Vous êtes sur la page 1sur 5

Alternatives Managériales Economiques

E-ISSN : 2665-7511
https://revues.imist.ma/?journal=AME

GUEYE / Revue AME Vol 5, No 1 (Janvier, 2023) 260-280

Impact de la dynamique entrepreneuriale sur la croissance économique :


Rôle médiateur du capital social, GUEYE, T. N.1

1. Enseignant-Chercheur, Faculté des Sciences Economiques et Sociales, Université Assane SECK


de Ziguinchor-Sénégal, tn.g@univ-zig.sn

Date de soumission : 10/08/2022 Date d’acceptation : 28/01/2023

Résumé :

L’entrepreneuriat a un fort potentiel dans l’économie. La dynamique entrepreneuriale crée des


perspectives d’opportunités à partir des innovations et réseaux de relations sociales que
développent les entrepreneurs. Ces réseaux font le capital social. Ainsi, il devient essentiel de
comprendre dans quelle mesure le capital social affecte la dynamique entrepreneuriale afin que
celle-ci devienne un véritable moteur de croissance économique.

L’objectif de cette étude est d’analyser le rôle du capital social sur les effets de la dynamique
entrepreneuriale sur la croissance économique de 26 pays en développement sur la période 2007-
2020 à partir de deux modèles d’estimation de données de panel dynamique.

Les résultats du premier modèle indiquent que la dynamique entrepreneuriale a un effet


significatif, à la fois, direct positif sur la croissance (0,29 point) et indirect par l’intermédiaire de
l’ouverture commerciale, du développement financier et du contrôle de corruption. Dans le
second modèle, le capital social, par ses composantes, affecte directement la dynamique
entrepreneuriale et contribue significativement à renforcer l’impact de celle-ci sur la croissance
économique à long terme. Dans ce processus, la dynamique entrepreneuriale et les différentiels
de développement entre pays se justifient par le niveau de disponibilité des opportunités de gain
et la densité du capital social.

Mots- clés : Dynamique entrepreneuriale, croissance économique, capital social, pays en


développement, données de panel dynamique.

Revue ame, Vol 5, No 1 (Janvier, 2023) 260-280 Page 260


Impact of entrepreneurial dynamics on economic growth: The mediating
role of social capital

Abstract:

Entrepreneurship has great potential in the economy. The entrepreneurial dynamic creates
opportunities from the innovations and networks of social relationships that entrepreneurs
develop. These networks make up social capital. Thus, it becomes essential to understand to what
extent social capital affects the entrepreneurial dynamic so that it becomes a true engine of
economic growth.

The objective of this study is to analyze the role of social capital on the effects of entrepreneurial
dynamics on economic growth in 26 developing countries over the 2007-2020 period using two
dynamic panel data estimation models.

The results of the first model indicate that entrepreneurial dynamics have a significant effect,
both directly positive on growth (0.29 points) and indirectly through trade openness, financial
development, and corruption control. In the second model, social capital, through its
components, directly affects the entrepreneurial dynamic and contributes significantly to
strengthening its impact on long-term economic growth. In this process, entrepreneurial
dynamics and development differentials between countries are justified by the level of availability
of earning opportunities and the density of social capital.

Key words: Entrepreneurial dynamics, economic growth, social capital, developing countries,
dynamic panel data.

Revue ame, Vol 5, No 1 (Janvier, 2023) 260-280 Page 261


Introduction :

Le contexte économique d’aujourd’hui est marqué par une économie fondée sur les
connaissances stimulées par les technologies et l’évolution rapide des marchés. Ainsi, les
interrelations entre le savoir, l’innovation et le développement économique repositionnent le
débat et la recherche sur la théorie de l’entrepreneur. L’entrepreneuriat implique la création de
nouvelles organisations (Gartner, 1988) et de nouvelles activités économiques (Davidsson et al.,
2006 ; Schumpeter, 1942) et le progrès pour le gain. Il constitue un mécanisme qui permet de
stimuler des flux de connaissances. C’est dans ce sens que les théoriciens de la diffusion des
connaissances (Grossman et Helpman, 1991 ; Romer, 1990) considèrent l’entrepreneuriat comme
un instrument clé de l’innovation et de la croissance économique. Plusieurs travaux scientifiques
approuvent l’existence d’un lien positif et significatif entre la dynamique entrepreneuriale et la
croissance économique (Acs et al., 2018 ; Bosma et al., 2018 ; Lepojevic et al., 2016).

L’accroissement du nombre d’entrepreneurs dans la population active conduit à une baisse du


taux de chômage (Audretsch et Thurik 2000) et entraîne une augmentation de la croissance
économique dans le long terme (Schmitz 1989). Cependant, d’autres recherches montrent que la
dynamique entrepreneuriale affecte négativement la croissance des pays en développement
(Sautet, 2013). Par ailleurs, les risques et les incertitudes du marché font que les options et les
conséquences des opportunités entrepreneuriales sont difficiles à saisir.

Pour Doh et Zolnik (2011), la relation complexe impliquant la découverte, l’évaluation et


l’exploitation des opportunités entrepreneuriales, repositionne le rôle du facteur capital social
chez l’entrepreneur en tant que système de relations sociales. En effet, la contribution du capital
social à l’entrepreneuriat réside sur les connaissances qui peuvent être mobilisées à travers les
réseaux de relations sociales grâce à la confiance mutuelle et aux normes de réciprocité (Galbraith
et al., 2007).

Parallèlement, les recherches théoriques d’Aldrich et Martinez (2003) et d’Audretsch et Keilbach


(2004) soutiennent que les réseaux de relations sociales constituent une ressource importante
dans la dynamique entrepreneuriale car ils facilitent l’action économique et permettent aux
entrepreneurs d’élargir leur champ d’action, d’économiser leurs moyens et d’accéder à des
ressources et opportunités exclusives. Par contre, certains travaux empiriques considèrent que le
lien positif entre le capital social et l’entrepreneuriat est limité à un certain seuil, c’est-à-dire trop
de capital social pourrait constituer une source d’exclusion (Aldrich et Kim, 2007) Les relations
sociales peuvent créer des opportunités et des moyens destinés à nourrir des actions malfaisantes
et des conflits (Pantoja, 1999). En effet, Crow (2004) considère même que le capital social pourrait
affaiblir significativement l’esprit entrepreneurial lorsque dans une même organisation, un
groupe dominant empêche l’accès à ses subordonnés à certaines connaissances, informations et
influences dont ils ont droit.

Par ailleurs, dans les économies développées, le capital social joue un rôle très intense dans la
dynamique entrepreneuriale car l’entrepreneuriat d’opportunité contribue potentiellement au
développement économique (Cullen et al., 2014). Cependant, dans les économies pauvres,

Revue ame, Vol 5, No 1 (Janvier, 2023) 260-280 Page 262


l’entrepreneuriat de nécessité est une source de revenus pour les personnes exclues du marché
du travail en raison de leur origine ethnique, de leur sexe, de leur classe sociale, de leur âge ou
de leur manque de compétences (Naudé, 2011). Toutefois, une question fondamentale reste en
suspens, c’est-à-dire dans quelle mesure et comment le capital social affecte l’influence de la
dynamique entrepreneuriale sur la croissance économique des pays en développement ?

L’objectif de cet article est d’examiner l’influence du capital social sur la dynamique
entrepreneuriale, étant donné cette dernière se positionne comme une condition nécessaire au
développement économique. Pour ce faire, nous empruntons au préalable un raisonnement
hypothético-déductive qui s’appuie sur des propositions hypothétiques pour en déduire des
conséquences logiques. Empiriquement, cela se traduit par l’utilisation d’une méthodologie
quantitative de données de panel dynamique afin d’analyser les relations entre la dynamique
entrepreneuriale, la croissance économique et le capital sociale d’un panel de 26 pays en
développement et sur la période 2007-2020. Toutefois, la théorie de l’entrepreneur
s’accommode plus aux exigences de la théorie du progrès technique dans la mesure où elle
explique la croissance économique par l’intensité de l’activité entrepreneuriale sur le marché.

La suite de l’article est organisée en trois sections. La section 01 présente la revue de la littérature
sur les liens entre le capital social, la dynamique entrepreneuriale et la croissance économique et
les hypothèses de recherches. Puis, la section 02 décrit les données et présente la démarche
méthodologique et la spécification des modèles d’estimation. Ensuite, la section 03 présente les
résultats empiriques suivis de discussions. A la fin de l’article, nous concluons par un résumé des
enseignements tirés et les implications de politique économique qui siéent.

1. Relations entre la dynamique entrepreneuriale, croissance économique et le capital


social : revue de la littérature et hypothèses
1.1. La dynamique entrepreneuriale et la croissance économique

Le débat sur l’entrepreneuriat remonte de la première révolution industrielle, cependant, c’est


relativement récent qu’il est considéré comme un champ de recherche académique (Boutillier,
2015). Aujourd’hui, La théorie de l’entrepreneur est plus orientée sur « l’entrepreneuriat
schumpétérien ». Pour Audretsch et al., (2006) l’entrepreneuriat est une action, un processus ou
une activité qui implique le démarrage et la croissance d’une nouvelle entreprise. Ainsi,
l’entrepreneur est l’individu qui prend des risques (Knight, 1973), propose une innovation de
produit ou de procédé (Schumpeter, 1935) et exploite les déséquilibres de prix (Kirzner, 1973). La
conséquence de cette définition conduit à soutenir que l’entrepreneur est à la recherche de
nouvelles opportunités de gain pouvant entrainer une augmentation de la production.

Toutefois, il est important de rappeler que la théorie de l’entrepreneur est initialement construite
pour expliquer le progrès technique. Alors que, la fonction de production 𝑌 = 𝑓(𝐾, 𝐿) (où 𝐾 est
le facteur capital et 𝐿 le facteur travail) est taillée sur mesure pour évaluer le PIB et non le progrès
technique qui est plus qualitatif que quantitatif (Facchini, 2016, 2007). Donc, comment
comprendre que les travaux récents soient davantage orientés vers l’analyse de la contribution
de l’entrepreneur à la croissance économique. La raison est que les « économistes de la

Revue ame, Vol 5, No 1 (Janvier, 2023) 260-280 Page 263


transition1 » comme Marx, Schumpeter, Coase, en construisant une passerelle entre la théorie de
l’entrepreneuriat et les théories quantitatives de croissance économique, ont développé une
approche théorique plus fine et plus juste du processus liant la croissance et le progrès technique.
Ce lien entre « innovation », « entrepreneur » et « croissance économique » peut être appréhendé
lorsque des entrepreneurs arrivent grouper dans un marché porteur (Schumpeter, 1935, p. 331).

Selon Schumpeter (1942) l’entrepreneur est le moteur de l’économie. En effet, il constitue un


processus « destruction/créatrice » car, étant donné l’innovation est la pièce centrale de
l’entrepreneuriat, on ne peut pas parler de créer de nouvelles choses sans pour autant en détruire
de vieilles. L’entrepreneur est le génie de la croissance et du progrès économique (Facchinni,
2007). Il doit être vigilant pour détecter, puis exploiter les opportunités qui peuvent se présenter.
C’est cette « vigilance entrepreneuriale » qui fait que l’entrepreneur ne peut pas avoir une place
dans un marché à concurrence pure et parfaite (Kirzner, 2005). Plusieurs autres travaux
empiriques ont mis en évidence l’existence d’un lien direct ou indirect entre l’entrepreneur et la
croissance économique. Sur la base de leurs discussions, nous émettons notre première
hypothèse :

H1 : la dynamique entrepreneuriale a un impact positif et statistiquement significatif sur


la croissance économique.

En utilisant la fonction de production de Romer, Castano-Martinez et al. (2015) trouvent une


corrélation positive entre la dynamique entrepreneuriale et la croissance économique. Les
résultats empiriques de (Khalilov et Yi, 2021 ; Acs et al., 2018 ; Bosma et al., 2018 ; Lepojevic et
al., 2016) montrent que la dynamique entrepreneuriale a un effet positif et significatif sur la
croissance économique. Contrairement aux travaux de Sautet (2013) qui considèrent que la
dynamique entrepreneuriale affecte négativement la croissance économique des pays en
développement. Ces discussions nous amènent à considérer que la dynamique entrepreneuriale
et de croissance économique s’entretiennent mutuellement. Cela nous conduit à notre hypothèse
suivante :

H2 : Il existe une relation bidirectionnelle et positive entre la dynamique entrepreneuriale


et la croissance économique.

Selon Dejardins (2000), plus d’entrepreneurs implique plus de croissance économique, qui à son
tour crée de nouvelles opportunités de profit pour les entrepreneurs. En effet, ces opportunités
de profit vont permettre de financer la création de nouvelles entreprises. Autrement dit, la seule
prise en compte de l’impact de la décision même sur les rémunérations attendues permet de
lever tout équivoque sur l’endogénéité des phénomènes de croissance économique et de
dynamique entrepreneuriale. Par conséquent, en stimulant la croissance, l’activité
entrepreneuriale affecte l’économie dans son ensemble.

1
Une économie de transition est un passage d’un système économique anciennement planifié et étatique vers un
système capitaliste d’économie de marché.

Revue ame, Vol 5, No 1 (Janvier, 2023) 260-280 Page 264

Vous aimerez peut-être aussi