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Université Mohammed V - Rabat- Maroc

Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales-Agdal-


Université de Picardie Jules Vernes -Amiens- France
Faculté d‟Economie et de Gestion
Thèse
Pour obtenir le grade de
Docteur de l‟Université Mohammed V et de l‟Université Jules Vernes
Discipline : Sciences Economiques

Présentée et soutenue publiquement par


Benaissa NAHHAL

Intitulé de la thèse :

Transmission de la politique monétaire à l’économie marocaine


Jury

M. Rédouane TAOUIL (Président) Professeur des universités, Université Pierre


Mendès France, Grenoble, France
M. Nicolas MOUMNI (Directeur de Thèse) Maître de Conférences HDR à l‟Université
Jules Vernes de Picardie, Amiens, France
M. Khalid HAMMES (Co-directeur de Thèse) Professeur à l‟Université Mohammed V
Rabat, Maroc
M. Mohammed BENLAHCEN TLEMCANI Maître de conférences HDR- IAE-Université
de Perpignan, France
M. Mohammed EZZNATI Professeur à l‟Université In Tofail – Kenitra,
Maroc
M. Nikolay NENOVSKY Professeur à l‟Université Jules Vernes de
Picardie Amiens, France
M. Omar TAOUAB Professeur HDR à Université Ibn Tofail
Kenitra, Maroc
M. Said TOUNSI Professeur à l‟Université Mohammed V
Rabat, Maroc

Janvier 2016
@ Copyright 2016
Benaissa NAHHAL

L‟Université Mohammed V de Rabat et l‟Université Jules Vernes de Picardie d‟Amiens


n‟entendent donner aucune approbation ou improbation aux opinions émises dans cette thèse.
Celles-ci sont propres à leur auteur.

i
Remerciements

Mes remerciements s‟adressent tout d‟abord à mes deux directeurs de thèse, monsieur
HAMMES et monsieur MOUMNI pour leur encadrement, leurs conseils et leurs remarques
qui m‟ont guidé dans la réalisation de ce travail.
Je remercie aussi les équipes de recherche du Centre d‟Etudes Doctorales (CEDOC) de la
faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Rabat et du laboratoire CRIISEA à
Amiens pour leurs remarques et suggestions lors des séminaires et des réunions de
présentation des états d‟avancement.
Je tiens à exprimer ma gratitude à toute ma famille, qui a fait en sorte de me faciliter les
conditions de préparation de ma thèse. Je les remercie pour leurs encouragements et leur
soutien qui m‟ont permis de finaliser ce travail.
Ma pensée va ensuite à mes amis doctorants à Amiens et à Rabat pour leur aide et leurs
conseils.
Je tiens à remercier enfin, toute personne ayant contribué directement ou indirectement à
l‟accomplissement de ce travail de thèse.

ii
Liste des abréviations et des sigles
ADF Augmented Dickey Fuller
AENF Agents Economiques Non financiers
ALE Accord de Libre Echange
BM Banque Mondiale
BAD Banque Africaine de Développement
BAM Bank Al-Maghrib
BCE Banque Centrale Européenne
BCRT Banque Centrale de la République Turque
BCT Banque Centrale de Tunisie
Fed Federal Reserve (Banque Centrale Fédérale Américaine)
FEVD Forecast Error Variance Decomposition (Décomposition de la Variance de
l‟Erreur de Prévision)
FMI Fonds monétaire international
HCP Haut Commissariat au Plan
IDE Investissement Direct à l‟Etranger
IPC Indice des Prix à la Consommation
IRFs Impulse Response Functions (Fonctions des Réponses Impulsionnelles)
IFS International Financial Statistics
KPSS Kwiatkowski–Phillips–Schmidt–Shin
MAD Dirham marocain
MENA Middle East and North Africa
MRE Marocain résidant à l‟étranger
OC Office des Changes
OCDE Organisation de Coopération et de Développement Economique
PAS Programme d‟Ajustement Structurel
PIB Produit Intérieur Brut
PP Phillips Perron
SVAR Structural Vector Autoregressive
TCER Taux de change effectif réel
TMM Taux du Marché Monétaire
TRY Lire turque
TUD Dinar tunisien
UE Union Européenne

iii
Résumé

La modernisation en cours de l‟économie marocaine et de son système financier, l‟orientation


du pays à l‟ouverture sur l‟extérieur, ainsi que l‟évolution des pratiques de sa banque centrale
(Bank Al-Maghrib, BAM) justifient l‟approfondissement des réflexions sur la transmission de
la politique monétaire. Ces investigations explorent les voies de diffusion des actions de BAM
aux secteurs monétaire, financier et réel de l‟économie marocaine.
C‟est dans ce cadre que cette thèse adopte une vocation empirique, couvrant la période allant
des grandes réformes économiques structurelles des années 1990 à 2013. Ainsi, la
méthodologie économétrique « Structural VAR » a été appliquée afin d‟étudier la dynamique
des réactions des variables de l‟économie aux différents chocs.
Afin d‟atteindre l‟objectif de ce travail, nous sommes passés par différentes étapes empiriques
visant l‟exploration de l‟acheminement de l‟action de politique monétaire à ses variables
cibles, l‟étude de la structure des canaux de transmission et l‟évaluation des effets des facteurs
qui échappent au contrôle de la banque centrale sur la transmission de sa politique monétaire.
Nos estimations montrent que la transmission de la politique monétaire de BAM à l‟économie
marocaine est incomplète, même si elle intervient dans des délais raisonnables. Aussi, la
structure instable des canaux de transmission explique en partie l‟attitude des variables
intervenant dans ce processus. Nos résultats indiquent également que les facteurs budgétaire
et extérieur perturbent sensiblement les phases de propagation de l‟action de politique
monétaire, à travers l‟influence du comportement de ses variables cibles.

Mots clé : Banque centrale, Canaux de Transmission de la Politique Monétaire, Politique


Budgétaire, Facteurs Exogènes, Méthodologie SVAR.

Classification-JEL: C51, C54, D2, E52, E58, E62, F31.

iv
Abstract

The current modernization of the Moroccan economy and its financial system, the outward
orientation of the country and the changes in practice of its central bank (Bank Al-Maghrib,
BAM) justify the deepening reflections about the monetary policy transmission to explore the
pathways diffusion of BAM‟s monetary policy to the monetary, financial and real sectors of
the Moroccan economy.
It is in this context that this thesis is inscribed. Our empirical study covers the period ranging
from the major structural economic reforms of the 1990s to 2013. The "Structural VAR"
econometric methodology has been applied to study the dynamic responses of the economic
variables to various shocks. Various empirical steps allowed us exploring the routing of the
monetary policy action to its target variables, the study of the structure of the transmission
channels and evaluating the effects of the factors beyond the control of the central bank on the
transmission of its monetary policy.
Estimates show that BAM‟s monetary policy transmission to the Moroccan economy is
incomplete, even if it occurs within a reasonable time. Also, the transmission channels
structure is unstable, partly explaining the attitude of the variables involved in this process.
Our results equally indicate that the fiscal and external factors disrupt significantly the
propagation phase of the monetary policy action through the influence of the behavior of its
target variables.

Keywords: Central Bank, Monetary Policy Transmission Channels, Fiscal Policy, Exogenous
Factors, SVAR methodology.

JEL-classification : C51, C54, D2, E52, E58, E62, F31.

v
Sommaire

Chapitre I : Transmission de la politique monétaire dans la littérature économique .................. 12

Introduction ......................................................................................................................................... 12

1. La politique monétaire ................................................................................................................ 13

2. Transmission de la politique monétaire : littérature théorique et empirique ........................ 36

Chapitre II : Economie marocaine et conditions préalables à l’étude de la transmission de la


politique monétaire.............................................................................................................................. 65

1. Economie, système financier et politique monétaire au Maroc, en Tunisie et en Turquie :


état des lieux ......................................................................................................................................... 66

2. Transmission de la politique monétaire au Maroc : enseignements de la littérature


empirique ............................................................................................................................................. 89

3. Cadre méthodologie de l’étude de la transmission de la politique monétaire au Maroc ...... 93

Chapitre III : L’impact des décisions de politique monétaire sur l’économie marocaine .......... 107

1. Pré-requis de l’estimation ......................................................................................................... 107

2. Modèle simplifié de la transmission de la politique monétaire au Maroc ............................ 110

3. Modèle Standard de transmission de la politique monétaire au Maroc ............................... 119

4. Interprétation et explication des résultats ............................................................................... 147

Chapitre IV : Influence des facteurs exogènes sur la transmission de la politique monétaire au


Maroc.................................................................................................................................................. 165

1. Identification des facteurs exogènes impactant la transmission de la politique monétaire 165

2. Etude empirique de l’impact des facteurs exogènes sur la transmission de la politique


monétaire............................................................................................................................................ 171

3. Interprétation et explication des résultats ............................................................................... 193

Conclusion générale .......................................................................................................................... 203

Table des Matières............................................................................................................................. 257

vi
Introduction générale
L‟évolution des pratiques et des objectifs de la politique monétaire se fait en fonction de la
conjoncture économique et du courant théorique dominant. Les expériences et les leçons
tirées des anciennes crises monétaires, financières, économiques et même politiques ont
dévoilé les risques qui pèsent sur l‟action de la banque centrale et la réalisation de ses
objectifs de politique monétaire. C‟est pourquoi, l‟implication de cette institution dans les
programmes de stabilisation du système financier et de l‟économie en général est devenue de
moins en moins contestable voire même réclamée. Les débats perpétuels sur les missions et
les stratégies de la politique monétaire portent explicitement sur la capacité de la banque
centrale à atteindre ses objectifs en dépit de toutes les contraintes qu‟elle peut rencontrer.
Si l‟observation de l‟évolution des variables cibles de la politique monétaire suffit pour avoir
une idée sur son efficacité, il est moins évident de quantifier les résultats et de les expliquer de
manière désagrégée. Sous cette hypothèse, parler d‟efficacité de l‟action de la banque centrale
nécessite d‟évoquer, conceptuellement, la notion de transmission de la politique monétaire.
Théoriquement, une politique monétaire efficace signifie que les mesures de l‟institut
d‟émission se transmettent parfaitement aux variables cibles, d‟où l‟utilité de mesurer son
degré de transmission aux différentes variables intervenant dans le processus de propagation
de l‟action de la politique monétaire.
La littérature économique nous enseigne que la question de la transmission est au cœur des
débats sur la nature de l‟action et les missions d‟une banque centrale. Cet axe de recherche
alimente abondamment les travaux sur les effets de la politique monétaire sur l‟économie,
surtout dans les pays occidentaux. Alors que dans le cas des pays émergents et/ou en
développement, ce sujet offre encore de large champ d‟investigation.

L‟étude de l‟histoire monétaire du Maroc révèle que la banque centrale du Maroc (Bank Al-
Maghrib, BAM) menait une politique monétaire de stabilisation des prix, tout en étant
activement impliquée dans les programmes gouvernementaux de soutien à la croissance et de
promotion de l‟emploi, à travers l‟assouplissement des conditions de financement du budget
et de l‟économie.
Jusqu‟aux années 1980, le système financier marocain était largement administré, moins
développé et peu accessible. Mais la succession de plusieurs crises, dont celle des années
1980, a obligé le Maroc à appliquer plusieurs réformes issues des recommandations du
1
Programme d‟Ajustement Structurel (PAS) imposé par le Fonds Monétaire International
(FMI). Ce processus de changement a permis la libéralisation progressive de l‟économie et du
système financier dont le compartiment bancaire est devenu le cœur. Les taux d‟intérêt
créditeurs et débiteurs ont connu leur libéralisation respectivement en 1992 et en 1996. Le
marché financier a été également modernisé, tout comme le marché des changes qui est
devenu libre depuis 1996, même si le régime de change reste fixe et rattaché à un panier de
devise composé de l‟Euro et du Dollar US. La transformation du paysage financier, le
développement et l‟élargissement du marché monétaire ont offert à BAM de meilleures
conditions pour la mise en œuvre de sa politique monétaire.
Indépendante depuis 2006, BAM se concentre, actuellement, sur le seul objectif de stabilité
des prix et jouit d‟une large autonomie dans la mise en œuvre de sa politique monétaire qui
s‟inscrit désormais dans les standards internationaux en termes de stratégie d‟action et
d‟instruments utilisés. En effet, la politique monétaire de BAM s'est recentrée sur l‟action par
les taux d‟intérêt depuis que les instruments directs ont été abandonnés au profit des outils de
marché. Globalement, la politique monétaire de BAM a toujours fait référence au courant
monétariste qui se base sur le contrôle de la base monétaire pour atteindre un objectif
d‟inflation. Elle le faisait à travers l‟influence des conditions de refinancement des institutions
financières.
Dans le cadre de ces transformations des structures économiques et financières du Maroc et
de l‟évolution des pratiques de Bank Al Maghrib, le traitement de la question de la
transmission de la politique monétaire au Maroc s‟avère d‟une grande utilité. Il permet, en
effet, d‟explorer les réactions des différentes variables de l‟économie aux actions de BAM et
confère aussi la possibilité de mieux comprendre les rouages de l‟économie marocaine à
travers l‟analyse du comportement des agents économiques vis-à-vis des actions de politique
monétaire.

Selon les enseignements de la littérature économique, la transition de l‟action de la banque


centrale par plusieurs étapes et variables avant d‟atteindre les variables cibles et objectifs,
constitue le défi majeur de la banque centrale à cause du caractère décalé et incomplet de
l‟effet des décisions de politique monétaire sur les variables intervenants dans sa transmission.
Ce constat justifie la problématique économique faisant référence aux mécanismes de
transmission de la politique monétaire aux différentes variables de l‟économie. Plus
précisément, les liens qui s‟établissent entre les variables jouant un rôle dans cette opération
2
forment ce que la littérature économique qualifie de canaux ou mécanismes de transmission
de la politique monétaire.

Conceptuellement, un mécanisme de transmission est une chaîne complexe de causes et


d‟effets qui se produisent au long du processus d‟acheminement des mesures de la politique
monétaire. Les effets se déclenchent suite aux décisions de la banque centrale pour engendrer
des variations dans les taux d‟intérêt, le crédit, les prix des actifs, la demande globale, l‟écart
de production1 et en fin de compte, l‟inflation ou tout autre variable réelle objectif de la
politique monétaire. Les mécanismes de transmission font intervenir, donc, plusieurs variables
de l‟économie. Ces dernières dépendent de la stratégie de politique monétaire et peuvent être
monétaires, financières voire réelles.
Dès 1933, Ragnar Frisch a scindé en deux processus l‟analyse dynamique des fluctuations
économiques. D‟un côté, les impulsions et de l‟autre la propagation (Meltzer, 1995). De nos
jours les économistes parlent, plutôt, de choc (shock) à la place de l‟impulsion (impulse) et de
transmission pour désigner la propagation des chocs monétaires à l‟économie. Si les partisans
de la théorie du cycle réel (Real Business cycle, RBC) n‟accordent pas de rôle crucial à la
monnaie, les économistes keynésiens, néo-keynésiens et néo-classiques, soutiennent que les
chocs (impulsions) monétaires peuvent avoir temporairement des effets réels sur l‟économie.
Cette transmission se produit surtout si les ménages et les entreprises échouent à anticiper
correctement les futures implications de la politique monétaire passée ou actuelle.

La littérature économique illustre un consensus sur la capacité des mesures de politique


monétaire à impacter le comportement des agents économiques par le biais de leurs décisions
de consommation et d‟investissement. Cependant, la hiérarchisation des canaux de
transmission et la quantification de la contribution de chacun d‟entre eux dans le processus de
transmission restent sujet à débats et controverses.
En effet, les premières réflexions attribuent au canal du taux d‟intérêt un rôle principal dans la
diffusion des impulsions de politique monétaire à l‟économie. Ces développements se
justifient par la perceptibilité des variations des taux d‟intérêt par l‟ensemble des agents
économiques et l‟ensemble des marchés de l‟économie.

1
La différence entre la production effective et la production potentielle.

3
S‟appuyant sur l‟importance du canal des taux d‟intérêt, le modèle IS-LM devenu un véritable
standard, après les années 1960, préconise de relier la monnaie et le taux d‟intérêt à l‟agrégat
revenu ou output. Dans ce schéma, la politique monétaire est transmise par le changement
dans le taux d‟intérêt. D‟après les monétaristes, il existe un effet de liquidité : la variation du
stock de monnaie modifie la liquidité disponible et provoque des changements dans les utilités
relatives des autres actifs. Ainsi, selon l‟approche du «Money view», le canal du taux
d‟intérêt constitue une mesure de cet effet de liquidité.
La transmission par le canal du taux d‟intérêt a longtemps été soutenue, notamment par le
théorème de Modigliani Miller (1958), selon lequel les structures du capital n‟influencent pas
les décisions réelles des prêteurs et des emprunteurs (Hubbard, 1995). La littérature était
jusqu‟au début des années 1960 sous la coupe de ce théorème qui démontre l‟équivalence des
différentes sources de financement pour les entreprises.
A l‟inverse, d‟autres auteurs partent des résultats des politiques monétaires des années 1930 et
de la récession de l‟économie américaine de 1990-91 pour évoquer l‟existence d‟un «credit
crunch», avancer le concept de «credit view» et faire émerger la notion de canal du crédit sur
les bases théoriques faisant référence aux distorsions entre les coûts des différentes sources de
financement. Ce nouveau courant a montré la manière par laquelle les banques peuvent
rationner leurs crédits pendant les périodes d‟incertitudes économiques. En effet, depuis les
années 1970, les travaux théoriques sur l‟information incomplète et la perturbation du
fonctionnement de certains marchés, par l‟asymétrie d‟information entre vendeurs et
acheteurs ont conduit au renouvellement de l‟approche de prêt par les banques (lending view).
En 1981, Stiglitz et Weiss démontrent la possibilité de survenance d‟un «rationnement
d‟équilibre» du crédit bancaire en période de récession. Et l‟équilibre sur le marché de crédit
transite par d‟autres variables que le taux d‟intérêt. Par la suite, les travaux de Bernanke et
Blinder (1988, 1992) sur les USA, notamment, sont devenus une référence sur la transmission
de la politique monétaire par le canal de prêt (lending channel).
Dans le même registre, la littérature économique recense, en plus du taux d‟intérêt et du
crédit, les canaux de taux de change et les prix des autres actifs (Mishkin, 1995). Le canal des
prix des actifs fonctionne grâce aux effets de valorisation des actions sur l‟investissement des
entreprises ainsi qu‟à travers les effets de richesse sur la consommation des ménages (Mojon,
2001). L‟accession des banques centrales à l‟indépendance et le renforcement de leur

4
autonomie ont fait émerger le canal des effets d‟annonces, qui fonctionne grâce à la politique
de communication de l‟institut d‟émission et l‟anticipation de ses actions.

Bien qu‟il soit évident que la diffusion de la politique monétaire aux variables monétaires,
financières et réelles se fait nécessairement à travers l‟un des canaux de transmission, les
divergences à propos de leur hiérarchie et le degré d‟opérationnalité de ces mécanismes,
constituent encore un sujet qui enrichie les débats et les discussions.
Il convient de noter tout de même une sorte de cohérence théorique et empirique quant à la
sensibilité du processus de transmission à l‟environnement général échappant d‟action de la
banque centrale.
En fait, les travaux théoriques et empiriques avancent que le processus de transmission de la
politique monétaire peut être affecté par des facteurs exogènes. D‟un coté, la trajectoire de la
politique budgétaire menée par le gouvernent, notamment dans le cas d‟indépendance de la
banque centrale vis-à-vis de ce pouvoir, constitue une contrainte supplémentaire à la
transmission de la politique monétaire (Lange, 1970). Et de l‟autre coté, le facteur extérieur
expose l‟environnement économique, monétaire et financier domestique aux perturbations qui
peuvent toucher le reste du monde (Pesce, 2013) et risquent d‟altérer tout le processus de
transmission de la politique monétaire.

A ce stade, il apparait que la problématique des mécanismes de transmission est bel et bien
identifiée dans la littérature économique. Théoriquement, un resserrement monétaire devrait
se traduire, naturellement, par la décélération des prix et la contraction de l‟activité
économique. Au Maroc, la majorité des études menées à ce sujet révèlent que la transmission
de la politique monétaire est faible et incomplète. La propagation de ses impulsions transite
principalement par le canal des taux d‟intérêt et celui du crédit (Boughrara, 2006). Plusieurs
travaux empiriques confirment également la non opérationnalité du canal du taux de change
au Maroc2.
Le comportement des prix suite au choc de la politique monétaire se caractérise, souvent, par
le phénomène de « Price Puzzle »3 malgré que l‟observation de leur évolution depuis la
période des grandes réformes des années 1990 à 2013 montre que l‟inflation semble
globalement contenue, exceptées les années 1994, 1995 où elle dépassait largement les 4%.

2
Boughrara, (2006) ; Bensliman, (2008) ; Neamie, (2008) ; Abida et Sghaier, (2012).
3
Agénor et El Aynaoui, (2008).
5
De même, la forte volatilité du PIB justifie les interrogations sur le degré et la capacité de la
banque centrale à influencer la trajectoire de ses supposées variables cibles.
Il semble, globalement que la question de la transmission de la politique monétaire au Maroc
n‟est pas tranchée. L‟acheminement de l‟action de BAM n‟est pas complet et les canaux
traditionnels de transmission domineraient ce processus. Tandis que le canal du taux de
change est quasi inopérant à cause de son régime fixe. Le canal des prix des actifs est faible
au vu du degré de développement du système financier marocain.

Les difficultés liées à l‟étude des canaux de transmission sont de plus en plus nombreuses et
compliquent les missions de la banque centrale, malgré la réduction de son objectif principal
au maintien de la stabilité des prix, le renforcement de son indépendance et le
perfectionnement de ses techniques et méthodes de travail.
Depuis l‟abandon des mesures de contrôle direct, nous ne parlons plus d‟autorité monétaire,
mais plutôt de banque centrale. Ceci dit, les banques centrales n‟ont plus de pouvoir
réglementaire direct sur les variables monétaires. C‟est pourquoi il convient de redoubler
d‟efforts pour maîtriser les rouages de l‟économie et développer les capacités décisionnelles
afin de conduire une politique monétaire adéquate et adaptée aux situations de l‟économie.
Compte tenu de la modernisation en cours de l‟économie marocaine et de son système
financier, ainsi que du changement des pratiques de BAM, il est utile de multiplier les travaux
empiriques et descriptifs, afin d‟éclairer et d‟explorer les voies d‟action de la politique
monétaire sur le comportement des agents économiques.
Aussi, l‟ouverture croissante du pays sur l‟extérieur, la volonté de flexibiliser le régime de
change du Dirham marocain (MAD) et d‟adopter le ciblage d‟inflation justifient, plus que
jamais, la nécessité d‟approfondir les réflexions sur la transmission de la politique monétaire
et ses canaux.
Dans cette optique, il est judicieux de s‟interroger sur le comportement des différentes
variables intervenant dans le processus de transmission de la politique monétaire au Maroc. Il
est même recommandé de mener un travail transversal pour parcourir les rouages de la
transmission de la politique monétaire aux secteurs monétaire, financier et réel à travers la
mesure de l‟impact que peut produire l‟action de la banque centrale sur les variables de ces
secteurs.

6
De ce fait, notre problématique basée sur les canaux de transmission au Maroc se formule de
la manière suivante :

La politique monétaire se transmet-elle effectivement aux secteurs monétaire, financier et réel


de l‟économie marocaine ?

Cette formulation implique une exploration globale et détaillée de la diffusion des impulsions
de la politique monétaire aux différentes variables intervenant dans son acheminement
jusqu‟aux variables « objectifs ». Egalement, la configuration de notre question centrale
permet l‟investigation des différents éléments qui peuvent stimuler ou perturber la
transmission de la politique monétaire.
La complexité des mécanismes de transmission et les changements qui touchent l‟économie,
le système financier et même le cadre de la politique monétaire nécessite d‟émettre
l‟hypothèse permettant de décliner notre question centrale en plusieurs points. De manière
plus précise, l‟étude de cette problématique implique de supposer que la formulation de
plusieurs interrogations devrait renseigner pleinement sur le processus de transmission de la
politique monétaire au Maroc.
La possibilité de représenter les secteurs monétaire, financier et réel par des variables
statistiques, nous permet de décomposer notre question centrale en plusieurs axes, dont les
éléments parcellaires clarifient la problématique de transmission de la politique monétaire au
Maroc.
Ainsi, ce travail est mené en trois principales étapes. La première porte sur la vérification des
pré-requis de l‟étude de la transmission. Pour commencer il est important de s‟interroger sur
l‟état de l‟économie marocaine, sa structure et son système financier pour vérifier sa capacité
à faire transiter l‟action de BAM. Ensuite, il faut examiner le statut et les missions de la
banque centrale pour s‟assurer qu‟elle s‟occupe bien d‟objectifs précis et mène une politique
monétaire en ligne avec les standards internationaux et adaptée à la conjoncture économique
domestique.
Ce point donne lieu à la formulation des deux questions suivantes :
 Le système financier marocain offre-t-il les bases nécessaires à une bonne et efficace
transmission de la politique monétaire ?
 La politique monétaire de BAM annonce-t-elle une stratégie, des objectifs et un mode
opératoire clair ?
7
A l‟issue de la vérification de cet axe prioritaire, il est légitime d‟aborder les questions
centrales de ce travail et se demander si BAM a la capacité d‟influencer les variables
monétaires, financières et réelles de l‟économie marocaine. C‟est dans ce sens qu‟il faut
énoncer les interrogations suivantes :
 BAM arrive-t-elle à influencer les variables monétaires et financières ?
 BAM impacte-t-elle les variables objectifs de sa politique monétaire telles que les prix et
le PIB ?
 Les canaux de transmission de la politique monétaire de BAM sont-ils opérationnels ?
 Quel est le canal de transmission le plus dominant ?

L‟inscription de la politique monétaire dans un environnement composé également des autres


éléments de la politique économique, laisse penser que son action est potentiellement
influençable par d‟autres facteurs, exogènes, qui échappent au contrôle de l‟institut
d‟émission.
Par ce constat, la troisième étape est identifiée. Elle consiste à explorer l‟impact de ces
facteurs sur la transmission de la politique monétaire de BAM. Ainsi, deux principaux axes de
recherche peuvent être dégagés, à savoir :
 La configuration de l‟économie constitue-t-elle une contrainte pour la transmission de la
politique monétaire ?
 Les facteurs exogènes à l‟action de BAM influencent-ils la transmission de sa politique
monétaire ?

Dans une vocation empirique, mener cet examen du processus de la transmission de la


politique monétaire de BAM depuis les grandes réformes économiques structurelles des
années 1990 à 2013 permet d‟apporter des éléments de réponses aux différentes questions
évoquées. Cet exercice nécessite de partir de la littérature théorique pour comprendre les
travaux empiriques qui ont traité cette problématique, avant de concevoir des modèles
économétriques spécifiques à cette étude. Au niveau technique, la littérature économique4
avance que les modèles de type SVAR sont les plus adaptés à ce genre de problématique car

4
Voir le point méthodologie économétrique dans le chapitre II.

8
ils permettent d‟étudier la dynamique des chocs des politiques économiques sur l‟économie et
notamment sur les variables cibles.
Méthodologiquement, pour mener ce travail, il importe d‟établir certaines hypothèses sous-
jacentes nécessaires au traitement des différentes questions soulevées.
La première tient à l‟objectif de ce travail qui consiste à évaluer la transmission. A noter que
notre mission porte moins sur le jugement de la pertinence et la convenance de l‟action de
BAM. Nous supposons en conséquence qu‟elle dispose des moyens appropriés pour
concevoir une politique monétaire en ligne avec ses objectifs.
Pour la deuxième, la période étudiée englobe une grande partie où la banque centrale s‟occupe
d‟autres objectifs en plus de la stabilité des prix. Ainsi il est possible d‟admettre que BAM
agit, ne serait-ce qu‟implicitement, pour assoir les bases d‟une croissance économique
soutenue.
En termes de stratégie de politique monétaire, le passage à l‟action indirecte et le recours aux
instruments de marché prive la banque centrale du contrôle réglementaire sur l‟économie.
Cette évolution affaiblit sa portée et la rend indirecte sur les variables intervenant dans le
processus de transmission. Sur cette base nous supposons également que l‟action de politique
monétaire atteint la sphère réelle avec un caractère imparfait et retardé.

L‟accomplissement de cet examen intégral de la transmission de la politique monétaire aux


variables monétaires, financières et réelles implique de relativiser les résultats en les situant
dans le contexte économique général et en les rapprochant de ceux d‟autres pays. A ce propos,
il est communément admis de comparer l‟économie du Maroc avec celles des pays de la
région MENA. C‟est pourquoi, nous avons décidé d‟approcher les résultats du Maroc avec
ceux de pays comparables comme la Tunisie et la Turquie. Le choix de ces deux pays est
motivé par leur appartenance à la région MENA et les ressemblances historiques et
économiques avec le Maroc. Par exemple, les banques centrales des trois pays se concentrent
sur la stabilité des prix. La configuration et la structure économique des trois pays sont aussi
comparables dans la mesure où leurs appareils productifs respectifs sont orientés vers
l‟exportation et le tourisme, ainsi qu‟à l‟établissement de fortes relations commerciales et
financières avec l‟U.E. Pour homogénéiser les bases de rapprochement des résultats du
Maroc avec ceux de la Tunisie et de la Turquie et partant de leurs ressemblances, nous
présumons que le cadre analytique et empirique appliqué au Maroc pourrait être approprié

9
également à la Tunisie et à la Turquie. Nous avons donc décidé d‟appliquer la même
méthodologie empirique pour ces deux pays également.
Pour mener à bien ce travail et traiter la transmission de la politique monétaire de BAM à
l‟économie marocaine, nous structurons notre thèse autour de quatre chapitres. Ce choix
découle de la nécessité d‟investir la littérature théorique et empirique afin d‟élaborer un point
méthodologique. C‟est ainsi que nous pouvons focaliser notre intérêt sur l‟étude du
comportement des indicateurs de l‟économie marocaine vis-à-vis de l‟action de BAM, tout en
tenant compte des effets des facteurs exogènes.
De manière plus précise, nous explorons dans le premier chapitre l‟aspect général de la
politique monétaire ainsi que les bases théoriques et empiriques de la littérature économique
sur la transmission. Cette large littérature ouvre le champ à la présentation de l‟économie
marocaine pour en comprendre le fonctionnement, en se penchant sur les études empiriques
qui ont été menées sur la transmission de la politique monétaire au Maroc ainsi que dans
d‟autres pays comparables. Sur cette base, le deuxième chapitre se focalise sur la vérification
des conditions préalables à l‟étude de la transmission de la politique monétaire au Maroc, puis
sur l‟élaboration d‟un cadre méthodologique globale, présentant le protocole empirique
adopté et les étapes à suivre pour le réaliser. Dans de cette partie, nous identifions la structure
des différents modèles économétriques, avant d‟entamer la phase de sélection des variables à
intégrer dans chacune de ces constructions économétriques. La justification du choix
d‟appliquer la méthodologie Structural VAR (SVAR) et l‟approche de son estimation
introduit, et permet, la conception finale et l‟adaptation de nos modèles aux spécificités de
l‟économie marocaine et à celle des pays benchmark.
A partir des soubassements techniques du chapitre deux, le troisième constitue le cœur de la
présente thèse. Car l‟étude empirique menée à ce niveau vise à apporter des éléments de
réponse quant à la diffusion des chocs de politique monétaire à l‟économie à travers les
différents canaux de transmission. Plus en détail, ce chapitre est consacré à l‟étude de l‟impact
des décisions de politique monétaire sur l‟économie marocaine à travers deux principaux
modèles liant les différentes variables impliquées dans ce processus. Nous débutons par un
modèle simplifié, afin d‟évaluer l‟impact direct de la politique monétaire sur ses principales
variables cibles avant de se concentrer sur la construction générale, qualifiée de standard et
qui permet de saisir le même effet de l‟action de BAM, mais en tenant compte du rôle des
différentes variables représentant à la fois les secteurs monétaire et financier et les canaux de

10
transmission. Par la suite, nous déterminons les pré-requis techniques avant de procéder à
l‟estimation des modèles et à la présentation des résultats. L‟analyse de ces derniers est faite
via la lecture et la description des réactions des différentes variables aux chocs. Les résultats
sont interprétés et expliqués en rapport avec les caractéristiques et les spécificités de
l‟économie marocaine et de son système financier.
Pour cerner l‟étude de la transmission de la politique monétaire à l‟économie marocaine, le
comportement des variables cibles et la structure des canaux de transmission, il convient de se
pencher, dans le dernier chapitre, sur l‟exploration des éventuels effets des facteurs échappant
à l‟action directe de BAM sur l‟acheminement de ses décisions à l‟économie marocaine. A ce
niveau nous identifions en premier les facteurs susceptibles d‟impacter la propagation de
l‟action de politique monétaire. Et c‟est ainsi que nous mettons en relation, dans un modèle
SVAR, les variables exogènes, représentant la politique budgétaire et les éléments extérieurs,
avec les variables cibles et la politique monétaire. Les résultats obtenus sont analysés et
expliqués en fonction de l‟interaction de la politique monétaire avec la politique budgétaire et
l‟extérieur, à travers les relations commerciales et financières de l‟économie marocaine avec
ses principaux partenaires.

11
Chapitre I : Transmission de la politique monétaire dans la
littérature économique

Introduction

Outil d‟action monétaire, la politique monétaire vise la réalisation des missions assignées à la
banque centrale. Les objectifs de ce pilier de la politique économique sont en évolution
permanente. Les mutations des conditions économiques théoriques et réglementaires
provoquent une modification et une adaptation continue du cadre de la politique monétaire.
Le motif de ces ajustements se trouve dans la volonté d‟améliorer l‟efficacité de ce genre de
politique. Cette notion de rigueur qui a fait l‟objet de nombreux développements
économiques, conditionne même la légitimité de l‟action de la banque centrale sur quelques
variables réelles de l‟économie.
Convaincu des limites et des contraintes, souvent improductives, de la tutelle des
gouvernements, le nouveau cadre réglementaire et légal de la banque centrale lui accorde plus
d‟indépendance vis-à-vis du pourvoir politique et davantage d‟autonomie dans la mise en
œuvre de sa politique monétaire, notamment au sujet du choix du cadre opérationnel.
Egalement, pour concentrer l‟action de l‟institut d‟émission, les nouveaux statuts ont tendance
à sacraliser la stabilité des prix comme objectif ultime, malgré l‟attention, parfois secondaire,
prêtée à d‟autres objectifs.
Pour atteindre son ou ses objectifs, la banque centrale doit s‟assurer de la transmission de son
action vers les variables cibles. C‟est-à-dire la réaction de ces variables dans le sens escompté.
Ainsi, la question d‟efficacité de la politique monétaire est profondément liée à l‟ampleur et à
la qualité de la transmission de ses mesures aux variables monétaires, financières et réelles de
l‟économie.

En ligne avec l‟objectif ultime du présent travail, il est indispensable de mettre plus de
lumière sur ces différents points. C‟est pourquoi le présent chapitre est orienté vers la
présentation de la politique monétaire avant d‟aborder la question de ses canaux de
transmission. Plus précisément, la structure de ce chapitre se présente de la manière suivante :
Pour commencer nous exposons la notion de politique monétaire et l‟évolution de son cadre
(objectifs, instruments) tout en évoquant son adaptation à son contexte. Par la suite, nous

12
abordons les canaux de transmission de la politique monétaire. A propos de ce point, nous
présentons l‟aspect théorique et empirique de chaque canal.

1. La politique monétaire

1.1. Notions et premières réflexions

Depuis les premières réflexions sur la politique monétaire, les débats entre fondateurs et
partisans des différents courants de pensée sur les préoccupations, les instruments, l‟efficacité
et même sur la légitimité de cette politique monétaire, ont constitué dans la plupart du temps
un référentiel théorique pour la stratégie de politique monétaire des banques centrales. Celles-
ci avaient donc à concevoir leur politique monétaire en fonction de la conjoncture nationale et
internationale, mais tout en adoptant bien sûr un référentiel théorique.
La notion de politique monétaire n'est pas trop ancienne, elle a émergé grâce au rôle de
prêteur en dernier ressort qu‟ont joué les banques centrales pendant et après la grande
dépression.

Les premières idées du cadre de la politique monétaire remontent aux travaux des
mercantilistes du XIV siècle. Leurs analyses ont démontré que la quantité de monnaie dans
un pays influence les prix5.
Au contraire, les classiques abordent la monnaie dans un cadre de neutralité et avancent
qu'elle est un voile et ne sert que pour le règlement des transactions. Elle n‟intervient pas non
plus dans la détermination de la valeur monétaire des produits.
Dans leur analyse d'équilibre général, les néoclassiques admettent comme leur prédécesseurs,
que la monnaie est neutre. Ils considèrent qu'il y a une dichotomie entre le réel et le
monétaire, ce qui n'affecte pas l'équilibre de l'économie.
L'école de Cambridge (Marshall, (1922) et Pigou, (1917)) a essayé de reformuler la théorie
quantitative de la monnaie en y intégrant les encaissements. Ce courant de pensée met
l'accent sur l'inadéquation entre la quantité offerte et demandée de la monnaie et élabore pour
la première fois la fonction de demande de monnaie en fonction du niveau général des prix,
du volume des transactions et du niveau du revenu (Brana et Cazals, 2006).
Outre ces analyses, les travaux d‟I. Fisher (1867-1947)6 et de Knut Wicksell (1851 - 1926),
tous les deux économistes néoclassiques, constituent la base de la politique monétaire

5
Brana et Cazals, (2006), «La monnaie», Collection: Les Topos, Dunod, 2006 - 2ème édition - 128 pages.
13
moderne (Formaini, 2004). I. Fisher (1867-1947) a formulé la théorie quantitative de la
monnaie en considérant l'existence d'une égalité entre le flux de monnaie en circulation et la
valeur des prix courants des transactions effectuées sur une période MV=PT7. Cette théorie
signifie que la masse monétaire ne détermine que le niveau général des prix. A cet effet une
croissance de la masse monétaire, non accompagnée d‟une augmentation de la production,
produirait de l'inflation8. Cette construction est devenue la clé de voute de la conception
monétariste de la politique monétaire.
Dans un autre registre, l'apport de Wicksell. K (1851 - 1926) se situe au niveau de
l'introduction du taux d'intérêt naturel et de taux d'intérêt monétaire (taux courant) qui dépend
des conditions sur le marché de la monnaie et du crédit. Cet auteur recommande aux autorités
monétaires d'éviter le processus cumulatif9 pour stabiliser les prix, en manipulant le taux
monétaire à la hausse en cas de pression inflationniste, ou à la baisse dans le cas de la
déflation. Ces recommandations ressemblent au mode opératoire de la politique monétaire de
nos jours.
Dans son analyse, l'ère de l'opulence, Galbraith. J. H (1961) a mentionné que le conflit des
pensées et la confrontation des idées ont permis l'émergence de la politique monétaire.
Sous cette hypothèse, en décortiquant la pensée mercantiliste, Keynes (1936)10 admet que des
taux d‟intérêt élevés empêchent le développement de la richesse. En revanche, il ne s‟accorde
pas avec ce courant à propos de la fixation automatique des taux d'intérêt.
En s‟inspirant par la suite de l‟analyse classique de l‟économie et de la monnaie, Keynes
(1936) élabore sa théorie, dans laquelle il démontre que la monnaie peut être détenue pour
elle-même. Keynes (1936) dénombre trois motifs de détention de la monnaie, les transactions,
la spéculation et la précaution. Ces facteurs influencent la formation des taux d'intérêt ainsi
que l'action et la communication de la banque centrale.
Dans un contexte d‟incertitude, la préférence pour la liquidité augmente et risque de
provoquer une rigidité des taux d‟intérêt à la baisse. Cela n‟a pas empêché le chef de fil du
courant keynésien d‟assigner à la politique monétaire une mission de soutien de
6
Formaini, (2005), «Irving Fisher: Origins of Modern Central Bank Policy», Economic Insights, Federal
Reserve Bank of Dallas Volume 10, Number 1.
7
M: masse monétaire, V : vitesse de circulation, T: volume de production, P: niveau général des prix.
8
Les documents de Travail du SENAT (2009), "La Politique Monétaire: objectifs, méthodes et nouveaux
problèmes", Série : Études économiques, n° EC-04.
9
Knut-Wicksell considère qu'il y a inflation quand le taux du marché est inférieur au taux naturel et déflation
quand le taux du marché est supérieur au taux naturel.
10
Keynes, (1936), «general theory », Mac Millan et C°, Publishers, London, traduit de l‟Anglais par Largentaye
Jean, « Théorie Générale de l‟Emploi, de l‟Intérêt et de la Monnaie », Edition Payot, 1985.
14
l‟investissement et de la consommation à travers une politique volontariste consistant à offrir
les quantités de monnaie nécessaires au maintien de taux d‟intérêt bas, indispensable pour
atteindre l‟objectif de croissance et d‟emploi.

En se basant sur la conception classique et néoclassique, M. Friedman (1968) remet en


question le raisonnement keynésien qui attribue à la politique monétaire une mission
d‟assouplissement monétaire afin de soutenir la demande globale et baisser le chômage. Les
monétaristes démontrent l‟inefficacité de la politique monétaire à soutenir la croissance et
l‟emploi à long terme. Ils avancent qu‟à cause des anticipations adaptatives, la politique
monétaire perd son efficacité et engendre de l'inflation à long terme. C‟est pourquoi la
politique monétaire doit se concentrer sur la stabilisation des prix.
Dans le sillage de ces analyses, Sargent. T. J et Wallace. N (1975) évoquent la capacité des
agents économiques à prédire l‟action de la banque centrale et à la neutraliser grâce à leurs
anticipations rationnelles. Tout l‟enjeu pour la banque centrale consiste donc à disposer de
plus d‟informations que les autres agents.

Le cadre référentiel de la politique monétaire est souvent lié aux pensées théoriques
dominantes. D‟ailleurs, les missions de la banque centrale sont déterminées par le statut de sa
relation vis-à-vis du pouvoir politique et de la conjoncture économique intérieure et
extérieure.
La littérature économique permet d‟identifier plusieurs objectifs de la politique monétaire
dont la stabilité des prix, la croissance économique, l‟emploi et l‟équilibre extérieur.

1.2. Evolution des objectifs et concentration sur la stabilité des prix

1.2.1. Pluralité des objectifs

Pour concevoir un cadre de politique économique convenable, Tinbergen. J (1952)11


recommande l‟élaboration de modèles empiriques, contenant des variables instrumentales
exogènes et contrôlables. Ces outils d‟action, fiscaux et/ou monétaires, permettent d‟atteindre
des objectifs quantifiables. L‟auteur focalise ses modèles sur l‟emploi et l‟équilibre monétaire
pour aborder la politique monétaire. Celle-ci dépend, selon lui, des taux d‟intérêt et du taux de
salaire, l‟instrument contrôlé par les autorités.
11
Arrow (1958) et Theil (1956).
15
De son coté, Theil. H (1956) met l‟accent sur la complexité des modèles issus des
recommandations de Tinbergen (1952). Il évoque surtout la non contrôlabilité de certaines
variables exogènes (revenu des autres pays) et invite à considérer le risque d‟erreur dans la
prévision. Theil. H (1956) finit par montrer que le choix des objectifs est compliqué et n‟est
pas conventionnel.
La publication de la fameuse courbe de Philips (1958) a relancé la recherche sur l'arbitrage
entre les différents objectifs de la politique monétaire. La loi d'Okun (1962) s'est chargée
d'explorer le lien entre la croissance économique et le chômage. Elle démontre l'existence
d'une forte corrélation entre la croissance économique et le taux chômage.
Sur la base de ces analyses Kaldor (1971) met en évidence l‟incompatibilité entre les objectifs
de la politique monétaire à travers le carré magique ou le carré des objectifs incompatibles.
Pour Blinder (1998), la banque centrale s'occupe de plusieurs objectifs comme l'inflation, la
croissance, l'équilibre extérieur et les réserves bancaires voire même le niveau des taux
d'intérêt de court terme et du taux de change.

La complexité de combiner toutes ces missions, oblige la banque centrale à trouver la bonne
combinaison à défaut de se concentrer sur un seul objectif. Le choix de la banque centrale se
fait, bien évidement, en fonction des spécificités de l‟économie et de la conjoncture.
L‟exercice des gouverneurs des banques centrales est difficile dans la mesure où la stratégie
de politique monétaire ne dépend pas seulement du cadre théorique, mais aussi de la volonté
et des engagements gouvernementaux12.

1.2.2. Concentration sur la stabilité des prix

L‟histoire monétaire a démontré que l‟attention des banques centrales du monde se tourne de
plus en plus vers la stabilité des prix. En se faisant, les autorités monétaires s‟appuient sur les
résultats des différentes stratégies de politique monétaire et les risques que présente
l‟instabilité des prix sur l‟équilibre macroéconomique globale.

1.2.2.1. Dangers de l’inflation

Convaincu des dangers de prix anormalement élevés et des effets, indésirables, sur la
production, l‟ordre social, et les relations commerciales, nombreuses sont les banques

12
Avant l‟adoption de l'indépendance de la banque centrale dans le pays en question.
16
centrales qui ont adopté l‟objectif de stabilité des prix. Ce choix est souvent guidé par les
apports théoriques et empiriques relatifs à ce sujet.
A cet égard, Galbraith (1961)13 avance que l'inflation est à l‟origine du malaise social, menace
la paix sociale et peut provoquer la révolte surtout des populations pauvres et compromettre
ainsi le fonctionnement de l'économie. Cet effet est d'autant plus grave dans les sociétés
incapables de prémunir la population, à revenus faibles et fixes, des effets d‟explosion des
prix. En évoquant l'arbitrage inflation/chômage, Galbraith (1961), finit par reconnaître la
gravité de l‟inflation, malgré les possibles risques de récession et de chômage que peut
provoquer un tel choix.

De son coté, Friedman. M (1968) pense que le syndrome de l‟inflation provient de l‟excès des
dépenses du gouvernement dû à l‟obsession du plein emploi, objectif cher aux keynésiens. Il
conclut que la banque centrale doit plutôt lutter contre l‟inflation et laisser les autres
dispositifs s‟occuper de l‟emploi pour éviter la stagflation et le chômage. Friedman. M (1968)
explique aussi que l‟inflation profite uniquement aux détenteurs d‟actifs dont la valeur
s‟apprécie suite à la hausse anormale des prix.

Dans un article publié en 1923, Keynes14 traite les objectifs possibles de la politique
monétaire, et compare la stabilité des prix et la stabilité des changes. Il raisonne dans le cadre
de l'étalon Or et évoque la préoccupation des pays et de leur banque centrale de la valeur de
leur monnaie. Dans ce régime la banque centrale se chargeait de soutenir et de protéger la
valeur de la monnaie nationale, au détriment de la stabilité des prix intérieurs.
Dans une analyse avec une seule monnaie Keynes (1923)15 conclut que la valeur de cette
devise dépend des prix intérieurs et extérieurs. Et comme les prix extérieurs sont hors de
contrôle, la banque centrale domestique doit se concentrer sur le niveau des prix intérieurs
pour atteindre sa politique de change. Il conclut que le niveau du change profite surtout à ceux
qui dépendent du commerce international, alors que la stabilité des prix profite à tous et
permet d'éviter les maux sociaux liés à l'inflation ou à la déflation.
Se focaliser sur la stabilisation de la production risque d'engendrer de violentes variations de
la production et de l'inflation (Mishkin, 2008). L‟auteur plaide pour la concentration de la

13
Galbraith, (1961), «L'ère de l'opulence», Calmann-Lévy, 1975. (Traduit de l'américain par Andrée R.
PICARD. Titre original « The Affluent society » publié en 1961.
14
Keynes (1923).
15
Idem.
17
politique monétaire sur la stabilité des prix et cibler l‟inflation afin d‟assoir de bonnes bases
pour la stabilisation de la production.
Au même temps, l‟inflation peut tuer la croissance (Goux, 1998)16, car des prix élevés
permettent aux petites entreprises de subsister, ils freinent l‟innovation nécessaire à
l‟amélioration de la productivité et à la baisse des coûts de production.
Ceci étant, d‟autres analyses rapportent que l‟inflation peut favoriser la croissance à travers
les effets de l‟augmentation des revenus nominaux sur la demande, l‟investissement et la
production. Cet effet peut être passager car l‟inflation risque de freiner la consommation des
ménages, une fois que le surplus des prix excède le surplus de revenus.
D‟ailleurs, l‟inflation élevée peut fausser et perturber les décisions d‟investissement et des
placements des investisseurs, car des taux d‟intérêt réels artificiellement très bas, créeraient
une situation d‟incertitude (Goux, 1998).
Une appréciation soutenue des prix participe à la formation de bulles spéculatives, dont
l‟éclatement est toujours redoutable, car la chute des cours provoque systématiquement des
ventes paniques. Le prolongement de ce genre de situation nourrit souvent de graves crises
financières et économiques.
Il ressort de cette analyse que l‟inflation est néfaste pour l‟économie, malgré qu‟un niveau
modéré soit nécessaire pour nourrir la progression de l‟activité économique Keynes (1936).

L‟autre face de l‟instabilité des prix, la déflation, est aussi dangereuse pour l‟activité
économique.

1.2.2.2. La déflation : un désastre ?

Par définition, la déflation se caractérise par un phénomène de baisse généralisée et durale des
prix. Ses effets sont dangereux et peuvent plonger l‟économie dans une récession prolongée.
Une situation de déflation cause une hausse des taux d‟intérêt réels, augmente la charge
financière des emprunteurs et risque de créer des situations de surendettement des ménages et
des entreprises. Ces agents économiques se trouvent obligés de couper dans leur budget et
alimentent au passage la spirale de baisse des prix (Fisher, 1933)17.

16
Goux, (1998), « inflation, désinflation et déflation », Dunod Paris (1998).
17
Fisher, (1933), « The Debt Deflation Theory of Great Depressions», Econometrica, 1(4):337-357.
18
Dans son essai sur la monnaie et l‟économie, Keynes (1931) démontre les risques et les effets
de la baisse des prix18 sur les bilans des agents économiques. Une forte correction des cours
des actifs impacte violemment les bilans des prêteurs. Ces derniers deviennent plus soucieux
et hésitent à financer l‟économie. En outre, la déflation se traduit aussi par la baisse des prix
des actifs, ce qui abaisse la richesse et le patrimoine des agents économiques et les poussent à
revoir à la baisse leur plan de consommation et d‟investissement.
Se basant sur les anticipations et les attentes, les ménages diffèrent leurs achats en attente de
plus de baisse et épargnent même davantage grâce aux taux d‟intérêt réels plus attractifs.
Face à cette baisse de la demande, les entreprises baissent leur production, voire reportent
leurs investissements et leurs programmes d‟embauches. La demande globale finit par se
tasser provocant encore une baisse des prix et aggravant au passage la récession et le
chômage.
En termes d‟effets indésirables, la déflation parait plus dangereuse que l‟inflation. Si, ces
deux situations paraissent favorables à un type d‟agent économique à court terme, à long
terme, tous les acteurs ressentent les effets négatifs et perturbateurs de l‟instabilité et de la
volatilité des prix. C‟est pourquoi, il est utile d‟avoir un niveau de prix acceptable par tous les
intervenants. Cette valeur est difficile à déterminer. D‟où, l‟émergence de la stabilité des
prix, notion convenable pour tout le monde car elle est définie par les autorités compétentes et
respecte les intérêts de tous les agents économiques.

La stabilité des prix est une notion issue de la convergence conceptuelle (Conceptual
Convergence) entre les banques centrales des grands pays développés (Trichet. J. C, 2013).
Concrètement, les prix sont stables dès lors qu‟ils fluctuent à l'intérieur d'un intervalle [-2,+2].
Ce consensus offre plus de clarté, d'assurance et de visibilité aux agents économiques, quant
à la quantification de la stabilité des prix, et permet d‟instaurer un cadre macroéconomique
sein et certain nécessaire à une croissance économique soutenue. A cet effet la tendance est à
l'adoption de la stabilité des prix comme objectif principal par la plupart des banques
centrales.
A titre d‟illustration, la consultation des statuts de plusieurs banques centrales (tableau 1)
suffit pour se rendre compte de l‟importance accordée à la stabilité des prix au niveau des
objectifs de la politique monétaire. Plusieurs banques centrales s‟occupent en même temps de

18
Causée par la baisse de la valeur de la monnaie.
19
la croissance et de l‟emploi (la Fed par exemple). C‟est pourquoi, il est souvent mentionné,
dans les statuts, objectif principal, prioritaire ou mission générale et non objectif unique. Cette
formulation laisse une marge de manœuvre à la banque centrale pour ne pas agir en dehors de
ses prérogatives19.

Tab. 1 : Les objectifs de politique monétaire de quelques banques centrales

Source : Elaboré par l‟auteur sur la base des informations figurant sur les sites officiels des banques centrales
citées.

La présentation de la notion de la politique monétaire permet de mieux aborder l‟étude des


caractéristiques techniques et la stratégie de la politique monétaire.
Compte tenu de la difficulté d‟agir directement sur les objectifs ultimes, la banque centrale
identifie des variables quantifiables en lien direct avec les variables cibles afin de mieux
évaluer et mesurer les effets de la politique monétaire sur ces objectifs.
Pour mieux comprendre ce point nous exposons dans ce qui suit le cadre opérationnel de la
politique monétaire.

19
L‟exemple de la BCE, dont les statuts interdisent certaines opérations qualifiables de soutien aux budgets des
Etats, a pu élaborer un programme d‟intervention conditionné sur les titres publics.
20
1.3. Cadre et mise en œuvre de la politique monétaire

1.3.1. Cadre général de la politique monétaire

Quelle que soit la stratégie de politique monétaire, le statut détermine le mandat de la banque
centrale. Le choix de l‟objectif final peut se faire en concertation avec le gouvernement ou
exclusivement par la banque centrale. Par la suite, l‟institution détermine sa stratégie d‟action
et procède à l‟identification de ses objectifs intermédiaires.
La sélection des instruments est, dans la plupart du temps, du ressort de la banque centrale,
car c‟est elle qui connait mieux les rouages de l‟économie et le degré de transmission de ses
actions aux autres variables de l‟économie. Cependant, une banque centrale non indépendante
se trouve souvent obligée de suivre les recommandations du gouvernement et recourir
davantage à l‟usage d‟un instrument au lieu d‟un autre. A coté de sa mission relevant de la
politique monétaire et pour veiller sur la stabilité du système financier, la banque centrale
supervise, souvent, le système financier et veille sur son bon fonctionnement.
Le statut et le mandat de la banque centrale est donc très déterminant du choix des objectifs
principaux et intermédiaires ainsi que des instruments de la politique monétaire.
Concrètement, ce genre de décisions se fait souvent en concertation entre différentes autorités
monétaires. La figure 1 représente le cadre de politique monétaire.

Fig. 1 : Schéma du cadre opérationnel de la politique monétaire

Source : Elaboré par l'auteur sur la base de l'ensemble de la littérature économique sur la politique monétaire

21
1.3.1.1. Objectifs intermédiaires

Il est d‟usage de transformer les objectifs finaux en objectifs intermédiaires ou indicateurs


avancés pour surmonter l'inexistence de liens directs entre l‟objectif final et les instruments de
politique monétaire. Ce procédé permet à la banque centrale de saisir, dans les plus brefs
délais, l'effet de ses opérations et d'ajuster ses actions en fonction de ses prévisions et des
attentes des agents économiques.
Sur le plan pratique, la banque centrale détermine un objectif intermédiaire comme indicateur
avancé de l'état de son objectif final20. Cette cible intermédiaire doit être quantifiable,
contrôlable et avoir, un lien direct de préférence, avec les objectifs finaux de la politique
monétaire. Cet objectif doit également contenir des informations sur l‟aspect non financier de
l‟économie, être lié et influençable par les instruments de la banque centrale.
Les statistiques sur cette cible intermédiaire doivent être disponibles périodiquement
(Friedman. B. M., (1982)). A travers ces critères, la littérature économique identifie plusieurs
variables susceptibles de remplir le rôle d‟objectifs intermédiaires, comme la masse
monétaire, le taux de change, le crédit, la production.

En se basant sur l‟analyse de l‟histoire économique, Milton Friedman (1968) a constaté qu‟à
chaque fois que la quantité de monnaie augmente, les prix augmentent. Il conclut que
l‟origine de l‟inflation est toujours et partout un accroissement anormal et rapide de la
quantité de monnaie par rapport au volume de production. C‟est pourquoi, il recommande à la
banque centrale de se concentrer sur le contrôle de la quantité de monnaie pour stabiliser les
prix et préparer les bonnes conditions pour le fonctionnement de l‟économie.
En illustration, Friedman. B. M (1982) précise que la Fed a décidé en octobre 1979 de baser
sa politique monétaire sur la surveillance et la régulation du volume de M1 pour atteindre son
objectif pendant la période de forte inflation des années 1979. A cause de l‟instabilité de
l‟agrégat monétaire la Fed retient l‟agrégat le plus stable.
Pour sa part, Mishkin (2008) n‟admet pas l‟utilisation de la base monétaire comme règle
monétaire, mais recommande de la prendre comme variable indicatrice. Ce rôle annonciateur
de l‟intention de la banque centrale en matière de politique monétaire future permet d‟orienter
les anticipations.

20
Par exemple, dans le cadre monétariste, le taux de croissance de la masse monétaire est un objectif
intermédiaire, dont le suivi renseigne sur l‟évolution des prix.
22
Les innovations financières des années 1980 et 1990, la déréglementation et les fluctuations
de changes ont changé la composition des agrégats monétaires. Leur progression devenue
instable a rendu leur usage en tant qu‟objectif intermédiaire de plus en plus difficile (Belongia
et Batten, 1992)21. L‟agrégat monétaire s‟est transformé en variable informationnelle ou
indicateur avancé.
En réaction à cette instabilité, les banques centrales ont dû prolonger le délai temporel de
ciblage de l'évolution de l'agrégat de monnaie à moyen terme.

Dans ce sens, Patrick Artus (1998) affirme que la plupart des banques centrales qui se fixent
la croissance de la masse monétaire comme objectif intermédiaire, l‟ont délaissé à cause des
innovations financières et de l‟instabilité de la demande de monnaie. Il conclut que la règle
basée sur l‟inflation est plus pertinente, car, elle est simple et plus facile à suivre par le public.
Le ciblage d‟inflation rend tout de même les taux d‟intérêt plus volatils contrairement à un
objectif de croissance anticipée de la production. L‟auteur ajoute que si la banque centrale est
sensible à l‟inflation, elle doit retenir un objectif d‟inflation sinon la croissance anticipée de la
production peut être retenue.

En rappelant les critères que doit satisfaire un objectif intermédiaire, Friedman. B. M (1982)
avance que le crédit total peut servir d‟objectif intermédiaire. Outre sa relation stable avec le
revenu, le crédit peut être impacté rapidement par les interventions de la banque centrale que
ce soit par les taux d‟intérêt ou par les quantités de monnaie injectées. Ceci étant, le
développement des marchés financiers, multiplie désormais les sources de financement et fait
perdre au crédit sa capacité à remplir efficacement le rôle d‟objectif intermédiaire.

Dans un autre registre, les petits pays ouverts se fixent souvent un objectif intermédiaire de
taux change. Cette pratique liée à l‟extérieur était préoccupante dans le passé à cause de
l‟instabilité du système de change international. Dans une petite économie ouverte, suivre le

21
Belongia et Batten, (1992), « Selecting an Intermediate Target Variable for Monetary Policy When the Goal is
Price Stability », Fderal Reserve Bank of St. Louis, Research Division, Working Paper 1992-008A.
23
taux de change effectif nominal comme objectif intermédiaire donne de meilleurs résultats sur
la stabilité des prix que n‟importe quel autre objectif (Artis et Currie, 1981)22.
En accord avec cette affirmation, Gaspar et Abreu (1999)23 imaginent une politique monétaire
sous forme d‟une simple équation de taux de change effectif réel. Les auteurs ne finissent pas
de reconnaitre les limites d‟une telle règle à cause d‟une possible intervention d‟autres
facteurs, comme la technologie et la qualité, dans la détermination du taux de change effectif
réel. De même, Davis. R. G., (1990)24 a soulevé le manque de pertinence de ce choix car le
taux de change peut s'avérer moins fiable dans l'annonce de l'inflation sous jacente.

Il ressort de cette analyse qu‟il n‟y a pas de consensus sur le choix d‟un objectif intermédiaire.
La globalisation financière et l'interconnexion croissante des marchés obligent la politique
monétaire à s‟adapter en permanence afin d‟agir plus efficacement.

Plusieurs banques centrales (Canada, Nouvelle Zélande, RU et Finlande) ont tout simplement
abandonné ces objectifs intermédiaires, et ont préféré publier, plutôt, un objectif d'inflation au
lieu de suivre un objectif intermédiaire25. D'autres encore ont choisi le recours à une politique
monétaire combinant plusieurs piliers d‟indicateurs (Artus et Wyplosz, 2002)26.

Une fois que la banque centrale a tranché entre ces différent choix, la manière d‟agir doit être
éclairée. Il s‟agit en fait de décider d‟agir en suivant une règle précise ou d‟adopter une
politique d‟action discrétionnaire. La littérature économique est riche en explication et de
justification de chaque mode opératoire.

22
Artis et Currie, (1981), «Monetary Targets and The Exchange Rate : A case for conditional Targets», Oxford
Economic Papers, New Series, Vol. 33, Supplement: The Money Supply and the Exchange Rate (Jul., 1981), pp.
176-200.
23
Gaspar et Abreu (1999) « Price Stability and Intermediate Targets for Monetary Policy » BANCO DE
Portugal Economics Research Department, WP 1-99.
24
Davis. R. G., (1990), "Intermediate Targets and Indicators for Monetary Policy: An Introduction to the Issues",
FRBNY Quarterly Review/Summer 1990.
25
Brana et Cazals, (2006), «La monnaie », Collection: Les Topos, Dunod, 2006 - 2ème édition - 128 pages.
26
Artuset et Wyplosz, (2002), « La Banque Centrale Européenne », Conseil d‟Analyse Economique, La
Documentation française. Paris 2002.
La BCE par exemple suit toujours M3 mais s‟occupe aussi d'autres indicateurs économiques et financiers pour se
renseigner sur les pressions inflationnistes à court terme (production globale, la demande globale, la politique
budgétaire, marché du capital et marché du travail, indicateurs de prix, coûts, taux de change, balance de
paiement et économie mondiale,...).
24
1.3.1.2. Mode opératoire : règle versus discrétion

La banque centrale dispose de deux stratégies pour mener à bien sa politique monétaire. La
première consiste à annoncer clairement sa méthode d‟action ou ses règles de décision, la
deuxième, au contraire, est basée sur une action discrétionnaire permettant à la banque
centrale de surprendre le marché et éviter l‟anticipation de ses actions.
Arrow (1958) rapporte que Tinbergen (1952)27 penche pour une fonction de réaction qui relie
les instruments de la banque centrale aux autres variables indépendantes mais en tenant
compte des difficultés de fixation des objectifs et des erreurs de prévision. Mais Theil (1956)
évoque les effets des anticipations et du comportement des agents qui finiront par détourner
les décisions de la politique monétaire et annuler ses effets. Il recommande à la banque
centrale de rester réactive et d‟essayer d‟anticiper pour être prête à agir. De plus une banque
centrale nationale ne peut contrôler l'inflation, le chômage ou le PIB de ses partenaires, d'où
la faiblesse de la règle pour la politique monétaire.

L'existence de règles monétaires strictes ne laisse qu'une petite marge de manœuvre aux
banquiers centraux (Flandreau, 2007), alors qu‟ils doivent avoir plus de prérogatives pour
remplir leur mandat.
Dans une économie moins régulée par les interventions de l‟Etat, Friedman. M (1968)
soutient la fixation d‟une règle de croissance de la masse monétaire et son annonce
publiquement.
Kydland et Prescott (1977) comparent l'efficacité de la politique économique selon deux
régimes, la règle (Rules) prédéterminée et le discrétionnaire (discrétion). Les auteurs finissent
par montrer l'efficacité de la règle car la politique monétaire discrétionnaire risque d‟être
rationnellement anticipée par les agents économiques et devenir inefficace.

L‟action discrétionnaire risque de surprendre le marché et provoquer des réactions brutales et


engendrer une volatilité. C‟est pourquoi Barro et Gordon (1982) affirment qu'une politique
monétaire de règles est plus crédible. Cette dernière a été formalisée par Taylor (1993) 28 en
mettant en relation le taux d'intérêt court avec l'inflation et le différentiel de production
(output gap). Cette règle constitue la fonction de réaction de la banque centrale.

27
Arrow (1958) et Theil (1956).
28
Pour plus de detail, voir : Taylor, (1993), « Discretion versus policy rules in practice », Carnegie-Rochester
Conference Series on Public Policy, 39, p. 195-294.
25
Il ressort de la littérature économique que la règle est préférée à l‟action discrétionnaire. La
connaissance du mode opératoire de la banque centrale augmente sa crédibilité et permet
d‟ancrer, à terme, les anticipations des agents économiques sur les décisions de l‟institut
d‟émission. A travers sa stratégie de règle ou de discrétion, la banque centrale mobilise ses
instruments de politique monétaire afin de remplir son mandat.

1.3.2. Cadre opérationnel de la politique monétaire

Les instruments de la politique monétaire constituent la pièce maitresse de l‟action de la


banque centrale. Ils sont nombreux, ils évoluent et s‟adaptent avec la stratégie et le modèle de
référence théorique de la banque centrale.
Le statut d‟une banque centrale, non indépendante vis-à-vis du pouvoir politique, lui dicte le
type d‟instruments à utiliser afin de réaliser un objectif (Blinder 1998). Mais l‟accession des
banques centrales à l‟indépendance leur confère plus de liberté dans le choix de leurs outils
d‟action.
Ceci étant, l‟arbitrage entre les instruments de politique monétaire dépend de l‟évolution et
des changements du système financier ainsi que des fluctuations économiques nationales et
internationales (Cailleteau et Grunspan, 1998). Généralement l'instrument employé peut être
de l'initiative de la banque centrale comme il peut être laissé au libre choix des établissements
de crédit.

1.3.2.1. Les instruments directs

Le refinancement des établissements de crédit auprès de la banque centrale se fait par le


réescompte. Son taux dépend de la volonté et des préférences des dirigeants du pays en
matière de politique économique. D‟ailleurs, la sélectivité du crédit permet d‟orienter les
financements bancaires vers les secteurs jugés prioritaires et stratégiques pour l‟économie
nationale en leur offrant plus de quantité ou des taux bonifiés.

L'encadrement du crédit en vue de contrôler la masse monétaire, était très utilisé à cause de
son effet contraignant et immédiat. Il consiste à freiner et dissuader la distribution massive du
crédit, en sanctionnant chaque dépassement par des dépôts non rémunérés chez la banque
centrale.

26
Généralement, pour freiner, dissuader ou orienter le crédit, la banque centrale pratique un taux
d'intérêt de refinancement trop élevé et peut aussi recourir à la limitation des titres du
collatéral acceptés en contrepartie.
La réserve obligatoire ou monétaire, toujours aussi sollicitée, est considérée comme un
instrument d'action indirect comme les taux d'intérêt, mais elle reste un instrument
réglementaire. Elle affecte la liquidité bancaire et leur pouvoir de création monétaire. Son
usage fréquent se justifie par son efficacité supérieure par rapport à la politique de
manipulation des taux d‟intérêt. Cette préférence est liée à sa capacité d‟agir sur la liquidité,
surtout si les facteurs autonomes de la liquidité sont expansifs.
En créant chez les banques un besoin de recourir au guichet de la banque centrale, la réserve
obligatoire met les banques en situation de "en banque", c'est-à-dire à l‟intérieur du cadre
d‟action de la banque centrale et pas "hors banque". Son taux est, logiquement, plus élevé
dans les pays dont le marché est en surliquidité structurelle.
Malgré son efficacité et son action directe, les banques centrales y recourent de moins en
moins car elle est, tout de même, perçue comme un instrument réglementaire de répression.
Le contrôle des flux de capitaux est aussi un instrument direct et réglementaire, car en
contrôlant les entrées et les sorties de devises, les autorités préservent la parité de la devise
nationale et limite la volatilité des flux de capitaux.

Il est à souligner que les instruments directs et administratifs ont été efficaces dans le contexte
de systèmes financiers peu développés (Cailleteau et Grunspan, 1998). Mais, les limites qu‟ils
présentent peuvent provoquer des déséquilibres dans la distribution du crédit, freiner la
concurrence entre les acteurs financiers et altérer l‟intérêt des agents économiques.
La libéralisation financière et l‟ouverture croissante des économies ont diminué l‟efficacité de
des outils directs (Mckinon et Show (1973)29 et (Taylor, 1974)). Face aux critiques formulées
à l‟égard de ces instruments, les acteurs de la politique monétaire ont orienté,
progressivement, leur préférence vers les instruments dits indirects, de marché et moins
administratifs.

29
Mckinon et Show (1973) sont les deux premiers à avoir parlé de répression financière pour démontrer les
avantages de la libéralisation financière.
27
1.3.2.2. Les instruments indirects ou de marché

Après l'émergence des idées stipulant que la libéralisation financière est susceptible de
promouvoir la croissance et le développement économique, les pouvoirs politiques ont donné
aux autorités monétaires plus de liberté en matière de contrôle monétaire et financier.
Le mouvement de déréglementation, de désintermédiation et de décloisonnement a permis de
libéraliser davantage le système financier et créer des marchés de capitaux liquides, libres et
ouverts à tous les agents économiques (Cailleteau et Grunspan, 1998). Dans ce contexte la
banque centrale a dû adapter ses outils pour mieux influencer les différents compartiments du
système financier. Les instruments de la politique monétaire sont donc devenus directs, de
marché et de plus en plus basés sur les taux d'intérêt.

De nos jours, la politique monétaire est basée, principalement, sur le contrôle du coût de
refinancement (les taux d'intérêt). En pratique la banque centrale cherche à contrôler son
objectif opérationnel, à savoir le niveau des taux d‟intérêt du marché interbancaire ou
monétaire. L'action de la banque centrale est devenue indirecte et s'exerce sur un secteur
bancaire solide, performant et dépendant des concours du prêteur en dernier ressort.
En agissant ainsi sur la liquidité, la banque centrale affecte le taux d‟intérêt du marché à la
baisse ou à la hausse. Cette méthode à l‟initiative de la banque centrale, se fait aux conditions
du marché (taux et quantité d'offre et de demande de monnaie). Pour réussir ces opérations, la
banque centrale a besoin d‟un marché ouvert, grand et liquide.

Les prises en pensions est une technique permettant aux établissements de crédit de se
financer auprès de la banque centrale contre la remise provisoire de titres de garantie. En
pratique la banque centrale lance des appels d'offres réguliers auxquels répondent les banques,
en fonction de leurs besoins et conditions.
Ces opérations de pensions se font à taux variables, mais la banque centrale détermine un taux
maximal ou un taux unique en fonction des demandes formulées et de la situation du marché.
Les pensions se font souvent une fois par semaine alors que l'Open Market, consistant à
acheter ou à vendre des titres, peut se faire quotidiennement, comme c‟est le cas aux USA par
exemple.
D'autres instruments, comme les "facilités permanentes", à taux d‟intérêt plafond, sont à
l'initiative des banques et à taux de refinancement plus élevé, pour obliger les banques à

28
mieux gérer leurs trésoreries. Les facilités de dépôts, à taux d‟intérêt plancher, sont prévues
pour permettre aux banques de déposer leurs liquidités excédentaires auprès de la banque
centrale.
A signaler que la banque centrale peut recourir à l‟utilisation d‟opérations portant sur l‟achat
et la vente de devise.
Le principal taux d‟intérêt auquel la banque centrale accorde des financements aux banques
s'appelle souvent le taux d‟intérêt directeur.
Le plus souvent, la banque centrale suit un taux d‟intérêt du marché monétaire, qu‟elle
qualifie d‟objectif opérationnel, et tente de le maintenir le plus proche possible de son taux
d‟intérêt directeur. Ce taux d‟intérêt cible fluctue habituellement à l‟intérieur de la fourchette
que forment le taux d‟intérêt plafond et plancher des facilités.
Bien sur la détermination des instruments à utiliser dépend largement de la structure de
l‟économie et de son système financier. Ils évoluent tout comme la stratégie et le cadre
référentiel de la politique monétaire.
En s‟inscrivant toujours dans le cadre théorique et en s‟adaptant au contexte et à la
conjoncture économique, la banque centrale a l‟habitude d‟ajuster son mode d‟action à la
conjoncture ainsi qu‟à l‟évolution des pratiques de politique monétaire.
Par exemple, lors des crises financières et économiques, l‟intervention de la banque centrale
est très attendue et presque indispensable. C‟est pourquoi, elle se trouve obligée d‟agir en
force, parfois même en dehors de son mandat, pour réguler et éviter l‟effondrement du
système financier et l‟aggravation de la crise, qui risque de l‟empêcher de remplir son
mandat.
Pour comprendre l‟évolution et l‟adaptation de la politique monétaire à son contexte, nous
exposons les principaux renouveaux de la politique monétaire en lien avec son environnement
monétaire et financier.

1.4. Renouveau et adaptation de la politique monétaire

Au début, la politique monétaire était un outil au service des objectifs de la politique


économique de la nation (carré magique), on y recourait souvent pour soutenir la production
et combattre le chômage. L‟évolution des pratiques, le développement des pensées
économiques et l‟instauration de la démocratie ont accentué le mouvement de détachement
des banques centrales de la pression politique.

29
1.4.1. Indépendance de la Banque centrale

En analysant l‟histoire de politique monétaire et économique des Etats Unis, Friedman, M.


(1968) a avancé que le gouvernement laisse filer l‟inflation pour récupérer plus d‟impôts. Il
considère que l‟inflation est une sorte d‟impôt30. Il plaide donc pour l‟indépendance de la
banque centrale pour empêcher le gouvernement de recourir à la planche à billet
(seigneuriage). Il pense que l‟indépendance protège la banque centrale des manipulations et
des pressions gouvernementales.
En abordant la question de crédibilité et d‟indépendance de la banque centrale, Kydland et
Prescott (1977) recommandent l'application de règles monétaires claires et annoncées pour
assoir l'autonomie de la banque centrale vis-à-vis des pressions extérieures et la tentation des
banquiers centraux.
Dans le même cadre, Blinder (1998), avance que les banques centrales sont longtemps restées
soumises au pouvoir politique qui s'en servait pour atteindre ses objectifs, purement
électoraux parfois. C‟est pourquoi il recommande d‟accorder à la banque centrale plus
d‟autonomie, même si la définition des objectifs se fait en concertation avec les autorités
gouvernementales. L'indépendance de la banque centrale rend difficile le changement de ses
actions par des agents externes31.
Cette mise à l'abri des pressions politiques offre une vision de long terme aux marchés, les
informe régulièrement et leur assure de bonnes bases de certitude et de stabilité pour leurs
décisions (Blinder, 1998). Et de cette manière, elle va ancrer les anticipations des agents sur
ses actions afin d'éviter l'effet surprise et brusque des décisions monétaires. Par exemple,
l‟indépendance de la BCE lui permet de rester loin et à l‟abri des pressions et des tentations
politiques de l‟ensemble des pays de la zone Euro (Artus et Wyplosz, 2002).
Contrairement à ces avis favorables à l‟indépendance de la banque centrale, de nombreux
d‟économistes voient dans l‟autonomie de l‟institut d‟émission un frein à la démocratie, dans
le sens où cela prive les représentants du peuple d‟un moyen d‟action sur l‟économie. La
nature de l'indépendance de la banque centrale européenne est absurde à cause de
l'organisation politique de la zone Euro et de la composition du conseil de la BCE (Aglietta,

30
Il explique qu‟avec l‟inflation, les agents se voient appliquer des taux d‟imposition supérieurs.
31
Sauf le parlement pour des questions de démocratie.
30
2002)32. Pour sa part, Fuhrer (1997) avance que l'indépendance de la banque centrale ne la
rend pas crédible automatiquement.
En analysant la littérature économique, Debelle et Fischer (1994) annoncent que le suivi
d‟une règle monétaire précise rend inutile le renforcement de l‟indépendance de la banque
centrale.
D‟après les enseignements théoriques et empiriques, la question de l'indépendance de la
banque centrale ne se pose pas seulement par rapport au gouvernement, mais aussi vis-à-vis
des marchés. D‟ailleurs, la politique monétaire est continuellement évaluée par les marchés.
L‟avis de ces derniers permet à la banque centrale d‟anticiper et de mesurer l‟impact de son
action et de l‟ajuster si nécessaire (Blinder, (1998). La banque centrale doit être très prudente,
observer et analyser les différents compartiments des marchés pour que son action ne produise
pas de réactions excessives et n‟alimente pas les bulles en formation.

En résumé, malgré l‟absence de consensus à propos de l‟indépendance de la banque centrale,


il y a prise de conscience de ses avantages en contre partie des comptes que la banque centrale
est tenue de rendre. Le renforcement de l‟autonomie donne plus de marge de manœuvre à la
banque centrale et lui permet de concevoir des modes d‟action plus efficaces sur le moyen
long terme. En se concentrant sur la stabilité des prix, elle peut par exemple mener une
politique de ciblage d‟inflation sur un horizon plus long.

1.4.2. Ciblage d'inflation

Après l'accession à l'indépendance, la banque centrale a satisfait une des conditions


indispensables pour adopter le ciblage d'inflation sans être soumise aux recommandations des
politiques, qui souhaiteraient soutenir la production ou œuvrer pour l'emploi à court terme.
La stratégie de ciblage d'inflation constitue une des stratégies de politique monétaire les plus
répondues actuellement. La première expérience a été lancée en Nouvelle Zélande en 199133.
Elle repose sur un principe de fixation d‟un taux d‟inflation cible ou d‟une fourchette de taux
d‟inflation à atteindre sur le moyen ou le long terme (Svensson, 2002). Le taux d'inflation
anticipé représente un objectif intermédiaire qu'il faut atteindre. Ce taux d‟inflation cible est

32
Pour plus de détails, voir : Aglietta, (2002), «La banque centrale européenne », Conseil d'Analyse
Economique, la documentation française, Paris, 2002, page 125.
33
La Nouvelle Zélande, le Canada, le Royaume-Uni, la Turquie, la Corée du Sud, le Brésil et d‟autres pays ont
déjà appliqué ce régime (Scott Roger, 2010).
31
annoncé par la banque centrale34, qui dispose logiquement, de tout le pouvoir pour remplir
son mandat. En contrepartie, elle doit assumer, expliquer et justifier les résultats obtenus.
En termes d'horizon, Mishkin et Schmidt-Hebbel (2001) déconseillent la fixation d'un horizon
d'un an, en donnant l'exemple de la Nouvelle Zélande en 1995, qui a rencontré un problème
de crédibilité quant à sa compétence à atteindre l‟objectif d‟inflation cible en un an. De plus,
l‟horizon d'un an risque de provoquer une instabilité de l‟action de la banque centrale à cause
de la fréquence des interventions. Se fixer plutôt un horizon de moyen terme, de deux à trois
ans, semble plus tenable (Scott, 2010).
Pendant cette période, la banque centrale doit suivre une politique de communication
régulière afin de mieux informer le public (Woodford, 2005).

Ceci étant, quelle que soit sa stratégie de politique monétaire, la banque centrale, modifie et
adapte son mode d‟action pour apporter des réponses appropriées et en ligne avec le contexte
économique et financier.
L‟action des grandes banques centrales lors des précédentes crises et plus particulièrement
lors de la crise des Subprimes de 2007 et l‟endettement public de 2010, dévoile l‟attitude
novatrice de ces institutions en matière d‟application de politiques non conventionnelles afin
d‟apporter les meilleures réponses aux problèmes monétaires, financiers et réels. Elles sont
devenues formellement l‟acteur central sur tous les marchés.

1.4.3. Politique monétaire non conventionnelle

Les banques centrales se sont montrées très réactives face aux différentes crises financières de
l‟histoire. Elles interviennent au nom du principe de la stabilité macroéconomique, la
préservation de la stabilité financière et le maintien de la confiance sur les marchés
monétaires. Le plus souvent la banque centrale se transforme en ultime prêteur. C'est-à-dire
en prêteur en dernier ressort, en assouplissant ses conditions de financement et en fournissant
au système bancaire toutes les liquidités dont il a besoin pour fonctionner.
Plus récemment, les effets de la crise des « Subprimes » en 2007 et de celle de l'endettement
des Etats de la zone Euro en 2010 (PIGS: Portugal, Irlande, Grèce and Spain) se sont
propagés dans le monde entier et ont provoqué un climat de défiance et de manque de
liquidité à cause de la paralysie des marchés interbancaires et financiers.

34
Ce taux est fixé dans la plupart du temps par la banque centrale en concertation avec le ministère de tutelle.
32
Face à cette situation, les grandes banques centrales du monde 35 sont intervenues
massivement pour fournir toutes les liquidités nécessaires aux marchés. La réaction de ces
institutions a été très agressive et a consisté à appliquer des politiques monétaires ultra
accommodantes, non conventionnelles36 et concertées (Clerc et al, 2010).
Comme le leur dicte la stratégie, elles ont procédé dans un premier temps, par l'abaissement
de leur taux directeur à des niveaux quasi nuls37 (Shiratsuka, 2010), et (Eggertsson et
Woodford, 2003).
Cette situation a imposé, par exemple à la Fed, une contrainte supplémentaire en lui
interdisant de baisser davantage son taux directeur à des niveaux négatifs pour lutter contre
les risques déflationnistes (Eggertsson et Woodford, 2003 ; Mésonnier, 2009). En
conséquence, l‟institution a été obligée d‟appliquer une politique monétaire non
conventionnelle consistant à injecter d'énormes quantités de liquidités38 malgré le risque de
gonflement de son bilan.
Connue sous le nom de Quantitative Easing" (QE)39, l‟opération porte sur le rachat massif
d‟actifs aussi longtemps que nécessaire afin que les taux d'intérêt de long terme restent bas
(Eggertsson et Woodford, 2003 ; Bernanke et al, 2004 ; Lyonnet et Werner, 2012). Ces
mêmes auteurs plaident pour l‟assouplissement des exigences en termes des actifs acceptés
par la banque centrale lors des opérations de refinancement40.

Ces actions non conventionnelles visent tout d‟abord à orienter les anticipations des agents
économiques et instaurer la confiance dans le système financier mondial. Puis à assainir les
bilans des banques, les encourager à distribuer du crédit et maintenir les taux des dettes
souveraines à un taux d‟intérêt raisonnables, et dissuader au passage la spéculation qui a porté
sur la dette des pays les plus fragiles41.

35
BCE, FED, Banque d'Angleterre, Banque du Japon et Banque de Chine.
36
Opération LTRO (Long Terme Refinancing Operations) de la BCE, le QE (Quantitative easing) et les
opérations Twist de la Fed, visant à réduire les taux longs de la dette fédérale. Pour plus d'informations sur le
programme Twist de la Fed, voir le site http://www.federalreserve.gov/faqs/money_15070.htm.
37
La banque d'Angleterre a baissé son taux directeur de 5% au début de 2008 à 0,5% en mars 2009 (Lyonnet et
Werner (2012).
38
QE1 en 2010 de 1,55 Trillion de Dollar, QE2 en 2011 de 680 Milliards de Dollar et en 80 Mrds de USD
d‟achats d‟actifs par mois depuis 2012 pour le QE3.
39
L'origine du terme QE remonte à l'appellation donnée par la Banque du Japon en 2001 à sa politique
monétaire contre la déflation (Lyonnet, et Werner (2012)).
40
Pour la BCE, voir le site web : http://www.ecb.europa.eu/ecb/educational/facts/monpol/html/mp_014.fr.html
41
Par exemple, la BCE a mis en place un pare-feu (OMT) opérations sur le marché secondaire des obligations
souveraines des Etats en difficulté. Pour plus d'informations se référer au site officiel de la BCE
http://www.ecb.europa.eu/ecb/educational/facts/monpol/html/mp_014.fr.html
33
En résumé, les grandes banques centrales internationales ont mené des politiques monétaires
non conventionnelles. Elles se sont livrées à des interventions urgentes afin d'alimenter le
marché en liquidités42 nécessaires pour préserver le système financier, garder les taux
d‟intérêt à des niveaux acceptables et permettre aux banques de continuer à financer
l‟économie.
Naturellement, les banques centrales ont agit dans le cadre de leurs prérogatives, car
l‟aggravation d‟une crise financière peut se transformer en récession et corrompre la stabilité
des prix par la déflation. A titre d'illustration, le bilan de la Fed est passé de 1000 Mrds de
Dollars depuis le début de la crise des "Subprimes" à 4000 Mrds de Dollars fin 2013. Pour sa
part, la BCE était obligée d'intervenir malgré son statut lui interdisant d'intervenir directement
pour sauver un Etat43. Face à la gravité de la crise et les pressions implicites des
gouvernements et les risques d'implosion de la zone monétaire, la BCE a fini par inventer un
dispositif, Outright Monetary Transactions (OMT), prévoyant d'intervenir sur le marché
secondaire et d‟acheter les bons de trésor d'un Etat à condition que ce dernier en fasse la
demande et se soumette à la tutelle des instituions européennes dont la BCE.
De plus, la BCE a lancé deux opération LTRO et a injecté dans le système bancaire près de
1000 Mrds d‟€ à 1% en deux fois, remboursables sur trois ans. Les autres grandes banques
centrales ont continué à inonder les marchés en liquidités nécessaires à la réinstauration de la
confiance et le fonctionnement normal des marchés. Ces énormes quantités de liquidités ont
permis aux banques d'assainir leurs bilans et de continuer à financer l'économie. Cependant,
quelques économistes mettent en garde contre les effets négatifs de ce genre de politique
monétaire ultra accommodante.
A cet égard, Artus et Virard (2010) s‟interrogent sur les conséquences des politiques
monétaires expansionnistes menées depuis le déclenchement de la crise financière des
subprimes, par les grandes banques centrales (Fed, BCE et Banque d‟Angleterre,
notamment) : « La taille de la liquidité mondiale est devenue telle que si elle est utilisée à
nouveau pour acheter un actif risqué, le prix de celui-ci augmentera en effet de manière
considérable. L’explosion des bulles qui se formeront alors pourrait bien, elle, conduire à la
déflation durable (voir figure 2.2), d’autant que l’excès de liquidité décorrèle de plus en plus
les marchés financiers de l’économie réelle » (pages 46-47). Selon les mêmes auteurs, la

42
De Bandt et Pfister (2004).
43
Les allemands critiquent le programme d‟achat de titres publics voté par la BCE, car ils le considèrent comme
non compatible avec le traité de Maastricht qui interdit formellement à la BCE de financer directement les Etats.
34
disponibilité de la liquidité provoque la sur-appréciation des cours des actifs et une
déconnection avec la sphère réelle. Cette situation, ressemblant à une mise sous perfusion des
marchés, inquiète les économistes qui redoutent les effets du retour à la politique monétaire
conventionnelle, c'est-à-dire le ralentissement du rythme ou l‟arrêt des programmes
d‟injection de liquidités sur les marchés. En réponse à ces inquiétudes, les autorités
monétaires prévoient un arrêt progressif et mènent une politique de communication active afin
de mieux préparer les marchés aux annonces futures. Ces actions non conventionnelles ont
certes sauvé de l‟effondrement le système financier mondial, mais les critiques portent sur
l‟explosion des tailles des bilans des banques centrales.

Il est bien établit que la stratégie et le mode d‟action de la banque centrale dépendent de son
référentiel théorique et du contexte économique et financier. Pourtant, l‟efficacité de ce genre
de politiques monétaires reste au centre des interrogations, car leur réussite est conditionnée
d‟abord par leur transmission aux variables cibles. La transmission de la politique monétaire
suscite énormément d‟intérêt et reste au centre des préoccupations des banquiers centraux, car
un possible dysfonctionnement ou un faible acheminement de l‟action de la banque centrale
remettrait en cause toute la politique et compromettrait la réalisation des objectifs.

Dans le cadre de la politique monétaire, la banque centrale définit son objectif final puis
essaie d‟identifier un ou plusieurs objectifs intermédiaires ou indicateurs avancés de l‟état de
l‟objectif final. Par la suite, la politique monétaire porte sur le maniement des instruments
nécessaires à l‟influence des différentes variables monétaires, financières et réelles. Cette
hiérarchisation de l‟action de la banque centrale annonce implicitement que la transmission de
la politique monétaire se fait en deux principales phases. La première de l‟action de la banque
centrale aux variables monétaires et financières tandis que la deuxième lie ces variables du
système financier aux variables réelles. A noter que certaines variables monétaires et
financières symbolisent les canaux de transmission de la politique monétaire.

Pour présenter la transmission de la politique monétaire, le point suivant est consacré à


l‟exposé des canaux de transmission de la politique monétaire dans ses différents aspects,
théorique et empirique. Cet exercice qui permet de mieux comprendre l‟acheminement de
l‟action de la banque centrale est indispensable à l‟évaluation de la transmission de la
politique monétaire aux différentes variables monétaires, financières et réelles.

35
2. Transmission de la politique monétaire : littérature théorique et empirique

2.1. Notion de transmission et d’efficacité de la politique monétaire

L'émergence de la théorie de la politique monétaire et sa sacralisation dans le cadre des


politiques économiques intensifient les débats sur son opérationnalité et, surtout, son
efficacité. Celle-ci est au cœur même des débats et des critiques mutuelles entre différents
courants de pensées.
Les héritiers des classiques et des néoclassiques reprochent aux keynésiens d‟admettre
l‟efficacité d‟une politique monétaire se fixant la croissance et l‟emploi comme objectifs. Ces
monétaristes avancent qu‟en influençant les décisions des agents économiques, les
anticipations limitent la transmission de la politique monétaire et réduisent nettement son
efficacité.
Les développements théoriques et empiriques révèlent une distinction entre la transmission et
l‟efficacité de la politique monétaire.
La transmission renseigne sur le degré (ampleur et délai) de transfert de la politique monétaire
aux variables intermédiaires et cibles. L'efficacité de la politique monétaire sous-entend la
capacité de la banque centrale à atteindre les objectifs escomptés. Elle conditionne une
transmission parfaite et totale de la politique monétaire, chose quasi impossible à atteindre à
cause de la divergence des intérêts des acteurs économiques. Malgré cela, nous pouvons nous
interroger sur la dépendance de l‟efficacité du pays et de son contexte politique et
économique. C'est pourquoi il nous parait plus judicieux de parler plutôt de transmission de la
politique monétaire. Car une étude empirique par exemple nous permettra de nous prononcer
sur le degré de transmission de la politique monétaire à la fois à court et à long terme.
Théoriquement, les mesures de la banque centrale passent par plusieurs étapes avant
d'influencer les variables intermédiaires et cibles, ce qui atteste de l'utilité de raisonner en
termes de transmission.
La politique monétaire a une spécificité afférente à son effet indirect sur les objectifs, d‟où
l‟intérêt de raisonner en termes de mécanisme de transmission. Celui-ci représente
l'enchainement de réactions des acteurs économiques suite à une action de la banque centrale.
Il se manifeste à travers le transfert de l'action de la banque centrale vers les variables cibles,
en passant par différentes variables monétaires et financières.
La littérature économique énumère une multitude de canaux de transmission de la politique
monétaire. Selon Mishkin (1996), l‟action de la banque centrale est supposée être véhiculée
36
via plusieurs types de canaux de transmission. Le canal des taux d‟intérêt est qualifié de
traditionnel, celui du crédit vient quant à lui au deuxième rang. Le canal des prix des actifs et
le canal des anticipations, ou effets d'annonces, complètent la structure des courroies de
transmission.
Dans l‟objectif de traiter la transmission de la politique monétaire au Maroc, il est
indispensable de procéder à une présentation de l‟aspect théorique de chaque canal tout en le
rapprochant des études empiriques ayant tenté de valider et d‟évaluer l‟opérationnalité des
canaux de transmission. Cet exercice permet de mieux saisir la manière par laquelle transite
l‟action de la banque centrale pour exercer des effets sur plusieurs variables monétaires et
financières avant de produire un effet final sur les variables cibles de la politique monétaire.
L‟exposé des enseignements théoriques et leur confrontation aux résultats des études
empiriques constituent une base référentielle pour la conception de l‟étude empirique de la
transmission de la politique monétaire au Maroc.

2.2. Volet théorique et empirique des canaux de transmission

La littérature économique des canaux de transmission de la politique monétaire est très riche.
De nombreuses études empiriques ont tenté de vérifier les enseignements théoriques. Pour se
pencher sur ce point, nous avons jugé plus opportun de dresser le cadre théorique et empirique
pour chaque canal, en adoptant une logique chronologique et hiérarchique dans le classement
des différents canaux. Cette disposition permet d‟éclairer le mode opératoire, l'utilité et les
limites de chaque canal. Concrètement, nous présentons successivement le canal des taux
d‟intérêt, le canal du crédit, le canal des prix des actifs pour finir par le canal des effets
d‟annonces.

2.2.1. Canal du taux d’intérêt

2.2.1.1. Fondements théoriques

Les premières constructions théoriques du canal du taux d‟intérêt remontent aux analyses de
Keynes (1936) sur l‟acheminement de l‟action de politique monétaire via les taux d‟intérêt.
Le chef de file du courant keynésien précise que le taux d‟intérêt est déterminé dans la sphère
monétaire et agit sur les autres marchés de l‟économie. Il avance qu‟il n‟y a pas de
dichotomie entre la sphère monétaire et réelle. Et en raisonnant en termes de préférence pour

37
la liquidité, Keynes (1936) établit un lien négatif entre les taux d'intérêt et le cours des
obligations.
Concrètement, des taux d'intérêt trop bas appuient la préférence des acteurs économiques pour
la liquidité, augmentant donc la demande de monnaie qui dépend, entre autres, des
anticipations et de la confiance dans l'avenir. En contrepartie, le degré d'inquiétude des agents
économiques détermine le taux d‟intérêt et influence l'investissement, dont la décision
dépend, à la fois, du coût de financement et de la rentabilité. A ce sujet, Keynes (1936)
raisonne en fonction de l'efficacité marginale du capital et avance que tant que les taux
d'intérêt restent inférieurs à l'efficacité marginale du capital, l'investissement va continuer à
augmenter.
S‟agissant du lien entre la masse monétaire et le niveau des taux d‟intérêt, Keynes (1936)
émet des doutes quant à l‟effet mécanique de l‟augmentation de la quantité de monnaie sur le
niveau des taux d‟intérêt. Pour justifier sa position, il insiste sur le rôle de l'incertitude sur la
conjoncture économique et la qualité de l‟information de chaque agent économique, dans le
renforcement du comportement rationnel et de la prudence.

La propension à consommer et à épargner des ménages est plus liée au revenu qu‟aux taux
d‟intérêt juge Keynes (1936). Grâce à son analyse, Keynes (1936) a pu démontrer qu‟à travers
les taux d‟intérêt, la monnaie produit, indirectement, des effets sur la sphère monétaire,
financière et réelle. Il conclut que le lien entre la politique monétaire et la sphère réelle est
bien établi et transite par les taux d‟intérêt. Sa vision annonce que les taux d'intérêt sont au
centre du mode opératoire de la politique économique, en général, et de la politique
monétaire, en particulier.
En réalité, l‟action de la banque centrale influence les taux d‟intérêt qui déterminent le
comportement des agents économiques et la trajectoire des variables cibles.
Force est signaler que Keynes (1936) insiste aussi sur le degré de corrélation entre la politique
monétaire et le niveau des taux d‟intérêt. L‟auteur conclut que ces derniers dépendent de
plusieurs facteurs, dont la conjoncture économique est l‟élément central.

Inspiré de l‟analyse keynésienne, Hicks (1937) a développé le modèle IS-LM qui représente le
marché des biens (IS) et le marché de la monnaie (LM). Cette construction stipule que
l‟arbitrage entre les titres impacte le niveau des taux d'intérêt et produit des effets sur le
marché des biens. Dans ce modèle, la détente des taux d'intérêt fait baisser le coût du capital
38
et encourage, au passage, l'investissement des entreprises. Le surplus de production qui en
résulte soutient la consommation et participe à la réalisation de l'équilibre macroéconomique.
En reprenant la conception keynésienne, Hicks (1937) affirme que le niveau du taux d‟intérêt
est un facteur déterminant des opérations financières, d‟emprunt ou de placement, des
ménages.
L‟ensemble de ces analyses confirme que les ménages ajustent leur propension à épargner et à
consommer en fonction du niveau des taux d'intérêt, de leur revenu et de leurs anticipations.
La dépendance des taux d‟intérêt de la liquidité permet donc à la politique monétaire
d‟exercer des effets sur les décisions des agents économiques en agissant sur l‟offre de
monnaie.
Sans être totalement d‟accord avec Keynes (1936), Milton Friedman (1956) mène une
analyse avec quatre actifs et considère que la monnaie n‟est pas une forme de détention de la
richesse. Cette dernière peut contenir des obligations, des actions, des biens physiques et du
capital humain. La richesse totale n‟est donc que la somme de tous ces actifs. Les préférences
d‟un agent dépendent alors forcément de la composition de sa richesse totale, des prix, du
rendement de la monnaie, de ses goûts et de ses préférences.
Le chef de fil de l‟école monétariste affirme que l‟effet que produirait la politique monétaire
sur l‟économie réelle, via les taux d‟intérêt, passe par le canal des taux d‟intérêt, même s‟il
admet que l‟impact ne peut pas être complet, car d‟autres facteurs influencent le
comportement des agents économiques.
Dans le même raisonnement, les acteurs économiques font leur choix entre placement et
encaisses liquides en fonction des taux d'intérêt et du coût des transactions (Baumol, 1952)44.
Ainsi dans le cas de coûts élevés, les agents renoncent aux transactions et préfèrent disposer
de liquidités. Cette situation dépend beaucoup du degré de développement du système
financier et de l'état de la concurrence en son sein. De la sorte, un marché financier développé
et caractérisé par suffisamment de concurrence entre les opérateurs financiers doit avoir
normalement des coûts de transactions moins contraignants pour les agents économiques.
En intégrant le principe de choix inter-temporel, Ando et Modigliani (1963) élaborent le
modèle de cycle de vie, dans lequel ils expliquent que la propension moyenne à consommer
est en corrélation négative avec le revenu. Les deux auteurs soutiennent que l‟âge d‟accès au

44
Pour plus de details, se référer à: Baumol, (1952), « The Transactions Demand for Cash: An inventory
Theoritic Approach», Quartly Journal of Economics 66(4), 545-556.
39
travail et l‟évolution du revenu jouent un rôle très important dans le comportement de
consommation et d‟épargne des ménages.
En s'interrogeant sur le lien mécanique entre l‟augmentation de l‟offre de la monnaie et la
baisse des taux d‟intérêt, Bottomley (1966) avance qu'en plus de la récompense à la
renonciation à la liquidité, les frais d‟administration et les effets du monopole sont aussi
importants pour déterminer le taux d‟intérêt dans les pays du tiers monde. L‟auteur conclut
que le taux d‟intérêt interbancaire peut donc être déterminé par d‟autres facteurs extérieurs à
l‟action de politique monétaire.
Malgré l‟absence de consensus sur le mode de fonctionnement du canal des taux d‟intérêt, il
est évident qu‟il permet à la politique monétaire d‟influencer les décisions de consommation
et d'épargne des acteurs économiques, en général, et des ménages en particulier.

A ce stade, il est clair que le rôle de cette voie de transmission est bien établi, même si l‟effet
final sur la sphère réelle dépend également d‟autres facteurs comme le revenu, la
configuration du système financier et le goût de l'agent économique.
En période de tensions inflationnistes, la banque centrale doit augmenter ses taux d‟intérêt
afin de diminuer le crédit, les dépenses monétaires et provoquer au final un ralentissement de
la production et une baisse des prix (Galbraith, 1961). L‟auteur admet l‟opérationnalité du
canal des taux d‟intérêt même s‟il pointe la faiblesse de sa transmission dans un contexte
économique anormal. Il appuie ce propos en rappelant que dans un contexte d'euphorie
financière, les taux d‟intérêt élevés n'ont pas permis de freiner la vague de spéculation
précédent la crise des années 1929.
Galbraith (1961) a constaté également que les taux d‟intérêt bas n'ont pas permis non plus de
sortir de la grande crise de 1929.
Ce constat est vérifié à nos jours, car depuis le déclenchement de la crise des Subprimes et
malgré les programmes d‟assouplissement monétaire, la politique monétaire ne se transmet
pas complètement au secteur réel. Des réticences des agents financiers sont toujours présentes
à cause de l‟incertitude qui s‟est installée sur les marchés. La complexité de ces derniers se
traduit par la multiplicité des compartiments, ce qui justifie l‟existence d‟un grand nombre de
taux d‟intérêt dont la dépendance est liée à la durée, à l‟objet et à la nature de l‟emprunteur.

En pratique, il ressort que les banques intègrent en continu leur coût de refinancement dans
les taux d‟intérêt qu‟elles facturent. A signaler que les taux d‟intérêt appliqués aux clients
40
tiennent compte aussi de la situation de liquidité du marché et du comportement des
concurrents45.
Ainsi, selon le principe de transformation des échéances, la politique monétaire transite via le
canal du taux d‟intérêt pour affecter les autres variables de l‟économie.
La relation entre les différents types de taux d‟intérêt est appréhendée à travers ce qu‟on
appelle la courbe des taux46. Elle reflète la tendance générale de l‟évolution des taux de court
et de long terme. Sa pente et son niveau permettent la diffusion des taux d‟intérêt de la
politique monétaire à l‟économie. Les taux longs sont une moyenne des taux courts, c'est-à-
dire une accumulation de la conjoncture actuelle et son renvoi dans le futur. La différence
entre les taux longs et courts représente la prime de risque qui récompense l‟incertitude des
anticipations quant au niveau futur des taux courts47.
Face à cette configuration, les banques se considèrent exposées, en permanence, au risque de
déformation de la courbe des taux, car les variations de ces derniers affectent différemment
son actif et son passif48.
Compte tenu de la connexion entre les taux courts et les taux longs, nous concluons que
l‟impact de la politique monétaire, passant par le canal du taux d‟intérêt, transite par le niveau
de celui-ci à moyen long terme pour impacter l‟évolution des autres variables monétaires,
financières et réelles49. L‟intensité de la transmission dépend de l‟effet final des taux courts
sur la sphère réelle, que cela transite ou non par les taux longs50.

Il est clair, qu‟au terme de cette présentation théorique, le canal traditionnel des taux d‟intérêt
doit son existence à sa capacité à influencer le coût du capital et les conditions d‟emprunt et
de placement.
La formalisation de ce cadre théorique montre qu‟une expansion monétaire abaisse les taux
d‟intérêt et réduit le coût du capital (Mishkin, 1996). Cette situation favorise les dépenses

45
Clinton et Howard, (1996), « Le mécanisme de transmission de la politique monétaire au Canada, des mesures
prises par la banque centrale aux taux d‟intérêt administrés », Banque de France, Focus, N° 4, 23 avril 2009.
46
Idem.
47
Idem.
48
English, (2002), « Risque de taux d‟intérêt et marges d‟intérêt nettes des banques » page 2, Rapport trimestriel
BRI, décembre 2002 (page 2).
49
Bates, (2006), « Effectivité des canaux de transmission de la politique monétaire » Thèse pour obtenir le grade
de Docteur en sciences économiques, Universités des Antilles et de la Guyane, UFR de Droit et de Sciences
Economiques, Décembre 2006.
50
Il est possible que les taux courts affectent directement la sphère réelle sans transiter par les taux longs. C‟est
le cas de la transmission par les anticipations et les effets d‟annonces que nous exposerons par la suite.
41
d‟investissement et entraine par ricochet une augmentation de la production et de la demande
globale.
En résumé, l‟ensemble de ces apports affirme que l‟effet final du canal des taux d‟intérêt, sur
le comportement des agents économiques, dépend de la nature de ces mêmes agents, de leurs
habitudes, du type et de l‟évolution des taux d‟intérêt auxquels ils s‟intéressent. La prise en
considération du profil de l‟agent économique, de l‟ampleur et la nature de l‟effet permet de
distinguer trois types d‟impact possibles de l‟évolution des taux d‟intérêt. Il s‟agit de l‟effet
revenu, de l‟effet substitution et de l‟effet richesse. Ces effets sont exposés ci-dessous dans le
cadre d‟une politique monétaire restrictive sous forme de relèvement des taux d‟intérêt.
- L‟effet revenu : suite à une hausse du taux d‟intérêt, les effets vont être contraires
selon que l‟agent est créditeur ou débiteur. Pour le créditeur, l‟épargne sera mieux rémunérée.
Il sera alors plus riche et pourra revoir à la hausse ses dépenses de consommation. Le
débiteur, quant à lui, supportera des frais supplémentaires sur sa dette et se sentira moins
riche. Mais force est de signaler que cet effet est plus important dans les économies où les
ménages sont plus endettés, notamment à taux variables ou révisables.
- L‟effet de substitution : c‟est le cas où les ménages font un arbitrage entre
consommation et épargne, en fonction du niveau et de l‟évolution des taux d‟intérêt. Ainsi,
une hausse des taux d‟intérêt réels fait augmenter le rendement des placements et incite les
ménages à augmenter leur épargne et à diminuer leur consommation. Ce choix produit un
effet restrictif sur la demande globale.
- L‟effet de richesse : lorsque le taux d‟intérêt augmente, le cours de certains actifs
financiers baisse (obligation, action,…), réduisant au passage le patrimoine de l‟agent
économique, qui se trouve contraint de réviser sa consommation à la baisse51.

Il est à noter que l‟effet richesse joue dans le sens inverse de l‟effet revenu, et par conséquent,
l‟effet final sur l‟économie va dépendre de la supériorité d‟un effet par rapport à l‟autre.

Il ressort des travaux théoriques qu‟il n y a pas de consensus sur le mode opératoire du canal
des taux d‟intérêt. En revanche, il est admis qu‟il joue un rôle de premier plan dans la
transmission de la politique monétaire et que son effet est tributaire de la conjoncture
économique et de la nature des agents affectés.

51
L‟effet final dépend bien sûr du niveau de la richesse et de la diversification du patrimoine de l‟agent.
42
Pour mettre davantage de lumière sur le fonctionnement de ce canal, nous présentons dans ce
qui suit un point sur les études empiriques qui ont tenté d‟évaluer et de vérifier les
enseignements théoriques.

2.2.1.2. Volet empirique

Depuis les premiers travaux sur la transmission de la politique monétaire, le canal du taux
d‟intérêt a toujours été considéré dominant. Sa portée empirique a été la plus examinée parmi
les autres canaux de transmission. Son effet a été abordé selon plusieurs méthodologies visant
l‟évaluation de la transmission de la politique monétaire aux variables monétaires, financières
et réelles.
Motivé par la volonté d‟étudier l‟incidence de la politique monétaire sur les effets de
substitution, de richesse et de revenu, Mojon (2001) a préféré se limiter à l‟étude de la
transmission des taux d‟intérêt directeurs de la banque centrale aux taux bancaires52. Les
résultats de ses régressions53 montrent que les taux d‟intérêt débiteurs réagissent en général
plus rapidement que les taux créditeurs. Il ajoute que la structure des marchés bancaires a un
impact sur la fixation des taux d‟intérêt bancaires. C‟est pourquoi, il recommande de prendre
en compte la configuration des marchés lors de l‟évaluation de l‟impact de la politique
monétaire sur les conditions de placement et de financement.
Dans la même logique, Rautureau (2001) a construit un modèle avec des anticipations
rationnelles pour mettre en évidence l‟influence qu‟exerce la FED sur la dynamique des taux
d‟intérêt de long terme. Il a pu démontrer que les individus surveillent le niveau des taux
d‟intérêt courts, le niveau de l‟activité et celui de l‟inflation pour anticiper le taux d‟inflation
de long terme. Ceci signifie que la banque centrale agit sur les taux courts pour affecter le
niveau du coût financier des différents compartiments de crédit54.

En période de pénurie de liquidité, les banques ont tendance à répercuter plus les décisions de
la banque centrale dans les conditions qu‟elles appliquent à leurs clients. Le taux d‟intérêt
devient moins rigide à la hausse, surtout. Seulement, le degré de répercussion dépend de la

52
L‟auteur a examiné aussi le rôle de la structure du bilan du secteur privé non financier dans la transmission,
mais on se limite ici au canal des taux d‟intérêt.
53
Les régressions ont été réalisées sur les données d‟un panel comprenant les pays suivants : Belgique,
Allemagne, Espagne, France et Italie.
54
Les taux d‟intérêt des bons du trésor sont concernés aussi.
43
taille des banques, du niveau de leur fonds propres, de la conjoncture économique et de la
confiance ou la méfiance (Kahn et Wagner, 2010).
En principe, l‟accessibilité du système financier peut influencer la transmission des
impulsions de la politique monétaire via le canal des taux d‟intérêt. Ainsi, la part des agents
économiques non financiers (AENF) ayant un accès limité au système financier est
déterminante de l‟intensité des réactions des variables économiques aux actions de la banque
centrale. De plus, le comportement de ces acteurs est forcément dépendant d‟autres facteurs
en dehors des taux d‟intérêt, comme la qualité de l‟information.

Eu égard aux enseignements de la courbe des taux, il est courant d‟apprécier l‟effet passant
par le canal du taux d‟intérêt en étudiant la relation entre le taux d‟intérêt de la politique
monétaire et les taux d‟intérêt débiteurs et créditeurs. Cette manière de faire donne la
possibilité de découvrir la technique de répercussion, par les banques, des décisions de
politique monétaire dans les conditions appliquées aux autres agents économiques.

Plusieurs études visent l‟analyse des mécanismes de transmission du taux d‟intérêt de la


politique monétaire aux taux débiteurs des banques. Un certain consensus ressort quant à
l‟utilisation du taux du marché monétaire ou du taux directeur comme taux d‟intérêt de la
politique monétaire. Les études qui ont traité le pass-throug entre le taux de la politique
monétaire et les taux d‟intérêt bancaires ont utilisé des données agrégées par pays. Mais
l‟hétérogénéité des données individuelles a poussé plusieurs auteurs à mener des études sur
données désagrégées55. Les résultats obtenus diffèrent selon la période d‟étude, le caractère
agrégé ou non des données et le pays étudié.

Les principaux résultats des études menées à ce sujet montrent que le degré de transmission
est généralement plus intense et plus proche de l‟unité à long terme qu‟à court terme sur tous
les types des taux d‟intérêt étudiés.

La transmission de long terme est égale ou proche de l‟unité pour les crédits immobiliers56.
Aussi, le passage à l‟union monétaire européenne a réduit l‟intensité de la transmission ainsi
que le pouvoir de marché des banques (Coffinet 2005 ; Donnay et Degryse 2001).

55
De la Serre et al, (2008) ; Wicky (2008).
56
(Hoffmann 2000 ; Mojon 2000 ; De Bondt 2002).

44
Outre ces études, Wicky (2008) a démontré l‟existence d‟une relation d‟équilibre de long
terme entre les taux débiteurs et les taux du marché monétaire.
D‟ailleurs, selon l‟approche du « Cost of Fund » les taux d‟intérêt appliqués par les banques
sont significativement liés au coût de leur refinancement (De la Serre et al, 2008). D‟autres
auteurs considèrent que la transmission de la politique monétaire aux taux bancaires dépend
également de la taille, de la liquidité et du niveau des fonds propres des banques (De la Serre
et al, (2008)).
De son coté, Gambacorta (2004) a confirmé que le niveau élevé des capitaux propres
constitue un des facteurs favorisant une relative inertie à l‟ajustement des taux d‟intérêt
bancaires. La taille des banques joue positivement sur leur réactivité à une variation des taux
de marché (De la Serre et al, 2008). Il existe selon ces mêmes auteurs, une forte hétérogénéité
dans les comportements de fixation des taux débiteurs entre les banques en fonction du
compartiment de marché de crédit.
Ces dernières variables, et bien d‟autres (part des dépôts dans les ressources des banques,
importance du marché boursier, concentration du système bancaire), ont été avancées dans la
plupart du temps comme des facteurs qui influencent le comportement des banques en matière
de détermination des taux d‟intérêt débiteurs.
Au regard de ces développements, les banques peuvent amplifier, amortir ou neutraliser les
décisions de la banque centrale en matière de politique monétaire.

En somme, l‟intensité de la transmission de la politique monétaire dépend, dans une large


mesure, de la vitesse et de l‟ampleur avec lesquelles les taux d‟intérêt représentant la politique
monétaire sont répercutés dans les taux d‟intérêt appliqués aux agents non financiers.
Il est donc bien établi que le niveau de dépendance des taux d‟intérêt des conditions de la
politique monétaire influence les décisions d‟investissement et de consommation des
différents agents économiques.
Une part significative de l‟effet exercé via le canal des taux d‟intérêt passe à travers le crédit
pour impacter les autres variables financières et réelles. Il est donc indispensable d‟aborder le
canal du crédit pour améliorer la compréhension des canaux de transmission de la politique
monétaire. C‟est dans ce sens que le point suivant se focalise sur l‟exposé des soubassements
théoriques et des validations empiriques du canal du crédit.

45
2.2.2. Canal du crédit

2.2.2.1. Fondements théoriques

Le crédit a toujours occupé une place centrale dans le financement de l‟économie depuis les
premiers développements du système financier et l‟évolution des métiers de la banque. Le
crédit joue donc probablement un rôle aussi important dans la transmission de la politique
monétaire que celui du taux d‟intérêt.
Bien que le canal du taux d‟intérêt soit resté longtemps dominant dans l‟analyse de la
transmission de la politique monétaire, le changement cyclique dans la politique de prêt des
banques pendant la grande dépression des années 1930 et la récession de l‟économie
américaine de 1990-91 ont jeté un certain doute sur l‟efficacité de la transmission de la
politique monétaire par le canal du taux d‟intérêt.
En effet, la baisse des taux d‟intérêt du début des années 1990 n‟a pas permis de relancer
l‟économie américaine dans les délais estimés habituellement. A cause d‟un «credit crunch»,
la distribution du crédit aux entreprises et aux ménages était restée très faible. Dans ce
contexte, certains économistes ont posé la question de savoir si, en plus du canal
conventionnel du taux d‟intérêt, il existait un canal de crédit ou un concept de «credit view».

Dans une analyse du financement des entreprises et en traitant la transmission de la politique


monétaire, Galbraith (1961) annonce que les entreprises ressentent les effets de la politique
monétaire d'abord en matière de coûts de financement. Un resserrement monétaire touche les
petites entreprises qui ne peuvent pas augmenter facilement leur marge. Au contraire, les
grandes entreprises bénéficient d'un "Pricing Power" et peuvent répercuter plus facilement la
hausse des coûts sur les prix de vente.
De plus, ces mêmes grandes entreprises arrivent à faire face à un resserrement des conditions
de financement bancaire grâce à leurs importantes trésoreries et aux opportunités de se
procurer des fonds via d'autres moyens comme les marchés des capitaux. Les petites et
moyennes entreprises subissent entièrement les conditions monétaires résultants de la
politique monétaire.
Galbraith (1961) conclut que les petites entreprises sont touchées dans le court terme alors
que les grandes ne risquent d‟être touchées que dans le long terme, c'est-à-dire après réactions
des différents compartiments du marché monétaire et épuisement de leur trésorerie
principalement.
46
Considérés comme fondateurs du canal de crédit, Jaffee et Russel (1976) ainsi que Stiglitz et
Weiss (1981) pensent que l‟emprunteur dispose de plus de pouvoir et d‟information que le
prêteur. Le comportement de ce dernier s‟ajuste en fonction de la nature de l‟emprunteur. En
saisissant le risque de l‟incertitude sur le rationnement de crédit, ces auteurs avancent la
possibilité d‟un dysfonctionnement du marché de crédit.

Le canal du crédit trouve sa justification dans l‟existence d‟une asymétrie d‟information entre
prêteurs et emprunteurs. Cette asymétrie est compensée par une prime de risque qui vient
renchérir le coût du crédit. Ce surcoût est lié donc à la rentabilité du projet et à la solvabilité
de l‟emprunteur. En pratique, le marché du crédit ne peut s‟équilibrer par le simple coût du
crédit (taux d‟intérêt). Les prêteurs et les emprunteurs se livrent à un jeu de garantie et de
négociation. Ce mécanisme permet de dissuader les mauvais emprunteurs et réglemente
l‟opération d‟octroi de crédit.

Dans le même registre, Bernanke et Gertler (1995) ont contesté le rôle prédominant attribué
au canal des taux d‟intérêt et soulignent que le canal de crédit joue un rôle aussi important.
Dans ce sens, Oliner et Rudebush (1996) prolongent l‟analyse de Galbraith (1961) sur le
financement des entreprises et démontrent que le changement de comportement des petites et
des grandes entreprises, suite à une action de politique monétaire, prouve l‟existence et
l‟opérationnalité du canal de crédit.
Ainsi, une restriction monétaire abaisse les dépôts bancaires et la liquidité des banques et
produit une réduction de l‟offre de crédit, synonyme de conditions peu favorables à
l‟investissement et à la croissance (Bernanke et Blinder, 1988). Les deux auteurs attirent
l‟attention sur la différence des effets du canal de crédit sur les agents économiques qui ont
accès au financement direct de ceux qui ne l‟ont pas57.
Sur le plan opérationnel de la politique monétaire, une baisse de la liquidité bancaire due à
une intervention restrictive de la banque centrale produit les mêmes effets que dans le cas du
canal des taux d‟intérêt. C‟est-à-dire que les concours bancaires vont baisser et les taux
d‟intérêt vont augmenter.
Schématiquement, la configuration du canal de crédit dicte que les banques peuvent céder des
titres ou/et réduire l‟offre de prêt pour retrouver leur ratio de liquidité. Ces opérations

57
Ceux qui ont accès au financement direct sont moins contraints dans leur décision de financement.
47
induisent de toute manière une hausse du coût de crédit et affectent les décisions des clients
les plus dépendants du financement bancaire. A ce stade, il apparait que les relations entre les
agents économiques non financiers et les banques, en particulier, justifient et appuient le canal
du crédit. D‟ailleurs ces liens sont permanents car la recherche de la stabilité et la pérennité du
financement oblige même les grandes entreprises à préserver de bons liens avec les banques.
Bien que la confiance et l‟ancienneté permettent à ces entreprises d‟accéder à des conditions
de financement plus favorables, elles donnent aux banques un pouvoir de marché vis-à-vis de
l‟ensemble des agents économiques.

La politique de gestion des coûts stipule que les banques répercutent dans les taux d‟intérêt
qu‟elles appliquent à leurs clients les coûts de leur refinancement sur le marché monétaire.
Ainsi, plus le coût de refinancement sera élevé, plus le crédit deviendra risqué et moins
rentable. Les banques baisseront alors l‟offre de crédit tout en pratiquant des taux d‟intérêt
débiteurs élevés. Cette situation décourage la demande de crédit et pourrait engendrer un
déséquilibre entre l‟offre et la demande sur plusieurs marchés. Ce schéma d‟analyse illustre
l‟influence que peut exercer la banque centrale sur le coût et le volume des crédits à
l‟économie. Et par ricochet sur les dépenses de consommation et d‟investissement des agents
économiques, dont le financement se fait plutôt par le crédit bancaire et non pas directement
sur les marchés des capitaux.
A noter que les mesures de politique monétaire ne sont pas les seuls facteurs à influencer la
liquidité bancaire. La politique prudentielle permet à la banque centrale d‟obliger les banques
commerciales à immobiliser une partie de leur fonds à titre de garantie. Ainsi, les ratios
prudentiels constituent une sérieuse contrainte pour la capacité de prêt des banques.

En définitive, la littérature économique sépare le canal du crédit en deux types, le canal du


crédit étroit et le canal large du crédit. Le raisonnement en termes de canal étroit du crédit est
évoqué quand l‟analyse concerne les ménages et les entreprises dont l‟accès aux marchés des
capitaux est limité. Plus globalement, le canal large du crédit s‟applique particulièrement aux
agents économiques disposant d‟une certaine facilité d‟accès au financement.
De manière plus détaillée, le canal étroit fonctionne à cause du raisonnement du crédit. Le
schéma précise que les taux d‟intérêt élevés ne dissuadent pas les mauvais emprunteurs et
face aux risques potentiels sur leur santé financière, les banques ferment les vannes du crédit.

48
Ce manque d‟offre de crédit et le coût élevé finissent par pousser les ménages et les petites
entreprises, dépendantes du financement bancaire, à réduire leurs dépenses.
Pour le canal large du crédit, une hausse des taux d‟intérêt dégrade la situation financière des
emprunteurs potentiels à cause de la baisse des cours des actions et de la valeur financière de
l'entreprise. La valeur des garanties présentées au moment de l‟emprunt se déprécie aussi.
Cette situation rend toutes les voies de financement difficiles et coûteuses. De plus, la hausse
de la charge de la dette réduit les marges et peut induire des difficultés de trésorerie pour
l‟entreprise. Le même raisonnement peut être appliqué aux ménages qui verront leur capacité
d‟emprunt réduite à cause de la baisse de leur garantie, liée à leur patrimoine.
Force est de constater que les effets engendrés par le canal du crédit sont très liés au
fonctionnement et au mode opératoire du canal des taux d‟intérêt. Il est d‟ailleurs souvent
admis dans la littérature que le canal du crédit amplifie les effets du canal des taux d‟intérêt.
Il est clair qu‟une part significative de l‟action de la banque centrale transite via le canal du
crédit.
Dans l‟objectif de vérifier et mieux saisir le rôle du canal du crédit dans la transmission de la
politique monétaire aux autres variables de l‟économie, nous proposons un exposé des études
empiriques qui ont essayé de vérifier l‟existence et d‟évaluer son poids dans le processus de
transmission de la politique monétaire.

2.2.2.2. Volet empirique

La transmission de la politique monétaire par le canal du taux d‟intérêt a été largement


analysée à travers le théorème de Modigliani et Miller (1958), notamment. Ce raisonnement
avance que les structures du capital n‟influencent pas les décisions réelles des prêteurs et des
emprunteurs (Hubbard, 1995).
De manière plus générale, la littérature était jusqu‟au début des années 1960 dominée par les
thèses d‟équivalence des différentes sources de financement pour les entreprises. Dans
l‟approche de la money view, les intermédiaires financiers (banques par exemple) n‟offrent
pas de services particuliers du côté de l‟actif de leur bilan. En revanche, du côté de leur
passif, les banques créent de la monnaie via les dépôts.

Par la suite, certains économistes ont remis en cause, au début de la décennie 1960, le
théorème de Modigliani et Miller (1958). Ils ont notamment mis en évidence l‟existence de
distorsions entre les coûts des différentes sources de financement. Ce nouveau courant a
49
prouvé que les banques peuvent rationner leurs crédits pendant les périodes d‟incertitudes
économiques. En effet, depuis les années 1970 les travaux théoriques démontrent que
l‟asymétrie d‟information entre vendeurs et acheteurs perturbe le fonctionnement de certains
marchés et a conduit au renouvellement de l‟approche des prêts bancaires (lending view).
En 1981, Stiglitz et Weiss démontrent la possibilité de survenance d‟un «rationnement
d‟équilibre» du crédit bancaire en période de récession. La réalisation de l‟équilibre sur le
marché du crédit à travers d‟autres variables prouve l‟existence du canal du crédit.

Rappelons par ailleurs que le crédit bancaire n‟est pas un substitut parfait aux autres sources
de financement. C‟est pourquoi, le rationnement du crédit par les banques peut se traduire par
la restriction sur la demande et l‟offre de biens et de services (Oliner et Rudebusch, 1996).
Ainsi, une réduction de la base monétaire oblige les emprunteurs qui n‟ont pas de meilleures
alternatives pour le financement à baisser leurs dépenses. Les travaux de Bernanke et Blinder
(1988, 1992) sur les USA sont considérés comme une référence dans la transmission de la
politique monétaire par le canal du crédit (lending channel).
Dans leur modèle de 1988, les deux auteurs intègrent le marché du crédit bancaire dans la
présentation IS-LM, en plus du marché des titres. Ils montrent que les chocs sur l‟offre de
crédit produisent des effets opposés sur les taux d‟intérêt des deux marchés.
En accord avec ce résultat, Barran et al, (1994) avancent qu‟une augmentation du risque
emprunteur provoque une réduction de l‟offre du crédit. Un phénomène de « fly to quality »
devrait se produire et orienter les placements bancaires vers les titres sans risques. Les taux
d‟intérêt de ces actifs baissent tandis que la hausse du coût du crédit bancaire provoquerait
une diminution du crédit bancaire (Barran et al, 1994). Dans une telle situation, les variations
des spreads peuvent servir d‟indicateurs avancés à l‟ampleur et à la nature des chocs affectant
l‟économie.

D‟un point de vue macroéconomique, les économistes présentent des facteurs financiers
correspondant au modèle « accélérateur» (Financial Accelerator) qui explique les
mouvements cycliques sur les données d‟investissement. En pratique, le choc de la politique
monétaire peut conduire à une modification de la richesse des entreprises, réduire leur
collatéral et affaiblir leur capacité d‟emprunt (Hubbard, 1995).
S‟agissant de l‟aspect micro, la littérature économique évoque l‟imperfection de l‟information
dans le marché de l‟assurance et du crédit. Les problèmes d‟asymétrie d‟information entre
50
emprunteurs et prêteurs engendrent un gap (spread) entre le coût de financement interne et
externe.
Selon le raisonnement du modèle IS-LM, l‟augmentation du spread entre le taux d‟intérêt du
crédit bancaire et le taux des obligations altère les décisions d‟investissement des entreprises
ne pouvant recourir aux autres sources de financements externes.

Sous l‟hypothèse de distinction des agents économiques selon leur taille, Paquier (1994) a
mené une étude sur le cas français. Il s‟est basé sur des données financières et une
schématisation du système financier français. Il a conclu que le canal du crédit accroît les
effets du canal de taux d‟intérêt. Egalement, le canal du crédit semble parfaitement adapté
pour l‟analyse des effets de la politique monétaire sur les petites entreprises et les ménages.
L‟auteur a justifié ses propos par la grande dépendance des petites entreprises du secteur
bancaire.
Ainsi, l‟opérationnalité du canal du crédit est liée au pouvoir de la banque centrale à affecter
l‟offre de crédit des banques.
Au regard de ces développements, Clerc et Pfister (2002) ont comparé un modèle théorique
d‟accélérateur financier avec un modèle VAR incorporant le canal de taux d‟intérêt et le canal
large de crédit sur des données de la zone Euro. Ils concluent qu‟il n y a pas d‟effet financier
dans la transmission de la politique monétaire dans la zone Euro. Néanmoins, l‟étude de la
prime de financement externe démontre l‟existence d‟un canal large de crédit.
En appui à ce constat, Mésonnier (2009) avance que la propagation de la crise des Subprimes
en 2007 a perturbé le processus de transmission de la politique monétaire. Elle a détérioré le
bilan des banques et a provoqué une hausse des primes de risques à cause de l‟installation du
climat de méfiance malgré les politiques ultra accommodantes des banques centrales. Cet
enchainement des effets renforce les anticipations pessimistes et freine les décisions
d‟investissements et de consommations, il réduit donc la demande globale. Au total la
transmission de la politique monétaire par le canal du crédit se trouve affaiblie.

La multitude des travaux portant sur le rôle du canal de crédit confirme sa place dans le
processus de transmission de la politique monétaire.
Si l‟exploration du canal de crédit a amélioré notre compréhension des canaux de
transmission, la présentation des autres canaux identifiés par la littérature économique est en
mesure de compléter l‟exercice de présentation des canaux de transmission.
51
Dans ce cadre la suite de ce chapitre porte sur la présentation du canal des prix des actifs
avant de se pencher sur le canal des effets d‟annonces.

2.2.3. Canal des prix des actifs

2.2.3.1. Fondements théoriques

L'analyse de l'histoire monétaire et financière des économies des grands pays, pendant les
périodes de bulles et d'euphorie financière révèle l'existence d'autres canaux de transmission
de la politique monétaire en plus de celui des taux d‟intérêt et du crédit (Mishkin
(1996,2008) ; Galbraith (1961)).
Les conditions de crédit, ou de financement, favorables ont considérablement alimenté
l‟euphorie financière qui a précédé la crise de 1929 (Galbraith, 1990). Dans ce sens, Borne et
Dubief (1989) avancent que l'effondrement des bourses mondiales a déclenché les ventes
paniques et a marqué la perception de la dépression des années 1930 à travers l‟impact des
prix des actifs sur l‟économie. Les dépenses des agents économiques, investis sur les marchés
des capitaux, se sont fortement réduites en raison de la chute de leur richesse et leur
patrimoine. Ce schéma de cause à effet dévoile que la variation des prix des actifs impacte le
comportement des agents économiques. Plus précisément, la transmission de la politique
monétaire passe par les prix de certains actifs, dont la variation du cours est sensible aux
actions de la banque centrale.
Le listing des différents actifs existants soulève le problème de la considération des devises. A
ce propos, certains auteurs considèrent que le taux de change fait partie du canal des prix des
actifs (Mishkin, (1996,2008)) tandis que d‟autres préconisent que le taux de change constitue
un canal à part entière.
Dans notre conception et notre schéma d‟analyse nous admettons que le taux de change fait
partie des canaux des prix des actifs. Ce choix se justifie par le fait que les devises constituent
à nos jours un actif financier, négociable sur les marchés financiers, tout comme les actions et
représentent une part entière dans le patrimoine de l‟ensemble des agents économiques.

Le canal des prix des actifs stipule que l‟action de la banque centrale passe par les effets que
produisent la variation des prix de certains actifs sur les décisions des agents économiques, et
plus particulièrement les détenteurs de ce genre d‟actifs.

52
Le mode d‟action du canal des prix des actifs précise qu'une modification non anticipée des
taux d‟intérêt, ou d'un autre instrument, par la banque centrale affecte les anticipations des
agents et influe sur les taux d‟actualisation des revenus futurs attachés aux actifs58. Cela se
traduit par des changements dans les prix des actifs détenus par les agents économiques.
En général, l'influence des prix de ces actifs sur les variables réelles de l'économie passe par
le bilan des entreprises, et le patrimoine des ménages. De manière plus précise, un
changement dans la politique monétaire peut influencer le cours des actions, des obligations et
des devises et entrainer des réactions au niveau des autres variables de l‟économie.

La présentation de l‟apport théorique sur le canal des prix des actifs portera d‟abord sur les
actions puis sur l‟immobilier avant de se pencher sur le rôle des devises dans la transmission
de la politique monétaire.
L‟effet de la variation des cours des actions transite via la valeur boursière de l‟entreprise et le
patrimoine des ménages pour influencer, respectivement, l‟investissement et la consommation
des ménages. L'analyse de Tobin (1969) et de Modigliani (1986) constitue une illustration à
ce constat. En effet, suite à un assouplissement monétaire ou de surliquidité, les cours des
actions s'apprécient, la richesse des entreprises et des ménages augmente et les banques leur
prêtent facilement et à des conditions très favorables. Rassurés, ces agents augmentent leurs
dépenses (investissement et consommation).
Par ailleurs, selon Tobin (1969) l'évolution des cours des actions influence les dépenses
d'investissement des entreprises. En effet, l‟investissement n‟est engagé que si les revenus
futurs issus du projet excèdent son coût de réalisation. A cet effet, en cas d‟assouplissement
monétaire, les cours des actions s'apprécient et augmentent la valeur boursière de la firme. La
baisse du coût de financement conjuguée à la hausse de la garantie de l‟entreprise rend les
nouveaux investissements plus rentables.

S‟agissant des ménages, un assouplissement de la politique monétaire augmente leur


patrimoine à travers l‟appréciation des cours des actions qu‟ils détiennent. Ayant plus de
visibilité quant à leurs ressources et bénéficiant de conditions d‟endettement favorables, les
ménages augmentent leurs dépenses (Modigliani, 1986). Cet enchainement est qualifié,
également, d‟effet de richesse par Mishkin (2008). En revanche une politique monétaire

58
Pfister et Clerc, (2002), « Les facteurs financiers dans la transmission de la politique monétaire », Bulletin de la
Banque de France– N° 108 – Décembre 2002.
53
restrictive raréfie la monnaie, durcit les conditions d‟endettement, abaisse les cours des
actions et freine les dépenses des ménages et des entreprises (Brana et Cazals 2006).
Ces effets sur les entreprises et les ménages s‟autoalimentent. L‟augmentation de la
production et l‟investissement augmente l‟emploi et accorde aux ménages plus de revenus
pour dépenser davantage. Cette consommation supplémentaire encourage les entreprises à
produire encore plus et donc à investir. Au final la demande globale est soutenue et le PIB
augmente. L‟impact sur les prix dépend de leur niveau initial et de l‟utilisation des capacités
de production. Mais en général, la littérature économique stipule qu‟une appréciation des
cours des actions provoque souvent une hausse des prix, tandis que leur dépréciation induit
une baisse des prix.

Dans un contexte financier et économique anormal, Cao et al, (2008) pensent qu‟une politique
monétaire ultra-accommodante alimente le marché en liquidités de manière démesurée. Cette
situation encourage les banques à prendre des risques excessifs (risque de formation de bulles)
sous l'aval d'être renflouées en cas de crise (Armstrong et Caldwell 2008). Ce comportement
peut provoquer une déconnexion, voire une volatilité, des cours des actions avec les
fondamentaux de l‟économie et engendrer des effets indésirables sur la transmission de la
politique monétaire.

En définitive, l‟hypothèse d‟une influence de la politique monétaire du comportement des


agents économiques à travers l‟impact sur les cours des actions est vraisemblable.
Etant un actif a part entière, les valeurs immobilières constituent une partie non négligeable
du patrimoine des agents économiques. La fluctuation des prix de l'immobilier est donc tout à
fait susceptible d‟affecter le comportement d‟investissement des entreprises et de
consommation des ménages propriétaires, notamment.
L'histoire monétaire et financière est pleine d'illustration des effets des fluctuations des prix
de l'immobilier sur l‟économie. En analysant de la bulle immobilière de la Floride qui a
précédé de peu la crise de 1929, Galbraith (1990) découvre que le mouvement d‟achat
alimente sans cesse la hausse des prix. C‟est pourquoi, dès la forte baisse de la demande, les
prix s‟effondrent et altèrent les bilans des agents économiques concernés.

54
Plus récemment encore, la crise des Subpimes de 2007 a révélé la sensibilité, excessive, des
bilans de tous les agents économiques à l'activité et aux prix de l'immobilier. Lors de cette
crise, qui a secoué la planète, la crise est partie du marché immobilier.
Concrètement, le resserrement monétaire a engendré une hausse, voire une explosion, des
taux d‟intérêt. Cet effet a provoqué une asphyxie des ménages peu solvables à l‟origine et
ayant contracté un prêt immobilier, à taux d‟intérêt variable notamment. Incapables d‟honorer
leur engagement, les ménages ont cessé de rembourser aggravant la situation financière des
banques puis du système financier globalement. Le climat de méfiance et la raréfaction de la
liquidité ont freiné le financement de l‟économie et faciliter la transformation de la crise
financière en crise économique.
Il en ressort que la tendance des prix de l‟immobilier détermine le comportement dépensier
des agents économiques, les ménages en particulier. En effet, l'augmentation des prix de
l'immobilier rend les ménages propriétaires plus riches et augmentent leur capacité à
emprunter puis à consommer. Cet enrichissement est susceptible de réduire les créances en
souffrance des banques et conforter leur niveau de fonds propres. Disposant de plus de
capacités de prêt, les établissements de crédit peuvent augmenter leur offre de prêt.

Vis-à-vis de la politique monétaire, la littérature économique précise qu‟un resserrement


monétaire limiterait la demande sur ce marché à cause des taux d‟intérêt immobiliers élevés et
finirait par baisser les prix et diminuer le patrimoine des ménages ainsi que la valeur des
bilans des banques. Cette situation de "capital Crunch" chez les établissements financiers
réduit leur capacité de financement de l'économie et limite les perspectives de croissance
économique y compris l‟activité du secteur du BTP.
En revanche, une expansion monétaire soutient la demande sur l‟immobilier, provoque une
hausse des prix augmente la richesse des ménages et conforte les bilans des banques. Les
conditions favorables de financement soutiennent l‟activité économique et augmentent les
mises en chantiers, notamment.

L‟effet final sur l‟économie est très difficile à saisir, car chaque effet peut être neutralisé par
l‟ajustement des prix. L‟impact final sur le marché immobilier dépend de l‟ajustement des
prix, car une baisse significative peut relancer la demande et maintenir la dynamique sur le
marché.

55
Bien que le resserrement monétaire soit susceptible de freiner la demande et la distribution du
crédit, il parait que l‟expansion monétaire est plus favorable à l‟augmentation de la demande
et au financement de l‟économie en général.
Cette analyse du lien entre les prix de l‟immobilier, la demande et la politique monétaire
montre la capacité de l‟immobilier à véhiculer les actions de la banque centrale vers
l‟économie.
En admettant les devises comme actif financier, nous pouvons qualifier le taux de change
comme moyen de transmission de la politique monétaire aux autres variables monétaires,
financières et réelles de l‟économie. Le taux de change est l‟actif qui retient le plus
d‟information au vue de ces impacts sur les échanges extérieurs, les bilans des agents
économiques et les flux des capitaux sur l‟économie (Mishkin, 2008). Il est si important pour
la banque centrale à cause des risques inflationnistes qu‟il peut générer et surtout en fonction
de son régime de change fixe ou flexible.

Dans un contexte d‟expansion monétaire une baisse des taux d‟intérêt occasionne une
dépréciation de la valeur de la monnaie nationale et provoque la sortie des capitaux cherchant
une meilleure rémunération. Cet effet est plus fort dans les pays ouverts et suffisamment
insérés dans la finance mondiale. A ce propos, Blinder (1998) insiste sur ce point à travers la
démonstration de la responsabilité du taux de change dans la propagation et l‟aggravation de
la crise financière des pays du Sud-Est asiatique.
Schématiquement, la dépréciation de la monnaie fait augmenter les coûts des importations et
risque d'induire une inflation importée, à travers la hausse des coûts de production59, si le pays
est fortement dépendant des matières premières étrangères. De plus le soutien apporté aux
exportations augmente la demande60 et renforce les pressions sur les prix.

Dans un resserrement monétaire, les capitaux à la recherche de rentabilité affluent et


renforcent la valeur de la monnaie nationale. Les produits domestiques deviennent plus
chers61 et les exportations baissent. Cela provoque un tassement de l‟activité économique.

59
Cet effet dépend du niveau d‟utilisation des capacités de production domestique.
60
Bien sûr cet effet dépend aussi de la compétitivité de l'économie du pays en question et de la conjoncture
économique mondiale.
61
Cet impact peut être positif si le pays est un grand importateur de matière première, cela permet de baisser les
coûts de production et peut donc rendre aussi les exportations plus compétitives.
56
Dans les pays ouverts et permettant à tous les agents économiques d‟accéder librement aux
marchés de change, les ménages sont exposés aux fluctuations des cours de change et peuvent
modifier leur décision en conséquence. En d'autres termes, une politique monétaire
accommodante qui fait baisser la valeur de la monnaie domestique risque de réduire la fortune
des ménages détenant des devises ou des actifs libellés en monnaie étrangère. Aussi, les
banques endettées en devise verront leurs bilans se déprécier et réduiront leur offre de crédit.
Cette exposition au taux de change impacte les bilans des agents économiques et l‟offre de
financement de l‟économie. C‟est pourquoi, le niveau du taux de change constitue une
variable clé pour les autorités monétaires (Blinder, 1998).
Cette schématisation des effets des fluctuations du taux de change met en évidence son rôle
dans la transmission de la politique monétaire aux différentes variables de l‟économie.

La finalisation de l‟exposé des interactions des différents actifs avec la transmission de la


politique monétaire nécessite la présentation des résultats des travaux empiriques ayant
exploré la contribution du canal des prix des actifs dans la transmission des actions de la
banque centrale à l‟économie. C‟est dans ce cadre que le prochain point propose une revue de
la littérature des études empiriques menées à ce sujet.

2.2.3.2. Volet empirique

La libéralisation et la dérèglementation financière ont permis le développement et la


modernisation des marchés financiers. Ceci a encouragé l‟accès aux actifs financiers et aux
logements. Cette nouvelle donne a rendu la valeur du patrimoine des agents économiques plus
dépendante des cours des actifs qu‟ils détiennent. Les dépenses de ces acteurs se trouvent
indirectement liées aux facteurs qui influencent les cours des actifs. Les enseignements de la
littérature théorique ont dévoilé la connexion entre la politique monétaire et les prix des
différents actifs.
A ce propos, Clerc et Pfister (2002) confirment l'importance du rôle des prix des actifs
financiers dans la transmission de la politique monétaire. Ils recommandent à la banque
centrale de prendre en compte les variations des prix des actifs financiers au moment de la
définition et la conduite de la politique monétaire.
Dans le même cadre d‟analyse, Diamond et Rajan (2009) affirment que le manque de
confiance ou la peur du futur poussent les agents économiques à délaisser les actifs financiers.

57
Les cours de ces derniers baissent et deviennent même moins liquides. Ce comportement
impacte négativement la richesse des agents économiques et les oblige à revoir leurs décisions
d'investissement et de consommation.
S‟agissant de l‟immobilier Heyer et Timbeau (1996) ont tenté de vérifier l‟existence du canal
de stimulation monétaire par l‟immobilier en Europe. Ils ont estimé un modèle « e-mod.fr »62.
Les résultats fournis par leur modèle affirment que la rigidité réglementaire autour de
l‟hypothèque prive le canal « immobilier » d‟une part de son potentiel, et que les banques ont
un pouvoir de marché leur permettant de pratiquer une sélection trop importante des
emprunteurs, ce qui empêche les taux d‟intérêt de suivre l‟évolution des taux directeurs de la
banque centrale. Les auteurs concluent qu‟il est indispensable de flexibiliser les prix de
l‟immobilier et le coût d‟endettement afin de maitriser la volatilité des transactions et de leurs
conditions de taux.
Pour ce qui est du taux de change, il s‟est avéré que depuis les premiers signes de la
globalisation et l‟ouverture croissante des économies, les effets des variations des taux de
change sur les variables macroéconomiques sont devenus inévitables.
En s‟intéressant au rôle du régime de change Devereux (2001) a affirmé que la transmission
de la politique monétaire par le taux de change est plus forte dans les pays ouverts et à taux de
change flexibles. Au contraire, les pays à taux de change fixes sont plus exposés à la volatilité
des flux des capitaux et à de graves crises de change. Cette situation fragilise le
fonctionnement du système financier et risque de compromettre l‟action de la banque centrale
sur ses variables cibles.
Plus réservé sur le rôle du taux de change, Mishkin (1998, 2008) souligne que les modèles
traditionnels servent seulement à prouver l‟existence d‟un effet limité des fluctuations du taux
de change sur l‟inflation et la consommation. Ils ne sont pas en mesure de décrire le
déroulement des réactions des variables macroéconomiques aux différents chocs de la
politique économique. L‟auteur pense que l‟utilisation des modèles structurels peut être plus
utile à ce sujet.
Il découle de l‟ensemble des travaux de Mishkin qu‟une dépréciation du taux de change
impacte les prix et la consommation. L‟effet plus prononcé sur les deux dernières décennies

62
Estimé dans le cadre fourni par la comptabilité nationale, le modèle trimestriel de l‟OFCE, e-mod.fr, est centré
sur l‟étude de l‟économie française. Ce modèle permet d‟analyser des politiques macroéconomiques, fiscales et
budgétaires. Il est également utilisé comme un outil d‟analyse de la conjoncture et sert à la prévision à court
terme et à la simulation de moyen terme » Pour plus d‟information voir Encadré page 128 de l‟article
« Immobilier et Politique Monétaire » de Heyer et Timbeau (1996, paru dans la Revue de l‟OFCE (1996).
58
indique que le taux de change exerce de moins en moins d‟influence sur l‟économie. Ceci
étant, Mishkin recommande d‟en tenir compte lors de la conception des stratégies monétaires
de stabilisation de l‟activité économique et des prix.

L‟importance du canal des prix des actifs dans la transmission de la politique monétaire
implique leur suivi et leur intégration dans la préparation des décisions de la banque centrale,
malgré l‟absence de consensus sur cette question.
En effet, un courant de pensée s‟oppose au suivi du taux de change au détriment des autres
objectifs de la banque centrale63.
D'ailleurs en change fixe, la banque centrale doit intervenir pour maintenir la parité de sa
monnaie. Le risque de puiser dans les réserves de devises est plus fort ici que dans le cas du
change flexible, où la banque centrale est libérée pour se concentrer sur d'autres missions.

Egalement, la prise en compte des cours boursiers et des prix immobiliers dans les décisions
de politique monétaire est sujette à controverses. Les tenants d'une telle intégration expliquent
que la banque centrale est la mieux placée pour juger la formation d'une bulle et mener les
actions nécessaires pour éviter son éclatement voire même sa formation. Au contraire, les
opposants avancent que la difficulté se pose justement au niveau de l'appréciation du niveau
des cours et la formation d'une bulle. De plus, une intervention de la banque centrale peut
influencer la trajectoire des prix des actifs alors qu'ils doivent dépendre plutôt de l'activité
économique et refléter les conditions intrinsèques des bilans des entreprises et des ménages
(Mishkin, 2008).
A noter tout de même que l'analyse des précédentes crises financières démontre clairement
l'ampleur des effets possibles d'une évolution anormale des prix des actifs sur la stabilité
économique, monétaire et financière. Et par conséquence sur les objectifs de la politique
monétaire. Cette question est remise au centre des débats après chaque éclatement de bulle
boursière ou immobilière (exemple du Japon en 1990, la bulle internet des années 2000 et de
la dernière crise des Subprimes de 2007). C‟est pourquoi, toutes les banques centrales
regardent désormais de plus près l‟évolution des marchés financiers et intègrent la stabilité
financière dans leur objectif.
63
A titre d'exemple, la banque de Turquie qui s'occupe, selon ses statuts, à la stabilité des prix a augmenté, le 28
janvier 2014, son taux au jour le jour de 7,75% à 12% et son taux hebdomadaire de 4,4% à 10%, pour mettre fin
à la chute de la livre turque, mouvement qui touche les monnaies des pays émergents surtout depuis le démarrage
du "TAPERING" de la Fed (ralentissement du Qantitative Easing).
59
Le débat sur la considération des prix des actifs ne remet pas en question le rôle du canal des
prix des actifs dans la transmission de la politique monétaire. Ainsi, personne ne peut nier
qu‟une partie non négligeable de l‟action de la banque centrale passe par les variations des
prix des actifs en raison de leur interaction avec la politique monétaire.
A noter que ce débat est de nature à permettre à la banque centrale de suivre une stratégie de
politique monétaire claire et compréhensible. Car grâce à sa politique de communication elle
va pouvoir envoyer implicitement des annonces et des signes aux marchés. En procédant
ainsi, la banque centrale se sert du canal des effets d‟annonces pour essayer d‟ancrer les
anticipations des agents économiques sur ses prévisions et ses décisions.

Pour mieux comprendre le fonctionnement de ce canal et sa contribution dans la transmission


de la politique monétaire, nous proposons dans le point suivant d‟en présenter l‟aspect
théorique et empirique.

2.2.4. Canal des effets d'annonces

2.2.4.1. Fondements théoriques

L‟accession de la banque centrale à plus d‟autonomie et d‟indépendance lui donne une


réputation et une image aux yeux des marchés. Pour entériner cette stature, elle adopte une
politique d‟annonce et de communication régulière afin de préparer les marchés aux décisions
futures. Ces développements ont contribué à l‟institution et à l‟émergence du canal des effets
des annonces ou des anticipations. Cette voie de transmission est qualifiée dans la littérature
économique de subjective et informationnelle.
L'introduction des anticipations dans l'étude des canaux de transmission de la politique
monétaire apporte de nouveaux éléments pour l'analyse. Ces anticipations permettent aux
agents de prévoir la trajectoire et la nature des décisions de la banque centrale ainsi que ses
possibles effets. Grâce à leurs expériences, les agents économiques rationnels arrivent à
anticiper l‟action de la banque centrale et l‟intègre dans leurs décisions (Sargent et Wallace
1975)64.

64
Pour plus de details, voir : Sargent et Wallace, (1975), « Rational, Expectations, the Optimal Monetary
Instrument, and the Optimal Money Supply Rule » Journal of Political Economy, 1975, vol, 83, No 2.
60
Le canal des effets d‟annonces doit son existence à la recherche de la crédibilité par la banque
centrale et à sa volonté d‟ancrer les anticipations des agents économiques sur ses prévisions
afin d‟orienter et d‟influencer leur comportement65. Par cette volonté, la banque centrale
espère minimiser l‟incertitude sur les anticipations des taux et de l‟inflation qui peut affecter
le comportement des agents économiques66 et ainsi nuire à la réalisation des objectifs
escomptés. C‟est pourquoi elle s‟engage à communiquer, régulièrement, ses prévisions et à
expliquer ses interventions, dans le respect maximum de ses annonces. Dans ce sens, les
communiqués et les conférences de presse des gouverneurs des grandes banques centrales
sont scrutés et sont même devenus de vrais gisements pour l'analyse du comportement et du
positionnement de ces institutions67.

Pour vérifier l„opérationnalité de ce canal et mieux comprendre son fonctionnement, nous


consacrons le point suivant à la présentation des études empiriques ayant essayé d‟explorer
cette question.

2.2.4.2. Volet empirique

La banque centrale envoie souvent des signaux aux marchés à travers des décisions68 relevant
de la politique monétaire ou de la régulation du système financier69. Les analystes financiers
étudient les décisions et les déclarations afin d‟en tirer des informations utiles pour le marche.
De manière plus générale, grâce à leur compétence, les intermédiaires financiers assurent le
conseil des agents économiques en matière d‟interprétation des annonces et des prévisions de
la banque centrale.
Pour explorer ce rôle Amano et al (1999)70 ont essayé d‟évaluer l‟effet de l‟asymétrie
d‟information sur le comportement des intermédiaires financiers vis-à-vis des annonces de la
banque centrale. Leurs simulations ont démontré que le comportement des intermédiaires
financiers dépend de l‟information qu‟ils possèdent sur l‟évolution de la politique monétaire.
A ce propos, les auteurs précisent qu‟« une politique monétaire expansionniste peut avoir des

65
Les Documents de Travail du SENAT Série : Études économiques, (2009), « La Politique Monétaire :
Objectifs, méthodes et nouveaux problèmes » n° EC-04 Novembre 2009
66
Banque de France • Focus • n° 4 • 23 avril 2009
67
Par exemple, les déclarations du gouverneur de la Fed et de la BCE sont capables de renverser la tendance des
marchés, semer le doute, ou encore donner de la confiance aux intervenants sur les marchés.
68
Déclaration officielle, changement de taux d‟intérêt par exemple, etc.
69
La supervision bancaire par exemple.
70
Article disponible sur le lien http://www.bankofcanada.ca/fr/conference/con99/con99-f.html et sur
http://www.bankofcanada.ca/fr/res/wp/1999/amano-final-f.pdf
61
effets moins marqués mais plus persistants sur l’économie quand le public comprend mal le
sens des interventions des autorités monétaires »71. En revanche, les signaux anticipés par les
agents économiques produisent moins d‟effets ou leur limitent la durée sur les marchés
financiers. Il en découle en fait que la qualité et la quantité de l‟information, son caractère
gratuit ou onéreux peuvent permettre aux intermédiaires financiers de neutraliser ou de
maintenir les effets induits par les actions de la banque centrale.

A titre d‟illustration, le marché des changes est l‟un des compartiments les plus réceptifs des
annonces de politique monétaire. Pour capter les réactions des intervenants sur le marché des
changes suite à des signaux de changement des taux d‟intérêt directeurs, Mokhtar et Harrathi
(2007) ont estimé plusieurs modèles afin d‟étudier l‟effet sur la parité Euro/Dollar de deux
annonces, à savoir le changement du taux directeur et son maintien inchangé.
Les résultats des estimations montrent que les signaux de variation des taux d‟intérêt
directeurs créent un climat d‟incertitude sur le marché et incitent les agents à revoir leurs
anticipations et la composition de leur portefeuille. Cela provoque une volatilité modérée des
taux de change. Au contraire, les décisions n‟annonçant pas de changement des taux d‟intérêt
directeurs provoquent une hausse significative de la volatilité. Les auteurs concluent que les
signaux bien anticipés n‟affectent pas le niveau du taux de change, mais peuvent engendrer de
la volatilité.

A ce stade il est clair que la perception des signaux détermine et influence le comportement
des différents agents économiques. La qualité de l‟information dont dispose les agents
économiques et la compétence analytique des récepteurs conditionnent la nature de leur
réaction aux signaux de la banque centrale. La banque centrale a donc tout intérêt à adopter
une communication claire et régulière pour gagner en crédibilité, minimiser l‟incertitude et la
volatilité et orienter les décisions des agents économiques.
En conclusion, l‟exploration de l‟aspect théorique et empirique de la transmission dévoile et
confirme que l‟effet de la politique monétaire transite bien par plusieurs canaux pour
influencer les variables cibles. Les actions de la banque centrale se font sentir tout d‟abord au
niveau du système financier dans sa globalité avant que l‟impact n‟atteigne les variables
réelles, les variables cibles notamment.

71
Idem, page 324.
62
Cette présentation prépare le terrain pour mener une étude de la transmission au Maroc, mais
reste encore incomplète pour cerner tous les aspects de la conception de l‟étude empirique. A
ce sujet, il est indispensable de présenter les travaux empiriques qui ont tenté d‟explorer la
transmission de la politique monétaire au Maroc et dans les pays comparables. Cet exercice
permet, en particulier, d‟avoir une idée préalable sur la transmission et sert de référence
méthodologique pour la conception d‟une étude ainsi qu‟à la comparaison des résultats.
C‟est dans ce cadre que nous proposons de démarrer le chapitre suivant par une revue des
travaux empiriques menées sur la question de la transmission de la politique monétaire au
Maroc et dans des pays comparables comme la Tunisie, la Turquie, l‟Egypte.

63
Conclusion

La cadre de la politique monétaire s‟est adapté aux différents courants de pensées et aux
contextes financiers, économiques et même politiques. Elle s‟occupe principalement, à nos
jours, de la stabilité des prix et la banque centrale jouit d‟une certaine autonomie et de
flexibilité dans le mode d‟action depuis son accession à l‟indépendance vis-à-vis des
gouvernements. La question d‟efficacité ou de transmission de la politique monétaire demeure
au centre du sujet de l‟action de la banque centrale.
La littérature économique montre que l‟action de la banque centrale transite par les variables
monétaires et financières pour affecter les variables réelles de l‟économie. Mais, cette
diffusion n‟est pas souvent complète. Bien que la littérature économique a identifié plusieurs
canaux de transmission, il s‟avère qu‟ils ne sont pas tous opérationnel.

Au regard de ces développements, mener une étude empirique sur les canaux de transmission
au Maroc nécessite la prise en compte des différents enseignements théoriques et empiriques
lors de la conception du modèle. De plus, la considération des caractéristiques et des
spécificités de l‟économie marocaine est indispensable pour adapter et améliorer l‟outil
économétrique. C‟est dans ce cadre que se focalise le chapitre suivant sur la présentation de
quelques études empiriques menées sur la question de la transmission de la politique
monétaire au Maroc ainsi que dans d‟autres pays comparables avant de se pencher sur l‟aspect
méthodologique de l‟étude empirique.

64
Chapitre II : Economie marocaine et conditions préalables à
l’étude de la transmission de la politique monétaire

Introduction

Les enseignements de la littérature économique rapportent que l‟étude de la transmission de la


politique monétaire consiste à explorer quantitativement et qualitativement l‟acheminement
de l‟action de la banque centrale à l‟économie à travers l‟étude du comportement des
variables monétaires, financières et réelles face aux mesures de politique monétaire.
L‟étude de cette question au Maroc revêt une importance majeure, en raison, de sa
contribution dans la compréhension des missions de BAM et l‟influence de sa politique
monétaire sur les différentes variables de l‟économie, à travers son impact sur la richesse et
les revenus futurs des agents économiques. Cet exercice permet également d‟identifier les
canaux de transmission opérationnels.

Pour aborder cette question au Maroc, il est judicieux d‟explorer les spécificités de
l‟économie marocaine et de son système financier afin de s‟assurer de la satisfaction des
conditions préliminaires à la transmission de la politique monétaire de BAM.
Par la suite, il est utile de se pencher sur les enseignements des travaux empiriques menés sur
l‟acheminement des actions de politique monétaire à l‟économie, au Maroc ainsi que dans
certains pays comparables. Ce point bibliographique permet, concrètement, de découvrir
les voies de diffusion de l‟action de la banque centrale aux grandeurs économiques.
Ces deux axes constituent à la fois des éléments de réponse aux premières questions soulevées
dans la problématique et une introduction à l‟aspect méthodologique pour la conception de
l‟étude empirique, dans la mesure où ils vont permettre de tenir compte des spécificités de
l‟économie marocaine au moment de la modélisation des relations entre la politique monétaire
et les indicateurs des secteurs monétaire, financier et réel.
Dans la perspective de relativiser les résultats de l‟étude empirique du cas marocain et les
rapprocher de ceux d‟autres pays comparables, nous avons jugé utile de retenir la Tunisie et la
Turquie comme deux pays de référence pour la comparaison. Il convient de noter que nous
allons revenir sur la justification de ce choix lors du premier point de ce chapitre.
Le présent chapitre s‟articule autour des axes suivants :

65
Exposé des caractéristiques de l‟économie, du système financier et la politique monétaire du
Maroc ainsi que de la Tunisie et de la Turquie.
Présentation d‟une revue de littérature empirique sur la transmission de la politique monétaire
au Maroc ainsi que dans certains pays comparables.
Le reste du chapitre se focalise sur la description de la méthodologie à suivre pour aborder
l‟étude empirique de la transmission de la politique monétaire au Maroc. Ce point porte à la
fois sur la nature du modèle à utiliser ainsi que sur le choix des variables à y intégrer.

1. Economie, système financier et politique monétaire au Maroc, en Tunisie et en


Turquie : état des lieux

L‟exposé des différentes caractéristiques de l‟économie marocaine, de la Tunisie et de la


Turquie, ainsi que leurs politiques monétaires respectives est nécessaire pour vérifier les
conditions préalables et indispensables à la transmission de la politique monétaire ainsi qu‟à
la conception, l‟analyse et l‟interprétation des résultats des modèles qui seront estimés dans
les chapitres suivants.
Dans ce cadre, et après justification du choix de la Tunisie et de la Turquie, le point suivant
est consacré à l‟exposé des principales caractéristiques des économies et des systèmes
financiers du Maroc, de la Tunisie et de la Turquie.

1.1. Points communs entre le Maroc, la Tunisie et la Turquie

L‟appartenance du Maroc à la région MENA a orienté le choix de la Tunisie et la Turquie.


Le choix de ces deux pays se base sur plusieurs raisons, dont l‟héritage culturel, linguistique
et religieux commun aux trois pays. Ces pays ont, en effet, une culture inspirée de la religion
musulmane, de la langue arabe et sont fortement influencés par la culture européenne en
général et de celles de leurs colonisateurs respectifs en particulier. La situation géographique
proche de l‟Europe72, confère au Maroc, à la Tunisie et à la Turquie l‟opportunité de nouer
avec l‟Union Européenne (U.E) de solides relations commerciales et financières.
L‟U.E constitue un partenaire de premier rang pour ces trois pays, suffisamment ouverts. Elle
est le premier client de leurs exportations de textile et de produits agricoles. Au niveau des
secteurs d‟activité, il est important de constater que le tourisme constitue un élément porteur
pour l‟économie des trois pays. Ils en font même une priorité dans leurs politiques
72
A préciser que la Turquie est même considérée européenne.
66
économiques respectives. Et à ce niveau encore la principale provenance des touristes est
l‟U.E.
La structure de l‟économie des trois pays révèle un rôle secondaire de l‟agriculture et une
domination des services. Au niveau des ressources naturelles, force est de constater que les
trois pays ne sont pas de gros producteurs de Pétrole ou de Gaz73, ils sont donc en grande
partie importateurs nets et énergétiquement dépendants de l‟extérieur. Pour se prémunir
contre les fluctuations des cours du baril et préserver le pouvoir d‟achat des classes
populaires, les trois pays ont appliqué des politiques de subvention des prix des produits
pétroliers74. En revanche, la Tunisie et le Maroc disposent d‟importantes réserves de
phosphates.
Au niveau de l‟économie parallèle, la nature du modèle économique de ces pays fait ressortir
une présence de l‟activité informelle qui pèse sur la régularité de la croissance économique, le
bon fonctionnement et l‟efficacité des politiques économiques.
Concernant les difficultés économiques, les trois nations ont traversé plusieurs crises et ont eu
droit à l‟intervention des institutions financières internationales, qui s‟est soldée par
l‟application de réformes de l‟économie et des politiques économiques dans le cadre des
Programmes d‟Ajustement Structurels (PAS). Grâce à la stabilité politique qui régnait au sein
de ces Etats75, l‟accomplissement de ces réformes a contribué à l‟installation d‟un
environnement encourageant l‟investissement et les affaires.
D‟ailleurs les trois pays ont mené des programmes de privatisation, de libéralisation
financière et d‟assainissement des finances publiques, afin de moderniser et de développer
leur système financier, d‟instaurer un climat favorable à l‟afflux des capitaux et des
investissements directs étrangers, notamment.
Constituant un pilier dans le système financier, la banque centrale de chacun de ces pays
dispose actuellement d‟une indépendance et d‟une autonomie dans son action et s‟occupe de
la stabilité des prix. La Banque Centrale de la République Turque (BCRT) a subi des périodes
d‟hyperinflation, c‟est pourquoi, elle a adopté le ciblage d‟inflation au lendemain de la crise
de 2001. D‟où l‟intérêt de mener cette comparaison car le Maroc et la Tunisie, sont en phase

73
La production de la Tunisie est relativement faible, comparée à d‟autres pays comme l‟Algérie ou la Libye.
74
La Turquie a commencé à l‟alléger depuis 1980, et l‟a arrêté complètement en 2005. Le Maroc pratique encore
la compensation partielle. La Tunisie continue de soutenir les prix de quelques produits comme l‟énergie, les
céréales, le lait, etc.
75
Même si la Tunisie a connu la révolution de 2011, la situation politique tend à se stabiliser et à instaurer une
sorte de démocratie.
67
de vérification des opportunités de lancement de cette stratégie de politique monétaire. Il
importe donc de s‟inspirer de l‟expérience turque et les défis auxquels la BCRT a du faire
face, surtout en matière de chocs extérieurs liés aux taux de change. Ainsi, l‟expérience de
flexibilisation de la Lire turque est riche en enseignement pour le Maroc qui tente plus
d‟ouverture financière et plus de flexibilité du Dirham.

Suite à la présentation des points communs entre les trois pays, nous procédons maintenant à
l‟exposé d‟un état des lieux de l‟économie, du système financier et de la politique monétaire
pour chaque pays.

1.2. Economie, système financier et politique monétaire du Maroc

1.2.1. Aperçu général sur l’économie marocaine

Avec une population estimée à 33 millions en 2013, la taille de l‟économie marocaine est
relativement petite. L‟emplacement géographique du Maroc lui confère la possibilité de
s‟insérer dans l‟économie mondiale et européenne en particulier. A ce propos le Maroc a
multiplié les partenariats et les accords de libres échanges avec l‟Union Européenne et
d‟autres régions du monde76.

Le Maroc dispose d‟un riche héritage historique, tenant surtout au caractère arabo-musulman
de sa population, mais aussi à l‟influence de la culture francophone suite à sa colonisation. Le
pays est considéré comme politiquement stable et relativement attractif aux investissements
étrangers. L‟économie marocaine est caractérisée par une dualité. Elle est composée d‟un
secteur moderne à la pointe, conforme aux standards internationaux, et d‟un autre secteur
informel, non organisé et estimé à plus de 14% du PIB selon le Haut Commissariat au Plan
(HCP)77. Ce poids de l‟activité informelle prive le secteur bancaire d‟une part significative
des transactions et des opérations financières. Il favorise également la fraude et prive l‟Etat
d‟importantes ressources fiscales. En plus de cela, les travailleurs de ce secteur ne bénéficient
d‟aucun droit ni de protection en raison de l‟absence de contrats de travail et de déclaration
auprès des services compétents (Nahhal, 2013).

76
ALE d‟Agadir avec l‟Egypte, la Tunisie et la Jordanie, ALE avec USA, ALE avec Turquie et une politique
coopérative très active avec les pays africains ces dernières années.
77
Enquête sur l‟informel au Maroc, HCP, 2007.
68
A noter que malgré cette configuration, l‟économie marocaine est en transition pour devenir
une économie émergente, et ce pour plusieurs raisons dont le rythme de la croissance
économique, le degré d‟ouverture et de développement du secteur financier et la stabilité
politique, etc.
Au niveau de la croissance économique, la figure 2 montre que le Maroc enregistre des taux
de croissance relativement élevés. Sur la période 1994-2013, le taux de progression du PIB
s‟établit à 4,28% en moyenne. Il est considérablement volatile à cause de l‟irrégularité de la
contribution du secteur primaire qui est très dépendant des conditions climatiques.

Fig. 2 : Evolution de la croissance économique au Maroc

Source : Elaboré par l‟auteur sur la base des données de l‟IFS (FMI), BAM, HCP et ministère des finances

La structure sectorielle de l‟économie marocaine78 note que les services occupent le premier
rang par rapport aux autres secteurs. Leurs poids se situent autour des 54% du PIB, tandis que
le secteur secondaire se hisse en deuxième place avec une part du PIB de l‟ordre de 28% en
1999, mais avec une tendance baissière s‟établissant à 25% en 2011. Etonnamment, le secteur
primaire n‟intervient qu‟en troisième et dernière place. Il participe en effet à hauteur de 18%
du PIB en 1999 et 15% en 2011. La part de ce secteur est très dépendante de l‟agriculture et
des conditions climatiques.
Pour limiter cet impact et promouvoir l‟agriculture, l‟application de l‟ambitieux plan Maroc
vert permettra la mise à niveau du secteur agricole et l‟augmentation de sa productivité ainsi
que sa participation dans le PIB.

78
Les statistiques fournies ici proviennent des annuaires statistiques de HCP et des rapports annuels de BAM.
69
Sur les dernières années, le Maroc mène une politique touristique très prometteuse, en nouant
des partenariats surtout avec les pays du Golf. Le Maroc a réussi à attirer les grands
opérateurs industriels et faire de plusieurs villes, comme Marrakech et Agadir, des
destinations mondialement connues. Par ailleurs, la politique industrielle très active que mène
le gouvernement marocain lui a permis d‟attirer de grands opérateurs industriels spécialisés
dans l‟automobile et l‟aéronautique.

Au niveau macroéconomique, le Maroc bénéficie d‟une stabilité très encourageante. A cet


effet l‟inflation est contenue à des niveaux raisonnables relativement supérieurs à 2% en
moyenne sur toute la période étudiée, à l‟exception des 6% enregistrés au début (figure 3).
Grâce à cette maitrise et l‟absence de la déflation, les décisions des agents économiques
semblent moins perturbées.

Fig. 3 : Evolution de l’inflation au Maroc

Source : Elaboré par l‟auteur sur la base des données de l‟IFS (FMI), BAM, HCP et ministère des finances

En traversant plusieurs crises, dont celle des années 1980, le Maroc a dû appliquer plusieurs
réformes sous les recommandations du PAS imposé par les institutions financières
internationales.
En matière de politique économique, le pays mène une politique budgétaire volontariste
depuis plus d‟une décennie. Les finances publiques du Maroc enregistrent un déficit structurel
malgré les multiples efforts d‟assainissement et de désengagement de l‟Etat à travers la
privatisation de plusieurs entreprises et établissement publics. Le déficit budgétaire s‟est
fortement creusé ces dernières années.

70
Il a atteint 7,2% en 2012 contre 3,1% en 1998 et 4% en 200579 à cause des dépenses
destinées, surtout, à la compensation des prix des produits pétroliers et des produits
alimentaires de première nécessité. En conséquence, le poids de la dette publique est passé de
62% en 2007 à plus de 75% du PIB en 2013.

1.2.2. Système financier et politique monétaire au Maroc

Le système financier marocain fait partie des quelques systèmes relativement développés
d‟Afrique. Il est composé principalement de banques, de sociétés d‟assurance, d‟un marché
de valeur mobilière et d‟un marché monétaire. Le système financier marocain a beaucoup
évolué depuis l‟application des recommandations du PAS en 1983. Il a bénéficié aussi de
l‟intérêt que lui ont porté les autorités dans l‟objectif de mieux positionner l‟économie
marocaine sur la scène internationale. Sous ces impulsions, le secteur a connu un remarquable
mouvement de libéralisation, de déréglementation et de modernisation de la politique
monétaire menée par Bank Al Maghreb.

En effet, ce processus a abouti à la suppression du plafonnement des crédits, la libéralisation


complète des taux d‟intérêt en 1996 et l‟abandon des obligations d‟emplois des ressources des
banques. Ces différentes mesures ont donné aux banques une capacité d‟affectation des dépôts
qu‟elles ont pu mobiliser, et la possibilité de participer efficacement au développement du
marché monétaire.
S‟agissant des marchés des capitaux, la bourse des valeurs a été modernisée aussi par la loi
relative à sa réorganisation en 1993. Sa gestion a été confiée depuis 1995 à une société
anonyme détenue totalement, et en parts égales, par les sociétés de bourses agréées par le
conseil déontologique des valeurs mobilières. De plus, les organismes de placements
collectifs en valeurs mobilières ont démarré leurs activités en 1995. Par ailleurs, le dépositaire
central « MAROCLEAR » a été créé pour garantir la transparence des règles de
fonctionnement et de sécurité des transactions. Parallèlement à ces réformes, les autorités ont
lancé un vaste programme de privatisation qui a permis un certain dynamisme de la bourse de
Casablanca.
Concernant la politique de change, le Maroc adopte actuellement un régime de change fixe
pour le Dirham (MAD). Le marché des changes marocain a été libéralisé en 1996. Les

79
Statistiques du ministère des finances du Maroc et des rapports annuels de BAM.
71
autorités de tutelle sont en phase d‟exploration des opportunités de flexibilisation du taux de
change en vue d‟adopter une politique monétaire de ciblage d‟inflation. Ce régime d‟inflation
flexible pourrait permettre à BAM de s‟occuper aussi d‟autres objectifs comme l‟emploi et la
stabilisation de la production (Taouil, 2009).
Actuellement, la monnaie du pays est rattachée principalement à l‟Euro et au Dollar US avec
une pondération de 80% pour l‟Euro et 20% pour le Dollar USD.
En matière de contrôle du système bancaire, la loi de 1993 puis celle de 2006 ont permis de
définir avec précision le cadre juridique régissant l‟activité des établissements bancaires,
considérés comme la principale composante du système financier marocain. Suite à la
libéralisation des taux d‟intérêt et du crédit, la banque centrale a renforcé la surveillance de la
structure financière des banques. Ainsi, elles sont tenues de respecter en permanence les
différents ratios prudentiels destinés à garantir la solvabilité du secteur bancaire.
Les autorités monétaires ont développé également le marché monétaire en l‟élargissant aux
émissions des bons du trésor par adjudication, dont l‟accès est devenu possible à tous les
agents économiques depuis 1995. De même, le marché des titres de créances négociables 80 a
été ouvert pour améliorer l‟efficacité de la mobilisation et de l‟affectation du capital.

Toutes ces réformes ont contribué à la modernisation et au développement du système


financier marocain. Elles ont permis à la banque centrale également de renforcer sa
surveillance du système bancaire et de mener une politique monétaire efficace, et en ligne
avec son mandat et les objectifs de la politique économique. Conjointement à toutes ces
réformes, la politique monétaire a fait aussi l‟objet de renouvellement et d‟évolution pour
s‟adapter à son contexte et s‟inscrire dans les standards internationaux 81. Ainsi, depuis sa
création en 1959 (Sagou, 2006), la banque centrale du Maroc, devenue Bank Al Maghrib en
1987, adapte ses objectifs de politique monétaire à la conjoncture nationale et internationale,
mais a toujours la stabilité des prix comme objectif principal.

Ainsi, entre 1973-1976 BAM a soutenu clairement la croissance économique (Sagou, 2006).
Mais l‟institut d‟émission s‟est trouvé contraint de s‟occuper davantage de la stabilité des prix

80
Il s‟agit des certificats de dépôts émis par les banques, des billets de trésorerie émis par les personnes morales
non financières et des bons émis par les sociétés de financement.
81
Le présent point descriptif de la politique monétaire de Bank Al Maghrib est basé sur les rapports annuels de
BAM et sur le papier de Sagou (2006).
72
et de la valeur extérieure du Dirham marocain pour enrayer la forte inflation enregistrée entre
1978-1990.
La politique monétaire de Bank Al Maghrib faisait principalement référence au courant de
pensée monétariste qui recommande le contrôle de la croissance de la masse monétaire pour
stabiliser les prix. Pour atteindre ces objectifs, Bank Al -Maghrib se basait sur le niveau de
progression de l‟agrégat monétaire M3 et M1 en fonction de la stabilité de leurs composants
et l‟effet de l'apparition de nouveaux actifs financiers (Rapports annuels de 1997 de BAM).
Le cadre opérationnel de la politique monétaire de BAM était basé principalement sur le
contrôle de la création monétaire et les taux d'intérêt. L‟intervention sur le marché monétaire
passait par la détermination des conditions de refinancement des institutions financières. Ce
procédé permettait d‟agir sur la liquidité bancaire pour influencer la politique de distribution
du crédit et ajuster la quantité de monnaie en circulation aux objectifs visés. C‟est dans cette
optique que la technique de plafond de réescompte82 a été appliquée, entre 1959 et 1966, pour
orienter la politique de crédit de chaque établissement bancaire à l‟exception des prestations
destinées aux secteurs prioritaires définis par le pouvoir public.

Pour améliorer l'efficacité de cet instrument BAM a introduit une retenue sur les exigibilités à
vue et à terme dans les caisses des banques, auprès de BAM ou encore sous forme de bons de
trésors83. Ces mesures n'ont pas produit les résultats escomptés, car les établissements
bancaires arrivaient à se conformer aux exigences des autorités et à satisfaire la demande de
leurs clients grâce au concours de leurs maisons mères étrangères84. En réponse, BAM a
instauré en 1966 l'obligation de détenir un minimum des effets publics, ainsi que la réserve
monétaire qui contraint les établissements bancaires à placer dans les caisses de la banque
centrale un pourcentage des dépôts à vue et à terme85.
Pour renforcer son dispositif, BAM a institué en 1969 l‟encadrement du crédit bancaire des
secteurs non prioritaires sur une période déterminée.

Généralement, l'intensification et l'assouplissement de ces mesures de contrôle de la quantité


de monnaie en circulation et plus précisément le crédit, dépendait de l'orientation
82
Au-delà du plafond fixé, le taux d‟intérêt appliqué est dissuasif.
83
Rapports annuels de BAM et Sagou (2006).
84
Plusieurs établissements bancaires marocains étaient des filiales de grands groupes étrangers (exemple BMCE,
Crédit agricole, Banque populaire, etc.).
85
Ce pourcentage a atteint 25% des dépôts à vue en novembre 1966 et 4% de l'ensemble des exigibilités des
banques en 1971.
73
expansionniste ou non de la politique monétaire. Par exemple, pour relancer l'économie,
l'encadrement du crédit a été abandonné entre 1973-1977 avant d'être réintroduit dès 1978.
Après cette longue période d'administration de l'économie et du système financier marocain,
le mouvement de libéralisation financière des années 1990 et les recommandations des
institutions financières internationales, ont poussé BAM à adapter son outil opérationnel en
l‟orientant davantage vers les instruments indirects de marché, mais sans abandonner la
réserve monétaire. C‟est ainsi que l'encadrement du crédit a été supprimé en 1991.

Au centre du mode opératoire de la politique monétaire, l'action sur et par le taux d'intérêt est
devenue la référence pour le refinancement sur le marché monétaire. Les opérations de
pensions d'effets publics ou privés, l'achat ou la vente de titres permettent à BAM d‟agir sur le
niveau de la liquidité et influencer le niveau des taux d‟intérêt, surtout depuis la libéralisation
des taux d‟intérêt créditeurs en 1992 et débiteurs en 1996.
Ces changements de stratégie et de moyens d‟action ont contribué à l‟orientation de la
politique monétaire quantitative (crédit) vers une stratégie axée sur les taux d'intérêt. Dans le
prolongement de ce processus, BAM s'est dotée en 2006 d'un nouveau statut qui sacralise la
stabilité des prix comme objectif principal de la politique monétaire, et précise l'indépendance
de la banque centrale. Le nouveau statut de BAM86 stipule que la banque centrale dispose
d‟une large autonomie en matière de politique monétaire, surtout en ce qui concerne la
fixation des objectifs intermédiaires, l‟objectif opérationnel et les modalités d‟intervention87.
En contrepartie, la banque centrale est devenue responsable du résultat atteint et elle est tenue
de le justifier.

Dans le cadre de ses prérogatives, Bank Al Maghrib s‟appuie sur divers outils pour agir sur la
liquidité et atteindre ses objectifs. Parmi ces moyens, nous recensons :

 Les canaux d‟injection de la liquidité : il s‟agit d‟une part, des avances à 7


jours sur appels d‟offres à l‟initiative de BAM. Leur taux constitue le taux
directeur de la politique monétaire. Et d‟autre part, des facilités de crédit
permanentes à 24 heures à l‟initiative des banques. Le taux de ces facilités sert
de taux plafond du corridor qui limite les fluctuations du taux interbancaire.

86
Statut de BAM de 2006, disponible sur le site http://www.bkam.ma/
87
Pour le ou les objectifs finaux, ils sont définis par la banque centrale en concertation avec le Ministère de
l‟économie et des finances (Article 6 de la loi portant statut de BAM en 2006).
74
 Les canaux de retrait de liquidités : ce sont les reprises de liquidités à 7 jours à
l‟initiative de BAM et les facilités de dépôts, dont le taux représente la limite
inférieure du corridor qui détermine le taux au jour le jour.
 Les opérations de réglage fin : ces opérations sont ponctuellement réalisées par
la banque centrale pour atténuer les effets des fluctuations imprévues de la
liquidité bancaire sur les taux d‟intérêt. Ces procédés prennent la forme
d‟acquisitions ou de cessions, temporaires ou fermes, des bons du Trésor
(Open Market). Et peuvent être aussi des opérations de swaps de change.
 La réserve monétaire : c‟est le montant des avoirs en compte que les banques
sont tenues de maintenir auprès de Bank Al Maghrib.

Parallèlement à l'entrée en vigueur du nouveau statut de 2006, BAM s'est dotée d‟un nouvel
instrument lui permettant de procéder à l‟émission ou au rachat de ses propres titres
d‟emprunt. Cet outil renforce la capacité de BAM à intervenir sur le marché monétaire pour
résorber ou injecter la liquidité. Concrètement, Bank Al Maghrib cherche à maintenir son
objectif opérationnel, le taux interbancaire à l‟intérieur du corridor délimité en plafond par le
taux des facilités d‟avances à 24 heures, et en plancher par le taux des facilités de dépôts.
La figure suivante illustre l‟évolution du taux d‟intérêt interbancaire. Il emprunte une
tendance baissière avec une relative stabilité depuis fin 2009.

Fig. 4 : Evolution du Taux d’intérêt interbancaire au Maroc

Source : Elaboré par l‟auteur sur la base des données de l‟IFS (FMI), BAM, HCP et ministère des finances

75
A travers ce mode d‟action Bank Al Maghrib essaie d‟agir via les canaux de transmission
pour influencer, entre autre, le niveau des taux d‟intérêt, le volume et le coût du crédit afin de
réaliser son objectif principal.
Schématiquement, le taux d‟intérêt interbancaire qui reflète les conditions de refinancement
des banques sur le marché interbancaire, affecte les coûts de leurs ressources 88 et constitue
une référence pour la détermination du niveau des taux d‟intérêt débiteurs et créditeurs
appliqués à la clientèle.

Après la présentation de ce point sur l‟économie du Maroc, nous proposons de procéder de


même pour le cas de la Tunisie.

1.3. Economie, système financier et politique monétaire de la Tunisie

1.3.1. Aperçu général sur l’économie tunisienne

Petite économie tournée vers l‟extérieur, l‟économie tunisienne était considérée parmi les
meilleures modèles en matière de développement économique89. Pour arriver à ce stade
l‟économie tunisienne a dû faire face à plusieurs problèmes et crises depuis l‟indépendance du
pays en 1956. Dans l‟objectif d‟instaurer la souveraineté de l‟Etat, l‟économie est restée très
longtemps administrée et tournée vers le marché intérieur et exportant seulement les produits
miniers comme le phosphate et les produits agricoles comme l‟huile d‟olive. Conscient de la
faiblesse de l‟économie tunisienne dans les années 1960, le gouvernement s‟est tourné vers la
promotion des IDE et la pratique d‟une sérieuse politique touristique.
La persistance des problèmes économiques liés à la baisse de la croissance, le chômage,
l‟inflation élevée, le déficit de la balance des paiements et le creusement de la dette ont fini
par imposer le Programme d‟Ajustement Structurel (PAS), en 1986, sous les
recommandations du FMI et de la BM (Mahjoub, 2006).
Le PAS a porté sur plusieurs réformes afin de rétablir l‟équilibre et la stabilité
macroéconomique, libéraliser et ouvrir l‟économie sur l‟extérieur. C‟est ainsi que le pays a
multiplié les accords de libre-échange tout en soutenant les exportations. Cette stratégie a
permis à l‟économie tunisienne de mieux s‟insérer dans l‟économie mondiale grâce aux
multiples accords et partenariats surtout avec l‟Union Européenne et avec les pays arabes et

88
La relation entre les taux courts et les taux longs.
89
Surtout avant la révolution de 2010-2011.
76
africains. La politique touristique menée par la Tunisie a positionné le pays comme une des
destinations les plus attractives au niveau de la région MENA.
L‟ensemble de ces réformes et les efforts des autorités ont permis au pays de s‟inscrire sur la
voie du développement et de la modernisation.
Ainsi sur la période 1970-2003 le pays a réalisé un taux de croissance économique annuel de
5,5% en moyenne entre 1995-1999 et de 4,5% entre 2000-200490 grâce à une politique
d‟investissement public atteignant en moyenne 28% du PIB sur la même période. La tendance
de la croissance économique est baissière sur les dernières années à cause des effets de la
crise financière et économique ayant touchées le monde à partir de 2007 et de la révolution de
2011. Le PIB s‟est même contracté à hauteur de 1,1% en 2011.

De la même manière qu‟au Maroc, il est important de souligner que le rapport des Nations
Unies sur l‟Afrique du Nord91 avance qu‟en termes de contribution sectorielle au PIB en
Tunisie, le secteur tertiaire occupe la première place avec plus de 50% depuis les années
1999. Cette part est tombée à 42%92 en 2011 avant de retrouver un niveau proche des 50% du
PIB. L‟industrie vient en deuxième place, avec en moyenne plus de 33% du PIB sur la
période 1999-2000, 30% en 2006 et 27% en 2010. Le secteur agricole oscille autour de 14%
du PIB sur la période 1999-2004, baisse à 10% en 2006 et à 8,1% en 2011.

S‟agissant de l‟évolution des prix, l‟inflation est sur une tendance haussière dans la mesure où
elle est passée de 2,5% en moyenne sur la période 2000-2004 à 4,5% entre 2005 et 2009 puis
a culminé à plus de 6% en 201293. La hausse des dernières années est imputable à la baisse de
l‟activité et à la persistance de la demande et aussi à l‟augmentation de l‟exportation des
produits vers la Libye qui est en crise depuis 2011.

En matière de politique budgétaire, les dépenses publiques en Tunisie représentent en


moyenne 25% du PIB entre 2000-2004, 27% entre 2005-2009 et dépassent les 35% en 2011 et

90
Nations Unies, Commission Economique Pour l‟Afrique, (2005), « Conditions économiques et sociales en
Afrique du Nord. Partie II. Analyse Préliminaire de l‟Evolution Destructeurs Economiques 2000-2004», Tanger
(Maroc), 13-15 avril 2005.
91
Idem.
92
Perspectives économiques en Afrique 2012, 2 | © BAfD, OCDE, PNUD, CEA « Tunisie 2012 ».
93
Données de la Banque Mondiale (BM).
77
201294. Le déficit budgétaire a connu une aggravation sur les dernières années. Il s‟établissait
à 2,2% entre 2000-2004, moins de 1% en 2008, de 4% en 2011 et 5% en 201295.
Le creusement du déficit est attribué à la dégradation de l‟activité économique, aux actions du
gouvernement pour contrer les effets de la crise des Subprimes, de la crise d‟endettement de la
zone Euro et les dépenses destinées à soutenir la croissance et le pouvoir d‟achat 96 au
lendemain de la révolution de 2010-2011. Dans le même cadre, la Tunisie mène également
une politique de soutien et de subvention des prix de certains produits via une politique de
compensation. En lien avec la politique budgétaire, l‟endettement public reste raisonnable et
volatile. Il est passé de plus de 55% avant 2005 à 40% en 2010 pour s‟établir à 44% en
201297.
Pour la politique de change, la BCT de Tunisie gère et régularise le cours du Dinar tunisien
(TUD).
Après ce bref aperçu sur l‟économie tunisienne, nous proposons dans ce qui suit un survol du
système financier du pays tout en insistant sur la politique monétaire menée par la banque
centrale de Tunisie (BCT).

1.3.2. Système financier et politique monétaire en Tunisie

La configuration actuelle du système financier tunisien est l‟aboutissement de plusieurs


réformes de libéralisation et de modernisation dictées surtout par le PAS et la volonté
réformiste du pouvoir en place. Parachevé par la banque centrale de Tunisie (BCT), le
système financier de la Tunisie fait partie des systèmes les plus développés en Afrique.
Dominé par 21 banques il comprend aussi la bourse de Tunis, des sociétés d‟investissement
et des Organismes de Placement Collectif (OPC).
Le système bancaire tunisien contient des banques islamiques, dont la filiale d‟Al Baraka
Banking Group (ABG), connue depuis 2009 sous le nom d‟Al Baraka.
La Société Tunisienne Interprofessionnelle pour la Compensation et le Dépôt des Valeurs
Mobilières assure le dénouement des opérations à la bourse de Tunis. Pour contrôler et veiller
sur le bon fonctionnement du système, le Conseil du Marché Financier joue un rôle

94
Idem
95
Idem
96
Selon « Perspectives économiques en Afrique 2012, 2 | © BAfD, OCDE, PNUD, CEA « Tunisie 2012 », les
dépenses destinées au pouvoir d‟achat ont augmenté de 90% en 2011.
97
Données de la Banque Mondiale (BM).
78
indispensable en protégeant l‟épargne en valeurs mobilières et financières négociables sur la
place de Tunis.
Principale composante du système financier tunisien, le marché monétaire assure l‟échange de
la liquidité à court terme. Son accès a été élargi aux personnes physiques depuis 2005. En
fonction de la situation de la liquidité, la BCT est amenée à intervenir pour la réguler.
Le marché financier de la Tunisie est peu développé. Le nombre de sociétés cotées évolue très
peu, il est passé de 46 sociétés en 2000 à 50 en 2007 et à 59 entreprises en 2012 98. En plus du
faible nombre d‟introduction sur la période, les appels à l‟épargne que ce soit par
augmentation de capital ou par émissions obligataires restent insignifiants par rapport au
financement bancaire.
L‟application du PAS en 1986 a porté aussi sur la libéralisation des taux d‟intérêt et
l‟utilisation d‟outils indirects en matière de politique monétaire.

La mission de la banque centrale de Tunisie (BCT) n‟a été spécifiée officiellement que depuis
le statut de 2006. Elle s‟occupait avant 2006 de la valeur du Dinar tunisien depuis 1988 et
implicitement de la stabilité des prix. Pour mener sa politique la BCT se concentre sur
l‟évolution des agrégats monétaires, en particulier M2 et M3. Avec l‟entrée en vigueur du
nouveau statut de 2006, la BCT s‟est vue confier la préservation de la stabilité des prix99
comme objectif principal afin de soutenir la croissance, l‟emploi et améliorer le pouvoir
d‟achat100. La BCT continue de s‟occuper aussi de la régulation du cours du taux de change
du Dinar tunisien dont la valeur se détermine sur le marché interbancaire101.

Dans le cadre de sa stratégie opérationnelle, la BCT agit sur la base monétaire via les réserves
obligatoires et les interventions sur le marché monétaire. Elle exerce son action aussi sur le
crédit et d‟autres indicateurs en lien avec l‟inflation afin d‟atteindre ses objectifs (Ben Sliman,
2009). Les principaux instruments de politique monétaire à disposition de la BCT sont : les
appels d‟offres hebdomadaires, les prises de pensions de fin de journées, les prises de
pensions de bons du trésor à trois mois et les opérations ponctuelles qui visent à réguler la
liquidité quotidienne et influencer la trajectoire du taux d‟intérêt du marché monétaire. Enfin,

98
Rapports annuels de 2000 à 2012 de la bourse de Tunis : http://www.bvmt.com.tn/fr/rapports-activites
99
Site web de la BCT : http://www.bct.gov.tn/bct/siteprod_o/francais/politique/index.jsp
100
En 1988 la BCT s‟occupait de la valeur du Dinar tunisien. (Site web de la BCT)
101
Site web de la BCT : http://www.bct.gov.tn/bct/siteprod_o/francais/politique/change.jsp
79
les opérations d‟Open Market sont utilisées depuis leur introduction en 2003 (Site web de la
BCT).

Depuis l‟adoption du PAS, la politique monétaire de la BCT a traversé plusieurs phases. Entre
1986 et 1992 la BCT pratiquait la technique de réescompte. L‟abondance de la liquidité
pendant cette période a engendré la déviation de la progression de la masse monétaire de la
cible fixée par la banque centrale. A cette occasion, la BCT a utilisé massivement la réserve
obligatoire pour éponger la liquidité et ramener la croissance de l‟agrégat M2 à son objectif.
Cette politique a provoqué une forte hausse du taux du marché monétaire (TMM)102.

Après avoir atteint son niveau le plus élevé de 11,81%, le TMM a entamé une tendance
baissière depuis 1992. Au lendemain des années 2000 la BCT a entrepris un assouplissement
monétaire ayant ramené le TMM vers des niveaux de plus en plus bas afin de soutenir
l‟activité économique (Figure 5). Le mouvement baissier persiste après l‟indépendante de la
BCT en 2006, même si elle se concentrait sur la réalisation de la stabilité des prix. Depuis la
révolution de 2010-2011 et la dégradation de la conjoncture économique, elle a mené une
politique monétaire103 expansionniste, consistant à injecter la liquidité pour les banques afin
d‟assouplir les conditions de financement de l‟économie104. A cet effet, elle a baissé son taux
de réserve monétaire (obligatoire) à trois reprises pour le ramener de 12% à 2% en 2011105.

Au sujet de l‟orientation de la politique monétaire, il est important de noter qu‟en général la


tendance du taux d‟intérêt du marché monétaire (TMM) est baissière. L‟évolution est marquée
par de longues périodes de stabilité (Figure 5). La baisse entamée en fin de période est
expliquée par l‟assouplissement monétaire qui vise à faciliter le financement de l‟économie et
relancer la croissance surtout face aux chocs négatifs de la demande extérieure.

102
Ben Sliman (2009).
103
Perspectives économiques en Afrique 2012, 2 | © BAfD, OCDE, PNUD, CEA « Tunisie 2012 ».
104
L‟action de la BCT s‟inscrit dans le cadre de la crise de l‟Euro et le ralentissement de la croissance de l‟U.E.
105
Banque centrale de Tunisie (2012), « Statistiques Financières », N° 180, 2012.
80
Fig. 5 : Evolution du Taux d’intérêt du marché monétaire en Tunisie

Source : Elaboré par l‟auteur sur la base des données de l‟IFS (FMI), BM, Site Web de la BCT.

Pour compléter cet exposé, nous exposons dans la suite les caractéristiques de l‟économie t du
système financier turc.

1.4. Economie, système financier et politique monétaire en Turquie

1.4.1. Aperçu général sur l’économie turque

La Turquie, pays émergent à fort développement économique et social remarquable, a


traversé plusieurs crises ayant contribué au changement de la structure de son économie, à
l‟instauration d‟une démocratie et une stabilité politique indispensable à la poursuite du
chemin de la stabilité macroéconomique. A titre d‟illustration le PIB du pays est passé de 263
Mrds de dollars en 1983 à 992 Mrds de dollars en 2011 (Ünal, 2012).
Avec 76,6 millions d‟habitants en 2013, la Turquie est le deuxième pays émergent le plus
important en Europe après la Russie en termes de marché domestique.

Dans une étude historique Ünal (2012) met l‟accent sur l‟état critique des indicateurs
économiques du pays dans les années 1980. Le taux d‟inflation atteignait les 84%, le déficit
budgétaire s‟établissait à 7% du PIB et le déficit commercial culminait à 5% du PIB. Face à
ces problèmes, le gouvernement en place a appliqué un programme consistant à dévaluer la
Lire turque (TRY), à soutenir les exportations, à désengager l‟Etat et encourager les
investissements étrangers. La conjonction de ces mesures et la signature de l‟accord d‟union

81
douanière avec l‟U.E ont permis de relancer le secteur industriel turc, en particulier
l‟automobile, le textile et l‟agroalimentaire106.
Mais, la poursuite des opérations de dévaluation et les dérapages budgétaires ont pesé sur les
finances publiques et ont accéléré l‟inflation jusqu‟au déclenchement de la crise des années
2001.
La crise financière de 2001 s‟est traduite par des faillites bancaires, dévaluation de la Lire
turque, hausse des taux d‟intérêt et une inflation excédant les 50% en 2001 (Escurat, 2006). A
la suite de cela, le FMI est intervenu pour recommander la discipline budgétaire, la maîtrise
de la dette, l‟indépendance de la banque centrale, et le flottement de la Lire. L‟application de
ces réformes et les efforts du pouvoir ont permis de restaurer la confiance des investisseurs
étrangers et de relancer l‟économie turque.
Etant une économie ouverte et bien intégrée dans le système financier et commercial
international, l‟économie turque n‟a jamais été à l‟abri des chocs extérieurs. L‟observation de
la croissance du PIB (figure 6) révèle clairement l‟impact négatif de la crise de 2001 suite à
l‟explosion de la bulle internet. Le PIB s‟est également fortement contracté pendant la crise
des Subprimes et celle de la zone Euro. Il est frappant que le pays enregistre de fortes
récessions lors de ces crises.
Ceci étant, nous constatons que l‟économie repart en croissance rapidement, ce qui atteste de
la présence de bons moteurs lui permettant de croitre à chaque fois et tirer profit de la reprise
nationale ou/et internationale.

Fig. 6 : Evolution de la croissance économique en Turquie

Source : Elaboré par l‟auteur sur la base des données de l‟IFS (FMI), BM, Site Web de la BCRT

106
Questions internationales, La Turquie et l‟Europe, n° 12, mars-avril 2005.

82
Au niveau sectoriel, la part de l‟agriculture dans le PIB est en recul depuis les années 1990107
et ne dépasse plus les 12% depuis 2002. Au contraire, la politique d‟encouragement de
l‟industrie a permis au secteur secondaire de gagner en importance. Le secteur tertiaire est très
porteur dans le pays, en particulier la distribution et le tourisme. Le pays dispose d‟un grand
potentiel balnéaire et bénéficie d‟un héritage culturel très riche et très attractif pour les
touristes. La bonne exploitation de ces atouts place le pays parmi les grandes destinations
touristiques du monde et lui confère de considérables recettes en devises108.
Cependant, l‟économie turque souffre aussi du poids de l‟activité informelle ou souterraine.
Quelques études estiment que plusieurs dizaines de milliers d‟entreprises opèrent dans ce
secteur et génèrent presque la moitié du PIB109.
Dans un autre registre, les efforts d‟assainissement budgétaire ont permis de maitriser le
déficit budgétaire. En effet, à l‟exception du dérapage de 5,8% du PIB en 2009, le déficit ne
dépasse pas les 1,5% et il est même descendu à 0,6% en 2012110. En conséquence, la dette
publique est réduite de 54% du PIB en 2009 à 45% en 2012111.
Face aux périodes d‟hyperinflation la Turquie a mis, sur recommandations du FMI, la stabilité
des prix au centre des objectifs de la politique économique. La figure 7 montre que malgré la
baisse en dessous des 10% à partir de 2004, le niveau de l‟inflation reste encore élevé et
diminue le pouvoir d‟achat des citoyens. Cette situation très inflationniste justifie la fixation
de la stabilisation des prix comme mission principale pour la banque centrale de la république
turque.

Fig. 7 : Evolution de l’inflation en Turquie

Source : Elaboré par l‟auteur sur la base des données de l‟IFS (FMI), BM, Site Web de la BCRT

107
Questions internationales, (2005), « La Turquie et l‟Europe », n° 12, mars-avril 2005.
108
Questions internationales, (2005), « La Turquie et l‟Europe », n° 12, mars-avril 2005.
109
Idem.
110
Statistiques de la BM.
111
Idem.
83
1.4.2. Système financier et politique monétaire en Turquie

Particulièrement ouvert, le secteur financier turc est en croissance permanente, mais reste
encore moins développé face aux systèmes financiers plus modernes des pays développés112.
Dominé par quarante-neuf banques depuis 2007113, le système bancaire turc est composé de
trois types de banques en 2013, à savoir trente-deux banques conventionnelles, quatre
banques de participation ou Islamique et treize banques d‟investissement (Tayyar, 2014). La
part des banques islamiques dans le total actif représente 2,6% en 2005 et 5,8% en 2013.
Ainsi, malgré le poids des banques conventionnelles dans le marché bancaire turc, la
croissance des banques islamiques est remarquable, car celles-ci réalisent des performances
supérieures en termes de crédit et de collecte de dépôts (Tayyar, 2014).
En plus des banques, le système financier turc englobe des sociétés d‟assurance, des sociétés
d‟affacturage, des fonds d‟investissements, etc.
Créée en 1985, l‟Istanbul Stock Exchange (ISE) constitue un pilier du système financier turc
et un catalyseur attractif pour les investisseurs étrangers114. Il est auto-réglementé et surveillé
à l‟époque de sa création par le Capital Market Board (Conseil de Marchés des Capitaux
actuellement). En 1991, l‟ISE comprenait le marché à revenus fixes, où les papiers du
gouvernement et la dette privée se traitaient (Bahsayis, 1994). Le marché, automatisé,
contenait 110 sociétés cotées en 1990, 315 en 2000, 337 en 2010, et 405 en 2012 115. Le
secteur manufacturier est le plus représenté sur la cote d‟Istanbul suivi par le secteur financier.
L‟ISE a subi un effondrement en 2001 à cause du retrait massif des capitaux, surtout
étrangers. Actuellement le marché est divisé en deux compartiments, l‟Equity Market et
l‟Emerging Companies Market, qui enregistrent de solides performances et continuent
d‟attirer les investisseurs nationaux et étrangers.
Dans le même sillage, le marché monétaire est suffisamment diversifié, développé et
accessible.

112
The Banks Association Of Turkey “The Financial System and Banking Sector in Turkey”, October 2009,
Istanbul :http://www.tbb.org.tr/Dosyalar/Arastirma_ve_Raporlar/The_Financial_System_and_Banking_Sector_i
n_Turkey.pdf
113
International Monetary Fund (2012), « Turkey: Financial System Stability Assessment”, IMF Country Report
No. 12/261
114
Birsen,..« Istanbul Stock Exchange », disponible sur le site
http://www.hazine.gov.tr/File/?path=ROOT/Documents/Genel%20%C4%B0%C3%A7erik/C4B0stanbul20Men
kul20KC4B1ymetler20BorsasC4B120ve20BC3B6lgesel20C4B0C59FbirliC49Fi.pdf
http://www.hazine.gov.tr/File/?path=ROOT/Documents/Genel%20%C4%B0%C3%A7erik/C4B0stanbul20Men
kul20KC4B1ymetler20BorsasC4B120ve20BC3B6lgesel20C4B0C59FbirliC49Fi.pdf
115
Données de l‟ISE et de la Banque Mondiale.
84
Pour assurer le bon dénouement des opérations et maintenir la sécurité des placements
financiers, les autorités turques ont investi plusieurs institutions de larges pouvoirs. Comme
par exemple l‟Agence de Réglementation Bancaire et de Surveillance, qui protège les
épargnants et garantit la stabilité financière, œuvre pour le développement du secteur financier
et développe le crédit. De son coté, le Conseil des Marchés des Capitaux s‟occupe de la
transformation des investissements en titres, et de la protection des investisseurs en veillant
sur la transparence et la stabilité des marchés des capitaux.

En 2011, la Turquie a crée le Comité de Stabilité Financière (CST). Cet organe rassemble
l‟ensemble des acteurs116 de contrôle et de surveillance du système financier turc.
Etant la clé de voûte du système financier turc, la banque centrale de la république turque
(BCRT) focalise principalement sa politique monétaire sur la réalisation de la stabilité des
prix, afin d‟éviter l‟hyperinflation qu‟a connu le pays pendant de longues périodes. Le
renforcement de son indépendance et le flottement de la Lire ont offert à la banque centrale de
la république turque l‟occasion d‟adopter une politique de ciblage d‟inflation dès 2002.
La BCRT considère le taux d‟intérêt de court terme du marché monétaire (TMM) comme son
principal instrument117, tandis que le taux des opérations de pension à une semaine représente
le taux directeur. En pratique la BCRT pilote quotidiennement le taux d‟intérêt du marché
monétaire à l‟intérieur d‟un corridor composé du taux créditeur (plancher) et débiteur
(plafond) au jour le jour118.
La figure 8 illustre la tendance baissière générale du taux du marché monétaire, objectif
opérationnel de la politique monétaire, en fonction de la baisse des pressions inflationnistes et
la disparition de la contrainte de régulation du cours de change de la Lire turque.

116
Il s‟agit de la BCRT, le Trésor, le Conseil des Marchés des Capitaux, Agence de Réglementation Bancaire et
de Surveillance, etc.
117
Site web de la BCRT rubrique History :
http://www.tcmb.gov.tr/wps/wcm/connect/TCMB+EN/TCMB+EN/Bottom+Menu/About+The+Bank/History/
118
Études économiques de l‟OCDE : Turquie, Juillet 2014.
85
Fig. 8 : Evolution du Taux d’intérêt du marché monétaire en Turquie

Source : Elaboré par l‟auteur à partir des données de l‟IFS (FMI), BM, Site Web de la BCRT.

Bien que les réformes menées à la suite de la crise de 2001 et l‟adoption du flottement du taux
de change aient libéré l‟action de la banque centrale, l‟insertion de l‟économie turque dans la
finance mondiale contraint souvent la BCRT à agir pour réguler les flux massifs des capitaux.

Depuis les dernières réflexions sur les pratiques de politique monétaire et dans le sillage du
mode opératoire de la BCE, la BCRT recourt à un cadre opérationnel se basant sur l‟Open
Market, la politique des réserves obligatoires et les facilités permanentes. Ce dernier dispositif
constitue les deux limites plancher et plafond du corridor qui délimitent le taux d‟intérêt
objectif opérationnel de la politique monétaire de la BCRT (Zeyneloglu, 2013). En
manipulant ce taux intra corridor, la BCRT agit contre les variations du taux de change alors
que l‟action sur le crédit nécessite la mobilisation de tout l‟arsenal d‟instruments de politique
monétaire.
Face aux effets des crises financières successives, la BCRT a récemment abandonné
partiellement le ciblage pur de l‟inflation en 2010, pour assurer aussi la stabilité financière, la
croissance du crédit et le niveau du taux de change réel119. A titre d‟illustration, pour contrer
la sortie massive des capitaux issus des politiques monétaires ultra-accommodantes des
grandes banques centrales, la BCRT a augmenté brutalement son taux d‟intérêt de 7,75% à
12% en janvier 2014. Cette action visait à soutenir la Lire turque (TRY) et éviter son
effondrement.
Au terme de cette présentation des principales caractéristiques de l‟économie et des systèmes
financiers des trois pays, il est désormais possible de juger, qualitativement, la capacité du

119
Études économiques de l‟OCDE : Turquie, Juillet 2014.
86
système financier marocain ainsi que ceux des deux autres pays à faire véhiculer les actions
de politique monétaire. Il est également envisageable de vérifier l‟existence d‟une stratégie de
politique monétaire claire et définissant des objectifs précis.
En se penchant sur ces aspects, le point suivant apporte les premiers éléments de réponses aux
questions relatives à la réunion des conditions préalables pour la transmission de la politique
monétaire au Maroc ainsi qu‟en Tunisie et en Turquie.

1.5. Conditions préalables à la transmission de la politique monétaire

Les changements et les réformes structurelles menées au Maroc, en Tunisie et en Turquie,


depuis les années 1980, ont permis à leurs économies respectives de devenir relativement
ouvertes, libéralisées et diversifiées. Dans ce cadre, la description des systèmes financiers des
trois pays montre clairement leur adaptabilité et leur capacité à faire véhiculer l‟action de la
banque centrale vers les variables des marchés financiers, avant sa transmission aux variables
réelles à travers l‟influence des décisions des agents économiques.
La configuration de ces systèmes financiers annonce un rôle primordial des banques dans la
transmission de la politique monétaire et une supériorité du canal du crédit, surtout avec un
marché financier étroit et peu dynamique au Maroc et en Tunisie spécifiquement.
De plus, la libéralisation des taux d‟intérêt, outil central de la politique monétaire, est en
mesure de renforcer la transmission via les autres canaux de transmission malgré le manque
de dynamisme des marchés monétaires, en cours de développement.

En somme, les systèmes financiers de ces trois pays semblent relativement aptes à faire
circuler les actions de la banque centrale vers l‟économie et les variables cibles en particulier.
Cependant, il convient de souligner que plusieurs points annoncent de possibles faiblesses
voire des dysfonctionnements de la transmission. Il s‟agit, entre autres, de l‟importance du
secteur informel, le manque de dynamisme des marchés des capitaux et leur faible
accessibilité au Maroc et en Tunisie notamment.

S‟agissant du cadre de politique monétaire, il importe de préciser que cet exposé a été mené
sur une période qui couvre deux principales phases. Pendant la première, la banque centrale
était contrainte dans sa stratégie et son mode opératoire. La politique monétaire menée visait
le soutien de l‟action gouvernementale consistant le plus souvent en la relance de la

87
croissance et/ou la préservation de la valeur de la monnaie. A cette époque la discrétion voire
la brutalité de l‟action rend peu compréhensible et moins stable la stratégie de politique
monétaire. Face à des résultats peu probants et le mouvement de libéralisation financière, les
banques centrales ont bénéficié progressivement d‟une autonomie et d‟une mutation de leur
mission. Lors de la deuxième phase, les instituts d‟émission ont accédé à une sorte
d‟indépendance et d‟autonomie. Ce qui leur a permis de se tenir au cadre et aux seuls objectifs
dictés par leur statut et leur mandat.
En conséquence, la politique monétaire est menée par un organe compétent et disposant des
prérogatives nécessaires à la réalisation de son mandat. Les banques centrales des trois pays
sont indépendantes vis-à-vis du pouvoir politique et se concentrent sur la réalisation d‟un
objectif précis en mobilisant les moyens essentiels. C‟est grâce à cette accession à
l‟autonomie que les stratégies de politique monétaire de BAM, de la BCT et de la BCRT, sont
devenues identifiables, plus claires et semblent plus crédibles en matière d‟atteinte des
résultats fixés. Car, la tutelle à laquelle elles étaient soumises les obligeait de revoir,
d‟adapter, voire d‟ajuster leur stratégie et leur mode d‟action en fonction des objectifs
conjoncturels du pouvoir en place.
Cette mise à l‟abri de la banque centrale rend normalement son action plus efficace.
Cependant, il faut rester vigilant car le manque de dynamisme du système financier,
l‟hétérogénéité de la période étudiée permettent à l‟héritage de peser sur l‟action de la banque
centrale. Egalement, le rôle joué par les instruments directs peut tout à fait persister dans les
statistiques du crédit, de la masse monétaire et même des taux d‟intérêt.

En résumé, la stratégie et le cadre opérationnel des trois banques centrales s‟inscrivent,


généralement, dans les standards internationaux et confèrent, en principe, la conception et la
mise en œuvre d‟une politique monétaire claire et susceptible d‟atteindre les objectifs qui lui
sont assignés.
L‟exploration des caractéristiques de l‟économie et du système financier du Maroc semble
annoncer la satisfaction des conditions préliminaires pour l‟existence d‟une politique
monétaire claire et proche des standards internationaux et sa possible transmission à
l‟économie. Ceci étant, il est important de se pencher à présent sur les résultats et les
enseignements des travaux empiriques qui ont tenté d‟étudier cette question au Maroc ainsi
que dans d‟autres pays comparables. Ce point permet d‟avoir une idée sur le processus de
transmission ainsi que sur la hiérarchie des ses canaux.
88
2. Transmission de la politique monétaire au Maroc : enseignements de la littérature
empirique

Pour commencer, nous nous référons à une étude interne menée au sein du service recherche
de Bank Al Maghreb. Les auteurs, Agénor et El Aynaoui (2007)120 ont essayé d‟élaborer un
cadre analytique d‟étude de la transmission de la politique monétaire à l‟économie.

Les auteurs ont analysé les réactions des différentes variables aux changements qui touchent
le taux directeur, le taux de la réserve obligatoire et du taux des reprises de liquidités. Leurs
résultats montrent qu‟en situation de surliquidité, ni le taux directeur ni le taux de la réserve
obligatoire ne produisent des effets sur l‟économie réelle. Les prix manifestent le phénomène
de « Price Puzzle » suite choc du taux d‟intérêt directeur121.
La hausse du taux de la réserve monétaire induit une hausse des taux d‟intérêt créditeurs et
attire plus de dépôts. Quant aux ressources des banques, les auteurs avancent qu‟ils ne
dépendent pas principalement de la réserve obligatoire. Suite à la hausse du taux d‟intérêt des
reprises de liquidités, les prix domestiques baissent même si l‟impact est non significatif sur
les taux d‟intérêt débiteurs. Les auteurs concluent que la manipulation du taux des reprises
n‟est pas très productive et risque même de nuire à la politique monétaire.

En étudiant l‟effet de l‟excès de liquidité sur la transmission de la politique au Maroc, Agénor


et El Aynaoui (2008) retrouvent le phénomène de « Price Puzzle ». Les auteurs rapportent
également que l‟excès de liquidité réduit la vigilance des banques et risque d‟altérer leurs
bilans à cause de la qualité des actifs. En cas d‟augmentation des créances en souffrances, les
établissements bancaires peuvent diminuer leur offre de financement et compromettre la
production. A partir de leur analyse, Agénor et El Aynaoui (2008) avancent qu‟en situation
d‟excès de liquidité la transmission de la politique monétaire est faible, voire inefficace.
En s‟intéressant à la connexion entre les taux d‟intérêt au Maroc, Hemamou (2003) a simulé
l‟impact de la baisse des taux d‟intérêt de la politique monétaire sur la croissance et le
chômage. L‟auteur réalise que la détente des taux d‟intérêt de court terme soutient
modérément la croissance et l‟investissement, réduit le chômage mais n‟impacte pas les prix.
Il impute l‟insensibilité des prix à l‟insuffisance de l‟accroissement de la demande intérieure.

120
Agénor et El Aynaoui, (2007), « Le mécanisme de transmission de la politique monétaire au Maroc : Un
cadre analytique »
121
Expliqué dans le cas du Maroc par Agénor et El Aynaoui (2007), page 52/69.
89
Dans le même sillage, la transmission de la politique monétaire aux taux d‟intérêt débiteurs
des banques marocaines est incomplète, car la configuration du système financier et l‟excès
de liquidité permettent aux banques, surtout, de ne pas répercuter voire de neutraliser les
actions de Bank Al-Maghreb (Nahhal, 2010).
Egalement, le pouvoir des banques sur le marché du crédit est à l‟origine de la hausse plus
que proportionnellement des taux débiteurs suite à la hausse du taux directeur de BAM
(Agénor et Al Aynaoui, 2007).

Au regard des ressemblances entre l‟économie du Maroc et de la Tunisie, Boughrara (2006) a


tenté d‟aborder la transmission de la politique monétaire dans les deux pays à travers un
modèle VAR Structurel. L‟auteur conclut que le taux de change n‟est opérationnel ni au
Maroc ni en Tunisie. Pourtant, la faiblesse du canal des prix des actifs peut être surmontée
grâce au développement et à la modernisation des marchés financiers dans les deux pays.
Le canal du crédit ressort opérationnel dans les deux pays. Mais, l‟interaction des effets du
canal de crédit et celui du taux d'intérêt dans le marché du crédit pousse l'auteur à procéder à
la désagrégation des données du crédit afin de vérifier la solidité du canal du crédit. Cette
opération a permis de démontrer que le canal du crédit est opérationnel, seulement à long
terme, au Maroc tandis qu‟il domine en Tunisie quel que soit l‟horizon.
Dans le même registre, le caractère moins flexible du taux de change nominal du Dirham
marocain (MAD) et du Dinar tunisien (TUD) ne permet pas de neutraliser les effets des chocs
externes. L‟insensibilité des prix aux variations du taux de change alloue aux banques
centrales des deux pays un certain confort du côté de la parité de leur monnaie respective
(Abida et Sghaier, 2012).
Force est de constater qu‟en relativisant cet aboutissement, Bensliman (2008) soupçonne tout
de même une opérationnalité du canal du taux de change en Tunisie à cause de sa réactivité au
choc sur la politique monétaire. L‟auteur souligne au passage une capacité de la banque
centrale de Tunisie à influencer la trajectoire de la production et des prix, malgré la non
vérification du lien monétariste entre l‟offre de monnaie et les prix.
En restant dans la région MENA, Bensliman (2008) étudie le cas de la Jordanie et enregistre
une réactivité suffisante des prix au choc de politique monétaire contre une indifférence de la
réaction de la production. L‟insensibilité de l‟activité économique est expliquée selon l‟auteur
par le rattachement du taux de change du Dinar Jordanien (JOD) au Dollar US.

90
Le contexte de multiplication des réformes financières en Tunisie a inspiré Bates et Hachicha
(2009) pour s‟intéresser à l‟évolution de la transmission de la politique monétaire aux
variables réelles. Les principaux résultats révèlent que le choc restrictif de politique monétaire
n‟a pas d‟impact à long terme sur la sphère réelle. De plus, les auteurs expliquent l‟absence de
la transmission par le taux de change par le régime administré du flottement du Dinar
Tunisien.
En connaissance de ces résultats, les auteurs pensent que le renforcement du flottement et
l‟allègement de l‟administration sont de nature à détacher la banque centrale de la gestion et
de l‟action pour le taux de change. Bates et Hachicha (2009) recommandent également
l‟abolition des conditions de prêt obligatoires pour donner au canal du crédit plus de sens et
d‟efficacité. Ils estiment aussi que la modernisation du système financier facilitera à la banque
centrale la réalisation des opérations d‟Open Market afin de mieux réguler la liquidité
bancaire. La correction de ces points est en mesure d‟asseoir les conditions nécessaires pour
l‟adoption du régime de ciblage d‟inflation par la banque centrale de Tunisie (BCT).

A ce sujet, Neamie (2008) étudie l‟opportunité d‟adoption du ciblage d‟inflation dans


plusieurs pays de la région MENA. Il utilise des modèles VAR, sur plusieurs pays de la
région MENA, dont le Maroc, pour vérifier les conditions d'adoption d'un régime de ciblage
d'inflation. Grâce à l‟exercice économétrique l'auteur souligne l'importance du taux de change
dans la transmission de la politique monétaire en Egypte et en Turquie, contre la domination
du canal taux d'intérêt au Maroc, en Jordanie au Liban et en Tunisie. En conséquence,
l‟auteur recommande au Maroc et à la Tunisie de poursuivre leur ouverture sur l‟extérieur et
la flexibilisation de leur change respectif afin d‟entamer une adoption progressive du ciblage
d'inflation.
La supériorité du taux de change dans la transmission de la politique monétaire est jugée
logique, par l‟auteur, en raison de la flexibilité renforcée de la Lyre turque et de Livre
égyptienne. D‟ailleurs, la primauté du canal du taux de change dans la transmission de la
politique monétaire en Egypte a été corroborée par Al-Mashat et Billmeier (2007).
En Turquie également, plusieurs études confirment la primauté du canal du taux de change.
Par exemple Butkiewicz et Ozdogan (2013) notent que le canal du taux de change ressort plus
important avant et après la crise de 2000-2001, mais avec plus d‟intensité après la crise. Pour
leur part, Aslan et Korap (2007) partent de l‟ouverture et de l‟exposition de l‟économie turque

91
aux flux de capitaux étrangers pour prouver que les variations du taux de change effectif réel
et les flux de capitaux impactent significativement la transmission de la politique monétaire.

En désaccord avec les résultats plaçant le taux de change au premier rang de la transmission
en Turquie, les travaux internes à la banque centrale de la République Turque (BCRT)
révèlent que le canal du crédit et des taux d‟intérêt transmettent activement la politique
monétaire à l‟activité économique (Basç et al, 2007)122. Les auteurs avancent une capacité de
transmission de la banque centrale via le canal des effets d‟annonces grâce à sa bonne
politique de communication, surtout depuis l‟adoption du ciblage d‟inflation. Cette transition
vers le ciblage d‟inflation et la flexibilisation du taux de change ont mis la politique des taux
d‟intérêt au centre de la stratégie de politique monétaire.
La conjugaison de ces changements avec les autres réformes structurelles des années 2000 a
permis d‟améliorer son efficacité malgré la contrainte d‟ouverture sur l‟extérieur et les chocs
qui pèsent sur l‟économie turque Çatik et Martin (2012). Cependant, la répercussion des
coûts, financiers en particuliers, cause le phénomène de « Price Puzzle » malgré le poids du
canal du taux d‟intérêt après la crise des années 2000 (Butkiewicz et Ozdogan, 2013).
Pour tester l‟opérationnalité du canal de crédit bancaire en Turquie, Brooks (2007) a démontré
son effectivité à travers l‟intensité de la causalité entre la liquidité et l‟offre de crédit par les
banques. L‟auteur précise tout de même que la capitalisation et la taille des banques
n‟influencent pas l‟offre de crédit. Cela infirme le propos de Çavusoglu (2002) qui admet que
la dépendance accrue du canal de crédit vis-à-vis des facteurs bancaires au lieu de la politique
monétaire ne lui permet pas d‟être opérationnel.
Il ressort de cette revue des études empiriques que l‟avis sur la transmission de la politique
monétaire au Maroc n‟est pas tranché. L‟acheminement de l‟action de la banque centrale n‟est
pas complet. Les canaux traditionnels de transmission dominent le processus. Tandis que le
canal du taux de change est quasi inopérant à cause de son régime fixe. Le canal des prix des
actifs est faible au vu du degré de développement du système financier. Si nos intuitions vont
dans le sens de l‟opérationnalité du canal des taux d‟intérêt, du crédit et des prix des actifs,
nous admettons que le canal du taux de change ne semble pas jouer de rôle dans la
transmission.

122
Basç et al, (2007), « The monetary transmission mechanism in Turkey: new developments », Research and
Monetary Policy Department, Working Paper No: 07/04, The Central Bank of the Republic of Turkey.

92
En lien avec les autres pays comparables, il existe des similitudes entre quelques pays en
matière de supériorité de tel ou tel canal. Par exemple, la primauté du canal du taux de change
ressort dans le cas des pays ayant une politique de change plus flexible comme l‟Egypte et la
Turquie. En revanche, les autres canaux traditionnels, des taux d‟intérêt et du crédit, se
montrent plus présent au Maroc et en Tunisie, notamment.
Le canal des effets d‟annonces semble se manifester seulement en Turquie. Ce qui laisse à
penser que cette voie de transmission n‟est pas encore suffisamment développée dans les
autres pays.

Enfin, si le traitement descriptif de l‟économie du Maroc et celles des deux autres pays
confirme, globalement, la réunion des conditions préliminaires pour la transmission de la
politique monétaire, les enseignements empiriques ne ressortent pas de consensus sur cette
question. Ils montrent, en fait, la faiblesse de l‟ampleur de la transmission et une différence
dans la structure de ses canaux. Par conséquent, mener une exploration empirique actualisée
et transversale, parait en mesure d‟apporter des éléments de réponses précis sur le degré, le
sens et le timing du processus de transmission de la politique monétaire aux variables
monétaires, financières et réelles au Maroc.
C‟est dans ce sens que le reste du présent chapitre est consacré à l‟explication de la procédure
empirique à suivre, ainsi que la méthodologie générale à adopter pour peaufiner les différents
modèles destinés à l‟étude de la transmission de la politique monétaire de BAM à l‟économie
marocaine.

3. Cadre méthodologie de l’étude de la transmission de la politique monétaire au


Maroc

3.1. Protocole empirique

La littérature économique révèle qu‟il très fréquent d‟étudier la transmission de la politique


monétaire à travers des modèles économétriques schématisant les relations entre la politique
monétaire et les différentes variables de l‟économie. Cette simplification de la réalité permet
de comprendre le fonctionnement et les connexions entre les variables économiques, malgré
les risques de fausses spécifications et d‟interprétations. Mais, le développement de l‟outil
technique et analytique de la politique économique offre des résultats de plus en plus robustes,
justifiés et actualisés. Ces derniers permettent aux autorités de prendre des mesures sur des
93
bases solides. Il est souvent recommandé d‟adapter les méthodologies appliquées à la
structure économique et au système financier du pays étudié afin de surpasser les effets de
données trop anciennes, et pour bénéficier du développement de l‟outil statistique ainsi que
des techniques économétriques de simulation des effets (Blinder, 1998).

L'étude de la transmission de la politique monétaire au Maroc permet de découvrir le


comportement des principaux agents économiques au Maroc, à savoir les ménages, les
entreprises, l‟Etat, la Banque Centrale et le reste du monde. La complexité et la multiplicité
des points à aborder au moment de l‟étude de la transmission de la politique monétaire aux
différents secteurs recommandent le recours à plusieurs études empiriques afin d‟apporter des
réponses aux différentes questions soulevées.

La décomposition de la problématique confère l‟avantage de rendre abordable le traitement de


certains points et d‟apporter des éléments de réponses plus précis. Dans le même sens, les
enseignements de la littérature théorique et empirique nous ont permis de repérer les
différentes variables qui composent nos modèles.
Sous cette schématisation, nous avons décidé de mener préalablement une étude simplifiée de
la transmission de la politique monétaire. Le caractère réduit de ce modèle lui confère un
pouvoir explorateur direct de la relation entre l‟action de la banque centrale et les variables
cibles de la politique monétaire, à savoir les prix et le PIB. Il servira aussi comme témoin pour
les résultats du modèle suivant.

Dans le prolongement du modèle simplifié, nous élargirons l‟exercice empirique pour


concevoir un modèle semblable aux différentes applications menées dans d‟autres pays. Il
s‟agit concrètement d‟un modèle, dit standard, et contenant à la fois une ou des variables de la
politique monétaire, des variables intermédiaires ou représentatives des canaux de
transmission et des variables cibles ou objectifs de la politique monétaire.
Cette configuration représente la composition traditionnelle de ce genre de modèle qui
contient généralement trois blocs de variables représentant la politique monétaire, ses canaux
de transmission et ses variables cibles. Et dans l‟objectif de cerner le processus de
transmission en tenant compte de tous les paramètres qui peuvent l‟influencer, nous avons
conçu un troisième modèle pour appréhender d‟éventuels effets des facteurs exogènes et
extérieurs sur la transmission de la politique monétaire au Maroc. La figure suivante présente
la hiérarchie de la validation empirique que nous proposons.
94
Fig. 9 : Schéma synthétique des modèles à estimer

Dans l‟optique empirique de ce travail, il est nécessaire d‟adapter la méthodologie empirique


à utiliser aux spécificités de l‟économie marocaine. Cela permet d‟éviter les risques de
transposition pure et dure des méthodologies déjà employées lors de l‟étude de la question de
la transmission de la politique monétaire dans d‟autres pays.
Par ailleurs, la lecture et l‟interprétation des résultats ne doivent pas se faire indépendamment
des standards internationaux et des résultats obtenus dans le cas d‟autres pays. C‟est pourquoi
nous avons mené une comparaison des résultats avec ceux de la Tunisie et de la Turquie.
Cette manière de procéder permet de relativiser les résultats obtenus dans le cas du Maroc et
de rendre leur explication plus pertinente.
C‟est dans ce sens que nous avons décidé de mener le même exercice empirique, prévu pour
le Maroc, pour le cas de la Tunisie et la Turquie aussi.
La suite de ce chapitre se consacre à l‟exposé du cadre méthodologique global portant sur le
choix des variables et de la nature de la modélisation économétrique à appliquer.

3.2. Choix des variables et traitements des données

Dans l‟optique de concevoir les modèles empiriques de transmission de la politique


monétaire, il importe de présenter une note méthodologique sous forme d‟introduction
technique pour l‟ensemble des études empiriques à mener.

95
Plus précisément, pour spécifier nos modèles, nous identifierons à ce niveau d‟une manière
plus globale les variables à intégrer dans les modèles, leur transformation et la nature de la
méthodologie économétrique à appliquer.

3.2.1. Choix des variables

La littérature économique expose que les décisions de politique monétaire de la banque


centrale transitent par les variables monétaires et financières pour se transmettre via les
canaux de transmission aux variables réels.
Ainsi, l‟ampleur et le timing des réactions des variables réelles dépendent de la qualité de la
transmission de la politique monétaire et de l‟influence que peut exercer la conjoncture
économique globale sur l‟action de la banque centrale.
S‟inspirant de l‟aspect théorique, des études empiriques menées sur la transmission de la
politique monétaire et du protocole empirique décrit précédemment, il est clair que notre
système de variables doit comporter plusieurs blocs.
Plus logiquement, le premier bloc doit représenter bien évidement la politique monétaire. Par
référence à la littérature économique il ressort que plusieurs variables, dont le taux directeur,
le taux du marché monétaire, la base monétaire, peuvent jouer le rôle d‟indicateur de la
politique monétaire. Ainsi le choix de la variable de politique monétaire doit concorder avec
la stratégie de la politique monétaire et les spécificités du pays en question.
Cet indicateur doit évoluer suffisamment pour refléter la trajectoire générale de la politique
monétaire. Selon cette première condition, le taux directeur ne semble pas centraliser
l‟ensemble des actions de la banque centrale. C‟est pourquoi, nous avons opté pour l‟objectif
opérationnel de la banque centrale. Dans le cas du Maroc nous avons retenu le taux d‟intérêt
interbancaire car son niveau dépend de l‟utilisation de tous les instruments de la politique
monétaire de Bank Al Maghreb.
Ce choix est fondé sur la capacité indicatrice du taux d‟intérêt au jour le jour à refléter les
modulations de la politique monétaire ((Mojon et al, 1994 ; Ronald et Lange, 2010).
Egalement dans un marché oligopolistique, dominé par un nombre réduit d‟acteurs, le taux du
marché monétaire ou interbancaire est le meilleur taux de référence pour représenter la
politique monétaire (Borio et Fritz, 1995). De plus, notre arbitrage est en ligne avec ceux de
Boughrara (2006) qui a retenu le taux interbancaire et le taux du marché monétaire comme
indicateurs de la politique monétaire, respectivement pour le Maroc et la Tunisie.
96
En observant de près les caractéristiques de la politique monétaire de BAM, et plus
précisément l‟évolution du taux directeur et son mode opératoire, nous nous apercevons que
l‟action de politique monétaire se fait aussi en grande partie par des interventions autres que le
maniement du taux directeur. En pratique, Bank Al Maghreb agit via des opérations d‟Open
Market, de vente ou d‟achat de devises et par la manipulation du taux de la réserve monétaire.
Ce dernier instrument est souvent sollicité à cause de son action directe sur la liquidité
bancaire. L‟agrégation des différentes opérations de BAM influence le niveau et la tendance
du taux interbancaire.
Techniquement, la banque centrale essaie de maintenir son objectif opérationnel (le taux
d‟intérêt interbancaire ou du marché monétaire) à l‟intérieur d‟un corridor et à un niveau
proche de son taux d‟intérêt directeur.

Pour compléter le système de variables, le deuxième bloc doit contenir des séries
représentatives des canaux de transmission de la politique monétaire. Là aussi l‟examen de la
littérature économique fait ressortir les principales variables qui approximent les différentes
voies de transmission. En fonction de la configuration du système financier des trois pays et
l‟hétérogénéité de la période étudiée, nous écartons le canal des effets d‟annonces de notre
étude pour se concentrer sur les trois autres canaux, à savoir, le canal des taux d‟intérêt, le
canal du crédit et le canal des prix des actifs.
Pour approximer ces canaux nous retenons les variables qui reviennent systématiquement
dans les études menées sur la question de la transmission de la politique monétaire, c‟est-à-
dire le taux d‟intérêt et la masse monétaire pour représenter le canal des taux d‟intérêt, le
crédit bancaire pour approximer le canal du crédit et un indicateur boursier pour le canal des
prix des actifs.
La composition des deux premiers blocs dicte que le troisième doit logiquement englober les
variables « objectifs » de la politique monétaire. Les banques centrales des trois pays
déclarent clairement s‟occuper de la stabilité des prix, tout en annonçant qu‟elles œuvrent
pour asseoir de solides conditions pour une croissance économique soutenue (Bates et
Hachicha, 2009). Sur le niveau macroéconomique, le PIB et les prix sont très liés car, d‟une
part, une croissance soutenue, stable et prévisible est nécessaire pour stabiliser les prix, et
d‟autre part, la stabilité des prix influence la production à travers l‟actualisation des revenus
futurs.

97
Pendant toute la période couverte par l‟étude, les banques centrales du Maroc et de la Tunisie
n‟étaient pas indépendantes et ne s‟occupaient pas uniquement de la stabilité des prix. Pour
toutes ces raisons nous avons décidé de retenir les prix comme variable cible de la politique
monétaire et d‟intégrer également le PIB dans ce bloc, ne serait-ce qu‟en tant qu‟objectif
implicite.
Dans l‟optique d‟aborder la transmission de la politique monétaire de tous les côtés, il est
indispensable d‟étudier l‟impact des facteurs exogènes. C‟est pourquoi, nous avons prévu un
bloc relatif aux variables exogènes afin d‟examiner leur éventuelle influence sur la
transmission de la politique monétaire au Maroc.
L‟identification et la sélection des variables de ce bloc seront abordées en détail lors d‟un
point méthodologique dans le chapitre IV.

Les différentes variables retenus sont données en l‟état brut et nécessitent le plus souvent un
traitement spécifique. Par conséquent, il est d‟usage de les traiter et les transformer pour
extraire les valeurs aberrantes, dissocier la tendance de long terme des événements saisonniers
et exceptionnels ou/et pour satisfaire les pré-requis de la modélisation économétrique.

3.2.2. Transformation et traitement des séries de données

Les données de nos séries sont issues de plusieurs sources dont les rapports annuels et
bulletins trimestrielles de BAM, les statistiques du FMI (base de données IFS), les statistiques
de la BM, les statistiques du ministère des finances et les rapports et les annuaires du Haut
Commissariat au Plan (HCP).
Elles sont exprimées en fréquence trimestrielle et couvrent des périodes différentes en
fonction de la disponibilité des données de la variable que l'on compte étudier. La plupart de
nos séries ont été transformées en logarithme, sauf celles formulées en taux de croissance ou
en pourcentage.
Conscients des conséquences que peuvent avoir les caractéristiques statistiques des séries sur
les résultats, nous nous sommes interrogés sur le caractère saisonnier que peuvent présenter
certaines séries.

98
3.2.2.1. Saisonnalité

La dépendance de la demande de quelques événements religieux, culturels, historiques voire


même climatiques, les statistiques et les indicateurs économiques contiennent souvent des
informations très hétérogènes ne reflétant pas la tendance effective.
Ainsi, l'exploitation de ces données en l‟état risque de rendre les résultats aberrants voire
moins significatifs et fausser l'analyse et la prévision qui en sont faites.
C'est pourquoi il est fortement recommandé de désaisonnaliser les séries pour ne garder que
sa tendance économique sous-jacente123.
A titre non exhaustif, l'existence de deux types de calendriers, l'Hégire Arabe et le Grégorien
au Maroc et dans les deux autres pays, font que les fêtes religieuses (Ramadan, Aid Al-
Adha), qui n'ont pas de dates grégoriennes précises, influencent l'activité économique. De
plus, l‟importance des flux de capitaux issus des migrants et des recettes touristiques pendant
l‟été sont aussi des sources potentielles de saisonnalité. Ces facteurs augmentent le risque de
saisonnalité des séries.
En se penchant sur la mesure de l'impact du Ramadan et de la haute saison estivale et
touristique sur les prix de certains produits, le HCP recommande la dessaisonalisation des
données et la correction calendaire afin d'obtenir des séries reflétant le vrai comportement des
agents économiques (Elguellab al, 2013). L‟observation des graphiques des séries et les tests
de saisonnalité vont nous permettre de la vérifier et de la traiter éventuellement par la
méthode du lissage exponentiel sur le logiciel RATS 8.

3.2.2.2. Stationnarité

L‟étude des propriétés stochastiques des séries est en mesure de montrer celles qui sont
stationnaires et celles qui présentent une racine unitaire124. Le détail de chaque série est
rappelé au fur et à mesure de son apparition dans l'étude empirique.

123
Document de statistique du Canada disponible sur le site : http://www.statcan.gc.ca/pub/11-010-
x/2010003/part-partie3-fra.htm (consulté le 20/09/2014).
124
Cette opération est effectuée par l‟emploi des critères usuels d‟étude de stationnarité, en l‟occurrence le test
ADF, PP et KPSS. Les séries non stationnaires peuvent être de deux types, DS (Difference Stationary) ou TS
(Trend Stationary)
124
La transformation de la série ou sa stationnarisation dépendra nécessairement des conditions techniques du
modèle économétrique à appliquer. Mais en général, les séries non stationnaires de type DS peuvent être
stationnarisées par différentiation, alors que les séries de type TS seront traitées par le filtre Hodrick-Prescott
(HP) largement appliqué dans la littérature empirique.
99
Après la sélection des variables et l‟explication de l‟utilité de leur traitement et
transformation, il est possible d‟entamer la phase de choix du modèle économétrique le plus
adapté pour l‟étude de la transmission de la politique monétaire au Maroc.

3.3. Méthodologie économétrique

3.3.1. Choix du modèle

Empiriquement, plusieurs outils permettent d‟étudier les phénomènes économiques et évaluer


la relation entre les grandeurs monétaires, financières et réelles de l‟économie.
Ces moyens d‟exploration sont caractérisés par la complexité de la conception et d‟adaptation
à la problématique étudiée.
Le survol de la littérature empirique sur la question de la politique économique en général et
la politique monétaire en particulier, révèle que depuis son introduction et sa vulgarisation par
Sims (1980), la méthodologie VAR est la plus appliquée. Elle est spécialement et largement
utilisée pour mener des essais empiriques sur la transmission de la politique monétaire.
Cependant, victime de sa simplicité, la méthodologie suscite des critiques afférentes, surtout,
à la difficulté d‟interpréter économiquement ces résultats, issus principalement d‟une
approche statistique d‟imposition des restrictions nécessaires à l‟identification des chocs et
leur impact125.
La version structurelle constitue une véritable alternative, car en reposant son identification
sur des a priori économiques, elle offre des résultats solides et économiquement
interprétables. Le Structural VAR (SVAR) reste également la méthodologie la plus adaptée et
la plus répandue pour l‟étude de la transmission de la politique monétaire.
En affirmation de ce constat, plusieurs études empiriques pionnières ont employé cette
méthodologie.
Sims (1986) propose une méthode d'identification alternative à l‟approche simpliste en
imposant des restrictions de court terme pour montrer l'absence de réponses contemporaines

125
Méthodologiquement, les restrictions sont imposées selon Sims (1980) en adoptant la décomposition de
Cholesky qui consiste à imposer des contraintes d'identification en mettant des zéro dans la matrice des variances
covariances des innovations canoniques en se basant sur l'ordre des variables dans le système VAR et en
respectant la règle qui dicte que : la première variable est expliquée à 100% par ses propres innovations, la
deuxième par ses propres innovations en plus de celles de la première et ainsi de suite. Mais les critiques quant
à la possibilité de corrélations des erreurs et le caractère de boite noire de cette approche simple du VAR ont
alimenté et renforcé les approches soutenant les VARS basés sur des à priori économiques en matière
d‟identification des restrictions.

100
de quelques séries à certaines impulsions structurelles. Sur cette voie, le travail de Blanchard
et Quah (1989) est l‟une des références d‟application de la méthodologie SVAR. Pour étudier
les fluctuations du PIB et du chômage aux USA sur des données trimestrielles américaines,
les auteurs adoptent un schéma d'identification basé sur des restrictions de long terme tirées
de la littérature économique. Semblablement Shapiro et Watson (1988) ont choisi de
décomposer le choc d'offre en deux, celui de la productivité et celui de l'offre de travail afin
de saisir son impact sur l'emploi.
De leur part, Christiano et al (1996) appliquent la méthodologie SVAR pour étudier l'effet de
la politique monétaire de la Federal Reserve (Fed) sur les variables économiques aux USA à
travers les flux de capitaux entre les différents secteurs d‟activité. Dans un autre article, les
mêmes auteurs (CEE, 1998) utilisent des restrictions de court terme en imposant des signes
sur les coefficients dans leur identification, pour étudier toujours les effets des chocs de
politique monétaire sur les autres variables de l‟économie. A signaler que Christiano et al
(2005 a) ont même recouru à la méthode des restrictions de court terme.
Sous les hypothèses des travaux de Sims (1980), de Blanchard et Quah (1989) et celui de
Shapiro et Watson (1988), Gali (1992) a essayé d'étudier le modèle IS-LM sur des données
américaines d'après guerre, en recourant à la modélisation SVAR.
La différence par rapport aux méthodes précédentes est que Gali (1992) a choisi de s‟appuyer
sur une méthodologie innovante, se basant essentiellement sur la combinaison des restrictions
de court et de long terme dans le même modèle.

Pour illustrer encore plus la large application de la méthodologie SVAR, De Bandt (1998)
applique cette méthodologie pour évaluer l‟impact de la politique monétaire sur la production
et les prix. L‟élargissement de l‟étude de De Bandt (1998) au niveau de la zone Euro a permis
à Goux (2003) d‟estimer un modèle économétrique structurel sous forme de Structurel
Vecteur Erreur Correction Model (SVECM), pour explorer le lien entre les conditions
monétaires et l'activité économique de la zone Euro, tout en tentant de capter l'impact
extérieur de l'économie américaine et des décisions de la Fed en particulier.
S‟inspirant de l‟ensemble de ces méthodologies, et plus particulièrement de celle de Gali
(1992), Bjorland et Leitemo (2009) ont tenté d‟étudier l'interdépendance entre le marché
boursier et la politique monétaire afin de se prononcer sur une éventuelle prise en compte des
prix des actifs dans les décisions de politique monétaire. Les deux auteurs ont aussi appliqué

101
principalement la méthodologie qui recommande la combinaison des restrictions de long et de
court terme lors du processus d‟identification des chocs.

A partir de cette revue de littérature sur l‟application de la méthodologie SVAR, nous


pouvons souligner la pertinence d‟utilisation de cet outil économétrique dans l‟étude des
impulsions des politiques économiques et la politique monétaire notamment.
A l'instar de ces différentes études de premier rang, nous avons décidé d'appliquer la
méthodologie VAR Structurel. Concernant l‟approche d‟estimation, nous constatons que la
méthode basée sur les restrictions de long terme est plus appropriée aux modèles contenant
des séries non stationnaires (Blanchard et Quah, 1989), tandis que les restrictions de court
terme le sont plutôt pour les séries stationnaires (De Bandt, 1998). Les variables
macroéconomiques composant nos modèles peuvent contenir ou non des racines unitaires.
D‟où l‟intérêt d‟opter pour la méthodologie combinant les deux types de restrictions.
De plus, l‟étude des réactions des variables de l‟économie aux impulsions de la politique
monétaire se fait en principe selon le long et le court terme.
Pour l‟ensemble de ces raisons, il est plus judicieux d‟emprunter la voie de Gali (1992) et
Bjorland et Leitemo (2009), en appliquant leur méthodologie qui combine à la fois les
restrictions de long et de court terme. Ce choix à l‟avantage d„estimer le modèle en tenant
compte des restrictions de court et de long terme, qui peuvent en réalité influencer les
variables conjointement (De Bondt et Bruneau, (1999) ; Gali, (1992)). Cette approche s‟avère
également utile et nécessaire pour surmonter d‟éventuelles difficultés techniques relatives à
l‟insuffisance des restrictions issues de la littérature économique, surtout lorsqu‟il est question
d‟identifier un grand nombre de contraintes.

Pour compléter cette note méthodologique il est important de procéder à la présentation de la


méthodologie économétrique retenue ainsi que l‟approche d‟estimation et d‟identification à
appliquer dans nos modèles.

102
3.3.2. Spécificités techniques de la modélisation SVAR

L‟écriture du modèle SVAR est basée sur la représentation et l‟écriture du modèle VAR
simple ou réduit.
A partir d'une présentation d'un VAR structurel à deux variables et p retard nous allons faire
une démonstration du passage ou de simplification du SVAR126.
p p
y1, t   b1, i y1, t  i   c1, i y2 , t  i  d1 y2, t   1, t
i 1 i 1

p p
y2, t   b2, i y1, t  i   c2, i y2, t  i  d 2 y1, t   2, t
i 1 i 1

Ce modèle VAR structurel peut s'écrire sous la forme suivante :

 1  d1   y1,t   b11,1 c11, 2   y1,t 1   b12,1 c12, 2   y1,t 2    1,t 


 d y    1  y    2  y   
 2 1   2,t  b2,1 c12, 2   2,t 1  b2,1 c22, 2   2,t 2   2,t 

Nous constatons ici que chaque variable dépend de la valeur contemporaine de l'autre
variable et de ses propres valeurs passées. Il ressort de cette forme structurelle du VAR que le
terme  t représente un choc structurel.
En écrivant

 1  d1   b11,1 c11, 2   b12,1 c12, 2   b1p,1 c1p, 2    1,t 


A0 =  ; A1 =  1  ; A2 =  2  ; Ap =  p  ; t =  
 d 2 1  b2,1 c12, 2  b2,1 c22, 2  b2,1 c2p, 2   2,t 

Nous obtenons la forme simplifiée et générale de ce système VAR structurel.


 0Yt  1Yt 1   2Yt 2  ...  pYt  p   t (1)
Avec Yt qui représente le vecteur des variables de notre système. A0 indique les coefficients
contemporains, Ap la matrice des coefficients des valeurs décallées des variables. Le vecteur
des termes d‟erreurs structurels est donné par  t .

126
Ce point méthodologique sur le SVAR est basé sur : Sims (1980) ; Zivot (2000) ; Mignon et Lardic (2002) ;
Bourbonnais (2004) ; Goux (2003) ; Lutkepohl (2005) et NBER Institute (2008).

103
Pour identifier et estimer le SVAR, les spécificités techniques127 du modèle et les
enseignements de la littérature empirique annoncent qu‟il faut imposer n(n-1)/2 restrictions
supplémentaires en plus de celles implémentées à travers la transformations du SVAR. Ces
restrictions doivent, selon la méthodologie SVAR, être tirées de la littérature économique en
fonction de l‟approche de court ou de long terme que nous avons retenue.
A cette phase de la méthodologie, les restrictions seront sélectionnées de la littérature
économique et adaptées à la spécificité de l‟économie marocaine avant leur utilisation dans
l‟estimation de nos SVAR. Il importe de souligner également que le choix des restrictions
dépend aussi de l‟ordre d‟intégration des variables dans le système. En termes techniques il
faut également que le nombre de restrictions par colonne respecte l‟introduction
128
de 0, 1, 2, 3,…, n-1 restrictions en un quelconque ordre .

Du côté de la notation, les restrictions sont exprimées dans la plupart des approches par
l‟imposition de la nullité d‟un certain nombre de coefficients dans les matrices
d‟identification du SVAR. Les restrictions propres à nos modèles seront abordées et détaillées
au fur et à mesure dans chacun de nos modèles.
A signaler que dans un objectif d‟harmonisation des modèles à estimer pour le Maroc, la
Tunisie et la Turquie, nous retiendrons les mêmes restrictions pour les trois pays. Cela se
justifie aussi par les ressemblances et les similitudes de leurs économies 129. Ces restrictions
adaptées aux spécificités de chaque pays permettront d‟uniformiser la base comparative des
résultats de l‟étude de la transmission au Maroc avec ceux des deux autres pays.
Au niveau de la présentation des résultats, il convient de préciser que la méthodologie SVAR
permet grâce à sa dynamique, de saisir les effets des chocs des politiques économiques sur les
différentes variables économiques.
Ainsi pour examiner la transmission de la politique monétaire à travers les réactions et les
comportements des variables monétaires, financières et réelles, nous recourons aux deux
principaux outils d‟analyse qu‟offre la méthodologie SVAR, à savoir les Fonctions des
Réponses Impulsionnelles (Impulse Response Functions, IRFs) et la décomposition de la
variance de l‟erreur de prévision (Forecast Error Variance Decomposition, FEVD).

127
Un point méthodologique spécifiant le développement du SVAR et démontrant sa transformation est présenté
en Annexe A du chapitre II.
128
Page UG-217 guide d'utilisation et d'explication du VARS du logiciel WinRATS 8.
129
Voir le paragraphe sur les points communs entre le Maroc, la Tunisie et la Turquie

104
L'analyse et l'examen des fonctions des réponses impulsionnelles portent sur l'évaluation de
leur significativité, le sens, la durée et l‟ampleur des réactions. Pour les FEVD, la lecture sera
faite en fonction de la contribution de chaque variable dans la variation de l‟erreur de
prévision d‟une autre.

A l‟issue de la présentation du cadre méthodologique et l‟annonce générale de la nature du


modèle et les variables à utiliser, nous passons maintenant à l‟étude de la transmission de la
politique monétaire au Maroc à travers la conception l‟estimation, l‟analyse et l‟explication
des résultats de nos modèles.

105
Conclusion

Les enseignements de la littérature économique précisent que la configuration des canaux de


transmission diffère d‟un pays à l‟autre et dépend de l‟état du système financier du pays et de
la nature de son économie. Il faut souligner aussi que le cadre méthodologique, le contexte et
l‟orientation théorique sont susceptibles d‟influencer les résultats et l‟analyse des canaux de
transmission. L‟exploration des caractéristiques de l‟économie, du système financier et de
politique monétaire du Maroc et celles des deux autres pays, permet d‟affirmer la satisfaction
des conditions minimums et préliminaires pour la transmission de la politique monétaire.
Autrement dit, l‟action des banques centrales respectives est susceptible de se transmettre à
l‟économie, grâce à la configuration des systèmes financiers de chaque pays et à des
politiques monétaires claires et en ligne avec les pratiques et les standards internationaux.

Dans le reste du chapitre, les apports théoriques et empiriques ont permis d‟identifier les
différents modèles à estimer en concordance avec les principales questions soulevées par la
problématique de la transmission de la politique monétaire à l‟économie marocaine.
La hiérarchisation des trois modèles économétriques suivent une logique allant du plus simple
ou plus complexe. La présentation de l‟état des lieux de l‟économie du Maroc ainsi que ceux
de la Tunisie et de la Turquie, conjugués avec le retour sur la littérature économique et les
objectifs de la problématique, ont permis d‟élaborer un point méthodologique relatif au choix
des différentes variables composant le système empirique de l‟étude.
Dans le même registre, la littérature sur les politiques économiques a révélé que la
méthodologie économétrique SVAR est la plus adaptée à notre étude. Egalement, les
enseignements des travaux pionniers sur le SVAR ont inspiré notre choix de l‟approche
d‟estimation basée sur la combinaison des restrictions de court et de long terme. L‟écriture et
le développement du SVAR ont servi à la démonstration de cette méthode de résolution.
Au final, il convient de souligner que ce point méthodologique ébauche l‟aspect technique des
modèles et permet d‟entamer d‟une manière directe, dans les chapitres suivants, leur
estimation puis l‟analyse et l‟explication des résultats.

106
Chapitre III : L’impact des décisions de politique monétaire sur
l’économie marocaine

Introduction

L‟étape empirique est en mesure d‟apporter des éléments de réponses quant à la propagation
des chocs monétaires aux variables de l‟économie, intervenant dans ce processus de
transmission. Autrement-dit, cet exercice permet de vérifier l‟opérationnalité des canaux de
transmission et la capacité de la banque centrale à atteindre ses objectifs.
Pour entamer cette phase, nous nous référons au cadre méthodologique général présenté
auparavant ainsi qu‟aux enseignements de la littérature théorique et empirique pour finaliser
la conception et l‟estimation des différents modèles prévus.
Pour ce faire, nous introduisons cette phase empirique par une présentation des pré-requis de
l‟estimation des modèles simplifié et standard. Et avant de présenter les résultats de chaque
modèle, nous nous penchons sur la précision des conditions spécifiques à l‟estimation.
Pour compléter l‟analyse des canaux de transmission, nous estimons également un modèle
complémentaire pour étudier en profondeur les relations entre les variables monétaires,
financières et la politique monétaire.
En vue de clarifier les résultats obtenus, nous consacrons un dernier point à une étude
documentée et appuyée par des statistiques sur les éléments susceptibles d‟expliquer l‟état de
la transmission de la politique monétaire et ses canaux au Maroc.

1. Pré-requis de l’estimation

Pour aborder la partie empirique et estimer les modèles simplifié et standard, il faut
déterminer avec précision les variables de chaque modèle ainsi que les transformations
qu‟elles ont subi avant leur utilisation dans l‟estimation.

1.1. Choix des variables

Les variables à intégrer dans chaque modèle dépendent de son objectif et de sa configuration.
Sur la base de la note méthodologique précédente, le modèle simplifié contient deux blocs de
variables. Le premier comporte le taux d'intérêt de la politique monétaire, en l‟occurrence le
taux d'intérêt interbancaire (Txinter) pour le Maroc et le taux du marché monétaire (TMM)
107
pour la Tunisie et la Turquie. Le deuxième contient les objectifs de la politique monétaire, à
savoir les prix, approximés par l‟indice des prix à la consommation (IPC), et le PIB en tant
que cible implicite de l‟action de la banque centrale.
Les séries de données sont en fréquence trimestrielle et couvrent la période 1994:01 à
2013:01, pour le Maroc ; 2000:1 2012:4 pour la Tunisie et 2002:4 2012:4 pour la Turquie.
Par référence au cadre méthodologique général relatif au choix des différentes variables
présentées précédemment130 nous construisons un modèle standard, composé de trois blocs de
variables.
Le premier comprend, bien évidemment, une variable représentant la politique monétaire.
Comme il est indiqué et justifié dans la partie méthodologie générale, notre choix a porté
plutôt sur le taux d‟intérêt interbancaire (Txinter) au Maroc, et le taux du marché monétaire
(TMM) en Tunisie et en Turquie. Le deuxième bloc de variables a un caractère monétaire et
financier. Il fait référence aux principaux canaux de transmission de la politique monétaire, à
savoir le crédit bancaire (CB), un agrégat de la masse monétaire (M3 pour le Maroc et la
Tunisie, M2 pour la Turquie) et un indicateur boursier représenté par la capitalisation
boursière (Bourse) de la bourse de Casablanca pour le Maroc, la bourse de Tunis pour la
Tunisie, et la Bourse d‟Istanbul pour la Turquie. Le dernier bloc est constitué de l‟indice des
prix à la consommation (IPC) et du produit intérieur brut (PIB), les deux principales cibles de
la politique monétaire.
Dans cette optique, la variable « Bourse » représente ici le canal des prix des actifs, « CB »
représente celui du crédit. Le taux d‟intérêt représente, quant à lui, le canal du taux d‟intérêt.
Il faut signaler ici que nous n‟avons pas intégré la variable « M3 ou M2 », pour deux raisons.
La première tient au grand nombre de variables (6) qui posent un problème au niveau
technique pour l'estimation de 6²=36 paramètres, et à chercher 15 restrictions supplémentaires
dans la littérature économique, au lieu de 10 contraintes seulement pour 5 variables. La
deuxième est que la présence du taux d‟intérêt peut s‟avérer suffisante pour avoir une idée sur
le degré de transmission via le canal monétaire du taux d‟intérêt.
A préciser que la variable représentant la masse monétaire sera bel et bien intégrée dans le
modèle complémentaire liant les différentes variables monétaires et financières avec la
politique monétaire.

130
Cadre méthodologique présenté dans le chapitre II.
108
Les séries de ce deuxième modèle sont en fréquence trimestrielle sur la période 1998:01-
2012:04 pour le Maroc, 2000:1 2012:4 pour la Tunisie et 2002:04 2012:04 pour la Turquie.
L‟ensemble des séries intégrées dans ces deux modèles sont exprimées en logarithme, sauf
le taux d‟intérêt et le PIB de la Tunisie et de la Turquie, qui sont déjà exprimés en taux de
croissance.

1.2. Transformations et traitements des données

Dans le sillage de la méthodologie VARS, il faut vérifier plusieurs conditions et procéder aux
traitements et transformations nécessaires des séries avant de procéder à l‟estimation du
modèle.
L‟étude de la saisonnalité des séries du modèle simplifié révèle qu‟aucune des trois séries
n‟est saisonnière. Et pour vérifier les pré-requis de la modélisation VAR structurel, nous
avons procédé à l'étude des propriétés stochastique de nos séries (Tableau AI.1 dans l‟annexe
AI). Les tests montrent, qu‟au Maroc131, les trois séries sont non stationnaires et sont de type
TS. C‟est pourquoi nous avons appliqué le filtre HP afin d'obtenir des séries stationnaires.
Pour le modèle Standard, l‟étude de la saisonnalité des séries révèle que plusieurs d‟entre elles
contiennent une composante saisonnière. Nous avons donc procédé à leur dessaisonalisation
et avons mis un « S » au début de l‟appellation des séries concernées.
L‟étape suivante a consisté à vérifier la stationnarité des séries. Pour mener cette opération
nous avons employé les tests usuels, à savoir ADF, PP et KPSS (Tableaux AI.6 ; AI.7 et AI.8
dans l‟annexe AI). Là aussi nous avons stationnarisé les séries qui présentent une racine
unitaire, soit par différentiation pour les séries de type DS, ou par application du filtre
Hodrick-Prescott (HP) pour les séries de type TS.

Dans le cadre des exigences techniques de la modélisation SVAR, il faut déterminer l‟ordre
d‟introduction des variables dans le système.
A ce sujet, les enseignements théoriques avancent que les variables cibles réagissent avec
retard aux actions de la politique monétaire. A cet effet, Christiano et al, (1996) ; Boughrara
(2006) et Neamie (2008) supposent que le choc de politique monétaire n'a pas d'impact

131
Suivant l‟objectif central de la thèse, la description du cadre méthodologique est consacrée principalement au
Maroc. Pour la Tunisie et la Turquie la même méthodologie a été appliquée, mais elle est moins détaillée à ce
niveau, il faut se référer aux tableaux AI.2 et AI.3 dans l‟annexe pour plus d‟informations.
109
instantané sur les variables réelles. En conséquence, ils placent les variables réelles cibles
juste avant l‟indicateur de la politique monétaire.
Cet ordre concorde aussi avec la logique adoptée par Bjørnland et Leitemo (2009), qui
soutiennent que le placement de la variable de la politique monétaire à la fin du système,
présuppose que la banque centrale intègre dans ses décisions l‟évolution des indicateurs
économiques, notamment lorsque la fréquence des données est suffisamment longue pour
qu‟elle saisisse ces variations.
Dans la suite, nous nous penchons sur l‟identification et l‟estimation des deux modèles prévus
pour l‟étude de la propagation des actions de Bank Al-Maghrib à l‟économie marocaine.

2. Modèle simplifié de la transmission de la politique monétaire au Maroc

Pour démarrer notre examen empirique de la politique monétaire au Maroc, nous avons jugé
judicieux de débuter par un modèle simple et susceptible de nous renseigner, directement, sur
le comportement des variables cibles à la suite de l‟action de la banque centrale. Il servira
aussi de référence à l‟instar de Christiano et al (1996) pour saisir l‟impact de l‟introduction de
nouvelles variables sur la propagation du choc de la politique monétaire à l‟économie.

En supposant que le taux d‟intérêt représentatif de la politique monétaire concentre l‟action


de la banque centrale, nous admettons qu‟une réaction significative des variables cibles
signifierait, initialement, l'existence de transmission de la politique monétaire, mais sans
mener une analyse en termes de canaux de transmission de la politique monétaire. Les
résultats de ce modèle simplifié nous permettront donc d'avoir une première idée sur les
réactions des variables objectifs de la transmission de la politique monétaire.
Se référant aux précisions techniques exposées dans le point précédent, nous plaçons le taux
d‟intérêt de la politique monétaire à la fin du système pour retenir l‟ordre suivant132 PIB IPC
Txinter.
Procédant ainsi, nous respectons également l‟aspect technique de la méthodologie VAR, qui
stipule que la première variable est expliquée par ses propres innovations, et la deuxième par
ses propres chocs et ceux de la première, et ainsi de suite. L‟ordre retenu conditionne la suite
du travail de modélisation VARS, surtout l‟identification des restrictions nécessaires à
l‟estimation.

132
PIB IPC TMM pour la Tunisie et la Turquie.
110
Cette configuration simplifiée sera appliquée également au cas de la Tunisie et à celui de la
Turquie, afin de pouvoir comparer et relativiser les résultats obtenus pour le Maroc.

2.1. Les restrictions

L‟adoption de l‟approche d‟estimation basée sur la combinaison des restrictions de court et de


long terme permet d‟identifier trois chocs structurels. Il s‟agit du choc de demande pour les
prix (IPC), du choc d‟offre pour le PIB et du choc de politique monétaire pour le taux
d'intérêt.
Avec trois séries dans le modèle, il est nécessaire d'estimer 3²=9 paramètres. Techniquement
la contrainte d'orthogonalisation des chocs impose automatiquement (3(3+1)/2=6) six
restrictions, il reste donc trois contraintes supplémentaires pour pouvoir estimer notre VARS.
Ces restrictions supplémentaires seront issues, comme nous l‟avons avancé précédemment,
de la littérature économique afin de rendre les résultats de nos estimations économiquement
interprétables. En pratique, nous avons à déterminer une restriction de long terme et deux à
court terme. Nous avons retenu davantage de contraintes à court terme pour moins
contraindre les réactions des variables cibles qui répondent, souvent, avec un important
décalage.

2.1.1. Les restrictions de long terme

Dans le cadre de la théorie monétariste, la politique monétaire ne peut pas soutenir la


croissance économique à long terme. Ces propos contraires à la conception keynésienne se
basent sur les effets des anticipations et l‟expérience des agents économiques qui peuvent
neutraliser l‟action de la banque centrale.
C‟est pourquoi, la plupart des banques centrales adoptent des politiques monétaires de
référence monétariste, et relèguent la croissance économique aux rangs ultérieurs pour
s‟occuper davantage de la stabilité des prix. En s‟inscrivant dans ce cadre nous admettons la
contrainte de long terme stipulant la nullité de l‟effet du choc de politique monétaire sur le
PIB.

Cette restriction a été largement admise dans les études de la transmission de la politique
monétaire et particulièrement par Garcia et Verdelhan (2001) et De Bondt et Bruneau (1998).

Notons cette restriction comme suit PIB to Txinter= 0 (à LT).

111
2.1.2. Les restrictions de court terme

Bien que l‟effet des chocs ne soit pas souvent instantané, il faut tenir compte de l‟analyse faite
en fréquences mensuelles ou trimestrielles133. Même si la fréquence est trimestrielle on ne
peut pas prétendre que la politique monétaire impacte les prix (IPC) ou le PIB instantanément
car le délai de transmission est en moyenne supérieur à 12 mois selon la littérature
économique et les résultats des études de référence. Les restrictions que nous avons retenu
tiennent compte de cette condition de fréquence des séries.
Il se peut que quelques chocs structurels n‟aient pas d‟impact sur des variables à court terme.
C‟est dans ce sens que nous tentons d‟identifier les restrictions de court terme.

La théorie de la transmission affirme qu‟un certain délai est nécessaire pour que l'action de la
banque centrale se transmette aux variables cibles. Ce délai peut être suffisamment long dans
les pays où le système financier est peu développé et moins accessible à tous les agents
économiques.
Compte tenue de la configuration du système financier marocain, et celui de la Tunisie et de
la Turquie, nous admettons à l‟instar de Goux (2003) que les variables monétaires n‟affectent
pas les prix à court terme. Cette contrainte rejoint aussi l‟inscription de l‟action de la banque
centrale sur le moyen long terme, délai nécessaire pour apercevoir les premiers effets de son
action sur les prix. C‟est dans cette conception que nous adoptons la contrainte de nullité de
l'impact du choc de politique monétaire sur les prix à court terme et nous mettons IPC to
Txinter = 0 (à CT).
Pour la dernière restriction, nous nous référons à la théorie et à la stratégie de la politique
monétaire qui stipule qu'une banque centrale indépendante et se concentrant sur la stabilité
des prix, doit se fixer des indicateurs avancés pour prévoir les pressions inflationnistes et les
risques d'instabilité des prix.
En principe, les banques centrales se donnent un délai à moyen-long terme pour atteindre
leurs objectifs. Elles ne réagissent pas aux facteurs conjoncturels. Elles surveillent plusieurs
indicateurs monétaires et financiers en lien avec leurs objectifs.

133
Lange, (2010), « Regime-switching monetary policy in Canada», Journal of Macroeconomics 32 (2010) 782-
796.

112
Selon cette stratégie opérationnelle de la banque centrale, des réactions ponctuelles à la
fluctuation de l‟activité économique ne sont pas envisagées, du moins à court terme. Il est
donc possible de retenir la restriction de nullité de l‟effet du choc du PIB sur la politique
monétaire à court terme et écrire Txinter to PIB =0 (à CT).
Après cette ultime étape de détermination des restrictions134, nous avons procédé à la
détermination du nombre de retard du VAR135, étape préalable à l‟estimation de nos VARS en
utilisant le logiciel WinRATS 8.

Les résultats des estimations nous permettent de mener un examen des réactions des variables
composant ce modèle afin de saisir les liens entre elles et évaluer le degré d'influence direct
de l'action de la banque centrale sur les variables cibles. Notre analyse sera faite à partir des
fonctions de réponses des variables aux impulsions136 (Impulse Response Functions IRFs) des
différents chocs, et grâce aux décompositions des variations des erreurs de prévisions
(Forecast Error Variance Decomposition FEVD) des différentes variables.

2.2. Analyse des résultats

L‟analyse des résultats débute par l‟étude du comportement des prix, puis celui de l‟indicateur
de l‟activité économique avant de finir par aborder la posture du taux d‟intérêt de la politique
monétaire (Figure I.10 et tableau I.2). Le rapprochement avec les résultats des deux autres
pays137 se fera au fur et à mesure de la description et de l‟interprétation de l‟attitude de chaque
variable.
Les réponses sont globalement significatives. Les prix et le PIB manifestent leurs réactions
après plus d‟un an. Pour sa part la politique monétaire semble réagir avant un an, ce qui
constitue une sorte de réactivité de BAM face aux chocs de demande et d‟offre.
En Tunisie, les variables cibles répondent plus rapidement en Tunisie par rapport au Maroc.

134
Les mêmes restrictions ont été retenues pour la Tunisie et la Turquie.
135
En recourant aux critères habituels, à savoir schwartz et Akaike, HQ et le maximum de vraisemblance.
136
Les réponses impulsionnelles sont données par rapport à un choc d‟un écart type (one standard déviation).
137
Figures AI.1 et AI.2 ; tableaux AI.4 et AI.5 dans l‟annexe.
113
2.2.1. Réactions des prix

L'étude du comportement des prix au Maroc, cible de la politique monétaire, révèle que,
contrairement aux attentes et aux enseignements théoriques, les prix réagissent faiblement à la
hausse suite à un choc de politique monétaire de Bank Al Maghreb (BAM). Autrement dit, un
resserrement monétaire se traduit par une hausse de l‟ordre de 0.006% des prix. Ce
phénomène est connu dans la littérature empirique par le "Price Puzzle".
En revanche, le choc d'offre fait baisser sensiblement les prix, conformément à nos attentes.
Les FEVD montrent que les prix sont expliqués par l'offre à hauteur de 63%, alors que
seulement 9% de leur variation, à long terme, sont dus aux taux d'intérêt de la politique
monétaire. L'offre est donc plus déterminante de l'évolution des prix que l'action de la banque
centrale du Maroc. Ce constat confirme l‟impact baissier que provoque le choc d‟offre sur les
prix, car, théoriquement, il alimente l'offre et la rend supérieure à la demande.

En rapprochant ces résultats à ceux des deux autres pays, force est de constater que le lien
entre les prix et la politique monétaire en Turquie se caractérise par la même configuration
qu'au Maroc. En effet, le choc de politique monétaire provoque une appréciation durable des
prix. En plus la politique monétaire n'explique que faiblement la variation des prix à court et à
long terme. De même, le choc d'offre se traduit par une faible dépréciation des prix, cela est
sans doute dû à la capacité explicative du PIB de la variation des prix qui n‟atteignent que
14%. Ce pourcentage, relativement faible, reste largement supérieur à la part de la politique
monétaire dans l'explication des prix.
Le cas de la Tunisie est un peu différent, car d'une part, le choc restrictif de la politique
monétaire fait baisser les prix avant le renversement de la tendance et la disparition de l'effet,
et d'autre part, le choc d'offre provoque une inflation durable.
De plus, le taux d'intérêt de la politique monétaire explique un peu mieux la variation des prix
même si le choc d'offre reste considérablement plus déterminant.
Il ressort de cette première analyse que l'étrange et permanente hausse des prix au Maroc,
suite aux actions de la banque centrale, se produit aussi en Turquie. Aussi, la variation de
l'erreur de prévision des prix dépend plutôt des fluctuations de l'offre que des actions de la
banque centrale au Maroc, comme en Tunisie et en Turquie.

114
Ces constats suscitent des interrogations quant à la réactivité des prix aux actions de politique
monétaire de BAM, et renforce l‟intérêt d'explorer le comportement des prix en présence des
variables représentant les canaux de transmission.

2.2.2. Réactions du PIB

En passant à l'autre variable cible, à savoir le PIB, il apparaît qu'au Maroc, un choc positif de
la politique monétaire se traduit par une hausse progressive du PIB dès le premier trimestre,
atteint 0.015% et se prolonge dans le long terme. C'est-à-dire que le resserrement des
conditions de financement ne freine pas l'activité économique comme le stipule la littérature
économique. De son côté, le choc de demande soutient faiblement la croissance économique.
De la même manière que dans le cas des prix, le PIB dépend faiblement de la politique
monétaire, contrairement à la grande part expliquée par la demande. Le comportement du PIB
est moins surprenant car BAM ne déclare pas s'occuper clairement de la croissance
économique mais, essaie plutôt d'asseoir les meilleures conditions pour une croissance
économique soutenue.
Contrairement aux résultats enregistrés au Maroc, les estimations pour la Tunisie et la Turquie
révèlent que le PIB se contracte sensiblement suite au choc de politique monétaire.
Etonnamment, le choc de demande provoque une baisse de l‟activité économique.
Par ailleurs, les FEVD dévoilent que les variations du PIB dépendent plutôt de la demande en
Tunisie, tout comme au Maroc, tandis que la politique monétaire apparait plus déterminante
en Turquie.
Nous retenons de l‟analyse des réactions du PIB que la tendance haussière du PIB en situation
de resserrement de la politique monétaire au Maroc paraît contradictoire avec les attentes
théoriques et les résultats dans les deux autres pays.
La part expliquée par les propres innovations du PIB reste trop élevée, ce qui atteste d‟un
impact faible de la politique monétaire sur l‟activité économique. Ces aboutissements
justifient également à ce stade, la nécessité du recours au réexamen de ces comportements en
présence des variables représentant les canaux de transmission.
Après avoir analysé le comportement et les fluctuations des deux variables cibles, abordons
maintenant l‟examen du comportement de la banque centrale vis-à-vis des chocs de ces deux
variables. Autrement dit, de quelle manière sont intégrées les variations des variables cibles
dans les décisions de la politique monétaire ?
115
2.2.3. Réactions du Taux d’intérêt de la politique monétaire

L'observation de l‟attitude du taux d'intérêt de la politique monétaire au Maroc, nous permet


d'avancer que suite à un choc de demande, le taux d'intérêt réagit faiblement à la baisse. Le
même résultat est constaté en Turquie, alors qu'en Tunisie le taux du marché monétaire part à
la hausse. La baisse du taux d‟intérêt de la politique monétaire que l‟on constate au Maroc et
en Turquie, semble illogique et ne s'inscrit pas dans le cadre d'action de la banque centrale,
qui face à des risques inflationnistes, dus à l'augmentation de la demande, essaie de resserrer
sa politique monétaire.
Cette trajectoire du taux de la politique monétaire peut être due à une situation d'abondance de
liquidité sur le marché monétaire. C‟est d‟ailleurs le cas du Maroc, dont une surliquidité a été
enregistrée entre 2000 et 2008 et de la Turquie, qui connait depuis 2002 une ouverture de
l‟économie et une libéralisation financière favorable à l‟afflux des capitaux étrangers.

Suite à un choc d‟offre, le taux d'intérêt de la politique monétaire baisse clairement et


durablement au Maroc. Cette étonnante réaction baissière de l‟ordre de quasiment 0,4% ne
respecte pas l‟attente d‟une restriction monétaire par crainte d‟une surchauffe de l‟économie,
comme nous le constatons au niveau de la réaction de la politique monétaire en Turquie et
partiellement, après un court délai en Tunisie.
En se penchant sur les FEVD, nous constatons que le taux d'intérêt de la politique monétaire
dépend davantage du choc de l‟activité économique. Au Maroc le taux d‟intérêt est expliqué à
hauteur de 19% par le PIB à long terme contre seulement 3% pour les prix. La situation est
semblable dans les deux autres pays, avec un faible pouvoir explicatif de l‟offre et de la
demande en Turquie.

116
Fig. I.10 : Fonctions des réponses impulsionnelles des variables aux différents chocs
(Maroc)

Fonctions des réponses des variables aux impulsions des chocs


PIB IPC Txinter
0.030 0.005 0.1

0.025 -0.0
0.000
-0.1
0.020
-0.005 -0.2
0.015
Choc d'Offre

Choc d'Offre

Choc d'Offre
-0.3
0.010 -0.010
-0.4
0.005
-0.015 -0.5
0.000
-0.6
-0.020
-0.005 -0.7

-0.010 -0.025 -0.8


5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

PIB IPC Txinter


0.03 0.0100 0.15

0.02 0.0075 0.10

0.0050
Choc de Demande

Choc de Demande

Choc de Demande
0.01 0.05
0.0025
0.00 0.00
0.0000
-0.01 -0.05
-0.0025

-0.02 -0.0050 -0.10

-0.03 -0.0075 -0.15


5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

PIB IPC Txinter


0.0225 0.0125 0.9

0.0200
0.0100 0.8
Choc de Pol iti que Monétaire

Choc de Pol iti que Monétaire

Choc Pol i ti que Monétai re


0.0175
0.7
0.0150 0.0075

0.0125 0.6
0.0050
0.0100 0.5
0.0075 0.0025
0.4
0.0050
0.0000 0.3
0.0025

0.0000 -0.0025 0.2


5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

Tab. I.2 : FEVD des Prix, du PIB et du Taux d’intérêt de la politique monétaire (Maroc)

117
En résumé, le comportement du taux d'intérêt de la politique monétaire au Maroc ressort,
généralement, contraire aux attentes et aux enseignements de la littérature, essentiellement à
la suite des pressions inflationnistes. De plus, l'évolution du taux de la politique monétaire
semble dépendre davantage de l'offre que de la demande, alors que sa corrélation devrait
respecter la concentration des banques centrales des trois pays sur la stabilité des prix.
Ces aboutissements montrent l‟intérêt et la nécessité d‟approfondir l‟analyse de la conduite du
taux d‟intérêt de la politique monétaire en interaction avec d‟autres facteurs et variables
intervenant dans la transmission de la politique monétaire.

En revenant sur les principaux résultats de ce modèle simplifié, nous pouvons avancer que la
réaction des prix au choc de politique monétaire au Maroc, caractérisée par un phénomène de
"Price Puzzle", peut provenir d'un effet prépondérant qu'auraient d'autres facteurs sur la
variation des prix.
L‟attitude de l‟indicateur de l‟activité économique est aussi surprenante et confirme
implicitement nos interrogations sur le comportement des deux variables cibles.
Également, la grande dépendance de la variation du taux d'intérêt du marché monétaire de ses
propres innovations peut indiquer un éventuel rôle d'autres variables dans la détermination de
son évolution138.
En outre, la détente du taux d'intérêt de la politique monétaire au Maroc, suite au choc d'offre
et de demande, est complètement surprenante, tout comme la supériorité de l'indicateur de la
croissance économique dans l'explication de la variation des prix dans les trois pays, malgré
que leurs banques centrales respectives se fixent la stabilité des prix comme mission
principale de leur politique monétaire.

Au final, il ressort de l‟exploration et l'analyse du comportement des trois séries aux différents
chocs, à travers ce modèle simplifié, que les comportements sont parfois surprenants.
La transmission de l'action de la banque centrale vers les principales variables cibles de la
politique monétaire parait incomplète, voire contraire aux enseignements de la littérature.
Néanmoins, la configuration simplifiée et réduite du présent modèle ne rapporte pas, à ce

138
Par exemple ce résultat en Turquie tient à l'indépendance de la banque centrale et sa préoccupation du taux de
change qui entrave un peu la concentration sur les prix. L'exemple le plus récent est la hausse surprise du taux de
la banque centrale de 7 à 12% en février 2013 pour éviter la sortie des capitaux.

118
stade, suffisamment de réponses précises quant à la question de la transmission de la politique
monétaire. C‟est pourquoi il est judicieux d‟estimer d‟autres modèles plus élaborés et
susceptibles de fournir des résultats plus clairs à propos des réactions des variables cibles,
afin de mieux expliquer et analyser la transmission de la politique monétaire au Maroc.

Dans cet objectif, nous élargissons la composition du modèle simplifié afin de concevoir à
l‟instar de la littérature empirique, un modèle standard. Cette forme inclut d‟autres variables
monétaires et financières, représentant en particulier, les canaux de transmission de la
politique monétaire.

3. Modèle Standard de transmission de la politique monétaire au Maroc

La configuration théorique et opérationnelle de la transmission de la politique monétaire


stipule que l‟action de la banque centrale influence, d‟abord, les variables monétaires et
financières, puis l‟investissement, la production et la consommation. L‟action de la banque
centrale impacte au final les indicateurs globaux de l‟économie, en l‟occurrence les prix et le
PIB, principaux objectifs de la politique monétaire. Le degré de transmission de la politique
monétaire est donc très dépendant de la capacité de l‟institut d‟émission à agir sur ces
variables monétaires et financières, et faire fonctionner les canaux de transmission.
Sur la base des résultats peu concluants du modèle simple, il est nécessaire de concevoir un
modèle plus large. Il contiendra la variable représentative de la politique monétaire, les
variables cibles, et notamment les variables monétaires et financières qui représentent les
canaux de transmission de la politique monétaire.
Grâce à ce modèle, qualifié dans la littérature économique de traditionnel et standard, nous
pouvons nous prononcer sur le degré et le timing des réponses des différentes variables.
L'analyse par le VAR Structurel nous permettra également d‟identifier les canaux
opérationnels, et de les hiérarchiser afin d'en distinguer les plus opérationnels et les plus
efficaces.

La configuration de ce modèle est tributaire des contraintes techniques, liées au nombre de


variables et aux restrictions nécessaires pour l‟estimation du VARS. Compte tenu de ces
exigences, nous avons essayé de découper l‟exercice empirique en deux étapes consistant à
estimer deux modèles. Le premier, appelé standard, contient les trois blocs de variables, alors
119
que le deuxième, que nous pouvons qualifié de modèle complémentaire, lie seulement les
différentes variables monétaires et financières afin d'étudier leurs interactions avec la
politique monétaire.
A ce niveau de l‟analyse, les mêmes modèles seront estimés pour la Tunisie et la Turquie pour
pouvoir mener un rapprochement des résultats obtenus au Maroc avec ceux des deux autres
pays.
Pour l‟ordre d‟intégration des variables dans le système SVAR, nous avons suivi le même
raisonnement exposé dans le modèle simplifié, c‟est-à-dire le classement suivant139
Bourse CB PIB IPC Txinter.
Dans ce schéma, nous supposons que les variables monétaires et financières s‟expliquent à
court terme principalement par leurs propres innovations. Les réactions consécutives au choc
de la politique monétaire ne se manifestent qu‟après un certain délai.

Pour compléter le paramétrage de notre SVAR standard, il convient d‟identifier les


restrictions supplémentaires, issues de la littérature économique, et indispensables à
l‟estimation du modèle.

3.1. Les restrictions

Pour estimer notre SVAR avec 5 variables, il va falloir déterminer 5² =25 restrictions.
La contrainte d'orthogonalité des chocs permet d'imposer n(n+1)/2 restrictions directement,
soit 15 contraintes. Il manque donc n(n-1)/2=10 restrictions qu'il va falloir tirer de la
littérature économique sur la politique monétaire, la politique économique et la modélisation
VAR structurel. De plus, ces restrictions seront élaborées en tenant compte des spécificités de
l‟économie marocaine.
A titre de rappel, notre approche d‟estimation s‟inscrit toujours, à l‟instar de Bjørnland et
Leitemo (2009) et Gali (1992), dans le prolongement de la méthodologie combinant les
restrictions de court et de long terme.
Les 10 restrictions sont réparties à hauteur de 4 à long terme et 6 à court terme. Cette
répartition est justifiée par la volonté d‟imposer moins de restrictions à long terme, car selon
les enseignements théoriques et empiriques, la politique monétaire se transmet en général
après un certain délai. Utiliser moins de restrictions à long terme est donc un choix logique et

139
Bourse CB PIB IPC TMM pour la Tunisie et la Turquie.
120
moins risqué. De plus, les exigences pour l‟estimation du SVAR imposent de rentrer les 10
restrictions en respectant le fameux ordre de 0, 1, 2, 3, 4 sur les colonnes du système de
variables140.

3.1.1. Les restrictions de long terme

Pour commencer, nous nous référons à l‟étude pionnière de Blanchard et Quah (1989), qui en
étudiant la dynamique de l‟offre suppose que le PIB n'est déterminé à long terme que par son
propre choc. Cette hypothèse de dépendance de l'offre à long terme de ses seuls propres chocs
a été largement reprise dans la littérature empirique sur la transmission de la politique
monétaire et l'analyse de la dynamique de la croissance141.
Compte tenu de la composition de notre modèle nous pouvons admettre, à l‟instar de
Blanchard et Quah (1989) que les prix ne déterminent par l‟offre à long terme et écrire ainsi
PIB to IPC = 0.
Dans le même cadre, la petite taille et le caractère peu développé du marché financier
marocain ne permettent pas d‟admettre une contribution déterminante de ce compartiment
dans le financement de l‟économie142. La littérature économique reste indécise également sur
ce point, c‟est pourquoi nous imposons la nullité de l‟effet du choc des prix des actifs sur le
PIB. Nous notons donc PIB to Bourse =0.
En outre, le marché financier marocain est étroit et ces différents compartiments sont moins
accessibles à l‟ensemble des agents économiques. Par conséquent, la domination des gros
intervenants comme les institutionnels, le manque d‟intervenants particuliers, la pénurie du
papier et le niveau de liquidité du marché ne permettent pas d‟admettre une sensibilité
significative des cours des actifs financiers au niveau des prix en particulier.
Ces constats, conjugués avec l'absence d'un impact clairement identifié au niveau théorique et
empirique du niveau des prix sur les cours des actifs, nous permettent d‟imposer la nullité de
l'effet du choc de demande sur la bourse. Nos écrivons alors Bourse to IPC = 0.
Force est de constater que si nous avions pris en compte les prix immobiliers comme variable
représentative des prix des actifs, cette restriction perdrait son bien fondé, car l‟immobilier est
supposé dépendre du niveau général des prix.

140
Page UG-217 guide d'utilisation et d'explication du VARS du logiciel WinRATS 8.
141
Voir Gali (1992) ; Bruneau et De Bandt (1998) ; Bjørnland et Leitemo (2009).
142
Le marché financier marocain est un espace de plus value et de recyclage des valeurs financières au lieu
d‟être un espace de financement de l‟économie.

121
En se référant aux explications avancées dans le modèle simplifié, au sujet des thèses
monétaristes sur l'inefficacité de la politique monétaire (en matière de soutien de la croissance
économique et la concentration de la plupart des banques centrales, y compris BAM, BCT et
BCRT, sur la stabilité des prix), nous retenons l‟absence d'effet, à long terme, de la politique
monétaire sur la croissance économique143. Cette restriction est notée PIB to Txinter = 0.

3.1.2. Les restrictions de court terme

En revenant sur le caractère relativement fermé du marché financier, nous constatons que la
stratégie des gros investisseurs s‟inscrit dans le long terme et est basée principalement sur la
rentabilité. Au contraire les particuliers, peu présents, sont plus sensibles aux fluctuations des
prix et ajustent leurs décisions de placement en conséquence. Pour ces raisons et celles
évoquées au niveau des restrictions de long terme, nous admettons l'absence d'impact du choc
de demande sur les prix des actifs pour écrire Bourse to IPC = 0.
Dans le prolongement de l‟analyse que nous avons mené au niveau de la justification des
restrictions du modèle simplifié, sur l‟efficacité de la transmission de la politique monétaire et
la nécessité d‟un certain délai pour que les variables cibles réagissent aux actions de la banque
centrale, nous imposons l‟absence d‟effet du choc de la politique monétaire sur les prix à
court terme. La restriction s‟écrit sous forme IPC to Txinter = 0.

Pour ce qui est du lien entre les variables monétaires et financières, il est communément
admis qu'une bonne santé des actifs financiers, en termes de niveau de valorisation, soutient le
bilan de leurs détenteurs. Ces actifs, pris comme garantie, augmentent la capacité
d‟endettement de leurs porteurs et leur permet d‟assurer leurs dépenses de consommation et
d‟investissement. Ce raisonnement est moins évident au Maroc car le marché financier n‟est
pas assez développé et moins ouvert aux particuliers. C‟est pourquoi, nous admettons que le
niveau de valorisation des actifs n'aurait pas d'impact sur la capacité d'emprunt des agents
économiques, au moins à court terme. En conséquence, nous imposons la nullité de l‟effet du
choc des prix des actifs sur le crédit. Nous notons ainsi, CB to Bourse = 0.

143
Cette contrainte est retenue malgré la probabilité de production d‟effets de la politique monétaire sur la
croissance économique.

122
Dans le prolongement de l‟analyse qui a été menée à propos de l‟impact du choc des prix des
actifs sur la croissance, nous adhérons au courant qui considère le marché financier comme un
casino et espace de spéculation, au lieu de contribuer pleinement au financement de
l‟économie et soutenir sa croissance. De plus les nouvelles introductions sont insignifiantes en
volume et en nombre comparativement aux besoins de financement de l‟économie marocaine.
Ainsi, dans une économie dominée par le financement bancaire, il est justifié de retenir la
restriction d‟absence d‟effet du choc des prix des actifs sur le PIB à court terme. Cette
restriction est notée PIB to Bourse = 0.

Le cadre stratégique et opérationnel de BAM révèle que les indicateurs boursiers ne figurent
pas parmi les objectifs ou les indicateurs intermédiaires implicites ou avancés de sa politique
monétaire. Une large partie de la littérature théorique et empirique stipule que la banque
centrale ne réagit pas, et ne doit pas réagir, aux chocs conjoncturels et aux déviations de court
terme des prix des actifs. Car ces derniers doivent refléter les fondamentaux de l'économie, et
des entreprises notamment.
Il est donc clair que le niveau et/ou l‟évolution des prix des actifs ne figurent pas,
implicitement, dans la stratégie opérationnelle de la banque centrale. Néanmoins, la banque
centrale observe de près leur évolution car tout risque d‟effondrement du système financier est
néfaste pour l‟économie en général et à la réalisation des objectifs de la politique monétaire.
Dans cette logique, nous admettons l‟insensibilité de la politique monétaire aux fluctuations
des prix des actifs et retenons la restriction d'absence d'effet des prix des actifs sur la politique
monétaire.
A noter que cette restriction est admise malgré la tendance, toute récente, de la plupart des
banques centrales à veiller sur la stabilité du système financier, surtout suite aux effets de la
crise des « Subprimes » et la pénurie de liquidité que connaissent les marchés.
La restriction s‟écrit Txinter to Bourse = 0.

Toujours en lien avec le cadre opérationnel et l‟arsenal dont dispose la banque centrale pour
atteindre ses objectifs, BAM déclare suivre l‟évolution de la masse monétaire et d‟autres
indicateurs avancés de la tendance des prix. Elle n‟affiche pas clairement un suivi de
l'évolution du crédit à l‟occasion des décisions de politique monétaire.

123
De là nous avons décidé de considérer, au moins à court terme, que le choc du crédit
n‟influence pas les décisions de la politique monétaire de BAM. Cette hypothèse est en accord
avec le comportement moins réactif de la banque centrale vis-à-vis des chocs conjoncturels et
son rattachement, plutôt annoncé, aux chocs de moyen long terme.
Nous notons cette restriction de la manière suivante : Txinter to CB = 0.

En somme les restrictions de court et de long terme retenues sont présentées dans le tableau
suivant144 :

Tab. I.3 : Restrictions retenues pour le modèle standard

Restrictions du modèle standard

Court terme Long terme

Bourse to IPC = 0
Bourse to IPC = 0
IPC to Txinter = 0.
PIB to Bourse =0
CB to Bourse = 0.
PIB to IPC = 0
PIB to Bourse = 0.
PIB to Txinter = 0
Txinter to Bourse = 0.

Txinter to CB = 0

Selon cette composition nous avons à identifier 5 chocs structurels que nous nommons
comme suit :
PIB : choc d‟offre ; IPC : choc de demande ; CB : choc de crédit ; Bourse : choc financier ou
choc des prix des actifs ; Txinter (TMM) : choc de politique monétaire.
Après l‟identification des restrictions nous avons déterminé le nombre de retard pour chaque
modèle avant de lancer l‟estimation des modèles en utilisant le logiciel WinRATS 8.

144
Le retour sur la littérature économique, la prise en considération de l‟hypothèse de ressemblance entre les
économies du Maroc, de la Tunisie et de la Turquie et la volonté d‟homogénéiser notre base comparative, nous
permettent d‟appliquer les mêmes restrictions pour l‟estimation des modèles de la Tunisie et de la Turquie, tout
en restant conscient et prudent par rapport à l‟interprétation des résultats.

124
Le paramétrage et l'adaptation du programme WinRats 8, nous ont permis d‟estimer le modèle
standard. Les principales sorties des estimations ont été organisées pour une meilleure lecture
et interprétation des résultats.

3.2. Analyse des résultats

Nous commençons par analyser, interpréter et commenter le comportement des deux


principales variables cibles de la politique monétaire, avant d‟aborder le cas des variables
monétaires et financières dans le cadre des canaux de transmission de la politique monétaire.
A ce niveau, la lecture des résultats se fait à travers les IRFs et les FEVD. Les résultats seront
également comparés à ceux du modèle simplifié et ceux de la Tunisie et de la Turquie
(Figures AI.3 et AI.4 ; tableaux AI.9 et AI.10).
Les réponses sont significatives, se prolongent globalement sur deux ans puis disparaissent
sauf quelques exceptions et interviennent globalement dès le court terme….

3.2.1. Réactions des prix

En observant les réponses des prix (Figure I.11) aux impulsions du choc de politique
monétaire, nous constatons une réaction positive et faible à partir du deuxième trimestre.
Cette réponse atteint son sommet au huitième trimestre avant de baisser et disparaitre vers le
19ème. En revenant sur les résultats du modèle simplifié, nous soulignons la persistance de
l‟effet « Price Puzzle » des prix suite au choc de politique monétaire.
Les réponses des prix aux chocs d‟offre et du crédit sont négligeables. Plus précisément,
l‟effet du choc d‟offre paraît neutre alors que celui du crédit provoque une baisse très faible et
non significative des prix. Le choc financier des prix des actifs provoque, quant à lui, une
importante appréciation des prix sur une longue période.
En termes de variation de l‟erreur de prévision (Tableau I.4), les prix sont expliqués
principalement par les variables monétaires et financières. La part expliquée par le crédit
atteint les deux tiers à court terme et la moitié à long terme. Celle des prix des actifs est
supérieure à 20% alors que la part du taux d‟intérêt est nulle à court terme, et atteint à peine
10% à long terme. Les prix sont donc expliqués partiellement par la politique monétaire tout
comme dans le cas du modèle simplifié.

125
Cette première lecture des résultats révèle que l‟intégration des variables monétaires et
financières n‟a pas provoqué de changements au niveau du comportement haussier des prix
par rapport à l‟action de politique monétaire. De même, les prix semblent insensibles au choc
d‟offre.
Le canal du crédit apparaît devancer le canal des prix des actifs et celui des taux d‟intérêt dans
la chaine de transmission de la politique monétaire aux prix au Maroc.

Fig. I.11 : Fonctions des réponses des prix aux impulsions des différents chocs (Maroc)

Fonctions des réponses impulsionnelles


IPC IPC
0.015 0.0050

0.010
Choc des pri x des acti fs

0.0025
Choc de Demande

0.005
0.0000
0.000

-0.0025
-0.005

-0.010 -0.0050
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

IPC IPC
0.015 0.008

0.006
Choc de Pol i ti que M onétai re

0.010

0.004
0.005
Choc de crédi t

0.002
0.000
0.000
-0.005
-0.002

-0.010 -0.004

-0.015 -0.006
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

IPC
0.0100

0.0075

0.0050

0.0025
Choc d'Offre

0.0000

-0.0025

-0.0050

-0.0075

-0.0100
5 10 15 20 25 30

Fonctions des réponses des prix aux impulsions des différents chocs

126
Tab. I.4 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) des prix
(Maroc)

L‟application de la même méthodologie à la Tunisie et à la Turquie nous a permis de


comparer et de relativiser les résultats du Maroc.
D‟ailleurs en Tunisie (Figure AI.3 et tableau AI.9), le comportement des prix suite à un
resserrement monétaire ressort conforme aux attentes théoriques, contrairement au cas
marocain. Concrètement, la réponse des prix est modérément baissière au début mais se
stabilise significativement dans le territoire négatif par la suite.
Le choc des prix des actifs produit, quant à lui, un effet opposé à celui subit par les prix au
Maroc. Plus précisément, un choc des prix des actifs exerce un effet restrictif sur les prix en
Tunisie.
De la même manière qu‟au Maroc, les chocs d‟offre et de crédit produisent un impact non
significatif sur les prix.
Les FEVD annoncent la prédominance du rôle des prix des actifs dans la variation des prix.
Ils en expliquent en effet plus des deux tiers. Pour le tiers restant, le crédit semble dominant.
Il détermine la majeure partie, alors que la part due aux taux d‟intérêt est très faible et se situe
à peine autour de 2%.
L‟analyse du cas tunisien dévoile un comportement conventionnel des prix face au choc de
politique monétaire. Elle fait ressortir, également, une place importante du canal des prix des
actifs au détriment de celui du crédit et du taux d‟intérêt.
Ces résultats divergents avec ceux obtenus au Maroc, révèlent que malgré une grande
ressemblance des deux économies, les prix réagissent différemment et la hiérarchie des

127
canaux de transmission n‟est pas la même. A ce propos, il est justifié d‟avancer que même
dans une économie dominée par le financement bancaire et où les marchés financiers sont
moins développés, le canal des prix des actifs peut se montrer plus influent que les deux
autres canaux traditionnels.

S‟agissant du cas turc (Figure AI.4 et tableau AI.10), l‟ensemble des réactions sont en
opposition avec celles du Maroc. En effet, la réaction baissière des prix suite au choc de
politique monétaire, semble plutôt logique et différente du phénomène de « Price Puzzle »
enregistrée dans le cas du Maroc.
Le choc de crédit produit une hausse modérée et permanente des prix, contrairement à l‟effet
non significatif observé au Maroc. De son coté, le choc des prix des actifs induit une baisse
moins prononcée des prix.
Enfin, le choc d‟offre se traduit par une baisse des prix alors qu‟il paraît neutre au Maroc.
Cette réduction des prix est logique dans le sens où un surplus de production augmente l‟offre
et tire les prix à la baisse (loi de l‟offre et de la demande).

Ces comportements des prix paraissent globalement logiques et conformes aux enseignements
théoriques.
A contrario, les résultats des FEVD des prix illustrent une ressemblance avec le Maroc. La
politique monétaire et les prix des actifs expliquent une partie négligeable des prix à long
terme, elle est même nulle à court terme. En revanche, le crédit et l‟offre sont responsables à
hauteur de 10% chacun dans la variation des prix à court et à long terme.
Les canaux de transmission en Turquie se caractérisent donc par une supériorité du canal du
crédit par rapport au canal du taux d‟intérêt et des prix des actifs. Cette configuration est
proche de celle observée au Maroc.

L‟examen du comportement des prix énonce que la transmission de la politique monétaire aux
prix au Maroc est faible. Le timing de son apparition est en ligne avec le consensus qui stipule
une apparition des réactions entre un an et 18 mois. Le processus de transmission semble
globalement différent avec celui de la Tunisie et de la Turquie, surtout à cause du phénomène
du « Price puzzle ».

128
L‟action de la banque centrale du Maroc (BAM) semble transiter plutôt par le canal du crédit,
alors que le rôle du canal traditionnel des taux d‟intérêt n‟arrive qu‟après celui des prix des
actifs. Cette primauté du canal du crédit est retrouvée en Turquie mais pas en Tunisie, dont le
canal des prix des actifs ressort étonnamment prioritaire, malgré la configuration du système
financier.
En définitif la transmission de la politique monétaire ne passe pas principalement par le canal
des taux d‟intérêt au Maroc, de la même manière que dans les deux autres pays.
Le positionnement du canal du crédit au Maroc conforte les attentes quant au rôle joué par le
financement indirect (par endettement), mais reste à vérifier par la suite si cette transmission
prioritaire se trouve confirmée, au niveau de l‟analyse des relations entre les variables
monétaires et financières.

Après l‟exploration du comportement des prix face aux différents chocs, nous nous
intéressons à présent à l‟attitude de l‟autre variable cible de la politique monétaire, à savoir
l‟indicateur de la croissance économique.

3.2.2. Réactions du PIB

L‟étude du comportement de l‟indicateur de l‟activité économique nous permet de compléter


l‟analyse sur l‟acheminement de l‟action de la banque centrale aux variables réelles. C‟est
dans ce cadre que nous abordons les résultats du Maroc, à travers les deux principaux outils
de la modélisation VARS, avant de les rapprocher de ceux de la Tunisie et de la Turquie.

La Figure I.12 des IRFs montre que suite au choc de politique monétaire l‟indicateur de
l‟activité économique (PIB) réagit positivement mais timidement, soit une hausse de 0.005%.
Cet impact, peu significatif, est d‟une ampleur inférieure à celle du modèle simplifié. Il est
également contraire à l‟effet baissier attendu suite au resserrement monétaire sur l‟activité
économique.
L‟effet du choc du crédit est surprenant, car malgré l‟ouverture des vannes du crédit, l‟activité
économique ne décolle pas, elle enregistre même une faible baisse au-delà d‟un an. Au
contraire, l‟imposition de la nullité de l‟effet du choc financier sur le PIB, à court et à long
terme, n‟empêche pas la variation de l‟indicateur boursier d‟exercer un effet récessif de
0.005% sur l‟activité économique dès le très court terme.
129
Cette surprenante réaction ressemble à celle due au choc de demande qui provoque une
contraction significative et plus importante de l‟activité économique, à court terme
notamment.
Il ressort de ces résultats que l‟insensibilité, voire la baisse de l‟activité économique face à
l‟augmentation du crédit, ne peut être expliquée en dehors de l‟analyse, en termes de
destination des fonds empruntés et du niveau d‟utilisation des capacités de production. Sur le
premier point, il est fort probable que les fonds empruntés ne soient pas destinés
principalement à la consommation et/ou à l‟investissement. Cette interprétation, est
partiellement confirmée par l‟insensibilité de la demande au choc du crédit (figure I.11).
Concernant le deuxième point, la justification est encore plus compliquée, car il est
inenvisageable d‟admettre une baisse des capacités productives parallèlement à une
augmentation de la demande, à moins que celle-ci soit satisfaite par l‟importation ou par
d‟importants gains de productivité.
Dans le même cadre, le comportement du PIB peut être expliqué par la dépendance de
l‟activité au Maroc des conditions climatiques dont les changements impactent
significativement la production agricole et les inputs des autres secteurs d‟activité.
Ces raisonnements vont dans le sens des enseignements des FEVD (Tableau I.5) qui
soulèvent que le PIB dépend principalement de ses propres innovations, surtout à long terme.
Concrètement, à court terme le PIB est expliqué à hauteur d‟un tiers par la demande, de 7%
par le crédit, de 3% par le taux d‟intérêt et une part des prix des actifs quasi nulle. A long
terme la contribution des variables des canaux de transmission est proche de zéro. Ces
résultats rejoignent ceux du modèle simplifié dans la mesure où la demande induit une grande
partie de la variation du PIB contre une part négligeable de la politique monétaire.

En termes d‟importance relative des canaux de transmission, nous soulignons que malgré la
faible portée des effets des chocs, le canal du crédit se maintient en première place, surtout à
court terme, par rapport aux canaux du taux d‟intérêt et des prix des actifs. Cette configuration
des canaux de transmission de la politique monétaire ressemble à ce qui a été enregistré lors
de l‟examen du comportement des prix.

130
Tab. I.5 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) du PIB (Maroc)

Fig. I.12 : Fonctions des réponses du PIB aux impulsions des différents chocs (Maroc)

Fonctions des réponses impulsionnelles


PIB PIB
0.015 0.015

0.010
0.010
Choc des pri x des acti fs

0.005
Choc de Demande

0.000 0.005

-0.005
0.000
-0.010

-0.015 -0.005

-0.020
-0.010
-0.025

-0.030 -0.015
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

PIB PIB
0.3 0.025

0.020
Choc de Pol i ti que M onétai re

0.2
0.015

0.1 0.010
Choc de crédi t

0.005
0.0
0.000

-0.1 -0.005

-0.010
-0.2
-0.015

-0.3 -0.020
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

PIB
0.4

0.3

0.2

0.1
Choc d'Offre

-0.0

-0.1

-0.2

-0.3

-0.4
5 10 15 20 25 30

Fonctions des réponses du PIB aux impulsions des différents chocs

En comparant ces résultats avec ceux de la Tunisie (figure AI.3 et tableau AI.9), nous
constatons que les effets engendrés par les chocs de politique monétaire, de crédit et des prix
des actifs sur le PIB sont globalement identiques. La seule différence se situe au niveau de
l‟impact quasi nul du choc de la demande sur l‟activité économique.
131
De même, les résultats des FEVD révèlent que le PIB est expliqué principalement par ses
propres innovations. Mais avec un rôle plus déterminant du crédit et du taux d‟intérêt. De
manière plus détaillée, le crédit induit 22% des variations du PIB, alors que la politique
monétaire n‟en explique que 10%. Le rôle des prix des actifs est négligeable.
Il semble donc que la hiérarchie des canaux de transmission en Tunisie est similaire à celle du
Maroc, dans le sens où le crédit se place devant le taux d‟intérêt et les prix des actifs au
niveau de l‟influence de l‟activité économique.

En Turquie (figure AI.4 et tableau AI.10), le choc de politique monétaire se traduit par une
forte contraction de l‟activité économique, contrairement à l‟effet engendré dans le cas du
Maroc et de la Tunisie. Semblablement aux résultats observés au Maroc, le choc du crédit et
de la demande ne soutiennent pas l‟activité économique, ils provoquent au contraire une
baisse permanente et forte du PIB.
S‟agissant du choc financier lié aux prix des actifs, le PIB réagit fortement à la hausse. Cette
accélération logique de l‟activité économique est différente de la baisse, modérée, provoquée
par le choc financier au Maroc et en Tunisie.
L‟analyse de la variance de l‟erreur de prévision montre que le PIB, en Turquie, dépend
fortement de la politique monétaire. Cette dernière en explique à peu près deux tiers à court
terme et la moitié à moyen long terme. La part du crédit bancaire atteint les 20% alors que les
prix des actifs n‟interviennent qu‟à long terme. La demande ne semble pas affecter
significativement les variations du PIB.
L‟étude du comportement du PIB en Turquie dévoile qu‟il est déterminé plutôt par les taux
d‟intérêt. Ce constat concorde avec l‟impact baissier du resserrement monétaire sur
l‟évolution de l‟indicateur de l‟activité économique et permet d‟avancer que le canal
traditionnel des taux d‟intérêt est sans doute plus opérationnel et plus efficace, par rapport à
celui du crédit et des prix des actifs.
Cette hiérarchisation des canaux de transmission, différente du cas marocain et tunisien,
parait logique compte tenu de la configuration et du degré de développement du système
financier turc, du mode de financement et d‟intégration de son économie dans les échanges
commerciaux et financiers internationaux.

L‟analyse des réactions des deux variables cibles révèle que la configuration de la
transmission de la politique monétaire au Maroc semble, globalement, divergente vis-à-vis
132
des enseignements théoriques et empiriques. Cette structure est aussi partiellement différente
des résultats de la Tunisie et de la Turquie.
L‟étonnante hausse des prix illustre l'existence du phénomène de "Price Puzzle", exactement
comme dans le cas de l'étude menée par Ortiz et Barcelo (2010), mais en contradiction avec
les résultats trouvés par Neamie (2008) qui, dans son étude du cas marocain, remarque une
décélération des prix suite à un choc restrictif de la politique monétaire.
Contrairement à la BCRT, les actions de BAM et de la BCT ne semblent pas en mesure de
provoquer un ralentissement de l‟activité économique. Ce résultat concorde avec les
conclusions de Boughrara (2009) qui a trouvé que le PIB du Maroc progresse malgré le
resserrement monétaire. Cette tendance haussière du PIB, peut néanmoins être expliquée au
Maroc par la contrainte réglementaire de BAM qui se concentre plutôt sur la stabilité des prix.
De plus, la structure de l‟économie marocaine et tunisienne ne soutient pas l‟établissement
d‟un lien direct et fort entre le financement de l‟économie et les conditions de la politique
monétaire.
Ces étranges aboutissements traduisent à ce niveau, une faiblesse, voire un dysfonctionnement
du processus de transmission de la politique monétaire de BAM aux variables cibles au
Maroc.
La hiérarchie des canaux de transmission est caractérisée par une primauté du canal du crédit
au Maroc. Le canal des taux d‟intérêt n‟intervient qu‟en dernier lieu dans la chaine de
transmission.
S‟agissant de la Tunisie et la Turquie, il est difficile de se prononcer sur le schéma de
transmission, car la hiérarchie des canaux ne converge pas lors de l‟analyse du comportement
des deux variables cibles (tableau I.6).

Tab. I.6 : Ordre d’intervention des canaux de transmission

Prix PIB
Canal du crédit, canal des prix des actifs Canal du crédit, canal des taux d‟intérêt
Maroc
et canal des taux d‟intérêt et canal des prix des actifs

Tunisie Canal des prix des actifs, canal du crédit Canal du crédit, canal des taux d‟intérêt
et canal des taux d‟intérêt et canal des prix des actifs

Turquie Canal du crédit, canal des taux d‟intérêt Canal des taux d‟intérêt, canal du crédit
et canal des prix des actifs et canal des prix des actifs

133
En se référant à l‟objectif principal déclaré par la banque centrale tunisienne et turque, nous
jugeons plus logique de retenir le schéma de transmission dévoilé par l‟analyse menée au
niveau des réactions des prix.
En conséquence, nous admettons que le canal des prix des actifs ressort supérieur en Tunisie
alors que celui du crédit domine le processus de transmission en Turquie. En deuxième place
nous retrouvons le canal du crédit en Tunisie et celui des taux d‟intérêt en Turquie.
Cette structure des canaux de transmission en Tunisie diverge fortement de celle du Maroc, au
moment où la primauté du canal du crédit est retrouvée en Turquie, exactement comme dans
le cas du Maroc.
En dépit de la stratégie de politique monétaire basée sur les taux d‟intérêt que mène BAM,
ainsi que la BCT et la BCRT, cette structure des canaux de transmission de la politique
monétaire respecte globalement la configuration et le degré de développement du système
financier du Maroc, et dans une moindre mesure celle de la Tunisie et la Turquie.
D‟ailleurs, le poids du système bancaire et le développement mitigé de la finance directe au
Maroc et en Tunisie plaident pour la supériorité du canal du crédit. En revanche, la
modernisation de l‟économie turque et la place du financement direct au sein de son système
financier devait permettre, logiquement au canal des taux d‟intérêt, et non au canal du crédit,
de se positionner au premier rang du processus de transmission de la politique monétaire.

Aussi, pour de vérifier ces conclusions, approfondir et compléter l‟analyse des canaux de
transmission de la politique monétaire, il est indispensable d‟explorer les réactions des
variables monétaires et financières.

3.2.3. Réactions des variables monétaires et financières aux


différents chocs

Dans l‟objectif de saisir et quantifier les canaux de transmission de la politique monétaire,


nous abordons dans un premier temps les réponses du crédit, puis celles des prix des actifs,
avant de finir par étudier le comportement des taux d‟intérêt aux différents chocs.
Le schéma d‟analyse est similaire au précédent, c'est-à-dire que nous analysons d‟abord les
résultats du Maroc avant de les comparer à ceux de la Tunisie et de la Turquie.

134
3.2.3.1. Réactions du crédit

Suite au choc de politique monétaire (Figure I.13), le volume du crédit distribué augmente de
0.012%. Ce surprenant accroissement est contraire à l‟effet de la hausse du coût de l‟argent à
cause de l‟abondance de la liquidité. Cette faible hausse peut se justifier par la volonté des
prêteurs à satisfaire une demande de financement toujours plus importante.
Ce dernier élément d‟explication est corroboré par la progression du crédit de l‟ordre de
0.01% suite au choc de demande et à une importante augmentation atteignant 0.06% de leur
capacité d‟emprunt suite au choc financier.
Le choc d‟offre ne relance pas la distribution du crédit. Cela annonce que l‟expansion
économique ne semble pas être financée principalement par le crédit, malgré le poids de
l‟endettement dans le financement de l‟économie marocaine.
Les variations de l‟erreur de prévision du crédit (Tableau I.7) dépendent largement des
conditions de la politique monétaire à court terme, tandis que l‟effet financier semble être plus
déterminant à long terme.
Ce constat avance que l‟action de BAM semble transiter par le crédit bancaire même si
l‟ampleur s‟atténue à long terme. Cet aboutissement confirme la primauté du canal du crédit
enregistrée lors de la transmission de la politique monétaire aux variables réelles.

135
Fig. I.13 : Fonctions des réponses du crédit aux impulsions des différents chocs (Maroc)

Fonctions des réponses impulsionnelles


Crédit Crédit
0.14 0.05

0.12 0.04
Choc des pri x des acti fs

0.03
0.10

Choc de Demande
0.02
0.08
0.01
0.06
0.00
0.04
-0.01
0.02
-0.02
0.00 -0.03

-0.02 -0.04
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

Crédit Crédit
0.100 0.08

0.075
0.06

Choc de Pol i ti que M onétai re


0.050
0.04
0.025
Choc de crédi t

-0.000 0.02

-0.025 0.00
-0.050
-0.02
-0.075
-0.04
-0.100

-0.125 -0.06
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

Crédit
0.075

0.050

0.025
Choc d'Offre

0.000

-0.025

-0.050

-0.075
5 10 15 20 25 30

Fonctions des réponses du crédit aux impulsions des différents chocs

Tab. I.7: Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) du crédit


(Maroc)

Contrairement à la hausse constatée au Maroc, le crédit se contracte significativement, en


Tunisie et en Turquie, suite au choc de politique monétaire (figures AI.3 et AI.4 ; tableaux
AI.9 et AI.10).

136
Les chocs de demande et des prix des actifs provoquent une progression du crédit en Turquie
comme au Maroc, mais causent curieusement un impact restrictif en Tunisie.
Concernant le choc d‟offre, l‟effet ressort logiquement positif en Turquie, contrairement à un
effet non significatif en Tunisie.
Semblablement au Maroc, les variations de l‟erreur des prévisions, révèlent que le schéma de
transmission en Turquie est dominé par le crédit. Cela réaffirme la configuration constatée,
particulièrement, au niveau de l‟analyse des réactions des prix.
Étrangement, en Tunisie le crédit est insensible aux variations de la politique monétaire et
dépend en grande partie de la demande et de l‟offre. Cette représentation indique
implicitement une faiblesse de la transmission via ce canal d‟endettement.

L‟analyse du comportement du crédit dévoile que le schéma des canaux de transmission est
dominé par le canal du crédit au Maroc et en Turquie. En revanche, en Tunisie, les résultats
sembleraient confirmer les conclusions émises à propos de la supériorité du canal des prix des
actifs au niveau des variables cibles.

En prolongeant l‟analyse des réactions des variables monétaires et financières nous abordons,
dans ce qui suit, les prix des actifs.

3.2.3.2. Réactions des prix des actifs

Conformément à nos attentes, les prix des actifs semblent baisser faiblement suite à un
resserrement de la politique monétaire (figure I.14). La dépréciation ne se manifeste qu‟après
environ deux ans, délai nécessaire aux agents économiques pour ressentir les variations des
conditions monétaires et revoir leur comportement et leurs décisions.
Le choc de demande provoque l‟appréciation, à hauteur de 0.02%, de l‟indicateur des prix des
actifs sur une courte durée. Cependant, les chocs d‟offre et de crédit n‟affectent pas la
tendance des prix des actifs, malgré le caractère fondamental de ces deux variables dans la
détermination de l‟évolution des cours boursiers.
Les variations de l‟erreur de prévision (tableau I.8) révèlent que les prix des actifs dépendent
à la fois du taux d‟intérêt et du crédit. La comparaison de la part explicative de la politique
monétaire dans le crédit et les prix des actifs, révèle une contribution plus importante dans
l‟explication du crédit, et atteste d‟une supériorité du canal du crédit par rapport à celui des

137
prix des actifs. Ce constat conforte les conclusions déjà émises sur l‟architecture des canaux
de transmission au Maroc.

Fig. I.14 : Fonctions des réponses des prix des actifs aux impulsions des différents chocs
(Maroc)

Fonctions des réponses impulsionnelles


Prix des actifs Prix des actifs
0.3 0.075

0.2 0.050
Choc des pri x des acti fs

Choc de Demande
0.1 0.025

0.0 0.000

-0.1 -0.025

-0.2 -0.050
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

Prix des actifs Prix des actifs


0.4 0.3

0.3
Choc de Pol i ti que M onétai re

0.2
0.2
0.1
Choc de crédi t

0.1

-0.0 0.0

-0.1
-0.1
-0.2
-0.2
-0.3

-0.4 -0.3
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

Prix des actifs


0.3

0.2

0.1
Choc d'Offre

0.0

-0.1

-0.2

-0.3
5 10 15 20 25 30

Fonctions des réponses des prix des actifs aux impulsions des différents chocs

Tab. I.8 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) des prix des
actifs (Maroc)

138
Dans le cas de la Tunisie (figure AI.3 et tableau AI. 9), les prix des actifs se comportent
différemment du Maroc. Ils s‟apprécient consécutivement au choc de politique monétaire et à
celui du crédit. Le choc d‟offre provoque, quant à lui, une dépréciation des cours de ces actifs
alors que la demande n‟exerce pas d‟effet significatif.
Les variations des prix des actifs sont dues principalement au crédit et dans une moindre
mesure à la politique monétaire. L‟impact de l‟offre et de la demande sont quasi-nuls. Cela
atteste la faiblesse de la réactivité de cette variable à la politique monétaire et semble même
contredire la supériorité du canal des prix des actifs dans la transmission de la politique
monétaire aux variables réelles. Cette conclusion ne permet pas d‟expliquer, ni de
comprendre, la faiblesse avérée du canal du crédit au niveau de l‟analyse du comportement du
crédit, car elle sous-entend un rôle important du canal des taux d‟intérêt malgré son
positionnement à la fin de la chaine de transmission.
En Turquie (figure AI.4 et tableau AI. 10), tous les chocs causent une hausse des prix des
actifs. Les ampleurs de l‟effet de la politique monétaire et de la demande sont plus
prononcées, tandis que l‟effet du choc d‟offre et du crédit est moins significatif.
Les variations des prix des actifs sont expliquées, principalement, par ses propres innovations.
La part due à la politique monétaire étant faible, augmente dans le long terme pour atteindre
les 8%, tandis que la contribution des autres variables est presque négligeable. Ces résultats
prouvent implicitement la faiblesse du canal des prix des actifs dans l‟acheminement de
l‟action de la banque centrale de la république turque.

L‟analyse du comportement des prix des actifs dévoile la stabilité de la configuration des
canaux de transmission au Maroc ainsi qu‟en Turquie. Mais révèle un changement dans la
structure tunisienne, dans le sens où le canal des prix des actifs ne semble pas véhiculer
suffisamment l‟action de la banque centrale de Tunisie. Il ressort à ce niveau que le
comportement des prix des actifs est tributaire des spécificités de chaque pays, et plus
précisément de l‟importance du marché financier domestique et de la configuration générale
du système financier de chaque pays.

Pour venir au terme de l‟étude des réactions des variables monétaires et financières, nous nous
penchons à présent sur le comportement du taux d‟intérêt, variable représentative de la
politique monétaire.

139
3.2.3.3. Réactions du taux d’intérêt de la politique monétaire

L‟étude de l‟attitude du taux d‟intérêt nous permet de comprendre le mode opératoire de la


banque centrale en matière de prise en compte de l‟information contenue dans les différentes
variables monétaires, financières et réelles.
Les fonctions de réactions (figure I.15) annoncent que face à un risque inflationniste, dû à un
choc de demande, la banque centrale du Maroc (BAM) procède dès le court terme au
relèvement de 0.2% de son taux d‟intérêt. Etonnamment, le choc d‟offre ne produit pas
d‟impact sur la tendance des taux d‟intérêt. Ces réactions illustrent clairement que la banque
centrale se base, conformément à son mandat, davantage sur l‟évolution des prix pour décider
de son action de politique monétaire. Au niveau de la prise en compte des chocs sur les
variables monétaires et financières, nous soulignons une insensibilité du taux d‟intérêt au choc
du crédit, et une hausse de l‟ordre de 0,1% face au choc financier des prix des actifs.
Les statuts et le cadre opérationnel de BAM ne précisent pas formellement la considération de
l‟évolution du crédit, ni des prix des actifs, comme indicateur pour sa politique monétaire.
Néanmoins, BAM semble agir préventivement aux effets indésirables d‟une euphorie
financière.
Le taux d‟intérêt dépend en grande partie de la demande puis de l‟offre (tableau I.9). Les prix
des actifs et le crédit expliquent le reste de la variation avec une part un peu supérieure pour
l‟indicateur financier. Le rattachement prioritaire de la politique monétaire à l‟évolution des
variables réelles suscite des interrogations sur la place secondaire, que BAM accorde aux
variations des variables monétaires et financières.

Tab. I.9 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) du taux


d’intérêt (Maroc)

140
Fig. I.15 : Fonctions des réponses du taux d’intérêt aux impulsions des différents chocs
(Maroc)

Fonctions des réponses impulsionnelles


Txinter Txinter
0.25 0.4

0.20
0.3
Choc des pri x des acti fs

0.15
0.2

Choc de Demande
0.10

0.05 0.1

-0.00 0.0
-0.05
-0.1
-0.10
-0.2
-0.15

-0.20 -0.3
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

Txinter Txinter
0.3 0.20

0.15
Choc de Pol i ti que M onétai re

0.2
0.10
0.1
Choc de crédi t

0.05

0.0 -0.00

-0.05
-0.1
-0.10
-0.2
-0.15

-0.3 -0.20
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

Txinter
0.4

0.3

0.2

0.1
Choc d'Offre

-0.0

-0.1

-0.2

-0.3

-0.4
5 10 15 20 25 30

Fonctions des réponses du taux d'intérêt interbancaire aux impulsions des différents chocs

La politique de la banque centrale de Tunisie (figure AI.3 et tableau AI. 9), diffère de celle du
Maroc dans le sens où elle se montre insensible au choc de demande et mène un resserrement
monétaire, franc, pour contrer un choc d‟offre. Elle élève son taux d‟intérêt modérément face
aux chocs du crédit et des prix des actifs.
Contrairement à la ligne de conduite de BAM, la BCT est plus réactive aux variables
monétaires et financières. Cette caractéristique se retrouve dans les FEVD qui témoignent
d‟une importante dépendance de la politique monétaire tunisienne vis-à-vis du crédit.

En Turquie (figure AI.4 et tableau AI. 10), nous enregistrons une expansion monétaire face au
choc de demande contre un effet négligeable du choc d‟offre. Les chocs de crédit et des prix
des actifs entrainent respectivement, un léger et un important resserrement de la politique
monétaire. Etonnamment, les variations de l‟erreur de prévision avancent que la politique
monétaire découle principalement de l‟offre, particulièrement à court terme.

141
La stratégie de la BCRT semble surprenante et très différente de celle du Maroc. Ce
rattachement à l‟évolution de l‟indicateur de l‟activité économique n‟est pas en ligne avec
l‟importance qu‟elle devrait accorder à l‟évolution des indicateurs du système financier local
lors de l‟implémentation de sa politique monétaire.

Le cadre stratégique et opérationnel de la politique monétaire détermine le genre d‟indicateurs


et de variables à surveiller pour atteindre les objectifs. La banque centrale tient compte de
l‟évolution de certaines variables monétaires, financières et réelles, mais avec des
pondérations différentes pour chaque facteur et en fonction de la conjoncture économique.
A ce propos, Bank Al Maghreb semble observer davantage l‟évolution des variables réelles
pour élaborer sa politique monétaire. Elle procède de la même manière que la banque centrale
de Turquie mais différemment de celle de la Tunisie. Dans ce cadre, BAM semble s‟occuper
de l‟évolution de l‟inflation anticipée pour mener sa politique monétaire. Elle ne s‟accorde
pas avec la BCRT qui suit en priorité le PIB et la BCT qui semble la seule à suivre davantage
les variables monétaires et financières.

Force est de souligner que la plupart des banques centrales ont commencé à regarder de près
l‟évolution du système financier en réponse aux risques croissants des crises financières sur
l‟activité économique, la stabilité macroéconomique et la réalisation des objectifs de la
politique monétaire. C‟est dans cette optique que BAM essaie de revoir ses statuts afin
d‟intégrer dans son objectif la stabilité financière.
L‟analyse des comportements des variables monétaires et financières révèle que l‟architecture
des canaux de transmission ressort stable au Maroc et en Turquie, mais instable en Tunisie.
L‟ensemble des résultats s‟accordent sur la supériorité du canal du crédit au Maroc, et en
Turquie, contre une divergence des conclusions dans le cas de la Tunisie.
Pour mener une analyse explicative du processus de transmission à partir de la configuration
de l‟économie et du système financier, nous devons d‟abord entériner nos concluions sur la
structure des canaux de transmission. C‟est pourquoi il convient d‟explorer les liens potentiels
entre les seules variables monétaires, financières et la politique monétaire.

142
3.2.4. Canaux de transmission : investigation complémentaire

Le processus de transmission de la politique monétaire s‟étale logiquement sur deux


principales phases difficilement séparables. Théoriquement, au départ de l‟action de la banque
centrale, la première atteint les variables monétaires et financières, tandis que la deuxième
arrive jusqu‟aux variables cibles de la politique monétaire. Lors de l‟étape initiale, la
transmission est relativement rapide à cause des liens étroits entre les variables en question.
L‟intervention de multiples facteurs en plus de la politique monétaire et les variables
monétaires et financières, rend le délai de réaction des variables réelles plus long.
L‟analyse menée précédemment nous a permis de saisir les réactions des différentes variables
et d‟examiner la structure des canaux de transmission.

L‟exploration des liens entre la politique monétaire et les variables monétaires et financières
est en mesure d‟offrir une analyse cohérente et plus complète des canaux de transmission.
Cette opération se base sur l‟estimation d‟un modèle complémentaire, mettant exclusivement
en relation les variables monétaires, financières et la série représentative de la politique
monétaire. L‟avantage de ce procédé est de confronter les résultats des précédentes
estimations, pour s‟assurer que l‟action de la banque centrale atteint les variables cibles et ne
se perd pas au fil du processus de transmission. Techniquement, l‟analyse sera centrée sur
l‟influence du choc de politique monétaire sur les variables monétaires et financières, et sur la
part explicative des taux d‟intérêt dans la variation de l‟erreur de prévision de ces mêmes
séries.
Dans le but de justifier cette procédure et mener à bien cet exercice, nous avons imaginé un
protocole d‟analyse des résultats, en se basant essentiellement sur les résultats du présent
modèle et ceux du modèle standard.

La littérature économique et le cadre opérationnel de la politique monétaire distinguent deux


principales phases de transmission. Autrement dit, l‟action de la banque centrale se transmet
d‟abord aux variables monétaires et financières avant d‟atteindre les variables réelles.
En supposant l‟existence de deux canaux de transmission nous schématisons le processus de
transmission de la manière suivante :

143
Fig. I.16 : Propagation de l’action de la banque centrale

Source : Elaboré par l‟auteur

Ce rappel descriptif du processus de transmission de la politique monétaire nous a permis


d‟élaborer le protocole suivant :
Si l‟action de la banque centrale se transmet aux variables monétaires et financières (phase 1)
davantage via le canal 1, deux cas de figure se présentent au niveau des réactions des
variables réelles (phase 2). Le premier est caractérisé par une primauté du canal 1, alors que le
deuxième indique que la politique monétaire passe plutôt par un autre canal.
Dans ce schéma, l‟évaluation de la transmission peut s‟interpréter comme suit :
La politique monétaire passe par le même canal ou la même variable. Sinon, l‟inversion ou la
différence de la hiérarchie des canaux de transmission entre les deux phases, peut révéler
d‟abord une faiblesse, voire un dysfonctionnement, de la transmission via le canal dominant
au niveau de la phase 1.

A partir des estimations145, nous tenons à annoncer les principaux résultats à propos de
l‟impact de la politique monétaire sur les variables monétaires et financières, ainsi que leur
dépendance vis-à-vis de l‟action de la banque centrale.
A ce sujet, les estimations (figure AI.5 dans l‟annexe AI) révèlent que suite à un choc
restrictif de la politique monétaire de BAM, la masse monétaire se contracte alors que le
crédit et les prix des actifs réagissent positivement, avant de basculer dans le territoire négatif.

145
Voir la note méthodologique en annexe AI.I.
144
Le comportement de la masse monétaire s‟inscrit dans le cadre d‟action de la banque centrale,
qui, face à une progression anormale de l‟agrégat M3, procède au durcissement de ses
conditions monétaires.
La réaction du crédit est surprenante, dans la mesure où la hausse du début, qui aurait pu être
expliquée par la nécessité d‟honorer les contrats déjà passés, dure plus de vingt trimestres.
Il en est de même pour les prix des actifs, qui devaient être délaissés au profit des obligations
devenues plus attractives à l‟occasion de la hausse des prix.
Ce constat confirme la stratégie opérationnelle de BAM axée sur la surveillance de l‟évolution
de la masse monétaire. Représentée alternativement par M2 ou M3, BAM a fait de la
progression de la masse monétaire un objectif intermédiaire, ce qui explique la réaction de
M3.
Ce résultat montre que la politique monétaire se transmet à la masse monétaire, mais la
progression réelle de M2 et/ou M3 révèle que le niveau de hausse n‟est pas souvent respecté.
Cela pose question sur la capacité de BAM à influencer l‟expansion de la masse monétaire.
Malgré ce caractère anormal des réactions du crédit et des prix des actifs, il existe des facteurs
susceptibles d‟expliquer cette situation comme la conjoncture économique, la disponibilité de
la liquidité et la qualité des entreprises cotées146. Mais aussi l‟engouement pour le crédit, c'est-
à-dire l‟existence d‟une demande soutenue à cause de l‟explosion de la consommation au
Maroc depuis la dernière décennie.

Les FEVD (tableau AI.11 dans l‟annexe AI.I) montrent que les variations des variables
monétaires et financières ne dépendent pas principalement de l‟action de BAM. Plus
précisément, la part du taux d‟intérêt arrive en troisième position dans l‟explicative des
variations du crédit, de la masse monétaire et des prix des actifs. La transmission de la
politique monétaire s‟avère, à ce niveau, insuffisante voire faible et explique en partie le
comportement des variables réelles. Egalement, les canaux de transmission paraissent
globalement peu opérationnels, car la faible portée de la politique monétaire sur les variables
monétaires et financières affaiblit probablement les réactions des variables cibles.

Pour hiérarchiser les canaux de transmission au Maroc, nous comparons la part explicative de
la politique monétaire dans la variation des trois variables représentatives des canaux de

146
Les entreprises les mieux gérées peuvent se financer à des conditions de marché très favorables.
145
transmission. Il s‟avère que la politique monétaire passe principalement par le canal du taux
d‟intérêt, puis par le canal du crédit et enfin à travers le canal des prix des actifs. Cette
configuration est, paradoxalement, différente de la structure des canaux de transmission issue
de l‟analyse précédente. En effet, le canal du taux d‟intérêt repasse en première place alors
qu‟il était au troisième rang antérieurement.
Ce constat est différent de ce qui est enregistré en Tunisie et en Turquie147. Les réactions des
variables ressortent globalement conformes aux enseignements de la littérature économique.
En Tunisie, le maintien du canal du crédit au premier rang appuie la stabilité du processus de
transmission de la politique monétaire.
De la même manière, en Turquie, la transmission prioritaire par le canal du crédit réaffirme
l‟ordre étonnant des canaux de transmission que nous avons enregistré précédemment.
Le schéma des canaux de transmission en Tunisie et en Turquie est généralement stable,
contrairement au Maroc où l‟on enregistre une primauté du canal du crédit dans l‟influence
des variables réelles. Alors que c‟est le canal des taux d‟intérêt qui ressort dominant au niveau
de l‟influence des variables monétaires et financières. Ce renversement de cheminement
atteste la faiblesse de la transmission de la politique monétaire et un possible
dysfonctionnement de ses canaux.

Au total, la régression du canal des taux d‟intérêt à la dernière place lors de la deuxième phase
d‟influence des variables cibles alimente les interrogations sur l‟opérationnalité de ce canal, et
le risque de perte et de disparition de l‟action de la banque centrale au long du processus de
transmission. Cette réalité peut résulter de la configuration de l‟économie marocaine, de son
mode de fonctionnement ainsi que de l‟état et du degré de développement de son système
financier. Ces facteurs potentiellement explicatifs de la position du canal du taux d‟intérêt
illustrent aussi l‟importance du canal du crédit. De ce fait, le point suivant est consacré à
l‟explication des principaux résultats enregistrés.

147
Figures AI.6 et AI.7 ; tableaux AI. 12 et AI. 13 dans l‟annexe AI.

146
4. Interprétation et explication des résultats

Le comportement des prix et de l‟indicateur de l‟activité économique est surprenant face aux
différents chocs, et plus particulièrement celui de la politique monétaire. Il semble en effet
qu‟aucune des deux variables cibles de la politique monétaire ne réagit conformément aux
enseignements de la littérature économique, ni en accord avec les résultats enregistrés en
Tunisie et en Turquie, malgré l‟homogénéisation des formalités de modélisation.
Egalement, le dysfonctionnement dont souffre le schéma des canaux de transmission semble
altérer la réalisation des objectifs de la politique monétaire, en l‟occurrence la stabilité des
prix et la préparation des conditions nécessaires pour une croissance économique soutenue.

Ce constat est tributaire de plusieurs facteurs tenant principalement au niveau de la demande,


au Pricing Power148 et au niveau d‟utilisation des capacités de production du pays, à
l‟économie informelle, possiblement au cadre de politique monétaire de Bank Al Maghrib et à
la situation de liquidité. Certains de ces points sont étroitement surveillés par BAM pour
remplir son mandat. De plus, la nature et la configuration du système financier sont fortement
à l‟origine de la structure des canaux de transmission ainsi que la qualité de la transmission de
la politique monétaire de BAM.

4.1. Niveau de la demande, concurrence et pouvoir de marché

La demande qui représente en moyenne plus de 75% du PIB du Maroc entre 2003 et 2010149,
se positionne comme une des principales variables pouvant exercer des pressions sur les prix.
De ce fait, toute variation significative d‟une des composantes de la demande impacte
potentiellement la tendance des prix.
D‟ailleurs, la consommation des ménages a connu une forte hausse sur la période étudiée, et
a même enregistré un pic en 2008 (figure I.17). Cette expansion est due à plusieurs facteurs,
dont l‟importance des revenus distribués par l‟opération de départ volontaire de 2005150,
l‟amélioration de l‟emploi. Ces facteurs sont à l‟origine de la hausse du revenu disponible par

148
Pricing Power : il s‟agit de la capacité des entreprises à imputer dans leur prix de vente le surcoût dû, entre
autre, au resserrement monétaire.
149
Rapport annuel de 2010 de BAM, page 215.
150
Le montant global de l‟indemnité servie lors de l‟opération de départ volontaire représente environ 17,5% de
la masse salariale annuelle de la fonction publique en 2005 (rapport résultat et analyse de l‟opération de départ
volontaire au 30 Octobre 2005, page 33). http://www.mmsp.gov.ma/uploads/documents/intilakaFR-20-12-
2005.pdf
147
habitant qui enregistre une progression de 4,1% par an entre 1998 et 2006. Cette progression
du pouvoir d‟achat peut expliquer l‟amélioration du niveau de vie et la hausse de la
consommation des ménages, surtout avec une inflation moyenne de 1,8% sur la même
période.

Fig. I.17 : Evolution de la consommation des ménages au Maroc

Source : Elaboré par l‟auteur sur la base des statistiques du HCP

De plus, les différentes classes sociales se sont davantage endettées entre 1997 et 2007 pour
continuer à consommer et satisfaire leurs besoins. A titre d‟illustration, le taux d‟endettement
est passé de 19% à 24% pour les classes modestes, de 23,3% à 31% pour les classes
moyennes et de 34% à 42% pour les classes aisées151. A noter que la classe moyenne, qui
représente 55% de la population, dispose de 44% des revenus, réalise un total de 49% des
dépenses de consommation des ménages.
Dans le même sillage, la consommation finale des administrations publiques contribue
significativement à la hausse de la demande, malgré les efforts d‟assainissement budgétaire.
Egalement, la politique d‟investissements publics, consistant à améliorer l‟infrastructure et
l‟équipement du pays, alimente continuellement la demande globale.
L‟ensemble de ces facteurs signifie que le niveau, relativement élevé, de la demande au
Maroc exerce des pressions sur les prix. Cette situation empêche la décélération espérée des
prix suite au resserrement monétaire.

Dans une autre optique, ces facteurs soutiennent la capacité de la demande globale à induire
une expansion de l‟activité économique, malgré la hausse des coûts de production due à une
politique monétaire restrictive.

151
Rapport du HCP sur les classes moyennes au Maroc, 2009.
148
En lien avec l‟augmentation de la croissance économique, les prix poursuivent leur hausse car
le maintien de la demande à des niveaux élevés, permet aux entreprises de continuer à
produire en bénéficiant d‟un Pricing Power. C'est-à-dire que face à une hausse des coûts de
production, due entre autres au durcissement des conditions monétaires, les entreprises
augmentent facilement leur prix de vente pour préserver leur marge (Bjørnland et Leitemo,
2009).
Le Pricing Power n‟est pas dû seulement à l‟importance de la demande, mais aussi à la
faiblesse de la concurrence et à l‟importance du secteur informel, qui confèrent aux
producteurs et aux vendeurs le pouvoir de fixation des prix en fonction des coûts financiers
supportés.

4.2. Poids de l’économie informelle

La conjonction des facteurs précédents avec le poids de l'économie informelle permet


d‟expliquer aussi la faiblesse relative de la transmission de la politique monétaire au Maroc. A
titre d'illustration, avec une part de l‟informel représentant 14% de l‟économie du Maroc152,
voire entre 20% et 25 % du PIB selon d‟autres estimations153, des pans entiers de l‟économie
marocaine transitent par ce secteur, échappant ainsi au circuit bancaire.
Les paiements en espèces d‟une partie du petit commerce, et les crédits consentis entre ses
acteurs, ne passent pas par les banques, laissant donc des agents économiques à l'écart ou loin
des conditions de financement influencées par l'action de la banque centrale. De plus, les
travailleurs du secteur informel ne bénéficient d‟aucune reconnaissance législative et sont
souvent payés en espèces. La chance d‟accéder au circuit bancaire est très réduite pour cette
part de la population à cause de l‟absence du transfert automatique des rémunérations, vecteur
d‟accélération de la bancarisation.

4.3. Cadre réglementaire de la politique monétaire de BAM

L‟étude de l‟évolution du cadre de la politique monétaire de BAM, montre que la banque


centrale est restée longtemps dépendante du pouvoir politique et s‟est occupée de plusieurs
objectifs outre la stabilité des prix154. Cela signifie que l‟institut d‟émission ne se concentrait
pas, avant 2006, pleinement sur la stabilité des prix, mais lui accordait une certaine

152
Enquête ur l‟informel au Maroc, HCP, 2007.
153
(Nahhal, 2013).
154
Le statut de BAM de 2006 fixe la stabilité des prix comme objectif principal de la politique monétaire.
149
pondération en fonction de son importance dans la politique économique du pays. Par
exemple, dans le cadre du programme économique de 1973-1976, BAM s‟occupait
principalement de la croissance économique.
Cette configuration des objectifs de la politique monétaire indique que l‟important de l‟action
de la banque centrale sur la période étudiée, n‟est pas destiné seulement à l‟influence des prix,
d‟où cette étonnante appréciation des prix malgré la hausse des taux d‟intérêt.
De plus, même après la sacralisation de la stabilité des prix comme objectif prioritaire dans le
statut de BAM de 2006, un délai d‟adaptation, en termes de comportement du banquier
central et du pouvoir politique, est nécessaire pour drainer complètement l‟action de la banque
centrale vers l‟objectif principal155. Surtout que le statut de BAM de 2006 stipule que Bank
Al Maghreb accomplit sa mission dans le cadre de la politique économique et financière du
gouvernement156.

4.4. Etat de la liquidité

Dans un autre registre, le resserrement de la politique monétaire peut ne pas produire les
effets escomptés sur les variables cibles à cause du niveau de la liquidité sur le marché.
En principe la liquidité influence les conditions de financement de l‟économie. D‟une part,
une situation d‟abondance de la liquidité à de fortes chances de neutraliser l‟action de la
banque centrale sur le marché monétaire et de perturber le processus réactionnel de toutes les
variables intervenants dans la transmission de la politique monétaire. Et d‟autre part, une
pénurie de liquidité peut susciter chez les banques une méfiance et les pousser alors à réduire
leur offre de financement.
Ces deux situations ont été enregistrées au Maroc et sont probablement à l‟origine de la
faiblesse de la portée de la politique monétaire sur les prix et le PIB, car les institutions
financières disposant d‟énormes quantités de liquidités peuvent rester à l‟écart des conditions
restrictives de refinancement auprès de la banque centrale. Ces établissements arrivent à
soutenir la demande et la production par le maintien d‟une politique généreuse de distribution
du crédit (Moumni et Nahhal, 2014).

Au final, la combinaison de tous ces facteurs permet de mieux comprendre le comportement


des variables cibles de la politique monétaire face à l‟action de Bank AL Maghrib. Cependant,
155
A noter que dans le conseil de la banque centrale siège toujours le directeur du trésor public.
156
Statut de BAM, article 6, chapitre II, section I.
150
il convient de souligner que les éléments annoncés à ce stade ne sont pas exhaustifs, et que
d‟autres facteurs sont aussi importants pour expliquer le comportement des variables de
l‟économie et par conséquent la transmission de la politique monétaire particulièrement.
Pour aborder en détail l‟effet du niveau de la liquidité sur la transmission et cerner le rôle des
éléments relevant du système financier dans l‟explication du comportement des variables
cibles, il est impératif de passer par l‟analyse de la configuration du processus de transmission
pour saisir les effets des différents compartiments du secteur financier sur la transmission de
la politique monétaire au Maroc.

4.5. Caractéristiques du système financier et structure des canaux de


transmission de la politique monétaire au Maroc

Au niveau de la structure et de l‟opérationnalité des canaux de transmission, l‟instabilité de la


hiérarchie des courroies de transmission au Maroc reflète un dysfonctionnement dans
l‟opérationnalité des canaux de transmission de la politique monétaire.
A ce sujet, la supériorité du canal du taux d‟intérêt au niveau de la transmission aux variables
monétaires et financières, ne se confirme pas dans les réactions des variables réelles.
L‟important de l‟action de politique monétaire est véhiculé plutôt par le canal du crédit.
La primauté de ce dernier est logique et attendue, compte tenu de la structure de l‟économie
marocaine et de la configuration de son système financier. Celle-ci est liée à de nombreux
facteurs.
D‟ailleurs la faiblesse, voire le dysfonctionnement du canal du taux d‟intérêt, sont liés au
faible degré d‟ouverture et d‟accès au système financier ainsi qu‟à la culture des agents
économiques.

4.5.1. Accessibilité au système financier marocain

Dans le contexte d‟une accessibilité limitée au système financier, les variations du taux
d‟intérêt ne sont pas toujours prises en compte par les agents économiques. Par exemple, les
petites entreprises fortement dépendantes du financement bancaire subissent les conditions de
taux d‟intérêt, et ne peuvent pas les arbitrer ni solliciter le marché financier pour se financer.
Dans le même sens, la grande partie du tissu productif de l‟économie marocaine est constituée
de petites entreprises et d‟unités informelles de production, détenues généralement pas des
personnes physiques. Les propriétaires ne remplissant pas les exigences bancaires, ou ne

151
désirant pas dissoudre le pouvoir familial de leur entreprise, ne sollicitent pas suffisamment
les concours bancaires mais se contentent du financement informel (crédit inter-entreprise
entre unités de production).
Le même raisonnement est valable pour le financement des ménages (tableau I.10). En fait,
l‟accès au financement formel dépend de la classe sociale du ménage et de son aisance
financière. Les banques prêtent davantage, voire plus facilement, aux ménages aisés, tandis
que les autres classes de la population sont financées plutôt par les sociétés de crédit. Les
ménages les plus modestes sont par exemple financés par d‟autres moyens moins exigeants et
reposants principalement sur la connaissance, la proximité et le lien familial et social.

Tab. I.10 : Sources de financement des ménages marocains (en %)

Classes modestes Classes moyennes Classes aisées

Autres 72,4 52,1 31,4

Société de crédit 19,5 21,4 19,1


Banque 8,1 26,5 49,5

Source : Elaboré par l„auteur sur la base du rapport du HCP sur les classes moyennes au Maroc, 2007

La faiblesse du canal des taux d‟intérêt est aussi liée au faible taux de bancarisation qui ne
dépasse pas les 30 % en 2006157, et atteint à peine 54% en 2011 malgré les efforts déployés.
Ce faible taux d‟accès au secteur bancaire prive une large partie de la population des services
bancaires, du potentiel de distribution du crédit, et de la prise en compte des conditions de
taux d‟intérêt. Il est expliqué par la concentration des implantations dans les grandes zones
urbaines et d‟une certaine manière par la position religieuse d‟une partie de la population
envers le système bancaire traditionnel.
D‟ailleurs, les agents économiques qui se revendiquent de la religion musulmane158, qu‟ils
soient ménages ou patrons de petites unités de production, ne recourent pas souvent aux
banques pour financer leur consommation et/ou investissement.

L‟absence de système « banque islamique ou banque participative » fait qu‟une partie non
négligeable de financement se fait sans référence aux conditions de taux d‟intérêt 159.

157
(DSB, 2007, page 45)
158
Les préceptes de l‟Islam interdisent les opérations financières donnant lieu à l‟Usure.
152
Cette situation n‟affecte pas seulement les demandes de financement, mais aussi les dépôts,
qui ne sont pas souvent à terme, afin d‟éviter l‟usure. Ce facteur religieux conjugué avec le
niveau des taux créditeurs expliquent la prépondérance des dépôts à vue et non rémunérés.
Ce faible accès au système bancaire explique le détournement des conditions de taux d‟intérêt
et donc la faible portée de ses variations, à la fois sur l‟évolution des variables de l‟économie
et sur les décisions des agents économiques. Ces derniers restent loin des conditions
monétaires et se désintéressent souvent de l‟évolution des taux d‟intérêt. D‟une part, les
petites entreprises en particulier, ne peuvent arbitrer leur mode de financement en fonction
des conditions de taux d‟intérêt, et d‟autre part, les ménages ne sentent pas l‟effet des taux
d‟intérêt à travers l‟effet richesse et l‟effet revenu.
En résumé, le positionnement du canal du taux d‟intérêt peut s‟expliquer globalement par le
faible ajustement des taux d‟intérêt bancaires aux conditions de la politique monétaire de
Bank Al Maghrib (Nahhal, 2010), à cause de la configuration du système bancaire et du
dynamisme du marché financier. Dans ce cadre, la portée du canal des taux d‟intérêt peut
s‟expliquer aussi par la faiblesse du canal des prix des actifs. Cette situation est due au faible
poids des actifs dans l‟économie, à l‟accessibilité et au dynamisme du marché financier en
particulier.

4.5.2. Faible dynamisme de la bourse de Casablanca

La composition du marché boursier de Casablanca révèle une faible présence des sociétés sur
la cote de Casablanca. Leur nombre qui est passé de 65 en 1993 à 75 en 2013 (figure I.18)
reste très inférieur au potentiel de 500 entreprises160 satisfaisant les conditions d‟introduction
en bourse.
Cette réticence à s‟introduire en bourse est due, entre autres, à la culture familiale des
entreprises et au refus de l‟ouverture sur d‟autres investisseurs, malgré l‟assouplissement des
conditions de cotation161.

159
Un rapport sur la finance islamique avance que plus de 54% des petites entreprises préfèreraient le
financement islamique au Maroc. International Finance Corporation, (2014) « Islamic banking Opportunities
Across Small and Medium Enterprises in MENA » World Bank Group, Page 33.
160
500 entreprises rien que dans le secteur industriel, Hammes, (2006), « Prospective « Maroc 2030 », le
système financier marocain », HCP.
161
Hammes, (2006), « Prospective « Maroc 2030 », le système financier marocain », HCP.
153
Fig. I.18 : Evolution du nombre de sociétés cotées à la bourse de Casablanca

Source : Elaboré par l‟auteur sur la base des rapports de BAM, de la bourse de Casablanca et des annuaires
statistiques du Haut Commissariat au Plan (HCP) du Maroc

En termes de financement de l‟économie, les statistiques issues des rapports (de 2003 et 2012)
de la bourse de Casablanca mentionnent une faiblesse en nombre et en quantité, des
opérations de financement par appel public au marché.
De nombreuses opérations d‟introduction se font par cession d‟une partie de capital, donnant
lieu à un désengagement, voire un remplacement, d‟un investisseur par un autre. Les
introductions par augmentation de capital faisant appel au public sont très occasionnelles,
elles ont porté sur 151 millions de MAD en 2003, 1,7 Mrds de MAD en 2008, 218 millions
de MAD en 2011.
Egalement, l‟augmentation de capital porte souvent sur l‟incorporation des réserves, ou la
conversion des dividendes et des obligations en actions. Les fonds levés à titre
d‟augmentations de capital des entreprises déjà cotées enregistrent au maximum 8 Milliards
de MAD en 2011162.
Concernant les émissions de titres de créances, nous soulignons que les sommes empruntées
sont insignifiantes par rapport au volume des crédits accordés aux entreprises. Dans les
meilleures années, la somme des emprunts obligataires émis sur la bourse de Casablanca n‟a
pas dépassé 8,5 Milliards de MAD163.
Cette revue statistique prouve que le marché financier contribue marginalement au
financement de l‟économie. Cette situation s‟explique principalement par la culture financière

162
Ces montants atteignent : 760 millions MAD en 2004, 2,2 Mrds en 2008, 6,6 Mrds MAD en 2010, 8 Mrds
MAD en 2011, 7,4 Mrds MAD en 2012.
163
Les montants des emprunts atteignent : 1,3 Milliards de MAD en 2003, 2,6 Mrds de MAD en 2007, 3,2 en
2008, 1,5 Mrds MAD en 2010, 8,5 Mrds MAD en 2011 et 6,6 Mrds MAD en 2012.
154
des agents économiques. Entreprises et investisseurs particuliers considèrent que le marché
financier est un outil complexe, contraignant et expriment une réticence voire un refus de s‟y
intéresser.
Ce comportement justifie la petite taille de la bourse de Casablanca comparativement à celles
de la Turquie, de la Tunisie ou même de l‟Egypte. De même, la performance financière du
marché de Casablanca est inférieure à celles d‟autres pays comparables. Par exemple, la
capitalisation de la bourse de Casablanca a crû de seulement 7% en 2010 contre 27% pour
Tunis et 31% pour Istanbul164. En 2012 le constat est le même dans la mesure où l‟indice
boursier de Casablanca a reculé de 15%, contre seulement 3% de baisse pour Tunis, et une
hausse de 53% pour Istanbul.
Le marché boursier de Casablanca est peu dynamique et n‟attire pas suffisamment
d‟investisseurs, sans doute à cause de la pénurie des nouveaux papiers et la domination de la
place des investisseurs institutionnels. Ce manque de dynamisme fait que même les grandes
entreprises se financent en grande partie en dehors du circuit boursier. Cette situation
n‟encourage pas les autres entreprises, petites et familiales, à faire appel au financement
direct.
Pour ne pas limiter les prix des actifs au seul marché boursier, force est de constater que la
configuration et les transactions sur le marché immobilier marocain ne se font pas en fonction
des taux d‟intérêt. Il est encore limité et dominé par les grands promoteurs immobiliers. Une
partie importante du prix se paie au noir et surtout en liquide, d‟où la difficulté d‟admettre un
raisonnement et une sensibilité aux conditions monétaires de l‟investissement immobilier des
ménages marocains.
L‟ensemble de ces facteurs rend la majorité des agents économiques, ménages et entreprises,
presque insensibles aux variations des prix des actifs. La transmission de la politique
monétaire via le canal des prix des actifs est probablement freinée.
Cela contribue même à l‟explication de la faiblesse du canal du taux d‟intérêt, car
l‟insensibilité des agents économiques aux fluctuations des prix des actifs remet en question
les arbitrages financiers en fonction des variations même des taux d‟intérêt.

164
En 2012, Casablanca a perdu 20% de sa capitalisation alors que Tunis en a gagné 12%.

155
L‟explication de l‟infériorité et la fragilité de la transmission de la politique monétaire, via le
canal des taux d‟intérêt et celui des prix des actifs, constitue également une annonce et un
début de clarification et de justification du positionnement du canal du crédit dans ce
processus.

4.5.3. Configuration du marché de crédit et financement de


l’économie

Le recours limité des agents économiques au financement direct constitue un signe de


l‟importance du canal du crédit dans la transmission de la politique monétaire.
Les résultats montrent que le canal du crédit transmet plus d‟action de la banque centrale aux
variables réelles, même si la politique monétaire transite en partie par le canal des taux
d‟intérêt pour influencer les variables monétaires et financières. La supériorité du canal du
crédit est attendue dans la mesure où les décisions des agents économiques ne dépendent que
partiellement des variations des taux d‟intérêt et des fluctuations des prix des actifs.
Le mouvement de libéralisation du système bancaire et financier a permis au marché de crédit
d'enregistrer une forte progression de la distribution du crédit pendant la dernière décennie. A
cet égard, l'encours du crédit total distribué a fortement augmenté en passant de 313 727
millions de MAD au premier trimestre 1994, à 2 104 056 millions de MAD au premier
trimestre 2013. Rapporté au PIB, l'encours du crédit intérieur, accordé à l‟ensemble des
secteurs privés, a plus que triplé entre 1990 et fin 2012 (Figure I.19).

Fig. I.19 : Part du crédit intérieur dans le PIB

Source : Elaboré par l‟auteur sur la base des rapports de BAM et des données de la Banque Mondiale

156
Cette explosion du crédit est liée à plusieurs facteurs, dont l‟abondance de la liquidité sur une
longue partie de la période étudiée, et l‟explosion de la demande de crédit à cause de la hausse
de la consommation.
Comme nous l‟avons indiqué ci-dessus, la hausse de la demande des ménages en particulier a
été financée par un surplus de revenus mais aussi par la hausse de l‟endettement, que ce soit
auprès des banques ou des autres institutions financières.
Aussi, la configuration de l‟économie du Maroc, composée en grande partie par des petites
unités de production et des unités informelles, explique et soutient le recours au financement
bancaire à défaut de l‟accès au financement direct. Par ailleurs, les petites unités de
production ou les ménages, acteurs défavorisés, ne pouvant pas s‟adresser aux banques se
financent auprès d‟institutions moins exigeantes au niveau des garanties nécessaires à l‟octroi
du crédit, comme les sociétés de financement ou les associations de microcrédit. D‟où la
prolifération du nombre d‟acteurs dans ce compartiment165.
Il est donc évident que l‟essor des sociétés de financement et des associations de microcrédit
constitue une sorte de contrainte ou de baisse d‟activité chez les banques à cause du profil des
clients de ces deux types d‟établissements.

A ce titre par exemple, le livre blanc du microcrédit au Maroc 166 rapporte que le secteur du
microcrédit s‟est considérablement développé depuis 1999. Cette activité compte 1300 points
de vente en 2011 dans toutes les régions du Maroc, soit 83% des bureaux et 40% des
personnes servies dans la région MENA.
En termes de performance, le microcrédit a contribué à la création d‟activités génératrices de
revenus pour lutter contre la pauvreté. Par exemple, un rapport sur le microcrédit avance que
l‟association Al Amana167, le plus important acteur du microcrédit au Maroc, a distribué plus
de 200 millions d‟euros depuis 1997. Ces opérations ont permis l‟amélioration des dépenses
des ménages clients, et une baisse de la pauvreté chez les mêmes ménages.
Il convient de signaler tout de même que l‟activité de ces associations n‟échappe pas
totalement aux conditions bancaires, car une partie de leurs ressources provient des banques

165
Les sociétés de financement sont plus nombreuses que les banques. Aussi le nombre d‟acteurs sur le marché
du microcrédit a atteint 13 à fin 2012.
166
Le livre blanc du microcrédit au Maroc,
http://www.cm6microfinance.ma/uploads/file/Livre%20blanc%20du%20Microcr%C3%A9dit%20au%20Maroc
%20(En%20fran%C3%A7ais).pdf
167
Arifi Y., (2013), « Al Amana, analyse critique d‟une initiative de micro-finance marocaine », Initiative de
finance responsable, Majeure Alternative Management-HEC Paris-2012-2013.
157
commerciales. Les taux d‟intérêt pratiqués par ce genre d‟institutions est supérieur aux taux
bancaires pour deux raisons. La première réside dans le financement des associations auprès
des banques commerciales, alors que la deuxième est liée à la rémunération du risque élevé
des clients servis168. Dans la même approche, l‟essor de la distribution du crédit et du
financement intermédié en général a été rendu possible grâce à l‟abondance de liquidité169 sur
une grande partie de la période étudiée (1997-2008). Cette situation soulage les trésoreries des
banques et leur donne une sorte de souplesse vis-à-vis du refinancement auprès de Bank Al
Maghreb. Face à cette surliquidité structurelle, BAM a mobilisé son dispositif de ponction de
la liquidité par des opérations de reprises de liquidité (figure I.20).

Fig. I.20 : Montants des reprises de liquidités par BAM

Source : Elaboré par l‟auteur sur la base des statistiques de BAM

L‟arrêt du dispositif de ponction de liquidité en 2008 et l‟entreprise d‟importants programmes


d‟injection de liquidité (figure I.21.), illustrent la fin de la période de surliquidité et
l‟installation d‟une situation de pénurie de liquidité.

168
Pour contrôler les taux pratiqués par les associations de microcrédit, le ministère de l‟économie et des
finances fixe un taux d‟intérêt maximum.
169
La situation de surliquidité est due principalement aux opérations de privatisations, à l‟afflux des
investissements directs étrangers (IDE) et des transferts des marocains résidents à l'étranger (MRE). Mais, depuis
fin 2007, la situation s'est renversée pour devenir une pénurie de liquidité, causée par plusieurs facteurs dont la
crise des "Subprimes" et la crise de la zone Euro de 2010.
158
Fig. I.21 : Montants des opérations des avances à 7 jours sur appels d’offres

Source : Elaboré par l‟auteur sur la base des statistiques de BAM

L‟excès de liquidité est sans doute un des facteurs à l‟origine de l‟expansion du crédit
intérieur, qui est passé de 20% en 1990 à 73% du PIB en 2012 (BAM). La distribution du
crédit a poursuivi sa tendance haussière malgré l‟installation de la pénurie de la liquidité à
partir de 2008.

Ce maintien de tendance est dû, entre autres, aux opérations bancaires de refinancement à
travers l‟émission d‟emprunts obligataires (rapport 2008 de la bourse de Casablanca) pour se
procurer plus de liquidité, même si la conformité aux règles prudentielles de BAM figure
aussi parmi les motifs de ces opérations.

A cet effet, BAM a procédé à des baisses répétitives du taux de la réserve obligatoire ou
monétaire (figure I.22) en le ramenant de plus de 16% en début de la période, à 4% à la fin de
la période. Ces opérations ont débloqué d‟énormes quantités de liquidité pour le système
financier en général et bancaire en particulier.

Fig. I.22 : Evolution du taux de la réserve monétaire de Bank Al Maghrib

Source : Elaboré par l‟auteur sur la base des statistiques de BAM


159
Face à l‟ampleur de la pénurie de liquidité, l‟institut d‟émission a entrepris également un
programme d‟injection massive de liquidités (figure I.21) et a assoupli ses exigences en
termes de titres acceptés dans les opérations de refinancement. Ces mesures ont permis aux
banques, en particulier de se refinancer pour préserver leur pouvoir de distribution du crédit.
L‟activisme de Bank Al Maghreb, à travers sa politique non conventionnelle, a permis
d‟approvisionner le marché en liquidités nécessaires afin que les institutions financières
puissent continuer à distribuer le crédit et financer l‟économie globalement.
Au terme de cette analyse, nous soulignons que malgré le positionnement prioritaire du canal
de crédit dans le processus de transmission, son impact général sur les variables cibles reste
relativement faible par rapport au poids du financement intermédié de l‟économie marocaine.
De surcroit, le réexamen du système financier et de l‟économie marocaine révèle que
plusieurs facteurs sont responsables de l‟insuffisante réactivité des variables cibles, et de la
faiblesse voire du dysfonctionnement de certains canaux de transmission de la politique
monétaire.
Plus en détail, la portée du canal de crédit devait être plus forte sur les variables monétaires,
financières et réelles pour refléter une sorte de stabilité du processus de transmission pendant
les deux phases.
L‟explication se trouve encore une fois dans la configuration de l‟économie marocaine et de
son système financier. La portée de la politique monétaire via le canal de crédit découle de la
situation de pénurie de liquidité, qui a rendu inévitable le durcissement des conditions de
financement en quantités et en taux, malgré les efforts de BAM.

Le marché bancaire marocain a connu une concentration et une réduction du nombre de


banques s‟établissant à 19 établissements en 2012, contre 21 en 2000 (tableau I11).

Tab. I.11 : Evolution du nombre de banques au Maroc

Source : Elaboré par l‟auteur sur la base des rapports annuels de BAM et des annuaires statistiques du (HCP)

En conséquence, l‟activité de crédit et de dépôt est dominée par les cinq premières banques
de la place. Leur part de marché dépasse les 80%, avec une accentuation de la concentration
pour le crédit et sa baisse pour les dépôts (figure I.23). La lecture de la figure I.23 montre
160
également que le renforcement de la concurrence, qui semble s‟installer suite à la réduction de
la domination des dépôts, est contredit par l‟évolution haussière de leur part dans le crédit.

Fig. I.23 : Evolution de la part des cinq premières banques dans les crédits et les dépôts
au Maroc

Source : Elaboré par l‟auteur sur la base des statistiques de BAM et de la DSB

En outre, il est important de signaler que la position des banques est renforcée aussi par le
caractère non rémunéré d‟une grande partie des dépôts qu‟elles collectent. En fait, le tableau
I.12 illustre qu‟une grande partie des ressources des banques marocaines provient de la
collecte des dépôts. La part dans les ressources bancaires de ces dépôts dépasse les deux tiers.
Plus de la moitié de ces dépôts n‟est pas toujours rémunérée. Les banques bénéficient ainsi
d‟un certain confort en matière de transformation des échéances, malgré la réglementation
prudentielle.

Tab. I.12 : Caractéristiques des dépôts collectés par les banques au Maroc

Source : Elaboré par l‟auteur sur la base des statistiques de BAM et de la DSB

Cette ressource, moins coûteuse voire gratuite, leur permet de disposer de suffisamment de
marge dans la fixation des conditions de financement des autres institutions financières et des
autres agents économiques. C‟est pourquoi les banques marocaines ont investi massivement

161
dans l‟élargissement de leur réseau. Le nombre de guichets est passé de 1703 en 2000 à 5447
en 2012170, pour bénéficier de la proximité des clients, surtout pour la collecte des dépôts.
Dans la même disposition que le système bancaire, l‟activité des sociétés de financement
enregistre une forte concentration.
Les cinq premiers opérateurs du crédit à la consommation et du crédit-bail dominent le
marché. Ils réalisent largement plus des deux tiers des transactions (figure I.24).

Fig. I.24 : Concentration de l’activité des sociétés de financement au Maroc

Source : Elaboré par l‟auteur sur la base des statistiques de BAM et de la DSB.

Cette configuration du système bancaire et du système financier dans sa globalité rend les
banques peu sensibles et moins réactives aux décisions de politique monétaire. Cela neutralise
une partie des effets de l‟action de la banque centrale et affaiblit la transmission de la
politique monétaire aux taux débiteurs (Nahhal, 2010).

170
Avec l‟élargissement de l‟application de la loi bancaire aux services financiers de Barid Al Maghreb, les
guichets de ce dernier sont considérés comme guichet bancaire
162
Conclusion

Le comportement des variables cibles traduit une faiblesse et même une limitation de la
transmission de la politique monétaire. Dans ce contexte d‟insuffisance de la transmission, la
structure des canaux de transmission est instable. Cette situation explique probablement en
retour la faible portée de l‟action de la banque centrale sur l‟économie.
Le rapprochement de ces résultats à ceux de la Tunisie et de la Turquie montre que la
transmission au Maroc est moins claire et distincte de celles des deux autres pays. Des
divergences sont enregistrées au niveau du comportement de toutes les variables ainsi que de
la structure des canaux de transmission et leur stabilité.
Etonnamment, le cas de la Turquie est plus proche de celui du Maroc alors que c‟est plutôt la
Tunisie qui ressemble le plus au Maroc. Cette configuration est forcément tributaire des
spécificités de l‟économie marocaine.

Le niveau de la demande et l‟abondance de la liquidité ont constitué un soutien structurel pour


l‟activité économique et l‟alimentation des pressions sur les prix, malgré les mesures
monétaires restrictives de BAM. Egalement, le cadre légal de Bank Al-Maghrib explique la
relative insensibilité des prix à son action.
Le système financier marocain, peu dynamique, moins moderne et peu accessible est
caractérisé par une concentration de l‟activité de financement. Ce phénomène confère aux
acteurs financiers une capacité considérable dans la détermination des conditions de
financement.
Eu égard à cette situation et à la faiblesse du marché boursier, l‟action de la banque centrale
du Maroc se trouve freinée et ne se transmet que partiellement aux variables monétaires,
financières et réelles.
Dans le même registre, l‟importance de l‟économie informelle au Maroc est à l‟origine de
l‟état actuel de la transmission de la politique monétaire et du niveau d‟opérationnalité de ses
canaux. En outre, bien que la composition et le fonctionnement du système financier appuie le
canal de crédit, son manque de dynamisme, d‟ouverture et de concurrence explique la faible
portée de ce canal au niveau des réactions des variables « objectifs » de la politique
monétaire.
Au final, les caractéristiques de l‟économie marocaine et la nature de son système financier et
bancaire expliquent largement la faible portée de l‟action de la banque centrale sur les
163
variables cibles, ainsi que la faible opérationnalité des canaux de transmission de la politique
monétaire. Mais, d‟autres facteurs loin du bord de la banque centrale sont susceptibles
d‟influencer, et de perturber ce processus.
Qualifiés par la littérature économique de facteurs exogènes, ils englobent des éléments
échappant complètement à l‟action de Bank Al Maghrib. Par exemple, en revenant aux
facteurs financiers, nous pensons à l‟impact des flux des capitaux sur la transmission de la
politique monétaire à travers l‟influence de la liquidité.
Aussi, la croissance économique extérieure et les prix des matières premières (pétrole surtout)
constituent des éléments potentiellement perturbateurs de la transmission de la politique
monétaire. La politique budgétaire est tout aussi capable d‟influencer l‟action de la banque
centrale et impacter la réaction de ses variables cibles.

En vue de compléter l‟explication de l‟état de la transmission de la politique monétaire au


Maroc, il convient de cerner l‟ensemble des facteurs qui influencent la capacité de la banque
centrale à atteindre ses objectifs. C‟est pourquoi il est indispensable d‟élargir l‟analyse pour
aborder le rôle des facteurs exogènes et extérieurs.
Pour mettre plus de lumière sur ce point et saisir l‟effet de ces facteurs, considérés exogènes
et/ou extérieurs, sur la transmission de la politique monétaire, nous proposons d‟étudier dans
le chapitre suivant leur impact sur le comportement des variables cibles.

164
Chapitre IV : Influence des facteurs exogènes sur la transmission
de la politique monétaire au Maroc

Introduction

L‟analyse menée précédemment a révélé une faiblesse de la transmission de la politique


monétaire et de l‟opérationnalité de ses principaux canaux. L‟essai d‟explication de ces
résultats, en recourant aux caractéristiques de l‟économie du Maroc et de son système
financier, a démontré la nécessite de s‟interroger sur l‟existence d‟autres facteurs qui
influenceraient l‟économie et perturberaient le processus de propagation des impulsions de la
politique monétaire.
Afin de compléter l‟analyse de la transmission de la politique monétaire sous ce schéma, il est
judicieux d‟aborder la question de l‟impact des facteurs exogènes sur la transmission de la
politique monétaire. Pour ce faire, l'identification de ces facteurs semble très recommandée
avant de les intégrer dans un modèle plus large. Cela nous donnera l'occasion de nous
prononcer sur le degré de transmission de la politique monétaire en présence de ces éléments
perturbateurs ou stimulateurs.
Au niveau du processus empirique, il convient de débuter ce chapitre par la présentation des
enseignements de la littérature économique à propos des effets de ces facteurs exogènes sur la
transmission de la politique monétaire. La suite de ce chapitre se focalise sur la conception du
modèle de transmission et la spécification de son cadre méthodologique. Les points suivants
servent à l‟analyse des résultats avant de procéder à l‟explication des effets produits par les
facteurs exogènes sur le comportement des variables cibles et celui de la banque centrale.

1. Identification des facteurs exogènes impactant la transmission de la politique


monétaire

La politique monétaire fait partie des politiques économiques, sa mise en œuvre dépend du
statut de la banque centrale vis-à-vis du pouvoir politique et de l'objectif qui lui est assigné.
La transmission de la politique monétaire est vraisemblablement sensible à plusieurs facteurs
que la banque centrale ne peut pas contrôler. Ces facteurs, qualifiés d‟exogènes dans la
littérature économique, constituent souvent un frein, un obstacle et rarement un catalyseur
pour la réalisation des objectifs de la politique monétaire.
165
A titre non exhaustif, la politique monétaire subit souvent les éventuels effets de la politique
budgétaire, de la conjoncture nationale et internationale, de la structure de l'économie et son
degré d'ouverture et d'insertion dans l'économie mondiale.
Il est clair que ces facteurs perturbateurs peuvent provenir de l'intérieur, de l'extérieur ou des
deux. Leurs effets passent le plus souvent par la demande et la production. En respect à cette
présentation, nous présentons en premier les facteurs d‟origine intérieure avant de se pencher
sur leur côté extérieur.

1.1. Facteurs internes

Au niveau intérieur, la politique budgétaire et la configuration de l'économie sont considérées


comme les facteurs qui influencent le plus la transmission de la politique monétaire.
Avant l'accession des banques centrales à l'indépendance et l'autonomie dans leur action, la
politique monétaire avait comme attribution principale la garantie de taux d'intérêt bas, la
gestion et la défense du niveau du taux de change et le financement du déficit budgétaire.
Mais avec l'attribution de l'indépendance et l'autonomie à ces institutions financières, elles se
concentrent sur des objectifs précis et se mettent loin des pressions politiques. Ce
détachement de la banque centrale l'oblige à opérer dans un environnement général, composé
notamment de facteurs contrôlables et d'autres qui lui échappent, par définition et selon son
statut.
En général, la transmission de la politique monétaire dépend des moyens disponibles et
utilisés par les pouvoirs publics (Lange, 1970). Ainsi, la nature et l'usage de la politique
budgétaire et fiscale influencent significativement la transmission de la politique monétaire.
A cet égard, la politique budgétaire portant par définition sur les dépenses et les recettes,
influence au passage l'investissement des entreprises et la consommation des ménages et par
ricochet le niveau des prix.
Depuis le lancement des politiques budgétaires expansionnistes à vocation de relance
économique et/ou d'aides sociales, les pouvoirs publics ont multiplié les mesures d'aide
financière directe, de subvention, de soutien et d'administration des prix des produits de
première nécessité. L'ensemble de ces mesures produit logiquement et forcément des effets
sur le niveau des prix à travers la variation de la demande et de l'offre.
Dans le même registre, l'équivalence ricardienne stipule qu'en cas de relance budgétaire par
déficits, les agents économiques augmentent leur épargne, par anticipation d‟une hausse des

166
impôts pour financer le déficit. Ce comportement freine la consommation et augmente
l'épargne (Buchanan (1976). Dans cette situation, les décisions de consommation et
d'investissement dépendent à la fois de la politique monétaire et de la politique budgétaire.
En restant à l‟intérieur de l‟économie, le degré de modernisation de l‟outil de production est
tout aussi capable d‟exercer un impact sur l‟acheminement de l‟action de la banque centrale
aux variables cibles.
D‟ailleurs, l'activité économique est dépendante des cycles économiques et de leurs
déterminants, dont les innovations et la découverte d'autres sources d'énergie. Car, en
affectant la production et l'emploi ainsi que d'autres indicateurs économiques, les cycles
économiques peuvent perturber le processus d'acheminement de l'action de la banque centrale
jusqu'aux variables cibles (Bańbuła et al, 2013). De plus, la difficulté d'identifier, de mesurer,
de prévoir et d'anticiper ses effets, lui confère un caractère contraignant pour la transmission
de la politique monétaire (Papademos, 2003).
Aussi, le poids de l'économie informelle exerce une influence sur la transmission de la
politique monétaire. En effet, les statistiques moins fiables peuvent rendre les projections de
la banque centrale moins solides et les décisions moins efficaces.
L'économie informelle impacte plus la transmission de la politique monétaire dans les pays en
voie de développement en raison de la quantité de monnaie qui ne transite pas par les circuits
traditionnels, observables et quantifiables par les institutions de statistiques.
La conjonction de l'informel et l'existence d'un secteur agricole traditionnel et moins moderne
amplifie les contraintes sur la transmission de la politique monétaire, surtout dans les pays à
climat dur ou modéré avec des sécheresses récurrentes.
En relation avec l'économie informelle et le mode de vie de la population, le niveau culturel et
le taux d'analphabétisme peuvent influencer la transmission de la politique monétaire,
compliquer l'action de la banque centrale et compromettre ses objectifs.

Au niveau microéconomique, Lange (1970) avance que la part du financement direct et


indirect des entreprises et le degré de concurrence dans le marché bancaire, fait que la
décision d'investir chez les grandes entreprises peut dépendre de plusieurs facteurs, dont la
fluctuation de l'activité. Les préférences des actionnaires des petites entreprises se trouvent
alors déterminées et très liées aux conditions du crédit des institutions financière qu'à la
demande.

167
Après cette présentation non exhaustive des facteurs internes, nous nous intéressons au
caractère extérieur de ces éléments.

1.2. Facteurs externes

Du côté de l‟aspect extérieur des facteurs, le degré d'ouverture et d'insertion d'une économie
dans l'économie mondiale détermine globalement l'impact de ces facteurs sur la transmission
et l'efficacité de la politique monétaire.
Dans un climat de mondialisation, de globalisation et de libéralisation financière, la structure
financière d'une économie, son degré d'ouverture et d'intégration dans l'économie mondiale
peuvent causer des perturbations à la transmission de la politique monétaire. A ce propos
Pesce (2013) démontre dans le cas argentin, que le poids de la monnaie dans l'économie, le
degré de développement du système financier et la présence des capitaux et des institutions
financières étrangères, influencent fortement le processus de transmission de la politique
monétaire. En d‟autres termes, la dépendance démesurée vis-à-vis de la conjoncture financière
internationale, plus particulièrement les mouvements de capitaux de court terme, risquent de
déstabiliser tout le système financier du pays d'accueil.
De même, les innovations financières et l'ouverture des marchés perturbent le processus de
transmission à travers l‟effet sur la masse monétaire et le renforcement de la volatilité des
marchés financiers.
La récente crise des Subprimes de 2007 a démontré l'incapacité et la difficulté qu'ont
rencontrées les grandes banques à maintenir la confiance sur les marchés et à relancer le crédit
malgré leur politique d'Open Bar171 de liquidité. L'impact de ce facteur a été particulièrement
amplifié par la globalisation financière qui a facilité la propagation de l'incertitude et de la
méfiance. A signaler que cette situation a même poussé les banques centrales à sortir de leur
cadre conventionnel de politique monétaire et déployer des moyens non conventionnels.
Par ailleurs, Artus et Virard (2010) s‟interrogent sur les conséquences, en matière de liquidité,
des politiques monétaires expansionnistes menées depuis la crise financière des Subprimes par
les grandes banques centrales (FED, BCE et Banque d‟Angleterre, notamment) : « La taille de
la liquidité mondiale est devenue telle que si elle est utilisée à nouveau pour acheter un actif
risqué, le prix de celui-ci augmentera en effet de manière considérable. L’explosion des bulles
qui se formeront alors pourrait bien, elle, conduire à la déflation durable (voir figure 2.2),

171
Opération consistant à fournir aux marchés les liquidités nécessaires à des conditions très favorables.
168
d’autant que l’excès de liquidité décorrèle de plus en plus les marchés financiers de
l’économie réelle » (pages 46-47).
Selon les mêmes auteurs « Voilà pourquoi on observe des cycles de prix d’actifs qui ont de
moins en moins corrélés avec les cycles économiques, mais de plus en plus liés à l’interaction
entre l’excès de liquidité et les engouements (ou l’aversion pour le risque) des investisseurs.
Cette déconnexion entre marchés financiers (prix des actifs) et économie réelle est très
préoccupante, puisqu’elle signifie que les prix des actifs ne donnent plus d’indications fiables
sur la situation de l’économie réelle et reflètent seulement la quantité de liquidité et les
comportements le plus souvent mimétiques des investisseurs. » (pp 48).
Cette dé-corrélation constitue un vrai défi, voire un frein, au processus de transmission et
risque même de fausser le sens de l'action de la banque centrale, qui se baserait sur les prix
des actifs comme indicateur et repère dans ses décisions de politique monétaire.

L'histoire financière révèle qu'un flux massif de capitaux peut alimenter l'expansion de la
masse monétaire, soutenir le taux de change et pénaliser les exportations et la croissance. Il
peut même contribuer à la formation d'une bulle sur les prix des actifs, dont l'éclatement
nuirait à tout le système financier et l'économie en générale, et augmenter les contraintes
auxquelles devrait faire face la banque centrale dans ses décisions de politique monétaire et de
stabilisation du système financier (Sidaoui et al, 2013).
Il est donc clair que dans un environnement financier globalisé et libéralisé, le degré
d'ouverture financière, la part des capitaux étrangers dans le système financier et la
configuration du système financier représentent de sérieux défis pour la transmission de la
politique monétaire, plus particulièrement pour les petits pays ouverts et dont la monnaie est
rattachée à une grande monnaie ou à change fixe.

Toujours au niveau extérieur, Horațiu (2013) met l‟accent sur l'impact et la perturbation que
peuvent exercer les prix des matières premières, surtout celles qui dépendent du marché
mondial et/ou des conditions géopolitiques, sur la transmission de la politique monétaire. Ces
produits influencent la transmission car ils impactent les coûts de production et la
consommation finale. Par exemple, les prix du pétrole influencent beaucoup la production à
cause du rôle de l'énergie dans le processus de production. Aussi, les prix du blé, du Cacao

169
ou/et d‟autres produits peuvent influencer directement la production et la consommation. Ces
facteurs exercent des effets sur les prix via le niveau de la demande et de l'offre.
Outre cet effet sur les prix, les cours de ces produits peuvent influencer la balance
commerciale du pays, le niveau des réserves de change et donc la masse monétaire. En
général, les prix des produits ou des matières premières, principaux vecteurs des facteurs
exogènes avec les taux d'intérêt extérieurs, influencent le climat économique et le niveau des
prix domestiques (Gokarn et Singh, 2011).

En somme, il ressort de cette analyse que l'ensemble de ces facteurs est capable de perturber
voire freiner la transmission de la politique monétaire. Mais ce qui est plus redoutable est la
possibilité de réalisation simultanée de deux ou de plusieurs de ces facteurs, d'où l'importance
de les connaitre et de les prendre en considération lors de l‟étude de la transmission de
politique monétaire plus particulièrement.
C'est pourquoi les autorités monétaires essaient de s'armer d'indicateurs de prévision pour
neutraliser, dans le meilleur des cas, les effets de ces facteurs. A titre d'illustration, l'inflation
sous-jacente permet d'éliminer la volatilité liée aux facteurs non contrôlables par la banque
centrale au moment de la prévision et de la quantification du niveau des prix. Cette
méthodologie facilite la fixation d‟objectifs stables sur le moyen long terme afin d'éviter de
réagir en permanence aux fluctuations conjoncturelles et exogènes.

Il est communément admis que les facteurs exogènes influencent la transmission de la


politique monétaire. C‟est pourquoi il est légitime de se poser cette question sur le cas
marocain.
La littérature établit bien l‟effet et les contraintes exercées par les facteurs extérieurs et
exogènes sur la transmission de la politique monétaire. Dans ce sens, l‟exploration empirique
du lien entre la politique monétaire et les variables cibles en présence des facteurs extérieurs
et exogènes est en mesure d‟éclairer le comportement de ces variables, et la faiblesse de la
transmission de la politique monétaire.

170
2. Etude empirique de l’impact des facteurs exogènes sur la transmission de la politique
monétaire

Sur la base de la faiblesse de la transmission de la politique monétaire et le


dysfonctionnement avéré de certains canaux de transmission, il est légitime de s‟interroger sur
les causes de cette situation. L‟environnement économique général et le cadre
d‟implémentation des politiques économiques énoncent que la transmission de la politique
monétaire dépend de plusieurs facteurs, dont les éléments exogènes sont considérés comme
des perturbateurs du processus de propagation de ses impulsions.
D‟origine interne ou externe, les effets produits par ces facteurs exogènes sur les variables de
l‟économie sont très contraignants pour la transmission de la politique monétaire. L‟ampleur
et la nature des effets qu‟ils produisent sur les variables censées être influencées par la
politique monétaire recommandent la quantification de la sensibilité ou de la réaction de ces
indicateurs économiques à ces chocs exogènes. Pour ce faire, il va falloir concevoir un autre
modèle économétrique incluant ces facteurs exogènes.
A cette fin, il est recommandé de procéder préalablement à la sélection du ou des facteur(s)
exogène(s) et la(les) variable(s) qui le(s) représente(nt) en s‟inspirant à la fois de la littérature
économique présentée ci-dessus et des spécificités de l‟économie marocaine.

2.1. Méthodologie

2.1.1. Choix des variables

Pour se pencher sur l‟impact des facteurs exogènes sur la transmission de la politique
monétaire au Maroc, il importe d‟identifier les facteurs dont l‟effet sur la transmission est
potentiellement explorable. Le retour sur les caractéristiques de l‟économie et du système
financier du Maroc en particulier, et de la Tunisie et de la Turquie d‟une manière globale, est
en mesure de faciliter l‟identification des facteurs à intégrer dans l‟étude empirique. Cet
exercice permet d‟adapter la modélisation empirique aux spécificités du Maroc en priorité.

2.1.1.1. Spécificités de l’économie du Maroc et solutions


proposées

La synthèse des principaux facteurs exogènes qui peuvent influencer la transmission au


Maroc et dans les deux autres pays comparables annonce et recommande la considération de

171
l‟origine interne et externe de ces facteurs. Ainsi, pour des raisons techniques172 et de
disponibilité des données, nous avons décidé de retenir deux principaux facteurs répartis
entre l‟intérieur et l‟extérieur.
Pour tenir compte du facteur extérieur173 qui se matérialise par les échanges commerciaux,
des flux de capitaux et de la dépendance de l‟économie vis-à-vis des matières premières, il va
falloir intégrer une variable capable de représenter ces facteurs.
Pour identifier cette variable, il est utile de se baser sur une analyse des relations économiques
du Maroc avec l‟extérieur.
En effet, l‟ouverture de l‟économie marocaine sur l‟extérieur lui permet de nouer de fortes
relations commerciales avec l‟union européenne notamment. Cette zone est le premier client
et le premier fournisseur de l‟économie du Maroc.
A ce titre, à fin 2009 l‟U.E pèse plus de 70% des échanges du Maroc contre 62% en 2008 174.
Cette part est de plus en plus importante, surtout avec le renforcement des accords d‟échange
commercial et l‟octroi au Maroc du statut de partenaire privilégié. Les entrées de capitaux
proviennent principalement de l‟union européenne (UE). Les IDE, les transferts des
marocains résidants à l‟étranger (MRE) affluent de l‟U.E à hauteur de 83% en moyenne entre
1992 et 2012175. Egalement une grande partie des revenus touristiques est issue du continent
européen.
De plus, l‟économie marocaine est dépendante des marchés internationaux des matières
premières. Par exemple, les cours du baril de pétrole influencent la demande et les prix via
leur impact sur les coûts de production. La part de l‟énergie dans les importations marocaines
est passée de 18% en 2000 à 27% en 2012. Ce qui permet au déficit dû au produit énergétique
d‟atteindre presque 50% en 2012 alors qu‟il s‟établissait à 26% en 1998176.
Sur la base de la littérature économique et des statistiques sur les facteurs externes, il est
vraisemblable que l‟ensemble de ces facteurs exercent une influence sur l‟activité économique
et les prix au Maroc, et par conséquent sur la transmission de la politique monétaire.

172
Nombre de paramètres à estimer, longueur des séries et degré de liberté, nombres de restrictions, etc.
173
Goux (2003).
174
Ministère délégué auprès du Ministère de l‟Industrie, du Commerce, de l‟Investissement et de l‟Economie
Numérique, Chargé du Commerce Extérieur, (2014), « Analyse chiffrée du commerce extérieur marocain (2000-
2013).
175
Calcul de l‟auteur sur la base des statistiques de l‟Office des Changes du Maroc.
http://www.oc.gov.ma/portal/content/statistiques-des-%C3%A9changes-ext%C3%A9rieurs/bd/flux-financiers
176
Ministère délégué auprès du Ministère de l‟Industrie, du Commerce, de l‟Investissement et de l‟Economie
Numérique, Chargé du Commerce Extérieur, (2014), « Analyse chiffrée du commerce extérieur marocain (2000-
2013).
172
Dans ce cadre, Abid et Sghaier (2011) montrent que les termes d‟échange et les flux de
capitaux influencent le taux de change effectif réel au Maroc et en Tunisie.
L‟admission de l‟hypothèse de dépendance du niveau du taux de change effectif réel des
facteurs externes signifie que les variations de ce dernier véhiculent l‟effet produit par les
facteurs externes à l‟économie marocaine.

Au niveau des facteurs internes, la littérature économique souligne un certain consensus sur la
considération de la politique budgétaire177 comme le facteur qui influence le plus la
transmission de la politique monétaire.
Il est évident que dans les pays en développement, la politique budgétaire est au centre de
l‟action gouvernementale. Elle est orientée vers la lutte contre la pauvreté, le soutien de la
croissance et la promotion de l‟emploi.
Etant dans cette situation, le Maroc mène une politique budgétaire volontariste axée sur
l‟investissement public pour réaliser de grands chantiers d‟infrastructure. Aussi, le faible
pouvoir d‟achat des citoyens, la pauvreté, le niveau élevé du chômage poussent le
gouvernement marocain à appliquer depuis les années 1930 une politique de soutien des prix.
Concrètement, le budget de l‟Etat supporte, via les dépenses de compensation, une partie du
prix de certains produits de première nécessité ou liés aux prix du pétrole en général.
En conséquence, la politique budgétaire au Maroc affecte incontestablement la transmission
de la politique monétaire de deux manières. La première à cause des dépenses globales qui
sont destinées généralement à soutenir la demande et la croissance économique à travers les
actions sociales, l‟investissement et même des mesures contre la sécheresse et la faiblesse de
la valeur ajoutée agricole. Tandis que la deuxième est dirigée vers l‟administration et la
subvention des prix de certains produits dépendant de l‟énergie notamment.

En somme, l‟étude des spécificités de l‟économie du Maroc nous a permis d‟identifier les
deux facteurs exogènes susceptibles d‟impacter la transmission. Il s‟agit en effet du taux de
change effectif réel en tant que variable issue du facteur externe et d‟un indicateur de la
politique budgétaire pour représenter l‟élément interne.

177
Bruneau et De Bandt (1998), "La modélisation VAR Structurel : Application à la politique monétaire en
France ».

173
2.1.1.2. Variables retenues

Le cadre méthodologique général du « chapitre II » et l‟identification des facteurs exogènes


déterminent la composition des différents blocs de notre VARS. Le premier, le même que
dans les modèles précédents, représente la politique monétaire et comprend le taux d‟intérêt
interbancaire (Txinter). Le deuxième quant à lui contient les mêmes variables cibles retenues
dans le modèle simple et standard, à savoir les prix (IPC) et le PIB. Le dernier bloc178 englobe
deux variables représentatives des facteurs exogènes qui exercent des effets sur la
transmission de la politique monétaire. Ces facteurs sont approximés par le taux de change
effectif réel (TCER), en tant qu‟élément extérieur, et les dépenses publiques pour tenir compte
du facteur interne, et en particulier de la politique budgétaire.
Pour tenir compte de l‟impact exclusif que peuvent exercer les dépenses sur les réactions des
prix, nous avons décidé de dissocier les dépenses et de considérer deux variables pour
représenter alternativement la politique budgétaire. Il s‟agit des dépenses publiques globales
(DPG) et des dépenses de compensation (Dcompen).
En résumé le modèle comprend le taux d‟intérêt interbancaire (Txinter), le PIB, l‟IPC, le taux
de change effectif réel (TCER) et les dépenses (DPG ou Dcompen).

2.1.2. Transformations et traitement des données

Les séries sont en fréquence trimestrielle sur les périodes 1994 :1-2013 :1 pour le Maroc.
Elles sont exprimées en logarithmes sauf le taux d‟intérêt de la politique monétaire.
Les tests de saisonnalité montrent que de nombreuses séries présentent une saisonnalité. Pour
obtenir des séries homogènes et sans effets temporaires, nous avons éliminé la composante
saisonnière. Les séries dessaisonnalisées sont notées avec un « S » au début.
Par la suite nous avons étudié la stationnarité en employant les tests ADF, PP et KPSS. Les
séries qui présentent une racine unitaire ont été stationnarisées en recourant à la méthode de
différenciation pour celles de type « DS » et au filtre HP pour celle de type « TS ».
Le tableau AII.1 dans l‟annexe AII résume les résultats des tests de racine unitaire de toutes
les séries.
Pour l‟ordre des variables, l‟adoption du même principe que dans les deux modèles
précédents nous dicte le placement des variables non monétaires en premier avant d‟intégrer
celles qui représentent la politique monétaire.

178
Voir l‟Annexe AII.I pour le cadre méthodologique de la Tunisie et de la Turquie.
174
Les facteurs exogènes sont supposés être impactés en premier par leurs propres chocs. En
respectant cette hypothèse et le principe de classement des variables de la plus exogène à la
moins exogène, nous plaçons le taux de change effectif réel en premier, suivi de l‟indicateur
de la politique budgétaire, puis nous gardons le même ordre que les deux premiers modèles
pour les autres séries.
L‟ordre des séries dans le modèle est le suivant : TCER DPG (DCompen) PIB IPC Txinter

Dans le prolongement du processus préalable à l‟‟estimation, nous identifions les cinq chocs
de notre système de variables en tant que choc d‟offre pour le PIB, choc de demande pour les
prix, choc extérieur pour le taux de change effectif réel, choc budgétaire pour la politique
budgétaire, et choc de politique monétaire pour le taux d‟intérêt de la politique monétaire.
D‟ailleurs pour finaliser cette phase, il va falloir déterminer les restrictions nécessaires à
l‟estimation.

2.1.3. Les restrictions

Composé de cinq variables, notre système a besoin de dix restrictions supplémentaires


partagées entre le court et le long terme et issues de la littérature économique.
Quelques restrictions ont déjà été identifiées dans les modèles précédents. Nous les reprenons
à ce niveau également pour préserver les bases comparatives avec les résultats obtenus
précédemment.

2.1.3.1. Les restrictions de court terme

Nous admettons comme dans le cas des modèles précédents que les prix réagissent avec un
certain retard aux actions de politique monétaire. C‟est pourquoi nous notons
IPC to Txinter = 0.
A partir de la théorie de la politique monétaire, il est clair que la banque centrale ne tient pas
compte des décisions du gouvernement en matière de politique budgétaire pour la fixation de
ses taux d‟intérêt, elle est même indépendante vis-à-vis du pouvoir politique. La banque
centrale décide de sa politique monétaire sans compter sur le soutien de l'action budgétaire
même si celle-ci subventionne, provisoirement, les prix de certains produits. L‟hypothèse
d‟insensibilité de la politique monétaire au choc budgétaire semble donc plausible (De Bondt
et Bruneau (1999)).

175
Ce raisonnement plaide pour l‟absence d‟effet à court terme de la politique budgétaire sur le
taux interbancaire, même si la littérature économique reconnait un lien entre les taux d‟intérêt
longs et la politique budgétaire, à travers l‟effet d‟éviction produit par la nature du
financement des dépenses du budget (Ducouré 2005).

L‟utilisation de taux d‟intérêt court et la dissociation des dépenses écartent ce risque et nous
permet de considérer que le choc de politique budgétaire n‟affecte pas, à court terme, le taux
d‟intérêt de la politique monétaire (Garcia et Verdelhan (2001) ; Bruneau et De Bandt
(1998)).
En fonction de la nature de l‟indicateur de la politique budgétaire nous pouvons écrire :
Txinter to DPG = 0 ou Txinter to Dcompen = 0.

L‟indépendance de BAM et le niveau de ses réserves de change ne lui permettent pas de


mener une politique monétaire de soutien de la valeur du MAD. Ce constat laisse envisager
une action insensible de BAM vis-à-vis de l‟évolution du taux de change du Dirham.
D‟ailleurs, son régime fixe et sa gestion par le ministère des finances corrobore cette situation.
Ainsi, l‟absence de l‟effetdu choc de taux de change sur le taux de la politique monétaire peut
être admise et la restriction est donnée par : Txinter to TCER=0.

Dans un autre registre, la politique budgétaire est intégrée dans notre modèle pour capter son
influence sur les prix et l'activité économique indépendamment de l'action de la banque
centrale. Théoriquement, et même dans la représentation keynésienne qui se base sur une
action soutenue par les outils de la politique économique, la politique budgétaire est censée se
décider loin du cadre monétaire de la banque centrale. C‟est-à-dire que la politique monétaire
accommodante ne détermine pas la tendance de la politique budgétaire. C‟est plutôt le schéma
inverse que recommande le keynésianisme. Autrement dit, pour soutenir la croissance, une
politique budgétaire expansionniste va solliciter l'aide de la politique monétaire, pour abaisser
le coût de financement du trésor et des autres agents économiques.
Aussi, la logique de décision de dépenses est basée sur les objectifs du gouvernement et du
niveau des recettes. Ce qui revient à affirmer que ce n‟est pas le bas taux d‟intérêt de la
politique monétaire qui encourage l‟augmentation des dépenses. De plus, le montant des
dépenses de compensation ne dépend pas du niveau des taux d'intérêt de la politique
monétaire, mais plutôt du niveau des prix des produits subventionnés.

176
En résumé, la nullité de la réponse de la politique budgétaire à la politique monétaire se
trouve justifiée. Cette restriction est notée DPG to Txinter=0 ou Dcompen to Txinter=0

Théoriquement, le taux de change est plutôt susceptible d'influencer la politique budgétaire et


non l‟inverse. Cette affirmation repose sur la capacité du taux de change à affecter l‟activité
économique, source des recettes fiscales et des capacités d‟emprunts.
L‟objectif d‟introduction des deux variables exogènes ne vise pas à étudier l‟interaction entre
les deux séries. C‟est dans ce sens que nous considérons que le régime fixe du taux de change
du MAD justifie l‟indépendance du taux de change effectif réel vis-à-vis de la politique
budgétaire. Sous cette hypothèse, nous retenons la restriction de nullité de l‟effet du choc de
politique budgétaire sur le taux de change effectif réel. Nous la notons :
TCER to DPG=0 ou TCER to Dcompen = 0

2.1.3.2. Les restrictions de long terme

A ce niveau les restrictions se manifestent par la nullité des coefficients de long terme des
impacts du choc restreint.
En se référant à l‟identification des contraintes des deux premiers modèles, nous retenons la
nullité de l‟effet du choc de demande sur le PIB, c‟est-à-dire PIB to IPC=0.

Pareillement, sous le prétexte d‟indépendance de la banque centrale et de sa concentration sur


la réalisation de la stabilité des prix, nous admettons comme dans le cas du court terme, la
nullité de l‟effet du choc du taux de change sur le taux d‟intérêt de la politique monétaire.
Cela implique la notation de la restriction de la manière suivante : Txinter to TEER=0.

Dans la même optique que dans le court terme, l‟argumentation avancée sur l‟insensibilité du
taux d‟intérêt de la politique monétaire à la politique budgétaire reste valable. Cette
affirmation nous permet d‟annoncer l‟absence d‟impact du choc de politique budgétaire sur le
taux d‟intérêt de la politique monétaire. Car les études avançant un impact de la politique
budgétaire sur les taux d‟intérêt font plutôt référence aux taux longs179. L‟utilisation des
dépenses de compensation rend cette hypothèse encore plus réaliste. En conséquence, nous

Dell‟Erba et Sola, (2013), «Does Fiscal Policy Affect Interest Rates? Evidence From A Factor-Augmented
179

Panel», WP/13/59, © 2013 International Monetary Fund.


177
admettons la restriction d‟absence de l‟impact du choc budgétaire sur le taux d‟intérêt de la
politique monétaire, donc : Txinter to DPG = 0 ou Txinter to Dcompen = 0.

En restant dans l‟interaction entre la politique monétaire et la politique budgétaire, nous


adhérons à la justification annoncée à court terme, sur le fait que ce soit la politique
budgétaire qui entraine la politique monétaire et non l‟inverse.
Cette restriction s‟écrit DPG to Txinter=0 ou Dcompen to Txinter=0.

L‟indépendance des fluctuations du taux de change effectif réel vis-à-vis de la politique


budgétaire se réalise aussi à long terme, au moins dans les pays à régime de taux de change
fixe ou administré. Dans cette situation, nous pouvons opter pour cette contrainte dans le cas
du Maroc et noter la restriction de la manière suivante :
TCER to DPG=0 ou TCER to Dcompen=0.

En résumé les restrictions de court et de long terme retenues sont présentées dans le tableau
suivant :

Tab. II.1 : Restrictions retenues pour le modèle avec les facteurs exogènes

Restrictions du modèle avec variables exogènes

Court terme Long terme

 IPC to Txinter = 0  PIB to IPC=0

 Txinter to DPG = 0 ou Txinter to Dcompen = 0  Txinter to TCER=0

 Txinter to TCER=0  Txinter to DPG = 0 ou Txinter to Dcompen = 0

 DPG to TXINTER=0 ou Dcompen to TXINTER=0  DPG to Txinter=0 ou Dcompen to Txinter=0

 TCER to DPG=0 ou TCER to Dcompen=0  TCER to DPG=0 ou TCER to Dcompen=0

A ce stade, toutes les conditions sont réunies pour estimer le modèle VAR Structurel afin
d‟étudier l‟effet des facteurs ou variables exogènes sur la transmission de la politique
monétaire au Maroc.

178
Suite à la détermination du nombre de retard, les estimations ont été réalisées par le logiciel
WinRats 8. Se basant sur un paramétrage précis, nous avons dû adapter le programme en
fonction des variables, de l‟ordre de leur intégration et des restrictions180.
Pour tenir compte de la représentation du choc budgétaire par deux variables, nous avons
estimé deux modèles. Le premier utilise les dépenses publiques globales tandis que le
deuxième contient les dépenses de compensation.

Nous avons également organisé les sorties des estimations de manière à extraire directement
les différents outils présentant les résultats. L‟analyse des effets des facteurs exogènes sur la
transmission est réalisée à travers la lecture, l‟interprétation et l‟explication des résultats issus
principalement des IRFs et des FEVD.

2.2. Analyse des résultats

Pour analyser la transmission de la politique monétaire aux variables réelles en fonction de


l'impact de l'environnement domestique et extérieur, nous avons décidé de mener la lecture
des résultats par variable, et selon l‟intégration des dépenses publiques globales, ou les
dépenses de compensation dans le modèle. Nous débutons par les deux variables cibles avant
de nous pencher sur la variable représentative de la politique monétaire, afin de juger
l‟attitude de la banque centrale du Maroc vis-à-vis de l'information issue des facteurs
exogènes.
Les résultats obtenus sont par la suite rapprochés et comparés, variable par variable, à ceux
des modèles de la Tunisie et de la Turquie.
A noter au début que la plupart des réactions sont significatives et apparaissent en général
après un an.

2.2.1. Réactions des prix

L‟observation des IRFs des figures II.1 et II.2 révèle que les intervalles de confiance ne sont
pas tous symétriques, c‟est-à-dire que les fonctions de réactions sont globalement
significatives, sauf pour quelques réponses issues du modèle incluant les dépenses publiques
globales.

180
Voir l‟annexe AII.I pour le cas de la Tunisie et de la Turquie.

179
Dans le modèle contenant les DPG, les prix réagissent instantanément et faiblement à la
hausse et sur une longue durée en réponse au choc de politique monétaire. Cette attitude
contre intuitive rappelle le phénomène de « Price Puzzle » enregistré précédemment.
Le choc d‟offre ne semble pas affecter les prix, le choc budgétaire semble provoquer une
légère baisse des prix, alors que le facteur extérieur provoque une hausse modérée et
instantanée.
La ré-estimation du modèle en utilisant les dépenses de compensation offre des réponses des
prix semblables aux résultats ci-dessus avec quelques différences. Du côté des ressemblances,
le phénomène de « Price Puzzle » persiste à la suite du choc de politique monétaire. Le choc
budgétaire, sous forme d‟augmentation des dépenses de compensation, se traduit par une
baisse des prix mais avec une ampleur beaucoup plus prononcée au-delà d‟un an de la date de
production du choc. De même le choc extérieur fait augmenter les prix mais avec plus
d‟intensité cette fois.
Concernant les différences, bien que moins significative, la réponse des prix est positive suite
à un choc d‟augmentation de l‟offre.

Il ressort de cette première lecture que la production du phénomène de « Price Puzzle » quel
que soit l‟indicateur de la politique budgétaire, c‟est-à-dire ici que la présence des facteurs
exogènes ne change pas le comportement des prix suite au choc de la politique monétaire.
Egalement, la plus importante baisse des prix, dans le cas du choc des dépenses de
compensation par rapport aux dépenses publiques globales, est justifiée car les dépenses
globales soutiennent l‟activité et la demande. En revanche, les dépenses de compensation sont
destinées en principe à subventionner les prix des produits de première nécessité et causent la
baisse des prix à travers l‟effet restrictif sur les coûts de production.
Logiquement, l‟effet des fonds consacrés à la compensation n‟arrive pas à s‟imposer face aux
autres dépenses globales qui soutiennent la demande. L‟effet du régime de compensation sur
les prix se trouvent donc, à ce niveau en partie, neutralisé par les autres dépenses, dont celles
de l‟investissement.
A ce stade, l‟influence des deux facteurs exogènes sur les prix est manifeste. La portée de la
politique monétaire sur les prix doit concurrencer les effets produits par ces facteurs, d‟où
l‟enregistrement du phénomène du « Price Puzzle » des prix suite à un resserrement
monétaire.

180
Les FEVD (tableau II.2) confirment ce constat dans le sens où les prix dépendent moins de la
politique monétaire suite à l'intégration des deux variables exogènes, surtout dans le cas des
dépenses de compensation. En effet, la part de la variation des prix expliquée par le choc de
politique monétaire à long terme atteint 16% dans le cas des dépenses globales, contre 6%
seulement dans celui des dépenses de compensation, soit presque trois fois moins. Les
dépenses de compensation déterminent les prix à hauteur de 20% en moyenne, tandis que les
dépenses globales interviennent moins dans la variation des prix avec seulement 10%.

Il est donc clair que les dépenses de compensation semblent plus déterminantes de la variation
des prix par rapport aux dépenses globales, ce qui est tout à fait logique car la compensation
vise directement la limitation de la hausse des prix de quelques produits (sucre, carburant,
farine...). Cette action gouvernementale justifie la diminution de la portée de la politique
monétaire sur les prix, suite à l'intégration des dépenses de compensation dans le modèle. Au
contraire, le pouvoir explicatif de la politique monétaire augmente dans le modèle des
dépenses publiques globales, car celles-ci en étant transversales, agissent sur les autres
variables et font moins baisser les prix, permettant à la politique monétaire de devenir plus
déterminante des variations des prix. Le facteur extérieur est responsable à hauteur de 20%
dans la variation des prix. Sa part excède celle des dépenses et celle du PIB, qui en explique
en moyenne 14%.
En somme, les deux variables exogènes déterminent à elles seules entre 30% et 40% de la
variation des prix dans les deux cas, avec une part plus importante pour le facteur extérieur.

En se référant aux résultats obtenus dans les modèles précédents, il apparait que l‟intégration
des variables exogènes a changé considérablement le comportement des prix aux différents
chocs auxquels ils sont exposés. Cela atteste du poids perturbateur de ces variables sur la
transmission de la politique monétaire.
En effet, l'intégration du facteur budgétaire et extérieur a provoqué la réduction de l'ampleur
et la portée de la politique monétaire sur les prix. Car les dépenses de compensation, qui sont
destinées à limiter la hausse des prix des produits de premières nécessités, paraissent plus
déterminantes de la variation des prix. De même, les dépenses globales neutralisent l‟effet des
actions de la banque, via le soutien de la demande et l‟effet de subvention des prix par les
dépenses de compensation.

181
Dans le même sillage, nous pouvons affirmer que le facteur extérieur exerce aussi des effets
sur les prix, les rendant davantage sensibles à la demande extérieure. Conjugué aux effets des
prix des matières premières et des équipements sur les coûts de production, ce constat est
corroboré par le grand pouvoir explicatif du facteur extérieur de la variation des prix.

En rapprochant ces aboutissements à ceux de la Tunisie et de la Turquie, nous constatons que


les résultats de la Turquie (Figure AII.2 et tableau AII.3 dans l‟annexe AII) ressortent très
proches de ceux du Maroc, mais avec un effet quasi-nul du choc de politique monétaire sur les
prix. Le choc extérieur provoque ici également une appréciation durable des prix, tandis que
le choc budgétaire réduit légèrement les prix.
Les FEVD de la Turquie montrent que l‟effet de la politique monétaire est devenu quasi nul à
cause des facteurs exogènes, surtout avec un pouvoir explicatif très élevé du facteur extérieur.
Ce dernier parait donc plus explicatif de la variation des prix en Turquie qu‟au Maroc. La
prépondérance du facteur extérieur semble logique car la Turquie, qui est très ouverte et bien
intégrée dans l‟économie mondiale, subit régulièrement les effets des variations de la
croissance économique mondiale et celle de l‟U.E en particulier. Cela explique la supériorité
des effets produits par le facteur extérieur en Turquie par rapport au Maroc. Etonnamment, les
dépenses ne déterminent pas la variation des prix, contrairement au cas marocain.
L‟effet plus important au Maroc est justifié par le caractère encore dépensier et le soutien de
la demande que pratiquent les gouvernements successifs au Maroc ; il est aussi expliqué par le
degré de contribution du secteur privé dans l‟économie des deux pays.

Concernant la Tunisie (Figure AII.1 et tableau AII.2 dans l‟annexe AII), l‟effet du choc de
politique monétaire est baissier sur les prix pendant un an et demi avant sa disparition
progressive. Cet impact n‟est pas durable comme dans le cas du modèle standard.
Le choc extérieur contribue significativement à l‟appréciation des prix, surtout pendant les
deux premières années. Le choc d‟offre alimente aussi modérément la hausse des prix.
La configuration des réponses des prix annonce implicitement que le choc extérieur se trouve
probablement à l‟origine de la durée limitée de l‟impact de la politique monétaire sur les prix.
Les FEVD permettent de confirmer cette supposition car la présence du choc extérieur
augmente la dépendance des prix de la politique monétaire comparativement au modèle
standard, et cela dans l‟ombre du pouvoir explicatif très élevé du facteur extérieur dans la
variation des prix.
182
Au total, la comparaison avec les autres pays permet de confirmer le rôle très perturbateur du
facteur extérieur sur le comportement des prix, surtout dans un contexte d‟économie très
ouverte et bien intégrée dans l‟économie mondiale. La perturbation due au choc budgétaire se
manifeste davantage au Maroc qu‟en Turquie, car la nature de la politique budgétaire du
Maroc, volontariste et incluant des dépenses destinées au soutien des prix, influence
significativement le niveau des prix. C‟est pourquoi leurs réactions ne dépendent pas
suffisamment des actions de la banque centrale et ne ressortent pas toujours conformément
aux attentes.

Fig. II.1 : Fonctions des réponses des prix aux impulsions des différents chocs (Maroc)

Fonctions des réponses impulsionnelles (avec Dcompen)


IPC IPC
0.0100 0.0125

0.0100
0.0075
0.0075
0.0050
Choc de Demande

0.0050
Choc Extéri eur

0.0025 0.0025

0.0000 0.0000

-0.0025
-0.0025
-0.0050
-0.0050
-0.0075

-0.0075 -0.0100
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

IPC IPC
0.0000 0.0075
Choc de Pol i ti que M onétai re

0.0050
-0.0025
Choc Budgétai re

0.0025
-0.0050
0.0000

-0.0075
-0.0025

-0.0100 -0.0050
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

IPC
0.025

0.020

0.015

0.010
Choc d'Offre

0.005

0.000

-0.005

-0.010

-0.015

-0.020
5 10 15 20 25 30

Fonctions des réponses des prix aux différents Chocs

183
Fig. II.2 : Fonctions des réponses des prix aux impulsions des différents chocs (Maroc)

Fonctions des réponses impulsionnelles (avec DPG)


IPC IPC
0.0125 0.015

0.0100
0.010
0.0075

Choc de Demande
0.0050 0.005
Choc Extéri eur

0.0025
0.000
0.0000

-0.0025 -0.005

-0.0050
-0.010
-0.0075

-0.0100 -0.015
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

IPC IPC
0.0100 0.0125

0.0075 0.0100
Choc de Pol i ti que M onétai re
0.0075
0.0050
Choc Budgétai re

0.0050
0.0025
0.0025
0.0000
0.0000
-0.0025
-0.0025
-0.0050
-0.0050
-0.0075 -0.0075

-0.0100 -0.0100
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

IPC
0.015

0.010

0.005
Choc d'Offre

0.000

-0.005

-0.010

-0.015
5 10 15 20 25 30

Fonctions des réponses des prix aux différents chocs

Tab. II.2 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) des prix


(Maroc)

Pour achever l‟analyse de l‟impact des facteurs exogènes sur le comportement des variables
cibles, nous passons à présent au cas de l‟indicateur de l‟activité économique.

184
2.2.2. Réactions du PIB

Les réactions du PIB (figures II.3 et II.4) sont semblables quel que soit l‟indicateur utilisé
pour la politique budgétaire au Maroc.
Le choc de politique monétaire provoque une hausse de 0 ,5% du PIB. Autrement dit, le
resserrement monétaire, susceptible d‟augmenter le coût de financement, ne freine pas
l‟activité économique. Cette réponse est surprenante car par définition le renchérissement des
taux d‟intérêt abaisse la rentabilité de l‟investissement, décourage l‟investissement et tire la
production vers le bas. Ce raisonnement perd sa solidité si l‟action restrictive ne se transmet
pas aux autres taux d‟intérêt, ou si malgré la hausse des taux d‟intérêt, l‟activité économique
continue d‟être tirée par une demande soutenue et une situation d‟abondance de liquidité.
L‟activité économique semble peu sensible voire baissière à court terme au choc de demande.
Cette situation est surprenante mais proche de celle constatée dans le modèle standard, malgré
la réduction de l‟impact baissier.
L‟observation de la réaction du PIB au choc budgétaire montre une contraction de l'activité
économique atteignant 0,02%. Ce constat va à l‟encontre du rôle des dépenses, surtout
globales, qui devraient logiquement soutenir la demande et le PIB. L‟autre choc, extérieur en
l‟occurrence, provoque comme prévu une atonie de l‟activité économique, plus forte dans le
modèle contenant les dépenses de compensation.
A ce niveau de l‟analyse, il apparait que le comportement du PIB est significativement
influencé par le choc extérieur, en raison de la dépendance accrue de l‟économie marocaine
aux fluctuations des cours des matières premières et à la conjoncture économique chez ses
principaux partenaires économiques.

Bien que la prise en compte de l‟impact du choc extérieur et budgétaire semble permettre à la
banque centrale de mieux influencer l‟activité économique, la nature de la réaction du PIB
suite au choc de politique monétaire est contraire aux attentes. Ce comportement haussier du
PIB et contre intuitif est lié sans doute aux effets que produisent les chocs exogènes sur
l‟activité économique. Dans ce sens, les FEVD (Tableau II.3) dévoilent que la dépendance du
PIB est liée plutôt au facteur extérieur qu‟au facteur budgétaire. L‟activité économique est
davantage tributaire des facteurs exogènes dans la mesure où ils expliquent environ 50% de
leur variation contre 30% pour la politique monétaire.

185
Il ressort à ce niveau que l‟impact produit par les facteurs exogènes domine celui de la
politique monétaire. Le comportement du PIB est en conséquence perturbé par les fluctuations
des facteurs exogènes et en particulier de l‟extérieur. Il est donc bien établi à ce stade, que les
facteurs exogènes perturbent la transmission de la politique monétaire via les effets
considérables qu‟ils exercent sur l‟activité économique.

En comparant ces résultats avec ceux des deux autres pays, il est à signaler que,
semblablement au Maroc, les chocs extérieur et budgétaire exercent des effets restrictifs sur
l‟activité économique en Turquie (Figure AII.2 dans l‟annexe AII). Au contraire, le choc de
politique monétaire arrive à freiner l‟activité économique de la même manière que dans le
modèle standard. De son côté, le choc de demande engendre une hausse mesurée du PIB au
début puis l‟effet s‟estompe.
La part explicative du PIB par la politique monétaire baisse quasiment de moitié suite à
l‟intégration des variables exogènes dans le modèle. Cependant, ce ne sont pas les facteurs
exogènes qui récupèrent ce pouvoir explicatif, mais la demande (Tableau AII.3 dans l‟annexe
AII).
La prise en compte des facteurs exogènes semble moins influencer la transmission de la
politique monétaire en Turquie, car la demande ressort plus déterminante de l‟activité
économique. Cela est justifié dans le cas de la Turquie, car le degré d‟ouverture, le régime
flexible du taux de change ainsi que le niveau de développement du système financier,
rendent l‟activité économique plus dépendante de la demande, notamment étrangère.

Dans le cas de la Tunisie (figure AII.1 dans l‟annexe AII), le comportement du PIB est
baissier suite au choc de politique monétaire surtout au début de la période étudiée. Cela est
contraire aux résultats enregistrés au Maroc et dans le modèle standard tunisien. Aussi, le
choc extérieur engendre une contraction plus importante du PIB au regard de celle enregistrée
au Maroc et en Turquie. Le choc de demande provoque quant à lui une baisse, légère et moins
significative du PIB, de la même manière que dans le modèle standard de la Tunisie et des
résultats du Maroc.

Les réactions du PIB sous-entendent ici une sensibilité significative de l‟activité économique
en Tunisie vis-à-vis de l‟extérieur. Ce constat est confirmé par les FEVD, dans la mesure où
le choc extérieur explique une importante part de la variation du PIB de la Tunisie (tableau
186
AII.2 dans l‟annexe AII). La part due à la politique monétaire a légèrement reculé par rapport
à celle du modèle standard, tandis que la demande contribue mieux à l‟explication de la
variation de l‟activité économique.

En somme, l‟activité économique apparaît sensible aux effets du facteur extérieur au Maroc,
en Tunisie et en Turquie. Le choc extérieur fait baisser l‟activité dans les trois pays, cela reste
conforme aux attentes qui stipulent qu‟une appréciation du TCER est susceptible de freiner la
production à travers le découragement de la demande étrangère.
De manière plus surprenante, le facteur budgétaire ne semble pas soutenir l‟activité
économique par la demande publique au Maroc et en Turquie. Cela laisse envisager un rôle
déterminant de la demande privée dans la relance de l‟activité économique.
Selon l‟ensemble de ces résultats, il est clair que l‟intégration des facteurs exogènes influence
l‟attitude de l‟activité économique face aux différents chocs. Cette sensibilité réduit la
réactivité des agents économiques aux actions de la banque centrale et finit par perturber la
transmission de la politique monétaire au Maroc comme en Tunisie et en Turquie.

Fig. II.3 : Fonctions des réponses du PIB aux impulsions des différents chocs (Maroc)

Fonctions des réponses impulsionnelles (avec Dcompen)


PIB PIB
0.020 0.0100

0.015 0.0075

0.010 0.0050
Choc de Demande

0.005 0.0025
Choc Extéri eur

0.000 0.0000

-0.005 -0.0025

-0.010 -0.0050

-0.015 -0.0075

-0.020 -0.0100

-0.025 -0.0125
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

PIB PIB
0.015 0.020

0.010 0.015
Choc de Pol i ti que M onétai re

0.005
0.010
Choc Budgétai re

0.000
0.005
-0.005
0.000
-0.010
-0.005
-0.015

-0.020 -0.010

-0.025 -0.015
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

PIB
0.05

0.04

0.03

0.02
Choc d'Offre

0.01

0.00

-0.01

-0.02

-0.03
5 10 15 20 25 30

Fonctions des réponses du PIB aux différents chocs

187
Fig. II.4 : Fonctions des réponses du PIB aux impulsions des différents chocs (Maroc)

Fonctions des réponses impulsionnelles (avec DPG)


PIB PIB
0.015 0.020

0.010 0.015

0.010
0.005

Choc de Demande
Choc Extéri eur

0.005
0.000
0.000
-0.005
-0.005
-0.010
-0.010

-0.015 -0.015

-0.020 -0.020
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

PIB PIB
0.010 0.015

0.005

Choc de Pol i ti que M onétaire


0.010
0.000
Choc Budgétai re

0.005
-0.005

-0.010 0.000

-0.015
-0.005
-0.020
-0.010
-0.025

-0.030 -0.015
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

PIB
0.03

0.02

0.01
Choc d'Offre

0.00

-0.01

-0.02

-0.03
5 10 15 20 25 30

Fonctions des réponses du PIB aux différents chocs

Tab. II.3 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) du PIB


(Maroc)

Pour compléter et mieux appréhender les effets des facteurs exogènes sur la transmission de la
politique monétaire, il est important d‟explorer aussi le comportement de l‟indicateur de la
politique monétaire, afin de saisir l‟attitude de la banque centrale face aux fluctuations des
variables exogènes relevant de l‟environnement qui lui échappe.
188
2.2.3. Réactions du Taux d'intérêt de la politique monétaire

Pour comprendre l‟utilisation par la banque centrale de l‟information contenue dans les
facteurs exogènes, nous analysons les réactions du taux d‟intérêt de la politique monétaire au
choc extérieur et budgétaire, ainsi qu‟à celui de l‟offre et de la demande. A ce niveau aussi,
nous procédons à une comparaison des résultats du Maroc avec ceux des deux autres pays.
L‟étude des réactions du taux d‟intérêt de la politique monétaire dans les figures II.5 et II.6
révèle que dans le cas de pressions inflationnistes générés par les chocs extérieur, budgétaire,
de demande et d‟offre, la politique monétaire devient globalement restrictive après un an de la
production des chocs. Cette attitude reste logique et conforme au mode opératoire de la
banque centrale, surtout face au choc de demande et d‟offre. Concernant les chocs exogènes,
même si la réponse semble logique, BAM ne déclare pas opérer ce genre d‟action suite aux
chocs extérieur et budgétaire.
Dans ce registre, la décomposition de la variance de l‟erreur de prévision (tableau II.4)
rapporte que le taux d‟intérêt de la politique monétaire de BAM semble dépendre
principalement de l‟offre et de la demande. Ces deux éléments expliquent à eux seuls environ
70% de la variation du taux d‟intérêt, avec une relative supériorité de l‟offre. Ce résultat
confirme l‟attachement avéré de la banque centrale à l‟offre et à la demande au niveau du
modèle standard.
Ce schéma d‟action est conforme à nos attentes, surtout que face à des risques de tensions
inflationnistes, la banque centrale doit faire en sorte que les taux d'intérêt remontent pour
limiter les effets de surchauffe de l‟économie sur les prix. Sans surprise, les fluctuations des
variables représentant les facteurs exogènes interviennent marginalement dans l‟explication
de la variation du taux d‟intérêt de la politique monétaire.
En rapport avec les résultats de la Turquie répertoriés dans la figure AII.2 et le tableau AII.3
dans l‟annexe AII, nous constatons, identiquement au Maroc, une réaction haussière du taux
d‟intérêt suite aux chocs de demande, extérieur et budgétaire. Mais, à la différence du Maroc,
le choc d‟offre se traduit par une faible baisse du taux d‟intérêt pendant la première année.
L‟offre et la demande semblent déterminer la grande partie de la variation du taux d‟intérêt
de la politique monétaire avec une primauté du rôle de l‟offre.
Les résultats obtenus dans le cas de la Turquie sont plutôt proches de ceux du Maroc, surtout
en matière d'indépendance par rapport au choc extérieur et budgétaire. Cette position explique

189
en quelque sorte les effets perturbateurs du comportement des variables cibles. Ceci étant, la
réaction de la banque centrale de Turquie vis-à-vis des fluctuations du facteur extérieur
apparait surprenante dans le sens où, en réalité la BCRT suit de très près le cours de change de
la Lire turque (TRY) et fait en sorte d‟éviter l‟effondrement de la monnaie181.

Pour la Tunisie, les résultats (Figure AII.1 et tableau AII.2) révèlent que les chocs de
demande et d‟offre provoquent un resserrement monétaire modéré, tandis que le choc
extérieur se trouve à l‟origine d‟une hausse significative du taux d‟intérêt de la politique
monétaire, avant la disparition progressive de l‟effet au bout de deux ans.
La variation de l‟erreur de prévision expose une sensibilité de la politique monétaire à l‟offre,
de manière identique au Maroc et en Turquie. Par contre, le rôle de la demande est relégué au
dernier rang par rapport à celui de l'offre et du facteur extérieur. La grande différence avec le
Maroc et la Turquie réside dans la place prioritaire accordée au facteur extérieur dans la
politique monétaire de la BCT. Cet attachement peut être expliqué par le poids de l'export et
de la demande étrangère dans l'économie tunisienne.
La prise en considération des variables exogènes s‟avère moins perturbatrice du
comportement de la banque centrale du Maroc et de la Turquie, alors que la BCT semble
ajuster et adapter son taux d‟intérêt de politique monétaire en fonction des effets du facteur
extérieur.

Tab. II.4 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) des taux


d’intérêt (Maroc)

181
Au début de 2014, par exemple la BCRT a procédé au relèvement de son taux au jour le jour de 7,75% à 12%
pour éviter la sortie massive des capitaux et limiter la dépréciation de la Lyre.
190
Fig. II.5 : Fonctions des réponses du taux d’intérêt aux Impulsions des différents chocs
(Maroc)

Fonctions des réponses impulsionnelles (avec Dcompen)


Txinter Txinter
0.3 0.75

0.2 0.50

Choc de Demande
Choc Extéri eur

0.1 0.25

0.0 0.00

-0.1 -0.25

-0.2 -0.50
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

Txinter Txinter
0.20 0.5

0.4
0.15
Choc de Pol i ti que M onétai re

0.3
0.10
Choc Budgétai re

0.2
0.05 0.1

0.00 -0.0

-0.1
-0.05
-0.2
-0.10
-0.3

-0.15 -0.4
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

Txinter
1.25

1.00

0.75

0.50
Choc d'Offre

0.25

0.00

-0.25

-0.50

-0.75

-1.00
5 10 15 20 25 30

Fonctions des réponses de la politique monétaire aux différents chocs

Fig. II.6 : Fonctions des réponses du taux d’intérêt aux Impulsions des différents chocs
(Maroc)

Fonctions des réponses impulsionnelles (avec DPG)


Txinter Txinter
0.5 0.8

0.4
0.6
0.3
0.4
Choc de Demande

0.2
Choc Extéri eur

0.1 0.2

-0.0 0.0
-0.1
-0.2
-0.2
-0.4
-0.3

-0.4 -0.6
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

Txinter Txinter
0.4 0.75

0.3
Choc de Pol i ti que M onétaire

0.50
0.2
Choc Budgétai re

0.25
0.1

0.0
0.00

-0.1
-0.25
-0.2

-0.3 -0.50
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

Txinter
0.75

0.50

0.25
Choc d'Offre

0.00

-0.25

-0.50

-0.75
5 10 15 20 25 30

Fonctions des réponses de la politique monétaire aux différents chocs

191
Globalement, il ressort de cette analyse que les fluctuations des facteurs exogènes influencent
le comportement des variables cibles. La dépendance des prix des facteurs exogènes est à
l‟origine de la persistance de l‟effet « Price Puzzle » au Maroc. Plus précisément, le choc
budgétaire perturbe l‟évolution des prix au Maroc en raison de l‟effet du programme des
dépenses de compensation, destiné en principe au soutien des prix de quelques produits. Le
facteur extérieur influence significativement les prix au Maroc, en Tunisie et en Turquie.
Dans le même sillage, la supériorité de l‟impact des facteurs exogènes sur celui de la politique
monétaire explique le comportement de l‟indicateur de l‟activité face aux actions de politique
monétaire au Maroc et en Tunisie. En revanche, le facteur budgétaire ne semble pas
influencer l‟activité économique en Turquie. Egalement, le PIB de la Turquie ne semble
dépendre du facteur extérieur qu‟indirectement à travers la demande étrangère.
Ces aboutissements corroborent et renforcent l‟hypothèse de l‟effet perturbateur de ces
facteurs sur la transmission de la politique monétaire. Malgré cette contrainte, seule la BCT
intègre les informations issues du facteur extérieur dans ses décisions monétaires. Les
banques centrales du Maroc et de la Turquie semblent suivre la demande et l‟offre comme
indicateurs avancés pour décider de leurs taux d‟intérêt de politique monétaire.

L‟insensibilité apparente de la BCRT, particulièrement au facteur extérieur est admissible en


raison du caractère plus libéralisé de l‟économie turque et de son intégration dans l‟économie
mondiale, et européenne. Egalement, l‟action de la BCRT est libérée grâce au développement
d‟une capacité de réactivité adaptée aux chocs extérieurs chez les agents économiques.
Autrement dit, la sensibilité des agents économiques aux variations des facteurs extérieurs
réduit leur réceptivité aux actions de la banque centrale, à cause de leur attitude
d‟incorporation des chocs extérieurs dans leurs décisions de consommation et
d‟investissement. De plus, le régime flexible du taux de change neutralise une partie des
chocs extérieurs, évitant ainsi la volatilité et les réactions brutales et contraires aux attentes.
Si la position de la banque de la république turque est raisonnable, le cas de BAM est
préoccupant et soulève des interrogations, car le régime de change fixe expose les agents
économiques aux effets extérieurs. De plus, BAM ne semble pas s‟intéresser de près à la
trajectoire de la politique budgétaire, qui influence significativement la demande et le
processus de formation des prix à travers, notamment, les dépenses de compensation.
Eu égard à ce constat, le régime fixe du taux de change du MAD et l‟incomplète insertion du
Maroc dans l‟économie mondiale, sont en partie à l‟origine de la grande perturbation du
192
processus de la transmission de l‟action de Bank Al Maghrib par le choc extérieur notamment.
L‟effet est accentué sous l‟hypothèse d‟une stratégie de politique monétaire n‟intégrant pas
suffisamment le facteur budgétaire dans son panier d‟indicateurs avancés.

Il est bien établi à ce niveau, que les facteurs exogènes perturbent le comportement des
variables cibles, et la transmission de la politique monétaire d‟une manière plus globale. Pour
mieux éclairer ce constat au Maroc, il est judicieux de se baser sur les caractéristiques et les
statistiques de l‟économie marocaine, et de son système financier, afin d‟expliquer et justifier
ces résultats. C‟est dans ce cadre que le point suivant est consacré à l‟interprétation et à
l‟explication des résultats issus du modèle contenant les variables exogènes.

3. Interprétation et explication des résultats

L‟analyse descriptive des réactions des variables cibles a révélé que la transmission de la
politique monétaire est impactée par les chocs exogènes. D‟ailleurs, le manque de
considération du possible effet perturbateur de la fluctuation des facteurs exogènes sur
l‟économie semble être à l‟origine de la faiblesse de la transmission de la politique monétaire
aux variables monétaires, financières et réelles au Maroc.
Pour mieux comprendre comment se produit l‟effet de ces chocs sur la transmission de la
politique monétaire de BAM, il est indispensable d‟examiner les effets des éléments
budgétaires et extérieurs sur l‟économie marocaine. Cette approche est en mesure de dévoiler
précisément les facteurs qui perturbent la transmission de la politique monétaire via
l‟influence du comportement des variables monétaires financières et réelles intervenant dans
ce processus.
Pour ce faire, nous exposons successivement les éléments relevant du facteur budgétaire avant
de se pencher sur le côté extérieur.

3.1. Effets de la politique budgétaire

L‟impact du facteur budgétaire182 se manifeste fortement au niveau de l‟influence de l‟activité


économique et de la formation des prix. En effet, le gouvernement marocain mène depuis plus
d‟une décennie une politique budgétaire volontariste, orientée vers le soutien de la demande et

182
Les chiffres et statistiques présentés sur les dépenses sont issus des statistiques de BAM, du ministère des
finances et du HCP.
193
l‟équipement du pays en infrastructure. A ce titre, les dépenses globales sont passées de 103
Mrds en 2000 à 257 Mrds en 2013. Elles ont enregistré une forte augmentation pour couvrir le
programme de grands chantiers et de soutien à la croissance (figure II.7). Cette expansion
budgétaire exerce forcément des effets sur la formation des taux d‟intérêt sur le marché
monétaire, et peut engendrer un effet d‟éviction susceptible de freiner le financement des
entreprises et impacter l‟investissement, la consommation et le niveau de la production.

Fig. II.7 : Evolution des dépenses globales au Maroc

Source : Elaboré par l‟auteur sur la base des données de BAM, HCP et du ministère de l‟économie et des
finances

Dans la même optique, la part des dépenses d‟investissement dans les dépenses globales a
atteint 23% en 2009 et 30% des dépenses ordinaires la même année. Visant à soutenir
l‟activité économique, ces dépenses exerceraient des effets sur le niveau des prix à travers la
hausse de la demande. Cela constitue un élément contraignant, voire perturbant, des réactions
des variables cibles aux mesures de politique monétaire. Egalement, les gouvernements
successifs mènent depuis la fin des années trente une politique de compensation ou de
subvention des prix183 de certains produits de première nécessité, pour venir en aide aux

183
Depuis la fin des années trente le Maroc a adopté une protection sociale basée entre autre, sur le système de
compensation des prix de certains produits de première nécessité, principalement importés. Ce programme,
financé par les dépenses de compensation, permet de stabiliser les prix de ces produits en dépit des fluctuations
de leurs cours sur les marchés internationaux.
A signaler que l‟objectif du système de compensation visait aussi la promotion de quelques secteurs d‟activité
comme les sucreries, minoteries et les raffineries pétrolières en particulier.
Concrètement, le budget de l‟Etat supporte la différence entre le prix de vente subventionné et le prix effectif
basé sur les conditions du marché.
En raison du poids budgétaire, ce programme a connu plusieurs périodes d‟assouplissement voire de suspension
concernant les produits pétroliers notamment. La liste des produits concernés est régulièrement révisée en
fonction du niveau de leur cours sur le marché international.
Pour un point complet sur le programme de compensation, voir le rapport détaillé sur la compensation, annexé
au projet de loi de finance pour l‟année 2013, disponible sur le site :
194
classes défavorisées. Pourtant, la nature du système de compensation des prix fait bénéficier
l‟ensemble des agents économiques, y compris les entreprises. Ainsi, le soutien des prix de
l‟énergie, du blé et du sucre par exemple, permet au producteur de réduire leurs coûts de
production. Cet enchainement des effets affecte au final le niveau général des prix dans le
pays.
Statistiquement, les dépenses de compensation empruntent généralement un trend haussier à
cause de la flambée des prix de l‟énergie et des matières premières sur les marchés
internationaux. En conséquence, pour éviter la répercussion à la hausse sur les prix
domestiques, les dépenses de compensation sont passées de 6,8 Mrds en 2000 à 54 Mrds en
2012 (figure II.8).

Fig. II.8 : Evolution des dépenses des ménages marocains

Source : Elaboré par l‟auteur sur la base des données de BAM, HCP et du ministère de l‟économie et des
finances
Par rapport aux dépenses globales et ordinaires, les parts des dépenses de compensation
s‟établissent successivement à environ 25% et 20% en 2011, alors qu‟elles enregistraient une
part contenue entre 8% et 10% de 2000 à 2006. Ce poids des dépenses de compensation dans
la politique budgétaire confirme implicitement leur capacité à impacter directement les prix
de certains produits et leur transmission à l‟activité économique et au processus de formation
de l‟ensemble des prix.
Face au lourd poids de ces dépenses dans le budget de l‟Etat, le gouvernement marocain a
décidé de les baisser et de pratiquer une indexation partielle des prix des produits de l‟énergie.

Conscient de l‟impact de cette mesures, BAM a réalisé une étude interne afin d‟évaluer les
effets de cette semi libéralisation des prix et trouve qu‟en conséquence, l‟inflation

http://www.finances.gov.ma/Documents/PLF/2013/4803_compens_fr.pdf

195
supplémentaire serait de 0,2% en 2014 si le prix du baril de pétrole restait stable à 110
USD184. Bank Al-Maghrib a également enregistré que l‟inflation des produits réglementés est
passé de 1,6% en 2012 à 2,3% en 2013 (BAM, rapport 2013, pp 47).
Se penchant sur les conséquences de l„indexation partielle des produits énergétiques, le HCP
avance que la contribution de l‟inflation des produits réglementés à l‟inflation générale
s‟établit à 0,5% en 2013 contre 0,1% en moyenne sur la période 2008-2011.
Il ressort de cette première analyse du facteur budgétaire que la transmission de la politique
monétaire se trouve systématiquement perturbée par le niveau des dépenses de
consommation, comme par les dépenses globales du gouvernement. En somme, il est bien
évident que la politique budgétaire perturbe la transmission de la politique monétaire à travers
l‟influence de l‟activité économique et la formation des prix. Plus précisément, les dépenses
de compensation exercent un impact direct sur l‟objectif final de la politique monétaire, tandis
que les dépenses globales font transiter leur effet à travers les canaux de transmission.

3.2. Effets des éléments extérieurs

Pour les effets des facteurs exogènes, nous proposons à présent d‟explorer certains éléments
qui explicitent le poids et l‟influence du facteur extérieur sur l‟activité économique et les prix
au Maroc.
Bénéficiant d‟un bon emplacement géographique, le Maroc pratique une politique
économique collaborative avec ses principaux partenaires économiques et entretient,
particulièrement, des relations économiques de premier ordre avec l‟union européenne.
Plusieurs indicateurs185 attestent ce fort rattachement. Par exemple, sur la période 2000-2013
les exportations marocaines vers les pays signataires des ALE sont destinées principalement
aux pays de l‟U.E à 28.
Cette concentration laisse les exportations marocaines largement exposées aux fluctuations de
la demande et de la croissance économique de l‟U.E. Ainsi, toute crise touchant le principal
partenaire économique du Maroc est en mesure de réduire drastiquement la demande
étrangère adressée au Maroc. A titre d‟illustration, la figure suivante montre la corrélation
positive entre l‟ensemble des exportations et celles destinées à l‟U.E à 28.

184
Rapport annuel de 2013 de BAM, page 140.
185
Les chiffres sur le commerce proviennent du rapport du ministère du commerce au Maroc sur le commerce,
(2014) « Analyse chiffrée du commerce extérieur marocain (2000-2013) ».
196
Fig. II.9 : Evolution des exportations des biens et services du Maroc

Source : Elaboré par l‟auteur sur la base des statistiques du rapport sur le commerce extérieur marocain
(2000-2013)

A cause de la crise de 2007 et de 2010, les exportations vers l‟U.E pèsent négativement sur
les exportations du Maroc. Cette réduction de la demande s‟est imputée probablement sur
l‟activité économique destinée à l‟export.
Egalement, le manque de diversification des exportations marocaines186 constitue un élément
pouvant exercer des effets négatifs sur l‟activité économique exportatrice et la croissance
économique en général. Pour illustrer cette réalité, il est à noter par exemple que les secteurs
traditionnels enregistrent un recul dans les exportations. La part du textile est passée de 37%
en 2000 à 18% en 2013, celle de l‟agriculture de 11% en 2000 à 8% en 2013. Cette réduction
est due aussi à la concurrence des autres pays et à la montée de la part d‟autres secteurs dans
les exportations, comme l‟industrie automobile.
La contribution du commerce dans la croissance économique atteste son effet sur l‟activité
économique. En fait, sur la période 2007-2012, il a contribué positivement à la croissance
économique sauf en 2009 où il l‟a affectée négativement à hauteur de -5,5%, à cause de la
baisse considérable des exportations. Dans ce sens, l‟ouverture croissante de l‟économie du
Maroc et la multiplication des accords de libre-échange ne peut qu‟augmenter le poids du
commerce extérieur et accentuer son impact sur l‟activité économique domestique.
Cette dépendance commerciale de l‟U.E et le manque de diversification, rendent le facteur
extérieur de plus en plus contraignant pour la transmission de la politique monétaire, en raison
de son influence significative et directe sur l‟activité économique et indirecte sur les prix.

186
Le Maroc continue à exporter le textile, les produits agricoles et les produits chimiques issus du phosphate.

197
Toujours en relation avec le facteur extérieur, la part de l‟énergie dans les importations est
relativement importante et ne cesse d‟augmenter (figure II.10).

Fig. II.10 : Part de l’énergie dans les importations du Maroc

Source : Elaboré par l‟auteur sur la base des statistiques du rapport sur le commerce extérieur marocain
(2000-2013)

Bien que la grande dépendance de l‟économie marocaine des prix de l‟énergie justifie le
programme de compensation destiné à amortir les effets des tensions sur les prix du pétrole
sur le pouvoir des classes défavorisés, il constitue une subvention à la production de certains
secteurs et leur permet de réduire les coûts de production. En conséquence, l‟activité
économique se trouve impactée187 tout comme le processus de formation des prix.
En restant au niveau des cours des matières premières, il convient de préciser qu‟une flambée
des cours des matières premières est capable d‟engendrer une forte hausse des prix des
produits liés à ces matières. Egalement, à cause de la fixité du taux de change du MAD, le
même effet peut se produire en cas d‟appréciation de l‟USD, une des principales monnaies de
facturation des matières premières.
Toujours du côté du facteur extérieur, l‟afflux des capitaux188 est aussi un des facteurs
extérieurs qui impactent l‟activité économique et les prix domestiques, à travers l‟influence de
la masse monétaire et la liquidité. De ce fait, une variation significative des flux de capitaux
est en mesure d‟affecter la liquidité, l‟activité économique, l‟emploi, la demande, et
déterminer au final le PIB et les prix. La provenance de ces fonds peut être déterminante de
leurs effets sur l‟activité économique et le niveau des prix.

187
Odularu et al (2009) avancent que théoriquement le niveau d‟utilisation de l‟énergie est déterminant de la
croissance ou de l‟activité économique.
188
Les chiffres sur les flux des capitaux proviennent des rapports de l‟office des changes.
198
A titre d‟illustration, l‟activité économique au Maroc est liée à la capacité exportatrice des
IDE par l‟U.E car, sur la période 2001-2010, 70% de ces investissements proviennent des
membres de l‟union. Dans le même registre, les transferts des MRE sont issus principalement
des pays de l‟U.E. La figure II.11 montre et illustre l‟effet de la crise financière et
économique qui a touché l‟U.E et son impact sur ces recettes. Force est de constater que cette
baisse est due aussi à la hausse de la part des transferts provenant d‟autres régions du monde.
La baisse de 2008 et la tendance baissière depuis 2009 sont capables d‟affecter la liquidité sur
le marché, et impacter la consommation et l‟épargne.

Fig. II.11 : Part de l’U.E dans les Transferts des Marocains Résidents à l’Etranger
(MRE)

Source : Elaboré par l‟auteur sur la base des statistiques des rapports de l‟Office des Changes

Dans cette configuration, la dépendance des IDE, des transferts des MRE et des recettes
touristiques189 de l‟U.E, rendent l‟économie marocaine et la transmission de la politique
monétaire particulièrement exposées à la croissance économique dans cette région, ainsi
qu‟aux flux des capitaux et à leur réglementation.
Alimentant l‟épargne et les revenus des familles des migrants190, ces recettes constituent,
également, avec les IDE, une source importante de l‟investissement au Maroc. Ainsi, les
variations du flux des ces fonds peuvent affecter le fonctionnement des canaux de
transmission à travers l‟influence de la masse monétaire, du niveau des taux d‟intérêt et l‟offre

189
Les statistiques de l‟Office des Changes au Maroc confirment que les touristes arrivant au Maroc viennent
principalement de l‟U.E.
190
A noter qu‟une partie non négligeable des recettes des MRE n‟est pas déclarée voire non enregistrée.
199
du crédit. Ce processus atteint le niveau de l‟activité économique et la formation des prix à
travers la loi de l‟offre et de la demande.
En réponses à ces conséquences, partielles191, de l‟effet de la variation du flux des capitaux
sur la liquidité, BAM a due injecter massivement d‟énormes quantités de liquidité depuis fin
2007, afin de permettre au système financier de continuer à jouer son rôle dans le financement
de l‟économie et assurer le bon fonctionnement des canaux de transmission (Moumni et
Nahhal, 2014).

Au total, l‟ensemble de ces éléments confirme la capacité des facteurs exogènes en général, et
du facteur extérieur et budgétaire particulièrement, à influencer voire à perturber le
comportement des variables cibles de la politique monétaire et le fonctionnement de ses
canaux de transmission.

La situation de pénurie de liquidité est due à d‟autres facteurs en plus de la baisse des flux des capitaux
191

(Moumni et Nahhal, 2014).


200
Conclusion

Il est bien établi à ce stade que les facteurs exogènes perturbent la transmission de la politique
monétaire à travers l‟influence de l‟activité économique et du processus de formation des
prix.
La distinction des composants des facteurs exogènes a permis de dégager les éléments les plus
influents sur le comportement des variables intervenant dans le processus de transmission de
la politique monétaire, et donc sur la réalisation de ses objectifs.
L‟effet des facteurs exogènes se fait directement sur les prix via les dépenses de
compensation, et indirectement via le facteur extérieur et l‟effet des dépenses globales, qui
font intervenir davantage les canaux de transmission lors de l‟influence de l‟activité
économique. En fait, l‟analyse des comportements des prix, du PIB et du taux d‟intérêt de la
politique monétaire aux différents chocs, montre que la présence, voire l‟intégration des
facteurs exogènes dans l‟étude empirique trouble souvent la nature de la réaction.

Le facteur budgétaire exerce à la fois un effet direct et indirect sur la transmission de la


politique monétaire. D‟une part, les dépenses de compensation impactent directement les prix
de plusieurs produits, et dans une moindre mesure l‟ensemble des prix. D‟autre part, les
dépenses globales, destinées, entre autres, au fonctionnement et à l‟investissement, affectent
logiquement l‟activité économique à travers le soutien de la demande.
L‟effet du facteur extérieur se manifeste à travers les cours des matières premières sur les
marchés internationaux et les flux des capitaux. Ces derniers alimentent significativement la
croissance de la masse monétaire, le niveau des taux d‟intérêt et les conditions d‟offre du
crédit, pour influencer au final l‟investissement et la consommation, et le processus de
transmission de la politique monétaire dans sa globalité. Les cours des matières premières
exercent un impact sur le niveau général des prix via les coûts de production.

Sous ce schéma analytique, il est montré que les facteurs exogènes empêchent les canaux de
transmission d‟opérer pleinement, et compromettent partiellement la réalisation des objectifs
de la politique monétaire
Malgré ce constat clair et très probable, l‟action de BAM ne semble pas tenir suffisamment
compte des fluctuations du facteur budgétaire et extérieur. Bank Al-Maghrib apparait

201
surveiller plutôt l‟offre et la demande. Ainsi, une observation de ces chocs, en amont, lui
permettra certainement, d‟anticiper les éventuels effets perturbateurs sur le processus de
transmission et de prendre les mesures adaptées et susceptibles de mieux influencer les
décisions des agents économiques, assurer le bon fonctionnement des canaux de transmission
et faciliter la transmission de la politique monétaire.

Consciente de ces risques et face aux mesures de réduction des dépenses de compensation et
l‟indexation partielle des prix des produits pétroliers, BAM s‟est penchée sur l‟examen de
cette libéralisation partielle sur l‟inflation afin d‟ajuster son action. Ceci étant, BAM doit
suivre de très près la politique budgétaire du gouvernement pour pouvoir anticiper ses effets
sur les indicateurs avancés, et de possibles effets sur le marché monétaire et la demande.
Egalement, les efforts de poursuite de l‟ouverture commerciale, la diversification des produits
exportés et des partenaires économiques, la promotion de la destination Maroc chez les
touristes d‟autres régions du monde, et la flexibilisation du taux de change, sont en mesure
d‟amortir les chocs extérieurs et d‟améliorer la transmission de la politique monétaire au
Maroc.
La protection vis-à-vis des chocs extérieurs n‟est pas seulement du ressort de BAM, les autres
décideurs de politique économique sont particulièrement concernés par les mesures annoncées
ci-dessus. Ces autorités doivent également mener un exercice de pédagogie économique en
faveur des agents économiques, afin d‟améliorer leur compréhension des rouages de
l‟économie et mieux orienter leurs décisions de consommation et d‟investissement.

Pour clore ce point, il convient de préciser que d‟autres facteurs exogènes sont tout à fait
capables de perturber la transmission de la politique monétaire au Maroc. Une éventuelle
volonté d‟élargir le champ d‟investigation nécessitera donc l‟inclusion d‟autres facteurs dans
d‟autres études empiriques.

202
Conclusion générale

Dans une perspective de mener une étude transversale de la transmission de la politique


monétaire au Maroc, ce travail s‟est fixé comme objectif l‟exploration de la diffusion des
mesures de Bank Al Maghrib aux différentes variables de l‟économie marocaine.
La décomposition de la question de transmission en plusieurs axes de recherche a permis de
mener une étude détaillée et approfondie des réactions des différentes variables intervenant
dans ce processus ainsi que la saisie des facteurs qui l‟influencent. Il convient donc de noter
que l‟hypothèse de déclinaison de la problématique en plusieurs questions subdivisionnaires
est justifiée.
Le point bibliographique annonce généralement que la transmission de la politique monétaire
au Maroc est incomplète et elle est assurée principalement par les canaux de taux d‟intérêt et
du crédit. L‟étude des caractéristiques de l‟économie marocaine et de son système financier
ont révélé une certaine aptitude à faire transmettre les actions de Bank Al-Maghrib à
l‟économie.
La spécification du cadre méthodologique dans le deuxième chapitre a schématisé
l‟application de l‟outil économétrique à l‟analyse de la dynamique des chocs de politique
monétaire et des autres chocs sur les variables de l‟économie en vue de mener une analyse
complète de la transmission de la politique monétaire de BAM à l‟économie marocaine.
Le fait de débuter par une exploration simplifiée dans le troisième chapitre nous a permis de
saisir rapidement les réactions directes des prix et du PIB face à l‟action de BAM. Les
réponses de ces deux variables ressortent surprenantes par rapport à ce que nous attendions.
Egalement le taux d‟intérêt de la politique monétaire se détend étonnamment et ne semble pas
manifester un resserrement monétaire à la suite des pressions inflationnistes issues de la
surchauffe de l‟économie. Ces constats annoncent que la transmission de la politique
monétaire de BAM est incomplète et surprenante vis-à-vis des attentes et des enseignements
théoriques.
L‟approfondissement de l‟analyse, grâce à l‟élargissement du périmètre de l‟étude empirique,
en y incluant d‟autres variables intervenant dans le processus de transmission, donne des
résultats similaires à ceux du modèle simplifié. En effet, l‟examen de l‟attitude des variables
cibles vis-à-vis de l‟action de politique monétaire de BAM démontre qu‟elles se comportent
d‟une manière étonnante. Plus en détail, les prix manifestent toujours le phénomène du

203
« Price Puzzle » et affichent des réactions négligeables face au choc de l‟offre et du crédit,
contre une relative appréciation suite au choc financier. L‟indicateur de l‟activité économique
manifeste également une réaction étonnante et ne se contracte pas suite au choc de politique
monétaire. Il est même insensible face au choc du crédit, et manifeste une certaine sensibilité
à la hausse vis-à-vis du choc financier.
A ce niveau aussi, la structure des canaux de transmission ressort instable et l‟important de
l‟action de politique monétaire transite via le canal du crédit pour atteindre les variables
cibles. En revanche, l‟étude des liens entre les différentes variables monétaires et financières
qui composent notre système empirique montre que c‟est plutôt le canal des taux d‟intérêt qui
semble réceptionner davantage d‟action de BAM avant de la transmettre aux variables
monétaires et financières. Le repli du canal du taux d‟intérêt devant celui du crédit, au niveau
de l‟impact des variables « objectifs », affirme la faiblesse de la transmission et justifie le
comportement de ces cibles.
Dans ce contexte, le dernier chapitre a été consacré à l‟extension de l‟étude empirique pour
prendre en compte les facteurs échappant à l‟action de BAM. Les estimations ont révélé que
le processus de transmission est sensiblement influencé voire perturbé par les facteurs
exogènes, que sont la politique budgétaire et le facteur extérieur.

D‟une manière globale, ces constats annoncent que la transmission de la politique de BAM à
l‟économie marocaine est incomplète et divergente vis-à-vis des attentes et des enseignements
de la littérature économique et est relativement différente des résultats enregistrés en Tunisie
et en Turquie. Cette configuration du schéma de transmission de la politique monétaire est
tributaire de plusieurs facteurs qui influencent directement les variables cibles et impactent
également le processus de diffusion de l‟action de BAM.
Bien que l‟étude des caractéristiques de l‟économie et de son système financier ait révélé une
certaine aptitude à faire transmettre les actions de la banque centrale à l‟économie, les
résultats, faibles et étonnants, annonceraient une possible responsabilité de la structure de
l‟économie et de son système financier dans le degré de réaction des variables cibles.
En effet, l‟importance de la demande et son évolution sur la dernière décennie appuient la
production et encouragent l‟offre. Le soutien de la demande et de l‟offre tient à la
configuration de l‟économie marocaine qui se caractérise par l‟insuffisance de la
concurrence. Conjuguée à la persistance de la demande, cette situation alloue aux producteurs
un certain pouvoir en matière d‟imputation des coûts financiers dans leur prix.
204
Le cadre réglementaire de BAM intervient également dans l‟explication du comportement
des prix et du PIB. Car, sur la période étudiée l‟institut d‟émission(BAM) ne se concentre,
exclusivement, ni sur le niveau des prix ni sur celui du PIB. De manière plus précise, même si
BAM déclare s‟occuper de la stabilité des prix, son action d‟avant 2006 pouvait s‟orienter
vers d‟autres objectifs. Et ce n‟est que depuis le statut de 2006 que l‟institution est investie
des pleins pouvoirs et de l‟autonomie nécessaire pour assurer principalement la stabilité des
prix.
Le caractère dépendant de l'activité économique de l'agriculture au Maroc, figure aussi parmi
les sources de perturbation du comportement des variables « objectifs » de la politique
monétaire, dans la mesure où les bonnes années agricoles favorisent et stimulent l‟activité
économique. De ce fait, selon la loi de l‟offre et de la demande, les conditions climatiques
affectent les prix de deux manières. La première par l‟expansion de la production agricole qui
alimente la demande globale par le biais des revenus supplémentaires dont dispose la
population rurale. Tandis que la deuxième, réside dans l‟accentuation de l‟impact des
conditions climatiques sur les prix à travers l‟effet des prix des inputs agricoles sur les coûts
de production de plusieurs secteurs d‟activité.
En relation avec ce point, il est à noter que la part importante de l‟informel dans l‟économie
marocaine fait en sorte de rendre l‟activité économique de ce secteur parallèle parfois
insensible aux actions de la politique monétaire, à cause du manque ou de la faiblesse des
liens entre les unités de production informelles et le circuit financier conventionnel.
Du coté du mode opératoire de Bank Al Maghrib, il semble que la banque centrale se
concentre plutôt sur la surveillance des prévisions des prix et de l‟activité économique
préalablement à ses décisions de politique monétaire. Cette stratégie de BAM, proche du
mode opératoire de la banque centrale de la république turque (BCRT), diffère de celle de la
banque centrale de Tunisie (BCT) qui se montre plutôt réactive au choc des variables
monétaires et financières.

Dans le même registre, cette faiblesse de la transmission de la politique monétaire et


l‟instabilité de sa configuration n‟est rien que le reflet du manque d‟opérationnalité et de
dysfonctionnement des mécanismes de transmission de la politique monétaire de Bank Al
Maghrib. A ce propos, le canal du crédit semble être le principal véhicule de l‟action de
politique monétaire jusqu‟aux variables cibles. Cette voie de transmission domine le
processus de diffusion de la politique monétaire au Maroc. Cependant l‟étude des liens entre
205
les différentes variables monétaires et financières qui composent notre système empirique
montre qu‟au Maroc, c‟est plutôt le canal des taux d‟intérêt qui semble acheminer davantage
l‟action de BAM jusqu‟aux variables monétaires et financières.
Ces deux constats dévoilent l‟instabilité de la structure de transmission de la politique
monétaire au Maroc, contre une relative stabilité en Tunisie et en Turquie. Autrement dit, le
canal du taux d‟intérêt qui ressort supérieur dans l‟influence des variables monétaires et
financières est relégué au second rang après le canal du crédit au niveau de l‟influence des
réactions des variables cibles de la politique monétaire de BAM.

Ce changement du processus d‟acheminement des actions de politique monétaire de BAM


est surprenant, car la configuration de l‟économie marocaine et de son système financier
plaident pour le positionnement du canal du crédit à la tête des canaux de transmission.
Le recul du canal des taux d‟intérêt face au canal du crédit dans l‟influence des variables
cibles se trouve aussi à l‟origine de la faiblesse de la transmission et du comportement
étonnant de ces variables. Surtout que selon ce schéma de diffusion la grande partie des
mesures de politique monétaire réceptionnée en premier par le canal du taux d‟intérêt,
n‟arrive pas en totalité aux variables cibles. Au contraire, la capacité du canal du crédit à
transmettre le plus de mesures vers les variables cibles, aurait rendue la transmission
meilleure et plus prononcée si le principal de l‟action de la banque centrale est capté en
priorité par les rouages du canal du crédit.

La faiblesse et le dysfonctionnement des canaux de transmission sont attribués, entre autres,


aux facteurs avancés précédemment pour expliquer le comportement des variables cibles, aux
caractéristiques du système financier marocain ainsi qu‟à son degré de développement et de
modernité.
Le positionnement du canal des taux d‟intérêt reflète un manque d‟opérationnalité des voies
logiquement empruntables par les actions liées à cette variable. Ce manque de sensibilité des
agents économiques aux variations des taux d‟intérêt est dû à plusieurs éléments. Le premier
tiendrait au degré encore insuffisant de la pénétration des banques dans l‟économie et à une
possible position d‟une partie non négligeable de la population marocaine, se revendiquant
respectueuse des préceptes de l‟Islam, vis-à-vis du système bancaire conventionnel.
Egalement, la nature des flux financiers issue de l‟informel est à l‟origine de la fuite d‟une
importante part de l‟activité économique des services du système de paiement traditionnel.
206
La structure du système bancaire ne favorise pas une concurrence sur ce secteur et met les
agents économiques non financiers en position faible au moment de la négociation des
conditions de financement. Cette situation engendre une méfiance sur le marché du crédit et
permet aux institutions financières de neutraliser une partie des mesures de politique
monétaire.
Conjuguée au manque de dynamisme et d‟accessibilité du marché financier, cette relative
insensibilité des patrimoines et des richesses des agents économiques vis-à-vis des variations
des taux d‟intérêt limite aussi la diffusion de la politique monétaire par le canal des prix des
actifs.
Les arguments avancés pour expliquer la faiblesse du canal du taux d‟intérêt et des prix des
actifs devraient normalement plaider pour la supériorité du canal du crédit. Mais ils
constituent en réalité des freins au fonctionnement de ce dernier canal, dans le sens où
l‟indifférence des agents économiques vis-à-vis des conditions monétaires et financières,
influencées par BAM, limite les effets transitant par le mécanisme de l‟offre et de la demande
du crédit. Par exemple, la faiblesse du recours au financement direct devrait renforcer le poids
du canal du crédit, mais la structure du système bancaire ne permet pas un bon
fonctionnement de ce marché, car le manque de concurrence et le poids des banques sur le
marché leur donne plus de pouvoir dans la détermination des conditions de financement.
Egalement, le fait que des pans entiers de l‟économie marocaine restent à l‟écart du système
bancaire et financier, que ce soit à cause de leur activité non structurée ou de leur position
culturelle ou religieuse, réduit le volume du marché du crédit et limite la portée de son canal
dans la transmission de la politique monétaire de BAM.

L‟ensemble de ces facteurs avancés doit être rapproché de l‟effet du niveau de la liquidité sur
l‟effectivité des canaux de transmission. En fait, la surliquidité, qui a caractérisé l‟économie
marocaine jusqu‟à fin 2007, a limité la portée des canaux de transmission, notamment celui
du crédit. Car, en disposant d‟énormes quantités de liquidité, les banques arrivent à répercuter
moins les décisions de BAM dans leurs conditions de financement de l‟économie. L‟état de
pénurie de liquidité qui touche l‟économie du Maroc depuis 2008, devrait normalement
favoriser le processus de transmission puisque les banques sollicitent davantage les concours
de BAM. Mais le caractère concentré de l‟activité bancaire et la persistance de l‟importance
des dépôts non rémunérés dans les ressources des institutions financières, leur permettent de

207
continuer à neutraliser au moins une partie des décisions de BAM et compromettre
partiellement les mécanismes de transmission de sa politique monétaire.

Pour compléter l‟explication de la portée de l‟action de la banque centrale sur l‟économie et


l‟opérationnalité des canaux de transmission, il est indispensable de se référer aussi à
l‟environnement économique global interne et externe pour saisir l‟influence des facteurs
exogènes sur ce processus. Ainsi, l‟étude de l‟influence des facteurs budgétaire et extérieur,
sur la transmission de la politique monétaire de BAM montre que ces éléments perturbent le
comportement des variables cibles et le processus de transmission de manière globale.
Le facteur budgétaire impacte la diffusion des actions de politique monétaire à travers son
effet direct sur le niveau des prix de certains produits de première nécessité et globalement sur
le niveau général des prix à travers les coûts de production. Mais aussi d‟une manière
indirecte via le soutien de la demande et de l‟offre grâce aux dépenses publiques totales.
Le facteur extérieur, quant à lui, agit sur le processus de transmission à travers plusieurs
voies. En fait, les flux de capitaux influencent la masse monétaire et les conditions de
financement de l‟économie, et par conséquent, la trajectoire de l‟activité économique et
l‟évolution des prix. Aussi, la demande étrangère affecte le niveau de l‟offre ainsi que le
niveau des réserves en devise, impactant donc le niveau de la liquidité déterminante du
comportement des institutions financières vis-à-vis des demandes de financement établies par
les agents économiques.
De même, la dépendance vis-à-vis des prix de l‟énergie exerce des effets sur les prix
domestiques à travers les coûts de production.
Toujours dans le cadre du facteur exogène, la fixité du taux de change du MAD constitue un
élément de passage de l‟inflation importée et un déterminant de l‟activité économique via la
variation de la demande étrangère principalement.
L‟examen empirique de cette question a révélé que les facteurs exogènes précédemment
identifiés influencent significativement les réactions des variables « objectifs » et le processus
de transmission dans sa globalité. Mais BAM ne semble pas intégrer suffisamment leurs
variations dans ses moyens ou ses indicateurs à suivre pour décider de sa politique monétaire.

Au total, le processus de transmission de la politique monétaire de BAM aux secteurs


monétaire, financier et réel est incomplet. C‟est pourquoi toutes mesures allant dans le sens de
développement et de modernisation de l‟économie, une ouverture et un élargissement du

208
système financier et la prise en compte des effets des facteurs exogènes ne peuvent que
stimuler les mécanismes de transmission. Cela permet d‟améliorer le fonctionnement des
canaux de diffusion, les rendre plus opérationnels et engendrer des réactions significatives et
logiques des différentes variables intervenant dans ce processus.
Par ailleurs, le suivi de la trajectoire de la politique budgétaire et notamment du programme
de la décompensation doit permettre à BAM d‟être plus réactive face à l‟évolution des prix.
En effet, la suppression ou la réduction des subventions des prix de certains produits est
capable d‟exercer plus de pressions haussières sur les prix.
Aussi, la poursuite de l‟ouverture commerciale et financière oblige d‟aborder davantage le
facteur extérieur pour anticiper les effets des flux des capitaux et la volatilité de la demande
étrangère, ainsi que son impact sur l‟activité nationale et les prix domestiques.
Force est de constater que l‟ensemble de ces mesures n‟est pas exclusivement du ressort de
BAM, les autres décideurs de politique économique sont particulièrement concernés par ces
actions.

Au terme de ce travail d‟investigation de la transmission de la politique monétaire à


l‟économie marocaine, il convient de noter que les résultats obtenus dans nos études semblent
en partie contraires aux enseignements théoriques. En revanche, ils sont globalement proches
des enseignements empiriques des travaux menés sur le cas marocain. A noter qu‟ils sont tout
de même explicables au vu de la configuration de l‟économie marocaine et de son système
financier ainsi que de son intégration dans l‟économie mondiale.
Ceci étant, il importe de souligner que nos résultats sont significativement sensibles à la
méthodologie employée. Les hypothèses de travail appliquées et notamment les restrictions et
les exigences techniques sont vraisemblablement responsables d‟une partie des résultats
enregistrés au niveau des comportements des différentes variables de notre système
empirique. Dans ce sens l‟étalement de la période étudiée peut être à l‟origine de quelques
résultats étonnants. En conséquence, dès que la disponibilité des statistiques le permet, il faut
mener des études sur des périodes différentes. Par exemple, les études empiriques sur des
périodes post statut de 2006 de BAM seront basées sur des statistiques relativement fiables,
mieux élaborées et couvrant un large champ.

209
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224
Annexes

Annexe A du chapitre II

Le développement192 suivant montre l‟écriture du SVAR et les modalités de sa transformation


afin de permettre son estimation.
En rappelant la forme simplifiée du SVAR
 0Yt  1Yt 1   2Yt 2  ...  pYt  p   t (1)

Avec Yt qui représente le vecteur des variables de notre système


L‟utilisation du passé et du présent des variables lors de l'explication du comportement des
autres variables dans la modélisation VAR, nous permet d‟introduire un opérateur de retard
dans l'équation (1) et écrire :
= donc = et =
p
En écrivant A(L) =  L
i 0
i
i

Avec A(L) = A0 – A1L – A2L2 – … – ApLp


Nous retrouvons la forme réduite du VAR en fonction du polynôme générateur de retard
A(L).
L‟équation du VAR Structurel est donc notée :
A(L) Yt =  t (2)
Dans un VAR stationnaire, la matrice A(L) est inversible, cette forme peut être transformée
suivant le théorème de Wold.
L‟écriture Yt  ( L) 1  t permet d‟isoler le facteur Yt et obtenir le vecteur des variables de
notre système en fonction de la matrice A(L) et du terme des erreurs.
Si ( L) 1 = D(L) donc Yt  D(L)  t (3)

(3) devient selon le théorème de Wold Yt  D0  t  D1  t 1  ...  Dk  tk (4)


Ainsi, l'estimation du VAR structurel conditionne le passage par une forme réduite du VAR,
car elle permet l'estimation des chocs structurels à partir des erreurs du VAR réduit.

192
Ce point méthodologique sur le SVAR est basé sur : Sims (1980) ; Zivot (2000) ; Mignon et Lardic (2002) ;
Goux (2003) ; Bourbonnais (2004) ; Lutkepohl (2005) et NBER Institute (2008).

225
La forme réduite du VAR est donnée comme suit
Yt  1Yt 1   2Yt 2  ...  pYt  p  et
Avec et représente le terme des résidus, B la matrice des coefficients et 0   . Nous avons
ignoré ici le terme constant du VAR simple pour simplifier la démonstration.
De la même manière que dans l'équation (1) nous introduisons l'opérateur de retard tel que
p
(L) =  L
j 0
j
j

Avec B(L) = B0 – B1L – B2L2 – … – BpLp


Nous retrouvons la forme réduite du VAR (L) Yt = et
Les variables sont déterminées ou expliquées par les valeurs retardées. Le terme d'erreur
représente la partie non expliquée de la variable sans être lié aux chocs structurels.
La matrice (L) est inversible et nous permet de noter Yt = B ( L) 1 et (5)

Avec C (L) = ( L) 1 nous obtenons Yt = C (L) et (6)

Ainsi, (5) devient selon le théorème de Wold Yt  et  C1 et 1  C 2 et 2  ...  C p et  p (7)

De l'équation (3) et (6) nous pouvons écrire D(L)  t = C (L) et , c'est-à-dire que les deux
termes d'erreurs de la forme réduite et de la forme structurelle sont liés par deux matrices. Ou
encore
( L) 1  t = ( L) 1 et
L'estimation du VAR structurel paraît donc possible en passant par l'estimation des deux
matrices (L) et (L) .
La matrice C(L) est estimable à partir du VAR standard, reste donc à déterminer la matrice
D(L).
Pour simplifier davantage, nous comparons terme par terme les équations (4) et (7)
Yt  D0  t  D1  t 1  ...  Dk  tk (4)

Yt  et  C1 et 1  C 2 et 2  ...  C p et  p (7)

Nous obtenons D0  t = et

Sachant que 0   et ( L) 1 = D(L) et C (L) = ( L) 1

Nous avons 01  t =  01 et ou encore et  01  t

226
La dernière équation du VAR Structurel est qualifiée dans la littérature de "B model"193
c'est-à-dire qu'il faut considérer l'erreur de prévisions comme une fonction linéaire des
innovations structurelles par une relation du genre et  B  t , ici ce sont des restrictions de
long terme sur les innovations structurelles qu'il faut imposer.

D'un autre coté, les "A model" sont définis comme des modèles où les restrictions
d'identification sont à intégrer dans la matrice des coefficients des variables observables
directement, c'est-à-dire des restrictions de court terme. Ainsi les termes d'erreurs sont liés par
la relation suivante194 :  t = A et
Enfin, la combinaison des deux cas nous donne les "AB model"195. Dans ce cas les termes
d'erreurs sont en relation sous la forme suivante A et  B  t , cette relation peut s'écrire aussi
1
et   1 B  t ou encore  t = A B et

Ce modèle se caractérise par la nécessité d'imposer des restrictions dans les deux matrices.
Ces restrictions sont de court terme dans la matrice A et de long terme dans la matrice B.
Grâce à la mise en avant de la relation entre les erreurs de la forme réduite et celles de la
forme structurelle du VAR, il est possible d'estimer le VAR structurel par l'identification et
l'estimation des matrices qui lient les deux termes d‟erreurs des deux formes.
Sur la base des trois configurations du modèle VAR structurel, il est courant dans la littérature
économétrique d'exprimer la relation entre les erreurs par l'intégration d'une matrice P
(matrice de passage) nécessaire pour passer des erreurs canoniques aux chocs structurels.
Cette matrice se présente comme suit : et  P  t .

Son développement en fonction de la matrice de variances covariances des erreurs de la

forme réduite du VAR donne PP'= .


En réalité la matrice P (de passage) comprend n² paramètres inconnus (Mignon et Lardic,

2002). Et puisque par définition la matrice est symétrique, il est possible d'imposer
n(n+1)/2 contraintes sur les éléments de la matrice P. Ces n(n+1)/2 restrictions sont des

193
Voir Lutkepohl (2005) page 371/764.
194
Idem page 368/764.
195
Idem page 373/764.
227
contraintes d'orthogonalisation, c‟est-à-dire qu‟elles rendent la matrice Sigma (qui est PP' =
) diagonale.
Autrement dit, l‟imposition de la non corrélation des chocs d'une même période permet
d'imposer n(n+1)/2 contraintes sur les éléments de la matrice P.

Annexe AI du Chapitre III


Modèle simplifié

Tableau AI.1 : Récapitulatifs des résultats de l’étude de la stationnarité au Maroc

Tableau AI.2 : Récapitulatifs des résultats de l’étude de la stationnarité en Tunisie

Tableau AI.3 : Récapitulatifs des résultats de l’étude de la stationnarité en Turquie

228
Figure AI.1 : Fonctions des réponses des variables aux impulsions des différents chocs (IRFs) pour la Tunisie

Fonctions des réponses des variables aux impulsions des chocs


PIB IPC TMM
2.0 0.020 0.8

0.015 0.6
1.5
0.010
0.4
Choc d'Offre

Choc d'Offre

Choc d'Offre
1.0
0.005
0.2
0.000
0.5
0.0
-0.005
0.0
-0.010 -0.2

-0.5 -0.015 -0.4


5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

PIB IPC TMM


1.25 0.015 0.20

1.00 0.15
0.010
0.75
0.10
Choc de Demande

Choc de Demande

Choc de Demande
0.50 0.005
0.05
0.25
0.000 -0.00
0.00
-0.05
-0.25 -0.005
-0.10
-0.50
-0.010
-0.75 -0.15

-1.00 -0.015 -0.20


5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

PIB IPC TMM


0.75 0.0075 0.9

0.8
0.0050
Choc de Politique Monétaire

Choc de Politique Monétaire

0.50

Choc Politique Monétaire


0.7
0.0025
0.25 0.6

0.0000 0.5

0.00 0.4
-0.0025
0.3
-0.25
-0.0050
0.2

-0.50 -0.0075 0.1


5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

229
Figure AI.2 : Fonctions des réponses des variables aux impulsions des différents chocs (IRFs) pour la Turquie

Fonctions des réponses des variables aux impulsions des chocs


PIB IPC TMM
12 0.015 6

10 0.010
4
8
0.005
Choc d'Offre

Choc d'Offre

Choc d'Offre
2
6
0.000
4
0
-0.005
2
-2
0 -0.010

-2 -0.015 -4
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

PIB IPC TMM


6 0.015 0.75

4 0.010 0.50

0.25
Choc de Demande

Choc de Demande

Choc de Demande
2 0.005
0.00
0 0.000
-0.25
-2 -0.005
-0.50

-4 -0.010 -0.75

-6 -0.015 -1.00
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

PIB IPC TMM


0.0 0.014 15.0

-2.5 0.012
12.5
Choc de Politique Monétaire

Choc de Politique Monétaire

Choc Politique Monétaire


0.010
-5.0
10.0
0.008
-7.5
0.006 7.5
-10.0
0.004
5.0
-12.5
0.002

-15.0 2.5
0.000

-17.5 -0.002 0.0


5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

230
Tableau AI.4 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) de la
Tunisie

Tableau AI.5 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) de la


Turquie

231
Modèle standard

Tableau AI.6 : Récapitulatifs des résultats de l’étude de la stationnarité au Maroc

Tableau AI.7 : Récapitulatifs des résultats de l’étude de la stationnarité en Tunisie

Pour la Turquie, M3 n‟est pas disponible pour toute la période étudiée, nous avons retenu M2
à sa place.

Tableau AI.8 : Récapitulatifs des résultats de l’étude de la stationnarité en Turquie

Les principaux résultats sont résumés en dessous.


Les graphiques des fonctions de réponses impulsionnelles (IRFs) sont donnés par rapport à un
choc de un écart type (one standard déviation).

232
Figure AI.3 : Fonctions des réponses des variables aux impulsions des différents chocs (IRFs) pour la Tunisie

Fontions des réponses des variables aux impulsions des chocs


Prix des actifs Crédit PIB IPC TMM
0 .0 7 0 .01 5 0 .15 0 .01 0 0 0 .20

0 .0 6 0 .10 0 .00 7 5
0 .01 0 0 .15
0 .0 5 0 .05
Choc des Prix des Actifs

0 .00 5 0
0 .0 4 0 .00 5 -0 .0 0 0 .10
0 .00 2 5
0 .0 3 -0 .0 5
0 .00 0 0 .00 0 0 0 .05
0 .0 2 -0 .1 0
-0 .0 02 5
0 .0 1 -0 .0 05 -0 .1 5 0 .00

0 .0 0
-0 .0 05 0
-0 .2 0
-0 .0 10 -0 .0 5
-0 .0 1 -0 .2 5 -0 .0 07 5

-0 .0 2 -0 .0 15 -0 .3 0 -0 .0 10 0 -0 .1 0
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

Prix des actifs Crédit PIB IPC TMM


0 .1 5 0 .02 5 1 .00 0 .00 4 0 .25

0 .02 0 0 .75 0 .00 3 0 .20


0 .1 0
0 .01 5 0 .50 0 .15
0 .00 2
0 .0 5 0 .01 0 0 .25 0 .10
Choc du Crédit

0 .00 1
0 .00 5 0 .00 0 .05
0 .0 0 0 .00 0
0 .00 0 -0 .2 5 -0 .0 0
-0 .0 01
-0 .0 5 -0 .0 05 -0 .5 0 -0 .0 5
-0 .0 02
-0 .0 10 -0 .7 5 -0 .1 0
-0 .1 0
-0 .0 15 -1 .0 0 -0 .0 03 -0 .1 5

-0 .1 5 -0 .0 20 -1 .2 5 -0 .0 04 -0 .2 0
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

Prix des actifs Crédit PIB IPC TMM


0 .1 0 0 0 .03 1 .00 0 .00 4 0 .3

0 .0 7 5 0 .75 0 .00 3
0 .02 0 .2
0 .0 5 0
0 .50 0 .00 2
0 .0 2 5 0 .01 0 .1
0 .25 0 .00 1
Choc d'O ffre

-0 .0 0 0
0 .00 0 .00 0 .00 0 0 .0
-0 .0 2 5
-0 .2 5 -0 .0 01
-0 .0 5 0 -0 .0 1 -0 .1
-0 .5 0 -0 .0 02
-0 .0 7 5
-0 .0 2 -0 .2
-0 .1 0 0 -0 .7 5 -0 .0 03

-0 .1 2 5 -0 .0 3 -1 .0 0 -0 .0 04 -0 .3
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

Prix des actifs Crédit PIB IPC TMM


0 .0 1 0 0 0 .03 0 .3 0 .00 3 0 .3

0 .0 0 7 5
0 .02 0 .2 0 .00 2 0 .2
0 .0 0 5 0
Choc de Demande

0 .01 0 .1 0 .00 1 0 .1
0 .0 0 2 5

0 .0 0 0 0 0 .00 0 .0 0 .00 0 0 .0

-0 .0 0 2 5
-0 .0 1 -0 .1 -0 .0 01 -0 .1
-0 .0 0 5 0
-0 .0 2 -0 .2 -0 .0 02 -0 .2
-0 .0 0 7 5

-0 .0 1 0 0 -0 .0 3 -0 .3 -0 .0 03 -0 .3
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

Prix des actifs Crédit PIB IPC TMM


0 .1 0 0 0 .01 5 0 .6 0 .00 3 0 .4

0 .0 7 5 0 .01 0 0 .4 0 .00 2 0 .3
Choc de Politique Monétaire

0 .0 5 0 0 .00 5 0 .00 1 0 .2
0 .2
0 .0 2 5 0 .00 0 0 .00 0 0 .1
0 .0
0 .0 0 0 -0 .0 05 -0 .0 01 0 .0
-0 .2
-0 .0 2 5 -0 .0 10 -0 .0 02 -0 .1

-0 .0 5 0 -0 .0 15 -0 .4 -0 .0 03 -0 .2

-0 .0 7 5 -0 .0 20 -0 .6 -0 .0 04 -0 .3
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

233
Figure AI.4 : Fonctions des réponses des variables aux impulsions des différents chocs (IRFs) pour la Turquie

Fontions des réponses des variables aux impulsions des chocs


Prix des actifs Crédit PIB IPC TMM
0 .2 2 5 0 .04 0 2 .0 0 .00 6 1 .50

0 .03 5 1 .25
0 .2 0 0 1 .5 0 .00 4
0 .03 0 1 .00
Choc des Prix des Actifs

0 .1 7 5 0 .00 2
0 .02 5 1 .0 0 .75
0 .1 5 0 0 .02 0 0 .00 0 0 .50
0 .5
0 .1 2 5 0 .01 5 -0 .0 02 0 .25

0 .01 0 0 .0 0 .00
0 .1 0 0 -0 .0 04
0 .00 5 -0 .2 5
0 .0 7 5 -0 .5 -0 .0 06
0 .00 0 -0 .5 0

0 .0 5 0 -0 .0 05 -1 .0 -0 .0 08 -0 .7 5
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

Prix des actifs Crédit PIB IPC TMM


0 .1 0 0 .04 4 0 .00 7 5 1 .5

0 .0 8 0 .03 3
1 .0
0 .0 6 2 0 .00 5 0
0 .02
0 .0 4 1 0 .5
Choc du Crédit

0 .01 0 .00 2 5
0 .0 2 0
0 .00 0 .0
0 .0 0 -1
-0 .0 1 0 .00 0 0
-0 .0 2 -2 -0 .5
-0 .0 2
-0 .0 4 -3 -0 .0 02 5
-1 .0
-0 .0 6 -0 .0 3 -4

-0 .0 8 -0 .0 4 -5 -0 .0 05 0 -1 .5
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

Prix des actifs Crédit PIB IPC TMM


0 .1 5 0 .07 5 4 0 .00 7 5 3

3
0 .1 0 0 .00 5 0 2
0 .05 0
2
0 .0 5 0 .00 2 5 1
0 .02 5 1
Choc d'O ffre

0 .0 0 0 0 .00 0 0 0
0 .00 0 -1
-0 .0 5 -0 .0 02 5 -1
-2
-0 .0 25
-0 .1 0 -0 .0 05 0 -2
-3

-0 .1 5 -0 .0 50 -4 -0 .0 07 5 -3
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

Prix des actifs Crédit PIB IPC TMM


0 .0 5 0 .05 0 2 .0 0 .00 6 4

0 .0 4 1 .5 3
0 .00 4
0 .0 3 1 .0
0 .02 5 2
Choc de Demande

0 .0 2 0 .5 0 .00 2
1
0 .0 1 0 .0
0 .00 0 0 .00 0 0
0 .0 0 -0 .5
-1
-0 .0 1 -1 .0 -0 .0 02

-0 .0 2 -0 .0 25 -2
-1 .5
-0 .0 04
-0 .0 3 -2 .0 -3

-0 .0 4 -0 .0 50 -2 .5 -0 .0 06 -4
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

Prix des actifs Crédit PIB IPC TMM


0 .1 2 5 0 .07 5 3 0 .00 3 4

0 .1 0 0 3
0 .05 0 2 0 .00 2
Choc de Politique Monétaire

0 .0 7 5
2
0 .02 5 0 .00 1
0 .0 5 0 1
1
0 .0 2 5 -0 .0 00 0 .00 0
0 0
-0 .0 0 0 -0 .0 25 -0 .0 01
-1
-0 .0 2 5 -1
-0 .0 50 -0 .0 02
-0 .0 5 0
-2

-0 .0 75 -2 -0 .0 03
-0 .0 7 5 -3

-0 .1 0 0 -0 .1 00 -3 -0 .0 04 -4
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

234
Tableau AI. 9 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) de la
Tunisie

235
Tableau AI. 10 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) de la
Turquie

236
Annexe AI.I du chapitre II: modèle complémentaire

Transmission de la politique monétaire aux variables monétaires et financières

Cadre méthodologique

Le modèle est constitué de quatre variables, l‟une représente la variable de la politique


monétaire, alors que les trois autres approximent les trois principaux canaux de transmission
de la politique monétaire. Il s‟agit du taux d‟intérêt de la politique monétaire, du crédit, des
prix des actifs et de l‟indicateur de masse monétaire (M3 pour le Maroc et la Tunisie et M2
pour la Turquie).
La fréquence des données est trimestrielle, exprimée en logarithme sauf le taux d‟intérêt. Les
séries couvrent la période 1998:1 2013:1 pour le Maroc, 2000:1 2012:4 pour la Tunisie et
2002:4 2012:4 pour la Turquie.
Les séries ont subi un traitement de saisonnalité et une étude de la stationnarité, comme les
autres modèles.
L‟ordre retenu s‟inspire de celui du modèle standard. Il se présente comme suit :
Bourse CB M3 TXINTER (TMM)
Sur la base de la note méthodologique VARS, notre modèle avec 4 variables nécessite
4(4-1)/2 = 6 restrictions supplémentaires pour pouvoir l‟identifier et donner un sens plus
économique à l'interprétation de ses résultats.
Le caractère monétaire et financier de nos variables justifie notre choix d‟imposer plus de
contraintes à court terme. Les restrictions retenues se présentent comme suit :

A court terme :

Les prix des actifs ne sont pas censés réagir, au moins à court terme, à un choc de politique
monétaire, d'autant plus que le marché boursier du Maroc est peu accessible, contient peu de
papier et est dominé par les investisseurs institutionnels. Nous notons donc Bourse to
Txinter=0.
Pour les mêmes raisons, le crédit ne réagit pas instantanément à un choc des prix des actifs.
De plus, il s'écoule souvent un certain temps avant que les bilans des agents économiques ne
leur permettent d‟emprunter davantage. Ici nous avons CB to bourse=0.

237
Se référant au cadre opérationnel des trois banques centrales et la justification des restrictions
au niveau du modèle standard, nous admettons la nullité de l‟effet des prix des actifs et du
crédit sur le taux d‟intérêt de la politique monétaire. Ces deux contraintes sont notées :
Txinter to Bourse=0 et Txinter to CB=0.

A long terme :

Les deux seules restrictions de long terme sont imposées sur les réponses du taux d'intérêt de
la politique monétaire, car en avançant les mêmes arguments liés aux stratégies des banques
centrales, nous pouvons admettre l‟insensibilité des taux d‟intérêt aux prix des actifs et au
crédit. Nous notons ces deux restrictions de la manière suivante : Txinter to Bourse=0 et
Txinter to CB=0
En résumé, l‟ensemble des restrictions sont présentées dans le tableau suivant :

Restrictions du modèle complémentaire

Court terme Long terme

Bourse to Txinter=0

CB to bourse=0 Txinter to Bourse=0

Txinter to Bourse=0 Txinter to CB=0

Txinter to CB=0

La vérification de ces prés-requis nous a permis d‟estimer les modèles pour les trois pays. Les
résultats sont présentés comme suit :

238
Figure AI.5 : Fonctions des réponses des variables aux impulsions des différents chocs (IRFs) pour le Maroc, modèle complémentaire

Fontions des réponses des variables aux différents chocs


Bourse Crédit M3 Txinter
0.5 0.7 0.6 0.20

0.6 0.5 0.15


0.4
Ch o c d es Prix d es Actifs

0.5
0.4 0.10

0.3 0.4
0.3 0.05
0.3
0.2 0.00
0.2
0.2
0.1 -0.05
0.1
0.1
0.0 0.0 -0.10

0.0 -0.1 -0.1 -0.15


5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

Bourse Crédit M3 Txinter


0.05 0.25 0.25 0.10

0.20 0.20
-0.00 0.05
0.15
0.15
-0.05 -0.00
Ch o c d u Cr éd it

0.10
0.10
-0.10 0.05 -0.05
0.05
0.00
-0.15 -0.10
0.00
-0.05
-0.20 -0.05 -0.15
-0.10

-0.25 -0.15 -0.10 -0.20


5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

Bourse Crédit M3 Txinter


0.4 0.6 0.8 0.4

0.3 0.5 0.3


Ch o c d e la Masse Mo n étair e

0.6
0.2 0.4
0.2
0.1 0.3 0.4
0.1
-0.0 0.2
0.0
-0.1 0.1 0.2

-0.1
-0.2 0.0
0.0
-0.3 -0.1 -0.2

-0.4 -0.2 -0.2 -0.3


5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

Bourse Crédit M3 Txinter


0.3 0.2 0.2 0.4

0.1
Ch o c d e POlitiq u e Mo n étair e

0.2 0.1
0.3
-0.0
0.1 -0.0
-0.1 0.2
0.0 -0.1 -0.2

-0.3 0.1
-0.1 -0.2
-0.4
0.0
-0.2 -0.3
-0.5

-0.3 -0.4 -0.6 -0.1


5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

239
Figure AI.6 : Fonctions des réponses des variables aux impulsions des différents chocs (IRFs) pour la Tunisie, modèle complémentaire

Fontions des réponses des variables aux impulsions des chocs


Bourse Crédit M3 TMM
0.125 0.05 0.06 0.20

0.05
0.100 0.04
0.04 0.15
Ch o c d es Prix d es Actifs

0.03
0.075 0.03
0.10
0.02 0.02
0.050
0.01 0.01
0.05
0.025 0.00
0.00
-0.01 0.00
0.000 -0.01
-0.02

-0.025 -0.02 -0.03 -0.05


5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

Bourse Crédit M3 TMM


0.10 0.08 0.05 0.150

0.08 0.07 0.125


0.04 0.100
0.06 0.06
0.075
Ch o c d u Cr éd it

0.04 0.05 0.03


0.050
0.02 0.04
0.025
0.00 0.03 0.02
0.000
-0.02 0.02
0.01 -0.025
-0.04 0.01 -0.050

-0.06 0.00 0.00 -0.075


5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

Bourse Crédit M3 TMM


0.3 0.08 0.08 0.6

0.2 0.06 0.06 0.4


Ch o c d e la Masse Mo n étair e

0.2
0.1 0.04 0.04
-0.0
0.0 0.02 0.02
-0.2
-0.1 0.00 0.00
-0.4

-0.2 -0.02 -0.02 -0.6

-0.3 -0.04 -0.04 -0.8


5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

Bourse Crédit M3 TMM


-0.000 0.01 0.01 0.6

-0.025 0.00 0.00


Ch o c d e POlitiq u e Mo n étair e

-0.050 0.5
-0.01
-0.01
-0.075
-0.02 0.4
-0.100 -0.02
-0.03
-0.125 -0.03
-0.04 0.3
-0.150
-0.04
-0.05
-0.175 0.2
-0.06 -0.05
-0.200

-0.225 -0.07 -0.06 0.1


5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

240
Figure AI.7 : Fonctions des réponses des variables aux impulsions des différents chocs (IRFs) pour la Turquie, modèle complémentaire

Fontions des réponses des variables aux impulsions des chocs


Bourse Crédit M3 TMM
0.24 0.06 0.06 0.50

0.22 0.05 0.04 0.25


Ch o c d es Prix d es Actifs

0.20 0.02
0.04 0.00
0.18 0.00
0.03 -0.25
0.16 -0.02
0.02 -0.50
0.14 -0.04
0.01 -0.75
0.12 -0.06

0.10 0.00 -0.08 -1.00

0.08 -0.01 -0.10 -1.25


5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

Bourse Crédit M3 TMM


0.15 0.08 0.15 3.0

0.10 0.10 2.5


0.06
0.05 0.05
2.0
0.04
Ch o c d u Cr éd it

-0.00 -0.00
1.5
-0.05 0.02 -0.05
1.0
-0.10 -0.10
0.00
0.5
-0.15 -0.15
-0.02 0.0
-0.20 -0.20

-0.25 -0.04 -0.25 -0.5


5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

Bourse Crédit M3 TMM


0.15 0.150 0.40 8

0.10 0.125 0.35


6
Ch o c d e la Masse Mo n étair e

0.100 0.30
0.05
0.075 0.25 4
-0.00
0.050 0.20
-0.05 2
0.025 0.15
-0.10
0.000 0.10 0
-0.15
-0.025 0.05
-2
-0.20 -0.050 0.00

-0.25 -0.075 -0.05 -4


5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

Bourse Crédit M3 TMM


0.20 0.050 0.15 6

0.025 0.10
Ch o c d e POlitiq u e Mo n étair e

0.15 4
0.05
-0.000
0.10 -0.00 2
-0.025
-0.05
0.05 -0.050 0
-0.10
-0.075
0.00 -0.15 -2
-0.100
-0.20
-0.05 -4
-0.125 -0.25

-0.10 -0.150 -0.30 -6


5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

241
Tableau AI. 11 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) du
Maroc, modèle complémentaire

242
Tableau AI. 12 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) de la
Tunisie, modèle complémentaire

243
Tableau AI. 13 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) de la
Turquie, modèle complémentaire

244
Annexe AII du Chapitre IV

Tableau AII.1 : récapitulatif des résultats de l’étude de la stationnarité au Maroc

Annexe AII.I du Chapitre IV : Cadre méthodologique pour la Tunisie et la Turquie

Tunisie

De la même manière qu‟au Maroc, le taux de change effectif réel est supposé représenter les
facteurs externes en Tunisie et en Turquie.

L‟orientation de la politique budgétaire vers l‟investissement, les actions sociales et le soutien


à la demande est un caractère universel. C‟est pourquoi l‟hypothèse de l‟existence de son
impact sur la transmission de la politique monétaire en Tunisie et en Turquie peut être admise
dans les mêmes circonstances qu‟au Maroc. S‟agissant des dépenses de compensation, nous
l‟admettons seulement pour le Maroc et la Tunisie, car la Turquie a arrêté ce programme
avant les années 2000, début de la période étudiée.
En raison de la disponibilité des données des dépenses publiques seulement annuellement, le
modèle de la Tunisie n‟intègre pas l‟indicateur de la politique budgétaire. En Turquie la
politique budgétaire est représentée directement par les dépenses publiques globales.

Sur la période 2000:1 2012:4, les séries sont exprimées en logarithmes sauf le taux d‟intérêt
de la politique monétaire et le PIB, exprimés déjà en taux de croissance.
Les séries du modèle de la Tunisie sont intégrées de cette manière : TCER PIB IPC TMM.
Après dessaisonalisation des séries présentant un caractère saisonnier, l‟étude des propriétés
stochastiques a été effectuée. Le tableau suivant résume les résultats de l‟étude de la
stationnarité.

245
Récapitulatif des résultats de l’étude de la stationnarité des séries de données pour la
Tunisie

A cause du nombre de variables et l‟absence des dépenses publiques dans le modèle, les
restrictions sont différentes et sont présentées comme suit :
A quatre variables, le modèle de la Tunisie nécessite (4(4-1))/2=6 restrictions en plus des
contraintes d'orthogonalisation pour estimer le modèle VARS.
Ces restrictions sont en partie les même que dans le cas du Maroc. Mais pour tenir compte du
nombre de variables, de leur classement et des exigences techniques, nous avons changé deux
restrictions.
Les restrictions tirées du cadre méthodologique appliqué au Maroc et à la Turquie sont :
A court terme : IPC to Txinter = 0 ; Txinter to TCER=0
A long terme : PIB to IPC=0 ; Txinter to TEER=0

Pour atteindre les 6 restrictions, nous avons choisi d'imposer deux restrictions
supplémentaires.
A court terme, la théorie économique reste floue et sans consensus sur l'impact de l'ouverture
économique sur la croissance économique. Ainsi, l‟effet de la fluctuation du taux de change
sur l‟activité économique n‟est pas tranché non plus. Car bien qu‟un courant insiste sur
l‟apport favorisant l‟ouverture sur la croissance, le régime peu flexible du taux de change du
Dinar tunisien (TUD) s‟oppose ou contredit cet effet.
De plus, les producteurs, les investisseurs ou les opérateurs économiques prennent en compte
plutôt le niveau du taux de change à moyen long terme dans la prise de leur décision de
consommation et de production. Notre restriction suffisamment justifiée est notée PIB to
TCER =0. A souligner que cette contrainte à court terme tient compte tout de même des effets
possibles de l‟ouverture sur la croissance économique.

246
A long terme, les monétaristes recommandent la concentration de la politique monétaire sur la
stabilité des prix au lieu de chercher à asseoir les bonnes conditions monétaires pour la
croissance économique et lutter contre le chômage. Ils avancent contrairement aux keynésiens
que l'action de la politique monétaire risque de produire à long terme l'inflation et le chômage
et non la croissance économique. C‟est ainsi que nous admettons l‟absence de l‟effet de la
politique monétaire sur le PIB à long terme. Nous notons PIB to TMM=0.

Turquie

L‟étude couvre la période 2002:04 2012:04


Les séries sont exprimées en logarithmes sauf le taux d‟intérêt de la politique monétaire et le
PIB qui sont exprimés déjà en taux de croissance.
L‟ordre des séries dans le modèle est le suivant : TCER DPG PIB IPC TMM

Récapitulatif des résultats de l’étude de la stationnarité des séries de données pour la


Turquie

S‟agissant des restrictions, nous avons retenu les mêmes contraintes de court et de long terme
qu‟au Maroc. Ce choix est motivé par les similitudes entre les économies des trois pays ainsi
que par la volonté d‟homogénéiser au maximum les bases comparatives des résultats du
Maroc avec celles de la Tunisie et de Turquie.
Il convient de souligner que, si les restrictions imposées dans le cas du Maroc peuvent
facilement être transposées aux autres pays, des faiblesses peuvent resurgir surtout au niveau
de la dépendance du taux d‟intérêt de la politique monétaire au taux de change en Turquie.
Ceci étant, nous admettons la nullité de l‟effet du choc de change sur le taux d‟intérêt de la
politique monétaire de la BCRT, car celle-ci déclare suivre clairement la stabilité des prix
dans le cadre du régime flexible du taux change de la Lyre turque (TRY).
Les principaux résultats des estimations pour la Tunisie et la Turquie sont présentés ci-
dessous.
247
Figure AII.1 : Fonctions des réponses des variables aux impulsions des différents chocs (IRFs) pour la Tunisie

Fontions des réponses impulsionnelles


TCER PIB IPC TMM
0.035 0.50 0.015 0.3

0.030 0.25 0.2


0.010
0.025
0.00
0.1
Ch o c Extérieu r

0.020
0.005
-0.25
0.015 0.0
-0.50
0.010 0.000
-0.1
-0.75
0.005
-0.005
-1.00 -0.2
0.000

-0.005 -1.25 -0.010 -0.3


5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

TCER PIB IPC TMM


0.04 4.0 0.04 2.0

3.5
0.03 1.5
0.02
3.0
0.02 1.0
2.5
Ch o c d 'Offr e

0.00
2.0 0.01 0.5
-0.02
1.5
0.00 0.0
1.0
-0.04
-0.01 -0.5
0.5

-0.06 0.0 -0.02 -1.0


5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

TCER PIB IPC TMM


0.03 0.6 0.020 0.6

0.02 0.4 0.015 0.4

0.2 0.010
Ch o c d e Deman d e

0.01 0.2
-0.0 0.005
0.00 0.0
-0.2 0.000
-0.01 -0.2
-0.4 -0.005

-0.02 -0.6 -0.010 -0.4

-0.03 -0.8 -0.015 -0.6


5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

TCER PIB IPC TMM


0.025 0.6 0.0100 1.00

0.020 0.0075
0.4
Ch o c d e Po litiq u e Mo n étair e

0.75
0.015
0.0050
0.2
0.010 0.50
0.0025
0.005 -0.0
0.0000 0.25
0.000 -0.2
-0.0025
-0.005 0.00
-0.4
-0.0050
-0.010
-0.6 -0.25
-0.015 -0.0075

-0.020 -0.8 -0.0100 -0.50


5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

248
Figure AII.2 : Fonctions des réponses des variables aux impulsions des différents chocs (IRFs) pour la Turquie

Fontions des réponses impulsionnelles


TCER DPG PIB IPC TMM
0 .0 1 0 0 0 .01 0 0 3 0 .02 0 0 .8

0 .0 0 7 5 0 .00 7 5 2 0 .01 5 0 .6

0 .0 0 5 0 0 .00 5 0 1 0 .01 0 0 .4
Choc Extérieur

0 .0 0 2 5 0 .00 2 5 0 0 .00 5 0 .2

0 .0 0 0 0 0 .00 0 0 -1 0 .00 0 0 .0

-0 .0 0 2 5 -0 .0 02 5 -2 -0 .0 05 -0 .2

-0 .0 0 5 0 -0 .0 05 0 -3 -0 .0 10 -0 .4

-0 .0 0 7 5 -0 .0 07 5 -4 -0 .0 15 -0 .6
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

TCER DPG PIB IPC TMM


0 .0 0 1 5 0 .02 5 1 0 .00 3 0 .6

0 .02 0
0 .0 0 1 0 0 .00 2
0 .01 5 0 0 .4
0 .0 0 0 5
0 .01 0 0 .00 1
Choc Budgétaire

-1 0 .2
0 .0 0 0 0 0 .00 5
0 .00 0
-0 .0 0 0 5 0 .00 0
-2 0 .0
-0 .0 05 -0 .0 01
-0 .0 0 1 0
-0 .0 10 -3 -0 .2
-0 .0 0 1 5 -0 .0 02
-0 .0 15

-0 .0 0 2 0 -0 .0 20 -4 -0 .0 03 -0 .4
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

TCER DPG PIB IPC TMM


0 .0 0 3 0 .02 0 1 0.0 0 .00 7 5 1 0.0

0 .01 5 7 .5
0 .0 0 2 7 .5
0 .00 5 0
5 .0
0 .01 0
0 .0 0 1 5 .0
2 .5 0 .00 2 5
0 .00 5
Choc d'O ffre

0 .0 0 0 0 .0 2 .5
0 .00 0 0 .00 0 0
-0 .0 0 1 -2 .5 0 .0
-0 .0 05
-5 .0 -0 .0 02 5
-0 .0 0 2 -2 .5
-0 .0 10
-7 .5
-0 .0 0 3 -0 .0 05 0 -5 .0
-0 .0 15 -1 0.0

-0 .0 0 4 -0 .0 20 -1 2.5 -0 .0 07 5 -7 .5
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

TCER DPG PIB IPC TMM


0 .0 0 4 0 .01 0 0 5 .0 0 .00 7 5 6

0 .0 0 3 0 .00 7 5
0 .00 5 0 4
0 .0 0 2 0 .00 5 0 2 .5
Choc de Demande

0 .00 2 5 2
0 .0 0 1 0 .00 2 5

0 .0 0 0 0 .00 0 0 0 .0 0 .00 0 0 0

-0 .0 0 1 -0 .0 02 5
-0 .0 02 5 -2
-0 .0 0 2 -0 .0 05 0 -2 .5
-0 .0 05 0 -4
-0 .0 0 3 -0 .0 07 5

-0 .0 0 4 -0 .0 10 0 -5 .0 -0 .0 07 5 -6
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

TCER DPG PIB IPC TMM


0 .0 0 4 0 .00 3 6 0 .00 3 3

0 .0 0 3
0 .00 2 4 0 .00 2 2
Choc de Politique Monétaire

0 .0 0 2
0 .00 1 2 0 .00 1 1
0 .0 0 1

0 .0 0 0 0 .00 0 0 0 .00 0 0

-0 .0 0 1
-0 .0 01 -2 -0 .0 01 -1
-0 .0 0 2
-0 .0 02 -4 -0 .0 02 -2
-0 .0 0 3

-0 .0 0 4 -0 .0 03 -6 -0 .0 03 -3
5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30

249
Tableau AII.2 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) de la
Tunisie

250
Tableau AII.3 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) de la
Turquie

251
Liste des tableaux

Tab. 1 : Les objectifs de politique monétaire de quelques banques centrales................................ 20

Tab. I.2 : FEVD des Prix, du PIB et du Taux d’intérêt de la politique monétaire (Maroc) ....... 117

Tab. I.3 : Restrictions retenues pour le modèle standard .............................................................. 124

Tab. I.4 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) des prix (Maroc) ..... 127

Tab. I.5 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) du PIB (Maroc)....... 131

Tab. I.6 : Ordre d’intervention des canaux de transmission ......................................................... 133

Tab. I.7: Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) du crédit (Maroc) .... 136

Tab. I.8 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) des prix des actifs
(Maroc) ............................................................................................................................................... 138

Tab. I.9 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) du taux d’intérêt


(Maroc) ............................................................................................................................................... 140

Tab. I.10 : Sources de financement des ménages marocains (en %) ............................................ 152

Tab. I.11 : Evolution du nombre de banques au Maroc ................................................................ 160

Tab. I.12 : Caractéristiques des dépôts collectés par les banques au Maroc ............................... 161

Tab. II.1 : Restrictions retenues pour le modèle avec les facteurs exogènes ................................ 178

Tab. II.2 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) des prix (Maroc) ... 184

Tab. II.3 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) du PIB (Maroc) ..... 188

Tab. II.4 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) des taux d’intérêt
(Maroc) ............................................................................................................................................... 190

Tableau AI.1 : Récapitulatifs des résultats de l’étude de la stationnarité au Maroc .................. 228

Tableau AI.2 : Récapitulatifs des résultats de l’étude de la stationnarité en Tunisie ................. 228

Tableau AI.3 : Récapitulatifs des résultats de l’étude de la stationnarité en Turquie ................ 228

Tableau AI.4 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) de la Tunisie ... 231

Tableau AI.5 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) de la Turquie.. 231

Tableau AI.6 : Récapitulatifs des résultats de l’étude de la stationnarité au Maroc .................. 232
252
Tableau AI.7 : Récapitulatifs des résultats de l’étude de la stationnarité en Tunisie ................. 232

Tableau AI.8 : Récapitulatifs des résultats de l’étude de la stationnarité en Turquie ................ 232

Tableau AI. 9 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) de la Tunisie .. 235

Tableau AI. 10 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) de la Turquie236

Tableau AI. 12 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) de la Tunisie,


modèle complémentaire .................................................................................................................... 243

Tableau AI. 13 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) de la Turquie,


modèle complémentaire .................................................................................................................... 244

Tableau AII.1 : récapitulatif des résultats de l’étude de la stationnarité au Maroc ................... 245

Tableau AII.2 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) de la Tunisie . 250

Tableau AII.3 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) de la Turquie 251

253
Liste des figures

Fig. 1 : Schéma du cadre opérationnel de la politique monétaire ................................................... 21

Fig. 2 : Evolution de la croissance économique au Maroc ............................................................... 69

Fig. 3 : Evolution de l’inflation au Maroc ......................................................................................... 70

Fig. 4 : Evolution du Taux d’intérêt interbancaire au Maroc ......................................................... 75

Fig. 5 : Evolution du Taux d’intérêt du marché monétaire en Tunisie .......................................... 81

Fig. 6 : Evolution de la croissance économique en Turquie............................................................. 82

Fig. 7 : Evolution de l’inflation en Turquie ....................................................................................... 83

Fig. 8 : Evolution du Taux d’intérêt du marché monétaire en Turquie ......................................... 86

Fig. 9 : Schéma synthétique des modèles à estimer .......................................................................... 95

Fig. I.10 : Fonctions des réponses impulsionnelles des variables aux différents chocs (Maroc) 117

Fig. I.11 : Fonctions des réponses des prix aux impulsions des différents chocs (Maroc) .......... 126

Fig. I.12 : Fonctions des réponses du PIB aux impulsions des différents chocs (Maroc) ........... 131

Fig. I.13 : Fonctions des réponses du crédit aux impulsions des différents chocs (Maroc) ....... 136

Fig. I.14 : Fonctions des réponses des prix des actifs aux impulsions des différents chocs
(Maroc)................................................................................................................................................138

Fig. I.15 : Fonctions des réponses du taux d’intérêt aux impulsions des différents chocs
(Maroc)................................................................................................................................................141

Fig. I.16 : Propagation de l’action de la banque centrale .............................................................. 144

Fig. I.17 : Evolution de la consommation des ménages au Maroc ................................................ 148

Fig. I.18 : Evolution du nombre de sociétés cotées à la bourse de Casablanca ............................ 154

Fig. I.19 : Part du crédit intérieur dans le PIB .............................................................................. 156

Fig. I.20 : Montants des reprises de liquidités par BAM ............................................................... 158

Fig. I.21 : Montants des opérations des avances à 7 jours sur appels d’offres ............................ 159

Fig. I.22 : Evolution du taux de la réserve monétaire de Bank Al Maghrib ................................ 159

254
Fig. I.23 : Evolution de la part des cinq premières banques dans les crédits et les dépôts au
Maroc.................................................................................................................................................. 161

Fig. I.24 : Concentration de l’activité des sociétés de financement au Maroc ............................. 162

Fig. II.1 : Fonctions des réponses des prix aux impulsions des différents chocs (Maroc) .......... 183

Fig. II.2 : Fonctions des réponses des prix aux impulsions des différents chocs (Maroc) .......... 184

Fig. II.3 : Fonctions des réponses du PIB aux impulsions des différents chocs (Maroc) ............ 187

Fig. II.4 : Fonctions des réponses du PIB aux impulsions des différents chocs (Maroc) ........... 188

Fig. II.5 : Fonctions des réponses du taux d’intérêt aux Impulsions des différents chocs
(Maroc)................................................................................................................................................191

Fig. II.6 : Fonctions des réponses du taux d’intérêt aux Impulsions des différents chocs
(Maroc)................................................................................................................................................191

Fig. II.7 : Evolution des dépenses globales au Maroc .................................................................... 194

Fig. II.8 : Evolution des dépenses des ménages marocains ............................................................ 195

Fig. II.9 : Evolution des exportations des biens et services du Maroc .......................................... 197

Fig. II.10 : Part de l’énergie dans les importations du Maroc....................................................... 198

Fig. II.11 : Part de l’U.E dans les Transferts des Marocains Résidents à l’Etranger (MRE) .... 199

Figure AI.1 : Fonctions des réponses des variables aux impulsions des différents chocs (IRFs)
pour la Tunisie ................................................................................................................................... 229

Figure AI.2 : Fonctions des réponses des variables aux impulsions des différents chocs (IRFs)
pour la Turquie.................................................................................................................................. 230

Figure AI.3 : Fonctions des réponses des variables aux impulsions des différents chocs (IRFs)
pour la Tunisie ................................................................................................................................... 233

Figure AI.4 : Fonctions des réponses des variables aux impulsions des différents chocs (IRFs)
pour la Turquie.................................................................................................................................. 234

Figure AI.5 : Fonctions des réponses des variables aux impulsions des différents chocs (IRFs)
pour le Maroc, modèle complémentaire .......................................................................................... 239

Figure AI.6 : Fonctions des réponses des variables aux impulsions des différents chocs (IRFs)
pour la Tunisie, modèle complémentaire ........................................................................................ 240
255
Figure AI.7 : Fonctions des réponses des variables aux impulsions des différents chocs (IRFs)
pour la Turquie, modèle complémentaire ....................................................................................... 241

Tableau AI. 11 : Décomposition de la variance de l’erreur de prévision (FEVD) du Maroc,


modèle complémentaire .................................................................................................................... 242

Figure AII.1 : Fonctions des réponses des variables aux impulsions des différents chocs (IRFs)
pour la Tunisie ................................................................................................................................... 248

Figure AII.2 : Fonctions des réponses des variables aux impulsions des différents chocs (IRFs)
pour la Turquie.................................................................................................................................. 249

256
Table des Matières

Introduction générale ............................................................................................................... 1

Chapitre I : Transmission de la politique monétaire dans la littérature économique ..... 12

Introduction ............................................................................................................................ 12

1. La politique monétaire ................................................................................................... 13

1.1. Notions et premières réflexions ................................................................................. 13

1.2. Evolution des objectifs et concentration sur la stabilité des prix .............................. 15

1.2.1. Pluralité des objectifs ......................................................................................... 15

1.2.2. Concentration sur la stabilité des prix ................................................................ 16

1.2.2.1. Dangers de l‟inflation ................................................................................. 16

1.2.2.2. La déflation : un désastre ? ......................................................................... 18

1.3. Cadre et mise en œuvre de la politique monétaire ..................................................... 21

1.3.1. Cadre général de la politique monétaire ............................................................. 21

1.3.1.1. Objectifs intermédiaires .............................................................................. 22

1.3.1.2. Mode opératoire : règle versus discrétion ................................................... 25

1.3.2. Cadre opérationnel de la politique monétaire..................................................... 26

1.3.2.1. Les instruments directs ............................................................................... 26

1.3.2.2. Les instruments indirects ou de marché ...................................................... 28

1.4. Renouveau et adaptation de la politique monétaire ................................................... 29

1.4.1. Indépendance de la Banque centrale .................................................................. 30

1.4.2. Ciblage d'inflation .............................................................................................. 31

1.4.3. Politique monétaire non conventionnelle ........................................................... 32

2. Transmission de la politique monétaire : littérature théorique et empirique ........... 36

257
2.1. Notion de transmission et d‟efficacité de la politique monétaire ............................. 36

2.2. Volet théorique et empirique des canaux de transmission ........................................ 37

2.2.1. Canal du taux d‟intérêt ....................................................................................... 37

2.2.1.1. Fondements théoriques ............................................................................... 37

2.2.1.2. Volet empirique .......................................................................................... 43

2.2.2. Canal du crédit ................................................................................................... 46

2.2.2.1. Fondements théoriques ............................................................................... 46

2.2.2.2. Volet empirique .......................................................................................... 49

2.2.3. Canal des prix des actifs ..................................................................................... 52

2.2.3.1. Fondements théoriques ............................................................................... 52

2.2.3.2. Volet empirique .......................................................................................... 57

2.2.4. Canal des effets d'annonces ................................................................................ 60

2.2.4.1. Fondements théoriques ............................................................................... 60

2.2.4.2. Volet empirique .......................................................................................... 61

Conclusion ............................................................................................................................... 64

Chapitre II : Economie marocaine et conditions préalables à l’étude de la transmission


de la politique monétaire ....................................................................................................... 65

Introduction ............................................................................................................................ 65

1. Economie, système financier et politique monétaire au Maroc, en Tunisie et en


Turquie : état des lieux .......................................................................................................... 66

1.1. Points communs entre le Maroc, la Tunisie et la Turquie ......................................... 66

1.2. Economie, système financier et politique monétaire du Maroc ............................... 68

1.2.1. Aperçu général sur l‟économie marocaine ......................................................... 68

1.2.2. Système financier et politique monétaire au Maroc ........................................... 71

258
1.3. Economie, système financier et politique monétaire de la Tunisie ........................... 76

1.3.1. Aperçu général sur l‟économie tunisienne ......................................................... 76

1.3.2. Système financier et politique monétaire en Tunisie ......................................... 78

1.4. Economie, système financier et politique monétaire en Turquie .............................. 81

1.4.1. Aperçu général sur l‟économie turque ............................................................... 81

1.4.2. Système financier et politique monétaire en Turquie......................................... 84

1.5. Conditions préalables à la transmission de la politique monétaire ............................ 87

2. Transmission de la politique monétaire au Maroc : enseignements de la littérature


empirique ................................................................................................................................ 89

3. Cadre méthodologie de l’étude de la transmission de la politique monétaire au


Maroc....................................................................................................................................... 93

3.1. Protocole empirique ................................................................................................... 93

3.2. Choix des variables et traitements des données ......................................................... 95

3.2.1. Choix des variables ............................................................................................ 96

3.2.2. Transformation et traitement des séries de données ........................................... 98

3.2.2.1. Saisonnalité ................................................................................................. 99

3.2.2.2. Stationnarité ................................................................................................ 99

3.3. Méthodologie économétrique .................................................................................. 100

3.3.1. Choix du modèle .............................................................................................. 100

3.3.2. Spécificités techniques de la modélisation SVAR ........................................... 103

Conclusion ............................................................................................................................. 106

Chapitre III : L’impact des décisions de politique monétaire sur l’économie


marocaine…………………………………………………………………………………...107

Introduction .......................................................................................................................... 107

259
1. Pré-requis de l’estimation ............................................................................................ 107

1.1. Choix des variables .................................................................................................. 107

1.2. Transformations et traitements des données ............................................................ 109

2. Modèle simplifié de la transmission de la politique monétaire au Maroc ............... 110

2.1. Les restrictions ......................................................................................................... 111

2.1.1. Les restrictions de long terme .......................................................................... 111

2.1.2. Les restrictions de court terme ......................................................................... 112

2.2. Analyse des résultats ............................................................................................... 113

2.2.1. Réactions des prix ............................................................................................ 114

2.2.2. Réactions du PIB .............................................................................................. 115

2.2.3. Réactions du Taux d‟intérêt de la politique monétaire..................................... 116

3. Modèle Standard de transmission de la politique monétaire au Maroc .................. 119

3.1. Les restrictions ......................................................................................................... 120

3.1.1. Les restrictions de long terme .......................................................................... 121

3.1.2. Les restrictions de court terme ......................................................................... 122

3.2. Analyse des résultats ............................................................................................... 125

3.2.1. Réactions des prix ............................................................................................ 125

3.2.2. Réactions du PIB .............................................................................................. 129

3.2.3. Réactions des variables monétaires et financières aux différents chocs .......... 134

3.2.3.1. Réactions du crédit .................................................................................... 135

3.2.3.2. Réactions des prix des actifs ..................................................................... 137

3.2.3.3. Réactions du taux d‟intérêt de la politique monétaire............................. 140

3.2.4. Canaux de transmission : investigation complémentaire ................................. 143

4. Interprétation et explication des résultats .................................................................. 147


260
4.1. Niveau de la demande, concurrence et pouvoir de marché ..................................... 147

4.2. Poids de l‟économie informelle ............................................................................... 149

4.3. Cadre réglementaire de la politique monétaire de BAM ......................................... 149

4.4. Etat de la liquidité .................................................................................................... 150

4.5. Caractéristiques du système financier et structure des canaux de transmission de la


politique monétaire au Maroc ............................................................................................. 151

4.5.1. Accessibilité au système financier marocain.................................................... 151

4.5.2. Faible dynamisme de la bourse de Casablanca ................................................ 153

4.5.3. Configuration du marché de crédit et financement de l‟économie .................. 156

Conclusion ............................................................................................................................. 163

Chapitre IV : Influence des facteurs exogènes sur la transmission de la politique


monétaire au Maroc ............................................................................................................. 165

Introduction .......................................................................................................................... 165

1. Identification des facteurs exogènes impactant la transmission de la politique


monétaire............................................................................................................................... 165

1.1. Facteurs internes ...................................................................................................... 166

1.2. Facteurs externes ..................................................................................................... 168

2. Etude empirique de l’impact des facteurs exogènes sur la transmission de la


politique monétaire .............................................................................................................. 171

2.1. Méthodologie ........................................................................................................... 171

2.1.1. Choix des variables .......................................................................................... 171

2.1.1.1. Spécificités de l‟économie du Maroc et solutions proposées ................... 171

2.1.1.2. Variables retenues ..................................................................................... 174

2.1.2. Transformations et traitement des données ...................................................... 174

2.1.3. Les restrictions ................................................................................................. 175


261
2.1.3.1. Les restrictions de court terme .................................................................. 175

2.1.3.2. Les restrictions de long terme ................................................................... 177

2.2. Analyse des résultats ............................................................................................... 179

2.2.1. Réactions des prix ............................................................................................ 179

2.2.2. Réactions du PIB .............................................................................................. 185

2.2.3. Réactions du Taux d'intérêt de la politique monétaire ..................................... 189

3. Interprétation et explication des résultats .................................................................. 193

3.1. Effets de la politique budgétaire .............................................................................. 193

3.2. Effets des éléments extérieurs ................................................................................. 196

Conclusion ............................................................................................................................. 201

Conclusion générale ............................................................................................................. 203

Bibliographie......................................................................................................................... 210

Annexes ................................................................................................................................. 225

Liste des tableaux ................................................................................................................. 252

Liste des figures .................................................................................................................... 254

Table des Matières ............................................................................................................... 257

262

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