Vous êtes sur la page 1sur 4

Slide 3 Métaphore usuelle vs nouvelle (conventionnelle vs vive) 1m30

Il est traditionnel de dire que la métaphore a un potentiel imaginaire. A ce propos, je voudrais


remarquer, que si je lis “Pierre est un lion”, je ne vais pas imaginer un lion. Par contre si je lis “Pierre
est une chaise posée sur la table”, je vais bien être forcée d’imaginer une chaise posée sur la table. Le
premier exemple, “Pierre est un lion”, est ce qu’on appelle la métaphore usuelle. Le deuxième
exemple, qui est bien plus opaque, “Pierre est une chaise posée sur la table”: c’est la métaphore
nouvelle ou créative, ou métaphore vive.

Selon la TBS, la métaphore usuelle, “Pierre est un lion”, n’est pas une métaphore du tout. En effet, le
processus imaginaire n’est pas déclenché parce que le système de la langue est ici autosuffisant, il
nous guide droit au sens de “Pierre est un lion”.

C’est la métaphore nouvelle qui provoque donc des effets imaginaires.

Que faire avec “Pierre est une chaise posée sur la table” ? On dirait que la rupture avec le système de
la langue est opérée, et nous y sommes éjectées : ce qui suit est donc pas du tout linguistique ? Ma
réponse est que ce qui suit est en effet une expulsion du sujet (du faisceau de son attention conscient)
envers un autre module cognitif. Mais que la linguistique pourrait et devrait se positionner par rapport
à cette éjection, y compris une théorie non-référentialiste comme la TBS.

Slide 4 Exemple du mot mur dans la TBS : métaphore usuelle 1 m = 2m30

Rappelons de l’aspect qui appartient à la signification du mot mur : l'emploi du mot mur pose l’idée
d’une séparation et présuppose l’idée de la proximité ou raison qu’il devrait y avoir une
communication. L’aspect est noté comme RAISON DE COMMUNIQUER PT SÉPARATION.
Ainsi il est prévisible que “Il y a un mur entre Pierre et son fils” soit facilement saisissable. Il
ne s’agit pas d’un emploi métaphorique du mot mur, mais d’un emploi prévu par sa signification : il y
a une raison de communiquer entre Pierre et son fils, pourtant ils ne communiquent pas. Le groupe
nominal “Pierre et son fils” évoque la parenté, donc la raison de communiquer entre les deux.
C’est ceci qui est nommé métaphore usuelle par d’autres courants.
C’est ceci qui n’est pas métaphore pour nous.

Slide 5 Exemple du mot mur dans la TBS : incongruité ou métaphore nouvelle 1m30 = 4m

1. Il y a un mur entre les recherches françaises et japonaises.

2. Il y a un fossé entre les recherches françaises et japonaises.

Considérons les deux énoncés suivants, (1) et (2).


Carel note qu’il y a une sorte d’incongruité pour l’énoncé (1), qui n’existe pas pour l’énoncé (2). Cette
incongruité est prévisible maintenant qu’on sait que la signification du mot mur contient l’aspect
RAISON DE COMMUNIQUER PT SÉPARATION.
Linguistiquement, entre le Japon et la Russie il n’y a pas de parenté. Une fois qu’on a épuisé toutes les
possibilité d’une éventuelle parenté présente linguistiquement (la parenté est imposé par l’emploi du
mot mur), nous sommes éjectés du système de la langue.
Nous imaginerons le Japon et la Russie, nous chercherons dans nos connaissances sur le monde,
jusqu’à ce que nous ne puiserons dans notre souvenir de la carte du monde : le Japon et la Russie sont
proches géographiquement.

Je dirai que cette incongruité est une métaphore nouvelle aussi. Elle l’est d’une manière bien plus
subtile que “Pierre est une chaise posée sur la table”. Nous reviendrons à l’analyse de cet exemple
après la présentation de notre hypothèse.

Slide 6 L’aspect argumentatif IO 4 m = 8m

Il est temps donc de décrire notre hypothèse.

Selon la conception structuraliste, la langue fonctionne en tant que module indépendant, ou en tout cas
nettement séparé d’autres modules cognitifs. La TBS est en accord avec cette idée : les mots renvoient
aux mots, les mots peuvent être expliqués par d’autres mots, entrelacements de mots, paraphrases. Il
n’y pas besoin ni d’un métalangage ni des références au monde afin d'expliquer des phénomènes
linguistiques, des règles d’emplois de mots pleins ou mots argumentatifs par excellence. Tout est
prédicat au sein du système de la langue. Des prédicats fusionnent en nouveaux prédicats atomiques,
ainsi la langue s’affine et le sens qu’elle permet d'exprimer est de plus en plus exact.
N’étant pas référentialistes, il faudrait tout de même aborder le sujet qui a un rapport avec ce
qui est communément appelé référence. Ceci pour plusieurs raisons, entre autre :

1) Il est possible d’acquérir les nouveaux termes de la langue par un moyen métalinguistique (“un mur
est un cloison”), par l’usage (si on entend des emplois de type “Il y a un mur entre Pierre et Jean, ils
ne pourront jamais se réconcilier”). Mais il est également possible pour un nouveau terme de se créer
par un moyen référentiel (C’est quoi maman ? Ça c’est un mur).

2) L’énoncé “Imagine un mur” peut évoquer une image d’un mur.

3) Si je vous apprendre que le mot glauque (communément connu en français moderne comme
synonyme aux termes triste, effrayant) signifiait originellement la couleur bleue pâle et la signifie
encore pour certains groupes de locuteurs (ceci est une information fausse à des fins démonstratifs),
vos instances de la structure du mot glauque en seront affecté de ce nouvel élément d’information. Le
terme glauque deviendra structurellement un terme dit concret. Son emploi s'accompagnera d’une
sensation d'exactitude. Ceci est subjectif, mais il est vrai qu’il plus facile de dire “je sais exactement
ce que X veut dire” pour un terme concret vs abstrait.

Quel est l’élément de la structure de la signification qui correspond à ce geste référentiel ou


cette “sensation d'exactitude de sens”, ou encore ce potentiel imagé, qui accompagnent les mots dits
concrets ?
Il devrait y avoir une sorte de passerelle. Quelque chose qui correspond aux parties du
système de la langue en lien avec un autre système cognitif. Il s’agit d'une sorte d'interface
entrée/sortie (input output) entre le système de la langue et un autre (d’autres) système(s) cognitif(s).
Et si nous sommes fidèles à la TBS et aux théories d’argumentation dans la langue, cet élément
interstitiel aurait une forme d’un aspect argumentatif. Comme tout élément de la signification. Nous
ne savons pas encore à quoi ressemble cet aspect, mais nous insistons sur notre intuition de l’existence
d’un tel aspect. Nous l’appelerons l’aspect IO.
Slide 7 L’aspect argumentatif IO - Schéma 1m = 9m

Regardons le schéma. L’aspect IO pourrait ressembler à cela. L’aspect IO serait PERCEVOIR


X DC NOMMER X, un aspect à la fonction dénominative qui servirait de liaison entre les termes de
la langue et un autre système cognitif. En tant que linguistes, nous nous occupons pas d’autres
systèmes cognitifs. Nous nous intéressons seulement à l'aspect argumentatif IO. Notre proposition de
sa forme est approximative : afin de la chercher, il faudrait analyser le verbe percevoir, nommer ou
d’autres candidats constitutifs (être, exister, imaginer).

Slide 8 L’aspect argumentatif IO - Exemple de l'apprentissage progressif du mot mur 1m30 =


10m30

Illustrons ceci.
Selon cette conception, quand l’enfant apprend le mot mur par un moyen référentiel (C’est quoi
maman ? Ça c’est un mur), son instance de la signification mur n’en est pas moins argumentatif, elle
ressemble à cela :

Mur

PERCEVOIR X=Mur DC NOMMER X=Mur

Grâce à cette signification (limitée) il saura produire des phrases comme “Ceci est un mur”, “Imagine
un mur”.
Une fois que l’enfant sera exposé à toute la plénitude d’emplois du mot mur, son instance de la
signification du mot mur va se compléter :

Mur

PERCEVOIR X ou X=Mur DC NOMMER X ou X=Mur

RAISON DE COMMUNIQUER PT SÉPARATION

Il va donc aussi pouvoir dire “Il y a un mur entre nous”.

Slide 9 Court-circuit linguistique

Ayant posé une conception (approximative) de l’aspect IO, nous pouvons maintenant donner une
définition à ce que j'appelle un court-circuit linguistique. Il est possible et même fréquent de se servir
du système de la langue sans recourir à l’aspect IO, ou plutôt sans que l’aspect IO soit mobilisé, mis
en arrière de plus en plus, même quand il s’agit des énoncés qui ont pour vocation de désigner,
comme “ceci est un mur”.

En temps normal, la conscience du locuteur ou du récepteur boucle au sein du système de la


langue sans la possibilité ni nécessité de faire la liaison avec un autre système cognitif, l’aspect IO ne
se déployant pas pour des raisons de l’économie cognitive. Il aurait été trop coûteux pour le cerveau
de solliciter pleinement l’aspect IO à chaque occurrence d’un terme dit concret.
Par manque de temps, je ne peux pas expliciter des études en neuro-sémantique qui semblent
fortement suggérer mon dernier constat. Je dirai rapidement qu’il s’agit des études qui utilisent des
potentiels évoqués. Et que notre hypothèse se rapporte au phénomène de la saturation sémantique, et
même de la saturation pragmatique.

Slide 10 Un mur entre recherches russes et japonaises

Revenons à cet exemple :

(1) Il y a un mur entre les recherches françaises et japonaises.

(2) Les chercheurs russes et japonais ont une raison de collaborer POURTANT ils ne collaborent pas.

Le prédicat RAISON DE COMMUNIQUER PT NEG COMMUNIQUER est en collision avec le


sujet. Les noms propres Russie et Japon finissent par provoquer une éjection du système de la langue
par moyen de l’actualisation de l’aspect IO. L’objectif est atteint, le court-circuit linguistique est
rompu.

Un acte métalinguistique est accompli.

Slide 11 Conclusion

Il n’est pas en effet évident de réactualiser l’aspect IO lors de la situation de la pure parole.
L'incongruité sémantique (dont la métaphore nouvelle est peut être un synonyme exact), pourrait être
considérée comme un acte de langage de nature métalinguistique, une stratégie énonciative dont le but
est de pallier l’éventuel court-circuit linguistique. Ceci a des fins persuasives : car qu’est-ce qui peut
être plus persuasif qu’un recours aux émotions, à la mémoire imagée chez l’interlocuteur.

Vous aimerez peut-être aussi