Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Bibliographie
Narcissisme
2. On voit que Freud faisait déjà usage du concept de narcissisme avant de l'
« introduire » par une étude spéciale ( Pour introduire le narcissisme [Zur
Einführung des Narzissmus, 1914]). Mais, dans ce texte, c’est dans
l’ensemble de la théorie psychanalytique qu’il introduit le concept, en
envisageant particulièrement les investissements libidinaux. En effet, la
psychose (« névrose narcissique »*) met en évidence la possibilité pour la
libido de réinvestir le moi en désinvestissant l’objet ; ceci implique que « …
fondamentalement l’investissement du moi persiste et se comporte envers les
investissements d’objet comme le corps d’un animalcule protoplasmique
envers les pseudopodes qu’il a émis » (3 a). Par référence à une sorte de
principe de conservation de l’énergie libidinale, Freud établit une balance
entre la « libido du moi » (investie dans le moi) et la « libido d’objet » : « plus
l’une absorbe, plus l’autre s’appauvrit » (3 b). « Le moi doit être considéré
comme un grand réservoir de libido d’où la libido est envoyée vers les objets,
et qui est toujours prêt à absorber de la libido qui reflue à partir des objets »
(4).
Sur ce point, la théorie psychanalytique n’est pas univoque. On peut, dans une
perspective génétique, concevoir la constitution du moi comme unité
psychique, corrélativement à la constitution du schéma corporel. On peut
aussi penser qu’une telle unité est précipitée par une certaine image que le
sujet acquiert de lui-même sur le modèle d’autrui et qui est précisément le
moi. Le narcissisme serait la captation amoureuse du sujet par cette image. J.
Lacan a mis en rapport ce premier moment de la formation du moi avec cette
expérience narcissique fondamentale qu’il désigne sous le nom de stade du
miroir * (7). Dans une telle perspective, où le moi se définit par une
identification à l’image d’autrui, le narcissisme – même « primaire » – n’est
pas un état d’où serait absente toute relation intersubjective mais
l’intériorisation d’une relation. C’est bien là la conception qui ressort d’un
texte comme Deuil et mélancolie (Trauer und Melancholie, 1916) où Freud
semble bien ne voir rien d’autre dans le narcissisme qu’une « identification
narcissique » à l’objet (8).
▲ (α) Freud déclare, dans les premières lignes de Pour introduire le narcissisme
(Zur Einführung des Narzissmus, 1914)avoir emprunté le terme à P. Näcke (1899), qui
l’utilise pour décrire une perversion. Dans une note ajoutée en 1920 aux Trois essais
sur la théorie de la sexualité (Drei Abhandlungen zur Sexualtheorie), il revient sur
cette assertion : ce serait H. Bllis le créateur du terme (1 b). En fait Näcke a bien forgé
le mot Narzissmus mais pour commenter des vues de H. Ellis qui, le premier en 1898
(Autoerotism, a psychological Study), a décrit un comportement pervers en relation
avec le mythe de Narcisse.
(1) Freud (S.). Drei Abhandlungen zur Sexualtheorie, 1905. – a) G.W., V, 44, n. 1 ;
S.E., VII, 145, n. 1 ; Fr., 167-8, n. 13 – b) Cf. G.W., V, 119, n. 3 ; S.E., VII, 218, n. 3 ;
Fr., 184, n. 75.
(3) Freud (S.), a) G.W., X, 141 ; S.E., XIV, 75-6. – b) G.W., X, 141 ; S.E., XIV, 75-6.
– c) G.W., X, 142 ; S.E., XIV, 77.
(4) Freud (S.). « Psychoanalyse » und Libidotheorie, 1923. G.W., XIII, 231 ; S.E.,
XVIII, 257.
(6) Freud (S.). Vorlesungen zur Einführung in die Psychoanalyse, 1916-17. G.W., XI,
430 ; S.E., XVI, 415 ; Fr., 444.
(7) Cf. Lacan (J.). Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je, R.F.P.,
1949, XIII, 4, 449-55.
(8) Cf. Freud (S.). G.W., X, 435-7 ; S.E., XIV, 249-51 ; Fr., 202-5.
(9) Cf. Freud (S.). Massenpsychologie und Ich-Analyse, 1921. G.W., XIII, 146 ; S.E.,
XVIII, 130-1 ; Fr., 146-7.
(10) Freud (S.). Das Ich und das Es, 1923. – a) G.W., XIII, 258, n. ; S.E., XIX, 30 ;
Fr., 185, n. 1. – b) G.W., XIII, 275 ; S.E., XIX, 46 ; Fr., 203.