Vous êtes sur la page 1sur 11

Origines et difficultés de la dialectique du vecteur contact

Christian Papilloud

Institut des Sciences Sociales et Pédagogiques

Université de Lausanne

Le contact constitue à plusieurs égards l’archè de la vie humaine. Lieu de la


mouvance biologique première, il s’y manifeste un désir absolu d’exister qui nous
tient en vie.

Première pulsion (vecteur.ed.) du test de Szondi, le contact, pris au sens


psychopathologique, reflète les perturbations de la rythmicité et de l’humeur
(‘Stimmung’). C’est à ce niveau qu’apparaissent les troubles maniaques,
toxicomaniaques et dépressifs simples, c’est-à-dire non compliqués par des
éléments psychotiques, névrotiques ou pervers.

Du point de vue anthropologique, le contact réfère au domaine des relations


humaines au monde. Dans cette ambiance où se joignent la biologie, la
psychologie et l’anthropologie, nous décelons encore une dimension
philosophique en la présence de la dialectique, véritable dynamique des
pulsions. C’est sur ce dernier point que nous axerons notre propos, en partant de
la dialectique du contact pour aller au problème plus général de la dialectique
chez Szondi.

L’étude de la dialectique du contact exige un retour aux sources principales


qu’utilise Szondi pour en décrire les contours. Elles sont à chercher du côté de la
psychologie hongroise, dans les écrits de Imre Hermann, Michael Balint et Alice
Balint ayant portés sur les premiers moments de la vie humaine. Nous
observerons comment ces auteurs aboutissent à la conception d’un fondement
relationnel de l’être humain. Nous montrerons ensuite comment Szondi reprend
ces analyses pour en proposer une interprétation critique. Nous pourrons ainsi
comprendre comment il aboutit à la conception du vecteur contact, et en quoi la
dynamique qui le sous-tend est une dialectique cyclique. Nous terminerons par
une brève évocation de quelques problèmes liés à l’utilisation parallèle de la
dialectique et du Moi-Pontifex chez Szondi.

1. Origine du contact : les travaux des psychologues hongrois

Fidel à la tradition de la psychologie hongroise, Imre Hermann s’intéresse au


développement de la vie humaine naissante. Il mène cette entreprise en
collaboration avec Michael Balint et son épouse Alice Balint. Tous trois partent
d’une considération commune, à savoir que les gratifications demandées par le
patient au psychanalyste ou à son entourage sont des phénomènes de transfert.
L’enjeu pour le patient consiste à pouvoir maîtriser les frustrations qui pourront
s’ensuivre, ce que M. Balint nomme le ‘renouveau’, " […] capacité d’entretenir
une relation d’objet confiante, détendue, permettant l’abandon et libre de toute
suspicion. " (M. Balint, 1972 : 273). Pour les auteurs, les comportements
analogues au renouveau peuvent se ramener à des expériences infantiles
précoces, renvoyant aux processus psychiques de l’enfant. Hermann et les
Balint vont développer cette hypothèse à partir de leur domaine spécifique de
recherche. Il s’agit de la théorie psychanalytique de la sexualité pour M. Balint,
de la pédagogie comparée pour A. Balint et de la psychologie comparée des
primates pour Hermann. Exposons brièvement les résultats auxquels ils sont
parvenus.

Hermann observe que le petit primate passe les premiers moments de sa vie
extra-utérine accroché au corps de sa mère. Il remarque que la situation dans
laquelle se trouve le nourrisson humain est bien différente. Ce dernier est séparé
dès la naissance du corps de sa mère. Hermann en déduit que l’être humain va
développer au cours de sa croissance des conduites substitutives pour retrouver
l’unité perdue avec la mère. Il va se diriger vers les objets qui l’entourent, et va
s’y accrocher. Cette tendance à l’accrochage peut évoluer vers la tendresse par
atténuation (caresses, effleurements), ou vers le sadisme par augmentation de
l’accrochage consécutif à diverses frustrations.

Les observations de Hermann trouvent un écho dans les travaux d’A. Balint. Elle
remarque qu’au niveau de la relation mère-enfant se manifestent également des
phénomènes d’accrochage, tels que les échanges de caresses et
d’attouchements.

Les constatations d’A. Balint jetteront les bases du concept d’ ‘amour primaire’
de M. Balint. L’amour primaire est une " […] relation d’objet où seul l’un des
partenaires peut faire des demandes et avoir des exigences ; l’autre partenaire
(ou les autres partenaires, c’est-à-dire le monde tout entier) ne doit avoir ni
intérêts, ni désirs, ni exigences propres. Il y a et il doit y avoir une harmonie
totale, c’est-à-dire une parfaite identité des désirs et des satisfactions. " [M.
Balint, (1959) 1972 : 23]. Cette relation, pratiquement non libidinale, suppose de
la part de l’enfant l’établissement d’une réciprocité avec le monde environnant.
" Etablir cette réciprocité, cela signifie à la fois tolérer des tensions considérables
et maintenir une épreuve de réalité ferme et assurée. C’est ce que j’ai appelé le
travail de conquête. " (M. Balint, 1972 : 149). Balint conclut que l’amour primaire
est le point nodal et le premier moment post-natal à partir duquel se développera
le psychisme humaine. Au niveau clinique, ce moment se traduit par la position
dépressive, la plus fondamentale et la plus primitive de toutes les positions
pathiques selon l’auteur.
Deux notions proposées par les psychologues hongrois, et approfondies par M.
Balint [M. Balint, (1959) 1972 : 28], cristallisent l’ensemble de leurs résultats ; ce
sont :

le philobatisme : fait d’être livré à ses seules ressources, de se tenir debout dans
l’indépendance. Le monde du philobate est un ensemble d’espaces amis plus ou
moins parsemés d’objets dangereux et imprévisibles, dont le philobate surveille
l’apparition et qu’il garde à distance de lui. Le philobate prend plaisir à lâcher les
objets anciens pour en trouver de nouveaux (‘auf Suche gehen’) ;

l’ocnophilie : fait d’être tenu par les objets, de s’y accrocher (‘sich anklammern’).
L’ocnophile accepte les objets, qui lui sont d’ailleurs nécessaires et qui ne
doivent pas échapper à son contrôle.

M. Balint [M. Balint, (1959) 1972 : 56] précise que ces deux notions ne sont pas
opposées. L’ocnophilie et le philobatisme sont liés par une ambivalence qui
existe d’ailleurs dans n’importe quelle relation d’objet. C’est sur ce point précis
que la perspective de Szondi va se distinguer de celle des psychologues
hongrois. Tout en reprenant les travaux de ses collègues, Szondi va en proposer
une conception nouvelle, à la fois systématique et dynamique, ce que va devenir
la pulsion dialectique du contact.

2. La pulsion dialectique du contact

Comme nous l’avons évoqué ci-dessus, Balint conçoit l’amour primaire à partir
d’une relation d’ambivalence, tension que représente l’interdépendance entre le
philobatisme et l’ocnophilie. Selon l’auteur, cette ambivalence découle du statut
idéal des attitudes philobates et ocnophiles. Ces attitudes n’existent pas
réellement ; seules des tendances à l’ocnophilie et au philobatisme sont
repérables au niveau des comportements humains, l’une s’affirmant plus que
l’autre à la faveur des situations existentielles vécues par les individus.

La position de Szondi est plus radicale. Là où les psychologues hongrois voient


de l’ambivalence, Szondi repère des oppositions entre des tendances propres
aux maladies affectant les pulsions. Revenant aux notions de philobatisme et
d’ocnophilie, il n’en conservera finalement que le sens, et le précisera dans
l’optique d’une pulsion du contact. C’est une première différence théorique entre
Szondi et les auteurs dont il s’inspire. Nous pouvons mieux la comprendre en
confrontant les positions respectives de M. Balint et de Szondi sur l’accrochage
et le lâchage.

Dans la seconde partie de son livre " Les voies de la régression. " [(1959) 1972],
M. Balint montre que durant les premiers moments de la vie humaine, les
éléments constitutifs du psychisme sont quasiment a-structurés, ou pour
reprendre le vocabulaire de l’auteur, préambivalents. L’accrochage et le lâchage,
s’ils existent comme tendances, ne se manifestent pas encore en tant que telles.

Au moment de la dissociation relative moi-monde, synonyme pour Balint de


l’apparition des objets, se produit une ambivalence caractérisée par l’apparition
des tendances à l’accrochage et au lâchage, entre lesquelles s’établit un rapport
de proportionnalité. L’enfant se porte vers les choses du monde, auxquelles il
s’accrochera plus ou moins fortement et qu’il lâchera proportionnellement plus ou
moins vite pour aller vers d’autres choses. D’un état d’équilibre initial, où aucune
des deux attitudes n’infléchit en sa faveur le rapport qui la lie à l’autre, nous
passons donc à un état de déséquilibre proportionnel. Il en va autrement pour
Szondi. Nous le remarquons en nous penchant sur la notion d’ ‘inconscient
familial’ et l’approche génotropique qu’il promeut.

Dans le " Diagnostic expérimental des pulsions. " (1952), Szondi indique que
toutes les pulsions s’enracinent dans les " ‘gènes pulsionnels’ " (L. Szondi,
1952 : 4). A l’occasion de la quatrième conférence recensée dans "Introduction à
l’analyse du destin " (1972) et intitulée " La génétique du destin ", Szondi va plus
loin, affirmant que l’inconscient familial est " […] la structure héréditaire
particulière de l’individu […] " (L. Szondi, 1972 : 78). Le lien qu’il établit entre
‘gènes’ et ‘inconscient familial’ lui permet d’affermir sa conception biologique de
l’inconscient, d’emblée localisé au sein du système nucléaire. Ce localisme induit
une conception atomiste des composantes génétiques de la pulsion. Il y a
pluralité de gènes, et il y a, de façon concomittante, pluralité de potentialités
existentielles à l’origine de la vie, puisque dans le monde atomisé de Szondi,
chaque gène est porteur d’une disposition, d’une façon d’être possible dont le but
est de reproduire un état psychique héréditaire. Szondi distingue soigneusement
ces dispositions les unes des autres, et regroupe deux à deux celles qui
s’opposent entre elles. Ces paires dispositionnelles antagonistes conditionnent
des " paires pulsionnelles antagonistes " (L. Szondi, 1952 : 4).

L’hypothèse génétique de Szondi affermit donc le principe des oppositions entre


les tendances des facteurs pulsionnels et entre ces facteurs mêmes. Elle
suppose également l’existence du lien qui unit les paires de dispositions et les
paires de pulsions ; ce lien est une dialectique. L’unité entre gènes, dispositions
et pulsions est assurée en dernière instance par le " facteur d’unité " (L. Szondi,
1972 : 116), principe de rapport et d’équilibre total de la vie qui deviendra, sous
la plume de l’auteur, le Moi-Pontifex. Ce principe génère à lui seul la tension
pulsionnelle dynamisant toutes les actions pulsionnelles.

Ces différents points de la doctrine szondienne peuvent être synthétisés ainsi (L.
Szondi, 1952) :

 les pulsions sont conditionnées par des gènes spécifiques ; Szondi


s’écarte de la perspectives adoptée par les psychologues hongrois, en ce
qu’il place la génétique à la base de sa doctrine des pulsions ;
 il y a polarité des aspirations et des besoins pulsionnels ; ce principe
d’opposition tranche avec l’ambivalence du couple
philobatisme/ocnophilie ;

 il existe une tension pulsionnelle assurant le dynamisme de toutes les


actions pulsionnelles ; l’affirmation du Moi-Pontifex clôture la doctrine
szondienne des pulsions.

Des divergences entre Szondi et les psychologues hongrois se retrouvent encore


dans la dénomination que Szondi choisit pour qualifier ce que M. Balint appelait
le monde primaire. Szondi l’identifie comme le monde du contact, dont les
maladies héréditaires, les facteurs pulsionnels, sont la dépression et la manie,
qu’il symbolisera dans son test par les lettres d et m. Les tendances opposées
associées au maladies du contact peuvent alors être décrites comme suit :

la prise : m+ ;

la retenue : d- ;

la recherche : d+ ;

le lâchage : m-.

Au niveau szondien du contact, il n’y a donc pas d’interdépendance entre deux


attitude d’accrochage et de lâchage ; il y a une opposition entre des tendances
héritées, unies par une relation dialectique, et assumées par un principe
d’équilibre du vivant, le Moi-Pontifex. M. Balint postulait un développement de
l’enfant dans le sens d’une perte première d’équilibre chaque fois retrouvé dans
la proportionalité balancée des attitudes philobates et ocnophiles. Szondi prend
appuis sur la génétique pour décrire les voies d’un développement humain par
phases successives d’équilibration. En découle une autre originalité de Szondi,
qui nous introduit plus avant dans l’univers du vecteur contact : la quasi-absence
de l’objet, caractéristique fondamentale des premiers temps de la vie humaine.
L’exposé des raisons qui poussent Szondi à concevoir une quasi-absence de
l’objet au niveau du contact nous mènera à considérer la forme du contact. C’est
une cycle, qui est en outre le sens de la dialectique sur la base de laquelle ce
vecteur s’articule.

3. Le sens cyclique de la dialectique du contact

L’état d’ambivalence décrit par M. Balint suppose immédiatement la présence de


l’objet. Ce primat de l’objet est mis en question par Szondi à partir de sa
conception du contact.
Au niveau du contact, la vie s’offre moins tendue vers le monde que dans le
mouvement inhérent qui la caractérise, à savoir la poussée. La poussée est l’une
des racines étymologiques du mot allemand ‘Trieb’, et confère à la pulsion un
sens différent de celui que Freud lui avait assigné. Rappelons que pour Freud,
les pulsions sont les besoins impérieux du ça, représentant, dans le psychisme,
les exigences d’ordre somatique. De nature conservatrice, elles sont " […] cause
ultime de toute activité (…). " [S. Freud, (1949) 1985 : 7).

Pour Szondi, " Les pulsions sont des instincts imparfaits. " (L. Szondi, 1972 :
111). Elles ont un destin autonome qui influe sur la formation existentielle du
destin humain. Cette conception de la pulsion permet à Szondi de situer la
dynamique des tendances factorielles non plus au niveau méta-psychologique
de l’appareil psychique freudien, mais à un niveau existentiel, celui du destin
humain. La base de ce destin n’est plus une relation d’objet investie d’énergie
libidinale, mais un mouvement qui n’a d’autre fin que lui-même. Ce faisant,
Szondi défriche un monde de vie anté-sexuelle, et dévoile en même temps le
champ des énergies plurielles qui ‘poussent’ en l’homme. L’énergie libidinale
freudienne n’est plus l’énergie psychique unique, dont Balint entretient encore le
souvenir à travers sa conception du monde primaire. Il y a plus, car il y a
originairement contact.

Mouvement, poussée, le contact possède une forme cyclique. La dépression et


la manie en sont les révélateurs par excellence, puisque ces maladies se
manifestent par phases montantes et descendantes. Le cycle du contact est
encore révélé par l’ordre suivant que Szondi repère au niveau des facteurs
signés:

d+ : mouvement initiateur du cycle, où la recherche d’objet doit satisfaire le


besoin d’en avoir un ;

d- : mouvement qui s’enchaîne au premier, où le sujet colle à l’objet trouvé ;

m+ : mouvement de s’agripper à l’objet pour s’en assurer la prise ;

m- : terme ultime de toute relation objectale, où le sujet se détache de l’objet.

Comme le montre cette présentation des facteurs du contact, l’objet est


présupposé dans le mouvement initiateur du cycle, mais n’apparaît véritablement
qu’en d-. C’est donc bien le mouvement qui, plus que l’objet, constitue le topos
fondateur du vecteur C. L’enchaînement des facteurs selon leurs tendances
positives et négatives en reflète la temporalité cyclique, et dévoile le sens que
prend ici la dialectique. Le cycle, forme du vecteur contact, est en même temps
le signification de la dynamique dialectique qui l’anime.
4. Discussion. Dialectique du contact et Moi-Pontifex

Résumons ce que nous avons tenté de mettre en évidence jusqu’ici.


Contrairement à la théorie du monde primaire proposée par Hermann et le
couple Balint, Szondi se penche sur la génétique qui conditionnera dès lors
l’ensemble des développements apportés par la ‘Schicksalsanalyse’. Du point de
vue de Szondi, il n’y a pas de monde primaire. Il y a une pluralité de gènes et de
dispositions de tendances opposées, bases de toute pulsion, et donc de la
pulsion du contact. Par conséquent, et contre Freud, Szondi affirme qu’il n’y a
pas deux pulsions (la pulsion de vie et la pulsion de mort) et une seule énergie
vitale (l’énergie libidinale), mais quatre pulsions et plusieurs énergies vitales. La
pulsion du contact est la pulsion première, au sens où elle est le lieu du
mouvement originaire de la vie. L’énergie qui l’anime n’investit pas
immédiatement un objet ; c’est avant tout un élan de liberté, point de départ d’un
destin humanisant progressivement le monde. Au niveau du contact, ce
mouvement à un sens cyclique, ce que devient la dialectique du contact
présente :

 au niveau des tendances pulsionnelles : la dialectique lie les signes


positifs et négatifs des facteurs pulsionnels;

 au niveau des facteurs pulsionnels : elle lie la manie et la dépression au


sein du vecteur C.

Selon l’approche szondienne du contact, l’homme participe donc d’emblée au


mouvement de la vie, qu’il contribue à orienter selon ses propres choix. Issue de
la pluralité biologique, la vie apparaît, à l’aune du choix, comme faisant sens par
le tout dialectique qu’elle représente, et que systématise, in fine chez Szondi, le
Moi-Pontifex. Mais une question se pose pourtant, à savoir celle de la
cohabitation de deux principes relationnels également nécessaires à la doctrine
szondienne des pulsions. Pourquoi Szondi suppose-t-il à la fois un lien
dialectique et un principe supérieur d’intégration de toutes les dialectiques,
omnirelationnel, le Moi-Pontifex? Nous trouvons bien dans la dialectique une
relation qui structure le mouvement pulsionnel. La théorie des choix destinaux s’y
lie, puisque tout au long de sa vie, l’être humain choisit. Telle est sa manière
d’intervenir aux moments cruciaux de son existence pour défaire et refaire les
dialectiques, inférant ainsi le cours du déterminisme génétique auquel il est
biologiquement assigné. Mais Szondi n’explique pas comment et pourquoi la
dialectique reste néanmoins soumise au Moi-Pontifex, qui (ré)opère toutes les
liaisons et (re)conduit toutes les actions pulsionnelles. La dialectique n’est-elle
pas dès lors condamnée à répéter l’activité de l’a priori transcendantal ? Ne
tombe-t-elle pas ainsi au rang purement formel d’un lien abstrait, commode à
systématiser la doctrine szondienne selon un principe logique d’inclusion
transitive ? Que reste-t-il alors de la vitalité du mouvement qu’elle semble
traduire pourtant ? L’auteur ne s’est pas positionné sur ces questions. Il
s’interroge peu sur le mouvement vital en général, et sur la dialectique en
particulier, même si il y voit le lieu des questions prioritaires.

Peut-être avons-nous tort de poser les questions de cette façon. Faisons donc le
raisonnement inverse, et admettons la façon dont Szondi voit les choses.
Partons du principe qu’il y a un Moi transcendantal intégrant toutes les
dialectiques et dynamisant toute vie pulsionnelle. La conséquence de ce
raisonnement nous ferait toutefois aboutir, en vertu des propriétés du Moi-
Pontifex, à une théorie réifiée du choix lui-même. Le ‘je choisis’ szondien
deviendrait un ‘je ne peux pas ne pas choisir’, c’est-à-dire ne pas trancher, ne
pas décider, et partant ne pas lier. Généralisé ainsi, le choix intègre toute les
dimensions de l’action humaine et contient implicitement la thèse d’un
génotropisme stricte, contrastant singulièrement avec la notion de liberté chère à
Szondi.

L’égale nécessité que Szondi semble placer dans les notions de dialectique et de
Moi-Pontifex est donc problématique. Elle peut aboutir à la formalisation de la
dialectique, ou à une théorie du choix réifié. Remarquons que dans les deux cas,
elle permet à l’auteur de conserver son approche génotropique de l’humain. Mais
cette optique pose des problèmes de cohésion à l’intérieur de la doctrine
szondienne même, notamment si nous la mettons en relation avec les notions de
destin-choix et d’existence, teintées de liberté. L’étude de la pulsion du contact le
montre peut-être avec le plus d’acuité. A ce premier niveau pulsionnel, la
dialectique n’est jamais aussi peu réductible, puisqu’elle dénote moins d’une
logique formelle que d’une intersubjectivité libre, expression du ‘tout azimut’ de la
vie en génération dans son rapport au monde. Les travaux de l’école de Louvain,
en particulier les analyses de J. Schotte, vont remarquer ce problème, et tenter
d’y remédier en renforçant l’axe anthropologique de la doctrine szondienne, et
par conséquent son contenu intersubjectif. Examinant les relations entre les
facteurs pulsionnels mis en évidence par Szondi, Schotte va proposer une
théorie des circuits pulsionnels qui se détache de la perspective génétique. Il
reste toutefois à prendre la mesure de l’approche proposée par Schotte,
notamment en ce qu’elle conserve également les notions de dialectique et de
Moi-Pontifex. Il semble indéniable qu’une telle entreprise devra se donner
comme point de départ l’analyse de la dialectique du contact, puisque à ce
niveau, les postulats les plus enracinés de la doctrine szondienne apparaissent
dans leur fragilité.

5. Bibliographie

Balint, M., 1972, " Amour primaire et technique psychanalytique. ", Paris, Payot.

Balint, M., (1959) 1972, " Les voies de la régression. ", Paris, Payot.
Bucher, R., 1974, " Zur Depression im Szonditest. Vorläufige Mitteilung zu einer
Forschungsarbeit über di Differenzierung Depression-Melancholie ", in
Schicksalsanalytische Beiträge zur Psychopathologie,Szondiana, Bern, Stuttgart,
Wien, n°57: 18-35.

Conche, M., 1986, " Héraclite. Fragments. ", Paris, PUF.

David-Ménard, M., 1987, " Les pulsions en psychanalyse: concept ou mythe? " in
Studia Philosophica, Genève, n°877, gtrf46: 44-51.

De Waelhens, A, 1971, " Sujet et système dans la pensée de Szondi. " in


Contributions à l'Analyse du destin. Szondiana, Zürich, n°8: 301-313.

Deri, S., (1949) 1991, " Introduction au test de Szondi. ", Bruxelles, Bibliothèque
de Pathoanalyse.

Deri, S., 1974, " Symbolization in Psychoanalysis and Schicksansanalysis. A


Revised theory of Symbolization. " in Schicksalsanalytische Beiträge zur
Psychopathologie, Szondiana, Bern, Stuttgart, Wien, n°57: 35-53.

Derrida, J., 1967, " Genèse et structure et la phénoménologie. " in L'écriture et la


différence, Paris, Seuil: 229-253.

Dumont, J.-P., Delattre, D., Poirier, J.-L., 1988, " Les présocratiques. ", Paris,
PUF.

Ebtinger, R., 1986, " Modèles phénoménologiques et psychiatriques en


psychiatrie. " in Phénoménologie, psychiatrie, psychanalyse, Paris, Echos-
Centurion: 79-123.

Freud, S., (1949) 1985, " Abrégé de psychanalyse. ", Paris, PUF.

Galasse, M., 1990, " Maniement du contact et cure analytique. " in Le contact,
Bruxelles, J. Schotte (eds), Editions Universitaires: 83-101.

Gennart, M. 1990., " Stimmung-Verstimmung-Ungestimtheit. Remarques sur la


phénoménologie heideggérienne de la disposition affective et sur son usage en
psychothérapie. " in Le contact, Bruxelles, J. Schotte (eds), Editions
Universitaires: 65-81.

Heidegger, M., (1927) 1986, " Etre et Temps. ", Paris, Gallimard, NRF.

Henry, M., 1991, " Phénoménologie et psychanalyse. " in Psychiatrie et


existence, Paris, P. Fédida et J. Schotte (eds), Jérôme Million: 101-117.
Kinable, J., 1993, " Psychopathie et perversion. " in Cahiers du CEP, Liège, J.
Mélon (eds), n°3: 45-73.

Kinable, J., 1990, " Au contact de…: sens en émoi et aube du moi. " in Le
contact, Bruxelles, J. Schotte (eds), Editions Universitaires: 25-46.

Legrand, M., 1969, " Après le Ve colloque de "Schicksalsanalyse". ", Louvain, tiré
à part: 614-628.

Legrand, M., 1979, " Léopold Szondi, son test, sa doctrine. ", Bruxelles,
Mardaga.

Lekeuche, P, 1984, " Destinées du destin. " in Les Cahiers des Archives Szondi,
Louvain-La-Neuve, J. Schotte et J. Mélon (eds), n°6: 1-13.

Lekeuche, P., Mélon, J., 1990, " Dialectique des pulsions. ", Bruxelles,
Bibliothèque de Pathoanalyse.

Maldiney, H., 1985, " Art et existence. ", Paris, Klincksieck.

Maldiney, H., 1990, " La dimension du contact au regard du vivant et de


l'existant. De l'esthétique-sensible à l'esthétique-artistique. " in Le contact,
Bruxelles, J. Schotte (eds), Editions Universitaires: 174-193.

Mélon, J., 1990, " De l'école hongroise de psychanalyse à Szondi et à la


psychiatrie d'aujourd'hui. " in Le contact, Bruxelles, J. Schotte (eds), Editions
Universitaires: 15-24.

Mélon, J., 1997, " L'analyse du destin, psychanalyse et psychiatrie. ", article
inédit fournit par M. L. Berlips: 1-25.

Minkowski, E., (1930) 1993, " Etude sur la structure des états de dépression (Les
dépressions ambivalentes). ", Paris, Nouvel Objet.

Ortigues, E., 1962, " Le discours et le symbole. ", Paris, Aubier-Montaigne.

Schotte, J., 1969-1970, " Se mouvoir et se sentir: le cycle de la forme du


fonctionnement vivant. ", Louvain La Neuve, cours inédit.

Schotte, J., 1985, " Une pensée du clinique. L'œuvre de Viktor von Weizsäker. ",
Louvain La Neuve, cours inédit.

Schotte, J., 1990, " Le contact: d'un prélude. " in Le contact, Bruxelles, J. Schotte
(eds), Editions Universitaires: 11-13.
Schotte, J., 1990, " Le 'contact' au commencement. " in Le contact, Bruxelles, J.
Schotte (eds), Editions Universitaires: 23-24.

Schotte, J., 1990, " Szondi avec Freud. ", Bruxelles, Editions Universitaires & De
Boeck.

Szondi, L., 1952, " Diagnostic expérimental des pulsions. ", Paris, PUF.

Szondi, L., 1972, " Introduction à l'analyse du destin. ", Louvain, Paris,
Nauwelaerts, T. I.

Szondi, L., 1983, " Introduction à l'analyse du destin. ", Louvain, Paris,
Nauwelaerts, T. II.

Vous aimerez peut-être aussi