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L'ÉCOLE

De l’éducation de son peuple dépend le destin d’un pays. (Disraeli)

RECUEIL DE TEXTES
Pratique d’examen FRANÇAIS, 5e SECONDAIRE

NOM DE L’ÉLÈVE :

PREMIER TEXTE
GRÈVE DES ÉCOLES : DE QUOI PARLE-T-ON EXACTEMENT?

20 novembre 2023, Actualités

À partir du 21 novembre, la majorité des écoles publiques du Québec seront fermées pour trois
jours, les autres pour une durée indéterminée. Une mesure qui peut être un casse-tête pour les parents
et élèves qui n’auront pas de choix de composer avec. Savez-vous ce qu’implique une grève lorsqu’elle
est déclenchée?

Une grève, c’est un arrêt de travail décidé par un groupe de personnes lorsque leur convention collective
est expirée. On cesse de travailler pendant une certaine durée pour forcer l’employeur à négocier une
entente satisfaisante. Dans le cas des écoles, ce sont plusieurs syndicats qui sont en conflit avec le
gouvernement du Québec concernant leurs conditions de travail.

Faire la grève, oui, mais en toute légalité


Ce n’est pas tout de faire la grève : le tout est de la faire dans les règles de l’art. On parle généralement
de trois conditions nécessaires pour respecter la loi. La première est de faire partie d’un syndicat reconnu.
La seconde, de disposer d’une convention collective en renégociation depuis au moins 90 jours. Et enfin,
du moins dans les secteurs de l’éducation et de la santé, il faut envoyer un avis écrit à l’employeur un
peu plus d’une semaine avant de faire la grève.

Attention ! La grève est un moyen de pression interdit à certaines professions comme les services de
police ou de sécurité incendie.
Lorsqu’une grève est dite « générale », cela signifie que tout le personnel syndiqué cesse de travailler
en même temps. Lorsqu’elle est dite « tournante », cela signifie que le personnel cesse de travailler à
tour de rôle.

L’employeur n’a pas tous les pouvoirs


L’employeur doit s’abstenir de remplacer, renvoyer ou autrement sanctionner une personne employée si
elle exerce son droit de grève.

Parents : vous avez droit à des congés


Si vous êtes parents, vous avez sans doute reçu des communications de l’école de vos enfants. Avant
de réfléchir à votre organisation : n’oubliez pas que la Loi sur les normes du travail vous permet de
vous absenter 10 jours par année si vous devez vous occuper de votre enfant. D’ailleurs, certains
jours peuvent être payés.

ÉDUCALOI. (Consulté le mardi 2 janvier 2024). Grève des écoles : de quoi parle-t-on exactement?, [En
ligne]. Adresse URL: https://educaloi.qc.ca/actualites-juridiques/greve-ecoles-de-quoi-parle-ton/.

DEUXIÈME TEXTE

LES GRÈVES ONT CRÉÉ DES INÉGALITÉS ENTRE LES ÉLÈVES, SELON
DES ORTHOPÉDAGOGUES

Les propositions de prolonger l'année scolaire ou d'annuler la semaine de relâche prévue en mars pour
rattraper les semaines de grève ne font toutefois pas l'unanimité chez les parents.
Radio-Canada
Publié le 2 janvier

Après que les principaux syndicats des enseignants ont conclu des ententes de principe avec le
gouvernement québécois, le retour en classe est prévu pour le 8 ou le 9 janvier prochain. Mais avec
l'apprentissage sur pause pendant plusieurs semaines, parents et experts s'inquiètent des écarts qui
pourraient se creuser entre les élèves qui ont des difficultés et ceux qui n'en ont pas.
Les élèves qui réussissaient bien avant la grève, ils reprendront la routine rapidement. Mais pour ceux
qui présentaient des difficultés, il y a un risque qu'ils prennent plus de retard, avertit l'orthopédagogue
Mathieu Labine Daigneault.

De plus, ce dernier précise que tous les élèves n’ont pas été affectés également par la grève. Ceux qui
ont été touchés par la grève de la FAE ont manqué environ cinq semaines de classe, tandis que ceux
affectés par la grève du Front commun n’ont manqué qu’une dizaine de jours.

Il faudra une analyse au cas par cas, par classe ou par élève, afin de cibler les élèves en difficulté.
Une citation de Mathieu Labine Daigneault, orthopédagogue

Au retour des classes, il faut que ça soit notre priorité. Il ne faut pas échapper les élèves en difficulté, il
faut leur offrir un soutien rapidement pour éviter qu'un écart se creuse, poursuit-il. Ce risque de créer un
écart entre les élèves inquiète également le regroupement des comités de parents autonomes du Québec
(RCPAQ).

Les enfants qui avaient de la difficulté ont eu des retards dès le début de la grève. Et plus elle durait,
plus le bassin d’enfants qui a besoin d’intervention s’est agrandi, remarque le porte-parole Sylvain Martel.
Ce dernier ajoute que tant les enseignants que les parents devront identifier les besoins des enfants, et
avec l'année scolaire déjà bien entamée, M. Martel souligne qu'il n'y a plus de place à l'erreur. Le rôle
des parents va être primordial. Il va falloir suivre nos enfants, affirme-t-il.

Annuler la semaine de relâche?


Les propositions de prolonger l'année scolaire ou d'annuler la semaine de relâche prévue en mars pour
rattraper les semaines de grève ne font toutefois pas l'unanimité chez les parents, remarque Sylvain
Martel.

Tout notre calendrier est basé autour de l'année scolaire, donc ça va être difficile de modifier cela, affirme-
t-il. Peut-être qu'il y a quelques journées pédagogiques [qui pourraient être annulées], mais en même
temps, ce sont des journées qui appartiennent aux enseignants, donc la décision leur revient.

Selon lui, d'autres solutions de rattrapage pourraient être apportées, à commencer par des modulations
à ce qui était prévu au calendrier.
S'il y a des enfants qui n'arrivent pas à la fin de l'année avec autant de matières que d'autres, on ne
pourra pas tous les évaluer sur la même matière [lorsqu'ils seront rendus aux examens de fin d'année].
Une citation deSylvain Martel, porte-parole du regroupement des comités de parents autonomes du Québec

Pour l'instant, on ne sait pas quelles solutions seront préconisées pour rattraper les semaines de grève,
mais le cabinet du ministère de l'Éducation a indiqué qu'il annoncera des mesures pour aider nos élèves
qui ont manqué de nombreux jours d'école et que des discussions ont lieu avec les partenaires du réseau
à cet effet.

La socialisation mise en veilleuse


Les semaines de grève ont également affecté la vie sociale des élèves, selon Annie Bérubé, professeure
titulaire au Département de psychoéducation et de psychologie à l'Université du Québec en Outaouais.
Pour tous les enfants, la socialisation a été mise en veilleuse pendant ces semaines-là, souligne-t-elle.

RADIO-CANADA. (Consulté le mardi 2 janvier 2024). Les grèves ont créé des inégalités entre les élèves,
selon des orthopédagogues,[En ligne]. Adresse URL: https://ici.radio-
canada.ca/nouvelle/2038484/greve-ecole-retour-classe-fae.

TROISIÈME TEXTE

FAIRE DE L’ÉCOLE UN SERVICE ESSENTIEL ?


Les écoles ont rouvert leurs portes après le congé des Fêtes. Mais la grève laissera des marques…

Nathalie Collard

LA PRESSE

On dit que l’école transmet des savoirs essentiels. Si c’est le cas, devrait-on considérer
l’éducation comme un service essentiel au même titre que les soins de santé et les services
sociaux lorsqu’il y a un conflit de travail ?

C’est une question qui revient sur le tapis maintenant que les négociations dans le secteur public sont
sur pause, jusqu’à ce que les syndiqués se prononcent sur les ententes de principe.
Les enfants sont de retour à l’école depuis mardi et malgré le plan de rattrapage présenté par le ministre
de l’Éducation, Bernard Drainville, pas mal tout le monde s’entend pour dire que la grève (une vingtaine
de journées sans école pour certains jeunes) laissera des marques.

Les élèves qui fréquentent le public accusent un retard sur les élèves du privé. Et certains enfants
parmi les plus vulnérables ne pourront pas rattraper les retards accumulés.

Est-ce qu’on aurait pu éviter ou réduire ces conséquences en assurant des « services essentiels » durant
la grève ?
Une fausse bonne idée
Je l’avoue, en commençant ma recherche pour cette chronique, j’étais convaincue que c’était une très
bonne idée. Je le suis pas mal moins après avoir échangé avec deux experts en éducation.
Le premier, Bruce Maxwell, me le dit d’emblée : ce n’est pas la solution.
Professeur à la faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal, il a une formation en
philosophie de l’éducation et s’intéresse, entre autres, aux questions éthiques et juridiques dans ce
domaine.
Les élèves qui fréquentent le réseau public accusent un retard sur les élèves du privé. Et certains enfants
parmi les plus vulnérables ne pourront pas rattraper les retards accumulés, selon notre chroniqueuse.
« Il faut réfléchir en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant tel qu’il est défini dans la Convention relative
aux droits de l’enfant », me précise-t-il.
Rappelons que ces principes adoptés par l’ONU sont utilisés par les États pour analyser toute politique
qui touche à la vie des enfants.
« Un service dit essentiel est un service dont l’absence peut causer des dommages graves, explique M.
Maxwell. Si on prend l’éducation dans le sens d’instruction, il ne s’agit pas d’un service essentiel. Ce ne
sont pas quelques jours ou quelques semaines sans classe qui constitueront un dommage. Le processus
d’éducation d’un individu est long et s’étend sur des années. Ce serait de mauvaise foi de dire que le
dommage est irréparable. »
Mais attention, M. Maxwell parle ici d’enfants dans la moyenne, qui vont bien à l’école. Il tient un tout
autre discours quand il s’agit d’enfants vulnérables ou d’enfants qui éprouvent des problèmes
d’apprentissage.
Dans ces cas-là, un manque de supervision adéquate EST considéré comme un dommage grave. «
C’est pour cette raison qu’à une certaine époque, les écoles de la [Commission scolaire de Montréal]
restaient ouvertes lors de tempêtes de neige, me rappelle-t-il. On voulait éviter que de jeunes enfants
issus de milieux défavorisés, dont les parents n’avaient pas le choix d’aller travailler, restent seuls à la
maison sans surveillance. »
Ce règlement a changé depuis, mais on pourrait sans doute invoquer les mêmes motifs pour offrir des
services aux enfants vulnérables en temps de grève.

Il est indéniable que pendant la grève, il y a des enfants qui étaient en danger par manque de
surveillance.

Sans compter que les jeunes en situation précaire auront de la difficulté à rattraper les retards causés
par cette grève. Et que les gains qui ont été faits en début d’année se sont probablement perdus.
« Les enfants vulnérables qui ont des besoins spéciaux nécessitent un suivi continu », insiste le
professeur. Sans étendre la loi sur les services essentiels à l’éducation, il faudrait donc penser à offrir
des services à ces jeunes en tout temps.
Les trois vitesses de l’école
J’ai ensuite discuté avec Marc-André Éthier, professeur dans la même faculté. Spécialisé en didactique,
M. Éthier est directeur du Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession
enseignante (CRIFPE). Il a également codirigé plusieurs ouvrages, dont Les fondements de l’éducation
: perspectives critiques, aux éditions MultiMondes. Tout ça pour dire qu’il a une excellente connaissance
du milieu et de ses enjeux.
Comme son collègue, il ne pense pas que l’éducation doive être considérée comme un service essentiel
en temps de grève. Il ne s’appuie pas sur des recherches précises, tient-il à me préciser, il me livre son
opinion.
Bien qu’il juge l’éducation essentielle dans la vie, il ne croit pas que de l’encadrer juridiquement
changerait quoi que ce soit aux malheurs de l’école.
« Inclure l’éducation dans la loi sur les services essentiels ne changera rien à la cause des problèmes
de l’école », dit-il.
Le problème en éducation, c’est le système à trois vitesses (les écoles privées, les programmes
particuliers du réseau public, puis les classes ordinaires des écoles publiques), croit le professeur Marc-
André Éthier.
Selon M. Éthier, le nœud du problème est beaucoup plus complexe que la pause forcée par la grève et
ses conséquences. Le problème auquel il faut s’attaquer, c’est l’école à trois vitesses. Il faut aller au fond
de cette question une fois pour toutes et ce n’est pas quelque chose qu’on peut faire dans un contexte
de négociation.
Je suggère qu’il serait peut-être temps de tenir un grand sommet sur l’éducation, mais Marc-André Éthier
n’est pas chaud à l’idée.
On sait ce qui ne va pas. C’est l’exode des bons élèves et des enseignants vers le privé, les
ressources allouées, etc. Tant qu’on ne s’attaquera pas à cela, le reste ce sont des sparadraps.

Marc-André Éthier, professeur à la faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal


Le problème, ajoute M. Éthier, c’est que « le ministre Drainville ne croit pas à cette idée de système à
trois vitesses, et ce, malgré des arguments très forts qui vont en ce sens. Ça devient donc une question
politique ».
Je veux rendre justice aux deux chercheurs à qui j’ai parlé : j’ai résumé brièvement des propos qui étaient
nuancés et qui tenaient compte de la complexité de la situation.
Mais il me semble clair que cette discussion nous ramène à la question que je posais dans une chronique
publiée à la mi-décembre⁠1 : quelle valeur accordons-nous à l’éducation ? À quel point voulons-nous en
faire un service exemplaire, démocratique, offert à tous, peu importe leur capacité à payer ?
Il me semble que c’est avant tout une question de valeurs et de principes dont il est question ici quand
on parle de l’école comme étant « essentielle ».
Quand on jugera que l’éducation est vraiment une priorité, j’imagine qu’on se donnera collectivement les
moyens pour ne laisser aucun élève derrière, quoi qu’il arrive. Pour l’instant, nous n’en sommes pas là.

COLLARD, Nathalie. Faire de l’école un service essentiel ?, La Presse, 13 janvier 2024.

QUATRIÈME TEXTE

LE CAHIER DU PROF

LE DRAME DE MANQUER DES JOURS D’ÉCOLE

Sylvain Dancause

Mercredi, 6 décembre 2023, Journal de Québec

C’était le 15 mars 2020. En pleine pandémie.

À l’aube d’un congé forcé, le directeur d’une école privée, avec son retentissant «Pour nous, c’est
business as usual», résumait notre conception néolibérale de l’école et, par ricochet, celle de notre vie.
Trois ans plus tard, en pleine grève, c’est encore business as usual.
Problèmes

Au Québec, en 2022-2023, la DPJ a traité plus de 135 800 signalements. Une hausse de 2,5% par
rapport à l’année précédente. De ce nombre, 42 773 signalements ont été retenus, soit une moyenne de
117 par jour.
Plus d’un enfant sur 5 au Québec vit une forme ou une autre d’insécurité alimentaire, soit plus de 200
000 élèves du réseau scolaire public.
Pendant ce temps, la Dre Mélissa Généreux, responsable de l’enquête sur la santé psychologique des
12 à 25 ans, nous apprend – dans l’indifférence presque totale – que «les écarts entre le privé et le public
sont frappants, non seulement pour ce qui est de la santé psychologique, mais aussi de la consommation
de substances et de la motivation scolaire».
À cela, ajoutons notre apathie envers les ravages de l’utilisation abusive des écrans récréatifs. À deux
heures par jour, ça fait 730 heures par année et 8030 heures après 11 ans. Bref, le finissant raisonnable
aura passé l’équivalent de près de 9 années scolaires devant un écran récréatif lors de la remise de son
diplôme d’études secondaires.
On pourrait également parler de la hausse des troubles du langage, de motricité fine ou globale ou encore
des épisodes de violence à répétition au primaire.
Au moins, on ne s’inquiète plus de la qualité de l’air ni de l’absence de fenêtres dans une classe. Pas
plus qu’on ne s’inquiète de la présence de plomb dans l’eau potable...
Privatisation

Pendant que les élèves ne sont pas à l’école, plusieurs s’inquiètent de ce qui va arriver avec leurs
apprentissages.

Chaque année, des milliers d’élèves manquent plusieurs jours d’école. Certains pour un voyage au
Mexique ou à Cuba, d’autres pour des raisons qui risquent de briser vos prochaines nuits de sommeil.
Avec raison, certains diront que l’écart se creuse, encore une fois, entre les plus forts et ceux rencontrant
des difficultés. Mais, j’avoue ne pas comprendre cette soudaine empathie ou cette nouvelle anxiété
pédagogique envers les élèves vulnérables.
Comme dirait le roi lion, c’est le cycle de la vie.
Tu veux une école privée ou un programme particuliers sélectifs? Crache le cash. Sinon va dans une
classe ordinaire.

Ton enfant a besoin des services d’un professionnel? Va au privé!


Ton enfant a besoin de tutorat? Engage un prof privé!
Et pour ceux qui n’en ont pas les moyens?
Bof!
L’effet prof va régler tous les problèmes de leur classe ordinaire.
La solution préférée de ceux qui font abstraction des effets socioéconomiques sur la réussite.
Les mêmes qui osent me dire que c’est ma faute si les enfants de la classe ordinaire souffrent en ce
moment.

DANCAUSE, Sylvain. Le drame de manquer des jours d’école, Le Journal de Québec, 6 décembre
2023.

CINQUIÈME TEXTE

L’ÉCOLE AU CŒUR DU DÉBAT

Marie-Andrée Chouinard
16 janvier 2023, ÉDITORIAL

La nature a horreur du vide. Et c’est ainsi que, lasses de voir d’essentielles questions d’éducation
complètement absentes du débat politique, quatre organisations citoyennes préoccupées par le sort de
l’école viennent de lancer une réflexion collective sur la formation des élèves, Parlons éducation. Vaste
et ambitieux programme, mais rafraîchissante initiative, qui incitera, espérons-le, le gouvernement à
emboîter le pas. Car après tout, l’éducation n’est-elle pas la « priorité des priorités » ?
L’idée d’une commission Parent 2.0, ainsi que l’a appelée le premier allumeur de cette folle idée, notre
chroniqueur Normand Baillargeon, chemine depuis plusieurs années dans les esprits engagés de
quelques forces vives gravitant autour du réseau de l’éducation. L’invitation est à la fois simple et d’une
complexité inouïe : repenser l’école à la lumière des réalités et des enjeux contemporains, refaire le point
sur nos échecs et nos grands succès, imaginer l’éducation du futur. Puisque Québec ne met pas en
marche cette réflexion nécessaire, des citoyens passionnés ont décidé d’occuper l’espace. Ils proposent
de mener le dialogue social ce printemps, avec 18 forums citoyens qui se tiendront dans 17 villes du
Québec. Le programme de participation prévoit cette discussion ouverte à tous autour de cinq grands
thèmes, allant de la mission de l’école à la démocratisation du système scolaire.

Des petits bijoux de réformes sont nés de ces grands moments de réflexion collective centrés autour de
l’école. Évidemment, l’événement fondateur demeure la commission Parent, qui, au sortir des années
1950, a proposé une véritable révolution axée sur la démocratisation et l’accessibilité de l’école. Le
gouvernement libéral de Jean Lesage faisait face à un système d’éducation dominé par le religieux, qui
n’était ni démocratique, ni inclusif, ni non plus exempt de sexisme. De 1961 à 1966, dans le contexte
bouillonnant de la Révolution tranquille, cette commission donna lieu à la mise au monde de notre réseau
de l’éducation tel qu’on le connaît avec son ministère, ses polyvalentes, ses cégeps et universités du
Québec.

Au milieu des années 1990, un autre sursaut de réforme voit le jour à la faveur des États généraux sur
l’éducation. Ce virage, qui devait être axé à la demande générale sur les connaissances fondamentales,
capota de manière aussi spectaculaire que lamentable dans une guérilla opposant les savoirs aux «
compétences transversales », un concept pédagogique qui ne réussit qu’à opposer les uns aux autres
les chercheurs et démobilisa le personnel scolaire. Cette réforme ne passera pas à l’histoire comme un
moment charnière positif de la construction de l’école au Québec.

Depuis, plus de 25 ans ont passé. Des politiques et des plans d’action ont émané du ministère de
l’Éducation à la faveur des gouvernements qui sont passés à la tête du Québec, et des ministres qui ont
eu la charge d’améliorer le sort de l’école — de 2002, où François Legault occupait la tête de ce ministère,
jusqu’à aujourd’hui, où son collègue Bernard Drainville y est, 13 ministres s’y sont succédé. Beaucoup
de ces actions ont été axées sur une amélioration de la réussite, tant sur le plan individuel — résultats
des élèves — qu’institutionnel — performance des écoles. Sur fond de décrochage scolaire, la reddition
de comptes s’est invitée dans la tâche, ce qui fait qu’on dénonce aujourd’hui le temps et l’énergie
consacrés à plancher sur des formulaires plutôt qu’à instruire les enfants. Dans ce champ, les besoins
sont immenses : a-t-on besoin de rappeler que près du tiers des effectifs scolaires primaires sont
associés à des besoins particuliers causés par des difficultés ou un handicap ? La classe « ordinaire »
est un concept qui n’existe plus, grevée encore davantage par la concurrence des écoles privées et des
projets particuliers aspirant les meilleurs effectifs au sein même des écoles publiques.

L’initiative Parlons éducation est audacieuse, car son plan de discussion est très vaste, et il faudra de
l’animation fine et organisée pour tirer des lignes directrices de cette consultation. Mais elle vient surtout
nous rappeler à quel point ce débat sur l’avenir de l’école est nécessaire. Les récents gouvernements
ont dirigé l’école en mode pompier, force est de l’admettre, tant les urgences se sont additionnées. Écoles
en ruine, école à trois vitesses, qualité de l’air déficiente dans les classes, multiplication des élèves en
difficulté et surtout, surtout, pénurie de personnel enseignant et difficultés de rétention de ceux et celles
qui sont en poste. À ce portrait morose ajoutons l’analyse dévastatrice que vient de rendre la vérificatrice
générale du Québec, qui a blâmé Québec de ne pas avoir en main le portrait des retards scolaires causés
par la pandémie, signe que le ministère de l’Éducation semble naviguer à vue.

Si l’école est la priorité des priorités, alors qu’on en fasse la démonstration concrète. Parlons éducation
invite Québec à écouter la parole des citoyens et à replacer l’éducation au centre du débat politique.

CHOUINARD, Marie-Andrée. L’école au coeur du débat, Le Devoir, 16 janvier 2023.

SIXIÈME TEXTE

Baisse des signalements à la DPJ

DES CAS RISQUENT DE PASSER SOUS LE RADAR PENDANT LA


GRÈVE

« C’est le personnel scolaire – surtout à l’école primaire – qui fait la plus grande proportion de
signalements [à la DPJ] », fait observer Tonino Esposito, professeur à l’École de travail social de
l’Université de Montréal.

Un mois après le début des grèves en éducation, le nombre de signalements à la DPJ a chuté en
flèche. Ils ont diminué de plus du tiers en Outaouais et à Laval et du quart à Montréal.
Louise Leduc

21 déc. 2023, La Presse

Et ça n’a rien de positif, préviennent les experts. La maltraitance, la violence et la négligence à


l’égard des enfants n’ont sans doute pas chuté : elles passent plutôt sous le radar en raison des
fermetures d’écoles qui, dans certaines régions comme Montréal et Laval, dureront au moins 24 jours.
Les graphiques du tableau de bord du ministère de la Santé et des Services sociaux pour les DPJ des
différentes régions parlent d’eux-mêmes quand on compare les données de trois premières semaines
de grève et celles des trois semaines avant le conflit de travail.

Pourquoi de telles diminutions ? « Parce que c’est le personnel scolaire – surtout à l’école primaire – qui
fait la plus grande proportion de signalements, fait observer Tonino Esposito, professeur à l’École de
travail social de l’Université de Montréal. Les baisses observées à l’heure actuelle relèvent du même
phénomène que ce qu’on a vécu pendant la pandémie et les confinements. »

L’impact de l’école « va bien au-delà de la pédagogie. L’école assure un soutien social », auprès
d’enfants vulnérables, fait remarquer M. Esposito.
Chercheur à l’Institut universitaire Jeunes en difficulté, Sonia Hélie fait aussi le rapprochement avec la
pandémie en nous renvoyant au bilan des directeurs de la protection de la jeunesse 2021. Il y est écrit
que « le nombre de signalements reçus entre le 1er avril et la mi-mai 2020 est de 32 % inférieur à celui
observé durant la même période l’année précédente, ce qui représente une différence de plus de 5000
signalements. Dès juin 2020, l’écart entre les deux années se réduit, puis se renverse ».
Au cabinet de Lionel Carmant, ministre responsable des Services sociaux, on n’a pas fait de
commentaires.
Dans son bulletin d’information de juin 2020, l’Institut universitaire Jeunes en difficulté souligne, toujours
à propos de la pandémie, « qu’il est peu probable que les situations d’abus physique aient réellement
diminué en période de confinement » et que selon l’UNICEF et l’Institut national d’excellence en santé et
services sociaux, « elles seraient au contraire plus susceptibles d’avoir augmenté », peut-on lire.

Les baisses de signalement à la DPJ sont aussi substantielles quand on compare les données des trois
premières semaines de la grève, avec les mêmes trois semaines en 2022. À ce chapitre, la baisse de
signalements est alors de 25 % pour Québec et de 15 % pour Montréal.
« Une institution de protection »
« Qu’on sympathise avec les syndicats ou avec le gouvernement », la réalité est implacable : « les effets
sur les enfants sont réels » et particulièrement sur les plus vulnérables, se désole le psychologue Camil
Bouchard, auteur d’Un Québec fou de ses enfants.
Il fait aussi remarquer que « les parents vivent beaucoup de stress, de fatigue, d’exaspération » à force
de jongler avec des enfants oisifs alors qu’eux-mêmes sont le plus souvent tenus à une prestation de
travail. Et ce, ajoute Camil Bouchard, alors que le souvenir de la pandémie est très frais à la mémoire de
tous et que les parents ont déjà été très éprouvés par les confinements liés à la COVID-19.
Le psychologue souligne lui aussi à quel point l’école, comme les services de garde, joue un «
rôle de surveillance » extrêmement important. Le personnel scolaire, en contact quotidien avec
les enfants, est particulièrement à même de percevoir des indices de maltraitance ou de
négligence.

« L’école est une institution de protection, en plus de structurer la vie des enfants, comme le fait le travail
pour les adultes », fait aussi observer Camil Bouchard.
Ces dernières semaines, la grève « a réduit notre capacité à intervenir en prévention et à soutenir le
développement des enfants », note Tonino Esposito.
Quand le conflit de travail se terminera et que les élèves rentreront en classe, le personnel scolaire devra
être particulièrement vigilant pour percevoir tout signe de détresse, insiste M. Esposito, d’autant que sauf
pour les tout-petits, cette cohorte actuellement privée d’école est aussi celle qui en a beaucoup subi
pendant la pandémie.
Aux États-Unis, souligne-t-il enfin, une étude de Loc H. Nguyen a calculé que sur une période de 10 mois
en début de pandémie, quelque 86 000 enfants de ce pays n’ont pas pu recevoir des mesures de
protection (pour accompagner des parents mal outillés, par exemple) dont ils auraient normalement
bénéficié. Au surplus, 104 000 enfants américains qui ont subi des agressions ou qui étaient négligés
dans leur milieu pendant cette période sont carrément passés entre les mailles du filet.
EN SAVOIR PLUS
• 32 %
• Proportion des signalements émanant des enseignants et des professionnels des milieux
scolaires (mi-mars 2019 à fin mai 2019)
SOURCE : BULLETIN D’INFORMATION, NUMÉRO 3, JUIN 2020, INSTITUT UNIVERSITAIRE JEUNES EN DIFFICULTÉ

LEDUC, Louise. Des cas risquent de passer sous le radar pendant la grève, La Presse, 21 décembre
2023.
SEPTIÈME TEXTE

DES SERVICES PUBLICS TOUJOURS ESSENTIELS AU QUÉBEC ?


Les services essentiels doivent être assurés tout en permettant l’exercice légal du droit de grève.

Le législateur québécois définit la grève comme la « cessation concertée de travail par un groupe
de salariés». Le droit encadre strictement le recours à l’arrêt collectif de travail : seule l’association
accréditée pour représenter les salariés d’une unité de négociation peut déclencher une grève, et ce,
dans le respect des conditions prescrites par le Code du travail; ainsi la grève n’est autorisée qu’en
période de négociation collective, peu important les éventuels conflits juridiques survenus en cours
d’application de la convention collective. La négociation collective est intrinsèque à l’existence du
syndicat, qui tente d’obtenir les meilleures conditions de travail possibles. À cette fin, dans le rapport de
force opposant les parties syndicale et patronale, la grève constitue le seul moyen de pression efficace
au service des travailleurs, tantôt brandi comme une menace, tantôt effectif (Boivin et Guilbaut, 1989 :
13).

Jouant un rôle essentiel dans les relations du travail, si la grève dérange l’employeur, elle perturbe aussi
le quotidien de la population, surtout lorsqu’elle affecte les services publics. Quand un service revêt un
caractère fondamental, l’État peut décider de le prendre en charge. La plupart du temps, il s’agit de
services indispensables à la satisfaction de besoins primaires, qui intéressent la grande majorité de la
population (des particuliers aux entreprises), sans permettre d’accumuler les réserves nécessaires pour
passer la période de grève sans dommages. Leur suppression totale entraînerait une profonde
perturbation sociale, surtout s’ils sont fournis de manière monopolistique par l’État.

[...]
Toutefois, ces désagréments ne légitiment pas nécessairement une atteinte à l’exercice du droit de
grève, droit fondamental des travailleurs. En effet, la limitation de celui-ci doit être justifiée, en droit et en
fait. Les solutions envisageables pour ne pas priver l’ensemble de la population des services qui
répondent à des besoins essentiels sont variées. Il est possible d’interdire purement et simplement la
grève : ce moyen radical n’a été retenu que dans de rares cas, comme dans celui des policiers et des
pompiers municipaux. (...) En effet, il s’agit de réglementer l’exercice du droit de grève dans les services
publics et de l’assujettir à l’obligation de respecter les services essentiels. C’est la voie choisie par le
législateur québécois depuis plusieurs décennies afin de maintenir partiellement l’accès aux services
publics en cas de grève légale. [...]
Classiquement (Bernier, 1994 : 58), il est possible de répertorier trois degrés. Le premier correspond à
la notion étroite des services essentiels, conforme à la position énoncée par le Bureau international du
travail (BIT, 2006) : ce sont les services nécessaires à la protection de la vie, de la santé et de la sécurité
du public en cas de grève. Le deuxième degré définit la notion plus largement : aux services nécessaires
à la protection de la vie, de la santé et de la sécurité du public, sont ajoutés certains services pour
lesquels une grève serait susceptible de causer des perturbations graves pour l’économie nationale ou
pour l’approvisionnement en biens essentiels (p. ex., les banques, les services de paye); (...) Le troisième
degré représente la notion la plus large, appliquée en France : les citoyens ont droit non seulement aux
services des premier et deuxième degrés, mais aussi d’une manière générale à des services dont
l’interruption pourrait entraîner certains inconvénients ou inconforts qui sont perçus, par la population,
comme indésirables, voire inacceptables (p. ex., les téléjournaux de la chaîne publique). [...]

Si la vigilance du Conseil des services essentiels quant à l’appréciation impartiale et minutieuse de


l’essentialité des services publics en cas de grève n’est pas ici discutée, il faut convenir que le personnel
autorisé à cesser effectivement le travail est parfois réduit à peau de chagrin. Ainsi, dépourvu d’un moyen
de pression significatif, voire efficace, il est permis de se demander comment ces travailleurs vont pouvoir
améliorer leur sort et, par ricochet, la situation des services publics et donc de la société. En d’autres
termes, si la tendance devait se maintenir en termes d’interprétation des services essentiels, il serait
opportun de s’interroger sur l’existence de moyens efficaces de négociation des conditions de travail
dans ces milieux. Si l’instrument que constitue le droit de grève devait perdre davantage de terrain, il
conviendrait de rétablir l’équilibre du rapport de force employeur-syndicat à tout le moins en concédant
aux travailleurs des outils de médiation, de conciliation et d’arbitrage comme le préconise le BIT (Le Bureau
international du travail, organisme rattaché à l’ONU) .

Face à ce constat inquiétant, la Cour suprême du Canada tend à redonner espoir : pour la première fois
dans son histoire, elle vient de reconnaître le caractère constitutionnel de la négociation collective des
conditions de travail. Dans la mesure où la négociation collective comme le droit de grève sont des
moyens d’expression de la liberté d’association, il est permis – par un raccourci qui méritera des
développements en d’autres lieux – de rêver à une reconnaissance constitutionnelle du droit de grève
au Canada. Un tel statut parviendrait-il à contenir la tendance actuelle en matière d’essentialité des
services publics en grève ?

FONTAINE, Laurence Léa. « Des services publics toujours essentiels au Québec ? », Relations
industrielles, (Québec), Volume 63, numéro 4, 2008, p.719-741.

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