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La tolérance à l’acétazolamide lors de traitement de fond de la maladie de


Ménière

Conference Paper · October 2015

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7 authors, including:

Nicolas-Xavier Bonne Sophie Achard


University of Lille Nord de France Hôpital Universitaire Necker
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Christophe Vincent
Centre Hospitalier Régional Universitaire de Lille
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TOLERANCE A L’ACETAZOLAMIDE
Les chiffres et les précisions rapportés dans cet article ne sont valables que pour les populations étudiées et ils
n’émanent que de l’expérience personnelle de l’auteur

Cabinet ORL du Dr Moradkhani, 81 RUE DE LA GARE, CROIX

OCTOBRE 2014

Introduction :

Le traitement par l’acétazolamide permet, dans un nombre non négligeable de cas, de


soulager et de stabiliser la maladie de Ménière. Ce produit, prescrit sans précaution préalable
et en particulier à forte dose, est souvent source d’intolérance et de complications. Nous avons
mis au point un certain nombre de précautions et, en particulier, un dosage adapté (faible et
fractionné) afin d'en diminuer au maximum les inconvénients.

Dans cet article nous allons étudier uniquement la problématique de la tolérance.


L’efficacité de ce traitement fut évaluée dans un travail antérieur et en sera encore le sujet,
ultérieurement.

Nous débutons par un court rappel sur la maladie de Ménière, sur l’acétazolamide et sur
notre protocole habituel de prescription. Ensuite, la problématique de tolérance sera analysée
sur une population de 392 personnes qui en a bénéficié.

Maladie de Ménière :

Elle est décrite comme une entité clinique idiopathique caractérisée par une triade
symptomatique clinique et une évolution faite de crises itératives. Les trois symptômes
cardinaux sont : « Vertige ; Acouphènes ; Surdité ».

En pratique, le tableau clinique peut se présenter sous différentes formes et être plus ou
moins complet. Cette maladie correspondrait à un ensemble de tableaux cliniques dont le point
commun est la présence d’une anomalie endolymphatique. L’hydrops ou hyperpression
endolymphatique est communément admis comme le mécanisme pathogénique le plus fréquent.
D’où l’intérêt d’utilisation, en première intention, de produits à effet osmotique permettant
d’induire une baisse de la pression endolymphatique, notamment par une déplétion potassique.
Acétazolamide (DIAMOX®) :

C’est un inhibiteur de l'anhydrase carbonique et un diurétique hypokaliémiant. Il est


utilisé essentiellement pour diminuer la tension du liquide céphalo-rachidien (LCR) ou pour
traiter le glaucome. Son absorption digestive est très rapide. Au niveau plasmatique, il est
fortement lié aux protéines (90-95%). La demi-vie plasmatique est de 5 heures et l'excrétion
urinaire est totale en 24 heures sous forme non métabolisée.

L’anhydrase carbonique est présente au niveau du sac endolymphatique qui intervient


dans la régulation de volume et de pression du liquide endolymphatique. Des études
histopathologiques d’immunolocalisation de l’anhydrase carbonique sur modèle animal
(Cochon de Guinée) ont retrouvé l’activité enzymatique au niveau de la strie vasculaire, des
cellules sombres vestibulaires, mais également au niveau des cellules ciliées cochléaires, alors
qu’elle semble absente des cellules ciliées vestibulaires.

L’utilisation de l’acétazolamide dans le mal de montagne et dans la maladie de Ménière serait


possible, non pas uniquement pour son action diurétique ou inhibitrice de l’anhydrase
carbonique, mais aussi en raison de son effet hypokaliémiant qui est, par rapport aux autres
diurétiques, plus modéré et plus facilement maîtrisable.

L’induction d’une hypokaliémie modérée et permanente entraînerait, sur le moyen et le


long terme, une déplétion du liquide endolymphatique permettant une diminution de risque de
survenue des crises (vertiges, acouphènes et surdité) avec, parfois même, une amélioration des
séquelles auditives. On pourrait évoquer aussi son effet hypotenseur sur le LCR comme un
facteur supplémentaire et bénéfique agissant sur le compartiment périlymphatique. À noter que
l’anhydrase carbonique est surtout une enzyme présente dans les plexus choroïdes sécréteurs
du LCR.

L’effet de l’acétazolamide commence à apparaitre en 3 à 4 semaines et doit être


entretenu à long terme par une prise continue. A l’arrêt, l’effet persiste au moins 1 à 2 semaines,
voire plus. Les incidents, les contre-indications sont multiples et doivent être connus. On peut
citer :

1) Les principales contre-indications :

- L’allergie aux sulfamides,


- L’antécédent de colique néphrétique lithiasique,
- L’insuffisance rénale,
- La grossesse.

2) Les principaux incidents et les intolérances :

- Les réactions allergiques : souvent cutanées, surviennent assez


rapidement dès le début de la prescription.
- Les coliques néphrétiques lithiasiques : obligeant l’arrêt de
l’acétazolamide, elles surviennent souvent après 2 à 3 mois, mais leur survenue
après plusieurs années de prise d’acétazolamide est aussi possible et observée.
Parfois, certains patients reprennent l’acétazolamide après le traitement de la lithiase
qui est typiquement oxalique. Des consignes diététiques peuvent, dès le début du
traitement, diminuer leur risque.
- L’insuffisance rénale : qui est systématiquement évitée par un contrôle
régulier de la fonction rénale. Dès l’observation d’une diminution significative de
la clairance de la créatinine, l’acétazolamide est arrêté.
- Les intolérances : les réactions d’intolérance sont multiples et diverses.
Ce sont essentiellement des gênes digestives, une asthénie ou des picotements et des
fourmillements des extrémités (souvent maîtrisables par un ajustement de la
posologie).

Protocole de prescription et dosage :

Dans notre protocole, dès la fin de l’enquête et du bilan diagnostique et en l’absence de


contre-indication, un traitement continu par l’acétazolamide est prescrit.

La demi-vie plasmatique de l’acétazolamide étant courte et la stabilisation de la kaliémie


étant délicate, la posologie et la prise quotidienne sont stables et adaptées. Nous préconisons
une posologie maximum de 250 mg par jour (un comprimé), en 2 à 3 prises quotidiennes. Pour
un sujet adulte de plus de 60 kg, nous prescrivons au maximum un comprimé de 250 mg en 3
prises (¼ de comprimé le matin, ¼ de comprimé le midi et ½ de comprimé le soir). Cette dose
peut être diminuée si la kaliémie est trop faible sur l’ionogramme effectué après vingt-et-un
jours de cure. En traitement de fond, souvent ½ comprimé ou ¾ de comprimé fractionné en
deux à trois prises, est suffisant pour maintenir une kaliémie à un niveau bas et acceptable.

Matériel et méthode :

Des doléances cochléo-vestibulaires furent observées chez 6.800 patients dans une
population totale de 20.000 personnes, entre les années 2000 et 2014. Soit un pourcentage de
34% de la consultation ORL libérale de l’auteur.

Chez 673 patients (soit environ 10% des doléances cochléo-vestibulaire) un mécanisme
pressionnel, autrement dit un trouble endolymphatique, fut suspecté. Ensuite un bilan clinique
et paraclinique a été proposé afin de déterminer le degré de certitude diagnostique.

Parmi les patients sus-cités, le diagnostic effectif d’une maladie de Ménière n’a été
retenu que chez 591 personnes, ramenant le pourcentage des cas d’hydrops à 8% des doléances
cochléo-vestibulaires (8% des 6.800 personnes). Les causes d’exclusion ont été multiples et,
par exemple, 10 patients présentaient une fistule périlymphatique ou une déhiscence du canal
semi-circulaire supérieur.

L’étude ci-après ne concerne que 444 patients diagnostiqués comme atteint d’un
hydrops endolymphatique et suivis par l’auteur sur une période d’au moins 3 mois. Les patients
perdus de vue (par exemple, ceux vus une seule fois, même si leur diagnostic était certain) ont
été exclus pour ne conserver que les patients suivis.

Le traitement par l’acétazolamide n'a pas été prescrit chez 52 patients (12%), car :

a) l’état clinique ne nécessitait pas de traitement (formes débutantes, modérées, crises


rares, observance non assurée) : 15 cas (29%)
b) les patients étaient déjà traités par un traitement radical (neurectomie vestibulaire ou
injection de gentalline) : 18 cas (34%)
c) il existait une contre-indication (antécédent de clique néphrétique, présence d’une
insuffisance rénale, allergie) : 19 cas (37%)

Un traitement continu par l’acétazolamide, selon notre protocole, est prescrit chez 392
patients (soit 88% des 444 patients diagnostiqués et suivis). Les données rapportées dans la
rubrique des résultats ont été obtenues par un suivi d’au moins 6 mois et jusque plusieurs
années, avec une moyenne de 2 ans. Parfois l’intolérance ou la complication a été observée
rapidement, sinon une période d’au moins 6 mois est exigée pour que le traitement soit
considéré comme supporté.

La population traitée est formée de 59% de femmes et de 41% d’hommes, avec une
moyenne d’âge de 42 ans.
Résultats :

Le traitement par l’acétazolamide est considéré comme supporté chez 325 patients, soit
un pourcentage de 83%.

Chez 67 patients (17%) le traitement n’a pas été suivi en raison d’incident ou de
complication. Les causes d’arrêt du traitement étaient les suivantes :

a) L’intolérance : 35 patients (9%),


b) L’allergie : 7 patients (2%),
c) La colique néphrétique lithiasique : 25 patients (6%),

Discussion :

L’acétazolamide n’est ni l’unique, ni le plus efficace des moyens thérapeutiques de cette


pathologie. Quelles sont les raisons de sa prescription ? Et pourquoi, souvent, l’oublie-t-on ou
l’évite-t-on ?

Pour l’auteur, le fait que l’hydrops est le plus souvent le mécanisme pathogène dans
cette maladie, justifie la prescription en première attention de produits à visée
osmotique/diurétique. L’acétazolamide, le glycérol et le mannitol ont cette propriété
relativement sélective et prouvée sur le compartiment endolymphatique. Les tests diagnostiques
utilisent, volontiers, le glycérol et le mannitol. Mais en traitement de fond, rien n’est plus aisé
que de prescrire l’acétazolamide.

L’indication d'un traitement de fond vient aussi du caractère chronique et imprévisible


de cette pathologie. Le traitement du vertige seul est bien souvent aisé, mais une fois le vertige
disparu, on ne peut prétendre à une guérison et rien ne préjuge de la suite et surtout de
l’évolution de l’état auditif. L’histoire clinique de cette maladie est faite de périodes de crise
initialement espacées mais progressivement de plus en plus fréquentes et rapprochées.
L’objectif de mise en place d’un traitement de fond est de diminuer le nombre et l’intensité de
ces crises. Notre expérience a montré que, sous un traitement de fond, dans les cas où l’efficacité
est suffisante, les crises deviennent peu fréquentes et relativement plus faible en intensité, de
telle sorte que le patient supporte les crises de faible intensité et évite la prise en charge urgente,
souvent lourde, en milieu hospitalier, de sa maladie.

L’utilisation de l’acétazolamide en traitement de crise, souvent à forte dose et sur une


courte période, est la raison principale de sa mauvaise publicité. Bien entendu, l’acétazolamide
n’est pas toujours efficace (d’après notre expérience son effet est satisfaisant dans environ 66%
des cas), mais une fois l’efficacité obtenue, il est fréquent que les prescripteurs l’arrêtent en
jugeant la guérison obtenue. Tandis que la prochaine crise, bien que parfois lointaine, se
montrera souvent plus intense que les premières crises. Même si le traitement initial ou
l’évolution naturelle de la maladie font disparaître les crises de vertige, que dire de l’évolution
de la surdité et des acouphènes ? Les considérer comme une fatalité ou tenter de les maîtriser
par le traitement de fond ?

D’après notre expérience, l’acétazolamide, quand il est efficace et bien supporté (grâce
aux précautions sus-citées), maîtrise la maladie et en diminue les séquelles. Sa prescription dès
le diagnostic est justifiée, sa tolérance et son efficacité sont à vérifier et à prouver dans le temps,
mais rien ne justifie son oubli au sein de l’arsenal thérapeutique de cette maladie.

Il est prescrit, bien entendu, en association avec la bétahistine et des perfusions


épisodiques du Mannitol, ainsi que la prise en charge des éventuelles pathologies associées
(troubles psychologiques, migraine, pathologie auto-immune, etc.).
Conclusion :

Nous avons tenté, dans cet article, de prouver que l’acétazolamide peut être prescrit pour
les hydrops endolymphatiques en traitement de fond et sur le long terme. Les précautions
mentionnées permettent d’en diminuer les effets indésirables. Ce sont essentiellement :
l’interrogatoire, la faible posologie et le fractionnement de la prise.

La problématique de la tolérance ne nous semble pas suffisamment grave pour renoncer


à ce traitement. Dans une population de 392 personnes, seulement 67 cas d’intolérance (17%)
ont été observés. Les doléances, comme le handicap, entrainés par cette maladie, sont d'une
telle importance que le faible risque de 17% est largement acceptable par les patients. D’autant
plus que l’arrêt de l’acétazolamide est synonyme de disparition de ses effets indésirables. À
noter que l’insuffisance rénale grave est toujours évitée : cette complication n’a jamais été
observée dans notre population, grâce aux contrôles réguliers de la fonction rénale par des
ionogrammes* dont le rythme dépend de la tolérance initiale et des risques encourus. Un
ionogramme précédent la prescription de l’acétazolamide est très utile pour prévoir la tolérance
(notamment pour la kaliémie), la détermination de la posologie et le rythme de la surveillance.

*Ionogramme = Urée, Créatinine (+ clairance), Potassium, Sodium, Chlore.

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