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Classiques & Cie lycée • Les Fleurs du mal • guide pédagogique

Baudelaire, Les Fleurs du mal


(édition Nouveau bac 1re)
GUIDE PEDAGOGIQUE
établi par Florence Bouchy et Johan Faerber

L’édition Classiques & Cie Lycée .................................................................................................. 2

L’étude de l’œuvre en classe : les étapes ......................................................................... 4


 1. Comprendre le contexte ....................................................................................................................... 4
 2. Entrer dans l’œuvre ................................................................................................................................. 4
 3. Observer la structure du recueil ....................................................................................................... 5
 4. Étudier une section du recueil ........................................................................................................... 5
 5. Analyser la figure du poète .................................................................................................................. 7
 6. Étudier les images de la femme et de l’amour ........................................................................... 7
 7. Étudier une forme fixe : le sonnet ................................................................................................... 8

Exercices & sujets : les corrigés ..................................................................................................... 9


 Des clés pour vous guider .......................................................................................................................... 9
 Les lectures d’images ................................................................................................................................. 23
 Les sujets d’écrit et d’oral ....................................................................................................................... 26

1 • Hatier © 2019
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L’ÉDITION
Classiques & Cie Lycée
À l’occasion de la réforme du lycée et de la mise en place du nouveau Bac français, la collection
Classiques & Cie a été entièrement repensée de manière que chaque ouvrage offre aux
enseignants une séquence complète sur l’œuvre et le parcours associé, tels que définis dans
les nouveaux programmes.
La nouvelle édition des Fleurs du mal comprend ainsi l’ensemble des poèmes du recueil,
associé à une proposition de parcours sur le thème « Alchimie poétique : la boue et l’or », ainsi
qu’à de nombreux autres enrichissements pédagogiques.

➢ L’avant-texte
Composé des rubriques « Qui est l’auteur ? », « Quel est le contexte ? » et de « La fiche
d’identité », l’avant-texte amène l’élève progressivement à la lecture du texte.

➢ Le texte annoté
Le texte suit l’ordre de l’édition de 1857, et propose donc les cent poèmes composés et
ordonnés par Baudelaire, incluant ainsi les six poèmes condamnés lors du procès des Fleurs
du mal.
À ces cent poèmes d’origine, sont bien évidemment ajoutés les poèmes écrits par Baudelaire
ultérieurement, lorsque la condamnation du recueil l’a conduit à proposer, en 1861, une
nouvelle édition – à la fois expurgée et augmentée – des Fleurs du mal. Ces poèmes sont placés
à la suite du recueil initial, et classés dans la section qui les accueille alors dans la nouvelle
édition.
Aux poèmes ajoutés par l’édition de 1861 succèdent ceux regroupés par Baudelaire sous
l’intitulé Les Épaves, un ensemble de quelques nouveaux poèmes publiés en Belgique en 1866
en même temps que six poèmes condamnés et réédités hors de France.
Enfin, en 1868, après la mort de Baudelaire, Théophile Gautier entreprend une nouvelle
édition des Fleurs du mal : les nouveaux poèmes de cette édition ont été ajoutés, mais sans
préciser la section dans laquelle ils prenaient place : l’ordre n’y doit en effet rien à Baudelaire
et se trouve bien souvent incongru, voire aberrant.
L’orthographe, la ponctuation et les corrections apportées aux poèmes des premières éditions
par Baudelaire lui-même ont été respectées. Le texte s’accompagne d’un grand nombre de
notes visant à le rendre accessible à des lycéens : elles éclairent telle allusion au contexte de
l’époque, tel mot à la signification complexe, tel glissement de sens qui, du XIXe au XXIe siècle,
pourrait rendre la lecture des Fleurs difficile.

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➢ Au fil du texte : « Des clés pour vous guider »


Soigneusement annoté, le texte du recueil est enrichi, à intervalles réguliers, de pages « Des
clés pour vous guider », qui permettent d’interroger des passages clés de l’œuvre.
Trois premières questions, littéraires, associées à une aide, sont suivies d’une question de
grammaire et d’une proposition d’activité (écrit d’appropriation, approfondissement
documentaire, etc.).

➢ Le parcours « Alchimie poétique : la boue et l’or »


Le parcours est composé des textes suivants :
Le poète, alchimiste de la douleur et de la laideur
309 Baudelaire, « Alchimie de la douleur »
310 Baudelaire, « Ébauche d’un épilogue pour la 2e édition des Fleurs du mal »
312 Hugo, « J’aime l’araignée et j’aime l’ortie »
314 Lautréamont, « Le Pou »
Le poète, alchimiste du quotidien
316 Verlaine, « Le bruit des cabarets, la fange des trottoirs »
317 Nouveau, « Le Peigne »
319 Verhaeren, « Les Usines »
Le poète, alchimiste du verbe
322 Rimbaud, « Alchimie du verbe »
324 Corbière, « Le Crapaud »
325 Apollinaire, « Réponse des Cosaques Zaporogues au Sultan de Constantinople »
L’objectif est de montrer comment, à partir de l’alchimie poétique baudelairienne, la poésie a
su se saisir du quotidien et de la laideur pour l’élever au rang de la dignité littéraire.

➢ Un groupement de textes complémentaires


Le groupement, consacré au thème de « la femme, muse et démon », permet de comparer
les statuts différents accordés à la femme, par Baudelaire et d’autres poètes majeurs,
montrant les formes variées et parfois contradictoires que peut prendre la quête du sens à
travers l’écriture de l’amour et du désir.

➢ Le dossier « Nouveau Bac »


Le dossier comprend :
– des fiches de lecture ayant pour but d’approfondir la lecture de l’œuvre en apportant une
réflexion sur ses principaux enjeux (structure, thèmes, écriture poétique) ;
– des prolongements artistiques et culturels (adossés à un encart couleurs) ;
– une rubrique « Objectif Bac » permettant de s’entraîner sur les nouvelles épreuves du bac.

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L’ÉTUDE DE L’ŒUVRE EN CLASSE


Les étapes

➢ Étape 1. Comprendre le contexte


• Baudelaire a beau être un dandy et récuser tout intérêt pour la politique (la part qu’il a prise
aux émeutes révolutionnaires de 1848 est anecdotique), l’originalité et le caractère subversif
de son œuvre se comprennent d’abord par rapport aux idées et aux mœurs dominantes de
son époque. L’entrée par le contexte biographique (p. 12) et historique (p. 14) est donc
essentielle. Cette première approche permettra donc aux élèves de découvrir la figure du
poète maudit (qui se veut en marge de la société) qu’incarne Baudelaire et que dessine Les
Fleurs du mal.
• Au-delà du contexte biographique et historique, il est nécessaire que les élèves prennent
conscience de l’existence d’une histoire littéraire. Baudelaire se nourrissant (pour le dépasser)
du romantisme, et se sentant des affinités avec l’esthétique parnassienne, la présentation ou
le rappel des caractéristiques de ces deux courants (Avant-texte, p. 16-17) est indispensable.
• Pour que cette étape soit efficace, elle nécessite que les élèves aient au préalable effectué
une première lecture de l’œuvre en identifiant les références au romantisme et à l’esthétique
parnassienne (« La Beauté » 17) ; pour y parvenir, ils peuvent s’appuyer sur les nombreuses
notes de bas de page, et sur les titres des poèmes, voire sur des recherches personnelles dans
des encyclopédies. En classe, le professeur pourra vérifier si cette lecture a été effectuée avec
sérieux par un questionnement oral, adressé à toute la classe, et attirer l’attention des élèves
sur un poème comme « Les Phares » 6, où Baudelaire brosse sa généalogie esthétique, et sur
« La Mort des artistes » 100 qui dessine une figure de l’artiste d’autant plus importante qu’elle
clôt le recueil de 1857.
• Les figures et représentations d’artistes trouveront une illustration avec le tableau de
Delacroix, Dante et Virgile aux Enfers (Image 4).

➢ Étape 2. Entrer dans l’œuvre


Pour entrer dans Les Fleurs du mal, on peut consacrer une séance à l’interprétation du titre
de l’œuvre, dont le caractère oxymorique condense l’esthétique et le projet baudelairien.
• À travers le relevé d’occurrences du mot « fleur » dans les poèmes (« L’Ennemi » 10 : « Et
qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve », v. 9 ; « La Mort des artistes » 100 : « C’est que la
Mort, planant comme un soleil nouveau,/ Fera s’épanouir les fleurs de leur cerveau ! », v. 13-
14), on pourra montrer aux élèves que la fleur n’évoque pas seulement la beauté, mais plus
généralement la création poétique et artistique.
• Pour décrire ce que peut être le mal tel que l’entend Baudelaire, on pourra s’attacher au
relevé des thèmes subversifs qui traversent l’œuvre et au parcours de la section « Fleurs du
mal » du recueil (p. 147-173).

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➢ Étape 3. Observer la structure du recueil


• Les premiers repérages ont dû permettre aux élèves de découvrir l’importance des titres des
poèmes et des sections. Il faut donc maintenant les conduire à s’interroger plus avant sur la
construction du recueil et à en chercher les effets de sens. Pour cela, la comparaison de la
structure des éditions de 1857 et de 1861 est des plus éclairantes. De même que la réflexion
sur les poèmes ajoutés ou déplacés en 1861 (alors que dans l’édition de 1857, la section
« Spleen et idéal » s’achève avec « La Pipe » 77, celle de 1861 marque une vision plus
désespérée du temps qui passe en s’achevant avec « L’Horloge » 122). L’ensemble des
informations nécessaires à la compréhension de la structure du recueil et de ses évolutions se
trouvent récapitulées dans la Fiche 1 « L’architecture du recueil », p. 328-331.
• Pour sensibiliser les élèves au fait que l’exigence de composition se retrouve dans toute
démarche artistique et fait sens, on étudiera le tableau de Matisse Luxe, calme, et volupté
(Image 5), en s’attachant particulièrement à la question de la composition.

➢ Étape 4. Étudier une section du recueil


■ Examen de la section « Spleen et Idéal »
• Une fois la structure d’ensemble du recueil comprise, il est souhaitable d’inviter les élèves à
étudier plus en détail une section précise, la plus connue et la plus décisive pour les
problématiques baudelairiennes, « Spleen et Idéal » (p. 24-146 et les ajouts de 1861, p. 197-
261). Il peut être intéressant, à ce stade de l’étude, de demander aux élèves de relire toute la
section pour adopter un regard surplombant et tenter d’y voir mieux les principes
d’organisation et les thèmes déjà repérés dans l’ensemble de l’œuvre.
• Une attention particulière sera accordée au poème « L’Idéal » 18, et aux quatre poèmes
intitulés « Spleen » 59 60 61 62.
• Cet arrêt sur la section « Spleen et Idéal » est l’occasion de mener une première lecture
linéaire. Celle du poème « Spleen » 62 « Quand le ciel bas et lourd… » permet de soulever des
enjeux essentiels de la poétique et de la thématique spleenétique de Baudelaire, dans ses
rapports à la difficulté de la création.
• Après avoir signalé aux élèves que le mot « spleen » apparaît pour la première fois chez
Diderot en 1759, on rappellera que le spleen est ressenti par tous les grands romantiques
comme « le mal du siècle » (on pense à cette phrase de Chateaubriand, dans René : « Ce
sentiment d’habiter avec un cœur plein, un monde vide »). Il faut donc se demander en quoi
Baudelaire hérite de ce sentiment romantique tout en l’infléchissant de telle façon qu’il en fait
une notion proprement baudelairienne (Fiche de lecture 3 « Le spleen », p. 335).
On cherchera à montrer que si le spleen est un des pôles de l’œuvre baudelairienne, c’est qu’il
se charge d’une signification forte, qu’il est d’ordre non seulement externe mais aussi interne.

■ Explication linéaire du poème « Spleen »


• On s’appuiera d’abord sur le repérage, par les élèves, de la structure du poème :
– les trois premiers quatrains, marqués par la reprise anaphorique de « Quand » signent la
montée du malaise ;

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– dans le quatrième quatrain, le rythme change, devient saccadé, signalant l’éclatement de la


crise ;
– le cinquième quatrain rompt violemment avec ceux qui précèdent ; cette rupture est
marquée par le tiret, le « Et » qui suit engageant une lente relance.
On montrera que la reprise anaphorique de « Quand » donne sa tonalité à chaque strophe,
qui s’organise autour d’une image, d’une hallucination visuelle.
• Dans le premier quatrain, si l’image du ciel « bas et lourd » est habituelle, sa comparaison
avec un couvercle fait passer d’une sensation banale d’écrasement à une hallucination. L’idée
s’accentue avec le passage du « couvercle » au « cercle », marquant encore le rétrécissement
d’un horizon qui se ferme. À l’idée d’enfermement s’ajoute la notion d’obscurité avec
l’oxymore « un jour noir » (v. 4) qui traduit une perception altérée de la réalité.
• Dans le deuxième quatrain, on passe du ciel à la « terre » (v. 5) et à la plus complète
horizontalité. Au malaise visuel du premier quatrain s’ajoute la notion tactile du malaise avec
l’humidité du « cachot » (v. 5). Ce quatrain marque une tentative d’élévation vers l’Idéal, mais
elle est un échec (« Où l’Espérance […]/ S’en va […]/ Et se cognant la tête à des plafonds
pourris », v. 6-8).
• Dans le troisième quatrain, on a tout d’abord une impression d’élargissement du cadre avec
l’adjectif « vaste » (v. 10), mais il n’y a aucun soulagement. À la comparaison du deuxième
quatrain (« l’Espérance, comme une chauve-souris », v. 6) succède une métaphore (« un
peuple muet d’infâmes araignées », v. 11) signalant qu’il n’y a plus aucune distance entre la
réalité perçue et son contact fantasmatique. On est bien au cœur d’une hallucination. Le
quatrain marque une progression dans l’horreur et le dégoût, face à un phénomène qui prend
possession de l’être du poète, et s’attaque à ses capacités intellectuelles (« au fond de nos
cerveaux », v. 12).
• L’anaphore avait préparé l’éclatement de la crise. Elle se manifeste dans le quatrième
quatrain par un sursaut violent et un rythme saccadé. La crise auditive passe au premier plan :
le tumulte douloureux est renforcé par le hiatus (« affreux hurlement », v. 14). Les « cloches »
appellent au secours, cherchent une transcendance. La continuité de ce hurlement sourd et
prolongé est rythmiquement marquée par la diérèse d’« opiniâtrement », v. 16. Finalement,
ces cloches sonnent pour prévenir de l’invasion : le spleen risque d’envahir l’esprit.
• Après la déchirure que marque le tiret, le cinquième quatrain est celui de l’accablement. La
lenteur est suggérée par le rythme, notamment par l’enjambement du v. 17 au v. 18. Dans le
deuxième quatrain, le poète évoquait « l’Espérance » (v. 6), et ses connotations mystiques. Ce
quatrain n’évoque plus que le simple « Espoir », d’ordre simplement humain : l’appel à une
transcendance est resté sans réponse, le poète est abandonné. Le poème s’achève par ailleurs
sur un groupe allégorique, comme si l’esprit du poète était le champ clos d’un combat
manichéen entre les forces de l’Idéal et celles du Spleen, s’achevant par la capitulation du
poète (« crâne incliné », « drapeau noir », v. 20).
• Le Spleen baudelairien est donc l’antithèse parfaite de l’Idéal. C’est un renoncement
physique, intellectuel et spirituel.

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➢ Étape 5. Analyser la figure du poète


• Une fois introduite la notion de « Spleen », il peut être nécessaire de montrer aux élèves
que celle-ci nourrit bien de manière décisive la poétique baudelairienne, en étudiant un
poème dans lequel le mot n’est jamais prononcé, mais où est pointée l’une de ses
caractéristiques essentielles : l’angoisse du temps qui passe et qui paralyse les capacités
créatrices du poète. Pour cela, on consacrera une partie de la séance à l’étude du poème
« L’Ennemi » 10.
• Cette image du poète sous l’emprise du spleen peut être l’occasion de s’interroger sur la
figure du poète et sur ses différentes représentations. Pour cela, on pourra s’appuyer, par
exemple, sur le Portrait de Baudelaire de Courbet (Image 1).

➢ Étape 6. Étudier les images de la femme et de l’amour


■ Deux figures de femmes antithétiques
• Après avoir parcouru différents poèmes consacrés aux femmes, de manière à mettre en
évidence l’existence de « cycles féminins » dans le recueil (voir « L’architecture du recueil »,
et en particulier le paragraphe consacré aux cycles féminins, p. 329), et s’être appuyé sur
quelques repères biographiques (voir « Qui est l’auteur ? », p. 12), on pourra comparer deux
images de la femme antithétiques : celle, heureuse et apaisante, de « Parfum exotique » 21,
et celle de la femme dominatrice et insatiable de « Sed non satiata » 24 (en notant que les
deux poèmes sont inspirés par la même femme, Jeanne Duval).
• Ce début d’étude peut conduire à commenter le poème « À une mendiante rousse » 65, qui
évoque une figure féminine n’appartenant à aucun des trois cycles féminins.

■ Commentaire du poème « À une mendiante rousse »


• Pour mener à bien l’étude, on signalera aux élèves que dans l’édition de 1857, le poème
prenait place dans la section « Spleen et Idéal », et qu’il a été déplacé en 1861 dans la section
nouvellement créée des « Tableaux parisiens », où Baudelaire inaugure la poésie de la ville, et
extrait des figures qui n’appartiennent pas aux canons esthétiques. Pourtant, ce poème
appartient à l’évidence (comme son titre l’indique déjà) au genre traditionnel de la poésie
d’hommage.
• Pour aider les élèves à analyser le poème, on pourra leur poser les questions suivantes :
1. En quoi la forme de ce poème renvoie-t-elle à la tradition de la poésie d’éloge ?
2. Montrez que le poème se place sous le signe du contraste et de l’opposition.
3. Mettez en évidence les aspects ludiques de ce poème.
• On pourra ainsi montrer aux élèves les indices syntaxiques de la poésie amoureuse et
d’hommage (points d’exclamation, vocatifs, « que » + subjonctif, phrases de type énumératif :
« Maint page épris du hasard,/Maint seigneur et maint Ronsard », strophe 10), ses indices
rhétoriques (prédominance de l’hyperbole), et le recours à un style noble (on notera les
références littéraires aux poètes de la Pléiade), les archaïsmes (« valetaille », « roués »,
« déduit », « gueusant »…), et les traces de la rhétorique la plus traditionnelle de l’amour
(« mis au fer », « rangé sous tes lois », apostrophes…). L’ensemble de ces éléments
traditionnels de la poésie amoureuse sont greffés sur un objet a priori non poétique : le poète

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transforme la pauvresse en princesse digne d’hommage, ou nous indique que cette mendiante
est en fait une courtisane de luxe (voir son « poignard d’or », v. 19, strophe 5).
• Ce poème apparaît ainsi sous le signe du contraste : du point de vue métrique et de celui de
l’agencement des strophes (poème hétérométrique qui permet à Baudelaire de jouer de la
disproportion entre vers longs et vers courts, pairs et impairs) ; au niveau sémantique et au
niveau de la construction du poème (les trois premières strophes sont à l’indicatif présent, les
quatre suivantes au subjonctif présent, les quatre autres suivantes au conditionnel : le poème
assure la transformation de la pauvresse en princesse ; avant le retour à la réalité dans les
dernières strophes (« – Cependant tu vas gueusant… », strophe 12). On notera finalement que
tout le poème s’oppose en fait à la dernière strophe : « Parfum, perles, diamant » résume tous
les gestes d’hommage précédents. On s’aperçoit qu’au début du poème, la nudité était un
manque, et que le retour final à la nudité en fait le principal apparat de la femme. La première
apostrophe s’adressait donc à la mendiante, la dernière à la princesse.
• L’ensemble de ces contrastes soutient la dimension ludique du poème. On notera une
certaine désinvolture stylistique (par le passage incessant d’un registre à l’autre, par les
transgressions ludiques de la métrique, et notamment de la règle de la rime pour l’œil comme,
par exemple : galamment/roman (strophe 3), court/cour (strophe 4) ; par la pratique de
l’allusion érotique, et par le jeu sur le langage poétique lui-même (emploi exclusif de rimes
masculines pour évoquer une femme, emploi de rimes équivoquées : « la plus belle
eau »/« maître Belleau », strophe 8).
• Dans ce poème d’hommage à une mendiante, la provocation est donc d’abord visible par le
mélange des tons. Les effets de contraste sont à mettre en relation avec le sujet lui-même qui
est atypique par rapport aux grands modèles esthétiques. Enfin, le jeu stylistique est en même
temps un art poétique : Baudelaire, encore une fois, y affirme que le beau est le marginal et
le bizarre. On pourra rapprocher cet art poétique de celui qui a été défini dans « L’Idéal » 18.

➢ Étape 7. Étudier une forme fixe : le sonnet


• L’étape précédente a déjà permis de comparer deux images antagonistes de la femme, sans
entrer dans le détail de l’écriture poétique et des choix formels de Baudelaire. En prenant
appui sur les acquis de cette étape, on pourra inviter les élèves à découvrir ou revoir les règles
du sonnet régulier, et à en mesurer les effets de sens, grâce à l’étude comparée des poèmes
« Parfum exotique » 21 et « Sed non satiata » 24.
Pour cela, on prendra appui sur la Fiche 5 « L’écriture poétique » et, en particulier, sur la partie
intitulée « Une forme privilégiée : le sonnet » (p. 344-345).
• L’objectif de cette comparaison est de montrer aux élèves que Baudelaire exploite les règles
du sonnet sans jamais les subir, et de leur faire comprendre qu’un même choix formel peut
avoir des effets différents : si, en effet, Baudelaire choisit la forme parfaitement régulière du
sonnet dans « Parfum exotique » 21, c’est que cette perfection correspond à l’harmonie et à
l’apaisement qu’exprime ce poème. Dans « Sed non satiata » 24, le choix de la régularité est
au contraire tout à fait ironique : Baudelaire accorde en effet à un motif scandaleux et
subversif, la forme qui se plie le plus aux règles établies.
• L’atmosphère idyllique en accord avec la forme régulière du sonnet dans « Parfum
exotique » pourra être mise en parallèle avec le tableau de Watteau représentant une fête
galante, L’Embarquement pour Cythère (Image 3).

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EXOS & SUJETS


Les corrigés

Des clés pour vous guider

➢ 1. Un poème des sens : « Correspondances » (p. 31)


Dès l’ouverture du recueil, « Correspondances » dévoile la vision du monde de Baudelaire et
témoigne de son art poétique. Dans ce premier sonnet des Fleurs du mal, le poète fait part de
sa conception symbolique de la nature et de la manière dont il déchiffre cet espace sacré.
1. Comment la Nature est-elle représentée dans le premier quatrain ?
Afin de répondre à cette interrogation, on peut se servir ici des questions guidées qui se
concentrent sur les deux points suivants.
• Dans ce premier quatrain, la Nature est assimilée à un être vivant grâce à un réseau lexical
précis : « vivants » (v. 1) ; « paroles » (v. 2) ; « l’observent » (v. 4). La Nature ici clairement
personnifiée, est douée de vie, de parole et d’observation, ce qu’atteste encore la majuscule
à « Nature » (v. 1).
• Cette personnification n’est pas l’unique figure de style qui permet à Baudelaire de
représenter la Nature. Il use aussi d’une métaphore qui fait de la Nature « un temple » (v. 1),
c’est-à-dire un lieu de culte où l’homme perçoit le caractère sacré et divin du monde.
2. Comment le second quatrain présente-t-il les « correspondances » ?
On pourra également s’appuyer ici sur l’aide proposée par la définition de la synesthésie
(association simultanée de perceptions différentes).
Les correspondances se présentent tout d’abord comme une série d’« échos » (v. 5) qui se
répondent. Tout ce qui apparaît dans la nature comme a priori disparate, converge vers une
« unité » secrète (v. 6) que le poète révèle. C’est le principe de la correspondance où les
perceptions s’enchevêtrent, même celles qui semblent contraires comme « la nuit » et « la
clarté » (v. 7). Le dernier vers dévoile enfin la loi même des correspondances : toutes les
sensations communiquent entre elles, se nourrissent et se complètent pour dire l’unité de la
Nature.
3. Quelles « correspondances » sensorielles établissent les deux tercets ?
Ici les correspondances se généralisent et font se répondre des sensations de nature
différentes.
• Ouïe : « hautbois » (v. 10) ; « chantent » (v. 14).
• Odorat : « parfums frais » (v. 9) ; « l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens » (v. 13).
• Vision : « verts » (v. 10).
Trois sens sont ainsi majoritairement représentés pour exprimer « le transport de l’esprit et
des sens » (v. 14).

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4. GRAMMAIRE. Dans les vers 1 à 4, relevez les expansions du nom et identifiez leur
fonction respective.
Vers 1 : « vivants piliers » : épithète.
Vers 2 : « confuses paroles » : épithète.
Vers 3 : « forêts de symboles » : complément du nom.
Vers 4 : « regards familiers » : épithète.
5. POUR ALLER PLUS LOIN.
Lisez « Ma Bohème » d’Arthur Rimbaud dans Les Cahiers de
Douai (1872). Comparez la manière dont Baudelaire et Rimbaud évoquent la nature.
Écrit en 1871, ce poème d’Arthur Rimbaud est l’un de ses premiers. Le poète est encore
largement inspiré par Baudelaire qu’il a découvert quelques mois plus tôt avec enthousiasme.
La nature n’est cependant pas exactement perçue de la même manière que chez Baudelaire :
pour Rimbaud, elle devient non un temple mais un refuge contre la ville et l’horreur de la
société.

➢ 2. La fuite du temps : « L’Ennemi » (p. 41)


La fuite du temps est un thème cher à la poésie classique et romantique, dont Baudelaire se
saisit ici afin de le renouveler en profondeur. Pour lui, le poète est un être partagé entre un
idéal impossible à atteindre et un spleen qui ne cesse de le jeter dans la tristesse : la fuite du
temps apparaît dès lors comme une terrible et mortelle variation.
1. Qui est l’Ennemi dont parle le poète ?
Ici, Baudelaire traite de la fuite du temps sous la figure de ce qu’il nomme dès le titre du sonnet
« l’ennemi ». C’est le dernier tercet, et en particulier les vers 12 et 13, qui donne au titre sa
pleine signification : l’ennemi est ainsi le temps qui dévore tout sur son passage et livre
l’homme à l’ennui et à la mort. Le temps est une puissance vorace et sanguinaire contre
laquelle l’homme ne peut lutter. Le combat contre le temps est perdu d’avance.
2. Sur quelle métaphore filée repose le poème ?
Baudelaire propose ici de décrire le ravage du temps selon une métaphore qu’il va filer tout
au long de son sonnet : celles des saisons du temps qui passe et ravage le jardin de son
existence. Les images des saisons et des épisodes météorologiques qui y sont liés, se
multiplient donc dans l’ensemble du poème.
Métaphore des saisons et de leurs épisodes météorologiques respectifs : « ténébreux orage »
(v. 1) ; « brillants soleils » (v. 2) ; « tonnerre », « pluie » (v. 3) ; « automne » (v. 5) ; « terres
inondées » (v. 7).
3. Analysez les effets de l’automne sur l’inspiration du poète.
Pour répondre à la question, on suivra ici avec profit le questionnement guidé.
• L’automne correspond à la vieillesse et à la fin de la vie. L’image de la mort clôt le second
quatrain avec la mention des « tombeaux » (v. 8). Le poète n’a alors plus d’inspiration puisqu’il
a, écrit-il, « touché l’automne des idées » (v. 5) : son inspiration meurt avec lui.
• Pourtant, le premier tercet laisse entendre que le tarissement de l’inspiration est passager.
Le champ lexical du renouveau avec « rassembler à neuf » (v. 7) puis « fleurs nouvelles » (v. 9)

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laissent entrevoir un espoir : le poète va écrire dans un dernier sursaut d’inspiration. La boue
du temps, celle du jardin, va permettre de découvrir un nouvel or poétique.
4. GRAMMAIRE. Vers 1 : analysez la forme de la négation.

« ne… que » : il s’agit d’une négation restrictive.


5. POUR ALLER PLUS LOIN. Faites une recherche sur le thème de la fuite du temps en poésie,
du romantisme jusqu’au surréalisme.
Il convient ici de lire « Le Lac » d’Alphonse de Lamartine (1820) pour percevoir comment les
romantiques concevaient la fuite du temps et quelles différences existent avec la poésie de
Baudelaire. On lira ensuite « Le Pont Mirabeau » d’Apollinaire (Alcools, 1913) pour considérer
comment ce poète, qui a influencé les surréalistes, a renouvelé à son tour cette thématique.

➢ 3. Un paradis douloureux : « La Vie antérieure » (p. 44)


Alors qu’il paraît dépeindre un idéal sans entraves, « La Vie antérieure » est un des sonnets
qui montrent comment le spleen chez Baudelaire entrave toute possibilité d’élévation de
l’homme vers le bonheur.
1. Dans quel décor le poète installe-t-il sa « vie antérieure » ?
On pourra suivre ici le questionnement proposé en aide afin de ne manquer aucune étape de
l’analyse.
• Les deux champs lexicaux qui dominent le texte sont celui de l’exotisme et incidemment de
la chaleur tropicale. On relève ainsi : « soleils marins » (v. 2) ; « l’azur, des vagues » (v. 10) ;
« Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes » (v. 12).
• Enfin, les correspondances des sensations qui se répondent entre elles comme dans le
poème des « Correspondances » achèvent de brosser un décor paradisiaque, de monde
exotique, dominé par une chaleur tropicale. On y voit des « soleils marins » (v. 2) ou encore
des « couleurs du couchant reflété par mes yeux » (v. 8).
2. Relevez les termes mélioratifs. Comment le monde décrit par le poète apparaît-il ?
Les termes mélioratifs permettent toujours de souligner les qualités d’un être ou d’une chose.
Baudelaire en use ici pour décrire un monde magnifique et idéal. L’usage des termes
mélioratifs permet ainsi à Baudelaire d’utiliser un registre merveilleux pour décrire sa vie
antérieure.
Voici quelques-uns des termes mélioratifs du sonnet : « grands » (v. 3) ; « majestueux » (v. 3) ;
« solennelle » (v. 6) ; « riches » (v. 7) ou encore « splendeurs » (v. 10).
3. Quelles sont les limites de ce monde idéal ?
• L’homme qui paraît vivre dans un monde idéal se voit rattrapé par le spleen au dernier vers
mais tout au long du poème son portrait apparaît cependant comme contrasté. On peut le
percevoir en relevant quelques marques de son existence : le premier vers signale
immédiatement la présence du poète mais il s’agit d’un souvenir. « Longtemps » indique
immédiatement que c’est un temps révolu, que ce bonheur qu’il va décrire a été brisé ou tout
du moins interrompu. Une même impression nostalgique, soulignant l’usage du registre
élégiaque, transparaît au vers 9.

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• L’ensemble de ces indices élégiaques prennent tout leur sens au dernier vers qui correspond
à ce que l’on nomme « une pointe » dans un sonnet, à savoir une surprise finale qui remet en
cause tout ce qui a pu être précédemment dit. Ici la peine et la douleur du poète s’expriment
par antithèse et en contraste violent avec le paysage idyllique qu’il a pu déployer auparavant.
4. GRAMMAIRE. Analysez les propositions subordonnées du premier quatrain.

« Que les soleils marins… » (v. 2) : complétive.


« Et que leurs grands piliers… » (v. 3) : complétive.
5. POUR ALLER PLUS LOIN. En prenant pour modèle le poème de Baudelaire, vous
imaginerez à votre tour, dans un décor merveilleux, la vie antérieure que vous auriez
pu avoir.
Il faut tout d’abord attentivement relire le sonnet de Baudelaire et s’inspirer de ses techniques
d’écriture. Ce récit de vie antérieure devra donc être construit sur des termes mélioratifs mais
aussi peut-être, pour créer une dynamique narrative, sur une surprise finale

➢ 4. Un autoportrait idéal et cruel : « La Beauté » (p. 52)


Dans ce sonnet inspiré par Jeanne Duval, sa maîtresse, Baudelaire fait ici l’éloge de la beauté.
Cependant, loin d’être un hymne strict, le poète en profite pour en souligner la cruauté et la
grande froideur.
1. Sur quelle principale figure de style se construit le poème ?
Ce sonnet se construit sur une figure du style : la prosopopée. Il s’agit de la prise de parole
d’un élément qui en est ordinairement dépourvu. Ici c’est une notion abstraite, la Beauté, que
Baudelaire va chercher à rendre vivante en la dotant de parole.
C’est ainsi la Beauté qui ne cesse de s’exprimer à travers ce sonnet en disant « je » dès le
premier vers. Baudelaire cherche à impressionner le lecteur en rendant la beauté à la fois plus
humaine et plus terrible car, comme souvent avec la prosopopée, le registre fantastique, à
savoir le surnaturel inquiétant, ne manque pas de se manifester.
2. Quel autoportrait la Beauté fait-elle d’elle-même ?
• L’autoportrait se structure autour de deux comparaisons qui, chacune, ouvre les quatrains.
Ainsi au vers 1 apprend-on que la Beauté est « comme un rêve de pierre » et au vers 5 que
cette même Beauté est « comme un Sphinx incompris ». Ces deux comparaisons montrent la
grande froideur de la Beauté qui n’est en rien chaleureuse ni accessible au commun des
mortels.
• Le champ lexical de la froideur vient plus largement appuyer ces deux comparaisons pour
renforcer la distance qui existe entre la Beauté et les hommes. On relève par exemple
« neige » (v. 6), « fiers » (v. 10) ou encore « austères » (v. 11).
3. Quels rapports la Beauté entretient-elle avec les poètes ?
La Beauté adopte une double attitude face au poète : tout d’abord elle sait qu’elle exerce une
fascination certaine sur les poètes. C’est ce qu’elle affirme : « pour fasciner ces dociles
amants » (v. 12). Les poètes finissent par se noyer dans ses yeux, comme si la Beauté
retrouvait ici la puissance mythique des sirènes de L’Odyssée d’Homère.

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Ensuite, la Beauté est non seulement froide mais absolument méprisante. Elle dénigre ses
adorateurs en marquant une distance infranchissable entre elle et eux qu’elle dédaigne. Le
vers 5 synthétise cette attitude arrogante et fière : « Je trône dans l’Azur ».
4. GRAMMAIRE. Au vers 8, analysez le sens de la répétition de la conjonction de
coordination « et ».
« Et… et » au vers 8 est un latinisme, c’est-à-dire un emploi hérité de la langue latine et dont
la fonction stylistique est la même que dans les expressions antiques. Ce procédé d’emphase
permet ici d’insister ici sur la personnalité froide et sans cœur de la Beauté.
5. POUR ALLER PLUS LOIN.
Lisez « Mignonne, allons voir si la rose » de Ronsard, puis
comparez la manière dont les deux poètes évoquent la beauté.
Chez Ronsard, la beauté est distante et difficile à conquérir pour le poète mais elle est
néanmoins promise à la possibilité d’un amour et d’une possession physique.
Chez Baudelaire, si la Beauté est l’idéal, elle n’en provoque pas moins le spleen du poète en
dépit de ses efforts d’élévation.
Il conviendra alors de souligner les contrastes entre les deux poètes.

➢ 5. Un rêve d’ailleurs : « Parfum exotique » (p. 58)


Dans ce sonnet consacré à Jeanne Duval, alors sa maîtresse, Baudelaire évoque une rêverie
que provoque chez lui le parfum exotique qu’elle porte. Le corps de la femme aimée devient
alors l’occasion d’une tendre et sensuelle rêverie capable de lui faire approcher l’idéal dont il
a besoin pour écrire.
1. Dans quel décor se déroule le poème ?
• Le décor dans lequel se déroule ce sonnet est exotique. Trois indices permettent de
l’affirmer : en premier lieu, le champ lexical de la chaleur : « en un soir chaud d’automne » (v.
1), que vient appuyer une végétation proprement exotique : « arbres singuliers », « fruits
savoureux » (v. 6) ou encore « tamariniers » (v. 12). C’est enfin sur une « île paresseuse » (v.
5) que prend place cette évocation.
• Une correspondance ou synesthésie mêlant différentes sensations est présente dans le
second tercet pour achever de souligner l’exotisme du lieu. Il s’agit du parfum qui « se mêle
dans mon âme au chant des mariniers » (v. 12) : odorat et ouïe s’unissent pour dépeindre un
lieu inédit et percevoir son charme sans commune mesure.
2. Relevez les références à la femme aimée. Quel est son rôle dans le poème ?
Voici les deux références directes à la femme aimée dans le sonnet : « ton sein chaleureux »
(v. 2) ; « ton odeur » (v. 9). Peu nombreuses, elles sont pourtant centrales car elles
déclenchent la rêverie chez le poète. Il trouve d’abord refuge contre son sein aimant. Se
blottissant contre elle, il commence à imaginer l’île dont la jeune femme est originaire. Cette
première rêverie contre le sein est enfin relancée par le parfum de la jeune femme qui est
pleinement évocateur : « Je vois » (v. 10). La femme aimée devient inspiratrice et muse du
poète car elle provoque en lui des visions qui éclipsent sa plate existence. Elle est ainsi une
voie poétique vers l’idéal.

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3. Qu’est-ce qui rend musical les deux tercets ?


Il faut ici relever les assonances et les allitérations pour cerner la musicalité du poème.
Assonances et allitérations s’unissent pour produire une série de sons en « ma », « na » ou
encore « ta ». Le but de cette musicalité chez Baudelaire est double :
– elle est pour lui une « sorcellerie évocatoire », capable de rendre visuel n’importe quel
paysage ;
– elle reprend le bercement de l’enfance par une douce mélodie que vient redoubler ici le
chant des mariniers.
4. GRAMMAIRE. Analysez la construction de la phrase complexe qui compose les deux
tercets.
[Guidé par ton odeur vers de charmants climats,
Je vois un port rempli de voiles et de mâts
Encor tout fatigués par la vague marine,]

[Pendant que le parfum des verts tamariniers,


[Qui circule dans l'air et m'enfle la narine,]
Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.]
Vers 9, 10, 11 : proposition principale.
Vers 12-14 : proposition subordonnée conjonctive circonstancielle de temps.
Vers 13 : proposition subordonnée relative enchâssée dans la proposition précédente.
5. POUR ALLER PLUS LOIN.En vous inspirant de Baudelaire, vous proposerez à votre tour
une rêverie à partir d’un élément du quotidien.
Cet exercice de rédaction doit reposer sur deux éléments précisément identifiés :
– l’élève doit se saisir d’un élément du quotidien qu’il connaît parfaitement et sur lequel il va
pouvoir largement développer, et avec précision, son propos ;
– en s’inspirant de Baudelaire, il doit faire appel aux différents sens et opérer des
correspondances ou synesthésies.

➢ 6. Un éloge de la laideur : « Une charogne » (p. 69)


Parmi les plus célèbres textes des Fleurs du mal, ce poème fait le récit d’une promenade
amoureuse soudainement interrompue par une vision d’horreur : une charogne en
décomposition au milieu du chemin. Au lieu de détourner le regard, le poète, comme fasciné
par le cadavre, en fait le sujet premier de son texte.
1. Comment le poète représente-t-il la charogne ?
• Comprendre comment Baudelaire représente la charogne revient, tout d’abord, à mettre en
évidence le champ lexical de la décomposition organique. C’est sous cet angle précis qu’est
présenté le cadavre : « suant les poisons » (v. 6) ; « pourriture » (v. 9) ; « puanteur » (v. 15) ou
encore « ventre putride » (v. 17) et « larves » (v. 19). La charogne dégoûte et répugne : elle
est présentée comme le contraire de la beauté.
• Les comparaisons pour parler de la charogne installent immédiatement un contraste sinon
un malaise chez le lecteur. Au lieu d’être présentée négativement, la charogne bénéficie de

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rapprochements positifs qui trahissent l’admiration voire même le désir du poète. Que soient
considérées ici les deux comparaisons suivantes : « comme une femme lubrique » (v. 5) ou
encore « comme une fleur s’épanouir » (v. 14).
2. Comment Baudelaire joue-t-il ici des codes de la poésie amoureuse ?
Il faut tout examiner les expressions qui renvoient à la femme qui accompagne Baudelaire.
• Baudelaire s’adresse à elle au tout début du poème : « mon âme » (v. 1). Puis la figure
s’efface devant la vision de la charogne.
• Le désir érotique et amoureux, qui transparaît notamment à travers la mention de la
« femme lubrique » (v. 5), ne concerne plus alors que le cadavre en décomposition, comme si
femme aimée et charogne échangeaient leurs places respectives. Les codes de la poésie
amoureuse sont subvertis puisque la mort s’empare ironiquement de l’amour.
• La femme est de nouveau évoquée dans les trois dernières strophes. Les rimes procèdent
par antithèses et associent le positif au négatif : l’ordure à la nature ; l’infection à la passion ;
les sacrements aux ossements ; etc. L’ironie cinglante domine.
3. Relevez le champ lexical de l’art. Quel rôle le poète attribue-t-il à l’artiste ?
La huitième strophe du poème dévoile la vision de l’art suggérée par cette charogne. C’est ici
que se développe, des vers 29 à 32, l’essentiel du champ lexical de l’art, annoncé notamment
par la mention de la « musique » (v. 25) et qui sera repris ensuite aux derniers vers (v. 47-48).
Quand l’amante sera morte, le poète fera de sa charogne le lieu même du poème et ne pourra
conserver d’elle à son tour qu’une carcasse de souvenirs. La mémoire ne pourra sauver que
ce squelette d’un temps qui ravage tout.
4. GRAMMAIRE. Analysez, dans les vers 33 à 36, la fonction des adjectifs.

Derrière les rochers une chienne inquiète


Nous regardait d'un œil fâché,
Épiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu'elle avait lâché.
Les deux adjectifs « inquiète » et « fâché » sont épithètes (à valeur descriptive).
5. POUR ALLER PLUS LOIN.
Lisez « Le Peigne » de Germain Nouveau. Comparez le registre
employé par Nouveau à celui de Baudelaire.
Chez Baudelaire, le registre employé est tragique, notamment quand il s’agit d’évoquer la
mission du poète et son impuissance à lutter devant le temps. Rien de tel chez Germain
Nouveau pour qui les registres comiques et ironiques caractérisent l’éloge de cet objet le plus
simple du quotidien.

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➢ 7. Une rêverie merveilleuse : « L’Invitation au voyage » (p. 103)


Situé au cœur de la section « Spleen et Idéal », « L’Invitation au voyage » propose, comme
aucun autre poème des Fleurs du mal, une porte vers un univers merveilleux. Ce monde de
rêve paraît incarner l’idéal que Baudelaire cherche tant, celui capable d’annuler le spleen qui
ronge l’existence du poète.
1. Distinguez trois paysages décrits dans chacune des strophes. Quelles sont leurs
différentes caractéristiques ?
Ce poème se structure autour de trois grandes strophes (v. 1-14 ; v. 15-28 ; v. 29-42) qui,
chacune, présente un paysage.
La première se concentre autour d’un soleil couchant (v. 7-8). La deuxième présente un riche
palais à la « splendeur orientale » (v. 23) et, enfin, la troisième et dernière strophe offre une
ville de « canaux » (v. 37) qui peut faire penser à Venise ou Amsterdam.
Ces trois paysages présentent un même ton or, de semblables couchers de soleil et enfin un
luxe évident.
2. Quels rapports la femme entretient-elle avec le paysage ?
• Dans la première strophe, la femme est conviée à voyager dans un pays qui est à son image :
beau et mélancolique.
• Dans la deuxième strophe, la femme est invitée par le poète à rejoindre dans ce palais de
merveilles la chambre à coucher, qui est une chambre nuptiale.
• Enfin, dans la dernière strophe, la femme est comblée. Le poète se propose de l’emmener
dans une ville qui pourra satisfaire ses moindres désirs, ses moindres envies.
3. Qu’est-ce qui rend ce poème si mélodieux et si envoûtant ?
• Le caractère mélodieux du poème provient en premier lieu du jeu de sonorités. S’y déploient
notamment des allitérations en « s » et des assonances en « ai » et « ieu ».
• Le mètre choisi par Baudelaire est irrégulier : chaque strophe comporte douze vers, qui
alternent deux pentasyllabes et un heptasyllabe, le tout suivi d’un refrain. Le but recherché
par Baudelaire est la fluidité d’une invitation presque murmurée par le poète à son amante.
• Le refrain qui intervient trois fois et se répète à l’identique crée, par cette répétition même,
un effet d’envoûtement.
4. GRAMMAIRE. Analysez l’usage de la phrase impérative dans les vers 2 et 29.

Vers 2 : « Songe » : expression d’un souhait.


Vers 29 : « Vois » : expression d’un ordre.
5. POUR ALLER PLUS LOIN.
Pour le catalogue d’une agence de voyages, vous rédigerez la
description d’un pays lointain en vous inspirant du poème de Baudelaire.
Après avoir choisi précisément le pays et mis en évidence son attractivité, il convient de relire
le poème de Baudelaire pour voir notamment comment le poète rend son invitation
envoûtante. L’élève ne doit pas hésiter à user du registre merveilleux et d’images riches.

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➢ 8. Le poète-bourreau : « L’Héautontimorouménos » (p. 110)


Dans ce célèbre poème, Baudelaire évoque les souffrances répétées qu’il inflige à sa
maîtresse. Mais faire souffrir l’autre, c’est aussi comprendre que l’on se fait souffrir soi-même.
C’est pourquoi Baudelaire intitule son texte « L’Héautontimorouménos » qui,
étymologiquement, signifie en grec « bourreau de soi-même ».
1. Relevez les références à la femme aimée. Quel portrait le poète en fait-il ?
• Tout d’abord, la femme aimée est tutoyée dès le premier vers et elle est immédiatement
présentée comme la victime du poète. Il la frappe, il la torture. Il est littéralement le bourreau
de sa maîtresse.
• Puis, cette femme meurtrie des souffrances du poète en vient à affirmer sa peine et sa
douleur. Ce sont ses « pleurs » (v. 8) et ses « sanglots » (v. 11) qui fournissent à terme son
unique portrait dans le poème.
2. Quelle vision de l’amour le poème transmet-il ?
Le poème transmet une vision de l’amour reposant sur le masochisme et la douleur que les
amants s’infligent psychologiquement l’un à l’autre. Le champ lexical des pleurs comme relevé
plus haut en atteste. On peut également solliciter ici le champ lexical de la musique pour
signaler que leur amour est un « faux accord » (v. 13), une dissonance au sein de l’amour qui
se doit logiquement d’être l’harmonie parfaite.
Pour appuyer cet amour vécu comme souffrance et dissonance, le poète use d’une image : il
se dit être le « sinistre miroir » (v. 19) de son amante. Mais pour montrer combien il lui inflige
de souffrances, il en vient à l’insulter en la qualifiant de « mégère » (v. 20). L’amour n’est donc
qu’une suite de désolations.
3. Comment le poète se représente-t-il dans le sixième quatrain ?
• La figure de style qui domine est l’antithèse : le bourreau de soi-même souligne son attitude
contradictoire sinon paradoxale en affirmant qu’il est tout et son contraire, qu’il est le positif
et le négatif, le Bien et le Mal. Ces antithèses sont accentuées par la répétition anaphorique
de la structure sur le quatrain.
• Les effets de contrastes permettent à Baudelaire de souligner la logique de contraires qui
préside à l’existence du poète. Il aime mais fait souffrir car, plus profondément, le poète qui
n’est en quête que d’idéal ne parvient qu’à subir et sombrer dans le spleen. Il transforme l’or
de l’amour en boue du malheur.
• Enfin la tonalité principale des deux dernières strophes n’est en rien cruelle, ironique ou
encore sarcastique. Exprimant sa souffrance de ne pouvoir faire autrement que blesser et
torturer, le poète use du registre pathétique et tragique. Son existence sombre dans le spleen
que l’amour aurait pu lui épargner en l’invitant à fuir.
4. GRAMMAIRE. Justifiez l’usage de phrases simples dans le sixième quatrain.

L’usage de la phrase simple qui ne comporte qu’un verbe conjugué permet à Baudelaire
d’affirmer avec simplicité une position trouble et complexe : il est tout et son contraire.
L’affirmation du « Je suis » devient pour lui comme une devise que la formulation de la phrase
simple suggère au lecteur à la manière d’une définition.

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5. POUR ALLER PLUS LOIN. Lisez « J’aime l’araignée » de Victor Hugo dans Les
Contemplations (1856). Comparez ensuite la manière dont Hugo et Baudelaire
suggèrent combien la laideur peut être source de beauté.
Pour Victor Hugo, la laideur doit être source d’égalité : il ne faut pas mal la traiter ni la rejeter.
Il faut que tout le monde ait le droit de cité : il en va d’une vigilance politique et démocratique
devant la société et le vivant. L’araignée n’est pas moins laide que la colombe : elle vit et
mérite d’être respectée.

➢ 9. Un paysage état d’âme : « Spleen » (p. 124)


Dans ce quatrième et dernier poème portant le titre de « Spleen », Baudelaire évoque son
désespoir. Pour ce faire, il décrit un paysage lugubre pour avouer qu’il a perdu tout espoir et
a sombré pour longtemps dans le spleen.
1. Analysez l’état du poète strophe par strophe. Quelles sont les différentes étapes du
spleen ?
L’état du poète diffère selon les strophes qui, chacune, accentue son état dépressif et
angoissé.
• Strophe 1, vers 2, « longs ennuis » : le poète est en proie à l’angoisse.
• Strophe 2, vers 5, « cachot humide » : le poète ne voit pas d’issue à son existence morne.
• Strophe 3, vers 10, « vaste prison » : le poète reprend l’image pour insister sur un ennui qui
empêche l’expression de tous ses désirs.
• Strophe 4, vers 16, « geindre » : le poète ne peut que se plaindre.
• Strophe 5, vers 18-19, « l’Espoir,/ Vaincu, pleure » : le poète est dans un désespoir sans
retour.
2. Quelle atmosphère se dégage de ce poème ?
• L’atmosphère macabre qui domine le poème est suggérée par un réseau d’images qui
convoque animaux et créatures. En voici les plus importantes : « chauve-souris » (v. 6) et
« araignées » (v. 10). Elles renvoient sans détours à un univers morbide et sinistre.
• Cette atmosphère est également évoquée par le champ lexical de la mort. Il se déploie à
travers des termes tels que « couvercle » (v. 1 – couvercle du cercueil), « jour noir » (v. 4) ou
encore « corbillards » (v. 17). Le « drapeau noir » du vers final achève de brosser le tableau
d’un homme accablé par la douleur de vivre.
3. Comment Baudelaire rapproche-t-il le paysage extérieur de son état moral ?
Le paysage, reflet d’un état d’âme, est une image héritée des romantiques. Le poète regarde
une nature dans laquelle il voit l’expression de ses sentiments. La particularité de Baudelaire
est de faire de la nature l’expression d’un tourment et l’image d’une mort sans retour. On a
parlé à son propos de « romantisme noir » ou encore de « romantisme frénétique » pour
souligner le caractère macabre de son spleen.
Le paysage devient donc ici l’image de sa peine et de sa douleur infinies. Le premier vers en
donne un exemple sans attendre : « comme un couvercle » (v. 1). Le poète compare le ciel au
couvercle d’un cercueil, ce qui signifie que la vie sur terre est comparable à une tombe.

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4. GRAMMAIRE. Identifiezdans les trois premiers quatrains les propositions


subordonnées conjonctives circonstancielles.
[Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,]
Et [que de l'horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;]

[Quand la terre est changée en un cachot humide,


[Où l'Espérance, comme une chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris] ;]

[Quand la pluie étalant ses immenses traînées


D'une vaste prison imite les barreaux,
Et [qu'un peuple muet d'infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,]

Ces trois quatrains sont constitués d’une ou de deux subordonnées conjonctives


circonstancielles de temps introduites par « quand » ou « que ».
Quand il y a deux subordonnées (premier et troisième quatrains), les subordonnées sont
coordonnées, la seconde est alors introduite par la conjonction « que » qui reprend la
conjonction initiale « quand ».
Dans le second quatrain, la subordonnée conjonctive inclut une subordonnée relative épithète
du nom « cachot ».
5. POUR ALLER PLUS LOIN. Lisez « La Chanson du Mal-Aimé » de Guillaume Apollinaire dans
Alcools (1913). Comparez ensuite la façon dont Baudelaire et Apollinaire traitent du
désespoir et de la mélancolie.
Pour Apollinaire, le désespoir est lié à la fin de l’amour. Le poète erre dans les rues de Londres
à la recherche d’un amour perdu et révolu. Chez Baudelaire, la crise est plus profonde et liée
au poète : le spleen est un constat existentiel dont parfois l’amour peut le sauver.

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➢ 10. Un éloge de l’ivresse : « L’Âme du vin » (p. 183)


Dans ce premier poème de la section « Le Vin », Baudelaire fait de la boisson, et du vin en
particulier, un moyen de s’évader loin de la tyrannie morbide du spleen. L’alcool s’impose ainsi
comme l’un des paradis artificiels privilégiés du poète.
1. Distinguez deux voix dans le poème. Quelle est la principale figure de style utilisée ?
Les deux premiers vers permettent de distinguer les deux voix qui structurent l’ensemble du
poème :
– « Un soir, l’âme du vin chantait dans les bouteilles » (v. 1) : il s’agit ici de la voix du poète qui
va rapporter le chant du vin ;
– « Homme, vers toi… » (v. 2) : les guillemets marquent un discours rapporté par le poète.
Elles se referment au dernier vers. Ici s’exprime donc l’âme du vin qui chante dans la bouteille
et dont le poète retranscrit les propos.
Ce poème qui rapporte les paroles d’une bouteille, à savoir d’un élément inanimé, répond
d’une figure de style : la prosopopée.
2. Quels bienfaits le vin apporte-t-il aux hommes ?
• Les bienfaits du vin se signalent, tout d’abord, par une série de termes mélioratifs. Il s’agit
d’en vanter les qualités. En voici quelques-uns : « lumière », « fraternité » (v. 4) ; « joie
immense » (v. 9) ou encore « grain précieux » (v. 22). Tout invite ici au bonheur et à la joie de
partager un verre.
• Le vin réconforte l’homme après un travail épuisant. Baudelaire convoque une image
négative du travail qui use l’homme comme il le dit explicitement : « Dans le gosier d’un
homme usé par ses travaux » (v. 10). L’ivresse est un antidote au travail, une manière d’oublier
sa souffrance physique après un dur labeur.
3. Quels effets l’ivresse produit-elle sur le poète ?
• L’ivresse déploie la puissance du poète. Nombreuses sont les références au chant et à la
poésie qui se trouvent stimulées par le vin et l’alcool plus généralement. En voici quelques-
unes : « chantait » (v. 1) ; « un chant » (v. 4) ; « tu me glorifieras » (v. 16).
• L’ivresse ouvre donc le poète à l’écriture et plus largement à sa renaissance, loin des
tourments du spleen. Le champ lexical de la renaissance en atteste avec ces deux occurrences
notamment : « en mon sein palpitant » (v. 14) ou encore « Pour que de notre amour naisse la
poésie » (v. 23). La renaissance qu’autorise le vin ouvre le poète à un renouveau de son
inspiration.
4. GRAMMAIRE. Analysez la phrase interrogative des vers 13 et 14.

Entends-tu retentir les refrains des dimanches


Et l’espoir qui gazouille en mon sein palpitant ?
Il s’agit d’une interrogation directe (point d’interrogation final), formulé dans un registre
soutenu (inversion du sujet). Cette interrogation est totale (pas de mot interrogatif ; réponse
attendue : « oui » ou « non »).

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5. POUR ALLER PLUS LOIN. Faites une recherche de l’ivresse dans la modernité poétique.

On pourra lire ici avec profit les poèmes en prose de Baudelaire mais aussi « Matinée
d’ivresse » de Rimbaud, « Vendanges » de Verlaine et Alcools d’Apollinaire (1913).

➢ 11. Un autoportrait tragique : « L’Albatros » (p. 207)


À travers un albatros moqué par des marins sans pitié, Baudelaire dresse l’autoportrait
tragique et pathétique de sa condition poétique. Pour lui, le poète est un être qui a chuté d’un
monde idéal et qui, dès lors, ne cesse d’être en proie à l’incompréhension des hommes.
1. Relevez les champs lexicaux dominants. En quoi le portrait de l’albatros est-il
double ?
L’albatros est caractérisé par un double champ lexical : la noblesse et la laideur. Cela renvoie
à la manière dichotomique dont Baudelaire dresse son portrait : à la fois majestueux et
pathétique. Voici quelques éléments de chacun de ces champs lexicaux :
– champ lexical de la noblesse : « rois de l’azur » (v. 6) ; « si beau » (v. 10) ;
– champ lexical de la laideur : « gauche et veule » (v. 9) ; « comique et laid » (v. 10).
2. Analysez la construction de la comparaison entre l’albatros et le poète.
• Le vers 13 dévoile la comparaison : « Le Poète est semblable au prince des nuées ».
• Ce sont les vers 15 et 16 qui explicitent et justifient la comparaison. On comprend alors
qu’elle renvoie à la condition du poète, cet homme qui voudrait habiter l’idéal et s’élever
comme l’albatros mais qui a chuté au sol comme cet oiseau, pour ne plus connaître désormais
que le spleen.
3. En quoi la situation du poète-albatros est-elle tragique ?
• Le tragique de la situation du poète-albatros apparaît, tout d’abord, à la faveur des
moqueries des marins. Leur cruauté est évidente dans les termes suivants : « pour s’amuser »
(v. 1) ou encore « L’un agace son bec avec un brûle-gueule » (v. 11).
• Baudelaire emploie alors deux registres pour caractériser le sort de l’albatros : un registre
pathétique devant la chute de cet oiseau autrefois majestueux et désormais moqué ; et enfin
un registre tragique devant son impossibilité à regagner le ciel.
4. GRAMMAIRE. Justifiez l’inversion du sujet (v. 5).

L’inversion du sujet se justifie par la locution adverbiale « À peine » en tête de phrase.


5. POUR ALLER PLUS LOIN. Renseignez-vous sur les différentes fonctions attribuées au
poète.
On regardera avec attention la poésie de Victor Hugo qui présente le poète comme un mage,
comme un prophète qui doit apporter la vérité aux hommes.
Arthur Rimbaud, à sa suite et celle de Baudelaire, assigne à la poésie la mission de la
« voyance » : révéler aux hommes ce qu’ils ne sont pas encore capables de percevoir.

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➢ 12. Une rencontre fugitive : « À une passante » (p. 251)


Poème déterminant de la section « Tableaux parisiens » ajoutée dans l’édition de 1861, « À
une passante » décrit une rencontre trop furtive entre le poète et une femme qui passe devant
ses yeux dans la rue.
1. Comment la femme est-elle décrite ?
• La beauté caractérise cette passante comme le champ lexical en atteste : « Agile et noble »
(v. 5) ou encore « Fugitive beauté » (v. 9).
• La passante est décrite par les différentes parties du corps que le poète peut fugitivement
apercevoir : « main fastueuse » (v. 3) ; « sa jambe de statue » (v. 5) ou encore « son œil » (v.
7). L’ensemble forme un portrait morcelé car le poète ne fait que l’apercevoir.
• Enfin, cette beauté est décrite à travers des verbes de mouvement qui renvoient au statut
de passante de la jeune femme. En voici quelques-uns : « passa » (v. 3) ou encore « fuis » (v.
13).
2. Sur quels contrastes se construit le poème ?
La femme est en contraste avec la ville : la jeune femme est « majestueuse » (v. 2) ou encore
« fastueuse » (v. 3). Elle porte en elle une majesté sinon une noblesse qui vient s’opposer au
caractère vulgaire et terrible de la ville qui est qualifiée négativement, la rue étant décrite
d’emblée comme « assourdissante » (v. 1).
En ce sens, la femme incarne l’idéal quand la ville est l’expression de la vulgarité et ne peut
ouvrir qu’au spleen.
3. Identifiez les marques du lyrisme. Quels sentiments éprouvent le poète ?
On relève :
– l’utilisation du pronom personnel « je » qui permet d’exprimer ses sentiments ;
– une ponctuation marquée, avec des points d’exclamation comme au premier tercet.
Les sentiments du poète apparaissent explicitement au vers 8 : « La douceur qui fascine et le
plaisir qui tue ». Admiration et plaisir à contempler cette apparition trop rapide caractérisent
l’attitude du poète.
4. GRAMMAIRE. Identifiez le mode et le temps des verbes employés dans le dernier vers
et justifiez leur usage.
Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !
« que j’eusse aimée » est au plus-que-parfait du subjonctif. Il exprime un irréel du passé. Cet
emploi est littéraire : cette forme verbale serait aujourd’hui remplacée par un conditionnel
passé : « ô toi que j’aurais aimé ».
« savais » est à l’imparfait de l’indicatif. Il exprime un fait avéré, présenté comme en cours de
déroulement dans le passé.

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5. POUR ALLER PLUS LOIN. Lisez Le Paysan de Paris de Louis Aragon pour mesurer combien,
à un demi-siècle de distance, l’évocation de la capitale française a pu évoluer en
poésie.
On relira avec attention dans le roman d’Aragon les pages qui décrivent les magasins du
passage de l’Opéra. Elles fournissent, par la fascination de la vie urbaine et de sa magie, un
contrepoint au dégoût de Paris qu’éprouve Baudelaire.

Les lectures d’images

➢ Portrait de Baudelaire par Courbet, le réalisme en marche (p. 350)


→ image en 2e de couverture
1. Quelle est la composition du tableau ?
Le poète est représenté plongé dans ses études. Il est au centre du tableau : son corps est
aligné verticalement avec la ligne de l’angle du mur et celle du bord de la table. Les deux lignes
se croisent au niveau du cœur de Baudelaire, dont le peintre veut saisir le mystère. Mais les
meubles, de part et d’autre, occupent l’essentiel de l’espace inférieur du tableau, et les deux
pans de murs vides laissent au contraire l’espace supérieur libre et ouvert. La lumière est
singulièrement posée sur le bout du nez du poète et sur son front, le reste du visage étant peu
éclairé. Le tableau s’intéresse moins à la figure du poète qu’à l’espace qui le contient et abrite
son esprit.
2. Quels sont les objets représentés ? Qu’indiquent-ils ?
Outre le livre ouvert, la plume et l’encrier, le tableau représente un autre livre d’étude, des
feuillets et un porte-documents pouvant contenir des notes ou des dessins, tous posés sur
une table en chêne, très simple. Ces objets lient l’activité créatrice, qu’elle soit poétique ou
picturale, à la lecture aussi bien qu’à l’étude. Mais ces éléments, s’ils sont traditionnels, ne
sont ni rassemblés, ni hiérarchisés. Le cadre en tronque même certains. Les coussins sont
élégants mais sans prétention apparente. Courbet s’éloigne ainsi de tout académisme, qui
aurait privilégié un arrangement savant des objets.
3. Quelle image du poète ce tableau nous donne-t-il ?
Pas de muse inspiratrice, ni de couronne de lauriers : le tableau représente un vrai poète, dans
un lieu authentique. Le modèle ne prend pas la pose, il est saisi dans la banalité du quotidien.

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➢ Les Trois Parques par Pietro della Vecchia, la mort et son grotesque (p. 350)
→ image p. I du cahier couleurs
• Le tableau se focalise sur les doigts des Parques qui, tout en se rapprochant, laissent un léger
espace suggérant l’interruption de la vie. Les mains protègent le crâne que les regards des
Parques entourent et désignent.
• Le crâne est un memento mori, qui rappelle aux hommes leur condition de mortel. Il souligne
le rôle des Parques qui, en coupant le fil des vies, décident de l’heure de la mort.
• Les couleurs vives et peu harmonieuses des vêtements, les visages vieillis, presque
grimaçants des Parques qui couvent un crâne comme on couverait un enfant, concourent à
l’impression de grotesque de cette scène, accentuée par le clair-obscur menaçant.

➢ L’Embarquement pour Cythère par Watteau, le peintre des fêtes galantes


(p. 351) → image p. II du cahier couleurs
• Ce tableau est remarquable du fait de sa construction très rythmée et du mouvement subtil
qui s’instaure entre les différents groupes de personnages. Assis en galante conversation, un
couple en voisine un autre qui se lève, tandis qu’un troisième, déjà debout, commence à
s’avancer vers la barque, la jeune femme jetant un dernier regard à l’île. Au fond, d’autres
personnages embarquent, survolés par des Amours.
• Outre les arbres à droite du tableau, qui semblent protéger les couples d’amants, la
représentation du paysage est marquée par le caractère brumeux et mystérieux de l’arrière-
plan, évoquant l’influence de Rubens et de Léonard de Vinci.
• Les historiens d’art ont beaucoup débattu pour savoir si les couples abordent l’île (comme
le laisse entendre l’« embarquement » du titre), ou s’ils la quittent, comme le suggère le
mouvement des personnages de droite à gauche du tableau, qui marquent davantage un
départ.

➢ Dante et Virgile aux Enfers par Delacroix, aux origines du romantisme (p. 351)
→ image p. III du cahier couleurs
• Au centre du tableau, Dante et Virgile, unis dans la tourmente de l’Enfer, résistent aux forces
adverses. Au premier plan à gauche, un homme retient la barque avec ses dents. À bout de
force, un autre se laisse engloutir par le Styx, tandis qu’un troisième tente de grimper à bord
en s’appuyant sur une femme qui s’agrippe désespérément à la barque. L’arrière-plan,
sommaire, s’efface dans la brume.
• La palette est sombre, dominée par le rouge et le brun, évoquant les tourments de l’Enfer.
• La tête couverte de Dante et celle couronnée de Virgile reflètent la force d’âme des poètes.
Virgile saisit la main gauche de Dante qui, effrayé, lève le bras droit pour se protéger. Les
poètes unis dans la tourmente de l’Enfer représentent les artistes contaminés par le mal du
siècle et unis dans le même combat. La vie paraît une traversée effroyable et seul l’art peut
offrir une voie heureuse, une forme de résistance.

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➢ Luxe, calme et volupté par Matisse, le goût de la couleur (p. 352)


→ image p. IV du cahier couleurs
1. Quelle est la composition du tableau ?
Au premier plan, une plage s’étend vers la gauche, tandis qu’une baie s’ouvre à droite. La
limite du tableau, de ce côté, est marquée par un tronc d’arbre, dont les branches semblent
comme prolongées par le mât et le tangon du bateau échoué sur la plage. Un groupe de
femmes dans des attitudes paresseuses occupe le rivage, à côté des restes d’un pique-nique
que l’on voit sur une nappe.
2. Quels éléments du tableau vous semblent illustrer le vers de Baudelaire ?
Le luxe est d’abord celui d’un paysage idyllique et de couleurs généreuses. C’est aussi celui du
temps que s’accordent les femmes sur la plage. Le calme est particulièrement suggéré par la
lumière douce dans laquelle baigne le tableau et par la mer d’huile qu’elle fait scintiller. La
volupté est notamment évoquée par les différentes attitudes des femmes, l’une danse,
d’autres se coiffent, tous les corps paraissent détendus.
3. La scène représentée vous évoque-t-elle d’autres tableaux, d’autres peintres ?
Le tableau peut faire écho aux « Déjeuners sur l’herbe » de Manet et de Monet. Il peut aussi
être vu comme un hommage aux « Grandes Baigneuses » de Cézanne.

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Les sujets d’écrit et d’oral

➢ 1. Sujet de dissertation (page 353)


Présentant les poèmes les plus célèbres de la modernité, l’écrivaine Jeanne Bourin déclare
que : « Tout est matière à poésie. »
Que pensez-vous de cette affirmation ?
Vous répondrez à cette question dans un développement argumenté, en vous appuyant sur
votre lecture des Fleurs du mal et sur tous les autres textes que vous aurez lus dans le cadre
du parcours « Alchimie poétique : la boue et l’or ».

Introduction
« Tout est matière à poésie » déclare la romancière Jeanne Bourin en considérant la poésie
moderne depuis Baudelaire. De fait, la poésie, avec Baudelaire, change profondément. Elle
délaisse les sentiments nobles et les chants d’une nature immuable pour plonger dans la boue
du spleen quotidien et des rues industrielles mal famées. Dire que tout peut devenir poésie,
c’est comprendre que la laideur a désormais sa place, que la vie urbaine n’est plus niée mais
peut être l’objet à part entière d’un poème. Puisque la vie moderne transforme l’homme et
sa manière de s’exprimer, des changements poétiques formels sont indispensables.
1. La laideur, nouveau sujet poétique
C’est avec Baudelaire que le laid accède à une nouvelle dignité poétique, inédite jusqu’alors.
De fait, les romantiques proposaient une poésie qui visait, pour l’essentiel, à valoriser des
sentiments nobles et n’étaient nullement préoccupés par le quotidien. La beauté était leur
sujet privilégié. Baudelaire choisit paradoxalement d’explorer ce que chacun repousse, ce qui
n’est pas digne d’attention et ne peut que dégoûter les uns et les autres. Il n’y a plus ici de
sujet noble : à la suite de Victor Hugo qui chantait l’araignée et l’ortie, Baudelaire décide de
valoriser ce qui est laid pour montrer que tout est matière à poésie.
L’idéal n’est pas de ce monde et le poète, qui, comme l’albatros a chu à terre, est condamné
au spleen et à la boue. Il va s’offrir alors comme un alchimiste qui, grâce à ses vers, fera de la
boue un or incomparable. C’est le cas dans « À une passante » où l’apparition fugitive d’une
femme suscite le regard émerveillé de l’homme. C’est aussi le cas dans « Une charogne » où
un cadavre en décomposition fascine le poète. On pourra également considérer « Le Peigne »
de Germain Nouveau qui fait l’éloge de l’objet le plus quotidien et le plus insignifiant.
[Transition] La laideur devient un sujet poétique à part entière avec Baudelaire mais ce mot
d’ordre du « tout est poétique » concerne aussi les bouleversements sociaux et économiques :
le paysage urbain en porte la marque la plus nette.
2. La vie urbaine, nouvel eldorado poétique
L’édition de 1861 des Fleurs du mal installe les conditions d’une révolution poétique sans
précédent : si en 1857, la première édition du recueil offrait la laideur comme sujet à part
entière et digne d’attention, l’ajout en 1861 des « Tableaux parisiens » vient achever la
possibilité de transformer tout ce qui entoure le poète en matière précisément poétique. Paris
est une ville honnie de Baudelaire mais il y consacre une large part de ses nouveaux poèmes

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pour montrer que la condition du poète moderne a changé : il est peintre d’une vie nouvelle,
faite de boue.
Baudelaire ouvre alors la voie à une modernité poétique qui va s’occuper de décrire les réalités
urbaines nouvelles et de promouvoir la place que le poète peut y occuper. Sans doute revient-
il à Émile Verhaeren d’en chanter, dans Les Villes tentaculaires, toutes les mutations,
notamment industrielles.
[Transition] Tout est matière à poésie : la laideur et la ville industrielle deviennent donc des
sujets à part entière. Mais il ne faut pas oublier que la poésie modifie aussi formellement son
chant pour jouer de cette même modernité.
3. Tout langage est matière à poésie
La poésie de Baudelaire va chercher à proposer une nouvelle manière de saisir la réalité sans
cesse mouvante de la vie moderne. À ce titre, le poète porte une attention particulière aux
formes qu’il va choisir. C’est par goût du paradoxe et de la provocation qu’il se concentre
d’abord sur la forme classique du sonnet popularisée par Pierre de Ronsard. Prendre une
forme classique comme le sonnet pour faire l’éloge de la vie urbaine devient pour lui un jeu
qui prouve aussi la valeur digne de son propos : une manière de prendre l’or du sonnet pour
chanter la boue urbaine.
Mais c’est le langage courant, la prose notamment, qui va concentrer les efforts du « tout est
matière à poésie ». Dans Le Spleen de Paris, Baudelaire va libérer la poésie des contraintes de
la versification pour qu’elle épouse au mieux les changements de la vie quotidienne : la prose
devient la « sorcellerie évocatoire » du monde moderne. En examinant la poésie de Tristan
Corbière, en particulier « Le Crapaud », l’on constate que le langage courant, voire familier,
s’empare du poème pour révéler la beauté et la puissance poétique de la langue quotidienne.
Conclusion
La boue et l’or sont les deux termes inséparables de l’alchimie poétique moderne. La boue du
monde moderne, sans dignité ni noblesse, trouve dans les inventions formelles de Baudelaire
et de ses successeurs l’occasion de devenir l’or même de l’histoire littéraire.

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➢ 2. Commentaire (page 354)


Germain Nouveau, « Le Peigne », (Texte 6)

Voici une proposition de plan.


Introduction
Faire de la boue un nouvel or poétique : tel pourrait être le projet du poème « Le Peigne » de
Germain Nouveau. Le poète se saisit ici de l’objet le plus banal, à savoir le peigne de son
amante, pour en faire un éloge comique et ironique : le peigne devient un objet merveilleux
et extraordinaire qui permet au poète de jouer des codes de la poésie classique.
1. Un éloge du peigne
• Par les termes mélioratifs : « grand seigneur » (v. 4) ou encore « des plus nobles » (v. 6).
• Par la forte ponctuation, marquée notamment par une surabondance de points
d’exclamation : voir les vers 8, 11, 12 ou 15.
2. Un jeu avec les codes de la poésie classique
• Par la forme poétique fixe sollicitée : l’ode ou l’éloge d’un être aimé. Ici il se déplace de
l’amante à l’objet choyé par l’amante.
• Par le registre de langue choisi : la langue est volontairement soutenue, pour jouer d’un
ironique contraste avec la banalité de l’objet.
3. Un éloge comique
• Par l’utilisation répétée de l’expression « grand seigneur » : l’expression désigne une
personne vivant dans le grand luxe et usant de manières. Ici l’expression est ironique car le
peigne est un objet modeste.
• Le registre comique provient du violent contraste entre la platitude de l’objet et les termes
exagérés et hyperboliques pour désigner un simple peigne.

➢ 3. Sujet d’oral (page 355)


◼ Explication d’un passage : « Une Charogne », v. 9-31.
Voici une proposition de plan.
Lors d’une promenade, le poète délaisse sa maîtresse pour ne plus fixer que la répugnante
dépouille d’une bête.
• Vers 9-16 : Une fascination amoureuse
Le poète se montre davantage fasciné par la pourriture de cette charogne que par sa maîtresse
qui se promène à ses côtés.
• Vers 17-24 : Une description macabre
Le poète décrit longuement le caractère morbide et macabre de cette charogne en état de
décomposition avancée.
• Vers 25-31 : Une nouvelle inspiration poétique

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Le poète perçoit que cette charogne peut devenir une vérité poétique : celle de ce qui reste
d’un amour une fois que le poète a essayé de le retranscrire dans un texte.
• Conclusion : « Une Charogne » offre à Baudelaire l’occasion d’un véritable questionnement
sur la notion d’art poétique.
◼ GRAMMAIRE. Analysez dans les vers 33 à 36 la fonction des adjectifs.
Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d'un œil fâché,
Épiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu'elle avait lâché.
Les deux adjectifs « inquiète » et « fâché » sont épithètes (à valeur descriptive).

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