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28/11/2021

chapitre 3 :
L’analyse économique des décisions
publiques

A. BAIDANE

• En présence de défaillances de marché, il


est généralement admis que l’Etat doit
intervenir dans l’économie.

• Cependant une analyse plus fine suggère


que l’intervention de l’Etat ne garantit
pas nécessairement des résultats
supérieurs à ceux du marché défaillant.

• Remplacer le marché par l’Etat suppose


que ce dernier est plus performant et
que ses représentants sont plus efficaces
que les mécanismes du marché.
• Or, il est évident que très souvent ce
n’est pas le cas.
• En effet, les hommes politiques et les
hauts fonctionnaires servent en priorité
leur propre intérêt et non ce qu’on
appelle l’intérêt général.

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• Il n’ y a aucune raison de croire que


lorsque les gens sont élus et assument la
chose publique, ils deviennent
subitement des êtres altruistes qui ne
sont motivés que par l'intérêt général.
• Quand une personne devient homme
politique ou bureaucrate, elle est très
souvent motivée par l'intérêt personnel.

• En effet, Il n’y a pas deux types d’humains :


des humains qui agiraient dans la sphère
politique ou publique et des humains qui
agiraient sur les marchés. Il n’y a qu’un seul
individu agissant dans deux sphères
différentes.
• Si les individus se comportent de manière
rationnelle sur les marchés (homo-
oeconomicus), ils doivent également faire de
même dans leurs activités politiques. Il n’y a
aucune raison qu’ils se comportent autrement

• Par ailleurs, les hommes politiques ne peuvent


pas prétendre représenter tous les individus.
• En effet, quel que soit le mode de scrutin
retenu, ce dernier présente des problèmes
majeurs de représentativité comme on va le
voir.
• On est donc en présence de deux problèmes
majeurs:
• 1- La faible représentativité des hommes
politiques.
• 2- L’hypothèse d’altruisme des hommes
politique qui est loin d’être vérifiée.

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I- Le problème de représentativité des


hommes politiques.
• Peut-on, à partir de préférences individuelles
nécessairement conflictuelles, aboutir à des
choix collectifs rationnels?
• En effet, il est fréquent qu’un petit groupe de
personne échoue à prendre une décision
acceptée par tous.
• Chaque individus à ses propres préférences et
cela ne veut pas dire que ces gens sont
égoïstes.

• Les études qui ont porté sur les modes de


scrutin permettent de constater qu’il est
difficile pour un homme politique de
prétendre représenter toute la population qui
l’a élu.
• En effet, tous les modes de scrutin connus
aujourd’hui présentent des défauts majeurs.

1- Le paradoxe de Condorcet
• Le philosophe et mathématicien Nicolas de
Condorcet a observé que dans certaines
situations, quel que soit le mode de scrutin que
l’on choisit, il est impossible de désigner un
vainqueur indiscutable.
• Cela peut paraître étonnant, mais comme nous
allons le constater, le paradoxe de Condorcet
est loin d’être une situation théorique.

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• Imaginons qu’à une élection on a 3 candidats :


A , B et C .
• Supposons que 40% des électeurs préfère A à B ,
et préfère B à C . Pour ces 40% de la population,
on a donc l’ordre de préférence suivant A >B >C .

• Supposons que pour 35% des gens on a: B >C >A

• Et que pour les 25% restants on a : C >A >B .

On résume la situation comme suit:


• Groupe 1 (40%) : A > B > C
• Groupe 2 (35%) : B > C > A
• Groupe 3 (25%) : C > A > B
• Le paradoxe vient du fait que quel que soit le
mode de scrutin utilisé pour désigner le
vainqueur, il y aura toujours une majorité de la
population qui sera prête à le changer pour un
autre. Aucun vainqueur n’est indiscutable !

• Imaginons que le vainqueur soit B . Alors les


groupes 1 et 3 (qui pèsent 65% de la
population à eux deux) seraient d’accord pour
remplacer B par A , puisque l’un comme
l’autre préfèrent A à B.
• Cela est vrai aussi pour les autres candidats: si
c’est A qui est élu, alors les groupes 2 et 3
(60% de la population) préfèreraient avoir C à
sa place.
• Ainsi, il ne peut pas exister de vainqueur
indiscutable : c’est le paradoxe de Condorcet.

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• Cependant, toutes les situations ne sont pas


paradoxales ! Il existe des cas où on échappe
au paradoxe. Cela se produit quand un des
candidats gagnerait en duel contre n’importe
lequel des autres.
• Ainsi, si ce dernier est élu, il n’existe aucune
possibilité pour qu’une majorité de la
population veuille le remplacer par un autre.
• Il existe donc un vainqueur indiscutable, qu’on
appelle alors le vainqueur de Condorcet.

• Aux élections présidentielles de 2007 en France,


il existait clairement un vainqueur de Condorcet :
François Bayrou.
• En effet d’après les sondages, s’il était au second
tour, il aurait battu n’importe lequel des deux
autres candidats : Nicolas Sarkozy ou Ségolène
Royal !

Un vainqueur de Condorcet ne sera pas


forcément le gagnant dans un scrutin classique !

• Un mode de scrutin qui permet à coup sûr


d’élire le vainqueur de Condorcet (s’il y en a
un) est appelé méthode de Condorcet.
• On peut penser par exemple à organiser tous
les duels possibles entre les candidats. Si
quelqu’un gagne tous ses duels, il est le
vainqueur de Condorcet, et si personne ne
gagne tous ses duels, on est dans le cas «
paradoxal ».
• Cependant ce mode de scrutin est long et
coûteux.

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2- La méthode de Borda
• La méthode de Condorcet ne révèle pas
suffisamment d’informations: si je préfère A à
B, on a aussi besoin de savoir :

• - Si pour moi A est largement préféré à B ou


lui est passablement préféré .

• - Si je vote A par conviction ou seulement


pour sanctionner B.

• Pour résoudre ce problème, Jean-Charles de


Borda propose de faire une analyse plus fine
en attribuant aux candidats des notes qui
donnent plus d’informations sur le vote: « je
mets 8/10 à B et 5/10 à A par exemple ».
• Dans ce cas, il suffit de demander aux
électeurs de mettre une note à chaque
candidat, et le vainqueur désigné est celui qui
aura la moyenne la plus élevée.
• Cependant, même avec cette méthode on
n’est pas à l’abri du vote sanction et du vote
utile.

3- Théorème d’impossibilité d’Arrow


• Kenneth Arrow constate que, lorsqu'il est demandé aux
électeurs de choisir un candidat, les résultats d'une
élection peuvent être modifiés par l'introduction ou le
retrait d'une candidature, et ce même si le candidat
concerné n'a aucune chance de gagner.
• Supposons une élections avec trois candidats : A , B et C .

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• Pour 5% des électeurs on a : B > A > C


• Pour 34% des électeurs on a : B > C > A
• Pour 32% des électeurs on a : A > C > B
• Pour 29% des électeurs on a : C > A > B .

• Supposons maintenant que le candidat C, pour une


raison quelconque, se désiste. Nous aurons dans ce cas,
si les électeurs ne changent pas leurs préférences : 39%
des voix pour B , et 61% ( 32% + 29%) des voix pour A .
Donc c’est A qui gagne!

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• On remarque que si C se porte candidat


c'est B qui l'emporte, et s'il ne se présente
pas, c'est A qui l'emporte!
• Le résultat de l'élection dépend donc
directement de qui est candidat, sans que
les préférences des électeurs aient changé.

• Ainsi, on pourrait tout à fait imaginer le candidat


B financer indirectement la campagne du
candidat C pour qu'il fasse barrage au candidat
A.

• On pourrait aussi imaginer le candidat A


proposer quelques avantages pour le candidat C
à condition qu'il retire sa candidature.

• Dans ces conditions, les élections deviennent,


un jeu de candidatures, dans lequel les électeurs
n'ont pas le dernier mot.

• De plus, le vote utile rend les vraies préférences


individuelles très difficilement identifiables : au
lieu de voter en leur âme et conscience, les
électeurs se trouvent contraints de devoir
spéculer sur le résultat de l'élection pour
essayer de donner leur voix, non pas au
candidat qu'ils préfèrent, mais au candidat
"acceptable" qui aurait le plus de chances de
gagner.

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• Ainsi, on peut dire que quel que soit le mode de


scrutin, un problème de représentativité reste
posé. Le vote ne permet pas toujours d’aboutir à
une préférence collective cohérente.

On dit qu’il y a un problème d’agrégation des


préférences individuelles en préférence collective
ou sociale.

• L’ « intérêt général » n’est pas donc pas la


somme des intérêts individuels.

II- Les hommes politiques sont ils des


altruistes? Ecole des Choix Publics
• Dans la première moitié du 20ème siècle,
l’extension du rôle de l’Etat est légitimée par
la correction des défaillances de marché.

• Pour l’école du bien-être, les hommes


politiques et les hauts responsables de l’Etat
sont supposés rechercher l’intérêt général;
L’Etat est considéré comme un despote
bienveillant.

• L’école des choix publics soutient que les


dirigeants politiques agissent non pas au
service d’un quelconque “ intérêt général ”,
mais de leurs propres intérêts personnels.

• L’école du Public Choice va ainsi appliquer les


outils de l’analyse économique à l’Etat et ses
représentants. .

• Ses principaux thèmes de recherche sont le


marché politique, la bureaucratie et les
groupes de pression.

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• Le Public Choice étend le principe de


rationalité de l’homo-oeconomicus aux
comportements des hommes politiques, des
bureaucrates et des électeurs.
• Quand l’électeur fait son choix, il intègre les
“ bénéfices ” qu’il attend de l’Etat mais aussi
les “ coûts ” fiscaux.
• Quand le bureaucrate agit, il a plutôt
tendance à vouloir maximiser la taille de son
budget que servir l’intérêt général.

1- La notion de marché politique


• Le système politique est considéré comme un marché
où les électeurs échangent des votes contre des
promesses d’action des hommes politiques.

• Sur ce marché, l’homme politique est un individu


rationnel, ni plus ni moins altruiste que les autres.

• Il est mu par la recherche des revenus, du prestige et


du pouvoir qui accompagnent les fonctions politiques.

• C’est un entrepreneur qui cherche à maximiser le


nombre de ses électeurs en adaptant l’offre de biens
publics à la demande des citoyens. Il travaille sur un
marché électoral.

• Il existe certains points communs entre le marché


privé et le marché politique :

- Le comportement rationnel de l’électeur : il vote


pour l’homme politique dont il espère que
l’action se traduira pour lui par un plus personnel
(analogie avec le consommateur);

- Le chef d’entreprise subit la sanction du marché


et l’homme politique celle de l’élection;

- le chef d’entreprise comme l’homme politique


essaient de se différencier de leurs concurrents,
les premiers par le produit ou la marque, les
seconds par le programme ou le discours .

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• Soulignons enfin que sur le marché politique,


les biens échangés ne peuvent faire l’objet
d’une consommation individuelle, ce sont des
biens collectifs.
• Pour savoir quelle est la “ demande ” il faut
passer par des procédures d’agrégation des
préférences individuelles ; c’est le rôle des
élections de révéler la quantité et la qualité de
biens publics désirée par la population.

2) L’analyse de la bureaucratie
• William Niskanen propose une analyse
économique des relations entre les décideurs
politiques et les bureaucrates, c'est-à-dire les
responsables administratifs: les hauts
fonctionnaires.

• L’objectif du bureaucrate est généralement de


maximiser son pouvoir et son prestige en
accroissant la taille des budgets qu’il contrôle
ou en faisant perdurer l’existence de son
service.

• En effet, le nombre de personnes que l’on a


sous ses ordres définit l’importance du poste
occupé et donc la position relative à l’égard
des autres bureaucrates rivaux.
• Ainsi, les organisations tendent de façon
inexorable à accroître leur taille, au détriment
de l’efficacité.
• La collectivité paie alors des services publics
plus chers et moins efficaces.

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• Ainsi, à supposer même que le système de


révélation des préférences collectives serait
parfait (problème 1 : représentativité des
élus), il reste le problème de la manière dont
les agents de l’Etat traduisent ces préférences
en biens publics (problème 2: les
représentants de l’Etat ne servent pas
forcément l’intérêt général).

C) L’analyse des groupes de pression


• A cause notamment du marchandage
politique, des groupes de pression
minoritaires arrivent à faire adopter des
politiques dont les coûts sont supérieurs aux
bénéfices : l’adoption de politiques qui ne
servent que les groupes de pression et
réduisent le bien être global . Ex: grands
agriculteurs, banques, sociétés de distribution
des hydrocarbures, les Ecoles privées, les
cliniques privées,…

• Tout cela fait écho à ce qu’écrivait Frédéric


Bastiat au milieu du 19ème siècle : “ L’Etat est
cette grande fiction à travers laquelle chacun
essaye de vivre au dépens de tout le monde ”.

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