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Editorial du « Monde ». Facebook est-il encore digne de confiance ? La vitesse à laquelle le mot
dièse #deletefacebook (« supprimer Facebook ») se répand sur les réseaux sociaux montre que des
millions d’internautes ont déjà un avis sur la question. Ce doute apparaît légitime depuis les
révélations sur le siphonnage des données personnelles de dizaines de millions d’utilisateurs de
Facebook à leur insu, dans le but supposé de peser sur le résultat de la dernière élection
présidentielle américaine.
A l’origine de l’affaire se trouve Cambridge Analytica, un cabinet spécialisé dans les études de
consommation , dont Steve Bannon, ex-conseiller de Donald Trump et figure de l’extrême droite
américaine, a été l’une des chevilles ouvrières. Peu de temps après sa création, en 2014, la société
avait fait appel à un chercheur de l’université britannique de Cambridge pour se développer dans les
études d’opinion. Sous couvert de mener des recherches universitaires sur les comportements
électoraux, celui-ci avait mis au point une application proposant à des membres de Facebook
inscrits sur les listes électorales américaines de remplir un questionnaire contre une modeste
rétribution.
Lire aussi : Affaire Cambridge Analytica : Mark Zuckerberg peine à reconnaître ses
responsabilités (/economie/article/2018/03/21/affaire-cambridge-analytica-mark-zuckerberg-peine-a-reconnaitre-ses-
responsabilites_5274068_3234.html)
Cinq jours après l’éclatement de l’affaire, le silence des dirigeants de Facebook est assourdissant,
alors que la pression monte de toutes parts. Aux Etats-Unis comme en Europe , parlementaires et
instances de régulation veulent comprendre pourquoi Cambridge Analytica a eu accès à ces
données et pourquoi Facebook n’en a pas informé ses utilisateurs, pas plus qu’il n’a pris de
mesures efficaces pour remédier au problème.
Fausse gratuité
La teneur de la réponse est de nature à remettre en question le modèle économique du réseau
social, qui a construit sa prospérité sur une fausse gratuité : derrière l’accès à une plate-forme
d’échange pour rester en contact avec ses « amis » et s’informer se cache une monétisation des
données des utilisateurs aux visées commerciales ou politiques. L’adage selon lequel « Si le service
est gratuit, c’est que vous êtes le produit » n’a jamais été aussi pertinent. Par naïveté plus ou moins
assumée, les internautes, bercés par les promesses des géants de l’Internet, n’ont pas prêté
suffisamment attention aux conséquences de ce que cela signifiait.
Cette affaire est d’autant plus grave qu’elle n’est pas isolée. Facebook est aussi accusé de ne pas
avoir pris suffisamment au sérieux l’ingérence russe dans l’élection présidentielle américaine et de
participer à la diffusion de fausses informations et de contenus racistes ou faisant l’apologie du
terrorisme.
En début d’année, Mark Zuckerberg avait pris une résolution : « réparer » Facebook pour regagner
la confiance de ses utilisateurs. Ce nouveau scandale montre toute la difficulté qu’a le réseau social
à se réguler lui-même. Il est grand temps que les pouvoirs publics s’emparent du sujet pour protéger
des données personnelles que nous avons imprudemment laissées à la merci des convoitises.
http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/03/21/la-coupable-negligence-de-facebook_5274115_3232.html 1/2