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LES FOCUS

TECHNIQUES DE L'INGÉNIEUR

TRAVAUX PUBLICS ET
INFRASTRUCTURES
TUNNELIERS - MACHINES POUR
CREUSER DES TUNNELS EN PLEINE
SECTION JUILLET 2023
Tunneliers
Machines pour creuser des tunnels
en pleine section

par Benjamin LEROI


Directeur du service méthodes travaux souterrains
Vinci Construction Grands Projets, Nanterre, France
David MAZEYRIE
Ingénieur principal méthodes travaux souterrains
Vinci Construction Grands Projets, Nanterre, France
et François RENAULT
Directeur technique tunnel
Vinci Construction Grands Projets, Nanterre, France

1. Développement des tunneliers.......................................................... C 5 570v2 - 2


2. Les différents types de confinement ............................................... — 3
3. Les différents types de tunneliers .................................................... — 7
4. Les organes principaux........................................................................ — 14
5. Le guidage des tunneliers ................................................................... — 22
6. Aspect économique .............................................................................. — 23
7. Aspect programme ............................................................................... — 23
8. Risques principaux et contre-mesures ............................................ — 24
9. Aspects environnementaux................................................................ — 25
10. Conclusion............................................................................................... — 26
11. Glossaire .................................................................................................. — 26
Pour en savoir plus Doc. C 5 570v2

L e secteur de la construction des tunnels couvre la réalisation de tunnels rou-


tiers ou ferroviaires. Il a également pour activité le creusement de galeries
hydrauliques dans le cadre de projets hydro-électriques ou pour transporter des
effluents. Même si des tunneliers, véritables usines mobiles souterraines, sont
utilisés pour la réalisation de ces ouvrages, c’est le développement spectaculaire
des métros à travers le monde qui a permis leur rapide évolution.
Avant l’utilisation des tunneliers, la mécanisation des opérations de creuse-
ment était limitée à l’usage de machines à attaque ponctuelle issues des
pratiques de l’industrie minière ou à l’utilisation de machines de forage pour
les projets ayant recours à des explosifs. Ces techniques sont limitées à la tra-
versée les massifs rocheux. L’un des principaux avantages amenés par la
technologie des tunneliers est qu’ils permettent de franchir des horizons géo-
logiques jusque-là très compliqués et coûteux à traverser. En effet, la possibilité
de confiner le front d’un tunnelier permet d’assurer, d’une part la stabilité de la
face excavée même dans des horizons sableux ou argileux et sous la nappe,

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et d’autre part de maîtriser les tassements en surface. C’est pour cette raison
que le développement de nouvelles lignes de métro en sites urbains, souvent
situés dans des plaines fluviatiles, a été rendue économiquement possible et
que l’industrie du tunnelier a vu son activité croître en même temps.
L’utilisation des tunneliers ne se réduit pas à la construction de métros. Des
ouvrages de franchissement de grande envergure ont été réalisés grâce à ces
machines. On retiendra le creusement du tunnel sous la Manche, les tunnels
alpins du Saint Gothard, du Lötschberg et de la ligne ferroviaire Lyon-Turin.
Au-delà du fait que les coûts de réalisation des tunnels creusés au tunnelier
sont inférieurs aux coûts de réalisation de tunnels en méthode traditionnelle
dès que la longueur des ouvrages dépasse 2 ou 3 kilomètres, leur utilisation a
permis de réduire le nombre d’accidents affectant le personnel du chantier.
Bien que la technologie des tunneliers ne soit pas récente, on continue à
constater une évolution rapide et constante de ces machines. Les évolutions
les plus récentes ont pour objectif d’élargir la gamme de terrains qui peuvent
être creusés par un type de tunnelier, de détecter d’éventuels obstacles, ou
bien encore d’augmenter les performances de creusement.

1. Développement primé en avant de cette cloison. Le but recherché était surtout de


pouvoir creuser sous la nappe en repoussant l’eau grâce à cette
des tunneliers pression d’air comprimé.

Dans les années 1950, sous l’impulsion de M.Robbins, des


Si l’on considère qu’un tunnelier désigne une machine permet- machines équipées de roues de coupe dotées de molettes font
tant de creuser un tunnel en pleine section, on peut présenter la leur apparition. L’usage des molettes permet de creuser des
machine de Brunel comme la première ayant répondu à cette défi- roches dures en pleine section. Pour la première fois, au Japon,
nition. Cette machine a creusé un tunnel sous la Tamise entre 1825 en 1964 une machine à pression de boue est utilisée pour creuser
et 1843. Elle prenait appui sur le revêtement du tunnel constitué un tunnel de 7,7 m de diamètre. Cette fois, ce n’est plus de l’air
d’une voûte en briques pour avancer et des volets disposés sur la comprimé qui est utilisé pour contenir l’eau du terrain, mais une
face du tunnel permettaient à des ouvriers d’excaver les matériaux boue. En France, en 1967, une première machine Robbins à front
depuis différents niveaux de plateformes (figure 1a). pressurisé est utilisée pour le creusement d’un lot du RER A entre
l’Etoile et la Défense. Dans les années 1970, les Japonais déve-
Plus tard, vers 1882, les colonels de Beaumont et English utilisent
loppent un tunnelier qui utilise cette fois-ci, non plus de l’air ni de
une machine qui permet de creuser une galerie de 4 km dans le but
la boue, mais le sol excavé. Ce sol, conditionné pour le rendre
de relier l’Angleterre à la France. Cette machine dispose cette fois
pâteux est maintenu sous pression dans la chambre d’abattage.
d’une roue équipée d’outils qui désagrègent le terrain au front en
Chacun de ces différents types de confinement continue à être uti-
tournant autour d’un axe central (figure 1b).
lisé selon la configuration des projets et nécessite des tunneliers
Au cours des années 1920, sont apparus les premiers boucliers de types différents comme nous allons le voir dans la suite de
cloisonnés qui permettaient d’appliquer une pression d’air com- l’article.

a machine de Brunel (1825) b machine de Beaumont (1882)

Figure 1 – Premiers tunneliers

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2. Les différents types alors le rôle du confinement car le front d’excavation peut être
déstabilisé par les forces d’écoulement.
de confinement Les boucliers fermés ont été développés sur la base de trois
modes de confinement principaux : air comprimé, pression de
terre et pression de boue. Ces dernières années, un quatrième
mode de confinement appelé « densité variable » a été développé
2.1 La nécessité du confinement et peut être décrit comme un mode hybride entre la pression de
terre et la pression de boue (voir § 3.5.3).
Le creusement d’un tunnel modifie l’état de contrainte initial qui
règne dans le sol ou la roche le long du tracé de l’ouvrage. L’exca- Ces modes utilisent un « médium » de confinement qui, mis sous
vation d’un tunnel crée un front d’excavation qui avance à mesure pression dans la chambre d’excavation du bouclier, va exercer une
du creusement du tunnel et une paroi d’excavation périmétrique. réaction active sur le front d’excavation. Le choix du médium à
employer est fonction de la nature du sol ou de la roche dans lesquels
Le front d’excavation et la paroi d’excavation sont des surfaces est creusé le tunnel.
sur lesquelles le creusement du tunnel annule les contraintes nor-
males si aucune disposition n’est prise. Ces conditions aux limites L’estimation de la valeur de la pression de confinement dans la
peuvent amener le sol ou la roche dans un état de rupture autour chambre d’excavation est réalisée par le calcul, en prenant
du tunnel et une action extérieure est alors requise pour ne pas comme données d’entrée les paramètres géomécaniques du ter-
atteindre cet état de rupture. rain à front et en couverture (figure 3).
Les méthodes analytiques les plus simples sont basées sur
Dans le cas d’un tunnel creusé au moyen d’un tunnelier, le bou-
l’étude de la stabilité d’un coin de terrain situé en face du front de
clier qui peut être assimilé à un cylindre du diamètre du tunnel
taille en réalisant un bilan des forces agissant sur ce dernier. Voir
excavé peut opposer a minima une réaction « passive » en s’oppo-
en particulier la référence [1].
sant aux déplacements de la paroi d’excavation. Ce principe est
celui des boucliers ouverts ou fermés, avec pose du revêtement
définitif dans la jupe. Dans le cas des boucliers fermés, il peut être
possible de créer une réaction active en injectant un fluide entre le 2.2 Confinement gazeux
bouclier et la paroi d’excavation. Ce procédé peut être requis pour
contenir les déplacements de la paroi d’excavation et ainsi limiter Le confinement gazeux utilise l’air comprimé pour exercer une
les tassements en surface. Il peut également être requis pour réaction active sur le front d’excavation. La chambre d’excavation
lubrifier le contact. du bouclier est ainsi remplie d’air sous pression. Ce mode de confi-
nement a été le premier utilisé dans le creusement de tunnel, en
L’exception est celle des boucliers à grippers qui ne possèdent particulier en milieu aquifère. La pression de l’air doit tout d’abord
pas de jupe et où le revêtement définitif du tunnel peut être réa- s’opposer à la pression de l’eau en contre-balançant la pression
lisé à l’arrière du tunnelier. Le tunnelier est muni d’équipements hydrostatique, l’objectif est de contenir les forces d’écoulement
permettant la mise en œuvre d’un soutènement temporaire immé- (forces déstabilisatrices) dans la zone du front d’excavation. Le
diatement à l’arrière du bouclier. second objectif est de repousser physiquement l’eau en arrière du
Le front d’excavation peut également nécessiter un confinement front et ainsi réduire la teneur en eau des déblais.
pour ne pas atteindre un état de rupture du sol ou de la roche. La La pression d’air s’exerce de façon uniforme sur la surface du
rupture du front d’excavation amène la déstabilisation d’un volume front d’excavation. Si les forces d’écoulement ne sont pas admis-
plus ou moins important de sol ou de roche vers le tunnel et crée sibles pour la stabilité du front, la pression d’air doit contre-balancer
ainsi un vide qui peut remonter à la surface et provoquer un fontis la pression hydrostatique au point bas de la chambre d’excavation.
(figure 2). En conséquent, l’air est en surpression par rapport à la pression
Le confinement du front d’excavation qui est une réaction active hydrostatique au point haut de la chambre.
a pour rôle de maintenir le sol ou la roche dans un état de stabilité Cette surpression s’accompagne d’une fuite de l’air à travers les
maîtrisé. La présence de l’eau dans le sol ou la roche renforce pores du sol. L’action stabilisatrice de l’air comprimé sur la phase

Cas a. Cas b. Cas c.

Cas a : le front est stable naturellement. Pas besoin de confinement


Cas b : le front se déforme de façon importante induisant des tassements en surface. Nécessité d’un confinement pour limiter les tassements
Cas c : le front n’est pas stable induisant un fontis en surface. Nécessité d’un confinement pour éviter un effondrement

Figure 2 – Différents comportements du front d’excavation

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Le confinement liquide au moyen d’une suspension de bento-


nite a été développé à l’origine pour creuser des tunnels dans des
M formations sableuses et aquifères. En effet la suspension de ben-
tonite développe des propriétés thixotropes et colmatantes per-
N mettant d’assurer la transmission de la pression de confinement à
L
la face du tunnel. L’abaque de la figure 4 [2] illustre les conditions
d’utilisation d’un tunnelier de type pression de boue selon la
I granulométrie du sol.
K
La bentonite est une argile de type montmorillonite dont les
J H propriétés particulières sont dues à une structure moléculaire
caractérisée par un feuillet élémentaire composé de deux couches
tétraédriques (Si+4) appliquées de part et d’autre d’une couche
G octaédrique dont le centre est occupé par un cation Al-Mg-Fe
(figure 5).
F
L’arrangement moléculaire de ce feuillet élémentaire est le siège
C H de migrations de cations (se produisant au cours des réactions
E d’altérations des roches ou des cendres éruptives) qui créent des
substitutions de Si par Al dans les couches tétraédriques et de Al
D par des cations Mg-Fe-Li dans la couche octaédrique. Ces substi-
h0 tutions de cations de valence moindre créent des excès de charge
négative dans le feuillet, ce qui est à l’origine de la capacité
d’échange de cations. Les propriétés de la bentonite sont étroite-
ω ment liées à la nature et au nombre de ces cations échangés. Les
B bentonites naturelles sont ainsi classées en deux catégories selon
Z Y
D la nature des cations échangeables :
A – les bentonites calciques naturelles où les cations échangeables
X
sont constitués principalement par des cations Ca++ et Mg++ en
diverses proportions ;
– les bentonites sodiques naturelles où les cations échangeables
sont principalement des cations Na+ (70 à 80 %) avec 20 à 30 %
environ de cations Ca++ et Mg++.
Figure 3 – Modèle de Horn pour l’estimation de la valeur de la pres-
sion de confinement La rhéologie de la suspension de bentonite est caractérisée par
une loi d’écoulement de type fluide de Bingham et une thixo-
tropie. Un fluide de Bingham présente un caractère plastique et
granulaire (contrainte effective) est étroitement liée à la perméabi- nécessite un effort de cisaillement minimal pour qu’il commence à
lité du sol. Dans les sols à texture grossière et perméable, la migra- s’écouler. Cet effort de cisaillement est appelé usuellement « Yield
tion de l’air dans les pores est plus facile. Les pertes de charges de Value ». La suspension de bentonite a la propriété d’être un fluide
l’air au contact des grains sont faibles et il est difficile de créer un thixotrope, qui se liquéfie sous l’effet d’une agitation et se fige au
gradient de stabilisation suffisant pour stabiliser le front. De plus, repos. Ce phénomène est réversible : avec une agitation, la sus-
les pertes d’air peuvent être telles que les compresseurs du tunne- pension retrouve ses propriétés initiales.
lier ne permettent pas de les compenser et de maintenir la pression Les propriétés colmatantes de la suspension colloïdale se déve-
requise. loppent lorsque cette dernière est mise en contact direct avec le
A contrario, dans les sols à texture fine et peu perméable, la sol. Dans un premier temps, la suspension migre dans les pores
migration de l’air dans les pores est plus difficile, les pertes de du sol. La profondeur de migration est fonction de la porosité et
charge sont plus fortes et il est plus facile de créer un gradient de de la perméabilité du sol, des caractéristiques rhéologiques et col-
stabilisation suffisant pour stabiliser le front. Les pertes d’air sont matantes de la suspension et de la pression différentielle entre la
généralement faibles et compatibles avec les compresseurs du pression hydrostatique de la boue et la pression hydrostatique de
tunnelier. l’eau dans le sol. Les pores sont progressivement colmatés puis
obstrués par les particules solides de la suspension. Lorsque la
suspension est ainsi bloquée dans les pores, le sol prend un rôle
2.3 Confinement liquide de filtre et la suspension est alors un liquide chargé à filtrer. L’eau
de la suspension migre dans le sol et la suspension change de
Le confinement liquide met en œuvre une boue de forage obte- l’état liquide vers l’état plastique en formant un cake de bentonite
nue par un mélange d’eau et d’une argile particulière : la bentonite. dont les caractéristiques recherchées sont la plasticité et l’imper-
méabilité. À l’instar du seuil de cisaillement pour la rhéologie de
La bentonite est mélangée à l’eau pour former une suspension la suspension de bentonite, la propriété de filtration est caractéri-
colloïdale qui va développer des propriétés thixotropes et colma- sée par le filtrat qui est un essai normalisé visant à mesurer la
tantes propices à la stabilisation du front d’excavation. Ce type de capacité de filtration.
boue de forage a été utilisé tout d’abord dans l’industrie du forage
pétrolier, puis par les entreprises de fondations spéciales pour Selon la nature des terrains rencontrés et les propriétés requises
assurer la stabilité des excavations des panneaux de parois mou- pour la boue de forage, il peut être nécessaire d’ajouter des
lées en cours d’excavation. polymères à la bentonite naturelle si celle-ci ne peut pas dévelop-
per seule ces propriétés. Ces polymères sont classés en quatre
Cette suspension de bentonite est mise en pression dans la familles :
chambre d’excavation pour exercer une réaction active sur le front
d’excavation. L’application pour le creusement de tunnel requiert – les polymères d’origine bactérienne (gomme, xanthane, scléro-
des performances de la boue de forage supérieures à celles requises glucane...) ;
pour les parois moulées, mais les principes de stabilisation sont – les polymères d’origine naturelle (amidons, guars) ;
similaires. – les polymères synthétiques (acrylamides, acrylates) ;

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Fluid-Supported

CLAY SILT SAND GRAVEL

fine medium coarse fine medium coarse fine medium coarse

t
or
eff
n

ers
tio
Percent Passing [%]

ara

fill
n+
p

n
se

tio

sio
igh

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en
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An

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Fa
A
B

0,002 0,006 0,02 0,06 0,2 0,6 2 6 20 60 100

Particle Size [mm]

Figure 4 – Plage d’application du confinement liquide (Crédit Thewes 2009)

– les polymères semi-synthétiques (éthers de cellulose amidons Le gradient généré par la boue est :
et guar modifiés).
La sélection d’une bentonite sur un chantier est basée sur des (2)
essais en laboratoire réalisés avant le début du creusement. Dans
la pratique, plusieurs bentonites sont testées avec l’eau qui sera avec : n: porosité du sol ;
utilisée sur le chantier. Il peut y avoir une grande variabilité des γs : poids spécifique des grains solides (kN/m3) ;
propriétés rhéologiques et colmatantes entre les différents pro- γb : poids spécifique de la boue (kN/m3) ;
duits. De plus, la bentonite est sensible aux caractéristiques phy-
sico chimiques de l’eau. Les essais sont généralement menés avec φ: angle de frottement interne du sol ;
différents dosages en bentonite et visent à mesurer les propriétés K: perméabilité du sol (m/s) ;
rhéologiques en particulier le Yield Value et les propriétés colma- τf : seuil de cisaillement de la boue (Pa) ;
tantes, en particulier le filtrat. Les propriétés rhéologiques et col-
matantes visées sont donc celles de la boue de travail qui sera A: paramètre adimensionnel variant entre 5 et 10.
envoyée à front. On s’assure que fb est supérieur à f en tenant compte d’un coef-
ficient de sécurité.
Les caractéristiques courantes attendues de la boue de forage
sont synthétisées dans le tableau 1.
L’effet de stabilisation de la suspension agit à deux échelles : 2.4 Confinement pâteux
globalement pour la stabilisation du volume de sol entre le front Le confinement pâteux met en œuvre une pâte de marinage
et la surface de rupture potentielle comme vu au § 2.1 mais aussi dont le constituant de base est le terrain excavé par la roue de
localement pour la stabilisation des grains individuels du pare- coupe du tunnelier. Cette pâte de marinage est mise en pression
ment. Plus le gradient de pression crée par le cake est important, dans la chambre d’excavation pour exercer une réaction active sur
plus cette stabilisation est forte (figure 6). le front d’excavation. On recherche une homogénéité de la pâte
Le gradient nécessaire pour assurer la stabilité des grains est : de marinage permettant d’appliquer une pression uniforme sur le
front d’excavation. La pâte de marinage doit se comporter comme
(1) un milieu homogène appliquant une pression en contrainte totale.

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RESEAU DE LA MONTMORILLONITE

Si+4

Al+3
Mg+2 Al+3

OH–

Al+5

Eau de liaison Schéma des liaisons


orientée octaédrique
et cations et tétraédrique
échangeables à l’intérieur du réseau

Al+3 Si+4

Figure 5 – Structure moléculaire de la montmorillonite

consistance plastique de la pâte de marinage en présence de ter-


Tableau 1 – Caractéristiques usuelles de la boue rains fins. Dans le cas de terrains plus grossiers, la consistance
de forage en fonction de la perméabilité sera caractérisée par la maniabilité de la pâte de marinage. En lien
avec la consistance ou la maniabilité de la pâte de marinage, il est
Sol semi- également recherché une réduction des forces de friction internes.
Sol très
perméable Comme la pâte de marinage est malaxée par la roue de coupe, le
Paramètres Unités perméable
(k entre 10–7 couple de rotation (et ainsi l’énergie consommée dans la chambre
(k > 10–4 m/s)
et 10–4 m/s) d’excavation) est étroitement lié à ces frictions.
Yield value Pa 5 à 10 2à7 La compressibilité permet d’absorber des variations de débits
entre la chambre d’excavation et la vis d’extraction et ainsi une
Filtrat ml 20 à 50 15 à 30
atténuation des variations de la pression de confinement.
Densité 1,02 à 1,15 1,02 à 1,15 La pâte de marinage doit être suffisamment imperméable afin de
s’opposer à des venues d’eaux non contrôlées dans la chambre
d’excavation qui pourraient avoir un effet déstabilisateur sur le front.
La mise en pression de la pâte de marinage est assurée par
l’extraction contrôlée de cette même pâte de marinage au moyen Si la pâte créée avec le terrain naturel seul ne permet pas
d’une vis de marinage sans fin de type Archimède. La pâte de d’obtenir ces propriétés, alors il est nécessaire de mettre en œuvre
marinage doit également permettre la formation d’un bouchon un conditionnement du terrain qui consiste à introduire dans la
étanche le long de la vis d’extraction permettant ainsi la décrois- chambre d’excavation des agents tels que de l’eau, de la mousse
sance de la pression depuis le point bas de la chambre d’excava- ou des polymères.
tion jusqu’à la trappe de marinage. Les pertes de charges de la L’eau seule va essentiellement agir sur la consistance. Selon la
pâte de marinage le long de la vis d’extraction doivent permettre nature du terrain en place et le besoin en confinement, l’ajout d’eau
une extraction à pression atmosphérique au droit de la trappe. Si peut suffire à conférer à la pâte la consistance requise. À mesure
la pâte de marinage est trop fluide les pertes de charges le long que la nature du terrain en place s’écarte d’une texture fine et plas-
de la vis d’extraction sont insuffisantes pour former le bouchon et tique et se rapproche d’une texture plus grossière et moins plas-
l’extraction n’est plus contrôlée. tique, l’eau perd son efficacité. On introduit de la mousse dans la
Dans la chambre d’excavation, la pâte de marinage doit égale- chambre d’abattage pour obtenir les propriétés requises. La mousse
ment posséder des propriétés particulières pour assurer le confi- est produite à partir d’une solution moussante qui passe dans des
nement du front d’excavation. Ces propriétés sont principalement générateurs de mousse.
la consistance, la compressibilité et la perméabilité de la pâte de
marinage. Le premier paramètre caractérisant cette mousse est la concen-
tration CF du produit actif dans la solution de mousse :
La consistance agit sur l’écoulement de la pâte de marinage
dans la chambre d’excavation et la vis de marinage. Il est visé une (3)

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pression pression

pression pression
chambre chambre
d’abattage d’abattage

ΔP
sur premiers
ΔP grains
sur premiers
grains

pression
nappe
phréatique
pression
nappe
phréatique

distance distance
au front au front
0 0

a cake « membrane » b cake « imprénation »

Figure 6 – Effet du gradient sur la stabilisation des grains

Le second paramètre est le taux d’expansion de la mousse difficile à mesure que la granulométrie du sol devient grossière et
après ajout d’air, qui représente le volume de mousse produit rap- que le pourcentage de fines diminue.
porté au volume de solution de mousse : En plus des ajouts de mousse et de polymères, l’ajout dans la
chambre d’abattage de fines telles que des kaolins ou des fillers
permet de corriger la courbe granulométrique du terrain naturel
(4) pour rendre l’utilisation d’un tunnelier à pression de terre pos-
sible. Cette solution est cependant très coûteuse et doit être cir-
Enfin, le dernier paramètre est le taux d’injection de la mousse conscrite à des usages locaux.
qui représente le volume de mousse injecté dans la chambre
d’excavation rapporté au volume de terrain excavé :
3. Les différents types
(5)
de tunneliers
Les plages usuelles pour ces paramètres sont celles du tableau 2.
Selon qu’il est nécessaire de confiner le front et selon le medium
Les polymères peuvent parfois être requis pour renforcer le rôle de confinement envisagé, l’entreprise en charge de travaux fera le
de la mousse lorsque l’action de celle-ci s’avère insuffisante. Les choix d’utiliser l’un des différents types de tunneliers existants sur le
polymères peuvent avoir des rôles différents. Un premier type de marché. Les principales catégories de tunneliers sont les suivantes.
polymère peut être utilisé en présence de sols à texture fine pour
limiter le collage sur les pièces métalliques. Un autre type de
polymère peut être utilisé en présence de sols à texture plus gros- 3.1 Tunneliers sans confinement
sière sous nappe pour absorber l’eau autour des grains et former
un film plastique et étanche. Les tunneliers sans confinement peuvent être classés en deux types :
les boucliers ouverts avec jupe et les boucliers ouverts sans jupe.
L’abaque de la figure 7 [2] illustre les conditions d’utilisation
d’un tunnelier de type pression de terre selon la granulométrie du ■ Les boucliers ouverts avec jupe permettent la pose du revêtement
sol. Ce mode de confinement est plus adapté aux sols fins, cohé- définitif formé d’anneaux de voussoirs dans la jupe. Le bouclier pro-
rents, et peu perméables. Son utilisation devient de plus en plus gresse au moyen de vérins de poussées qui s’appuient sur le der-
nier anneau posé dans la jupe. La course des vérins est en relation
directe avec la longueur de l’anneau et doit permettre de libérer une
longueur suffisante dans la jupe pour installer un anneau (figure 8).
Tableau 2 – Plage usuelle de réglage
des générateurs de mousse L’abattage du terrain est assuré par une roue de coupe circu-
laire équipée d’outils de coupe (dents, molettes…). La roue de
Paramètres Plages usuelles coupe est conçue avec des bras en forme de caissons équipés de
racleurs périphériques afin de collecter les matériaux excavés et
CF 1à3% les amener vers un point de chute au centre de la roue.

FER 10 à 20 % Ce point de chute est une trémie à l’intérieur de laquelle les


déblais chutent sur un convoyeur à bande qui extrait les déblais
FIR 50 à 150 % de la chambre d’excavation et les achemine le long du tunnelier
jusqu’au convoyeur tunnel.

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EPB

CLAY SILT SAND GRAVEL

fine medium coarse fine medium coarse fine medium coarse


100

90

80

70 ,
cy
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oly oly
+P +P
10 am am
Fo Fo
3 4
0

0,002 0,006 0,02 0,06 0,2 0,6 2 6 20 60 100

Particle Size [mm]

Figure 7 – Plage d’application des tunneliers pression de terre (Crédit Thewes, 2007)

La cloison isolant la chambre d’excavation est ouverte en partie plaques de treillis soudés et de cintres selon les besoins en soutè-
centrale pour permettre d’installer le convoyeur à bande au droit nement du terrain. Le béton projeté est généralement mis en
de la trémie. Il n’est donc pas possible de mettre en pression la œuvre sur le back up dans une zone dédiée.
chambre d’excavation.
■ Les boucliers ouverts sans jupe sont des boucliers roche dures à
grippers. Le bouclier est solidaire d’une poutre qui supporte un
3.2 Tunneliers à air comprimé
ensemble de vérins radiaux et longitudinaux. Les vérins radiaux
Le premier mode de confinement utilisé a consisté à contrecar-
permettent de plaquer les grippers sur la paroi d’excavation du
rer la pression hydrostatique de la nappe par de l’air comprimé.
tunnel. Les vérins longitudinaux sont solidaires des grippers et de
Les premiers projets à utiliser cette technique mettaient en pres-
la poutre. Les grippers étant plaqués au terrain, les vérins longitu-
sion l’ensemble de la galerie. L’entrée ou le puits d’introduction
dinaux font avancer la poutre qui coulisse dans l’ensemble de grip-
du tunnelier était fermé par une cloison étanche. Un sas permet-
page. La force ainsi exercée par les vérins longitudinaux est
tait de faire rentrer ou sortir le personnel, le matériel ou bien les
transmise par la poutre jusqu’à la roue de coupe (figure 9).
matériaux excavés.
Ce type de tunnelier étant conçu pour le creusement de tunnel
Ensuite est apparue l’idée de ne pressuriser qu’une chambre
dans la roche, la roue de coupe est équipée uniquement de
située entre une paroi étanche du tunnelier et le front. Des com-
molettes et de racleurs périphériques. La force transmise à la
presseurs envoient de l’air comprimé dans cet espace et un sys-
roupe de coupe est finalement transmise aux molettes pour écla-
tème de régulation permet d’asservir l’amenée ou l’extraction
ter la roche par fissure de traction. Les éclats de roche tombent
d’air à la pression qui est mesurée dans la chambre.
devant la roue de coupe et sont ramassés en partie basse par les
racleurs. Le principe d’évacuation est ensuite similaire à celui de Les dispositifs utilisés pour excaver le terrain peuvent être de
la roue de coupe bouclier ouvert. En revanche, la roue de coupe divers types. Il peut s’agir d’une roue circulaire équipée d’outils,
est plus fermée, les ouvertures entre les bras sont minimées avec ou bien encore d’un bras du même type que celui d’une pelle
comme seule fonction la collecte des éclats de roche. excavatrice ou bien encore un bras équipé d’une fraise entraînée
en rotation sur un axe et sur laquelle sont montés des piquots.
La zone de la poutre entre le bouclier et le système de grippage
accueille des équipements spécifiques pour la mise en place de Les matériaux excavés tombent dans la partie inférieure de la
soutènement au plus près du front d’excavation. Les équipements chambre d’abattage. Il existe deux techniques pour extraire ces
sont des boulonneurs et des érecteurs pour la mise en place de matériaux sans laisser fuir l’air comprimé. La première technique

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Voussoirs Vérins de poussée Chambre d’abattage


Segments Thrust jacks Excavation chamber

1 Convoyeur à bande d’évacuation


des déblais/Belt Conveyor

2 Robot Boulonneur/Rock Bolting 3 Muck material 2

3 Foreuse/Probe-drill 1

4 Injection de gravette et/ou


mortier/Pea-gravel & Mortar 4
injection

Remplissage du vide annulaire Bouclier Roue de coupe


Annular void filling Shield Cutterhead

Figure 8 – Bouclier ouvert avec jupe (Crédit AFTES GT4)

Grippers Poutre Casquette


Grippers Beam Roof shield

2
1 Convoyeur à bande d’évacuation 4
des déblais/Belt Conveyor

2 Robot Boulonneur/Rock Bolting 5

3 Érecteur de cintres/Ring Beam Erector

4 Robot à Béton Projeté/Sprayed Concrete


1
3
5 Foreuse/Probe-drill

Patins d’appui Vérins de poussée Corps avant Roue de coupe


Rear Support Legs Thrust cylinders Front Body Cutterhead

Figure 9 – Bouclier ouvert sans jupe (gripper) (Crédit AFTES GT4)

consiste à extraire les matériaux à l’aide d’un convoyeur à bande remplissent la vis qui créent un bouchon et s’opposent à la fuite
disposé dans un tube étanche. Les matériaux sont convoyés alter- de l’air comprimé.
nativement jusqu’à l’une des deux trémies situées à l’extrémité du La technologie des tunneliers à air comprimé présente comme
tube. Les trémies sont fermées par une porte en partie supérieure limite qu’il faut que le terrain au front soit suffisamment imper-
et une porte en partie inférieure. En alternant les ouvertures des méable à l’air pour permettre d’emprisonner de l’air comprimé
portes supérieures et inférieures, les matériaux sortent en passant dans la chambre d’abattage sans avoir recours à une quantité
par les sas de décompression ainsi créés. très importante de compresseurs. Il est possible d’étendre légère-
La seconde technique consiste à extraire les matériaux tombés ment la plage d’utilisation de ces machines en ajoutant un sys-
au sol grâce à une vis d’Archimède. Ce sont les matériaux qui tème d’aspersion du front par une mousse étanche. Cette mousse

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appliquée contre le front doit être régénérée à chaque passe des chambre d’abattage. En surface les matériaux excavés sont sépa-
outils de coupe. rés de la boue au moyen d’une centrale de séparation. La boue
Dans certaines circonstances, il n’est pas recommandé d’utiliser régénérée est repompée vers le front. Elle tourne en circuit fermé
ce type de machine à cause de l’introduction d’air comprimé dans (figure 10).
le sol. Par exemple, un tunnel creusé sous une chaussée dont le La régulation de la pression peut se faire de deux manières.
revêtement est étanche peut causer l’apparition de bullage dans Historiquement, les débits d’amenée et d’extraction de la boue
l’enrobé. étaient asservis à la pression régnant dans la chambre d’abattage.
Lorsque, seul un soutènement léger est requis, le cycle d’avan- Lorsque la pression baissait, on diminuait l’extraction de boue, et
cement du tunnelier à grippers est réduit à une phase d’excava- vice-versa. En 1974, ce système a été amélioré par l’introduction
tion, puis au recyclage de la poutre. Les performances globales de d’une bulle d’air comprimé. Cette bulle est piégée entre la cloison
creusement de ces tunneliers dans ces conditions sont plus éle- étanche et une nouvelle cloison appelée paroi plongeante.
vées que celles d’un tunnelier intégrant la pose d'un revêtement Cette paroi est ouverte dans sa partie inférieure pour laisser cir-
de voussoirs. culer la boue. Le principe de cette évolution est que la bulle per-
met d’amortir les variations de pression liées aux variations de
débit des pompes de boue.
3.3 Tunneliers à pression de boue
L’idée d’utiliser une boue pour stabiliser une excavation date du 3.4 Tunneliers à pression de terre
début du 20e siècle. Cela s’est traduit par l’invention de la technique
des parois moulées. Le principe consiste à opposer au déplacement Le tunnelier à pression de terre (figure 11) doit permettre la
de la paroi excavée une pression hydraulique stabilisatrice. Mais, mise en pression d’une pâte de marinage dans la chambre
pour que cette pression soit efficace, il faut soit que la paroi soit d’excavation. Le principal organe est la vis d’extraction sans fin
constituée d’un matériau étanche ou que la boue lui confère son de type Archimède. La vis pénètre dans la partie basse de la
étanchéité. chambre d’excavation et extrait la pâte de marinage jusqu’à la
Un tunnelier pression de boue dispose d’une roue de coupe qui trappe située à l’autre extrémité de la vis. La vis est placée dans
lui permet de désagréger les matériaux du front d’excavation. Une une enveloppe aussi appelée casing équipée d’un système de
boue bentonitique est injectée dans la chambre d’abattage délimi- télescope permettant ainsi de reculer la vis et d’isoler la paroi
tée d’une part par le front et d’autre part par une cloison étanche. étanche au moyen d’une vanne à volets. L’étanchéité est assurée
Cette boue se charge des matériaux excavés et est extraite de la par la fermeture de la trappe. Le diamètre de la vis est en relation

Voussoirs Vérins de poussée Chambre d’abattage


Segments Thrust jacks Excavation chamber

Bulle d’air comprimé

Boue mère/Fresh Slurry

Paroi plongeante

Cloison étanche
Boue + déblais/Slurry + Muck material

Remplissage du vide annulaire Bouclier Roue de coupe


Annular void filling Shield Cutterhead

Figure 10 – Tunnelier à pression de boue (Crédit AFTES GT4)

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Figure 11 – Tunnelier du projet de Saverne en cours de montage

directe avec le diamètre d’excavation de la roue de coupe et les on peut avoir recours à des tunneliers dits « multimodes » pour
performances d’avancement instantanées visées. Le taux de combiner différentes technologies.
remplissage de la vis est le paramètre de base qui permet de
Mais, avant de considérer ce choix, il faut remarquer que les
fixer le diamètre de la vis. La motorisation de la vis assure la
technologies décrites précédemment permettent déjà d’offrir un
rotation de cette dernière et doit délivrer un couple suffisant
certain choix de mode de confinement. Les tunneliers pression de
pour vaincre les frottements crées par le contact entre la pâte de
terre peuvent fonctionner, soit avec un marinage pâteux dans la
marinage la vis et son enveloppe. La vitesse de rotation de la vis
chambre, soit avec un remplissage en air comprimé. Il suffit pour
est en relation directe avec la vitesse d’avancement instantanée
cela de remplir la majorité de la chambre avec de l’air comprimé
du tunnelier. La vitesse de rotation de la vis peut être réglée
plutôt que du marinage conditionné. Il convient de laisser un
« manuellement » ou asservie à la vitesse d’avancement du tun-
volume de marinage suffisant pour qu’un bouchon de matériaux
nelier (figure 12).
se forme bien dans la vis afin de pouvoir maintenir la pression
Le conditionnement des déblais pour obtenir la pâte de mari- d’air comprimé. On retrouve alors le fonctionnement d’un tunne-
nage requise nécessite l’introduction dans la chambre d’excava- lier à air comprimé.
tion d’agents tels que l’eau, la mousse ou des polymères. De même, un tunnelier pression de boue peut fonctionner avec
L’eau et la mousse sont introduits dans la chambre d’excavation un confinement gazeux. Cette fois, en mettant en communication
au moyen de lignes. Une partie des lignes arrive directement sur la la bulle d’air comprimé et la chambre d’abattage, on remplit par-
cloison étanche, les agents sont alors introduits en partie arrière tiellement cette dernière d’air comprimé. Là encore il faut mainte-
de la chambre d’excavation. La seconde partie des lignes passe nir un niveau de boue minimal dans la chambre pour permettre
par un joint tournant permettant l’introduction des agents par des de gaver correctement la pompe qui aspire la boue chargée de
buses sur la face avant de la roue de coupe (les lignes passent marinage en partie basse.
dans la structure de la roue de coupe). Ces dernières années, des Les véritables tunneliers multimodes conjuguent les modes de
lignes additionnelles faible débit/forte pression sont utilisées pour confinement suivants.
introduire de l’eau dans la partie centrale de la chambre d’excava-
tion où se trouvent les butons de la roue de coupe et les bras de
distribution de l’eau et de la mousse. Cette zone peut générer des 3.5.1 Marinage liquide – Mode ouvert
forces de frottement importantes.
Ce type de tunnelier est intéressant lorsqu’il est nécessaire de
disposer d’un système de marinage hydraulique pour assurer la
3.5 Tunneliers multimodes stabilité du front ou limiter les entrées d’eau dans le tunnel, sur
une partie du linéaire mais que, sur une autre partie du linéaire, il
n’est plus nécessaire et devient même pénalisant d’utiliser un sys-
Selon les caractéristiques géotechniques des terrains traversés,
tème de marinage hydraulique, ce qui peut être le cas lorsque les
l’une des technologies de tunneliers à confinement peut s’avérer
terrains sont très abrasifs.
plus favorable pour la réalisation du projet. Or, il arrive que sur
certains projets, la nature des terrains soit favorable à une techno- Le tunnelier doit disposer d’un système de marinage hydraulique
logie sur une partie du linéaire à creuser, mais qu’une autre tech- et d’un système de marinage pour le mode ouvert (convoyeur ou
nologie soit mieux adaptée pour le reste du linéaire. Dans ce cas, berlines). On passe du mode pression de boue au mode ouvert en

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Voussoirs Vérins de poussée Chambre d’abattage


Segments Thrust jacks Excavation chamber

Sas pour intervention


6 hyperbare à front
Airlock for hyperbaric
intervention at the front

4
Bande transporteuse des déblais/Spoil conveyor belt
Vis de marinage

Remplissage du vide annulaire Bouclier Roue de coupe


Annular void filling Shield Cutterhead

Figure 12 – Tunnelier pression de terre

déplaçant une cloison au centre de la roue de coupe. Derrière cette permettent de passer d’un mode à l’autre de façon quasi continue.
cloison, une trémie collecte le marinage qui est relevé par les bras Le principe est d’ajouter à un tunnelier pression de terre une chambre
de la roue de coupe. Un convoyeur extrait les matériaux vers à bulle et une boîte de dilution en sortie de vis.
l’arrière de la machine. Cette boîte de dilution contient un concasseur pour réduire la taille
La conversion d’un mode à un autre prend environ une journée. des blocs éventuels et est maintenue sous pression. Le système de
marinage est un système hydraulique. Lorsque l’on souhaite faire
fonctionner le tunnelier comme un tunnelier pression de terre, on
3.5.2 Marinage pâteux – Mode ouvert envoie très peu de boue dans la chambre d’abattage et la vis extrait
Ce type de tunnelier présente là encore un intérêt lorsqu’une un matériau pâteux. Ce matériau arrive dans la boîte de dilution où il
partie du linéaire requiert un confinement et que, sur l’autre partie est mélangé dans un flux de boue important qui le transporte jusqu’en
du linéaire, les matériaux sont abrasifs. Lorsque l’on veut passer surface. Lorsque l’on veut se rapprocher d’un mode pression de
du mode pression de terre au mode ouvert, là encore on avance boue, on envoie un débit important dans la chambre. La chambre est
dans la chambre d’abattage une cloison équipée d’une trémie qui remplie de boue qui se charge avec des matériaux excavés. Ces
vient collecter les matériaux relevés par les bras. Un convoyeur à matériaux et la boue passent par la vis, arrivent à la boîte de dilution
bande extrait les matériaux de la trémie et les envoie vers l’arrière et ils sont évacués vers la surface (figure 13).
du tunnelier où ils peuvent être évacués par berline ou sur un
convoyeur courant sur la longueur du tunnel.
La conversion d’un mode à l’autre prend entre 1 et 3 jours selon le
3.6 Micro-tunneliers
degré de transformation nécessaire au niveau de la roue de coupe.
Les micro-tunneliers constituent la catégorie des tunneliers qui
sont propulsés non plus par une réaction sur le revêtement déjà
3.5.3 Marinage pâteux – Marinage liquide posé ni sur le terrain lui-même mais par le poussage de l’ensemble
du revêtement du tunnel depuis le puits de démarrage.
Sur un projet, on peut vouloir utiliser un confinement liquide
pour, soit maîtriser la pression de confinement de façon fine, soit Le diamètre de ces machines varie entre 250 mm et 4 m. Au-
revaloriser une partie des matériaux, et utiliser d’autre part un confi- delà le poussage nécessite des valeurs trop importantes et la tech-
nement pâteux dans une zone où les risques de collages sont impor- nologie des tunneliers devient économique.
tants, on peut avoir recours à ce type de machine. Historiquement, le Tout comme les tunneliers classiques, il existe plusieurs types
premier tunnelier de ce type demandait environ une semaine pour de confinement. Le choix du confinement est imposé en priorité
être convertit d’un mode à un autre. Les développements récents par la géologie rencontrée. Pour un micro-tunnelier à la boue, le

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Ligne d’amenée Ligne d’amenée Air Chambre Chambre Roue


de boue lourde (option) de boue comprimé à bulle d’abattage de coupe

Concasseur

Ligne retour de boue Boîte de dilution Vis de marinage

Figure 13 – Tunnelier à densité variable

marinage sera hydraulique. Pour un micro-tunnelier pression de Pour les plus gros diamètres, on peut installer un groupe
terre, le marinage est réalisé dans des bennes équipées de roue hydraulique à front ce qui permet de s’affranchir des pertes de
pour être amenées à front. La roue de coupe sera différente selon charges dans les flexibles hydrauliques des moteurs à mesure que
les géologies excavées. Lorsque l'on risque de rencontrer des ter- le tunnel s’allonge.
rains collants, certaines machines disposent de buses haute pres- Il est également possible d’installer entre 2 tubes de revêtement
sion dans la chambre. des stations de poussage intermédiaires. Ces stations, sortes de
Les facteurs limitants les longueurs de tirs sont : tubes télescopique munis de vérins servent de relais pour pousser
le tunnel par partie et non en une seule pièce. Cela permet de
– l’usure des outils ;
limiter la poussée à exercer au niveau du puits sur le dernier tube
– La difficulté à alimenter hydrauliquement les moteurs ; posé et donc de creuser plus loin.
– le frottement le long des tubes.
Il est également possible d’accéder à front pour changer des
Au-dessus d'un diamètre de 1 200 mm, il est possible d'installer outils en cas d’usure. Les longueurs que l’on peut atteindre aug-
un groupe hydraulique dans la machine, ce qui permet de forer mentent (tableau 4).
sur de plus grandes longueurs. Il devient également possible Les tubes constitués de différents matériaux (béton armé, acier,
d'accéder à front pour réaliser la maintenance des outils à front. grès…) sont de 3 types : les tubes « standards », les tubes mâles
À partir d'un diamètre de 1 600 mm, il devient possible d’instal- et femelles des stations de poussage intermédiaires. Ils sont tous
ler un sas pour réaliser la maintenance des outils à front en hyper- équipés de joint d'étanchéité et disposent d'ancrages pour le
barie, et une bulle d'air pour la régulation de la pression à front levage. On prévoit également des points d’injection de produit
(tableau 3). lubrifiant pour limiter la friction entre les tubes poussés et le
terrain. En fin de travaux, les conduites d'injections pour la lubrifi-
cation sont utilisées pour sceller les tubes au terrain.

Tableau 3 – Cas d’un micro-tunnelier sans groupe


hydraulique embarqué
Tableau 4 – Cas d’un micro-tunnelier avec groupe
Diamètres Longueurs maxi recommandées hydraulique embarqué

300-600 mm 100 m Diamètres Longueurs maxi recommandées

600-800 mm 140 m 1 200-1 600 mm 500 m

800-1 200 mm 150 m 1 600-1 800 mm 700 m

1 200-1 600 mm 250 m 1 600-2 000 mm 900 m

1 600-2 400 mm 300 m 2 000-3 600 mm 1 100 m

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Groupe électrogène Pompe à eau


Malaxeur bentonite Pompe de marinage
Cabine de pilotage Désableur
Benne à déblais

Station intermédiaire de poussée


Stockage flexible
Stockage tube

LASER
Tuyaux de guidage
de marinage Cadre de poussée
Pompe de marinage Pompe de marinage
en tunnel
Cible LASER
Micro-tunnelier

Figure 14 – Installations d’un chantier de micro-tunnelier

Il est possible de prendre des courbes avec des tubes dont les – un corps avant portant l’entraînement principal et la roue de
faces sont parallèles. Des plaques de bois disposées entre les tubes coupe ;
permettent de répartir les charges. En général, une rotation de 0,5° – un corps intermédiaire soudé ou rattaché au corps avant par
est acceptable. Plus l'angle est important plus les contraintes dans l’intermédiaire d’une articulation ;
le revêtement sont fortes et donc moins la capacité du tuyau est
élevée. – une troisième partie constituée d’une jupe dans laquelle sont
assemblés les voussoirs.
Les installations d’un chantier de micro-tunnelier sont beaucoup
plus réduites qu’un chantier avec un tunnelier classique (figure 14). La jupe peut être soudée ou également connectée via une arti-
Elles comportent culation au corps intermédiaire. La définition des articulations du
bouclier est étudiée en fonction des courbes du tracé.
– un cadre de poussée ;
– un circuit de marinage composé de pompes de circulation et La géométrie du bouclier est conique. En effet, les trois corps
d'une station de traitement des boues ; du bouclier ont des diamètres allant en diminuant en s’éloignant
– une grue ou un portique pour manipuler les tuyaux ; du front. Cette conicité permet de limiter l’enserrement du bouclier
– une cabine de pilotage ; par le terrain. La définition des différents diamètres de chaque
– éventuellement un groupe électrogène. corps comprend comme point de départ le diamètre extérieur de
l’anneau de voussoirs. Le diamètre de la jupe est ensuite défini,
puis le corps intermédiaire, le corps avant et finalement le dia-
mètre d’excavation.
4. Les organes principaux À l’arrière de la jupe, l’étanchéité avec le terrain est assurée par
un joint constitué des rangées de brosses métalliques et d’écailles.
Le type de confinement pour lequel est prévu un tunnelier va Les volumes contenus entre ces différentes rangées sont conti-
nécessiter des équipements spécifiques à ce mode, notamment nuellement injectés par du mastic au fur et à mesure de la pro-
concernant l’évacuation des déblais. Il existe cependant des com- gression du tunnelier (figure 15).
posants communs à tous les types de tunnelier. Les principaux
sont décrits ci-après.
4.2 La roue de coupe et ses outils
4.1 Le bouclier La roue de coupe ou tête de coupe est l’organe le plus à l’avant
de la machine, au contact du terrain (figure 16). Elle porte les
Un tunnelier est constitué d’un bouclier et d’un train suiveur outils de coupe et doit assurer les fonctions d’abattage du terrain
couramment appelé « back-up ». Le bouclier est une structure en et de ramassage des matériaux. La roue de coupe est mise en
acier offrant une protection vis-à-vis du terrain. Il est le plus sou- compression contre le front de taille et par l’effet de la rotation
vent constitué de trois corps : abat le terrain par l’intermédiaire des outils.

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Sens d’avancement

Jupe Revêtement Remplissage


Brosse Écaille
du tunnelier du tunnel de graisse

Figure 15 – Détail de l’étanchéité en extrémité de bouclier

Roue de coupe pour creuser du rocher Roue de coupe pour terrain tendre

Figure 16 – Roues de coupe

Il existe différentes conceptions de roue de coupe qui sont phérie de la roue. La roue de coupe est aussi équipée de plusieurs
toutes spécifiquement étudiées et adaptées à la nature des terrains détecteurs d’usure installés en retrait des outils et ayant pour rôle
à excaver. On peut trouver par exemple des roues de coupe dites d’alerter sur tout dommage à la structure de la roue.
« ouvertes » conçues pour creuser dans des sols. À l’opposé, il Au rocher, la roue de coupe a aussi pour fonction de calibrer
existe des roues de coupe dites « fermées » plus adaptées au creu- des matériaux entrant dans la chambre d’abattage. La conception
sement dans du rocher. Le pourcentage d’ouverture d’une roue de de la roue de coupe, en particulier ses ouvertures, doit être com-
coupe pour des terrains meubles est de l’ordre de 35 à 45 %. patible avec le mode d’évacuation des terrains excavés.
Les roues de coupe sont en acier mécano-soudé. Des plaques Les paramètres de creusement du tunnelier sont également
d’acier anti-usure sont disposées sur toute la face avant et en péri- adaptés à la nature des terrains rencontrés. La vitesse de rotation

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de la roue de coupe est ajustée entre 1 et 3 tours par minute dans Les conceptions des roues de coupe pour des terrains mixtes
des terrains meubles et peut atteindre plus de 8 tours par minute allient généralement des molettes et des dents. Les dents sont dispo-
dans du rocher non fracturé. Dans ce dernier cas, la vitesse de sées en retrait des molettes pour être protégées par ces dernières.
rotation est conditionnée par la vitesse maximale des outils péri-
Le suivi de l’usure des outils fait partie du plan de maintenance du
phérique. Cette vitesse est de l’ordre de 150 à 180 m/min. Plus le
tunnelier. Une usure de quelques millimètres des molettes périphé-
diamètre est grand, plus la vitesse de la roue sera donc limitée.
riques peut impacter le guidage du tunnelier. À l’extrême, des
Un second paramètre de creusement est le pas de pénétration de
usures trop fortes ne permettent plus aux outils d’assurer leur rôle
l’outils dans le terrain à chaque rotation. La profondeur du pas de
de protection de la structure de la roue de coupe. Des inspections de
pénétration est également liée à la nature de la géologie rencon-
roue de coupe sont menées régulièrement pour relever les usures
trée. Dans du rocher dur et peu fracturé, le pas de pénétration
des molettes et anticiper au maximum les changements d’outils.
sera de l’ordre de quelques millimètres (5 à 10 mm). À l’inverse,
des pas de pénétration de 30 à 40 mm sont courants dans des ter- Les dispositifs de fixation des molettes et outils sont conçus
rains meubles. La vitesse instantanée du tunnelier est le produit pour permettre leur remplacement depuis la face arrière de la
de la vitesse de rotation de la roue par le pas de pénétration. roue de coupe afin de ne pas être directement exposé au terrain
Les outils permettent l’abattage du terrain, mais aussi la protec- pour des raisons de sécurité.
tion de la structure même de la roue de coupe. Le type d’outil à Les projets de grands diamètres ont vu apparaître un nouveau
choisir est fonction du sol rencontré. Dans l’argile, des outils concept de roue de coupe ou roue « accessible » qui sont conçues
tranchants souvent appelés couteaux ou dents seront préférés dans pour permettre le changement des outils à pression atmosphé-
l’idée d’obtenir des copeaux. Ces dents fonctionnent à la manière rique depuis l’intérieur de la roue qui est d’une conception cais-
d’un riper que l’on peut trouver sur un bull. À l’inverse, des disques ou
molettes sont plus adaptés au creusement dans du rocher (figure 17).
Leur distribution sur la roue de coupe est étudiée afin de respecter
une trace de molette tous les 100 mm environ.

Par exemple, une roue de coupe de diamètre 10 m sera équipée


d’une cinquantaine de molettes simples. Les molettes en compres-
sion sur le rocher vont créer des zones de fracturation entre deux
traces successives et éclater le terrain (figure 18). Des molettes de
19’’ (diam. 482,6 mm) ont une capacité de poussée de 320 kN et sont
utilisées pour les terrains ayant des résistances à la compression
simple pouvant aller jusqu’à 250 MPa.

Une molette est constituée d’une bague d’usure tournant autour


d’un arbre. La conception de la bague d’usure peut varier selon
les terrains rencontrés. Les bagues d’usure courantes ont une
dureté comprise entre 50 et 56 HRC. Des conceptions de bague
avec des inserts en carbure existent également, le plus souvent
utilisés dans des terrains tendres mais abrasifs.

Figure 17 – Molette double disque

Rupture par compression Cisaillement

Figure 18 – Mode de fonctionnement des molettes Figure 19 – Coupe d’un caisson de roue de coupe accessible

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sonnée. Les outils de coupes, molettes ou dents, sont installés 4.4 Les vérins de poussée
dans des sas et sont remplacés depuis les caissons de la roue de
coupe (figure 19). À l’heure actuelle, cette technologie est réali- Les vérins de poussée s’appuient sur le revêtement installé et
sable à partir d’un diamètre de 12 m. Elle présente donc l’intérêt servent de moyen de propulsion au tunnelier. La définition de la
de limiter les interventions hyperbares pour les changements poussée nécessaire est établie en prenant en compte plusieurs
d’outils, interventions qui sont risquées et coûteuses. paramètres parmi lesquels : la pression de confinement, la force
Ces dernières années, les progrès de la technologie ont permis d’abattage, les frottements, le guidage...
l’instrumentation des outils de coupe, en particulier des molettes. La poussée totale installée sur un tunnelier participant à la réa-
Il est possible de mesurer en temps réel la température, la rota- lisation du métro du Grand Paris est voisine de 60 000 kN.
tion, ou même l’effort que subit une molette. Ces données sont
très importantes pour le suivi du bon fonctionnement des outils et La longueur des vérins de poussée est, quant à elle, définie à par-
prévoir leur remplacement. tir de la longueur de l’anneau et du recul nécessaire pour insérer le
voussoir de clé.
En plus des outils, la conception des roues de coupe peut inté-
C’est en poussant de façon différente entre les différents vérins
grer de conduites et de buses pour l’injection de la mousse pour
de poussée que l’on impose la direction dans laquelle creuse le
les tunneliers pression de terre ou des lignes de rinçage pour des
tunnelier.
tunneliers à marinage hydraulique.

4.3 L’entraînement principal 4.5 Érecteur de voussoirs


L’érecteur de voussoir permet d’assurer la préhension, le posi-
L’entraînement principal est un des organes majeurs qui équipent tionnement et la mise en place des voussoirs préfabriqués pour
un tunnelier. Il est constitué d’un carter comprenant le roulement former le revêtement du tunnel. Les systèmes de préhension les
principal, les pignons, les moteurs hydrauliques ou électriques et plus couramment utilisés sont soit par ventouse, soit par bro-
un système d’étanchéité permettant d’éviter toute contamination chage. Dans ce dernier cas, une broche en acier fixée à une réser-
par des polluants pouvant provenir de la chambre d’excavation. vation est prévue dans les voussoirs lors de leur préfabrication.
Le diamètre de l’entraînement est compris entre la moitié et les
deux tiers du diamètre du tunnelier. L’érecteur manipule des voussoirs de plusieurs tonnes. La sécu-
rité des organes de préhension et de mise en place est fondamen-
Le système d’étanchéité entre la partie fixe et la partie tournante tale. Ainsi, les dispositifs de préhension de voussoirs doivent être
est constitué d’une série de joints à lèvres formant ainsi des conçus de sorte que le coefficient de sécurité vis-à-vis des efforts de
chambres distinctes. La première chambre côté front est continuel- traction et de glissement soit au moins de 1,5 en prenant en compte
lement injectée d’une graisse spécifique d’étanchéité résistante au les charges maximales. Lorsque les voussoirs sont manutentionnés
délavage. La deuxième chambre est injectée d’une graisse destinée à l’aide de ventouse, le dispositif doit être conçu pour assurer la
à la lubrification du roulement principal. Ces graisses viennent dépression minimale exigée pendant au moins 20 minutes en
progresser et remplir le labyrinthe avant de fluer vers la chambre l’absence des organes de création de vide.
d’abattage. L’érecteur dispose de 6 degrés de mobilité. Des vannes propor-
L’entraînement transmet le couple nécessaire à la roue de coupe tionnelles pilotées permettent une précision de manutention de
pour l’abattage du terrain. La définition du couple passe par une l’ordre du millimètre.
étude de la géologie et du conditionnement qu’il sera nécessaire L’évolution de la technologie a permis d’offrir des solutions
d’apporter. Les besoins en couple les plus importants correspondent d’aide ou d’assistance à la pose à partir des années 2000. En effet,
généralement aux tunneliers à pression de terre. Le couple doit per- il est aujourd’hui possible de programmer dans l’automate des
mettre à la roue de coupe l’abattage, mais aussi le malaxage du séquences de pose limitant les risques d’erreur ou de mauvaises
marin à l’intérieur de la chambre d’excavation. manipulations de l’érecteur et des équipements associés.
Une approche moyenne peut être obtenue par la formule empi- Les performances de pose moyennes d’un anneau complet
rique suivante : pour un tunnel d’environ 8 à 10 m de diamètre sont de l’ordre de
30 minutes.
L’apport des nouvelles technologies et la robotique laissent
avec : C (kN.m) : couple nécessaire ; entrevoir la possibilité de poser des anneaux de façon entièrement
automatique dans un futur proche.
D (m) : diamètre d’excavation ;
α: coefficient qui dépend de la nature du terrain et
du mode de confinement éventuel. 4.6 Injection de mortier
S’il s’agit de tunneliers sans confinement ou à confinement par ou de bi-composant
air comprimé ou boue :
Au fur et à mesure de la progression du tunnelier, un vide est
α = 0,4 à 0,6 pour le silt ou l’argile : laissé entre le terrain excavé et l’extrados de l’anneau de revête-
ment. Ce vide est appelé vide annulaire et doit être comblé par
α = 1,0 à 1,4 pour les sables et les graviers. S’il s’agit de tunne-
une injection de bourrage. L’injection derrière les voussoirs est
liers à confinement pâteux : α = 1,8 à 2,0
concomitante à l’avancement du tunnelier. Elle revêt une très
haute importance en particulier pour :
Par exemple, le tunnelier pour le projet de métro de Rennes ligne
b disposait d’un couple maximum de 21 MN.m pour un diamètre – la maîtrise des tassements ;
d’excavation de 9,45 m. – la qualité et la durabilité du revêtement de voussoirs.
Le matériau d’injection utilisé peut varier selon les projets. Dans
Le couple et l’énergie consommée par mètre cube de terrain des sols meubles, un mortier ou un coulis activé dit « bi-composant »
excavé sont des paramètres très suivis lors du creusement du tun- sont couramment utilisés. Dans le cas des tunneliers au rocher, on
nelier. Leurs évolutions peuvent par exemple renseigner des pro- peut également remplir le vide par de la gravette ou « pea gravel ».
blèmes de colmatage dans la chambre. Leur suivi permet d’ajuster On procède alors dans un deuxième temps à une injection au coulis
et optimiser les paramètres de pilotage. de ciment de la gravette afin d’assurer la pérennité du scellement.

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Les sas sont fixés à la paroi dite « étanche » du bouclier. Il existe


des sas pour le personnel et des sas pour les outils.
Tableau 5 – Exemples de formulations
pour du mortier classique et du mortier Le sas personnel comprend une chambre principale et une
bi-composant (pour 1 m3) chambre secondaire. La chambre principale est dimensionnée en
fonction du nombre de personnes intervenant en même temps
Mortier classique Bi-composant dans la zone pressurisée : le plus souvent 3 personnes. La chambre
secondaire est obligatoire pour permettre l’intervention éventuelle
Sable 0/6 : 650 kg Ciment : 300 kg de secours.
Les pressions d’interventions varient selon les projets et sont
Sable 0/4 : 325 kg Eau : 788 kg proportionnelles à la colonne d’eau à équilibrer : plus les hauteurs
d’eau sont importantes et plus les pressions d’interventions sont
Gravette : 325 kg Bentonite : 25 kg fortes. Comprises entre 1,5 et 4 bars pour les projets les plus cou-
rants, les pressions d’interventions peuvent atteindre des valeurs
Cendres volantes : 244 kg Retardateur : 6 kg plus élevées, comme par exemple dans le cadre du projet Eurasia
Tunnel en Turquie où la pression d’intervention maximale mise en
Filler : 173 kg Accélérateur (composant B) : œuvre était de 11 bars.
100 kg
Les travaux hyperbares sont soumis à des législations variant
d’un pays à l’autre et les modes d’interventions et équipements
Ciment : 60 kg doivent être adaptés en fonction des réglementations. La norme
EN 12110 régit les exigences sur le matériel pour la zone Euro.
Eau : 320 kg À titre d’exemple en France, les interventions au-delà de 5 bars à
l’air sont proscrites. Dans ces conditions, l’emploi de mélanges
Retardateur de prise : 0.5 kg gazeux comme l’héliox ou le trimix est obligatoire.
Lorsque les pressions d’interventions sont élevées, certains pro-
jets font le choix dit de la saturation, qui consiste à faire évoluer
Deux modes sont utilisés pour la réalisation de cette injection. Le les plongeurs dans un habitat pressurisé en surface et par l’inter-
premier mode consiste en une injection radiale au travers de l’un des médiaire d’un Shuttle de transfert également pressurisé peuvent
derniers anneaux en place. Le second mode – plus courant – consiste rejoindre la zone sous pression à l’avant du bouclier. Cette méthode
à injecter longitudinalement au travers de tubulures réservées dans a le principal avantage de bénéficier d’un temps quotidien d’inter-
l’épaisseur de la jupe du tunnelier. L’avantage de ce second mode est vention des agents beaucoup plus long en comparaison avec des
que les lignes d’injection peuvent rester connectées à tout instant. interventions ponctuelles plus classiques.
Le matériau de remplissage doit présenter les qualités et fonc-
tions suivantes :
– remplir parfaitement le vide annulaire afin de limiter les tasse- 4.8 Évacuation des déblais
ments ;
– être très peu déformable après sa mise en place ; Le mode d’évacuation des déblais est intimement lié au mode
– être facilement pompable dans des conduites de faibles dia- de confinement du tunnelier. En effet, le type de confinement a
mètres et éventuellement sur de grandes distances ; une incidence sur la consistance du marin. En mode pression de
– être faiblement abrasif pour limiter l’usure des dispositifs terre, un marin de consistance pâteuse est recherché, alors qu’en
d’injection ; mode pression de boue, le marin aura une consistance liquide.
– être peu sensible au délavage en présence d’eau ; Pour les tunneliers au rocher, les matériaux extraits ont une bloco-
métrie variant entre 5 et 20 cm de diamètre.
– présenter des propriétés mécaniques minimales (résistance à
la compression et au cisaillement).
La résistance à la compression visée à court terme (UCS à 24 h), 4.8.1 Berlines
d’un mortier ou d’un bi-composant, est généralement située entre
1 et 2 MPa. Un train de berlines est constitué d’une série de wagons bennes
le plus souvent dimensionnée pour recevoir le volume de maté-
La composition des matériaux de remplissage est étudiée et riaux excavés correspondant à la longueur d’un stroke (figure 21).
adaptée pour chaque projet. Le choix entre du mortier ou du bi- Ce mode d’évacuation de déblais peut être associé aux tunneliers
composant est souvent guidé par l’aspect économique en fonction EPB et rocher. Pour le dimensionnement du volume des bennes,
du prix des agrégats et du ciment dans la région du projet. le foisonnement est à prendre en compte et peut varier entre 1,5
Pour assurer la logistique d’injection de mortier, les tunneliers et 2,0 selon les terrains. La puissance de traction est calculée en
sont équipés d’une ou plusieurs trémies agitatrices et de pompes fonction de la charge à transporter et des pentes maximales à
d’injection dimensionnées pour répondre aux performances d’avan- franchir. Plusieurs locomotives peuvent être couplées pour aug-
cement. Dans le cas d’une injection de mortier, des pompes à pis- menter cette puissance.
tons sont préférées. Le bi-composant est injecté par l’intermédiaire Un train de berlines est très souvent associé à du transport fer-
de pompes volumétriques rotatives autrement appelées pompes à roviaire qui présente comme principale limite les pentes admis-
vis ou pompes à queue de cochon (tableau 5). sibles de l’ordre de 4 %.

4.7 Les sas 4.8.2 Convoyeurs


Le mode d’évacuation par transporteur à courroie ou convoyeur
Afin de procéder au changement d’outils de la roue de coupe
est utilisé pour les tunneliers à confinement pâteux ou roche.
ainsi qu’à d’éventuelles réparations, il est nécessaire de pouvoir
intervenir dans la chambre d’abattage sans réduire la pression de Dans le premier cas, une vis d’extraction permet le charriage des
confinement. Les tunneliers à confinement sont équipés de sas afin matériaux depuis le pied de la chambre d’abattage jusqu’au
de permettre le passage des hommes et outils depuis la zone à pres- convoyeur. Dans le deuxième cas, le convoyeur est avancé au centre
sion atmosphérique vers la zone pressurisée à front (figure 20). de la roue de coupe, cette dernière étant spécialement conçue avec

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Figure 20 – Exemple de SAS

des godets qui ramassent les matériaux et les déchargent dans une Pour le creusement des tunnels du Grand Paris, les convoyeurs
trémie qui alimente le convoyeur. utilisés sont le plus souvent équipés de bande textile de largeur
800 à 1 000 mm avec des capacités de 700 t/h.
Le convoyeur est constitué d’une courroie transporteuse sup-
portée par des rouleaux montés sur des structures métalliques qui Lorsque le tunnel démarre à partir d’un puits, il est alors néces-
sont accrochées au parement du tunnel et ajoutées au fur et à saire d’installer un tapis vertical capable de remonter les maté-
mesure de l’avancement du tunnelier (figure 22). Un poste de tra- riaux jusqu’en surface. Plusieurs technologies existent : des tapis
vail doit être prévu pour cette tâche, le plus souvent réalisée à à auges ou godets adaptés pour les projets au rocher ou des tapis
l’arrière du train suiveur. à pressage de bande plus appropriés à la remontée de matériaux
meubles provenant de tunnelier EPB. Cette dernière technologie
Cette technologie nécessite une réserve de bande pour per- consiste à emprisonner le marin entre deux courroies transpor-
mettre le rallongement du convoyeur au fur et à mesure de la pro- teuses pressées l’une contre.
gression du tunnelier. Les réserves de bande sont généralement
dimensionnées pour accueillir entre 400 et 500 m de courroie.
Cette longueur de courroie permet donc un avancement du tunnel
compris entre 200 et 250 m. À chaque fin de cycle, une nouvelle
4.8.3 Marinage hydraulique
courroie est déployée dans la réserve de bande puis vulcanisée à
la courroie principale du tunnel pour un nouveau cycle. Lorsque le confinement est liquide, le transport des matériaux
excavés est assuré par un réseau hydraulique entre le tunnelier et
En fonction de la longueur et du profil du tunnel, il est parfois la centrale de séparation située en surface. Cette technique de
nécessaire d’installer des boosters intermédiaires qui vont aider à transport hydraulique est couramment utilisée dans l’industrie du
entraîner la bande. minerai ou dans les travaux de dragages.

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Figure 21 – Exemple de train de marinage

Le réseau hydraulique est une boucle comprenant un circuit installer. Il est courant d’installer en galerie des tuyaux d’épais-
d’amenée qui approvisionne le tunnelier en boue dite « de tra- seur pouvant aller jusqu’à 14 mm pour les projets à forte abrasi-
vail » dont les propriétés rhéologiques sont adaptées aux condi- vité. Sur le tunnelier, le choix de la matière est parfois porté sur
tions de creusement et de soutènement du front de taille et un de l’acier anti-usure, comme le Creusabro ou l’Hardox, afin d’amé-
circuit retour assurant l’évacuation des matériaux excavés. Le réseau liorer la pérennité des conduites.
est constitué de conduites en acier et plusieurs pompes centri-
fuges reliant la centrale de séparation et le tunnelier. La vitesse critique de sédimentation est liée à la granulométrie
des matériaux charriés. Pour des sables fins, la vitesse critique de
La première valeur nécessaire au dimensionnement du réseau sédimentation se situe dans les environs de 3 m/s.
est le débit. Celui-ci est défini à partir de la concentration mas-
sique ou volumique du terrain en fonction de la vitesse d’avance- Les pompes utilisées pour cette application sont des pompes
ment du tunnelier. La concentration volumique doit être inférieure centrifuges. Le nombre de pompes est défini en fonction des pertes
à 20 % pour rester dans les limites de pompabilité. Un débit com- charge, linéaires, manométriques et singulières. Le type de pompe
plémentaire pour du rinçage est parfois ajouté. est défini à partir des puissances et du passage libre qui correspond à
la granulométrie maximale anticipée. Des concasseurs à mâchoires
Pour ce type d’application, les densités maximales utilisées sur ou à rouleaux sont installés sur le tunnelier en amont de la première
le circuit retour sont de l’ordre de 1,40 t/m3. pompe de retour afin de calibrer les matériaux et assurer leur compa-
tibilité avec le circuit de marinage retour.
Le dimensionnement des conduites est conditionné par le res-
pect d’une vitesse critique de sédimentation. Une vitesse trop
faible peut entraîner une sédimentation et une accumulation de
matériaux et provoquer des bouchons. À l’inverse, une vitesse 4.9 Autres fonctions embarquées
trop élevée va entraîner des pertes de charge importantes et donc
une consommation d’énergie plus grande et aussi des usures plus Le tunnelier doit être pensé comme une usine « mouvante ». Le
conséquentes. Aussi, il est important de prendre en compte l’abra- train suiveur embarque toutes les fonctions permettant d’assurer
sivité du terrain rencontré pour définir les épaisseurs de tuyaux à l’excavation, l’évacuation des déblais mais aussi la logistique pour

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Figure 22 – Convoyeur à bande

l’approvisionnement et la mise en place du soutènement ou du tions à l’avancement. L’érecteur à voussoir ou un érecteur dédié
revêtement. selon la probabilité d’utilisation sont conçus pour être équipé de
la foreuse de reconnaissance et ainsi pouvoir atteindre une auréole
Parmi la logistique embarquée, on peut retrouver la ventilation,
autour du bouclier.
un réseau d’air comprimé, un réseau de refroidissement, un réseau
d’exhaure. Les tunneliers sont aussi équipés d’équipement de sécu-
Chaque tunnelier est équipé d’une cabine de pilotage qui com-
rité. Des moyens de détection et d’extinction incendie sont installés
prend l’automate et rassemble la majeure partie des commandes
sur toute la machine. Une cabine de survie servant de refuge en cas
de la machine. Des écrans affichent en permanence les différents
d’incendie en tunnel et pouvant accueillir à minima l’ensemble de
paramètres du tunnelier. Des pupitres de commandes permettent
l’équipe en poste est embarquée sur le tunnelier. Des capteurs de
au pilote d’ajuster les paramètres de creusement et de guidage.
gaz complètent le système de sécurité embarqué.
Ces dernières années ont vu arriver l’intelligence artificielle au
La plupart des tunneliers sont conçus pour être capable de réa- cœur des tunneliers comme outils d’optimisation continue des
liser des sondages de reconnaissance complétés ou non d’injec- paramètres de pilotage.

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5. Le guidage des tunneliers

5.1 Repérage de la machine Axe de rattrapage

dans l’espace
Que ce soit pour un ouvrage hydraulique ou de transport de per-
Axe projet
sonnes, la tolérance de positionnement de l’ouvrage doit répondre
aux exigences de l’ouvrage à construire. Pour les ouvrages les plus
courants, la tolérance de position de l’axe du tunnel réalisé est de
l’ordre de 10cm sur le rayon. Cette tolérance regroupe tous les
écarts géométriques pouvant se produire entre l’ouvrage projeté et Figure 24 – Axe de rattrapage
l’ouvrage final. Ces derniers comportent :
– les tolérances de fabrication des voussoirs du tunnel ;
n’étant pas exactement sur l’axe projet, on lui fixe alors un axe de
– leur tolérance de mise en place dans le tunnelier ; rattrapage qui va lui permettre de s’en rapprocher (figure 24).
– leur déformation éventuelle sous l’influence de l’injection du
mortier ou des charges du terrain ; Le rayon de rattrapage doit être compatible avec la capacité de
– l’imprécision topographique de la connaissance de la position tourner du tunnelier lui-même, mais doit aussi tenir compte du
de l’axe projet ; rayon que sait prendre le revêtement et également le rayon accep-
– l’imprécision de la connaissance de la position du tunnelier par table pour le projet. En effet, dans le cadre de projet de transport
rapport à l’axe projet ; sur rail, le rayon de courbure du tracé est lié à la vitesse des
convois et créer un rayon de rattrapage trop serré peut entrainer
– l’imprécision du guidage de la machine. une réduction de la vitesse commerciale des convois. Une fois
Pour pouvoir guider un tunnelier et lui faire suivre l’axe du pro- l’axe de rattrapage défini, il devient l’axe de consigne que le pilote
jet, il faut connaître sa position dans l’espace par rapport à cet du tunnelier va s’efforcer de suivre.
axe. Les systèmes de repérage par GPS ne fonctionnant pas en
souterrain, on utilise des moyens topographiques classiques. La Les anneaux de voussoir ont une géométrie leur permettant de
démarche consiste à descendre en fond du puits de démarrage suivre une courbe. Leurs faces ne sont pas parallèles mais ont un
des repères topographiques. À partir de cette base, au fur et à léger fruit appelé pincement. En empilant les anneaux selon un
mesure de l’avancement du projet, des repères sont fixés sur le calepinage prédéfini, on peut faire suivre différents rayons de
parement du tunnel. La méthode la plus classique consiste ensuite courbure au revêtement du tunnel (figure 25).
à viser depuis un théodolite fixé en voute du tunnel quelques
dizaines de mètres derrière le tunnelier un ou plusieurs repères En première approche, le rayon le plus serré que sait prendre
fixés en tunnel puis de déterminer sur cette base la position de un tunnel de diamètre D, avec des anneaux de longueur L et de
prismes situés sur la structure du tunnelier (figure 23). pincement P est égal à :

Ces mesures permettent de connaitre la position en x et en y du


tunnelier. Deux inclinomètres équipant le tunnelier fournissent
des indications sur le roulis et le tangage de la machine. L’avance-
ment de la machine est, quant à lui, mesuré au moyen de cap-
teurs d’élongation des vérins de poussée de la machine. Dans le cas d’un tunnelier posant des voussoirs, il va pousser
sur les vérins de poussée situés vers l’extérieur de la courbe de
Les tolérances liées aux imprécisions topographiques sont faibles façon plus importante. Son second moyen d’action est d’utiliser la
au début du creusement, mais augmentent à mesure que le creuse- surcoupe dont le tunnelier peut être équipé. La surcoupe consiste,
ment avance du fait que le réseau de repères topographiques soit à disposer d’un outil spécial sur la roue de coupe que l’on
s’allonge, en antenne. peut étendre lorsqu’il passe du côté intérieur de la courbe, puis
De façon régulière, on procède à une vérification des coordon- rétracter ensuite. La découpe du front est alors légèrement ovale
nées des repères fixés au parement du tunnel au moyen d’une vers l’intérieur de la courbe, ce qui facilite la prise de courbe. Une
contre-mesure effectuée avec un gyroscope. autre façon de réaliser cette surcoupe est de décaler l’ensemble
de la roue vers l’intérieur de la courbe. On parle alors d’un tunne-
lier équipé d’une roue articulée.

5.2 Guidage de la machine Dans le cas d’un tunnelier ne posant pas de voussoirs, c’est en
agissant sur la position de la poutre centrale du tunnelier au niveau
Une fois la machine repérée dans l’espace, on connaît sa posi- des « grippers » que le pilote va donner une direction pour le
tion et son orientation par rapport à l’axe projet. Le tunnelier prochain cycle d’excavation.

Théodolite

Zone des remorques du tunnelier

Figure 23 – Exemple de polygonale en galerie

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P/2 P/2 R

Figure 25 – Exemple de calepinage permettant de suivre un alignement droit ou une courbe

Tableau 6 – Prix d’achat des tunneliers – Tableau 7 – Composition type des équipes
base 2021 de creusement et maintenance

Diamètres 5m 10 m 15 m Postes Nombre d’opérateurs

Prix d’achat en 2021 5-10 M€ 15-20 M€ 40-45 M€ Pilote de tunnelier 1

Pilote d’érecteur de voussoir + aide 2à3

Opérateur injection mortier 1


6. Aspect économique de bourrage

Rallongement des conduites 2à4

6.1 Coûts d’achat des tunneliers Maintenance électrique 1à3

Les tunneliers étant conçus spécifiquement pour chaque projet, Maintenance mécanique 1à3
leurs coûts d’achat sont variables en fonction des options qu’ils
comportent. Les ordres de grandeur sont ceux donnés au tableau 6. Conducteurs de trains 1 à 4 selon la longueur
de l’ouvrage

6.2 Composition des équipes Équipe surface et fond de puits 4à8


de creusement
Une part significative du coût d’un projet réside dans la main
d’œuvre. En général, les projets sont réalisés en 3 postes de 7.1 Temps de fabrication et de montage
8 heures, parfois 7 jours sur 7 de façon à limiter la durée du pro-
jet. Il faut compter alors 3, 4 ou parfois 5 équipes. Les équipes Le temps de conception, de fabrication, d’assemblage et de mon-
sont constituées de la main d’œuvre permettant de produire et de tage en usine est en général de l’ordre de 12 à 14 mois.
la main d’œuvre nécessaire à la maintenance de la machine. Le temps de démontage et de transport sur site dépend de la
distance sur laquelle le tunnelier doit être transporté. On considère
On dénombre les effectifs dont la répartition est donnée au en général de 1 à 3 mois.
tableau 7.
Enfin, le temps de montage sur site varie selon la configuration
S’ajoute à cet effectif, une équipe à la journée constituée de 5 à du site. Parfois, le puits dans lequel le tunnelier doit être assemblé
10 personnes. est plus petit que le tunnelier complet. Il est alors nécessaire de
démarrer le creusement de façon dégradée puis de rajouter les
dernière remorques de la machine une fois que celle-ci est suffi-
samment rentrée dans le terrain. On considère en général une
7. Aspect programme durée entre 2 et 4 mois pour réaliser le premier tour de roue.

L’aspect programme rentre également dans les coûts d’une 7.2 Vitesse d’avancement
opération. Le tunnelier impacte de deux manières le programme
d’une opération. D’une part, il convient de considérer le temps Pour la plupart des projets qui comportent un tunnel, ce dernier
nécessaire pour le fabriquer et, d’autre part, la durée de creuse- est sur le fil rouge du programme de réalisation de ce projet. C’est
ment est conditionnée par sa vitesse. pourquoi en général les tunneliers fonctionnent 24 h/24.

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Tableau 8 – Quelques projets récents par pays, fabricants et typologies

Ø Couple Pression Énergie


Nom Type Puissance Poussée Longueur
Fabricant Pays excavation nominal de conf. abattage
du projet de TBM sur la totale (m)
(m) (kN.m) max (bar) (MJ/m3)
roue (kW) (kN)

Niagara Robbins Canada Gripper 14,4 4 722 18 462 9 000 – 12 105

Chute de Gavet Herrenknecht France Gripper 4,7 2 100 14 250 2 106 – 51 210
HEPP

Alaskan Way Hitachi États- Pression 17,48 22 860 392 000 72 717 7 49 91
Viaduct Unis de terre
Replacement
Project – Seattle

Métro de Rennes Herrenknecht France Pression 9,44 5 420 60 344 25 790 4 33 70


– Ligne B de terre

Istambul Strait Herrenknecht Turquie Pression 13,71 4 900 247 300 23 289 12 17 105
Road Tube de boue
Crossing Project

Tuen Mun – Chek Herrenknecht Hong Pression 17,63 5 264 232 800 27 722 5 11 76
Lap Kok Kong de boue

Hallandsas Herrenknecht Suède Multi- 10,53 4 000 139 500 20 370 12 19 250
mode

Lake Mead Herrenknecht États- Multi- 7,22 2 800 70 372 11 700 15 29 195
Intake n3 Unis mode

Les tunneliers progressent de façon cyclique. Leur cycle d’avan- 7.3 Focus – Quelques projets récents
cement se décompose a minima en un temps de creusement et un
temps de pose de voussoirs. Le cumul de ces deux durées repré- Se reporter aux détails du tableau 8.
sente le cycle le plus court que puisse faire le tunnelier et donc sa
cadence maximale. Le temps de creusement se calcule en divisant
la longueur d’un pas d’avancement par la vitesse instantanée de
creusement. Cette vitesse varie entre quelques millimètres par
minutes dans des terrains très durs et jusqu’à 10 cm par minutes
8. Risques principaux
dans les terrains les plus favorables. Le temps de pose d’un
anneau de voussoirs varie, quant à lui, entre 15 minutes et une
et contre-mesures
heure, une fois les équipes de creusement formées.
Les travaux souterrains et les travaux au tunnelier sont des acti-
Certaines opérations nécessaires au fonctionnement du tunne- vités comportant certains risques. Les plus courants sont détaillés
lier vont impacter le temps disponible pour la production. Il s’agit en suivant.
des opérations de relève de poste, de rallongement des servitudes
(câble d’alimentation du tunnelier, gaine de ventilation, tuyaux
d’alimentation en air comprimé ou circuit de refroidissement du 8.1 Colmatage
tunnelier) ou d’opérations topographiques (déplacement du théo-
dolite). Enfin, les cadences sont dégradées par les pannes qui vont Le colmatage de la roue de coupe, le plus souvent rencontré
affecter le tunnelier, mais aussi les éléments de la chaîne logis- dans des formations plastiques et collantes, peut entraîner une
tique de la machine, comme les équipements d’évacuation des chute importante des performances de creusement du tunnelier. Un
déblais, les trains de services, les moyens de levage. Ces temps premier type de colmatage concerne la roue de coupe elle-même,
morts représentent une part significative du cycle (entre 40 et 80 % ses boitiers de molettes, ses bras, ses outils pouvant entraîner un
du temps). En définitive, la cadence moyenne de creusement est défaut de pénétration et des difficultés d’abattage des matériaux. Le
souvent équivalente à la moitié de la cadence de pointe. deuxième type de colmatage rencontré se trouve entre l’arrière de
la roue de coupe et la paroi plongeante rendant l’extraction des
On constate également que la cadence moyenne n’est pas obte- matériaux compliquée. Des interventions de nettoyage régulières
nue dès le début d’un projet. Elles sont en général atteintes au sont parfois nécessaires impactant directement les performances
bout de 2 ou 3 mois de mise en cadence. d’avancement du tunnelier.
Des développements récents permettent de superposer les tâches Lorsque le risque de colmatage est connu, il existe plusieurs
de creusement et de pose de voussoirs. Ce système permet leviers pour en limiter l’impact. Tout d’abord, le choix du type de
d’améliorer les cadences de creusement. confinement lorsque cela est possible : par exemple un tunnelier

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multimode peut répondre plus favorablement à cette probléma- Par ailleurs, étant donnée sa taille (entre 50 et 33 % du diamètre
tique de colmatage plutôt qu’un autre type de tunnelier. Égale- du tunnelier), on imagine la difficulté inhérente à son remplace-
ment, la conception de la roue de coupe, son taux d’ouverture, le ment en galerie. Si cet incident est rare, la durée de remplacement
type d’outils, de dents sont autant de facteurs à étudier étroite- d’un roulement peut prendre de l’ordre de 6 mois.
ment avec le fournisseur dès les premières réunions techniques.
Les paramètres de pilotage et les différentes possibilités de rin-
çage et/ou d’apport en eau ou polymères sont aussi des moyens 8.5 Incendie
pour limiter l’impact du colmatage.
En milieu confiné, le risque incendie est un évènement redouté.
Comme toute installation industrielle, un tunnelier doit faire
8.2 Usure l’objet d’une étude de risque visant à identifier les composants
pouvant faire l’objet d’un départ de feu ou de l’entretenir. Des dis-
Le risque d’usure concerne essentiellement les équipements en positifs de détection, d’alerte, d’extinction sont prévus aux points
contact direct avec les matériaux, en particulier la roue de coupe stratégiques. Il est recommandé de prévoir un cheminement pré-
et ses outils. Des fortes usures impliquent des inspections et des férentiel pour l’évacuation. Si un incendie a lieu en galerie et non
changements d’outils fréquents impactant directement le planning sur le tunnelier, une cabine de survie disposée sur le tunnelier
global de creusement du tunnel. permet aux ouvriers de trouver refuge le temps d’éteindre l’incen-
die et de régénérer l’air de la galerie.
Les mémoires de synthèse géologique précisent le niveau d’abrasi-
vité des terrains rencontrés, généralement issu d’essais de type
Cerchar ou LCPC. Cette étude très importante permet d’anticiper et
d’optimiser la qualité des matériaux et outils à installer. Par exemple, 8.6 Venues d’eau
des tôles renforcées anti-usure ou des molettes avec inserts en car-
bure peuvent être des solutions pour limiter les usures. Les tunneliers confinés sont par principe étanches. Malgré tout, il
peut arriver qu’une défaillance d’un système d’étanchéité entraine
La planification préalable d’arrêts pour maintenance lourde est une entrée d’eau importante. Des pompes de secours sont prévues
aussi un moyen de limiter le risque programme sur l’ensemble du afin de permettre d’évacuer cette eau et permettre, dans le pire des
projet. cas, aux ouvriers d’évacuer le tunnelier.

8.3 Perte de confinement


9. Aspects environnementaux
Les conséquences de la perte de confinement peuvent aller d’un
tassement en surface supérieur à ce qui était attendu jusqu’à un
effondrement du front du tunnel entrainant la création d’un cra- 9.1 Impact sur l’environnement
tère en surface. Les causes de cette perte de pression peuvent être
variée. Les types de confinement ne vont pas avoir la même sen- L’acceptabilité des projets incluant le creusement d’un tunnel en
sibilité selon la cause de la fuite (tableau 9). site urbain mais aussi en site rural est un enjeu très important. Limiter
l’impact des travaux des tunneliers sur l’environnement revêt de ce
fait un caractère primordial. Cet impact peut être de différente nature.
8.4 Endommagement du roulement
Le roulement constitue une pièce très importante car c’est lui 9.1.1 Tassements en surface
qui permet la mise en rotation de la roue de coupe et donc qui Les bâtis sous lesquels un tunnelier creuse vont subir un tasse-
permet l’avancement. Il est sensible à la pollution par des parti- ment. Ce tassement dû à la modification du champ de contrainte
cules de sol qui peuvent accélérer son usure. Un grand soin est amenée par la création d’une ouverture dans le sol a pour consé-
apporté à la conception des joints et du circuit de lubrification le quence de produire des déformations sur le bâti. L’impact sur
protégeant d’une telle pollution. l’intégrité des bâtis dépend du degré de déformations. L’AFTES
indique les seuils du tableau 10.
L’importance des tassements dépend de beaucoup de paramètres
parmi lesquels le diamètre excavé, les caractéristiques des terrains à
Tableau 9 – Adéquation du marinage front, des terrains de couverture, la hauteur de couverture et la
en fonction des risques de fuite pression de confinement appliquée. Le seul paramètre sur lequel on
puisse agir est la pression de confinement. Dans des terrains
Causes de la fuite/Types sensibles, la maîtrise de la pression de confinement devient par
Gazeux Liquide Pâteux
de confinement

Forage non rebouché ++ ++ ++

Puits ancien non ++ ++ + Tableau 10 – Relation entre degré


répertorié, mal rebouché d’endommagement et seuils de tassement

Présence de karsts ++ ++ + Description Tassement


Degré de Largeur Pente
des absolu
dommage de fissure (°/°°)
Pollution du sol – + – dommages (mm)

Proximité de fondations ++ + – Très léger Esthétiques < 1 mm 10 2


profondes
Léger Esthétiques < 5 mm 50 4
Fuite sur le tunnelier + + ++ à traiter

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TUNNELIERS ______________________________________________________________________________________________________________________

conséquent un enjeu très important et peut militer pour le choix en blocs de granulométrie assez étalée. La valorisation des maté-
d’une technologie de confinement plutôt qu’une autre. riaux extraits, pour peu que la roche de base le permette va
consister à cribler les déblais et éventuellement les laver pour les
trier par taille et les débarrasser des fines qui les entourent. Cette
9.1.2 Vibrations opération nécessite des moyens et de la place en surface mais
Les tunneliers peuvent générer des vibrations au niveau de la s’apparente largement à une activité de carrière. La valorisation
roue de coupe (éclatement du rocher sous le travail des molettes, s’envisage dans ce cas de façon assez simple.
frottement des godets racleurs sur la périphérie de la roue de À l’inverse, un tunnelier à pression de terre va rejeter des déblais
coupe), ou bien à cause de l’avancement saccadé de la machine qui auront été conditionnés pour rendre le marinage pâteux. Le
qui frotte sur sa génératrice inférieure. Les vibrations mesurées en réemploi de ce type de matériaux s’avère donc beaucoup plus com-
surface présentent généralement de très faibles vitesses particu- pliqué et il est souvent nécessaire de traiter les déblais au ciment ou
laires qui ne mettent pas en péril les structures. au liant routier pour les rendre transportables par camion jusqu’à
Il arrive cependant parfois que les vibrations soient ressenties leur lieu de dépôt.
par les riverains, notamment la nuit. Cette nuisance temporaire Le cas des tunneliers à marinage hydraulique, sous réserve que
est difficile à éviter. Il n’a pas été mis en évidence une différence le terrain en place soit intéressant, va permettre de valoriser les
significative entre les divers types de tunneliers. déblais grâce à la centrale de séparation qui équipe le circuit de
marinage. Au niveau de cette centrale les matériaux vont être
séparés de la boue de forage par différents procédés mécaniques
9.1.3 Bruit qui peuvent séparer les matériaux par dimension de grains.
Le premier étage de traitement permet de séparer les éléments
Les tunneliers fonctionnants sous terre par définition, ce ne
grossiers (en général supérieurs à 7 mm). Les étages inférieurs
sont pas eux qui occasionnent une gêne à cause du bruit. Ce sont
séparent les éléments sableux (de 7 mm à 80 microns). La valori-
surtout les équipements annexes qui sont, eux, en surface et dont
sation de chacun des fractions va donc être possible, moyennant
les émissions sonores peuvent avoir un impact sur l’environne-
parfois un relavage pour éliminer les traces de bentonites enro-
ment du chantier.
bant les grains.
Il est à noter que la valorisation des matériaux a un impact
9.1.4 Pollution de la nappe important sur l’économie du projet et peut donc orienter vers le
choix d’une technologie de confinement plutôt qu’une autre.
Les tunneliers sans confinement ou bien fonctionnant avec un
confinement inférieur à la pression de la nappe ne risquent pas de
modifier la qualité des eaux souterraines car ils ont tendance à
extraire de l’eau. À l’inverse, les tunneliers fonctionnant avec des
pressions supérieures à la pression de la nappe sont susceptibles 10. Conclusion
de pousser dans le terrain des composants étrangers. Dans le cas
d’un tunnelier à air comprimé, on va introduire de l’air dans le ter- Bien que l’usage des tunneliers pour construire des ouvrages
rain et également de la mousse s’il en est fait usage. La mousse souterrains soit maintenant largement répandu, on constate que
est constituée de produits tensio-actifs dilués. les machines font toujours l’objet d’amélioration afin de les
Dans le cas d’un tunnelier pression de boue, la bentonite conte- rendre plus fiables et plus performantes.
nue dans cette dernière a pour vocation de créer un film étanche Le nombre d’entreprises qui utilisent à présent cette technolo-
autour de l’excavation. Il y a certes une pénétration de boue bento- gie est plus important qu’il y a une vingtaine d’années, mais cela
nitique sur quelques centimètres ou quelques dizaines de centimètres ne doit pas laisser penser que l’utilisation de ces machines peut
dans le terrain mais cette intrusion est contenue. La bentonite est un être envisagée sans une solide expérience. En effet, si certaines
élément que l’on retrouve dans le milieu naturel et qui ne présente géologies sont tolérantes vis-à-vis des variations de pression de
pas de toxicité en tant que tel. L’ajout de produits complémen- confinement, la plupart du temps, des écarts fortuits sur les valeurs
taires comme les réducteurs de filtrats, les correcteurs de pH ou de consigne peuvent entrainer des conséquences catastrophiques
les adjuvants visant à limiter le collage des argiles mérite en pour le projet mais également pour son environnement.
revanche de faire l’objet d’une attention spécifique.
L’expérience pour la conduite et la maintenance efficace des
Les tunneliers pression de terre requièrent l’ajout de produits machines est une compétence qui prend du temps à s’acquérir.
de conditionnement tels que de l’eau, de la mousse ou des
polymères. Là encore, une attention sur la composition des pro-
duits utilisés s’avère nécessaire afin d’évaluer l’impact du tunnel
sur l’environnement.
11. Glossaire
9.1.5 Modification de l’écoulement de la nappe Bouclier
Le tunnel foré dans certaines configurations peut créer un écran Ensemble des composant situés à l’intérieur de l’enveloppe
à l’écoulement naturel de la nappe, entrainant des variations de cylindrique en acier permettant de creuser le tunnel.
niveaux ou de débit par rapport à la situation prévalant avant son Back-up ou remorques de train suiveur
passage.
Ensemble des remorques disposées derrière le bouclier assu-
rant le rallongement des servitudes et l’approvisionnement en
consommable du bouclier.
9.2 Valorisation des déblais
TBM (Tunnel Boring Machine) ou tunnelier
Les ressources minérales n’étant pas inépuisables, il est assez Ensemble du bouclier et de son train suiveur.
naturel de s’interroger sur la possibilité de pouvoir utiliser les
déblais extraits par les tunneliers. Selon la géologie rencontrée Marin ou marinage
par ce dernier, et selon son type, la valorisation des déblais va Ensemble des déblais issus du creusement additionnés des
être plus ou moins possible. Ainsi, un tunnelier creusant dans du consommables de creusement que peuvent être des produits tensio-
rocher, de type ouvert, va avoir comme action de casser le rocher actifs, des polymères, des fines naturelles ou de la bentonite.

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Tunneliers
Machines pour creuser des tunnels
en pleine section
par Benjamin LEROI
Directeur du service méthodes travaux souterrains
Vinci Construction Grands Projets, Nanterre, France
David MAZEYRIE
Ingénieur principal méthodes travaux souterrains
Vinci Construction Grands Projets, Nanterre, France
et François RENAULT
Directeur technique tunnel
Vinci Construction Grands Projets, Nanterre, France

Sources bibliographiques
[1] ANAGNOSTOU (K.). – Face stability in slurry [2] THEWES (M.) et HOLLMANN (F.). – Clogging
and EPB shield tunnelling (1996). and disintegration of fines in clayey soils
(2014).

À lire également dans nos bases


GUILLOUX (A.), LE BISSONNAIS (H.), CAHN (M.) et EGAL (E.). – Géologie – Notions de base et appli- DURVILLE (J.L.). – Mécanique des roches – Géné-
JANIN (J.P.). – Creusement des tunnels – cation au génie civil, [C 204] (2021). ralités, [C 350] (2015).
Méthodes de construction et géotechnique, BRIANÇON (L.), CAZEAUDUMEC (B.) et PINCENT
[C 5 583] (2021). (B.). – Auscultation géotechnique, [C 229] (2020).

Normes et standards
Norme NF EN 12110 – Machines pour la construction de Norme NF EN 16191 – Tunneliers – Prescriptions de sécurité
tunnels – Sas de transfert – Prescrip-
tions de sécurité

Annuaire
Organismes – Fédérations – Associations Association internationale des tunnels et de l’espace souterrain
(liste non exhaustive) http://www.ita-aites.org/
Association française des travaux et de l’espace souterrain France sans tranchée technologies
http://www.aftes.fr http://www.fstt.org

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