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[CAS PRATIQUE] Régimes matrimoniaux

Cours et copies > Droit de la famille

Voici un exemple de cas pratique en régimes matrimoniaux. Biens propres et biens communs
dette solidaire, donation, sauvegarde judiciaire. Cette copie a obtenu la note de 16/20.

Sommaire :

I/ La qualification juridique des différents biens appartenant au couple

A) Le cas de l’appartement en indivision à Aix-en-Provence

B) Le cas de la scierie familiale et des parts sociales dans la SARL

C) Le cas du terrain à Manosque et de la maison

D) Le cas de l’indemnité de licenciement et de l’acquisition du diamant

II/ Le règlement des différentes dettes du couple et les biens engagés

A) Le cas du licenciement de l’employée de maison

B) Le cas des cotisations sociales dues par l’épouse

C) Le cas des différentes donations

D) Le cas du cautionnement de la dette d’un tiers par un seul époux


E) Les mesures possibles pour faire cesser les dépenses d’un époux
Sujet du cas pratique :

Vous êtes avocat et votre client vous consulte pour plusieurs questions.

Lui et sa compagne se sont mariés en 2003 sans contrat de mariage. Avant leur union, ils avaient
acquis en indivision un appartement à Aix-en-Provence, financé par des apports personnels et un
emprunt remboursé en 2011. Votre client a hérité en 2002 d'une scierie familiale qu'il a vendue en
2010 pour 500 000 euros, investissant une partie dans des parts sociales d'une SARL.

En 2016, son épouse hérite d'un terrain près de Manosque, où le couple construit une maison
financée par la vente de l'appartement d'Aix-en-Provence. L'épouse, licenciée en 2012, se met à
son compte après avoir acheté un diamant avec son indemnité de licenciement.

Le couple emploie ensuite une gouvernante licenciée sans indemnité, et l'épouse est condamnée
aux prud'hommes pour licenciement abusif. La gouvernante obtient une indemnité de 10 000
euros et 5 000 euros de salaires dus.

Enfin, l'épouse, séduite par Mistral, membre d'une association religieuse, vend son diamant et se
porte caution solidaire d'un emprunt contracté par Mistral. La banque, face au manquement du
débiteur et de la caution, engage une procédure de saisie immobilière sur la maison de Manosque.

Parallèlement, l'employée de maison menace votre client de saisir ses comptes pour le paiement
de la condamnation prud'homale. De plus, l'URSSAF menace de prendre un nantissement sur les
parts de la SARL pour des arriérés de cotisations sociales dues par l'épouse.

Que pouvez-vous préconiser à votre client pour protéger au mieux ses intérêts ?
[Qualification juridique des faits] En l’espèce, des époux se sont connus en 2000 et se sont
mariés quelques années après, en 2003, sans contrat de mariage.

Antérieurement à cette union, ils avaient acquis en indivision un appartement à Aix-en-Provence.


Cette acquisition avait été financée par un apport personnel de chacun et à l’aide d’un emprunt,
qu’ils ont remboursé en totalité en 2011. De plus, l’époux a reçu en 2002 la scierie familiale de
son père, par la voie successorale. Il a ensuite vendu celle-ci en 2010 pour la somme de 500 000
euros, à une SARL et a investi dans des parts sociales de cette SARL à l’aide d’un remploi d’une
partie du prix de vente.

Postérieurement à cette union, en 2016, l’épouse a reçu par la voie successorale un terrain près de
Manosque. Les époux y ont fait construire une maison qu’ils ont financé grâce à la vente de
l’appartement d’Aix-en-Provence.

En 2012, l’épouse est licenciée. Elle décide de se mettre à son compte et gagne très bien sa vie.
Mais grâce à l’indemnité de licenciement qu’elle a perçu, l’épouse s’offre un diamant.

Les époux étant très absorbés dans leur travail, ils engagent une employée de maison pour les
aider à faire le ménage et à s’occuper des enfants. Mais après une violente dispute, la femme
licencie sans indemnité la gouvernante. Celle-ci obtiendra aux prud’hommes une indemnité pour
le licenciement abusif de 10 000 euros, et 5 000 euros au titre des salaires dus.

L’épouse a rencontré un homme appelé Mistral, qui semble appartenir à une association
religieuse, et qui la convainc par sa thèse, à vendre son diamant et lui faire don de la somme
résultant de la vente, et même d’une bonne partie de ses revenus. Sans s’en arrêter là, l’épouse se
porte caution solidaire d’un emprunt souscrit par Mistral auprès de la banque. La banque, face au
manquement du débiteur et de la caution, obtient la condamnation de l’épouse et engage une
procédure de saisie immobilière sur la maison de Manosque dans laquelle vit le couple et les
enfants.

Enfin, l’époux est relancé par l’employée de maison pour le paiement de la condamnation qu’elle
a obtenu face au juge prud’hommal. Celle-ci menace de saisir les comptes de l’époux. De plus,
l’URSSAF, pour un arriéré de cotisations sociales dues par l’épouse, menace de prendre un
nantissement sur les parts de la SARL.
[Problématique] L’époux se demande alors ce qu’il peut faire pour empêcher la saisie du
logement familial et de ses biens, pour récupérer les sommes données par sa femme et pour faire
cesser ces dépenses inutiles.

De plus, il souhaite savoir, si le divorce s’avérait nécessaire, la composition des masses propres de
chacun des époux et de la masse commune, afin de savoir quels biens peuvent être saisis par les
créanciers.

[Annonce de plan] Il conviendra alors d’analyser en premier lieu la qualification juridique des
différents biens du couple et leur répartition dans les masses propres et communes (I), avant
d’analyser les différentes dettes des époux et quels sont les biens pouvant être engagés (II).

I/ La qualification juridique des différents biens appartenant au couple

A) Le cas de l’appartement en indivision à Aix-en-Provence

Un bien acheté en indivision pré-communautaire constitue-t-il un bien propre ou un bien


commun ?

Avant de répondre aux différentes questions de droit, il conviendra de rappeler que les époux se
sont mariés en 2003 sans contrat de mariage.

[Majeure] Selon l’article 1400 du Code civil : « La communauté, qui s'établit à défaut de contrat
ou par la simple déclaration qu'on se marie sous le régime de la communauté, est soumise aux
règles expliquées dans les trois sections qui suivent. ».

À la suite de cet article, les dispositions s’appliquant au régime légal de la communauté sont
énumérées aux articles 1401 à 1491 du Code civil.
Les époux se sont mariés après le 1er février 1996, date de l’entrée en vigueur de la loi réformant
le régime légal. Ils sont donc soumis au régime de la communauté réduite aux acquêts.

L’article 1401 du Code civil consacre une présomption de communauté, pour tous les biens que
les époux ont acquis ensemble ou séparément pendant le mariage.

Mais cet article possède donc une exception. Ainsi, selon l’article 1405 du Code civil, tous les
biens dont les époux avaient la propriété ou la possession avant le mariage sont des biens propres.
De plus, tous les biens acquis avant le mariage conservent leur statut, même si ceux-ci ont été
acquis en indivision par les époux, avant leur union, ce qui exclut les règles des régimes
matrimoniaux pour les biens indivis acquis avant la communauté. L’indivision peut même être
constituée avant le mariage pour le logement de famille (Cass. 1re civ., 7 juin 1988).

De plus, l’article 1408 (pas applicable ici) du Code civil prévoit un principe d’ordre public :
lorsqu’un des époux a des droits propres dans un bien indivis, ceux qu’il acquiert postérieurement
au mariage lui sont également propres, même s’ils ont été financés par la communauté. L’article
1408 du Code civil n’exclut pas les dispositions de l’article 1469 pour la récompense due à la
communauté (Cass. civ. 1re, 6 juin 1990).

[Mineure] En l’espèce, les époux ont acquis antérieurement au mariage un appartement à Aix-en-
Provence en indivision.

[Conclusion] De ce fait, chacun des époux reste propriétaire en propre des parts indivises qu’il
possède, et sera propriétaire en propre des parts financées par des fonds communs pendant la
communauté.

Ainsi, le sort de l’appartement répond des règles de l’indivision, et ce bien n’est pas régi par les
règles des régimes matrimoniaux. Le partage du prix de vente suit les règles de l’indivision :
chaque indivisaire se verra attribué une part du prix de vente égal à sa quote-part du bien. Cette
somme sera propre, selon l’article 1406 du Code civil, mais il sera nécessaire pour les époux
d’utiliser les formalités de remploi avant de les utiliser pour que les biens acquis grâce à ces
sommes ne tombent pas dans le régime de la communauté.
Enfin, si la communauté a participé plus pour le financement des parts d’un des deux époux, un
système de récompense pourra avoir lieu.

B) Le cas de la scierie familiale et des parts sociales dans la SARL

Une entreprise reçue par donation antérieurement au mariage est-il un bien propre ? Le remploi
d’une partie du prix de vente de celle-ci, pendant la communauté, permet-il d’acquérir un bien
propre également ?

[Majeure 1] Selon l’article 1405 du Code civil, « restent propres les biens dont les époux avaient
la propriété ou la possession au jour de la célébration du mariage. »

[Mineure 1] En l’espèce, l’époux a reçu de son père une scierie familiale par la voie successorale
en 2002, soit avant la date du mariage. Cette scierie constitue donc un bien propre de l’époux.
Toutefois, l’époux a vendu la scierie en 2010, pendant le régime de communauté, et a utilisé une
partie des fonds pour acquérir des parts sociales.

L’article 1406 du Code civil dispose que « forment aussi des propres, par l'effet de la subrogation
réelle, les créances et indemnités qui remplacent des propres. » La Cour de cassation, dans un
arrêt du 5 décembre 2018 rendu par sa première chambre civile (n° 18-11.794), a ainsi pu
confirmer que le prix de vente qui remplace le bien propre cédé est lui-même un propre.

[Conclusion 1] Ainsi, le prix de vente de la scierie appartient en propre à l’époux.

[Majeure 2] Toutefois, selon l’article 1401 du Code civil, « la communauté se compose


activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et
provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de
leurs biens propres. »

Mais l’article 1406 du même Code précise que les biens acquis en emploi ou remploi,
conformément aux articles 1434 et 1435, forment également des propres. De ce fait, le remploi est
une opération par laquelle un époux utilise le prix de vente d’un de ses biens propres pour
acquérir un autre bien qui deviendra propre par le mécanisme de la subrogation réelle. À ce titre,
l’article 1434 indique que le remploi doit être mentionné dans l’acte d’acquisition : il peut être fait
au moment de l’acquisition ou par anticipation en vertu de l’article 1435 du Code civil.

[Mineure 2] En l’espèce, il est mentionné que l’époux a remployé une partie des fonds dans
l’achat des parts sociales. Cela sous-entend que les formalités de remploi ont été effectuées, et que
le remploi a ainsi pu produire ses effets.

[Conclusion 2] Les parts sociales que détient l’époux dans la SARL à laquelle il a vendu la
scierie familiale sont donc des biens propres à l’époux.

C) Le cas du terrain à Manosque et de la maison

La construction bâtie par la communauté sur le terrain appartenant en propre à l’un des époux
constitue-t-elle un bien commun ?

[Majeure 1] L’article 1401 du Code civil pose une présomption de communauté pour tout bien
acquis durant le mariage. Toutefois, l’article 1405 vient poser une exception à cette présomption,
et dispose que restent propres les biens que les époux ont acquis pendant le mariage par
succession, donation ou legs.

[Mineure 1] En l’espèce, l’épouse a acquis par la voie successorale un terrain à Manosque


pendant la communauté.

[Conclusion 1] Ce terrain lui est donc propre.

Mais les époux ont fait construire une maison sur ce terrain, qui a été financé par la vente de
l’appartement d’Aix-en-Provence.

L’appartement d’Aix-en-Provence étant un bien propre, les sommes obtenues par les époux
résultant de son prix de vente sont propres à chacun, suivant le principe de subrogation réelle
automatique posé par l’article 1406 du Code civil qui dispose que « forment aussi des propres,
par l'effet de la subrogation réelle, les créances et indemnités qui remplacent des propres. »

La maison a été financée par la vente de l’appartement d’Aix-en-Provence, donc par des fonds
propres.

[Majeure 2] Toutefois, sans les formalités de remploi consacrées par les articles 1434 à 1435 du
Code civil, la maison aura été financée par la communauté.

Selon l’article 1406 du Code civil, « forment des propres, sauf récompense s'il y a lieu, les biens
acquis à titre d'accessoires d'un bien propre ainsi que les valeurs nouvelles et autres
accroissements se rattachant à des valeurs mobilières propres. » La jurisprudence a également pu
se prononcer sur la question, et a pu juger que l’immeuble bâti sur le terrain propre de l’époux,
pendant la durée du mariage et à l’aide des fonds provenant de la communauté, constitue lui-
même un propre (Cass. com., 24 juin 2003, n° 00-14.645).

La récompense due à la communauté est consacrée par l’article 1437 du Code civil, et l’article
1469 du même Code pose les modalités de cette récompense. Ainsi, la récompense pour la
communauté pour l’acquisition d’un bien propre, est prévue à l’alinéa 3 de cet article, et la
récompense ne pourra donc être inférieure au profit subsistant. La jurisprudence a pu juger à ce
titre que la récompense due à la communauté au titre du financement d’une construction sur un
terrain propre, est égale non pas à la valeur du bien construit, mais à la plus-value procurée par la
construction au fonds où elle est implantée : la valeur actuelle de l’immeuble diminuée de la
valeur actuelle du terrain (Cass. 1re civ., 6 juin 1990).

[Mineure 2] En l’espèce, aucune formalité de remploi ne semble avoir été accomplie,

[Conclusion 2] La maison devrait donc être un bien commun.

Toutefois, selon les mécanismes de subrogation réelle automatique, le bien est propre à l’épouse.
En cas de divorce, la communauté aura donc le droit à récompense selon les modalités de l’article
1469 et de la jurisprudence relative au financement par la communauté d’une construction sur un
terrain propre.
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D) Le cas de l’indemnité de licenciement et de l’acquisition du diamant

L’indemnité de licenciement perçue par un époux est-il un bien commun au titre d’un substitut du
salaire ? L’emploi de cette indemnité dans l’acquisition d’un bien permet-elle de qualifier le bien
de commun ?

[Majeure] Selon l’article 1401 du Code civil, « la communauté se compose activement des
acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur
industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres. » À
ce titre, les gains et salaires produits de l’industrie personnelle des époux font partie de la
communauté (Cass. 1re civ., 8 février 1978).

[Majeure 1] Quant aux substituts de salaires tels que les indemnités de licenciement, celles-ci
tombent en communauté (Cass. 1re civ., 5 novembre 1991, n° 90-13.479), sauf les indemnités
exclusivement attachées à la personne du créancier visant à réparer un dommage exclusivement
attaché à sa personne, et non pas le préjudice résultant de la perte de son emploi (Cass. 1re civ., 23
juin 2021, n°19-23.614).

[Mineure 1] En l’espèce, il n’est pas précisé si les indemnités de licenciement octroyées à


l’épouse sont relatives à des dommages exclusivement personnels.

[Conclusion 1] Il convient donc de considérer que l’indemnité de licenciement tombe en


communauté.

L’épouse a utilisé cette indemnité de licenciement dans l’acquisition d’un diamant.


[Majeure 2] Ainsi, toujours au visa de l’article 1401 du Code civil, ce diamant est un bien
commun. Il a été acquis pendant le mariage grâce à une somme commune.

Toutefois, une exception peut se présenter. L’article 1404 du Code civil dispose que « forment
des propres par leur nature, quand même ils auraient été acquis pendant le mariage, les
vêtements et linges à l'usage personnel de l'un des époux, les actions en réparation d'un dommage
corporel ou moral, les créances et pensions incessibles, et, plus généralement, tous les biens qui
ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne. »

Ainsi, si la communauté a participé à l’achat d’un bien propre selon les critères de l’article 1404
du Code civil, elle aura droit à récompense puisque l’épouse se sera enrichie au visa de l’article
1437 du Code civil.

Ce caractère personnel et ce lien étroit avec la personne est laissé à la libre appréciation des juges
du fond. La jurisprudence est divergente sur ce sujet, et la Cour d’appel de Versailles a ainsi pu
juger que les bijoux étaient des biens propres par nature (CA Versailles, 4 mai 2006, n° 04-
08.496), tandis que la Cour d’appel de Montpellier refuse de considérer comme propre des bijoux
offerts à l’épouse par des proches (CA Montpellier, 24 mai 2006, n° 05/2133). Il semble opportun
de distinguer les bijoux personnels tels que des bijoux de famille qui seront des biens propres
selon l’article 1404 et les bijoux d’investissement ou de placement qui seront plutôt des biens
communs.

[Mineure 2] En l’espèce, l’épouse s’est acheté un diamant jaune. Il n’est pas spécifié que c’est un
véritable bijou, et le diamant peut être assimilé à une dépense d’investissement au vu de sa valeur.

[Conclusion 2] Il semble alors que les juges pourront qualifier le diamant de bien commun.
Toutefois, en cas de divorce, si les juges décident de qualifier le diamant de bien propre, l’époux
aura alors droit à récompense puisque la communauté a participé pour l’achat d’un bien propre.

II/ Le règlement des différentes dettes du couple et les biens engagés

A) Le cas du licenciement de l’employée de maison

Les dettes résultant du licenciement d’une employée de maison constituent-elles des dettes
ménagères engageant les époux solidairement ?
[Majeure 1] L’article 220 du Code civil est relatif au régime primaire impératif qui est un corps
de règles s’appliquant à tous les époux, quel que soit leur régime matrimonial. Celui-ci dispose
que « chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l'entretien du
ménage ou l'éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l'un oblige l'autre
solidairement. »

Toutefois, une exception à ce principe existe au sein de ce même article, à l’alinéa 2 qui dispose
que « la solidarité n'a pas lieu, néanmoins, pour des dépenses manifestement excessives, eu égard
au train de vie du ménage, à l'utilité ou à l'inutilité de l'opération, à la bonne ou mauvaise foi du
tiers contractant. »

La Cour de cassation a pu estimer dans un arrêt du 12 mai 1977 que les charges sociales afférentes
au contrat de travail d’une employée de maison sont des dettes ménagères. De plus, la chambre
sociale de la Cour de cassation a pu réaffirmer ce principe dans un arrêt du 8 juin 2005, où elle
juge que le contrat de travail conclu avec l’employée de maison avait pour objet l’entretien du
ménage ou l’éducation des enfants communs (n° 02-47.689).

Ainsi, l’embauche par un seul époux d’une employée de maison visant à assurer le ménage et
l’entretien des enfants peut faire naître une dette solidaire. Toutefois, il convient de regarder si la
dépense n’est pas excessive eu égard au train de vie du couple. Cette appréciation sera laissée aux
juges suivant les ressources du couple.

[Mineure 1] En l’espèce, le contrat de travail de l’employée de maison engage donc


solidairement les deux époux puisque c’est une dette ménagère. De plus, les époux ont embauché
cette gouvernante tous les deux.

Il est toutefois important de différencier les indemnités de licenciement abusif, et les salaires dus.
Ces derniers auront facilement tendance à être qualifiés de dettes ménagères, au vu de l’article
220 du Code civil. Mais les indemnités de licenciement abusif sont plus difficiles à classer, mais il
semblerait que la Cour de cassation fasse primer la finalité de la dette : l’entretien du ménage et
l’éducation des enfants, pour classer l’indemnité de licenciement abusif comme dettes ménagères,
engageant solidairement les époux.
[Majeure 2] De ce fait, dans l’arrêt du 8 juin 2005, la chambre sociale a condamné solidairement
les époux pour l’ensemble des dettes résultant de la rupture du contrat de travail, y compris pour
l’indemnité de licenciement abusif. Au même titre, dans un arrêt du 11 mars 2009, la Cour de
cassation a estimé que la cotisation retraite employeur relative à une employée de maison, était
une dette ménagère solidaire au sens de l’article 220 du Code civil.

[Mineure 2] En l’espèce, il semble donc que même si l’épouse a licencié elle-même l’employée
de maison, l’époux sera solidaire à cette dette : pour les 5 000 euros de salaires dus et pour les 10
000 euros au titre d’indemnité de licenciement abusif.

[Majeure 3] Au visa de l’article 1413 du Code civil, « le paiement des dettes dont chaque époux
est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur
les biens communs, à moins qu'il n'y ait eu fraude de l'époux débiteur et mauvaise foi du
créancier, sauf la récompense due à la communauté s'il y a lieu. » Mais l’article 1418 du Code
civil dispose que si une dette est solidaire, la dette est réputée entrer en communauté du chef des
deux époux. Dans ce cas toutes les masses de bien sont engagées.

Ainsi, la dette résultant du licenciement de l’employée de maison peut être poursuivie sur les
masses propres des deux époux et sur la masse commune, puisque c’est un cas de solidarité légale
prévue à l’article 220 du Code civil.

[Mineure 3] En l’espèce, l’employée de maison menace de saisir les comptes de l’époux


puisqu’elle n’a pas reçu les sommes qui lui sont dues au titre de réparation pour le licenciement
abusif.

[Majeure 4] Au visa de l’article 1402, tout bien meuble ou immeuble est réputé acquêt de
communauté si l'on ne prouve qu'il est propre à l'un des époux par application d'une disposition de
la loi. Cet article pose une présomption de communauté. En revanche, l’article 221 du Code civil,
chaque époux peur se faire ouvrir, sans le consentement de l’autre, un compte de dépôt en son
nom personnel. Celui-ci est réputé, même après la dissolution du mariage, avoir la libre
disposition des fonds et des titres en dépôt. Dans un arrêt du 9 juillet 2008, rendu par la première
chambre civile de la Cour de cassation, la Haute juridiction a pu affirmer que le fait que des fonds
soient déposés sur un compter personnel, portant le nom d’un époux, ne permet pas de déduire la
nature propre des fonds. Ainsi, les fonds remis sur le compte personnel d’un époux sont
communs, s’il n’est pas rapporté la preuve de leur nature propre. De plus, l’article 1414 prévoit
l’insaisissabilité des gains et salaires d’un époux sauf si la dette est ménagère, et a été contractée
pour l’entretien du ménage et l’éducation des enfants, conformément à l’article 220 du Code civil.
La doctrine majoritaire considère aujourd’hui que si la dette est solidaire au sens de l’article 220
du Code civil, les gains et salaires du conjoint sont saisissables. Mais s’ils sont versés sur un
compte courant ou de dépôt, les conditions de saisie sont régies par un décret présent dans l’article
R162-9 du Code de procédure civile : il doit être laissé à la disposition de l’époux non débiteur
l’équivalent d’un mois de revenus.

[Mineure 4] En l’espèce, le compte ouvert au nom de l’époux est donc présumé être un bien
commun, s’il n’est pas rapporté par la preuve contraire que le bien est propre. Si le compte est
bien commun, alors l’époux ne peut empêcher l’employée de maison de saisir ce compte. Si en
revanche, l’époux arrive à prouver que son compte lui est propre, alors l’employée de maison
pourra tout de même saisir ce compte. Mais il existe une différence entre l’obligation à la dette et
la charge de la dette.

De plus, si l’époux entrepose sur ce compte ces gains et salaires, l’employée de maison pourra
tout de même les saisir, grâce à l’exception consacrée par l’article 1414 relative à la dette
ménagère. Mais il devra être laissé sur son compte l’équivalent d’un mois de revenus (si titre
contre lui). [Majeure 5] L’article 1433 du Code civil dispose que la communauté doit
récompense à un époux toutes les fois qu’elle a tiré profit d’un bien propre. Toutefois, il incombe
à l’époux qui demande récompense de prouver le profit retiré par la communauté (Cass. 1re civ., 8
février 2005).

[Mineure 5] En l’espèce, si l’époux se voit saisir l’argent sur son compte propre (pas propre,
221 est une présomption de pouvoir pas de propriété) pour payer une dette commune, il aura
droit à récompense s’il démontre que la communauté a retiré un profit du paiement de la dette par
ses biens propres.Ce profit devrait être apprécié par les juges sans trop de difficulté puisque les
comptes propres de l’époux auront servi à payer une somme importante qui devait incomber à la
communauté.

B) Le cas des cotisations sociales dues par l’épouse

La dette résultant du manquement du paiement des cotisations sociales par un des époux auto-
entrepreneur doit-elle peser sur la commune ? Quels sont les biens engagés ? [Majeure 1]
Toujours au visa de l’article 220 du Code civil, les dettes ménagères emportent solidarité des
époux. Cet article a vocation à s’appliquer à toute dette même non contractuelle ayant pour objet
l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants (Cass. 1re civ., 7 juin 1989). La dette ménagère
est donc appréciée selon sa finalité : elle doit répondre au critère de l’entretien du ménage et de
l’éducation des enfants.
Ainsi, la jurisprudence a pu se prononcer sur le sujet. Elle a estimé par exemple que les cotisations
sociales de l’employé de maison sont des dettes ménagères (Cass. soc., 12 mai 1977, n° 75-15.412
ou plus récemment Cass. soc., 11 mars 2009, n° 07-43.977), ou encore que les cotisations pour un
régime légal obligatoire d’assurance vieillesse d’un époux dès lors que l’époux bénéficie d’un
droit à réversion (Cass. 1re civ., 14 juin 2009, n° 07-13.122), ou les cotisations retraites avec droit
à réversion à l’épouse (Cass. 1re civ., 24 octobre 1995) représentent des dettes ménagères.

[Mineure 1] En l’espèce, l’épouse n’a pas payé ses cotisations sociales.

[Conclusion 1] Il semble que cette dette soit une dette ménagère au vu de la jurisprudence
existante.

[Majeure 2] Au visa de l’article 1413 du Code civil, « le paiement des dettes dont chaque époux
est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur
les biens communs, à moins qu'il n'y ait eu fraude de l'époux débiteur et mauvaise foi du
créancier, sauf la récompense due à la communauté s'il y a lieu. »

Mais l’article 1418 du Code civil dispose que si une dette est solidaire, la dette est réputée entrer
en communauté du chef des deux époux. Dans ce cas toutes les masses de bien sont engagées.
Une dette solidaire permet donc au créancier de saisir les biens propres de chacun des époux, et
les biens communs.

Toutefois l’obligation à la dette est différente de la contribution à la dette, et l’époux qui aura payé
la dette incombant à la communauté avec un bien propre, aura un droit à récompense,
conformément à l’article 1433 du Code civil. Toutefois, il incombe à l’époux qui demande
récompense de prouver le profit retiré par la communauté (Cass. 1re civ., 8 février 2005).

[Mineure 2] En l’espèce, l’URSSAF menace de prendre un nantissement sur les parts de la SARL
de l’époux. Les parts sociales sont un bien propre de l’époux, mais la dette est solidaire.

[Conclusion 2] L’URSSAF peut donc prendre un nantissement sur ses parts sociales.
Toutefois, l’époux aura droit à récompense, s’il prouve que la communauté a tiré profit de son
bien propre. Cette preuve ne devrait pas être difficile à rapporter puisque le nantissement sur un
bien propre aura remboursé une dette incombant à la communauté.

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C) Le cas des différentes donations

a. La donation du diamant

Un époux peut-il consentir seul à une libéralité concernant un bien commun ?

[Majeure 1] L’article 1421 du Code civil impose un principe de gestion concurrente. Mais
l’article 1422 du Code civil livre une exception imposant un principe de cogestion pour les
libéralités entre vifs concernant les biens communs. Il dispose que « les époux ne peuvent, l'un
sans l'autre, disposer entre vifs, à titre gratuit, des biens de la communauté. » En effet, un époux
ne peut décider seul d’une libéralité sur un bien commun. Cette disposition est applicable à toute
libéralité tant que l’acte opère réellement un « dessaisissement immédiat et définitif » d’un
élément du patrimoine commun selon la jurisprudence.

[Mineure 1] En l’espèce, l’épouse a vendu le diamant, un bien commun pour faire donation du
prix de la vente à un tiers.

[Conclusion 1] La donation étant une libéralité, elle ne pouvait le faire sans l’accord de son
conjoint.
[Majeure 2] L’article 1427 dispose que « si l'un des époux a outrepassé ses pouvoirs sur les
biens communs, l'autre, à moins qu'il n'ait ratifié l'acte, peut en demander l’annulation. ». Ainsi,
l’époux n’ayant pas consenti à la libéralité entre vifs d’un bien commun peut en demander la
nullité. Cependant, cet article limite cette action dans le temps : elle est ouverte au conjoint
pendant deux années à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte, mais sans pouvoir jamais
être intentée plus de deux ans après la dissolution de la communauté. Cette nullité ne peut être
invoquée que par le conjoint victime du dépassement de pouvoir (Cass. 1re civ., 20 janvier 1998)
et seulement s’il n’a pas ratifié l’acte. Ce conjoint victime peut également demander des
dommages et intérêts pour faute de gestion en vertu de l’article 1421 du Code civil.

Toutefois, le tiers acquéreur ne peut mettre en œuvre la responsabilité de l’auteur du dépassement


de pouvoir (Cass. 1re civ., 24 mars 1981), la nullité ayant seulement pour effet de remettre les
choses dans l’état où elles se trouvaient avant la donation (Cass. 1re civ., 16 juillet 1998).

[Mineure 2] En l’espèce, l’époux peut donc demander la nullité de la donation en vertu de


l’article 1427 du Code civil, s’il respecte les délais prévus : il faut qu’il ait eu connaissance de la
donation il y a moins de deux ans. Si le délai est dépassé, l’époux aura cependant droit à
récompense.

Il semble en revanche que l’épouse ayant dépassé ses pouvoirs sur les biens communs, ne soit pas
condamné à indemniser le tiers.

b. La disposition à titre gratuit des gains et salaires de l’épouse

Un époux peut-il disposer librement de ses gains et salaires pour consentir une libéralité à un
tiers ?

Selon l’article 1401 du Code civil, les gains et salaires résultant de l’industrie personnelle d’un
époux sont des biens communs. Mais l’article 223 du Code civil pose une règle impérative
applicable à tous les régimes matrimoniaux : chaque époux peut librement exercer une profession,
percevoir ses gains et salaires et en disposer après s'être acquitté des charges du mariage.
De ce fait, la jurisprudence a pu reconnaître la validité de la donation portant sur les gains et
salaires consentis de la seule initiative de l’époux qui les perçoit tant que ces sommes ne sont pas
économisées (Cass. 1re civ., 29 février 1984, n° 82-15.712), mais elles ne sont pas valables si les
sommes ont été économisées (Cass. 1re civ., 20 novembre 2019, n° 16-15.867).

La jurisprudence n’a jamais clairement défini la notion d’économie. Mais le seul dépôt des gains
sur un compte courant ne donne pas lieu à reconnaître une économie. Cependant dans un arrêt du
29 février 1984 (n° 82-15.712), la Cour de cassation a jugé que les gains et salaires n’avaient pas
été économisés pour des sommes données par un époux à sa maitresse, mais a estimé que le mari
ne pouvait disposer librement au profit de sa maîtresse de bons de caisse acquis à l’aide de gains
et salaires, car ces bons constituaient des acquêts (Cass. 1re civ., 22 octobre 1980).

Si les juges considèrent que les sommes sont économisées, alors l’article 1422 prime l’article 223
du Code civil. Dans ce cas, l’époux qui n’a pas consenti à la libéralité pourra demander la nullité
de l’acte selon l’article 1427 du Code civil. Si les juges considèrent que les sommes n’ont pas été
économisées, alors l’article 223 prime l’article 1422 et la donation est valide si l’époux a
contribué à sa part des charges du mariage.

D) Le cas du cautionnement de la dette d’un tiers par un seul époux

Un époux peut-il seul consentir au cautionnement de la dette d’un tiers ? Le cas échéant, quelles
sont les masses de bien engagées ?

[Majeure 1] L’article 1413 du Code civil dispose que « le paiement des dettes dont chaque époux
est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur
les biens communs, à moins qu'il n'y ait eu fraude de l'époux débiteur et mauvaise foi du
créancier, sauf la récompense due à la communauté s'il y a lieu. »

Mais l’article 1415 du Code civil vient poser une exception à ce principe de saisissabilité des
biens communs. Cet article déclare que « chacun des époux ne peut engager que ses biens
propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été
contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses
biens propres. » La jurisprudence a ainsi pu préciser la notion de consentement, et a jugé que le
consentement exprès de l’autre conjoint n’était pas exigé selon les formes de l’article 1326 du
Code civil (Cass. 1re civ., 13 novembre 1996, n° 94-12.304). Un consentement écrit n’est donc
pas exigé, mais les juges doivent être certains que le conjoint a donné son accord, la seule
connaissance de l’opération par le conjoint étant toutefois insuffisante à caractériser son
consentement (Cass. 1re civ., 1er décembre 2010, n° 09-15.669).

[Mineure 1] En l’espèce, l’époux n’a pas l’air d’avoir donné son consentement. S’il n’a pas signé
l’acte, et qu’il n’a pas non plus donné un accord oral, alors l’article 1415 peut s’appliquer.

[Conclusion 1] L’épouse n’engagera alors que ses biens propres et ses revenus. La banque
menace de saisir la maison de Manosque, qui est un propre de l’épouse.

[Majeure 2] L’article 215 du Code civil vient assurer une protection du logement familial. Le
logement familial ne s’identifie pas nécessairement au domicile conjugal, et son appréciation est
laissée aux juges.

Toutefois, le logement de la famille est la résidence, le lieu d’habitation effective de la famille.

[Mineure 2] En l’espèce, les enfants et le couple réside dans la maison de Manosque.

[Conclusion 2] Il est fort probable que les juges décident que cette maison constitue le logement
familial.

[Majeure 3] L’article 215 confère donc une protection du logement familial : les époux ne
peuvent en disposer l’un sans l’autre. Toutefois, cet article ne rend pas le logement de la famille
insaisissable.

Il a ainsi été jugé qu’un bien propre répond des dettes personnelles de l’époux qui en est
propriétaire, même s’il s’agit du logement de la famille, et ce même sans accord du conjoint
(Cass. 3e civ., 12 octobre 1977, n° 76-12.482).
Mais cette saisissabilité par les créanciers peut être contrée par un mécanisme dans le cas où
l’époux propriétaire est entrepreneur individuel. Sa résidence principale est insaisissable de droit à
l’égard de ses créanciers professionnels selon l’article L526-1 du Code de commerce depuis la loi
du 6 août 2015. Sauf si l’époux entrepreneur y a renoncé par acte notarié. Mais la notion de
créancier professionnel s’entend au sens du Code de la consommation. La créance garantie doit
donc avoir un rapport direct avec une activité professionnelle.

[Mineure 3] En l’espèce, la banque peut saisir la maison de Manosque même si elle constitue le
logement familial. Toutefois, il est mentionné que l’épouse s’est mise à son compte suite à son
licenciement.

Si elle est auto-entrepreneuse, alors son logement familial est insaisissable par les créanciers
professionnels. Cependant, la créance garantie par l’épouse n’a aucun lien direct avec son activité
professionnelle. Le logement familial n’est donc pas protégé et la banque pourra le saisir.

E) Les mesures possibles pour faire cesser les dépenses d’un époux

L’époux a-t-il une possibilité pour restreindre les dépenses incessantes de sa conjointe ?

a. Le cas de la sauvegarde judiciaire

[Majeure 1] Selon l’article 1421 du Code civil dispose que « chacun des époux a le pouvoir
d’administrer seul les biens communs et d’en disposer. » Toutefois, une limite intervient dans
cette libre disposition des biens communs.

En effet, l’article 220-1 du Code civil permet de restreindre les pouvoirs d’un époux pour tous les
régimes matrimoniaux, il fait partie du régime légal impératif. En effet, si un des époux manque
gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille, le juge aux affaires
familiales peut prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent ces intérêts. Cette mesure
s’appelle la sauvegarde judiciaire. Les devoirs des époux sont d’ordre patrimoniaux et
extrapatrimoniaux : selon l’article 214 du Code civil, les époux doivent contribuer aux charges du
mariage, sous peine d’y être contraint. Il s’agit d’un devoir fondamental et d’ordre public (Cass.
1re civ., 13 mai 2020, n° 19-11.444). De plus, selon l’article 212 du même Code, les époux se
doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance.

Les conditions de fond pour l’application de l’article 220-1 sont alors très simples : l’époux doit
manquer gravement à ses obligations et il doit mettre en péril l’intérêt de la famille. Ces
manquements ne doivent pas pour autant rendre intolérable le maintien de la vie commune, et ils
peuvent être patrimoniaux comme un défaut de contribution aux charges du mariage, ou
extrapatrimoniaux comme un défaut de respect, d’infidélité et d’assistance (CA Nancy, 12
décembre 1968). Pour que ce manquement soit considéré comme grave, il doit être renouvelé ou
caractérisé.

Enfin, la mise en péril de l’intérêt de la famille est laissée à la libre appréciation du juge.

[Mineure 1] En l’espèce, il est clair que l’épouse est dépensière : elle s’achète un diamant avec
ses indemnités de licenciement, elle rencontre un homme lui proposant d’adhérer à son
association et vend ce diamant pour lui faire donation du prix de vente, et va même jusqu’à
donner à cette association une bonne partie de ses revenus. De plus, elle devient même caution de
la dette du tiers envers la banque.

Toutes ses dépenses sont faites au détriment du paiement de ses cotisations sociales, et elle engage
également ses biens propres, des biens propres de son époux et même des biens communs.

L’URSSAF menace de saisir les parts sociales de son époux (bien propre), l’ancienne employée
de maison menace de saisir les comptes au nom de l’époux qui est présumé commun, et la banque
menace de saisir un de ses biens propres, la maison constituant le domicile familial.

[Conclusion 1] Les juges pourront ainsi de manière assez certaine apprécier la mise en péril de
l’intérêt de la famille, d’autant plus que le couple a des enfants.

[Majeure 2] À cet effet, l’alinéa 2 du même article prévoit que le juge aux affaires familiales peut
alors interdire à l’époux mettant en danger les intérêts de la famille, de réaliser des actes de
disposition sur ses propres biens ou ceux de la communauté sans le consentement de son conjoint.
En conséquence, il a été reconnu par la jurisprudence que le juge pouvait interdire à l’époux de
disposer ou déplacer les meubles (CA Nancy, 12 décembre 1968), ou encore ordonner la mise
sous séquestre de biens communs (Cass. 1re civ., 18 novembre 1970).

Toutefois, l’alinéa 3 de l’article 220-1 dispose que ces mesures doivent être prises dans une durée
déterminée ne pouvant excéder 3 ans, prolongation comprise. Ce sont des mesures temporaires.

[Mineure 2] En l’espèce, les juges pourront ordonner toute mesure qui leur semble nécessaire. Ils
pourront par exemple, lui interdire de disposer des biens communs ou de ses biens propres sans le
consentement de son époux, ou même nommer un administrateur provisoire pour régler les dettes
du couple. Ces mesures ne pourront donc excéder 3 ans, et elles sont provisoires : le juge pourra
tout à fait les modifier.

[Majeure 3] Les mesures sont également soumises à certaines conditions prévues par l’article
220-2. Si le conjoint dont les droits ont été restreints ne respecte pas l’ordonnance, alors les actes
passés avec un tiers de mauvaise foi sont annulables conformément à l’article 220-3 du Code
civil, ou s’il s’agit d’un bien dont l’aliénation est sujette à publicité. Cette action en nullité est
ouverte à l’époux requérant pendant deux ans à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte
passé en violation de l’ordonnance, sans jamais pouvoir être intentée plus de deux après sa
publication, si l’acte est sujet à publicité.

[Mineure 3] En l’espèce, si l’épouse ne respecte pas l’ordonnance de restriction, l’époux pourra


demander la nullité de l’acte selon les modalités de l’article 220-3 du Code civil.

b. Le cas de la modification judiciaire des pouvoirs

[Majeure 1] L’article 1426 du Code civil permet de réduire les pouvoirs d’un des époux par la
substitution du conjoint dans l’exercice de ses pouvoirs. Ces dispositions s’appliquent pour le cas
de la communauté légale, en plus des dispositions du régime primaire impératif. Cet article a
vocation à s’appliquer lorsque l’un des époux se trouve, d'une manière durable, hors d'état de
manifester sa volonté, ou si sa gestion de la communauté atteste l'inaptitude ou la fraude.

L’inaptitude de l’époux à gérer la masse commune s’entend même en l’absence d’intention de


dépouiller le conjoint de ses droits dans la communauté (Cass. 1re civ., 3 janvier 1984), et
n’entend pas strictement un comportement fautif. Elle peut découler d’un défaut de compétences
ou d’une succession de maladresses : la jurisprudence a ainsi pu déclarer l’inaptitude de l’époux
qui, sous l’emprise d’un magnétiseur, a dépensé tous ses revenus et a ainsi accumulé les dettes
(CA Paris, 17 avril 1996).

La fraude, quant à elle, suppose une intention de nuire aux intérêts du conjoint. C’est par exemple
le cas d’un époux qui se débarrasse de tous les biens communs, ou les détourne à des fins
strictement personnelles.

[Mineure 1] En l’espèce, au vu des dépenses excessives de l’épouse, il est probable que les juges
du fond retiennent l’inaptitude de celle-ci pour gérer les biens communs. Mais ils pourront
également retenir la fraude de l’épouse, s’ils estiment qu’elle n’a agi que dans son intérêt
strictement personnel.

[Majeure 2] L’article 1426 dispose que les articles 1445 à 1447 du Code civil sont applicables :
ils régissent la séparation de biens. Ce renvoi fait émerger des conditions de forme et de publicité :
il sera fait mention du jugement en marge de l’acte de mariage ainsi que sur la minute du contrat
de mariage. De plus, les créanciers d’un époux ne pourront demander la séparation de biens, mais
peuvent demander aux époux de communiquer la demande de séparation de biens et les pièces
justificatives. Ce changement de pouvoirs sera publié dans un journal d’annonces légales et sera
opposable à compter de la publicité.

Enfin, concernant les effets, le conjoint demandant la modification de pouvoirs agit en son propre
nom. Celui-ci se substitue à son conjoint et aura les mêmes pouvoirs que lui sur les biens. Le
transfert de pouvoir peut être total en cas de fraude, mais il peut également être partiel en cas
d’inaptitude.

Pour les biens soumis à gestion concurrente, l’époux demandeur aura la gestion exclusive ; pour
les biens qui étaient en gestion exclusive au conjoint alors une véritable substitution s’opère et
l’époux demandeur prend les droits de son conjoint ; et enfin pour les biens soumis à cogestion,
l’époux demandeur pourra passer l’acte seul.

[Mineure 2] En l’espèce, seul l’époux peut demander la modification des pouvoirs, et non ses
créanciers. Il devra respecter les mesures de publicité prévues. De plus, l’époux se trouvera
substitué à son épouse dans les droits de celle-ci. Il pourra utiliser les gains et salaires et les biens
propres de son épouse ou même accomplir les actes d’administration et de disposition nécessaires
à l’exercice professionnel de l’épouse, et pourra également disposer seul des biens communs sans
le consentement de celle-ci.

Elise TADDEI

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