Vous êtes sur la page 1sur 13

Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 59 (2010) 367–379

Mise au point

La réadaptation cardiaque en post-infarctus du myocarde


Cardiac rehabilitation after acute myocardial infarction
M. Ghannem
Unité de cardiologie interventionnelle, centre de réadaptation cardiaque Léopold-Bellan-d’Ollencourt, centre hospitalier de Gonesse,
38, route de Choisy, 60170 Tracy Le Mont, France
Disponible sur Internet le 20 octobre 2010

Resumé
À l’heure de la médecine basée sur les preuves, alors que les preuves de la réadaptation cardiaque chez le coronarien se multiplient, un
grand nombre de patients concernés n’en bénéficie pas, notamment les patients jeunes victimes d’un infarctus du myocarde traité par reperfusion
myocardique précoce ou encore les sujets âgés. L’objectif de la réadaptation cardiaque en hospitalisation ou en ambulatoire est une prise en charge
globale du patient et de ses facteurs de risque, ce que ne permet pas la courte durée d’hospitalisation en phase aiguë. Plusieurs études randomisées,
méta-analyses, registres font état d’une baisse de 20 à 30 % de la mortalité en post-infarctus par la réadaptation cardiaque. Les bénéfices de
l’entraînement physique sur les facteurs de risque sont démontrés par de nombreux travaux : amélioration des paramètres lipidiques et des chiffres
tensionnels, prévention du diabète, augmentation du sevrage tabagique, perte de poids, mieux-être ; outre l’optimisation des facteurs de risque qui
limite la progression des lésions coronaires, l’entraînement physique améliore la capacité d’effort pour laquelle une valeur pronostique indépendante
a été démontrée. L’efficacité de la réadaptation cardiaque a même été comparée à celle des traitements clés de l’insuffisance coronaire que sont les
bêta-bloquants et l’angioplastie. Toutes ces preuves donnent à la réadaptation cardiaque en post-infarctus une recommandation de haut niveau IA.
© 2010 Publié par Elsevier Masson SAS.

Mots clés : Infarctus du myocarde ; Réadaptation cardiaque ; Capacité physique ; Facteurs de risque ; Morbi-mortalité

Abstract
At the time of evidence-based medicine, while the proofs of the benefits of cardiac rehabilitation to the coronary multiply, a large number of
patients are still managed without any form of rehabilitation. In particular, younger patients with myocardial infarction treated by early reperfusion
and older subjects. The objective of in-hospital or ambulatory cardiac rehabilitation is a global coverage of the patient and his/her risk factors, that
the short duration of hospitalization in the acute phase does not allow. Several randomized studies, metaanalyses, and registers show a decrease from
20 to 30% of the mortality after cardiac rehabilitation. The benefits of physical training on risk factors modification are demonstrated by numerous
works: improvement of lipid parameters and arterial pressure, prevention of diabetes, increased smoking cessation, loss of weight, better overall
well-being; besides the management of risk factors, physical training improves exercise capacity, a recognised prognostic factor. The efficiency of
cardiac rehabilitation may be comparable with that of the key treatments of coronary artery disease, such as beta-blockers or coronary angioplasty.
All these proofs give to the cardiac rehabilitation in post-myocardial infarction a high-level recommendation, grade IA.
© 2010 Published by Elsevier Masson SAS.

Keywords: Myocardial infarction; Cardiac rehabilitation; Physical capacity; Risk factors; Morbi-mortality

À l’heure de la médecine basée sur les preuves, alors que Si la courte durée d’hospitalisation n’entraîne pas de désa-
les preuves de l’efficacié de la réadaptation cardiaque chez les daptation, elle ne laisse pas le temps aux soignants d’éduquer
coronariens se multiplient, un grand nombre d’entre eux n’en le patient à un meilleur contrôle de ses facteurs de risque, ni
bénéficie pas, notamment les patients jeunes, victimes d’un au patient lui-même de prendre conscience de la gravité de son
infarctus du myocarde traités par une reperfusion myocardique accident et de l’importance des mesures préventives. À ce titre,
précoce ou encore les patients âgés. les études Euroaspire I, II et III démontrent que six mois après un
accident coronarien moins de la moitié des patients ont optimisé
leurs facteurs de risque, ce mauvais résultat étant stable entre
Adresse e-mail : mohamed.ghannem@bellan.fr 1995 (Euroaspire I) et 2005 (Euroaspire III) [1].

0003-3928/$ – see front matter © 2010 Publié par Elsevier Masson SAS.
doi:10.1016/j.ancard.2010.10.001
368 M. Ghannem / Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 59 (2010) 367–379

Tableau 1
Coût de la réadaptation post-infarctus du myocarde versus groupe témoin. La prise en charge d’un patient réadapté en post-infarctus de myocarde revient à
73 510 dollars moins cher par rapport à celui qui n’a pas été réadapté.
Groupe intervention Groupe témoin Différence

n = 147 n = 158

Programme d’entraînement physique 1530 0 1530


Rehospitalisation 22 480 31 050 −8570
Suivi clinique 5220 4090 1130
Pontage 5450 5730 −280
Médicaments 2880 2530 350
Coût des visites 1730 0 1730
Total du coût direct 950 750 200
Coût du temps de l’entraînement 40 240 40 150 −3910
Coût du temps des visites 990 0 990
Perte de production (arrêt de travail) 330 310 20
Coût total 442 700 513 310 −70 610

Par ailleurs, une méconnaissance de ce maillon de la chaîne Ainsi, contrairement aux idées reçues, un séjour en réadap-
thérapeutique du coronarien aboutit à une sous-prescription de tation cardiaque après un accident coronarien aigu n’augmente
la réadaptation cardiaque alors que l’amélioration apportée au pas le coût de la prise en charge du patient, elle le diminue.
pronostic fonctionnel et vital du patient est démontrée par de La baisse de la morbi-mortalité en post-infarctus démontrée
nombreuses études publiées dans des revues dont la rigueur dans les années 1980 par O’Connor et al. [3] et O’Dritch et al. [4]
scientifique est reconnue. a été confirmée par des études récentes. On aurait pu penser que
La réadaptation cardiaque ne se limite pas au recondi- par rapport aux années 1980 où les techniques de reperfusion
tionnement à l’effort, c’est aussi l’éducation thérapeutique et n’étaient ni aussi performantes ni aussi larges qu’actuellement,
diététique, le soutien psychologique, l’aide au sevrage taba- l’efficacité de la réadaptation serait de nos jours moins évidente.
gique, à la reprise du travail, à la réinsertion sociale. C’est Il n’en est rien, des études plus récentes ont en effet confirmé la
bien sûr aussi l’occasion d’identifier les patients à risque et baisse de 20 à 30 % de la mortalité en post-infarctus du myocarde
d’optimiser les traitements médicamenteux. par la réadaptation.
Pour accomplir cette mission difficile parce que touchant En 1993, Hedback et al. [5] ont suivi pendant dix ans un
aux habitudes de vie, une équipe pluridisciplinaire composée de groupe de 147 patients ayant bénéficié d’une réadaptation car-
cardiologues, nutritionniste, diététiciennes, kinésithérapeutes et diaque (entraînement physique, information sur le tabagisme et
éducateurs sportifs, infirmières formées à l’éducation thérapeu- l’alimentation, soutien psychologique) et un groupe témoin de
tique, psychologue-tabacologue, assistante sociale assure une 158 patients.
prise en charge globale du patient. Au terme de dix ans on note pour le groupe réadaptation car-
Bien que la réadaptation cardiaque ne s’adresse pas seule- diaque comparé au groupe témoin (Fig. 1) une diminution de la
ment au post-infarctus du myocarde mais aussi à l’angor stable, mortalité totale (42,2 % versus 57,6 %, p < 0,01), une diminu-
l’insuffisance cardiaque, l’artérite des membres inférieurs, les tion de récidive d’infarctus non mortel (28,6 % versus 39,9 %,
suites de chirurgie coronarienne ou valvulaire, de transplanta- p < 0,01) et une augmentation de la reprise du travail (58,6 %
tion cardiaque et qu’elle ne se limite pas au seul réentraînement à versus 22 %, p < 0,01).
l’effort, nous avons choisi de consacrer cet article aux données de En 2004, Taylor et al. [6] dans une méta-analyse incluant
la littérature validant le réentraînement physique à l’effort dans le 48 études pour un total de 8940 patients retrouvent dans le
post-infarctus ainsi qu’au contenu et le déroulement de la réhabi-
litation cardiaque. Nous verrons qu’à lui seul l’exercice physique
personnalisé baisse la morbi-mortalité, réduit les symptômes,
optimise les facteurs de risque, permet un meilleur équilibre
physique et mental, facilite le retour au travail et la réinsertion
sociale.
Si certains estiment qu’une réadaptation cardiaque en hospi-
talisation ou en ambulatoire représente un surcoût pour la prise
en charge des coronariens, une étude rigoureuse de Levin et al.
[2] a démontré l’inverse : si l’on prend en compte l’ensemble
des facteurs influençant le coût y compris la durée de l’arrêt
de travail, la prise en charge des patients réadaptés est infé-
rieure dès la cinquième année à celle des patients non réadaptés Fig. 1. La survie à dix ans des patients réadaptés (intervention group) est signifi-
(Tableau 1). cativement supérieure par rapport aux non réadaptés (référence group), p < 0,01.
M. Ghannem / Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 59 (2010) 367–379 369

Fig. 2. Mortalité totale. Baisse de la mortalité totale de 20 % chez les patients réadaptés en post-infarctus du myocarde. OR : 0,8 (0,68–0,93). DR.

groupe réadapté une baisse de 20 % de la mortalité toute cause Par ailleurs, compte tenu que le groupe réadapté était
(Fig. 2) et de 26 % de la mortalité cardiaque (Fig. 3) par rapport composé en majorité d’hommes et de patients âgés de moins
au groupe non réadapté. de 70 ans, il a été procédé à un ajustement sur 16 paramètres
Outre la baisse de mortalité, une diminution du cholesté- et un classement en quatre quartiles de score de propension à
rol total de 0,37 mmol/L, des triglycérides de 0,23 mmol/L, la réadaptation. Il est apparu dans les quatre quartiles une dif-
de la pression artérielle systolique de 3,2 mmHg, un sevrage férence significative en termes de mortalité sur quatre ans en
tabagique mieux observé et une meilleure qualité de vie faveur des patients réadaptés (Fig. 5).
sont retrouvés dans le groupe réadapté par rapport au groupe Point essentiel dans cette étude de 1982 à 1998 : si la propor-
témoin. tion de patients réadaptés (55 %) est restée stable au cours des
En 2004, Witt et al. [7] ont publié les résultats d’une années, la baisse de mortalité induite par la réadaptation car-
étude sur l’effet de la réadaptation cardiaque après un infarc- diaque a été plus importante dans les années 1990 que dans les
tus du myocarde réalisée dans le Comté de Holmsted du années 1980. En effet durant les dernières années d’avantage de
Minnesota de 1982 à 1998 incluant 1821 patients ayant pré- femmes et de patients âgés (donc à risque) ont bénéficié de la
senté durant cette période un infarctus du myocarde : pour les réadaptation, ce qui explique que le gain soit plus important ; en
55 % d’entre eux qui ont été réadaptés, la mortalité à trois outre, les programmes de réadaptation eux-mêmes ont évolué
ans a été de 5 %, soit identique à celle de la population glo- (Fig. 6).
bale versus 36 % pour les 45 % de patients non réadaptés En 2005, une étude de Moroto et al. [8] a inclu 180 patients
(Fig. 4). victimes d’un infarctus du myocarde et à faible risque
370 M. Ghannem / Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 59 (2010) 367–379

Fig. 3. Mortalité cardiaque. Baisse de 26 % de la mortalité cardiaque des patients réadaptés en post-infarctus du myocarde. OR : 0,74 (0,61–0,90). DR.

randomisés en deux groupes : un groupe réhabilitation (n = 90)


et un groupe témoin (n = 90). La survie à dix ans a été signi-
ficativement meilleure dans le groupe réadapté : 91,8 % versus
81,7 % (p = 0,04). Par ailleurs les complications non fatales,
l’incidence de l’angor instable, l’insuffisance cardiaque et
la nécessité d’une revascularisation ont été significativement
moindres dans le groupe réadapté.
Ainsi, contrairement à ce que l’on pourrait penser, les béné-
fices du réentraînement en post-infarctus sont significatifs pour
les patients à faible risque et non seulement pour ceux ayant
présenté des complications.

Fig. 4. A. La mortalité attendue à cinq ans est de 5 % alors que la mortalité


observée des non réadaptés est de 36 %. B. La mortalité à cinq ans des patients Fig. 5. Dans les quatre quartiles de propension à la participation à la réadap-
réadaptés est de 5 %, soit celle observée dans la population globale. tation, la mortalité à trois ans est significativement inférieure dans le groupe
réadaptation (groupe participation).
M. Ghannem / Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 59 (2010) 367–379 371

Tableau 2
Événements cardiovasculaires angioplastie versus réadaptation. Total des événe-
ments cardiovasculaires significativement supérieur dans le groupe angioplastie.
Groupe exercice Groupe angioplastie

IDM 0 1
AVC 2 3
PAC 0 1
ATL lésion cible 2 2
Autre ATL 1 7
Hospitalisation pour angor aggravé 1 7
Total événements 6 21
p = 0,02

AVC : accident vasculaire cérébral ; PAC : pontage aortocoronaire ; ATL : angio-


plastie coronaire.

rompu et les patients randomisés en deux groupes : un groupe


« reconditionnement à l’effort » (séances de 11 minutes par jour
à domicile pendant un an) et un groupe « témoin ». Au bout d’un
an l’entraînement physique a amélioré la durée de l’effort et
retardé le seuil ischémique (allongement du délai d’apparition
d’un sous-décalage de ST de 1 mm à l’effort) autant que
100 mg d’aténolol (Fig. 7). Ces résultats ont été confirmés
par Hembrecht et al. dans l’étude PET [10] où 101 patients de
sexe masculin, angineux stables pour qui l’angioplastie était
techniquement réalisable, ont été randomisés en deux groupes :

• un groupe angioplastie avec pose de stent sur la lésion cible ;


Fig. 6. A. La participation à la réadaptation cardiaque est stable à 55 % de 82 à
• un groupe reconditionnement à l’effort.
98. Elle concerne plus les hommes que les femmes. B. Les participants ont en
majorité moins de 70 ans. À 12 mois, les patients du groupe reconditionnement phy-
sique ont présenté moins d’événements graves (mortalité
1. Comment expliquer ce bénéfice ? cardiaque, accident vasculaire cérébral, pontage coronaire,
angor aggravé, infarctus, angioplastie redux) que ceux du groupe
1.1. Dans l’angor stable, la réadaptation est une angioplastie. On retrouve également un gain en termes de tolé-
thérapeutique aussi efficace qu’un bêta-bloquant et dans rance à l’effort beaucoup plus net dans le groupe entraîné (16 %)
certains cas que l’angioplastie que dans le groupe angioplastie (2 % avec p < 0,0001). Par rap-
port à la scintigraphie myocardique réalisée à l’inclusion, le trou
Todd et Ballantyne [9] ont comparé l’efficacité de de perfusion observé à la scintigraphie myocardique réalisée à
l’entraînement physique à celle d’un bêta-bloquant chez 12 mois était identique dans les deux groupes (Tableau 2).
40 patients angineux stables. Après une épreuve d’effort Enfin la diminution des crises angineuse était identique dans
réalisée sous 100 mg d’aténolol ce traitement a été inter- les deux groupes.

Fig. 7. L’entraînement physique allonge la durée de l’effort et fait reculer le seuil ischémique autant que 100 mg d’atenolol lors d’une épreuve d’effort.
372 M. Ghannem / Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 59 (2010) 367–379

Fig. 8. Dans le groupe angioplastie + réadaptation, les événements cardiovas-


culaires sont moindres (11,9) que dans le groupe angioplastie (32,2), p < 0,001. Fig. 9. Mortalité à sept ans : 80 % si capacité d’effort supérieure à 8 Mets.
Mortalité à sept ans : moins de 50 % si capacité d’effort inférieure à 5 Mets.

2. Quel est le mode d’action du réentraînement


En termes d’économie de santé, le coût du reconditionne- physique ?
ment physique est deux fois moindre que celui de l’angioplastie :
3708 ± 156 versus 6086 ± 370 dollars (p < 0,001). 2.1. Amélioration de la fonction endothéliale
Dans l’étude ETICA, Billardinelli et al. [11] ont comparé
angioplastie seule et angioplastie suivie de reconditionnement En 2004, Vona et al. [14] avaient déjà démontré chez
physique à l’effort. Cent dix-huit patients ayant eu une angio- 52 patients non diabétiques, victimes d’infarctus du myocarde
plastie ont été randomisés en un groupe reconditionnement antérieur qu’un entraînement physique dynamique durant quatre
physique et un groupe témoin (le traitement médical étant par semaines améliorait la fonction endothéliale en augmentant la
ailleurs identique) pendant six mois. Le suivi à long terme dilatation médiée par le flux et que cette amélioration dispa-
(33 ± 7 mois) montre une nette diminution des événements raissait après un mois d’arrêt de l’entraînement (Fig. 10). En
cardiaques (mortalité cardiaque, angioplastie, pontage aortoco- 2008, Vona et al. [15] ont montré chez 209 patients victimes
ronaire, infarctus dans le groupe entraîné) : 11,9 % versus 32,2 % d’infarctus du myocarde que l’exercice physique qu’il soit en
(p < 0,01) (Fig. 8). endurance aérobie ou en résistance, ou les deux associés, aug-
mentait de façon significative le diamètre médié par le flux par
rapport aux patients non entraînés (p < 0,01).
1.2. Le reconditionnement physique améliore la tolérance à Hambrecht et al. [16] ont démontré une amélioration de la
l’effort comme cela a été démontré dans les études de Todd fonction endothéliale coronaire par l’exercice physique chez
et PET des patients coronariens : 19 patients porteurs d’un dysfonc-
tionnement coronarien endothélial ont été randomisés en un
Or nous savons que la capacité d’effort est le meilleur facteur groupe exercice physique et un groupe témoin. Après quatre
pronostique en particulier chez le coronarien. semaines les patients du groupe entraînement ont baissé de 54 %
Meyers et al. [12] ont démontré chez des patients coronariens la vasoconstriction induite initialement par l’acétylcholine par
ou non adressés pour épreuve d’effort que la capacité maximale rapport aux patients du groupe témoin où aucune modification
atteinte en Mets était le facteur prédictif le plus puissant de n’a été observée (p < 0,05). Ils ont aussi démontré une aug-
mortalité. En effet chez 213 patients étudiés ayant eu une épreuve mentation de la réserve coronaire après injection d’adénosine
d’effort avec études des gaz expirés (VO2) et un suivi moyen de chez les patients entraînés où la réserve coronaire est passée de
6,2 ans, la mortalité annuelle a été de 2,6 % avec un gain de 2,8 ± 0,8 à 3,6 ± 0,2 (p < 0,01) par rapport au groupe témoin.
survie de 12 % par Mets supplémentaire (Fig. 9). Ainsi toutes ces études plaident en faveur d’une amélioration
Cela a été confirmé chez les patients coronariens par de la fonction endothéliale par l’exercice physique.
Kavanagh et al. [13] à partir d’une étude incluant 12 169 patients
adressés en réadaptation cardiaque. Sept mille quatre-vingt- 2.2. Amélioration de la perfusion coronaire
seize patients avaient eu un infarctus du myocarde, 3077 un
pontage aortocoronaire et 1996 présentaient un angor. Il a été L’entraînement physique entraîne une vasodilatation péri-
démontré que la capacité d’effort était bien le facteur prédictif phérique par stimulation de la sécrétion d’oxyde nitrique
de mortalité à 12 ans et qu’un gain de 1 mL/kg par minute de (No) par l’endothélium et le système nerveux autonome.
consommation d’oxygène améliorait le pronostic vital de 9 %. L’entraînement physique augmente l’angiogenèse en stimulant
M. Ghannem / Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 59 (2010) 367–379 373

Fig. 10. Dilatation médiée par le flux est significativement supérieure après entraînement dynamique par rapport à l’état basal, p < 0,01. Disparition de la dilatation
médiée après un mois d’arrêt de l’entraînement, p < 0,5. IDM : infarctus du myocarde.

le développement de la collatéralité des artères coronaires et 2.4. Amélioration de la fonction ventriculaire gauche
favorise le préconditionnement myocardique.
Cela explique probablement l’augmentation de la perfusion Giannuzzi et al. [18] ont étudié l’effet de l’entraînement
myocardique démontrée dans l’étude PET où le trou de perfusion physique sur le remodelage ventriculaire gauche quatre à
myocardique a nettement diminué après entraînement physique, huit semaines après un infarctus du myocarde antérieur chez
diminution comparable à celle observée après angioplastie. 105 patients randomisés en deux groupes : un groupe exercice
physique et un groupe témoin. Les deux groupes ont été éva-
lués initialement et à six mois par une échocardiographie et une
2.3. Ralentissement de la progression de l’athérome
épreuve d’effort. Il n’y a pas eu entre les deux groupes de modi-
fication significative des volumes ventriculaires ; en revanche,
Hambrecht et al. [17] ont évalué la progression des lésions
la capacité d’effort a augmenté de façon significative dans le
coronaires par traitement d’image numérique lors d’une corona-
groupe entraîné par rapport au groupe non entraîné (p < 0,01)
rographie à l’inclusion et à un an. Les patients ont été randomisés
(Fig. 12).
en deux groupes : un groupe entraînement physique et un groupe
témoin. Il a été noté une progression des lésions coronaires plus
significative dans le groupe témoin que dans le groupe exer-
2.5. Amélioration du système nerveux autonome
cice physique (p < 0,001) et une régression significative des
lésions coronaires chez les patients ayant une dépense éner-
Hambrecht et al. [19] ont démontré que l’exercice physique
gétique supérieure à 2204 kcal (±142) par semaine, soit cinq
abaissait le taux de noradrénaline circulante. Lipkin et al. [20]
à six heures d’exercice physique (p < 0,05) contrairement aux
ont montré une baisse de l’activité sympathique et une augmen-
patients non entraînés qui n’ont pas changé ou ont aggravé
tation de l’activité parasympathique par l’exercice physique ;
leur statut coronaire par manque ou insuffisance d’exercice
enfin Wood et al. [21] ont confirmé l’augmentation de la varia-
(Fig. 11).
bilité sinusale par l’exercice physique.

Fig. 11. Progression des lésions coronaires significativement supérieure dans le Fig. 12. L’entraînement physique en post-infarctus antérieur n’augmente pas les
groupe témoin, p < 0,001. Régression des lésions coronaires quand les dépenses volumes ventriculaires par rapport au groupe témoin. L’entraînement physique
énergétiques dépassent 2204 kcal (142). augmente significativement la fraction d’éjection, p < 0,001.
374 M. Ghannem / Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 59 (2010) 367–379

2.6. Optimisation des facteurs de risque l’effet bénéfique de l’exercice physique est indépendant de
l’adiposité corporelle. Cette baisse de l’incidence du diabète
Les études Euroaspire I, II et III mettent l’accent sur de type 2 est due entre autre à une stimulation du transport de
l’insuffisance de contrôle des facteurs de risque à six mois d’un glucose, à la prolifération capillaire au niveau des muscles et à
accident coronarien. l’augmentation de l’activité glycogène-synthétase par l’exercice
L’exercice physique a une action bénéfique sur tous les fac- physique.
teurs de risque, démontrée par de nombreuses études telle la
méta-analyse de Cornelissen et Fagard [22] incluant 72 essais 2.6.2. Entraînement physique et pression artérielle
et 3936 patients normo- et hypertendus. Après quatre semaines Fagard [26] rapporte une méta-analyse de 44 études rando-
d’entraînement physique la résistance vasculaire a diminué de misées incluant 2674 patients d’âge moyen 44 ans ayant eu un
7,1 %, l’activité rénine plasmatique de 20 %, la norépinéphrine entraînement physique dynamique pendant 16 semaines (durée
plasmatique de 29 %, le poids de 1,2 kg, le tour de taille de des séances : 40 minutes et intensité d’entraînement à 40–50 %
2,8 cm, la résistance à l’insuline de 0,31 U, les lipides de 14 %, de la VO2). Au terme des 16 semaines on note une baisse
la pression artérielle systolique de 6,9 mmHg et la pression de pression artérielle systolique de 3,4 mmHg et une baisse
artérielle diastolique de 4,9 mmHg ; toutes ces baisses étant de la pression artérielle diastolique de 2,4 mmHg (p = 0,001).
significatives. Ainsi l’entraînement physique est bénéfique pour prévenir
l’hypertension artérielle autant que pour la traiter.
2.6.1. Entraînement physique et diabète
Les résultats du programme de prévention du diabète rap- 2.6.3. Entraînement physique et lipides sanguins
portés par Knowler et al. [23] en 2002 démontrent que le La méta-analyse de Halbert et al. [27] réunissant 31 études,
changement de mode de vie (150 minutes d’exercice physique soit 1833 patients, a démontré que l’exercice physique baissait
par semaine et perte de 7 % du poids) réduit de façon significative le cholestérol total, le cholestérol-LDL, les triglycérides et aug-
à trois ans la survenue d’un diabète type 2 chez 3234 patients pré- mentait le cholestérol-HDL ; ces modifications étant faibles mais
disposés car ayant une hyperglycémie post-prandiale, un IMC significatives.
supérieur à 30 et sédentaires. Cette réduction est significative- Alors que l’effet significatif sur les triglycérides et le
ment supérieure à celle d’un traitement par placebo et même à cholestérol total est retrouvé dans pratiquement toutes les
celle d’un traitement par metformine (Fig. 13). études, certaines montrent un effet moins probant sur le LDL-
Chez les patients diabétiques de type 2 l’exercice physique cholestérol et le HDL-cholestérol. Chez les patients en surpoids
améliore l’ensemble des paramètres et réduit tous les facteurs il apparaît dans la méta-analyse de Kelley et al. [28] réunissant
de risque comme l’ont démontré en 2006 Thomas et al. [24] : 13 études et incluant 613 patients que l’augmentation du HDL-
diminution de l’hémoglobine glycosylée, de la glycémie à jeun, cholestérol est liée à l’augmentation de la capacité d’effort et
de l’insulinémie, du LDL-cholestérol, de la pression artérielle, à la perte du poids alors que la baisse du cholestérol-LDL est
du surpoids et augmentation de la capacité d’effort et du HDL- uniquement liée à la perte de poids.
cholestérol. Dans tous les cas si l’optimisation du LDL-cholestérol est
La méta-analyse de Christie et al. [25] a démontré couramment obtenue par les statines, seuls l’exercice physique
chez 301 221 patients qu’un entraînement physique intégrant et le sevrage tabagique augmentent le HDL-cholestérol.
2,5 heures de marche par semaine diminue l’incidence de sur- Couillard et al. [29] ont souligné dans leur étude l’importance
venue de diabète type 2 (risque relatif à 0,69). Ce risque de l’exercice physique particulièrement chez les obèses ayant
passe à 0,83 après ajustement sur l’IMC ; ce qui prouve que un HDL-cholestérol bas et des triglycérides élevés : chez ces
patients le HDL-cholestérol augmente de 4,9 % (p < 0,005), les
triglycérides chutent de 15 % (p < 0,005) et les apolipoprotéines
B de 6 % (p < 0,005) (Fig. 14).

Fig. 13. Suivi à 2,8 ans, incidence du diabète sous placebo à 11 %, sous metfor- Fig. 14. L’entraînement physique baisse de façon significative le cholestérol
mine 7,8 % et modification du mode de vie 4,8 %, soit une réduction de 58 % total (p < 0,005), le cholestérol LDL (p < 0,05) et les triglycérides (p < 0,005).
par rapport au placebo. L’entraînement physique augmente le HDL cholestérol, p < 0,005.
M. Ghannem / Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 59 (2010) 367–379 375

2.6.4. Entraînement physique et sevrage tabagique


L’effet bénéfique du sevrage tabagique en post-infarctus a été
démontré par Daly et al. [30] : dans cette étude les 157 patients
ayant interrompu le tabac ont eu une mortalité significativement
inférieure à ceux qui ont continué de fumer (Fig. 15).
Dans la méta-analyse de Critchley et al. [31] qui ont rassem-
blé 20 études de patients coronariens suivis durant deux ans,
la mortalité toutes causes a été réduite de 36 % et la récidive
d’infarctus du myocarde fatal de 34 % chez les patients sevrés
par rapport à ceux qui ne l’étaient pas. Ainsi le sevrage tabagique
est-il d’une importance capitale au vu des registres Euroaspire
rapportant que 25 à 30 % des coronariens continuent à fumer
après un accident coronarien aigu.
Dans la méta-analyse de Ussher et al. [32] concernant huit Fig. 16. Amélioration significative du bien-être (p < 0,0001) et de l’affect positif
(p < 0,001) par l’entraînement physique chez le coronarien. Diminution signi-
études publiées entre 1980 et 1999, seules deux d’entre elles ont
ficative de l’affect négatif (p < 0,0001), des plaintes somatiques et morales
démontré une efficacité de l’exercice physique pour le sevrage (p < 0,0001) et du sentiment d’incapacité (p < 0,0001).
tabagique ; cependant les six autres études étaient moins sen-
sibles en raison d’un faible échantillon et surtout de l’absence
de contrôle de l’adhésion à l’exercice physique.
Dans l’étude de Markus et al. [33], 280 femmes fumeuses ont tionnelle. Sur 150 patients coronariens les indices indépendants
été randomisées en deux groupes : réducteurs de mortalité sont la fraction d’ejection et la réadap-
tation cardiaque (p = 0,016). Une partie de l’efficacité de la
réadaptation sur la morbi-mortalité trouve son explication dans
• un groupe interventionnel ayant eu 12 séances d’aide au
l’amélioration de l’état émotionnel du patient. Les patients pré-
sevrage tabagique et trois séances d’entraînement physique
sentant une détérioration de l’affect ont une surmortalité par
par semaine pendant un an ;
rapport à ceux qui connaissent une amélioration de leur état psy-
• un groupe témoin n’ayant reçu qu’une aide au sevrage taba-
chique. La détérioration de l’affect est donc un facteur prédictif
gique.
de mortalité (p = 0,007).
Dans une autre étude, Denollet et al. [36] ont inclu
À un an le sevrage tabagique était de 11,9 % dans le groupe 170 patients coronariens, anxiodépressifs. L’évaluation de l’état
« entraînement » versus 5,4 % dans le groupe témoin (p = 0,05). émotionnel a été faite par un questionnaire et deux échelles.
Il existe donc certaines preuves d’une efficacité de l’exercice Les patients ont ensuite été randomisés en un groupe
physique pour l’aide au sevrage tabagique surtout lorsqu’il est « réadaptation en ambulatoire » (35 patients) et un « groupe
associé aux autres mesures de sevrage. témoin » (85 patients). Après nouvelle évaluation à trois mois,
on note dans le groupe réadaptation une amélioration du bien-
2.6.5. Entraînement physique et trouble émotionnel être significativement supérieure à celle du groupe témoin
La détresse émotionnelle post-infarctus du myocarde (p < 0,0001) de même il existe une amélioration de l’affect néga-
(dépression, anxiété et stress) représente une co-morbidité tif, de l’affect du positif, du sentiment d’incapacité et de la plainte
importante. L’efficacité de la psychothérapie, des techniques physique et morale (Fig. 16).
comportementales, de la gestion du stress et de la relaxation,
a notamment été soulignée par Van Dixhoorn et al. [34].
L’étude de Denollet et al. [35] a démontré une amélioration 2.6.6. Entraînement physique et surpoids
du pronostic coronarien par la réduction de la détresse émo- Seidell et al. [37] ont démontré que les personnes obèses
actives et en bonne condition physique ont une morbi-mortalité
plus faible que les obèses inactifs ou en mauvaise condition phy-
sique et même que les personnes de poids normal sédentaires.
La mortalité la plus basse est observée pour un IMC compris
entre 18,5 et 25. Lorsque l’IMC est supérieur à 30, le risque car-
diovasculaire peut être augmenté de 50 à 150 %. Par ailleurs il
est admis que l’exercice physique s’il ne permet pas une dimi-
nution significative du poids, modifie la composition corporelle
avec une diminution de masse grasse comme l’ont démontré
Lavie et Milani [38]. Ainsi l’exercice physique associé à une
diététique adaptée permet une perte de poids et une diminu-
tion de la masse grasse. À ce titre le Lipoxmax peut permettre
Fig. 15. Baisse significative de la mortalité à 12 ans après infarctus du myocarde
de déterminer l’intensité d’effort pour laquelle les lipides sont
chez les patients sevrés du tabac par rapport à ceux qui ont continué de fumer. préférentiellement utilisés.
376 M. Ghannem / Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 59 (2010) 367–379

Fig. 17. Récidive infarctus du myocarde. Baisse de 21 % de la récidive d’infarctus du myocarde chez les patients réadaptés en post-infarctus du myocarde. OR : 0,79
(0,57–1,09).

2.6.7. Entraînement physique et qualité de vie 3. Réadaptation cardiaque de patients victimes d’un
Comme l’ont démontré Suzuki et al. [39], la prise en infarctus du myocarde ayant bénéficié d’une
charge globale personnalisée des facteurs de risque apporte au angioplastie avec mise en place d’endoprothèse
patient coronarien une meilleure qualité de vie. Elle nécessite
cependant des moyens humains et matériels, des compé- L’étude ETICA [11] et bien d’autres ont montré l’efficacité
tences spécifiques et du temps, conditions réunies dans un de la réadaptation cardiaque après angioplastie coronaire ;
centre de réadaptation cardiovasculaire. Dans la méta ana- en effet le reconditionnement physique améliore la capacité
lyse de Taylor [6], la réadaptation cardiaque en post infarctus, fonctionnelle, la perfusion myocardique et diminue la morbi-
outre la baisse de la mortalité totale et cardiovasculaire dimi- mortalité. Cet effet bénéfique s’explique très probablement par
nue la récidive d’infarctus du myocarde de 21 %. Ce qui l’amélioration de la fonction endothéliale induite par l’exercice
contribue à améliorer considérablement la qualité de vie physique.
(Fig. 17). L’occlusion d’un stent à l’effort rapportée dans certaines
Tous ces effets bénéfiques de la réadaptation cardiaque en observations cliniques n’a pas été confirmée par les études
post-infarctus du myocarde ont été démontrés par des études dédiées à cette recherche.
rigoureuses publiées dans des revues prestigieuses. Dans les Cet incident a été de nouveau évoqué lors de l’apparition
recommandations françaises, européennes et américaines un des stents actifs. Les résultats d’un registre français débuté en
niveau IA est attribué à la réadaptation cardiaque en post- 2006 ont été rapportés aux Européennes de janvier 2008 ; ce
infarctus du myocarde. Reste à connaître les raisons de sa registre incluant 38 centres français a rassemblé 1362 patients
prescription non systématique à l’heure de la médecine basée sur essentiellement de sexe masculin avec une moyenne d’âge de
les preuves. Ce ne sont pas les rares complications observées en 60 ans : la majorité des patients a eu une angioplastie coronaire
réadaptation qui fourniraient une explication : dans une enquête avec stenting (stent nu et actif) dans le cadre d’un syndrome
de la Société française de cardiologie portant sur 25 420 patients coronarien aigu (83 %) en particulier infarctus du myocarde
réadaptés avec une activité cumulée de 42 419 tests d’effort et (72 %). Le nombre de stents est le plus souvent un (63 %) ou
743 471 heures d’entraînement ; seuls 20 événements cardiaques deux (24 %). Vingt et une complications (1,5 %) ont été réperto-
sont survenus (15 au cours de l’entraînement et cinq durant riées dont neuf au cours de l’effort, généralement dans l’heure
l’épreuve d’effort) dont une fibrillation ventriculaire qui a été qui a suivi ; parmi ces neuf complications, les trois occlusions
réduite par choc électrique externe ; aucun décès n’a été déploré observées (0,2 %) s’intègrent bien dans le taux de 1 % souvent
[40]. avancé dans le mois suivant l’angioplastie [41].
M. Ghannem / Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 59 (2010) 367–379 377

Reste la date à laquelle peut être réalisée sans risque une • dans le groupe hypercholestérolémiant + exercice physique,
épreuve d’effort en post-infarctus après angioplastie coronaire il est observé une baisse de l’athérome natif et l’absence de
et mise en place d’un stent : bien qu’il n’y ait pas de date critique, dysfonctionnement des microvaisseaux par rapport au groupe
une épreuve d’effort sous-maximale sous traitement médical témoin.
– en particulier anti-agrégant – est réalisée au cours du premier
mois et généralement la première semaine après la pose du stent La resténose au niveau du stent est identique dans les deux
afin de guider le réentraînement physique [42]. groupes.
En 2010, Yoshimitsu et al. [43] chez 855 patients stables ont Ainsi l’exercice physique diminue expérimentalement le
réalisé une épreuve d’effort dès le lendemain d’une angioplas- dysfonctionnement endothélial et ralentit la progression de
tie coronaire avec pose d’endoprothèse. Aucune complication l’athérome coronaire.
sérieuse n’a été observée au cours et au décours de l’épreuve
d’effort par rapport au groupe témoin (1486). À 30 jours,
4. Contenu d’un programme de réadaptation
l’incidence d’occlusion du stent a été de 0,58 % dans le
groupe épreuve d’effort, versus 0,47 % dans le groupe témoin
La durée moyenne de séjour est de plus en plus courte, les
(p = 0,73) ; les événements cardiovasculaires majeurs ont été
patients arrivant en centre de réadaptation cardiaque sont de plus
de 1,4 % dans le groupe épreuve d’effort, versus 1,3 %
en plus lourds, nécessitant des soins adaptés avant de les intégrés
dans le groupe témoin (p = 0,72). En revanche, la pratique
dans un cycle de réadaptation cardiaque.
d’exercice physique a été nettement supérieure dans le groupe
Le bilan réalisé à l’entrée comporte :
épreuve d’effort : 49,3 % versus 28,3 % (p < 0,01). Lorsqu’on
sait l’importance de l’entraînement physique pour la pré-
vention secondaire, il paraît essentiel de pouvoir rassurer le • un examen clinique complet centré sur les antécédents car-
patient et le conforter à l’effort par une réadaptation pré- diovasculaires et extracardiaques, et l’histoire de l’événement
coce guidée par une épreuve d’effort par ailleurs utile pour le aigu récent ;
suivi. • un bilan complémentaire :
En 2009, Munk et al. [44] ont démontré que l’exercice phy- ◦ électrocardiogramme (ECG),
sique à haute intensité et en fractionné permet de réduire la ◦ échocardiographie afin d’éliminer une éventuelle contre-
resténose intrastent par diminution de l’inflammation et amélio- indication temporaire à la réalisation d’une épreuve d’effort
ration de la fonction endothéliale tout en augmentant la capacité (thrombus intracavitaire, épanchement péricardique) et de
aérobie du patient : 40 patients ayant bénéficié d’une angioplas- préciser la fonction ventriculaire gauche,
tie coronaire avec stenting (30 stents nus et 30 stents enrobés) ◦ épreuve d’effort simple ou avec analyse des échanges
ont été randomisés en deux groupes : 20 patients en groupe gazeux « VO2 » (selon indication et disponibilités des
exercice physique en interval-training et 20 en groupe témoin. centres),
Après six mois d’entraînement une coronarographie de contrôle ◦ Holter ECG surtout en post-infarctus,
a été réalisée. Les patients du groupe exercice physique ont eu ◦ Holter tensionnel au besoin.
une diminution de la perte luminale tardive de 0,10 mm, ver-
sus 0,39 mm dans le groupe témoin (p = 0,01) et une baisse de Ces examens permettent de répartir les patients en groupes à
la CRP ultrasensible de 0,4 mg/L versus une augmentation de faible, moyen ou haut risque (de mort subite, troubles du rythme
0,1 mg/L dans le groupe témoin (p < 0,03). graves, ischémie myocardique, décompensation cardiaque), puis
Ainsi chez les patients victimes d’un infarctus du myo- de les orienter vers des séances adaptées de reconditionnement
carde ayant bénéficié d’une angioplastie coronaire avec stenting, à l’effort. Les patients a risque effectueront leur séances sous
l’exercice physique personnalisé guidé par une épreuve d’effort télémetrie.
améliore la capacité d’effort et la fonction endothéliale, dimi- Le programme associe ensuite :
nue l’inflammation et la resténose (expliquant la réduction des
événements cardiovasculaires graves). • le suivi médical permettant le dépistage et le traitement des
En mars 2010, Long et al. [45] ont publié une étude expé- complications liées à la pathologie cardiovasculaire (throm-
rimentale chez le porc. Après réalisation d’une angioplastie bus mural post-infarctus, épanchement péricardique, troubles
circonflexe avec mise en place d’un stent nu, la population por- du rythme. . .) ainsi que l’adaptation des traitements médica-
cine a été randomisée en trois groupes : un groupe témoin, un menteux ;
groupe avec régime hypercholestérolémiant et un groupe avec • le reconditionnement à l’effort effectué par les kinésithéra-
régime hypercholestérolémiant + exercice physique : peutes sous surveillance cardiologique ;
• la prise en charge globale des facteurs de risque (dyslipi-
démie, hypertension artérielle, diabète, tabac, surpoids. . .)
• dans le groupe régime hypercholestérolémiant et sans exer- par l’éducation thérapeutique, diététique et l’aide au sevrage
cice physique, la coronarographie avec Ivus note une tabagique. Cette prise en charge nécessite une équipe pluri-
augmentation de l’athérome natif au niveau de l’artère sten- disciplinaire formée.
tée avec dysfonctionnement microvasculaire par baisse de la Il n’est pas inutile de rappeler que les substituts nicotiniques
densité des microvaisseaux par rapport au groupe témoin ; ne sont pas contre-indiqués chez le coronarien dès sa sortie
378 M. Ghannem / Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 59 (2010) 367–379

de l’unité de soins intensifs cardiologiques, seul le monoxyde ralentissement de la fréquence cardiaque (surtout chez ces
de carbone étant cardiotoxique ; malades sous bêta-bloquants) alors que « l’appel » sanguin
• la gestion du stress faite par une psychologue (séances en musculaire lié à la vasodilatation périphérique persiste.
groupe ou en individuel) ;
• une réorientation professionnelle en concertation avec le D’autres activités physiques peuvent aussi être associées :
médecin du travail et/ou une aide à la réinsertion sociale si natation (en l’absence d’insuffisance cardiaque et de cicatrice
nécessaire avec l’aide d’une assistante sociale. récente), musculation segmentaire. . .
À la fin du séjour, le patient réalise une nouvelle épreuve
5. Déroulement du programme de reconditionnement à d’effort avec éventuellement étude des échanges gazeux pour
l’effort apprécier le gain réalisé par rapport à l’épreuve d’entrée.
Une réunion de sortie est organisée avec les différents acteurs
L’entraînement du patient se fait à une intensité proche pour donner aux patients des consignes pour la suite. Il leurs est
du seuil ventilatoire (SV1) : ce seuil témoigne du passage du recommandé de continuer les activités à la sortie et d’intégrer si
système énergétique purement oxydatif que l’on souhaite déve- possible un club « Cœur et Santé » proche de son domicile.
lopper à une participation significative de la filière énergétique Ainsi la réadaptation cardiaque ne se limite pas qu’au seul
anaérobie qu’il faut éviter car facteur d’ischémie, de thrombose entraînement physique mais elle représente une prise en charge
et de troubles du rythme. globale du patient. Elle reste encore une option thérapeutique
Le plus souvent pour déterminer l’intensité d’entraînement malgré l’efficacité démontrée et les recommandations des socié-
du patient, on utilisera une fréquence cardiaque d’entraînement tés savantes.
(FCE). Cette FCE doit être la plus proche possible de celle
observée au seuil ventilatoire SV1. Idéalement elle est déter-
Conflit d’intérêt
minée directement lors d’une épreuve d’effort avec analyse des
échanges gazeux. Le seuil anaérobie survient un peu avant le
M. Ghannem déclare sur l’honneur ne pas avoir de conflit
croisement des courbes de VO2 (consommation d’oxygène) et
d’intérêt avec qui que ce soit.
VCO2 (production de gaz carbonique) (QR = 1) ; au-delà de ce
seuil la production d’acide lactique provoque une acidose qui est
tamponnée par les bicarbonates sanguins source de production Références
supplémentaire de CO2 et d’augmentation du débit ventilatoire.
Si l’on ne dispose pas de l’équipement nécessaire à l’analyse [1] Wood DA et al. Clinical reality of coronary prevention in Europe. Vienne,
Autriche; 2007 [Abstract 316 Hotline I ESC 2007].
des échanges gazeux (qui coûte entre 50) on peut approcher la [2] Levin LA, Perck J, Hedback B, et al. Cost analysis of cardiac rehabilita-
fréquence cardiaque au premier seuil ventilatoire en réalisant tion after MI (mean cost in SEK during 5-year follow-up). J Int Med Res
une épreuve d’effort « standard » et en appliquant la « formule 1999;230:427.
de Karnonen » qui découle de la notion « réserve chronotrope » [3] O’Connor G, Buring J, Yussuf S, et al. An overview of randomized trials
ou « réserve en fréquence cardiaque » : FCM – FCR, où FCM : of rehabilitation with exercise after myocardial infarction. Circulation
1989;80:234–44.
fréquence cardiaque maximale à l’effort et FCR : fréquence car- [4] Oldridge N, Guyatt G, Fischer M, et al. Cardiac rehabilitation after
diaque de repos. La formule est la suivante : FCE = FCR + 0,6 à myocardial infarction. Combined experience of clinical trials. JAMA
0,8 (FCM – FCR). 1988;260:945–50.
Après détermination de cette FCE, les sessions de recondi- [5] Hedback B, Perck J, Wodlin P, et al. Long-term cardiac mortality after
tionnement à l’effort se déroulent trois à cinq fois par semaine MI: 10-year results of a comprehensive rehabilitation program. Eur Heart
J 1993;6:831–5.
(selon le mode choisi pour la réadaptation en hospitalisation ou [6] Taylor R, Brown A, Ebrahim S, et al. Exercise-based rehabilitation for
en ambulatoire) et comprennent : patients with coronary heart disease: systematic review and meta-analysis
of randomized controlled trials. Am J Med 2004;116:682–92.
• une séance d’assouplissement/stretching (gymnastique, jeux [7] Witt BJ, Jacobsen SJMD, Weston SA. Cardiac rehabilitation after myocar-
de balles. . .) d’une durée d’une demi-heure ; dial infarction in community. JACC 2004;44:988–96.
[8] Maroto Montero JM, Ramirez RA, Morales Duron MD, et al. Cardiac
• une séance d’entraînement aérobie classique sur bicyclette rehabilitation in patients with myocardial infarction: 10 years follow-up
ergométrique ou tapis roulant de 40 minutes avec : study. Rev Esp Cardiol 2005;58(Issue 10):1181–7.
◦ échauffement qui permet la vasodilatation artériolaire [9] Todd IC, Ballantyne D. Antianginal efficacity of exercise training: a com-
musculaire et coronarienne : l’ouverture des collatérales parison with betablockers. Br Heart J 1990;64:14–9.
et le préconditionnement myocardique évitent la survenue [10] Hambrecht R, Walther C, Möbius S, et al. Percutaneous coronary angio-
plasty compared with exercise training in patients with stable coronary
d’une ischémie, artery disease. A randomized trial. Circulation 2004;109:1371–8.
◦ entraînement lui-même pendant une demi-heure à la FCE [11] Belardinelli R, Paolini I, Cianci G. Exercise training intervention after
prescrite, coronary angioplasty: the ETICA trial. J Am Coll Cardiol 2001;37:
◦ l’entraînement se fait en fractionné ou en continue, ou 1891–900.
encore en combinant les deux, [12] Meyers J, Prakash M, Froelicher V, et al. Exercise capacity and mortality
among men referred exercise testing. N Engl J Med 2002;346:793–801.
◦ récupération active, pour éviter les malaises hypotensifs [13] Kavanagh T, Mertens DJ, Hamm LF, et al. Prediction of long-term
de fin d’effort secondaire au frein vagal post-effort res- prognosis in 12,169 men referred for cardiac rehabilitation. Circulation
ponsable d’une chute brusque du débit cardiaque par 2002;106:666–71.
M. Ghannem / Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 59 (2010) 367–379 379

[14] Vona M, Rossi A, Capodoglio P, et al. Impact of physical training and [29] Couillard C, Depre JP, Lamarche B, et al. Effects of endurance exercise
detraining on endothelium-dependant vasodilatation in patients with recent training on plasma HDL cholesterol levels depend on levels of triglyce-
acute myocardial infarction. Am Heart J 2004;147:1039–46. rides. Evidence from Men of the Health, Risk Factors, Exercise Training
[15] Vona M, Godeluppi GM, Iannino T, et al. Effects of different types of and Genetics (Heritage) Family Study. Atheroscler Thromb Vasc Biol
exercise followed by detraining on endothelium-dependant dilatation in 2001;21:1226–32.
patients with recent myocardial infarction. Circulation 2009;119:1601–8. [30] Daly LE, Mulcahy R, Graham IM. Long-term effect on mortality of stop-
[16] Hambrecht R, Anamaria W, Gielen S. Effect of exercise on coronary endo- ping after myocardial infarction. Br Heart J 1983;287:324–6.
thelial function in patients with coronary artery disease. N Eng J Med [31] Crichtley JA, Capeweel S. Mortality risk reduction associated with smoking
2000;342:554–60. cessation in patients with coronary heart disease. JAMA 2003;290:86–97.
[17] Hambrecht R, Niebauer J, Marburger C, et al. Effects of leisure time phy- [32] Ussher MH, Taylor AH, West R. Does exercise aid smoking cessation? A
sical activity on progression of coronary atherosclerotic lesions. JACC systematic review. Addiction 2000;95(Issue 2):199–208.
1993;22:468. [33] Marcus BH, Albrecht AE, King TK. The efficacity of moderate exercise
[18] Giannuzi P, Tavazzi L, Temporelli PL, et al. Long-term physical trai- as an aid for smoking cessation in women: a randomized controlled trial.
ning and left ventricular remodeling after anterior myocardial infarction: Nicotine Tob Res 2005;7:871–80.
results of the exercise in anterior myocardial infarction (EAMI) trial. JACC [34] Van Dixhoorn, et al. Relaxation therapy for rehabilitation and prevention
1993;22:1821. in ischemic heart disease: a systematic review and meta-analysis. Eur J
[19] Hambrecht R, Niebauer J, Fiehn E, et al. Physical training in patients with Cardiovasc Prev Rehab 2005;12:193–202.
stable chronic heart failure: effects on cardiorespiratory fitness and ultra [35] Denollet J, Brustsaert DL, et al. Reducing emotional distress improves
structural abnormalities of leg muscles. JACC 1995;25:1239. prognosis in coronary heart disease. Circulation 2001;104:2018.
[20] Lipkin DP, Scriven AJ, Crake P, et al. Six-minute walking test for assessing [36] Denollet J, Breustsaert DL. Enhancing emotional well-being by compre-
exercise capacity in chronic heart failure. Br Med J 1986;292:653–5. hensive rehabilitation in patients with coronary heart disease. Eur Heart J
[21] Wood RH, Wood WA, Welsch MA, et al. Physical activity, mental stress 1995;16:1070–8.
and short-term heart rate variability in patients with ischemic heart disease. [37] Seidell J, Visscher T, Hoogeveen R, et al. Overweight and obesity in the
J Cardiopulm Rehab 1998;18:271–6. mortality rate data: current evidence and research issues. Med Sci Sports
[22] Cornelissen VA, Fagard RH. Effects of endurance training on blood Exerc 1999;31(Suppl. 11):S597–601.
pressure-regulating mechanisms and cardiovascular risk factors. Hyper- [38] Lavie CJ, Milani RV. Effects of cardiac rehabilitation and exercise training
tension 2005;46:667–75. in obese patients with coronary artery disease. CHEST 1996;109:52–6.
[23] Knowler WC, Barett E, Fowwler SE. Reduction in incidence of type [39] Suzuki S, Takaki Y, Yasumura S, et al. Assessment of quality of life with
2 diabetes with lifestyle intervention or Metformin. N Engl J Med 5 different scales in patients participating in comprehensive cardiac reha-
2002;346:393–403. bilitation after acute myocardial infarction. Circulation 2005;69:1527–36.
[24] Thomas D, et al. Review: exercise improves glycaemic control and [40] Pavy B, Illiou MC, Meurin P. Safety of exercise training for cardiac patients.
reduces plasma triglycerides and visceral adipose tissue in type 2 diabetes. Arch Int Med 2006;166:2329–34.
Exercise for type 2 diabetes mellitus. Cochrane Database Syst Rev [41] Pavy B. Registre de la SFC sur complications des stents dans les centres
2006;3:CD002968. de réadaptation cardiaque. XVIIIes journées européennes de la Société
[25] Christie JY, Lokken P, et al. Physical activity of moderate intensity and risk française de cardiologie 19.01.2008.
of type 2 diabetes. Diabetes Care 2007;30(3):744–52. [42] Monpere C, Sellier P, Meurin P, et al. Recommandations de la Société
[26] Fagard RH. Exercise characteristics and the blood pressure response française de cardiologie concernant la pratique de la réadaptation cardio-
to dynamic physical training. Med Sci Sports Exerc 2001;33(Suppl. 6): vasculaire chez l’adulte. Arch Mal Coeur Vaiss 2002;95(10):963–97.
S484–92. [43] Yoshimitsu S, Hiroyoshi y, Kenj A, et al. Safety of exercise training after
[27] Halbert JA, Siliagy C, Finucane P, et al. Response of blood lipids to elective coronary stenting in patients with stable coronary disease. Eur J
aerobic. Resistance and combined aerobic with resistance exercise trai- Cardiovasc Prev Rehabil 2010;17(2):230–4.
ning: a systematic review of current evidence. Eur J Clin Nutr 1999;53: [44] Munk PS, Staal EM, Butt N. High intensity interval training may reduce
514–22. in-stent restenosis. Am Heart J 2009;158(5):734–41.
[28] Kelley GA, Kelley KS, Tran ZV, et al. Aerobic exercise, lipids and lipo- [45] Long X, Bratz IN, Allosh M. Short-term exercise training prevents micro-
proteins of in overweight and obese adults: a meta-analysis of randomized and macrovascular disease following coronary stenting. J Appl Physiol
controlled trials. Int J Obes 2005;29:881–93. 2010;108:1766–74.

Vous aimerez peut-être aussi