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Albert vint un matin, Geneviève était seule. Il s'assit près d'elle, et lui dit:
«Je suis enchanté de te trouver seule, parce que j'ai à causer avec toi.
Jusqu'ici j'ai logé en garçon et en étudiant; il faut, pour des raisons que tu ne
tarderas pas à savoir, que je meuble convenablement mon logis, et j'ai
besoin pour cela des conseils d'une femme: c'est toi que j'ai choisie pour
guider mon inexpérience et mon hésitation. Je n'ai plus à meubler que ma
chambre à coucher, et je veux la meubler en vieux meubles de bois sculpté.
Si cela ne t'ennuie pas trop, nous allons courir les boutiques ensemble.» Au
moment où Albert avait dit: Pour des raisons que tu ne tarderas pas à
savoir, Geneviève avait ouvert la bouche pour lui dire: Est-ce que tu vas te
marier? mais elle passa toute la journée dans mille et mille hésitations,
retournant la phrase en tout sens, puis cherchant l'occasion de la placer, de
telle sorte que le soir, quand Albert l'eut ramenée chez elle, elle n'avait
encore pu prendre sur elle de la prononcer.
Le lendemain, Albert revint de bonne heure; il avait fait une découverte
qui le désolait, et il venait prier Geneviève de l'aider à réparer son malheur.
Entre les meubles qu'il avait achetés, il y avait un lit d'une grande beauté,
couvert de riches sculptures, avec des amours aux quatre coins, et toute
sorte d'ornements précieusement exécutés.
Quand, le lit transporté chez lui, Albert avait fait rejoindre les divers
morceaux du lit, il avait été fort surpris de voir que, sur les quatre colonnes
torses qui devaient soutenir le baldaquin, il y en avait une de moins.
Ils retournèrent ensemble chez le marchand; Geneviève était heureuse et
fière de donner ainsi le bras à Albert; et, quoiqu'elle eût besoin à chaque
instant de se répéter: «Il ne m'aime pas, ce n'est pas moi qui serai sa
femme,» elle ne tardait pas à se laisser entraîner de nouveau à de
charmantes rêveries. Évidemment les passants devaient les prendre pour le
mari et la femme; les marchands chez lesquels ils entraient, montraient par
leurs paroles qu'ils partageaient cette idée; et lorsque Mme Poirier, célèbre
marchande de la rue de Seine, dit: «Madame, voulez-vous vous asseoir,
pendant que je vais chercher avec monsieur votre mari ce qu'il me
demande?» Geneviève devint toute rouge, et saisit la première occasion
pour appeler Albert son cousin.
Ils sortirent de la boutique sans avoir trouvé ce qu'ils cherchaient. «Chère
petite cousine, dit Albert, tu t'es défendue d'être ma femme d'une manière
bien offensante.»
Geneviève cherchait une réponse, mais Albert parla d'autre chose, et
Geneviève laissa parler son cœur, qui lui disait à elle-même tout bas:
«Grand Dieu! me défendre d'être sa femme! un bonheur pour lequel je
donnerais mon bonheur dans le ciel! le plus haut point où se soient jamais
élevés les rêves de mon orgueil!»
Elle se représentait les moindres détails de ce bonheur: rester avec lui,
sortir avec lui, être à lui, porter son nom, l'entourer de soins assidus, lui
consacrer sa vie entière; aimer, élever des enfants qui seraient à lui. Et
penser que ce bonheur-là n'était pas au-dessus de l'humanité! Léon aime
bien Rose, Albert aurait bien pu aimer sa cousine.
Albert retourna chez le marchand qui lui avait vendu le lit, et, à force de
questions, il finit par apprendre que le lit avait été acheté en Bretagne, à
Saint-Brieuc. «Parbleu! dit Albert, je n'irai pas en Bretagne chercher la
quatrième colonne de mon lit.»
Trois jours après, Léon reçut une lettre d'Albert.
XLII
Albert à Léon.