucléaire :

5
Certains noyaux lourds ( 𝐴 ∼ 240) subissent des fissions. Supposons les
symétriques. La variation de 𝐵/𝐴 au cours d’un seul processus est alors de
l’ordre de 1 MeV correspondant à une perte d’énergie de 200 MeV environ. Si
par contre deux noyaux 2 H (𝐵/𝐴 = 1.113 MeV / nucléon) fusionnent pour
former une particule 𝛼 (𝐵/𝐴 = 7, 075 MeV / nucléon) la perte d’énergie
serait de l’ordre de 6 MeV/nucléon !

III Modèle de la goutte liquide et formule de Bethe-Weizsäcker

Par analogie avec les propriétés thermodynamiques d’une goutte


liquide l’énergie de liaison est présentée comme une série de
termes qui seront à leur tour déterminés par ajustement sur
les valeurs expérimentales :

𝐵 = ∑ 𝐵𝑖 (3.1) Figure III.1 Matière


𝑖 nucléaire
3.1 Le terme de volume (𝐵𝑣 )

Ce terme est le plus important. Plus le nombre des nucléons en volume est
important plus ils seront très fortement liés (interaction forte). Ce terme est
proportionnel au volume :

𝐵𝑣 = 𝑎𝑣 𝐴 (3.2)

𝑎𝑣 est un coefficient numérique.

3.2 Le terme de surface (𝐵𝑠 )

La proportionnalité entre 𝐵𝑣 est 𝐴 suppose implicitement que l’interaction d’un


nucléon avec ses proches voisins se fait de la même façon quelque soit le nucléon
considéré. Or les nucléons de la surface sont, intuitivement, plus faiblement liés
que ceux du volume. Le nombre de ces nucléons est proportionnel à la surface du
noyau. Les nucléons de la surface déstabilisent donc le noyau. Leur contribution
𝐵𝑠 à l’énergie totale de liaison sera affectée d’un signe moins et est elle sera
proportionnelle à 𝐴2/3 :

𝐵𝑠 = −𝑎𝑠 𝐴2/3 (3.3)

3.3 Le terme Coulombien (𝐵𝑐 )

L’interaction électrostatique entre les protons contribue à diminuer la stabilité


du noyau. Pour en rendre compte considérons une sphère S chargée de rayon

6
𝑟 centrée en 𝑂 et portant la charge 𝑞 = 𝜌𝑉 ; 𝑉 = 43 𝜋𝑟3 . Rapprochons de
S une charge élémentaire d2 𝑞 jusqu’à ce qu’elle touche sa surface. L’énergie
d’interaction d2 𝑊 est alors, en supposant les deux charges de même signe,

𝑞d2 𝑞
d2 𝑊 = (3.4)
𝑟
Répétons la même opération de sorte à ce que l’on forme, à partir des charges
élémentaires d2 𝑞, une couronne sphérique portant la charge d𝑞 entourant S. L’én-
ergie d’interaction devient alors,
𝑞d𝑞
d𝑊 = (3.5)
𝑟
Substituant à 𝑞 et à d𝑞 leurs expressions en fonction de la densité de charges et
de 𝑟,
14 3 4
d𝑊 = 𝜋𝑟 𝜌d{ 𝜋𝑟3 𝜌} (3.6)
𝑟3 3
L’énergie d’interaction 𝑊 s’obtient en intégrant l’expression précédente depuis 0
à 𝑅, rayon du noyau :
𝑅
14 3 4 3 𝑍 2 𝑒2
𝑊 =∫ 𝜋𝑟 𝜌d{ 𝜋𝑟3 𝜌} = (3.7)
𝑟3 3 5 𝑅
0

où nous avons posé 𝜌 = 𝑍𝑒/ 43 𝜋𝑅3 . Le terme Coulombien est proportionnel à W


:

𝑍2
𝐵𝑐 = −𝑊 = −𝑎𝑐 1 (3.8)
𝐴3
Or ce terme doit être nul pour le proton (hydrogène ) puisqu’une particule n’in-
teragit pas avec elle même. Pour contourner cette difficulté on admettra qu’il
faut déduire une énergie intrinsèque 𝑊1 , obtenue en posant 𝑍 = 1 dans l’expres-
sion ci-dessus et ce pour chaque proton du noyau 𝐴 𝑍
X:
𝑍(𝑍 − 1)
𝐵𝑐 = −𝑎𝑐 1 (3.9)
𝐴3
Si on se limite à ces trois termes l’énergie de liaison du noyau s’exprimera comme
:
𝑍(𝑍 − 1)
𝐵 = 𝑎𝑣 𝐴 − 𝑎𝑠 𝐴2/3 − 𝑎𝑐 1 (3.10)
𝐴3

7
d’où l’expression de sa masse 𝑀 :

𝑍(𝑍 − 1)
𝑀 (𝑍, 𝑁 ) = 𝑍𝑚𝑝 + 𝑁 𝑚𝑛 − [𝑎𝑣 𝐴 − 𝑎𝑠 𝐴2/3 − 𝑎𝑐 1 ] (3.11)
𝐴3
Le maximum de stabilité au sein d’une chaîne isobarique, est obtenu en posant


𝑀 (𝑍, 𝐴)] = 0 (3.12)
∂𝑍 𝐴

ce qui correspond à

(3.13)
1
𝑍 = 0.66𝐴 3

Càd que pour 𝑍 = 20, 𝐴 serait de l’ordre de 28 ce qui est en totale contradiction
avec expérience. L’expression de 𝐵(𝑍, 𝐴) proposée est insuffisante. Il faut donc
chercher d’autres termes correctifs.

3.4 Le terme d’asymétrie (𝐵𝑎 )

On constate que les noyaux légers ( 𝐴 < 40 ) sont stables si 𝑁 est égal à 𝑍. Au
fur est à mesure que 𝑍 augmente 𝑁 augmente plus vite atteignant des rapports
de l’ordre de 1.5 pour les noyaux lourds.
Pour tenir compte de ces données on introduit un quatrième terme appelé terme
d’asymétrie qui, contrairement aux trois premiers termes de natures classiques,
est de nature quantique.
Pour construire ce terme on procède par analogie avec les propriétés thermo-
dynamiques d’un liquide : L’énergie est proportionnelle à la composition de ce
dernier. Le terme 𝐵𝑎 doit :

– dépendre de 𝐴 ;

– dépendre de 𝑍 et de 𝑁 ;

– être minimal si 𝑁 = 𝑍 ;

– décrire de la même façon l’excès de proton et l’excès de neutron ;

– être symétrique en 𝑁 et en 𝑍.
En définitive :

(𝑁 − 𝑍)2
𝐵𝑎 = −𝑎𝑎 𝐴 (3.14)
(𝑁 + 𝑍)2

8
𝑎𝑎 est une constante empirique qui sera déterminée par ajustement sur les valeurs
expérimentales.
Le terme (𝑁 + 𝑍)2 est un facteur de normalisation introduit de sorte que les
ordres de grandeurs de 𝐵𝑎 soient cohérents avec les trois premiers termes.
Le terme 𝐵𝑎 est affecté du signe moins car il contribue à la déstabilisation du
noyau occasionnée par l’asymétrie 𝑁 − 𝑍 en ce sens qu’au delà d’une certaine
limite, les neutrons cessent d’être des agents stabilisateurs.
Le noyau le plus stable au sein d’une chaîne isobarique correspondra maintenant
à
𝐴
𝑍Stable = 2 (3.15)
1.98 + 0.0155𝐴 3
Relation en bon accord avec expérience.

3.4.1 Modèle du gaz de Fermi

Considérons 𝑛 fermions enfermés dans un volume Ω en équilibre avec un thermo-


stat à la température T. La probabilité 𝜋(𝐸𝑐 ) pour qu’un état d’énergie cinétique
𝐸𝑐 soit occupé par un fermion de ce système est

𝐸𝑐 − 𝐸𝐹 −1
𝜋(𝐸𝑐 ) = [1 + exp ( )] (3.16)
𝑘𝑇
où 𝑘 est la constante de Boltzmann et où 𝐸𝐹 est l’énergie de Fermi du système
que l’on exprime en fonction de l’impulsion de Fermi comme1
𝑝𝐹2
𝐸𝐹 = (3.17)
2𝑚

On définit la longueur d’onde thermique 𝜆𝑇 associée aux fermion comme



𝜆𝑇 = √ (3.18)
2𝑚𝑘𝑇
et on dira que l’on est en présence d’un gaz de FERMI dégénéré lorsque 𝐸𝐹 ≫ 𝑘𝑇
c’est à dire, si 𝜔 est le nombre de fermions par unité de volume,

𝜔𝜆3𝑇 ≫ 1 (3.19)

En d’autres termes, un gaz de Fermi est dégénéré lorsque la distance moyenne


entre ses constituants est très inférieure a leur longueur d’onde thermique : il

9
s’agit donc d’un système de fermions pour lequel un traitement quantique est
essentiel. Dans la suite on se placera dans ce cas.

3.4.1.1 Impulsion de Fermi

Espace des phases


L’espace des phases est le produit de l’espace ordinaire par l’espace des quantités
de mouvement, 𝑝.⃗ Dans l’espace ordinaire un élément de volume d𝑉 s’écrit en
coordonnées cartésiennes

d𝑉 = d𝑥 d𝑦 d𝑧 (3.20)
et en coordonnées sphériques :
d𝑉 = d𝑟 ⃗ = 𝑟2 d𝑟 sin 𝜃d𝜃 d𝜑 (3.21)
Si l’on ne s’intéresse pas à la direction de 𝑟,⃗ l’intégration sur l’angle solide fournit
:
d𝑉 = 4𝜋𝑟2 d𝑟 (3.22)
Dans les mêmes conditions, un élément de volume dans l’espace des impulsions
sera donné par :
d𝑝⃗ = 4𝜋𝑝2 d𝑝 (3.23)

Pour retrouver le volume élémentaire dans l’espace des phases, c’est-à-dire le volume
occupé par particule dans cet espace, il suffit d’invoquer les relations de Heisenberg,

Δ𝑝𝑥 Δ𝑥 ≥ ℏ (3.24)
Δ𝑝𝑦 Δ𝑦 ≥ ℏ (3.25)
Δ𝑝𝑧 Δ𝑧 ≥ ℏ (3.26)

Le volume d’une cellule élémentaire dans l’espace des phases est ℎ3 .

Dans un volume Ω le nombre de cellules d𝜈 susceptibles de contenir une particule


d’impulsion comprise entre 𝑝 et 𝑝 + d𝑝 (sans référence à l’orientation de 𝑝)⃗ est
donné par :
Ω
d𝜈 = 3
4𝜋𝑝2 d𝑝 (3.27)

10
Dans le cas d’un gaz de fermions de spin 𝑠 = 1/2, (𝑔𝑠 = (2𝑠 + 1) = 2), au zéro
absolu, on peut mettre deux particules par cellule pour 𝑝 < 𝑝𝐹 et les cellules
sont vides pour 𝑝 > 𝑝𝐹 . D’où :
𝑝𝐹 𝑝𝐹
Ω
𝑛 = ∫ 𝑔𝑠 d𝜈 = ∫ 2 4𝜋𝑝2 d𝑝 (3.28)
ℎ3
0 0

On n’en déduit les expressions de 𝑝𝐹 et de 𝐸𝐹 en fonction de 𝑛,


1 1
3𝑛 3 3𝜋2 𝑛 3
𝑝𝐹 = ℎ ( ) = ℏ( ) (3.29)
8𝜋Ω Ω
2
ℏ2 3𝜋2 𝑛 3
𝐸𝐹 = ( ) (3.30)
2𝑚 Ω

3.4.1.2 Énergie de Fermi des nucléons

On considérera le système nucléaire comme deux gaz de Fermi dégénérés, un gaz


de 𝑍 protons et un gaz de 𝑁 neutrons enfermés dans le même volume Ω = 43 𝜋𝑟03 𝐴,
𝐴 = 𝑍 + 𝑁 étant le nombre de masse du noyau.
D’après ce qui précède,
2 2
ℏ2 3𝜋2 𝑁 3 ℏ2 3𝜋2 𝑍 3
𝐸𝐹 (𝑛) = ( ) et 𝐸𝐹 (𝑝) = ( ) (3.31)
2𝑀𝑛 Ω 2𝑀𝑝 Ω

où 𝑀𝑛 et 𝑀𝑝 désignent, respectivement, les masses du proton et du neutron.


On admettra que 𝑀𝑛 ≃ 𝑀𝑝 = 𝑀.
Considérons à présent les noyaux symétriques ou quasi-symétriques (𝑁 ≃ 𝑍 ≃
𝐴 ). On peut facilement vérifier que
2

𝐸𝐹 (𝑛) ≃ 𝐸𝐹 (𝑝) ≃ 37 𝑀 𝑒𝑉 (3.32)

Soit 𝑇 (𝑁 ) l’énergie cinétique de l’ensemble des neutrons du noyau :


𝑝𝐹 𝑝𝐹
𝑁
𝑝2 𝑝2 2Ω
𝑇 (𝑁 ) = ∑ 𝑇𝑗 = ∫ d𝜈𝑁 = ∫ 3
4𝜋𝑝2 d𝑝 = 35 𝑁 𝐸𝐹 (𝑛) (3.33)
𝑗=0
2𝑀 2𝑀 ℎ
0 0

En considérant l’ensemble des 𝐴 nucléons on obtient :


𝐴
𝑇 (𝐴) = ∑ 𝑇𝑗 = 35 𝑁 𝐸𝐹 (𝑛) + 35 𝑍𝐸𝐹 (𝑝) (3.34)
𝑗=0

11
d’où l’énergie cinétique moyenne par nucléon pour les noyaux symétrique ou
quasi-symétrique :
𝑇 (𝐴)
𝐴 ≃ 3 𝐴𝐸𝐹
5 𝐴 ≃ 35 𝐸𝐹 ≃ 22 MeV (3.35)

3.4.1.3 Énergie d’asymétrie

Si on se limitait aux trois premiers termes de l’expression de l’énergie de liaison,


celle-ci serait maximale si 𝑍 = 0 ! Le noyau serait formé essentiellement de
neutrons. Évidemment de tels noyaux n’existent pas.
S’il n’en est pas ainsi, c’est que nous avons négligé d’une part quelques aspects
particuliers de l’interaction nucléon-nucléon et, d’autre part, la nature quantique
de la matière nucléaire.
Ces éléments permettront de rendre compte de la tendance naturelle que les
noyaux ont à se construite avec 𝑁 = 𝑍. Ils s’en ont écarté suite à l’émergence
de la répulsion coulombienne à l’origine de l’excès de neutrons.
Si l’on considère la stabilité d’un noyau symétrique (𝑁 = 𝑍) comme référence,
quelle serait la stabilité des isobares voisins pour lesquels |𝑁 ′ − 𝑍 ′ | = 𝜖 > 0 ?
Pour cela considérons un noyau 𝐴 𝑍
X.
Chaque nucléon à l’intérieur du noyau
possède une énergie cinétique 𝑇 et
une énergie potentielle 𝑊. Plus 𝑇
est grande, plus 𝑊 doit être grande
en valeur absolue mais négative de
sorte à retenir le nucléon à l’intérieur
du noyau.
Dans le cadre du modèle de gaz de
Fermi, le noyau est représenté par
un puits de potentiel où les nucléons
sont déposés sur des niveaux d’éner-
gies : Les nucléons qui possèdent la
plus grande, 𝐸𝐹 = 37 MeV occu-
pent le niveau de Fermi. Pour les Figure 3.2 Puits de potentiel décrivant
empêcher de sortir du puits, il faut un noyau symétrique dans le cadre du modèle
que sa profondeur 𝑉0 soit inférieure du gaz de Fermi
à −37 MeV.
La courbe 𝐵/𝐴 en fonction de 𝐴 montre que l’énergie de liaison d’un nucléon
est de l’ordre de 8 MeV.
Donc la profondeur du puits doit être augmentée de ∼ 8 MeV :

12
𝑉0 = (−𝐸𝐹 + 𝑆) ≃ −45 Mev (3.36)

L’isobare le plus stable sera celui qui aura l’énergie total la plus faible. Cela
revient à minimiser 𝑇 et à maximiser 𝑊.
Pour un isobare donné, l’énergie cinétique est minimale, lorsque protons et neu-
trons occupent de la même façon le fond du puits de potentiel. Cela est réalisé
lorsque 𝑁 = 𝑍 = 𝐴 2.
En effet, si on pose 𝜖 = 𝑁 − 𝑍, l’expression (3.34) devient
3 𝜖 53 𝜖 53
𝑇 (𝐴) = 𝐸𝐹 𝐴 [(1 + ) + (1 − ) ] (3.37)
10 𝐴 𝐴
où 𝐸𝑝 est l’énergie de Fermi calculée pour 𝑁 = 𝑍. En développant 𝑇 (𝐴) au
deuxième ordre en puissances de 𝜖/𝐴 :
3 5 2 1 𝜖 2
𝑇 (𝐴) = 𝐸𝐹 𝐴 [2 + 0 + 2 ⋅ ⋅ ⋅ ( ) + ⋯] (3.38)
10 3 3 2! 𝐴
3 1 (𝑁 − 𝑍)2
= 𝐸𝐹 𝐴 + 𝐸𝐹 +⋯ (3.39)
5 3 𝐴
On retrouve que l’énergie cinétique est minimale pour 𝑁 = 𝑍. Le terme d’asymétrie2
est la différence entre les énergies cinétiques 𝑇 (𝐴)𝑁=𝑍 du noyau symétrique et
𝑇 (𝐴)𝑁≠𝑍

1 (𝑁 − 𝑍)2 (𝑁 − 𝑍)2
𝑇 (𝐴)𝑁=𝑍 − 𝑇 (𝐴)𝑁≠𝑍 = 𝐸𝐹 ≃ 12 MeV (3.40)
3 𝐴 𝐴
3.5 Le terme d’appariement

L’observation précise des données expérimentales montre que l’énergie de liai-


son par nucléon est systématiquement légèrement plus grande pour les noyaux
pair-pair que pour les noyaux impairs. Les noyaux pair-pair sont donc toujours
légèrement plus stables que les noyaux impairs proches. Ceci se traduit par
les proportions relatives de noyaux pair-pair, impair-impair et impairs observées
dans la nature. Sur 274 noyaux stables, les proportions sont les suivantes :
≃ 60.2% de noyaux pair-pair, ≃ 38.3% de noyaux impairs et ≃ 1.5% de noyaux
impair-impair.

𝐴 𝑍 𝑁 Type Stable + Stabilité Nbre d’isotopes


Longue stables par élément
période

2 En toute rigueur, on devrait parler du terme cinétique d’asymétrie

13
Pair Pair Pair P-P 166+11= 177 Très prononcée Plusieurs (2 à 3)
Impair Pair Impair I-P 55 + 3 = 58 Moyenne 1
Impair Impair Pair P-I 51+3 = 54 Moyenne 1
Pair Impair Impair I-I 6+4 = 10 Faible 0

Les premiers noyaux I-I stables sont 2 H, 6 Li, 10 B et 14 N. Ils sont en dehors de
la zone de validité du modelé de la goutte liquide. Il existe un cinquième noyau,
le 180 Tl, qui constitue un cas particulier.
Pour tenir compte de ces effets d’appariement on introduit un cinquième terme
𝐵𝑝 , le terme d’appariement :

{ +𝛿 pour les noyaux P-P



𝐵𝑝 = ⎨ 0 pour les noyaux P-I ou les noyaux I-P (3.41)
⎩ −𝛿 pour les noyaux I-I
{

1
La valeur adoptée pour 𝛿 (Bohr et Mottelson, 1969) est 𝑎𝑝 𝐴− 2 MeV où 𝑎𝑝 ∼ 12
MeV. En tenant compte des cinq termes, la formule semi empirique de Bethe-
Weizsäcker s’écrit :
𝑍(𝑍 − 1)
𝑀 (𝑍, 𝐴)𝑐2 = 𝑍𝑚𝑝 𝑐2 + 𝑁 𝑚𝑛 𝑐2 − 𝑎𝑣 𝐴 + 𝑎𝑠 𝐴2/3 + 𝑎𝑐 + (3.42)
𝐴1/3
{ +𝛿 (P-P)
𝐴 − 2𝑍 ⎧
+ 𝑎𝑎 + ⎨0 (P-I) ou (I-P)
𝐴 {
⎩ −𝛿 (I-I)

14
Figure 3.3 Comparaison des énergies de liaison par nucléon expéri-
mentales (points) et des valeurs obtenues à partir de la formule em-
pirique dans le cas de noyaux pair-pair stables

Il existe plusieurs combinaisons possibles


des constantes 𝑎𝑖 qui reproduisent, plus
ou moins correctement, les masses me-
surées expérimentalement. Citons à titre
d’exemple :

𝑎𝑣 = 15.409 ± 0.026 MeV


𝑎𝑠 = 16.873 ± 0.080 MeV
𝑎𝑐 = 0.695 ± 0.002 MeV (3.43)
𝑎𝑎 = 22.435 ± 0.065 MeV
𝑎𝑝 = 11.155 ± 0.864 MeV Figure 3.4 Contribution des dif-
férents termes à l’énergie de liaison

15

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