LES ROYAUMES D’ACIER

LES ROYAUMES D’ACIER

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 es Royaumes d’Acier tels que nous les connaissons
sont le fruit de fois influentes, d’interventions divines et
de siècles de guerre. Ils sont le berceau de peuples fiers,
dont l’identité et la culture sont à jamais liées au sol
sur lequel ils ont bâti leurs demeures et leurs cités. Après avoir
survécu aux épidémies, à la famine, à la guerre, aux invasions et
aux horreurs de la Collecte, les citoyens de ces royaumes et des
terres sauvages alentour savent qu’ils vont au-devant d’épreuves
bien plus difficiles encore.
AUX ORIGINES
Parmi les mythes et légendes ayant fait le tour des âtres et des
feux de camp en Immoren occidentale, nombreux sont ceux qui
content l’origine du monde, l’arrivée des dieux et la création des
bêtes et des civilisations qui peuplent les villes et les étendues du
continent. Parmi ces versions, la plus répandue chez les royaumes
à dominance humaine est la suivante : au commencement, deux
divinités émergèrent du chaos informe. La première était un
être idéal et masqué qui cherchait l’ordre en toutes choses. Il
créa le monde de Caën à partir du vide et donna naissance au
firmament, décrétant qu’il traverserait toujours les cieux de ce
nouveau monde. Cet être se prénommait Ménoth, le Créateur et
le Législateur, et où qu’il aille sur le monde primaire, l’humanité
naissait dans son ombre.
Pourtant, Ménoth n’était pas seul. Depuis la noirceur du ciel
nocturne émergea le Ver dévoreur. Si Ménoth était l’ordre
personnifié, alors la Bête aux mille formes était le chaos incarné :
une monstruosité toujours changeante dont le seul but était de
tuer, ravager et consommer tout ce qui passait à portée de crocs
et de griffes. Naturellement, Ménoth et le Ver étaient ennemis
jurés : leurs violents conflits façonnèrent la surface du monde
naissant, brisant la terre en îles et en continents, traçant de larges
sillons dans le sol et faisant s’élever les montagnes.
Un monde aussi récent n’aurait pu survivre longtemps sous le
coup d’une rivalité aux proportions si titanesques. Rapidement,
les deux divinités se retirèrent en Urcaën, reflet spirituel du
monde physique qui serait né des cauchemars du Ver dévoreur
lui-même. Là, elles pourraient se combattre pour l’éternité : il
en est ainsi depuis.
La version des trollkins, des ogruns et des gobbers est bien
différente. D’après eux, Dhunia est la mère de tous. Cette déesse,
dont le corps est synonyme du monde lui-même, serait à l’origine
de toute vie sur Caën, depuis le plus petit brin d’herbe jusqu’aux
êtres « supérieurs » qui bâtissent des empires et de puissantes
armes de guerre. Dans leurs récits, la déesse et le Ver dévoreur
naquirent chacun du sol primaire ; quant aux peuples et aux
animaux, ils apparurent après que le Ver eut sauvagement
profané le corps de Dhunia. Nés de cette union, les descendants
dhuniens (appelés tribus molgures aux temps reculés) se font
souvent le reflet de leurs parents, pourvus non seulement de la
sagesse et de la sérénité bienfaisantes de Dhunia, mais également
de la férocité et de la violence du Ver.
Dans cette version, Ménoth fut choisi parmi les plus puissants
enfants de Dhunia. La déesse voulait un champion capable de
la protéger des outrages du Ver, c’est pourquoi elle désigna son
meilleur chasseur. Après quoi, les humains virent le jour dans
le sillage de Ménoth. Certains se joignirent à lui, tandis que
d’autres se mirent à vénérer sa proie.
Les autres peuplades de Caën possèdent leurs propres versions
de l’origine du monde, lesquelles incluent leurs propres divinités.
Les Iosiens, par exemple, étaient autrefois très proches de leurs
dieux : surnommés la Cour divine, les fidèles disent que celle-ci
viendrait du royaume du Veld, en Urcaën. Mais la Cour divine fut
frappée de malheur. Des puissances voraces, extérieures au voile
de la réalité perçu par les mortels, attendaient l’occasion d’envahir
ce monde pour se repaître de ses âmes. Ces êtres étranges, connus
sous le nom d’infernaux, ciblèrent ainsi les dieux de Ios.
Pour s’échapper, les membres de la Cour divine se réfugièrent
parmi leurs créations sur Caën en franchissant le Pont entre les
Mondes — provoquant son effondrement après leur passage.
Bien que l’on ignore la cause de la calamité, la destruction du
Pont entre les Mondes entraina une terrible catastrophe connue
des Iosiens comme le Cataclysme. Cet événement anéantit leur
empire autrefois grandiose et marqua la terre d’une profonde
plaie : ainsi naquirent les étendues impitoyables des Terres des
tempêtes qui, malgré les siècles, sont aujourd’hui encore ravagées
par les bourrasques et les éclairs.
La Cour divine vécut aux côtés des elfes pendant un temps,
puis finit par fonder la nation forestière de Ios. Mais les dieux,
coupés de leur foyer en Urcaën, commençaient à s’éteindre : en
840 P. R., ils quittèrent leur peuple. Sept cents ans plus tard,
quasiment au mois près, un événement terrible survint à Ios :
les prêtres de la Cour divine furent frappés de folie du jour au
lendemain. Certains s’ôtèrent la vie, d’autres s’arrachèrent les yeux
ou commirent des actes d’une sauvagerie inimaginable contre
leurs ouailles. Surnommé la Déchirure, cet événement aurait
pour cause quelque calamité qui se serait abattue sur la Cour
divine, dont seuls deux survivants émergèrent : Scyrah et Nyssor,
ni l’un ni l’autre n’étant en état de décrire ce qui s’était passé. Peu
d’étrangers sont à même de comprendre ces événements, car les
Iosiens ont toujours formé un peuple secret et isolationniste,
rechignant à partager leurs triomphes ou leurs tragédies.
Les nains du Rhul ont leur propre histoire. Selon eux, ils
descendent des Pères Originels, les premiers nains, façonnés
à partir de pierre vivante par Ghor, le dieu-montagne. Bien
que destinés à devenir les esclaves de la montagne, ces treize
nains déployèrent ruse et habileté pour tromper et détruire
leur créateur. Ensuite, ils puisèrent dans le sol fertile de la
rivière Ayers pour former les Femmes d’argile, qui devinrent
les premières matriarches naines. Aujourd’hui, tous les Rhufolk
peuvent retracer leur généalogie jusqu’à ces premiers géniteurs
— du moins, c’est ce que l’on dit.
Tandis que les adeptes humains de Ménoth apportaient l’ordre
au monde, bâtissant murs et nations au cours de l’ère des Mille
cités, d’autres dieux firent leur apparition parmi eux. Les premiers
d’entre eux furent les Jumeaux, Morrow et Thamar. Frère et
sœur nés de parents humains, les Jumeaux se révélèrent être des
penseurs radicaux dont les enseignements allaient bouleverser
des siècles de tradition, avec pour conséquence le salut ou la
chute de l’humanité…
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L C
Morrow et Thamar furent les premiers humains à atteindre la
divinité mais ce n’étaient pas les premiers à défier la volonté
de Ménoth L’Histoire a oublié une poignée de mortels au libre
arbitre si affirmé qu’ils pouvaient littéralement plier le monde
à leur volonté Ils furent les premiers à distinguer l’étincelle
du divin chez l’humanité À leurs yeux les commandements
du Législateur étaient synonymes d’esclavage dans cette vie
comme dans la suivante Le nom de ces individus fut perdu
avec le temps aujourd’hui on les appelle simplement les
Contestataires Refusant de se soumettre ils écopèrent d’un
terrible châtiment et furent jetés vivants dans un enfer au
sein d’Urcaën dont le Créateur pensait qu’ils ne pourraient
jamais s’échapper
Morrow et Thamar avaient beaucoup de points communs,
mais ils étaient aussi différents que le jour et la nuit. Pour
Morrow, le sens de la vie résidait dans la bienveillance, la pitié
et le sacrifice de soi plutôt que dans l’obéissance aveugle aux lois
de Ménoth. C’est ainsi qu’il embrassa l’indépendance au même
titre que sa sœur, bien que cette dernière entretînt des vues
plus révolutionnaires, mettant l’accent sur l’accomplissement
individuel par l’acquisition de connaissances afin d’atteindre
l’illumination.
Chaque Jumeau ayant choisi une voie différente, un conflit
finit par éclater : dans une démonstration de puissance
mystique, Thamar tua Morrow sur les murailles de Caspia
avant que les disciples de son frère ne l’anéantissent. Après
leur mort, les Jumeaux accédèrent à la divinité ; leurs écrits
et leurs enseignements à tous deux furent rassemblés dans
L’Enkheiridion, texte sacré de la foi morrowéenne et document
clef chez les thamarites.
En prouvant que les humains pouvaient devenir des dieux,
les Jumeaux donnèrent à d’innombrables âmes une alternative
au culte de Ménoth, le Législateur. Ceci provoqua un schisme
mortel et plusieurs milliers d’hommes furent immolés par les
scrutateurs ménites. Mais leur histoire ne s’arrête pas là.
A L
Au cours des siècles certains fidèles particulièrement dévoués
ou remarquables ayant suivi l’exemple de Morrow ou de Thamar
purent rejoindre les Jumeaux en Urcaën en qualité d’Ascendants
pour les morrowéens ou de Légataires pour ceux qui
atteignent l’apothéose en suivant la voie de Thamar Certains
de ces êtres saints étaient autrefois des prêtres ou des membres
du clergé mais beaucoup n’étaient que de simples individus qui
incarnaient à la perfection certains aspects des enseignements
des Jumeaux
Bien que l’ascension des Jumeaux eût d’importantes
répercussions politiques, sociales et théologiques sur les Caëniens,
une conséquence majeure restait à venir. En 600 P. R., les
premiers navires de guerre massifs des Orgoths (des envahisseurs
venus de terres inconnues au ponant) atteignirent le littoral de
l’Immoren occidentale. Et en quelques centaines d’années, les
Orgoths avaient conquis la plupart des royaumes du continent.
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Les Orgoths possédaient une magie terrible qui rendait
quasiment impossible toute résistance humaine des Mille
cités. Les envahisseurs massacrèrent un nombre incalculable
de personnes et réduisirent en esclavage des milliers d’autres
jusqu’à ce que la quasi-totalité de l’Immoren occidentale finisse
sous leur sombre joug. Tout espoir semblait perdu jusqu’à ce que
Thamar octroie le Don à l’humanité. Aussi appelé Talent ou Don
de magie, il marqua l’essor de la sorcellerie chez les hommes : les
capacités magiques innées étaient souvent accueillies avec peur
et superstition, mais elles permirent enfin aux humains de s’unir
et de découvrir les moyens de vaincre les oppresseurs orgoths.
Mais le Don avait un prix. Pour offrir à l’humanité une arme
aussi puissante, Thamar dut conclure un terrible marché. Après
que Thamar eut partagé ses plans avec son frère, Morrow sonda
l’avenir et ne vit qu’un seul embranchement pouvant épargner
leurs disciples. Ainsi, il donna à sa sombre sœur l’autorisation
de suivre cette voie. Afin de sauver l’humanité, Thamar négocia
avec les êtres surnaturels qui veillaient dans l’Abysse extérieur,
touchant de leurs griffes les frontières de la réalité. Ces créatures
possédaient un appétit infini et un pouvoir semblable à celui des
dieux ; parmi eux, certains étaient prêts à apporter leur aide…
en échange de quelque chose.
En réalité, les dieux ignobles des Orgoths étaient ces mêmes
créatures infernales. Mais toutes ne partageaient pas les mêmes
ambitions. Les infernaux étaient organisés en ordres qui se
combattaient les uns les autres. Thamar vint se présenter aux
infernaux de l’ordre Nonokrion, ennemis des dieux des Orgoths.
Elle put arracher le Don de magie à ces êtres horribles, mais le prix
exigé était des plus terribles. Des siècles plus tard, ces créatures
viendraient réclamer leur dû — un événement désormais connu
sous le nom de la Collecte.
Voici les divinités les plus communément vénérées dans les
villes et villages d’Immoren occidentale, mais il en existe beaucoup
d’autres. Dans l’Empire cauchemardesque de Cryx, on voue un
culte à Toruk, Père de Tous les Dragons et à certains de ses
descendants draconiques dispersés. Dans les tourbières et les
marécages reculés, les alligates et les trogs des marais vénèrent
un dieu prédateur appelé Kossk, qui serait une manifestation du
Ver dévoreur. Plus récemment, un astronome de l’ancien ordre
Fraternel des magiciens a découvert un corps céleste dans les
cieux, jusqu’alors inconnu : Cyriss, la déesse mécanique, la Vierge
des engrenages, vénérée comme la divinité de l’astronomie, des
mathématiques et de l’ingénierie. Au départ, le culte de Cyriss
n’était qu’une organisation clandestine dont le culte se faisait
en secret et dont les membres remplaçaient parfois leur propre
chair par des machines mécaniques. Pourtant, au lendemain de
la Collecte, le culte de la Vierge des engrenages s’est développé
parmi les peuples des Royaumes d’Acier.
P R A R
À travers les Royaumes d’Acier l’Histoire est divisée en deux
époques distinctes définies par la lutte contre les Orgoths Les
années précédant la rébellion s’écrivent à rebours et portent la
mention P R Pré Rébellion celles qui ont suivi s’écrivent
de façon croissante et portent la mention A R Après la
Rébellion Certains ont suggéré le début d’une nouvelle
ère après la Collecte mais jusqu’à présent aucune nation n’a
adopté un tel système de calendrier

HISTOIRE ANCIENNE
Dans les siècles ayant précédé l’ère des Mille cités, les humains
et les autres peuples d’Immoren occidentale se sont souvent
battus contre la nature et les nombreuses menaces qui assaillaient
leurs terres. Parmi celles-ci, on comptait les tribus molgures
qui vénéraient le Ver et qui comprenaient de puissants kriels
trollkins, des bogrins, des ogruns et des barbares humains. Mais
ils n’étaient pas seuls. Au cœur du lieu aujourd’hui connu sous
le nom de Boidépine naquit l’un des royaumes les plus notoires
des temps anciens.
Aujourd’hui encore, prononcer le nom de Morrdh est
susceptible de provoquer des frissons. Ce sombre royaume
fut forgé par les conflits sanglants contre les tribus molgures
voisines, mais ce sont bien les pactes infâmes et les rites occultes
pratiqués par la noblesse qui firent la sinistre réputation du
Morrdh. Des documents d’archives racontent comment leurs
seigneurs invoquèrent des monstres depuis la terre et le ciel pour
exécuter leurs ordres, et comment ils tirèrent les morts de leurs
tombes pour prendre les armes contre les ennemis du royaume.
Les érudits modernes s’interrogent sur la véracité de ces récits,
mais une chose est sûre : des siècles avant que Thamar n’octroie
le Don à l’humanité, les seigneurs du Morrdh avaient déjà accès
à des connaissances qui dépassaient de loin le savoir de leurs
pairs — et auxquelles ils n’auraient peut-être jamais dû toucher.
Pendant ce temps, d’autres empires humains commençaient à
prendre forme. Au nord, un féroce prêtre-guerrier du nom de
Khardovic combattit pour mettre fin aux guerres des cavaliers des
plaines et des steppes, les unifiant en un empire qui deviendrait
le Khador actuel. Au sud, d’autres héros du Clergé ménite
affrontèrent les hordes molgures. Sur les remparts de la cité
de Calacie (la future Caspia), l’un de ces héros, le prêtre-roi
Golivant, s’opposa à l’armée molgure menée par un grand chef
trollkin : Horfar Grimmr. Longue et brutale, la bataille coûta la
vie à des milliers de personnes des deux camps. Au mépris de
leurs morts, les Molgurs lancèrent leurs forces contre les murs
de Calacie tandis que les défenseurs décochaient des flèches
et versaient de l’huile en fusion sur leurs assaillants. Seules la
mort et la défaite de Grimmr parvinrent à briser les Molgurs
et à disperser leurs armées.
La défaite de Grimmr à Calacie fut considérée comme une
victoire décisive pour les partisans du Législateur, mais signa
un coup fatal pour les trollkins et les autres descendants de
Dhunia. Les barbares humains finirent par se convertir au
culte de Ménoth ; les trollkins, les ogruns et les bogrins, haïs
où qu’ils aillent, furent soit massacrés à vue, soit chassés loin
de leurs maisons ancestrales, jusque dans les profondeurs des
terres sauvages.
L’ÈRE DES MILLE CITÉS
La dispersion des tribus molgures après leur défaite à Calacie
permit à la civilisation humaine de s’épanouir à travers l’Immoren
occidentale. Tandis que l’Empire Khardique croissait à mesure
que l’influence du roi-prêtre Khardovic se répandait dans les
terres septentrionales, et que le maléfique royaume de Morrdh
tombait en ruine, d’autres nations émergèrent sur le continent :
le Tordor, la Thuria, le Rynyr, le Midlund… Aujourd’hui encore,
le vestige de ces royaumes se ressent au Cygnar, en Ord et au
Llael, ainsi que dans les terres au-delà.
Au commencement de l’ère des Mille cités, le culte du
Législateur devint la foi par défaut et les liens de pieuse fidélité
aidèrent les humains à se rassembler en groupes de plus en
plus nombreux.
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 Les Canons de la Vraie Loi, inscrits sur les pierres d’Icthier
l’Ancienne plus de cinq mille ans auparavant, servirent de pierre
de voûte à la civilisation, car ils détaillaient les rites et traditions
que les hommes se devaient de suivre. Mais les temps restaient
durs. Aux yeux des dévots, ces épreuves étaient un mal nécessaire
que leurs âmes devaient traverser afin de les rendre dignes du
Créateur ; d’autres, au contraire, se demandèrent si Celui-ci ne
les avait pas simplement oubliés.
Bien qu’éparpillées, les tribus molgures continuaient de
menacer les frontières de la civilisation, s’attaquant aux villes et
villages les plus éloignés des remparts des cités. Au cours de cette
période, de puissants seigneurs de guerre bataillaient sans cesse.
Nombre d’empires s’élevèrent et tombèrent, créant les premiers
échos des futures frontières politiques du monde moderne.
La menace molgure, malgré son côté continu, n’était pas
la seule que devait affronter l’humanité à cette époque. Dans
les cieux surplombant les premières villes humaines, Toruk,
Père de Tous les Dragons, affrontait sa progéniture. Il les avait
créés des siècles auparavant à partir d’éclats de son propre
athang, le cristal qui lui servait de cœur, avant de comprendre
rapidement son erreur lorsqu’il discerna chez eux toute sa ruse
et son ambition. Pendant que Toruk cherchait à redresser ce
déséquilibre en dévorant ses créations pour les réabsorber, sa
progéniture cherchait à surpasser son créateur pour obtenir son
pouvoir. Ces conflits épiques ravagèrent les terres sur lesquelles
ils se déroulaient jusqu’à ce que, blessé, Toruk soit chassé des
rivages d’Immoren occidentale. Il alla s’abriter sur le sol battu par
les tempêtes des îles Scharde, un refuge de pirates et de pillards.
Toruk ne perdit pas une seconde et transforma les rois-pirates
d’alors en douze créatures connues aujourd’hui sous le nom des
seigneurs Liches. Ceux-ci devinrent les instruments du Père de
Tous les Dragons, qui les utilisa pour remodeler les îles et en
faire le siège de l’Empire cauchemardesque de Cryx.
Sur le continent, l’expansion de la civilisation humaine ne
rencontrait aucun obstacle, mais se trouvait à la fois perturbée
et revigorée par l’ascension de nouveaux dieux. Pendant leur
séjour sur Caën, Morrow et Thamar apportèrent de nouvelles
idées incroyables à leurs disciples, forgeant de nouvelles voies
pour les fidèles appelés à s’élever. Ces changements allaient à
l’encontre de la foi ménite dominante et conduisirent à une
période sombre, la Purge, au cours de laquelle les prêtres de
Ménoth massacrèrent les adorateurs de Morrow et de Thamar
par le fer et le feu.
À cette époque, les conflits entre nations étaient fréquents,
tout comme les escarmouches avec les tribus molgures
dispersées ; mais, la plupart du temps, l’humanité poursuivait
sa libre expansion. Jusqu’au jour où les premières voiles noires
apparurent au ponant…
L’OCCUPATION ORGOTH
Ce fut l’Empire Khardique, au nord, qui repéra en premier les
vaisseaux noirs des envahisseurs orgoths. Propulsées par des
vents de magie noire, les abominables flottes orgoths comptaient
à leur bord des hordes de guerriers infatigables. À leur tête, des
sorcières de guerre avaient le pouvoir de faire bouillir les mers
et déferler la mort depuis le ciel. Imperturbable face à cet ennemi
terrifiant, la puissante marine tordoréenne, qui suscitait l’envie
de toute l’Immoren occidentale, partit à leur rencontre.
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Pas un seul navire ne revint.
Les souverains du continent se mirent à fortifier leurs frontières
dans l’espoir de repousser ces envahisseurs apparemment
inhumains, qui se battaient sans relâche et sans pitié. Vêtus
d’armures sombres figurant des gravures de visages hurlants,
les Orgoths étaient féroces au combat et impitoyables le reste
du temps. Les tentatives de diplomatie se soldèrent par le renvoi
des têtes tranchées des émissaires… quand ils ne voyaient pas
leur âme hurlante tout bonnement arrachée de leurs corps.
Chaque royaume se souciant d’abord de ses propres défenses, il
était impossible d’organiser une résistance unifiée : une par une,
les nations d’Immoren occidentale tombèrent face aux artefacts
étranges et à la redoutable magie des envahisseurs. Les sorcières
de guerre invoquèrent des pluies de sang ardent et remplirent
les cieux de flammes vertes surnaturelles. Des monstruosités
mortes-vivantes marchèrent au combat aux côtés de féroces
guerriers en armure. Pis encore, les Orgoths transportaient des
cages noircies pouvant capturer les âmes des morts et les utiliser
pour alimenter leur magie noire. « Dans la vie, vos corps sont
nôtres, » déclara le seigneur de guerre Orgoth Kolegzein IV alors
que ses troupes assiégeaient la grande ville de Caspia. « Dans la
mort, vos âmes nous appartiendront aussi. »
Certains royaumes résistèrent des décennies à l’assaut
des Orgoths, mais, moins de deux siècles après l’arrivée des
premiers vaisseaux noirs, presque toute l’Immoren occidentale
avait sombré.
Caspia fut la seule des Mille cités à en réchapper. Ses murs
s’avérèrent imprenables, même pour les forces d’envahisseurs
apparemment invulnérables ; de plus, son emplacement
géographique unique rendait tout siège prolongé intenable.
Incapables de prendre la ville, les Orgoths établirent un blocus
autour d’elle et la laissèrent à son isolement pendant les quatre
siècles qui suivirent, tandis que le reste d’Immoren souffrait
sous son joug.
Pour autant, tout le continent n’était pas tombé aux mains
des Orgoths. En 542 P. R., les nains rhufolk repoussèrent une
attaque orgoth de façon si décisive que les envahisseurs ne
revinrent jamais à la charge. De même, les Orgoths ne tentèrent
jamais d’attaquer les terres densément boisées de Ios. On ignore
pourquoi les Iosiens furent épargnés par les ravages orgoths, mais
ce refus des envahisseurs de les attaquer contribua à entériner
la réputation mystique de ces peuples isolés.
Après que les Orgoths eurent coulé plusieurs vaisseaux cryxiens,
Toruk lui-même fut réveillé pour la première fois depuis des
siècles. À lui seul, le Père de Tous les Dragons détruisit une flotte
entière de vaisseaux orgoths, démontrant aux envahisseurs que la
nation insulaire de Cryx était un ennemi trop puissant pour eux.
Quant aux royaumes humains du continent, le nombre de
morts sous l’Occupation orgoth fut sans commune mesure.
Pour chaque millier de personnes tuées ou sacrifiées, beaucoup
d’autres périssaient sous le joug de l’envahisseur, ou bien étaient
envoyées en esclavage de l’autre côté de la mer, au pays orgoth.
Malgré tout cela, la vie continuait sous le règne cruel des
Orgoths. Des villes comme Corvis furent construites pendant
cette période, et nombre de peuples immoréens furent autorisés
à poursuivre leurs croyances et leurs rites, même en qualité
d’esclaves, du moment que ces pratiques n’interféraient pas avec
les objectifs des envahisseurs.
LA RÉBELLION
ET LES TRAITÉS DE CORVIS
Les rouages du renversement des Orgoths sont infiniment
complexes, mais deux facteurs majeurs ont donné aux Immoréens
les outils nécessaires pour enfin chasser les envahisseurs de leurs
rivages. Le premier fut le Don de magie, obtenu grâce au marché
que Thamar conclut avec les infernaux. L’autre fut l’alchimie,
la première science magique. En combinant l’une et l’autre,
l’Immoren occidentale put construire les armes qui rendirent la
Rébellion possible. Les premiers sorciers humains apparurent
en 137 P. R. En moins d’un siècle, l’alchimie allait fournir de
nouvelles armes pour combattre les Orgoths.
Parmi celles-ci, l’une des plus importantes était les armes à feu.
Inventée par l’alchimiste Oliver Gulvont en 28 A. R., la première
arme à feu reposait sur des mécanismes relativement simples,
mais, comme ses homologues modernes, elle dépendait de la
poudre à explosion alchimique pour propulser les munitions.
L’efficacité de la poudre n’était plus à prouver depuis l’une des
premières batailles de la Rébellion, qui se déroula à la forteresse de
Fharin en 1 P. R. Le gouverneur orgoth venait d’annoncer l’envoi
de huit mille esclaves de l’autre côté de la mer, en particulier des
prêtres des fois morrowéenne et ménite. Tandis que la population
de Fharin se dressait spontanément contre les Orgoths, les
alchimistes distribuèrent des explosifs qui firent basculer le
cours de la bataille en faveur des rebelles.
Le soulèvement de Fharin fut l’étincelle qui mit le feu aux
poudres de la Rébellion. Le premier grand conflit de l’époque
est désormais connu sous le nom de Bataille des Cent mages. Sur
un champ tordoréen en 32 A. R., les rebelles déchaînèrent deux
de leurs armes les plus puissantes (les armes à feu et les mages de
combat) dans un affrontement contre les soldats orgoths et les
sorcières de guerre. La fumée noircit le ciel, la terre elle-même
se fissura, et l’air s’emplit d’éclairs et de flammes. Cette bataille
fut un coup majeur contre les Orgoths, mais même le pouvoir
de la magie ne pouvait à lui seul écraser leurs puissantes armées.
Bien qu’elle finît par l’emporter, la Rébellion ne fut ni facile
ni rapide. Une défaite suivait presque chaque victoire. Les
alchimistes rebelles s’unirent et formèrent l’ordre du Creuset
d’or, continuant à perfectionner les armes à feu, mais il fallait
un nouvel atout pour bouter les Orgoths hors d’Immoren.
Cet atout mit près de deux siècles de combats sanglants à
arriver. Les arcanistes et les alchimistes, envoyés clandestinement
à Caspia afin de construire de meilleures armes de guerre,
semèrent les graines de la victoire finale contre les Orgoths lors
de la révolution mékamagique en réunissant les innovations
arcaniques et les avancées alchimiques pour créer les premiers
automates et de nouvelles inventions.
En 191 A. R., un premier colosse franchit les portes de Caspia.
Bien que rudimentaires comparées à leurs aînés, ces premières
machines de guerre furent les précurseurs des scaraks d’assaut
et des scaraks utilitaires modernes qui font aujourd’hui partie
intégrante de la vie dans les Royaumes d’Acier : à l’époque, elles
portèrent le coup de grâce aux Orgoths.
Combinant la puissance mékamagique de ces colosses, la
maîtrise arcanique des mages de combat et la puissance meurtrière
des armes à feu dernier cri, les rebelles réussirent à renverser
les tyrans orgoths au terme d’une autre décennie de combats
L
Aujourd’hui les régions civilisées humaines et naines n’utilisent
qu’un seul calendrier Celui ci a vu le jour au Rhul avant d’être
largement adopté par les croyances morrowéenne et ménite à
travers les Royaumes d’Acier Le calendrier de Ios est différent
mais tout Iosien qui s’aventure hors de sa nation apprend à
utiliser le calendrier dit moderne
Si les noms des mois diffèrent selon les cultures ceux des mois
morrowéens sont les plus courants dans les Royaumes d’Acier
Le calendrier standard est composé de treize mois chacun
divisé en quatre semaines de sept jours Par conséquent un
mois compte jours et une année jours répartis sur
semaines Une petite erreur astronomique nécessite un
ajustement périodique tous les trois ans par l’ajout d’un jour
supplémentaire officieux entre le dernier jour de l’année et
le premier jour de la suivante Cela correspond également au
solstice d’hiver Dans les pays humains ce jour est généralement
appelé la Nuit la plus longue
Les mois de l’année et leurs noms morrowéens sont présentés
ci dessous par ordre chronologique en commençant par
le premier mois de l’année Les noms ménites et rhufolk
respectivement sont indiqués entre parenthèses
Glaceus Glaceus Dovern
Casteus Casteus Uldern
Trineus Trineus Dolern
Tempen Tempes Ormul équinoxe de printemps après la
ère semaine
Cinten Cinoten Odul
Rowen Prautes Gordu
Solesh Septesh Lodar solstice d’été après la e semaine
Octesh Octesh Durgar
Katesh Sulesh Odomar
Goloven Golovus Godesh équinoxe d’automne après
la e semaine
Doloven Martus Sigmon
Khadoven Khadovus Rordon
Ashtoven Ashtovus Jhoron solstice d’hiver après
la e semaine
intenses : alors, enfin, le dernier des vaisseaux noirs quitta le
continent. Cependant, les Orgoths ne battirent pas en retraite
la queue entre les jambes. Ils saccagèrent tout ce qui se trouvait
sur leur route, rasant des villes entières, détruisant les archives
et brûlant le reste. Cet événement fut nommé le Fléau.
Au lendemain de la Rébellion victorieuse, les traités de Corvis
furent signés dans la ville éponyme et définirent les frontières des
quatre Royaumes d’Acier actuels : le Cygnar au sud, le Khador
au nord, le Llael à l’est, et l’Ord à l’ouest. À l’exception du Llael,
ces nations survécurent des siècles durant… jusqu’à la Collecte.
Les traités de Corvis n’avaient pas mis fin aux conflits et
aux luttes, mais ils marquèrent l’entrée des peuples d’Immoren
occidentale dans une nouvelle ère, loin de l’oppression des Orgoths.
Dans les siècles qui suivirent, les pires menaces qu’affrontèrent
les royaumes humains venaient de leurs voisins, voire de leurs
territoires intérieurs. Mais tandis que le souvenir des Orgoths
s’estompait, d’autres menaces grandissaient dans l’ombre.
LES ROYAUMES D’ACIER
11
 Aux yeux des ménites, la nature rude et inhospitalière de ces
L’ÈRE DES ROYAUMES territoires constituait un défi de leur créateur : après y avoir
D’ACIER assujetti les populations indigènes et découvert de nombreuses
ressources naturelles jusqu’alors inconnues, ils finirent par
Dire que les années qui suivirent la défaite des Orgoths furent
ressentir la divine providence qui œuvrait parmi eux. Entre
relativement paisibles reviendrait à souligner combien l’Immoren
autres ressources, les cargaisons de diamants pouvaient servir
occidentale fut déchirée par la guerre au cours de son histoire.
de monnaie d’échange avec les nations étrangères ; quant aux
La signature des traités de Corvis définit les frontières des
gisements souterrains de pétrole inflammable, les fidèles le
prochains siècles et marqua le début de la reconstruction ; pour
raffinèrent en une arme incendiaire connue sous le nom de
autant, nombre de conflits se profilaient à l’horizon.
Fureur de Ménoth. L’accord ayant mis fin à la Guerre civile
De nouveaux ordres arcaniques furent créés pour étudier
interdisait au Protectorat d’assembler une armée permanente,
la nature de la magie et les secrets de l’alchimie. On réalisa de
mais les ménites établirent une force secrète et l’équipèrent de
grandes avancées en technologie mékamagique, notamment avec
tous les outils et armes à leur disposition.
l’invention des premiers scaraciers à vapeur, versions plus petites
Les dissensions internes n’étaient pas les seules menaces que le
et plus polyvalentes des colosses massifs. Pendant que le Cygnar
Cygnar dût affronter au cours de cette période. En 520 A. R., le
était assailli par des soulèvements trollkins venus de Boidépine
roi Kharde Vygor envoya une force de diversion aux frontières
et des Noueux, le Khador nouvellement formé accumulait du
du Llael, obligeant le Cygnar à engager des ressources militaires
pouvoir et entretenait des ambitions de conquête.
pour défendre son allié. En parallèle, Vygor mobilisa une armée
En 482 A. R., un prêtre ménite charismatique du nom de Sulon
beaucoup plus importante de soldats et de scaraks d’assaut, qui
commença à attirer les pèlerins dans la partie est de Caspia. À
traversa le Boidépine et pénétra sur le territoire cygnaréen aux
cette époque, le culte de Morrow était la foi dominante de la
défenses affaiblies. Le chemin ainsi tracé, large de plusieurs
région et les ménites avaient l’impression de devenir une minorité
kilomètres, fut appelé la « Route des Scaraciers ».
persécutée. Tandis que les ménites cygnaréens se rassemblaient
Ainsi commença la Première Guerre de Boidépine, marquant
par milliers pour écouter ses paroles, Sulon se déclara hiérarque,
le début des nombreuses manœuvres expansionnistes du Khador
un titre qu’utilisaient les anciens rois-prêtres du Législateur. Il
qui se soldèrent par l’invasion et l’occupation du Llael en 604
en résulta la Première Guerre civile cygnaréenne, un conflit qui
et 605 A. R. respectivement. Le Khador occupa une grande
allait diviser la jeune nation.
partie du Llael pendant des années, malgré les efforts combinés
Les combats firent rage deux ans durant, dévastèrent la capitale
de la Résistance llaelaise, du Cygnar et du Protectorat. Il fallut
cygnaréenne de Caspia, et coûtèrent la vie au hiérarque Sulon.
attendre la Collecte pour que le Llael puisse enfin se débarrasser
En fin de compte, une prêtresse morrowéenne nommée Shevann
de l’occupant khadoréen ; aujourd’hui encore, l’ancienne cité
(qui alla rejoindre Morrow après sa mort) négocia une paix
llaelaise de Laedry se trouve du côté khadoréen de la frontière.
fragile : ainsi naquit le Protectorat de Ménoth. Caspia fut divisée
Le prince Vinter Raelthorne IV du Cygnar était un héros de
en deux, car le Cygnar dut abandonner la partie de la ville située
la Première Guerre de Boidépine : à la mort soudaine et suspecte
sur la rive est du fleuve Noir. Les ménites rebaptisèrent la ville
de son père en 576 A. R., il monta sur le trône. Cet événement
Sul, en l’honneur de leur hiérarque déchu : elle devint la première
marqua le début d’un âge sombre pour la nation : paranoïaque
capitale du nouveau Protectorat, dont les terres s’étendaient à
et tyrannique, Vinter Raelthorne créa l’Inquisition cygnaréenne
l’est entre les Marches d’Héliotrope et le Mérédius.
et lui donna pour mission officielle de dénicher les femmes
soupçonnées de sorcellerie.

LES ROYAUMES D’ACIER

12
 En réalité, l’Inquisition devait persécuter ou éliminer les
dissidents et autres menaces potentielles pour le règne du roi.
Il n’était pas rare que les inquisiteurs de Vinter IV s’en prennent
même aux innocents, recouvrant ainsi le royaume du voile de
la peur. Ces actions impopulaires poussèrent le jeune frère de
Vinter IV, le prince Leto, à organiser « le coup d’État du Lion »
de 594 A. R. Aidé par l’Église de Morrow, Leto démit son frère
tyrannique et reprit le rôle de monarque. Mais, avant qu’on ne
puisse capturer Vinter IV, celui-ci s’échappa à bord d’un dirigeable
expérimental et disparut au-dessus des Marches d’Héliotrope.
Leto s’avéra un dirigeant capable et populaire, inaugurant ce
que beaucoup considèrent comme un âge d’or dans l’histoire du
Cygnar. Mais son frère aîné n’était pas parti pour de bon. En 603
A. R., Vinter IV vint reprendre Corvis à la tête d’une armée de
monstres et d’êtres étranges : les skornes, une espèce issue des
Terres des tempêtes. L’invasion aurait probablement réussi sans
l’intervention d’Alexia Ciannor, jeune sorcière dont la mère fut
injustement accusée de sorcellerie puis exécutée. Alexia s’était
faite la gardienne d’un puissant artefact, la Sorceflamme, une
arme redoutable qu’elle utilisa pour invoquer les morts exaltés
de la Légion des Âmes perdues. C’est ainsi que Vinter IV et ses
troupes furent repoussés lors de la Nuit la plus longue. Par la
suite, Alexia et la Légion jouèrent un rôle décisif dans la bataille
de Fort Henge, lors de la Collecte.
LA COLLECTE
Il y a bien longtemps vivait une dénommée Zevanna Agha,
aussi connue sous le nom de la Sorcière Séculaire du Khador.
Cette entité puissante et mystérieuse, qui habitait les terres
septentrionales depuis la préhistoire, avait prédit l’arrivée des
infernaux et le prix exigé par l’accord des Jumeaux. Pour y
remédier, elle concocta un plan visant à libérer les grymkins,
des créatures créées par les Contestataires dans leur prison
cauchemardesque en Urcaën. Cette période de l’histoire se nomme
la Récolte maléfique. Le raisonnement de Zevanna était simple :
en abattant ceux dont la méchanceté reflétait la noirceur d’âme
des grymkins, la faux des Contestataires serait à même d’occire
nombre d’agents infernaux (riches, pauvres, nobles ou roturiers)
qui avaient été soigneusement et secrètement déployés en Caën
afin de déclencher les plans de leurs maîtres.
Le stratagème de Zevanna Agha fonctionna au prix de grands
sacrifices, si bien que les forces infernales de l’ordre Nonokrion
durent révéler leurs cartes en avance. La terrible dette était arrivée
à échéance et les infernaux vinrent la réclamer en personne.
Ravagée par les conflits depuis l’émergence des premiers hommes
dans l’ombre de Ménoth, l’Immoren occidentale n’avait jamais
connu période aussi apocalyptique que celle de la Collecte. Du
moins, pas depuis l’invasion orgoth.
En échange du Don que Thamar avait rapporté à l’humanité,
elle avait promis deux tiers des âmes de Caën : en 612 A. R., les
infernaux vinrent collecter leur dû. À travers les Royaumes
d’Acier, des individus haut placés, à la réputation impeccable,
révélèrent leur alliance secrète à ces entités maléfiques en ouvrant
des portails par lesquels déferlèrent des horreurs qui dépassaient
tout entendement.
Issus des abysses en bordure de Caën et d’Urcaën, les infernaux
s’avérèrent des ennemis comme le monde n’en avait jamais
affronté, malgré leur proximité depuis tout ce temps. Ayant
L R ’A
Chaque royaume exerce son droit souverain en frappant sa
propre monnaie mais les traités de Corvis établirent un poids
standard pour les pièces des Royaumes d’Acier qui ne diffèrent
plus que par leur taille leur forme ou leur degré de pureté l’or
l’argent et le cuivre sont les matériaux privilégiés Les faces
des pièces diffèrent elles aussi l’une présente invariablement le
visage de son souverain mais les deux comportent des éléments
décoratifs destinés à décourager la contrefaçon
Bien que les échanges commerciaux entre les nations soient
courants depuis la Collecte certaines monnaies se révèlent plus
fiables que d’autres lesquelles se retrouvent parfois dévaluées
en dehors de leur royaume d’origine La plupart des marchands
locaux évitent d’accepter la monnaie étrangère mais beaucoup
de villes majeures abritent des bureaux de change qui prélèvent
un pourcentage sur chaque transaction La réputation de ces
derniers varie d’une ville à l’autre voire d’un quartier à l’autre
au sein d’une même ville
besoin d’âmes pour survivre, leurs armées submergèrent le
continent et, partout où elles se manifestaient, elles engendraient
des pertes incalculables.
Tout semblait perdu. Pourtant, ce n’était pas la première fois
qu’un crépuscule apparent s’était répandu sur les Royaumes
d’Acier. Au moment où la terrible Collecte des infernaux semblait
inévitable, toutes les nations du continent s’unirent en une
démonstration de force sans précédent pour les chasser. Le
Khador et le Cygnar, ennemis depuis des siècles, déclarèrent
une trêve, et leurs armées avancèrent côte à côte au-devant de
la menace infernale. Les soldats morts-vivants de l’empire de
Cryx combattirent avec les guerriers saints du Protectorat de
Ménoth et les prêtres-horlogers de Cyriss, tandis que les skornes
et les Iosiens forgeaient une alliance improbable qui se solda par
une trahison. À travers l’Immoren occidentale, des ennemis
jurés mirent de côté leurs différences pour combattre l’ennemi
commun. Les dieux eux-mêmes envoyèrent leurs archontes,
des êtres divins capables de renverser le cours des batailles les
plus désespérées.
Malgré cette puissance combinée, les pertes furent
indénombrables. L’un après l’autre, les héros de l’humanité
tombèrent au combat contre les infernaux. Mais, à l’aube de
la victoire infernale, l’alliance de l’ingéniosité cygnaréenne et
de la technologie cyrissite ouvrit un portail vers la sécurité
personnifiée : celui-ci menait à la constellation lointaine où
était situé le corps céleste de Cyriss, la déesse mécanique.
Malheureusement, faire passer autant de réfugiés à travers le
portail prendrait du temps. Les forces infernales approchant, les
Royaumes d’Acier rassemblèrent leurs armées à Fort Henge, lieu
de construction du portail. Ainsi débuta la plus grande bataille
que le monde avait jamais vue depuis les premiers combats entre
Ménoth et le Ver dévoreur.
LA BATAILLE DE FORT HENGE
Il serait long et fastidieux de vouloir écrire les chroniques de
tous ceux qui donnèrent leur vie dans la bataille de Fort Henge.
Presque tous les grands héros et guerriers des Royaumes d’Acier
étaient présents sur le champ de bataille, maniant lames, canons,
scaraks d’assaut et sortilèges contre les forces infernales. Leurs
LES ROYAUMES D’ACIER
13
 efforts représentaient une tentative noble et désespérée d’envoyer
autant de réfugiés que possible à travers le portail. Les trollkins
DE NOS JOURS
Cinq ans se sont écoulés depuis que les sinistres événements de
des Kriels Unis vinrent combattre aux côtés des humains qui
la Collecte ont privé l’Immoren occidentale de tant de choses.
avaient si souvent été leurs ennemis. Les Rhufolk et l’ordre du
La reconstruction se poursuit : de nombreuses villes et cités
Creuset d’or firent déferler des explosifs et une puissance de feu
demeurent en ruine ou inoccupées, pendant que la nature et
encore jamais vus sur un champ de bataille. Beaucoup devinrent
les créatures surnaturelles récupèrent peu à peu le territoire
des héros ; plus encore accomplirent le sacrifice ultime. Mais
de l’humanité.
leurs efforts ne furent pas vains. La menace infernale fut vaincue,
Malgré la défaite de l’ordre Nonokrion, la menace qu’il
du moins pour le moment. Les maîtres infernaux de l’ordre
représentait est toujours vivace. Les infernaux possèdent des
Nonokrion furent déchus ou chassés, leurs forces dispersées
agents dans toutes les nations d’Immoren occidentale, agents
ou détruites. Et grâce à la bataille de Fort Henge, des milliers
qu’il faut traquer et débusquer soit parce qu’ils vivent cachés,
de réfugiés réussirent à passer par le portail, pour ne jamais
soit parce qu’ils se sont échappés. De même, les infernaux n’ont
revenir sur Caën.
pas été entièrement détruits. L’ordre Nonokrion a perdu certains
Car en dépit du courage des défenseurs qui permit de sauver
de ses plus grands chefs, mais on ignore combien d’autres de ces
nombre de vies, ceux qui traversèrent le portail pour rejoindre
êtres terrifiants sont tapis aux frontières de la réalité, griffant et
Cyriss ne retrouvèrent jamais les leurs. Dans un ultime effort
grattant pour tenter d’y pénétrer.
visant à empêcher les forces infernales de poursuivre les réfugiés,
Aujourd’hui, l’ordre morrowéen de l’Illumination mène la
le portail fut détruit et les connaissances de sa création tombèrent
traque des agents infernaux avec l’aide des défenseurs thamarites
dans l’oubli, peut-être à jamais. Si les infernaux ne purent collecter
et des chevaliers ménites — trois religions, autrefois ennemies
l’ensemble des âmes qui leur étaient promises, la population de
jurées, œuvrant désormais de concert. Une telle alliance aurait
l’Immoren occidentale n’en avait pas moins été décimée.
été impensable par le passé, mais elle est devenue une nécessité
Le monde que les envahisseurs démoniaques laissèrent derrière
malgré les frictions. La population a bien ressenti ce changement,
eux était brisé ; mais, d’une certaine manière, il était aussi guéri.
en s’éveillant aux grands dangers qui la guettent.
Les vieilles inimitiés qui avaient alimenté les conflits entre les
Peu de temps après la Collecte, le Sancteum de l’Église de
peuples d’Immoren occidentale pendant des siècles étaient
Morrow adopta une politique de tolérance religieuse, exhortant
toujours présentes en surface, mais on avait choisi de les ignorer
les différentes croyances d’Immoren occidentale à mettre de
pour un temps. Les nations ennemies démontrèrent leur capacité
côté leurs différences et à collaborer pour le bien commun.
à coopérer, et de nouvelles alliances furent forgées dans le creuset
Cette coopération est parfois réticente, voire volatile, mais elle
ardent de la guerre apocalyptique.
transcende le simple aspect religieux. De plus en plus de trollkins,
d’Iosiens, de Rhufolk, d’ogruns et d’autres peuples ont retrouvé
un foyer parmi les populations dévastées des Royaumes d’Acier.

LES ROYAUMES D’ACIER

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