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ISBN : 978-2-8132-1034-0
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CHAPITRE I
AU COMMENCEMENT
Moïse et l’Exode
La vie devait être assez tranquille pour les Caïnites et on peut aisément imaginer
ce que dut être leur surprise lorsque ces hommes éloignés de tout virent la
colonne interminable d’un peuple qui s’avançait vers eux, surgissant de l’amas
des pics rocheux qui s’élevaient à plus d’un mille et demi au-dessus du niveau de
la mer toute proche. Ces étrangers leur expliquèrent comment ils avaient
échappé à leur captivité en Égypte et traversé les eaux du Nil sous la conduite
d’un chef de 80 ans, un ancien général d’armée nommé Moïse.1
Toutefois, Moïse lui-même n’était pas un étranger pour les Caïnites. Ils le
connaissaient bien car il avait antérieurement travaillé pour eux, en tant que
berger, pendant rien moins que 40 ans.
Ce vagabond barbu avait été autrefois un général égyptien rasé de près et un
membre important de la Cour jusqu’au jour où, ayant commis un meurtre, il
avait dû fuir dans le désert du Sinaï. Il y avait épousé Sephora, la fille de Réouel,
lequel était le « Jéthro », c’est-à-dire le grand prêtre et le chef des Caïnites.
Moïse avait alors été admis dans le clergé des Caïnites et s’était mis à adorer leur
dieu, Yaweh.
Un jour, Moïse s’était éloigné de son peuple et avait gravi les hautes
montagnes du Sinaï. Il y avait rencontré le Maître des orages, Yaweh. Ce dieu
confia au vieux soldat diverses instructions, incluant notamment ce que nous
connaissons de nos jours comme les dix commandements. Cependant, la relation
entre Dieu et Moïse ne fut pas toujours facile. À une occasion, Sephora, sa
femme, dut même secourir Moïse (et, selon certains biblistes, son fils aîné,
Gershom) lors d’une attaque contre lui menée par Yaweh qui avait décidé, pour
quelque raison inconnue, de le tuer.
Moïse fit savoir que sa nation nomade devait poursuivre son voyage,
emportant avec elle le dieu des Caïnites dans une sorte de coffre spécialement
réalisé, l’Arche d’Alliance. Leur projet était de suivre une direction située
vaguement au nord-est pour y trouver une terre que Yaweh leur avait promise.
Le problème était que des centaines de tribus de Caïnites occupaient déjà ce
pays.
Le coffre dans lequel ils transportaient Dieu était d’un modèle entièrement
égyptien. Il était fait de bois de shittim, c’est-à-dire d’acacia – le seul arbre qui
pouvait croître jusqu’à n’importe quelle taille dans les sables arides de cette
région désertique – et sur lui reposaient deux effigies de sphinx ailés recouverts
d’or. Lorsque Dieu s’entretenait avec Moïse, sa voix paraissait émaner du coffre,
entre les deux statues dorées.
La bande de fugitifs hébreux venus d’Égypte poursuivit son périple avec son
dieu, celui qui avait créé l’univers entier, bien à l’abri dans une petite boîte que
l’on avait munie de quatre grandes poignées, de sorte qu’elle pouvait être
transportée sur le terrain difficile que rencontraient les Hébreux. Yaweh prit ainsi
la direction de cette colonne humaine, fixant le rythme de sa progression en se
faisant plus lourd lorsqu’il voulait s’arrêter, et plus léger quand il désirait
progresser plus vite.
Tandis que le peuple de l’Exode poursuivait sa traversée du désert, l’Arche
était portée à un mille et demi en avant du groupe principal. Selon une ancienne
tradition, il est dit que Yaweh préparait un chemin sûr pour le peuple en brûlant
les serpents, les scorpions et les épineux à l’aide de deux colonnes de feu,
comme deux lance-flammes émanant du dessous de l’Arche dorée.
Malheureusement pour les compagnons de voyage de Moïse, leur nouveau
dieu avait tendance à montrer un caractère ombrageux. Par exemple, lorsque les
deux neveux de Moïse, Nadab et Abihou, avaient fait usage d’un matériau
interdit pour allumer le feu d’un sacrifice à Yaweh, ils avaient été réduits en
cendres par une nuée enflammée qui, selon l’Ancien Testament, avait été
envoyée par Yaweh depuis l’intérieur de l’Arche. À tout propos, Yaweh était
facilement contrarié. Les prêtres qui veillaient sur l’Arche devraient se soucier
du moindre mouvement car jeter les yeux sur l’Arche à un moment inapproprié
pouvait entraîner leur immolation immédiate par une boule de feu.
Un retour programmé ?
Selon nous, le voyage de 40 ans qu’accomplirent les Israélites vers le pays de
Canaan, ne fut pas simplement accidentel ; bien plus qu’une fuite spontanée de
l’esclavage égyptien, ce fut presque certainement le retour programmé vers une
vieille terre d’origine.
On sait aujourd’hui qu’environ 200 ans avant l’Exode, les conditions
climatiques changèrent soudainement et que le pays de Canaan fut desséché par
des températures torrides. Les villes situées à l’est, dans l’intérieur des terres, se
vidèrent dès que le nouveau climat eut tari les sources d’eau et desséché les
récoltes avant même qu’elles aient pu prospérer. Les petits villages perdirent la
plupart de leurs habitants alors même que les gens s’efforçaient en vain
d’arracher quoi que ce fût de vivant à un sol entièrement cuit. L’interminable
sécheresse apparut comme une malédiction des dieux et leur seule issue fut, soit
de prendre la direction du sud vers le pays qui tirait sa vie du fleuve Nil et d’y
travailler pour les Égyptiens, soit d’aller au nord le climat plus tempéré du Liban
verdoyant.
Deux siècles plus tard, le climat revint à la normale aussi soudainement qu’il
s’était détérioré. En dix ou vingt ans, l’été en Canaan fut de nouveau simplement
chaud au lieu d’être une véritable fournaise. Les fleuves se remirent à couler et
les sources à jaillir. Les gens reprirent alors le chemin de leur vieille patrie en
venant à la fois du nord et du sud.
Le groupe conduit par Moïse puis par son successeur Josué (un nom hébreu
pour dire « Sauveur »), avança vers le nord-est dans le pays de Canaan, devenu à
nouveau une prometteuse « terre d’abondance ». Dès leur arrivée ils se mirent à
détruire toutes les cités qu’ils rencontraient afin d’y prendre l’eau et la nourriture
dont ils avaient besoin. Le passage suivant est typique de la guerre sanglante que
Dieu paraît avoir ordonnée :
La puissance de la Shekinah
Il apparaît pourtant que, alors même que l’Arche de Yaweh fut effectivement
entreposée dans le Temple depuis le moment de sa première édification, celui-ci
n’avait pas été initialement dédié à Yaweh. Le culte royal polythéiste de
Salomon exigeait un temple lié à tous les dieux – une sorte de « centre de
communication » qui donnait au souverain un « canal vers le royaume des dieux
célestes ». La clé d’un tel édifice résidait dans la connaissance de l’astronomie et
plus particulièrement des mouvements à long terme de la planète Vénus – la
déesse Ashtoreth.
Le culte de la déesse Ashtoreth (également appelée Astarté, Ishtar, Anat,
Asherat, Baal-Gebal ou Ashera) était d’une importance cruciale pour Salomon.
Ashtoreth était liée à la fertilité, à la sexualité et à la guerre, et ses symboles
étaient le lion, le cheval, le sphinx, la colombe, et avant tout une étoile placée
dans un cercle – désignant la planète Vénus, qui était la manifestation visible de
la divinité astrale.
Vénus se trouve en dedans de l’orbite de la Terre autour du Soleil, en
deuxième ligne par rapport au soleil après Mercure. Vue de la Terre, Vénus est
de loin l’objet le plus brillant du ciel après le Soleil et la Lune et elle apparaît
juste avant l’aube, comme « l’étoile du matin », ou juste après la chute du jour
comme « l’étoile du soir ». Elle semble aussi accomplir une course remarquable
au fil du temps, quand on l’observe depuis la Terre.
Tous les huit ans, Vénus revient au même endroit dans ciel mais les étoiles qui
l’accompagnent en arrière-fond sont alors différentes, d’un point de vue
astronomique. Vénus s’est alors déplacée d’un cinquième de l’étendue du
zodiaque. Au bout de 40 ans, Vénus a fait le tour entier du zodiaque – terminant
sa course là où elle l’a commencée. Ce mouvement se reproduit exactement de
façon périodique et a toujours fourni une magnifique horloge en même temps
qu’un calendrier pour les astronomes. En cheminant ainsi dans le ciel, la planète
décrit une étoile à cinq branches autour du soleil – et c’est l’origine du pentacle
qui a toujours revêtu une haute valeur mystique pour les hommes dans toutes les
cultures.
Pour Salomon, le cycle de Vénus, précisément de 40 ans, était d’une
importance primordiale. Comme les rois qui l’avaient précédé et ceux qui le
suivirent, il savait que certains aspects majeurs de la vie étaient gouvernés par
cette période de 40 ans, comme le rapporte l’Ancien Testament :
Moïse avait pris la tête de son peuple dans le désert pendant 40 ans, alors qu’il
était âgé de 80 ans (et commençait son troisième cycle vénusien), et ce jusqu’à
sa mort à 120 ans (achevant ce troisième cycle).
Dans tout Testament c’est souvent pour 40 ans que Dieu concède une terre.
Quand Israël se conduisit mal, Dieu lui suscita des ennemis pendant 40 ans.
Eli devint l’un des Juges (précurseurs des rois) pour 40 ans.
Saül, le premier à recevoir l’onction de roi d’Israël, avait alors 40 ans et régna
exactement 40 ans.
Ichbochet (fils de Saül) avait 40 ans lors de son accession au trône.
Le roi David, père de Salomon, exerça sa charge pendant 40 ans.
Hiram le maçon
L’Arche d’Alliance et son divin contenu devaient être en place pour recevoir la
lumière de la glorieuse Shekinah. Cependant, bien que Salomon sût parfaitement
l’importance des apparitions de la Shekinah, aucune personne parmi son peuple,
pas davantage que lui-même, ne possédait le savoir astronomique nécessaire
pour construire un temple qui serait un parfait observatoire de la Shekinah. Pour
cette raison, Salomon dut faire appel à Hiram, le nouveau roi de la cité
phénicienne de Tyr, sur la côte de l’actuel Liban, pour lui procurer le bois
approprié, des ouvriers qualifies et un ingénieur inspiré qui pourrait diriger le
chantier des dieux. En retour, Salomon imposa lourdement son peuple, expédiant
vers Tyr, de façon économiquement désastreuse, des quantités énormes d’huile,
de blé et de vin.
Le peuple raffiné de Tyr était prospère et très cultivé. Ashtoreth, ou Astarté,
était leur principale divinité et ils avaient une connaissance sans pareille des
mouvements de Vénus, même en comparaison des prêtres-astronomes de
l’Égypte ou de Babylone.
L’homme qui fut envoyé par le roi phénicien pour prendre en charge la
construction du nouveau temple étai Hiram Abif, un maître du métier et un
prêtre de haut rang, peut-être issu du clan des Caïnites. Tous les maçons qu’il
choisit pour bâtir le Temple étaient également des prêtres – vénérant très
certainement, parmi tous les dieux, la puissante Ashtoreth autant que leur dieu
tribal, Yaweh.
Il est possible que Hiram fût d’ascendance caïnite car c’était avant tout un
excellent artisan des métaux, et ce fut lui qui fit les deux colonnes décoratives de
bronze nommées Jachin et Boaz, élevées devant l’entrée du temple, marquant les
positions solsticiales du soleil sur l’horizon.
Avec l’aide de Hiram Abif, la pierre de fondation du nouveau Temple fut
posée en 967 avant notre ère, quatre ans après l’accession de Salomon au trône
de Jérusalem et deux ans après que Hiram fut devenu roi de Tyr. Il paraît
probable que l’un des premiers actes officiels du roi Hiram ait été d’envoyer son
homonyme préparer les plans détaillés du Temple de Jérusalem. Il fallut sans
doute au moins un an pour faire les observations astronomiques et les calculs
nécessaires à la conception d’un temple pouvant œuvrer avec la future Shekinah.
Le centre du Temple devait exactement se situer sur un lieu élevé, au nord de
la ville, sur ce qui est aujourd’hui en partie la Montagne du Temple, de sorte que
la lumière du soleil levant jaillisse à l’horizon en des points précis de la colline, à
l’est, tout au long de l’année. Le soleil se lève exactement à l’est deux fois par
an, une fois au printemps et une fois à l’automne, aux deux équinoxes, lorsque le
jour aussi bien que la nuit comptent exactement douze heures.
Un observateur, visitant chaque jour à l’aube, tout au long de l’année, le site
envisagé pour le Temple, verrait le soleil se lever de plus en plus tôt chaque
matin et de plus en plus vers le nord sur l’horizon, pendant trois mois
précisément, jusqu’au solstice d’été – le moment de l’année où le jour est le plus
long. À partir de cette date, l’aube se lèverait de plus en plus tard, le lever du
soleil se déplaçant de nouveau vers l’est pour atteindre son point central (plein
est) encore trois mois après, à l’équinoxe d’automne. L’aube serait de plus en
plus tardive et le soleil à mesure que le soleil se lèverait un peu plus vers le sud
pour parvenir, au terme de trois autres mois, au solstice d’hiver – le jour le plus
court.
Si l’on photographiait le lever du soleil chaque matin pour en faire un film,
l’effet obtenu serait comme celui d’un pendule oscillant, avec les équinoxes au
centre et les solstices aux extrémités du balancement du soleil à travers
l’horizon. Un tel savoir était essentiel pour les prêtres-astronomes d’il y a 3 000
ans.
L’emplacement de Jérusalem n’était pas un hasard, car c’est un endroit idéal
pour observer les levers et les couchers du soleil. L’angle que l’ombre projette au
moment du lever et du coucher du soleil varie selon la longitude. À l’équateur,
chaque jour est à peu près également répartie entre la lumière et l’obscurité et le
soleil se lève exactement à l’est et se couche en plein ouest. Aux pôles, le soleil
ne se couche jamais en été et ne se lève jamais en hiver. Entre ces deux
extrêmes, l’angle observé d’un solstice à l’autre s’accroît à mesure que l’on
s’éloigne de l’équateur. À la latitude de Jérusalem, qui est de 30°47’nord,
l’ombre se projette à 60° au moment des solstices d’hiver et d’été.
Pour observer cela, il suffit de tracer un cercle sur le sol et d’y placer une
baguette verticale vers l’est et une autre à l’opposé, à l’ouest.
Le matin du solstice d’hiver, la baguette placée à l’est projette une ombre de
30° d’obliquité vers le nord, et le soir du même jour une ombre de 30° vers le
sud. Le contraire s’observe au moment du solstice d’été, créant une figure
losangique à l’intérieur du cercle. Une ligne tracée du nord au sud entre les deux
angles produit une marque spécifique à chaque latitude – et à celle de Jérusalem,
elle forme une parfaite étoile à six branches connue sous le nom de Sceau de
Salomon ou Étoile de David.
Ainsi, le symbole qui n’est que récemment devenu l’emblème du judaïsme et
celui du moderne État d’Israël, est un diagramme solaire qui met en relief la
position géographique remarquable qu’occupe la ville de Jérusalem.
Hiram Abif devait parfaitement bien connaître cela, car Jérusalem avait été un
lieu de culte pour cette raison même depuis l’Âge de pierre. Mais il ne
s’intéressait pas seulement aux simples levers et couchers du soleil. Le nom
« Jérusalem » dans la langue cananéenne signifiait « base pour observer le lever
du Vénus », et Hiram voulait calculer les mouvements de Vénus et les
comportements très complexes de la Shekinah lorsqu’elle apparaissait devant le
soleil.
Tout visiteur de Jérusalem, de nos jours, est informé que le Temple de
Salomon était construit sur le Dôme du Rocher où se tient la mosquée Al-Aqsa
depuis environ 1450 ans. C’est le point le plus haut de ce mont – mais ce n’est
pas l’endroit où s’élevait le Temple des Juifs.
Nous pensons que le Temple de Salomon avait été édifié un peu plus au nord,
sur le site actuellement dénommé « Dôme des Esprits ». La raison de cette
conviction est l’alignement sur le versant ouest du mont qui a toujours fait de
Jérusalem un lieu spécial. Ce dôme étroit n’a que 5 000 ans d’ancienneté mais
on trouve au-dessous le lieu le plus sacré de la Terre. Il marque une ligne est-
ouest qui va du sommet du Mont des Oliviers, vu à travers la Porte d’Or,
jusqu’aux deux dômes du Saint-Sépulcre à l’ouest. C’est au sommet du Mont
des Oliviers, selon la Mishna, que se tenait le grand prêtre lorsqu’il sacrifiait la
Vache rousseb. Il est rapporté qu’au cours de cette cérémonie, il devait regarder
vers le Saint des Saints du Temple et projeter des gouttes du sang du sacrifice
dans cette direction. Mais surtout, la lumière de la Shekinah devait apparaître au-
dessus du mont, à l’est, et passer à travers la Porte d’Or pour traverser une
fenêtre haute du Temple de Salomon et illuminer l’Arche d’Alliance.
Le professeur Asher Kaufman de l’Université de Notre-Damec,
indépendamment des recherches de Chris Knight, a soutenu exactement la même
théorie, mais sans référence à la Shekinah.
Les premiers musulmans, sous la conduite du Calife Omar, occupèrent
Jérusalem et le mont du Temple dès 638, avec l’intention d’y construire une
grande mosquée à un endroit précis dénommé Shtiah. Les hommes d’Omar avait
découvert cet endroit parmi les ruines du Temple grâce aux indications de Juifs
qui leur vinrent en aide pour trouver le bon endroit au milieu des décombres.
Plus tard, Abd el Malik édifia la Dôme du Rocher à cet endroit. Le fait est relaté
dans de nombreuses sources juives et non juives et notamment dans la Genizad
du Caire. Dans l’un des documents qu’elle renferme, il est écrit que les Juifs
vinrent à Jérusalem avec Omar et lui indiquèrent l’emplacement du temple. Une
source de même nature dit que des guides juifs aidèrent à découvrir la roche
Shtiah.
Cependant, sachant que les Juifs sont passionnés par ce qui reste du Temple
dévasté, le lieu le plus sacré du judaïsme, ne doit-on pas penser, de façon
évidente, qu’ils auront délibérément fourni de fausses informations à des non-
Juifs désirant bâtir sur un endroit aussi sacré ?
Il se peut qu’avec le professeur Asher Kaufman nous soulevions certaines
difficultés en mentionnant ce problème, et aucune autorité de quelque religion
que ce soit à Jérusalem n’est prête à admettre ce fait. Les conventions admises
depuis longtemps, même erronées, ont leur vie propre et seuls ceux qui savent
vraiment s’en préoccuperont, de toute façon.
Mais retournons au temps de Salomon.
Nous pouvons imaginer le moment où la Shekinah se présenta, comme prévu,
en 967 avant notre ère, 1440 ans après le Déluge – quand la pierre de fondation
du Temple fut posée. L’étoile flamboyante se leva rapidement à l’est, sa brillante
lueur illumina tout le paysage, et tous les présents s’agenouillèrent quand la
lumière du ciel vint resplendir sur eux. Il fallut attendre dix minutes, puis le
globe rougeoyant du soleil levant déchira l’horizon.
Nous comprenons sans peine que la plupart des gens soient sceptiques quant
au fait que des documents aussi mystérieux que les rituels d’une organisation
secrète qui a été accusée de tout, depuis le culte satanique jusqu’à la subversion
politique, puissent servir de preuves. Mais on a montré que ces rituels
contiennent des connaissances qui ne devraient pas être en possession d’une
organisation relativement moderne comme la franc-maçonnerie, laquelle n’a
guère plus de 550 ans au mieux.
Il est dit, dans le rituel du troisième grade de la franc-maçonnerie, que le roi
Salomon, Hiram de Tyr et Hiram Abif, étaient trois Grands Maîtres. Cela
suggère qu’ils possédaient un rang dans un Ordre secret, plus ou moins lié ou
analogue à la franc-maçonnerie. On dit qu’ils se réunissaient dans une chambre
secrète située juste au-dessous du Saint des Saints du Temple – le sanctuaire
intérieur où l’Arche d’alliance était déposée. Cette chambre souterraine était
reliée au palais de Salomon par un passage situé au sud.
Selon la légende maçonnique, telle quelle s’exprime dans le rituel du
troisième grade, lorsque le Temple fut près d’être achevé, quinze prêtres-artisans
expérimentés, travaillant en qualité de surveillants des travaux, furent assombris
de n’être toujours pas en possession des secrets et décidèrent de les obtenir par
tous les moyens – même s’il fallait recourir à la violence. La nature exacte de ces
secrets n’est pas décrite par la tradition maçonnique, mais selon nous ces
derniers ne pouvaient qu’être liés qu’à la manière de capter le pouvoir de la
Shekinah au sein du Temple.
Ces prêtres-artisans rebelles résolurent de tendre un piège à Hiram pour lui
arracher de force ses secrets. Mais douze d’entre les quinze jugèrent le projet
trop dangereux et se retirèrent du complot. Les trois conspirateurs qui restèrent
se postèrent aux entrées du temple presque achevé, à l’est, au nord et au sud, et
ils attendirent l’arrivée de leur maître qui venait adorer le dieu Soleil. Ils savaient
qu’il le faisait chaque jour à midi, quand le soleil est à son zénith.
Lorsqu’il eut fini ses dévotions, Hiram entreprit de se retirer par l’entrée sud
où il rencontra le premier des prêtres qui, selon la légende, s’était armé d’un
lourd fil à plomb. Brandissant son arme de façon menaçante, il exigea d’être
instruit des secrets d’un Maître maçon, prévenant que la mort serait la sanction
d’un refus.
Hiram répondit que ces secrets n’étaient seulement connus que de trois
personnes au monde et que, sans le consentement et l’aide des deux autres (le roi
Hiram et le roi Salomon), il ne pouvait ni ne voulait divulguer ces secrets, et
qu’il préférait subir la mort plutôt que de trahir la confiance sacrée que l’on avait
placée en lui. Le surveillant lui décocha alors un coup violent à la tête mais il
manqua le front de Hiram et lui infligea une blessure de côté, sur la tempe droite,
ce qui fit chanceler le maître et le fit fléchir sur le genou gauche. S’étant remis
du choc, il s’avança vers l’entrée nord.
Là, il fut abordé par le deuxième des conjurés, qui était armé d’un niveau de
maçon. Hiram rejeta encore ses exigences relatives aux secrets et reçut aussitôt
un autre coup violent, cette fois sur la tempe gauche, qui le fit tomber au sol sur
le genou droit. Trouvant sa retraite coupée en deux endroits, Hiram, affaibli et
couvert de sang, marcha en titubant vers l’entrée de l’est où l’attendait le
troisième conspirateur, armé d’un lourd maillet. Après qu’Hiram eut encore
refusé de révéler les secrets, le troisième homme lui donna un coup fatal sur le
front. Le maitre tomba sans vie à ses pieds.
Les trois conspirateurs furent pris de panique quand ils prirent conscience
qu’ils avaient tué leur maître et n’avaient toujours pas connaissance des grands
secrets. Ils enveloppèrent le corps et le conduisirent dans les montagnes où ils
ensevelirent Hiram dans une tombe peu profonde préparée à la hâte et qu’ils
marquèrent d’un rameau d’acacia.
L’absence d’Hiram fut bientôt relevée et, inquiets que quelque chose de grave
se soit produit, quelques-uns des prêtres principaux vinrent informer Salomon de
la disparition de leur maître. Le roi ordonna immédiatement un dénombrement
général des ouvriers dans les différents secteurs, et il apparut que trois des
surveillants étaient portés manquants. Le même jour, les douze hommes de
métier qui avaient initialement été mêlés au complot parurent devant le roi et
firent une confession volontaire de tout ce qu’ils savaient, jusqu’au moment où
ils s’étaient retirés du nombre des conspirateurs.
Salomon choisit rapidement quinze de ses meilleurs hommes et leur ordonna
de faire une recherche diligente de Hiram, afin de savoir s’il était toujours en vie
ou s’il avait subi la mort après qu’on eut tenté de lui arracher les grands secrets.
On passa de nombreux jours à la recherche, sans succès, jusqu’au moment où
l’un des hommes vint saisir un arbrisseau qui, à sa surprise, se détacha aisément
du sol. En regardant de plus près, il vit que la terre avait été récemment remuée
et, avec l’aide de ses compagnons, il creusa un court moment et trouva le corps
de Hiram grossièrement enseveli. Ils le recouvrirent avec respect et vénération
et, pour marquer l’endroit, placèrent un rameau d’acacia à la tête de la sépulture.
Le groupe retourna directement à Jérusalem pour informer le roi Salomon de ces
tristes nouvelles.
On dit que lorsque sa colère et sa douleur se furent calmées, il ordonna aux
hommes de repartir pour porter le corps d’Hiram vers une sépulture convenable.
Ceci étant fait, leur mission était de trouver les responsables de ce meurtre. Ils se
dirigèrent vers Joppé (la moderne Jaffa) et s’apprêtaient à revenir à Jérusalem
quand, passant devant l’entrée d’une caverne, ils perçurent des gémissements à
l’intérieur.
En entrant dans la caverne, ils virent trois hommes qui répondaient à la
description de ceux qui manquaient. Il est dit que les gémissements étaient venus
de leur douleur lorsqu’ils avaient réalisé l’énormité de leur monstrueux crime.
Accusés du meurtre et ne trouvant aucune possibilité de fuite, ils firent un aveu
complet de leur culpabilité. Ils furent alors arrêtés et conduits à Jérusalem où
Salomon les condamna à une mort atroce.
Le Temple fut finalement achevé mais les rituels maçonniques affirment que
les secrets originels demeurèrent perdus jusqu’à nos jours.
Une croyance répandue disait que Yaweh soutiendrait son peuple tant que ce
dernier lui ferait l’hommage d’un sacrifice de temps en temps. Mais d’autres
prédisaient déjà la destruction du royaume comme châtiment de la méchanceté
de son peuple.
Après l’Exil
En 583, le roi perse Cyrus, qui avait vaincu les Babyloniens, promulgua un
décret autorisant tous les Hébreux de son royaume à regagner leur patrie.
Cependant, nombre de Judéens vivant à Babylone ne revinrent pas d’exil et
contribuèrent à former la Diaspora, vivant parmi les nations en dehors de leur
terre ancestrale.
Cyrus décida aussi que le Temple de Jérusalem devait être reconstruit, et il
ordonna que la vaisselle sacrée volée par Nabuchodonosor fût restituée.
Toutefois, comme on le rapporte dans le Livre d’Esdras, le travail du Temple fut
contrecarré par diverses factions et ne fut pas réellement mis en œuvre avant
quelques années, sous le règne de Darius. Le monarque perse autorisa
Zorobabel, un héritier de la lignée royale de David, à exécuter le décret de Cyrus
et à rebâtir le Temple sans encombre.
Le vieux document qu’est le Livre d’Esdrase raconte comme le jeune chef juif
dut résoudre une énigme avant d’être autorisé à reconstruire le Temple ruiné de
Yaweh – la réponse étant : « Le vin est fort, les femmes sont encore plus fortes,
mais la vérité triomphe de tout. »
En moins d’une année, en 487, la pierre d’angle du nouveau temple put être
posée, un événement qui coïncida avec la réapparition de la Shekinah,
précisément 480 ans après la fondation du premier Temple par le roi Salomon.
Les Judéens étaient placés devant un avenir nouveau et apparemment souriant.
Province de l’empire perse, mais libre une fois de plus de gérer ses propres
affaires religieuses, la Judée se voua entièrement à Yaweh. Pendant l’Exil, les
Juifs avaient purifié leur religion et posé les fondements de ce qui devait être le
judaïsme comme nous l’entendons (c’est, au sens strict, à partir de ce moment
que nous pouvons parler des « Juifs » – les fidèles de la religion revivifiée des
Judéens). Ils s’efforcèrent de mettre de l’ordre dans les nombreux conflits et les
contradictions que renfermaient la masse de leurs légendes et de leurs mythes.
C’est à cette époque qu’ils écrivirent l’essentiel de la Bible hébraïque (que les
chrétiens appellent l’Ancien Testament) – fusionnant différentes traditions pour
produire quelque chose pouvant ressembler à une histoire cohérente. Après ce
nouveau départ, le culte de Yaweh devint central dans la société juive, et les
religions comme les dieux des étrangers n’y furent plus tolérés comme ils
l’avaient été auparavant. Les non-Juifs furent persécutés et les religions
étrangères interdites. Juda devint une terre ou Yaweh, et Yaweh seulement,
devait être adoré.
Avant l’Exil, et pendant des siècles, tous les Israélites avaient cru qu’après la
mort l’âme du défunt gagnait une demeure souterraine informe, grisâtre et
poussiéreuse nommée le Sheol, afin d’y résider pendant un temps avant de se
fondre doucement dans le néant. Après le séjour à Babylone, une vision nouvelle
fut développée sous l’influence des prêtres de Salomon, selon laquelle le mal
était une force sombre, qu’ils nommèrent Satan, luttant contre Yaweh. Ils
adoptèrent également la croyance en une autre vie où la justice universelle
s’accomplirait après la mort, plutôt qu’au cours de la vie terrestre, ce qui eut
pour effet d’accroître le sentiment de responsabilité de chaque individu à l’égard
de ses actes.
Le Messie annoncé
Vers le milieu du IIe siècle avant notre ère, les membres de ce groupe secret se
portèrent de plus en plus loin du courant principal du judaïsme, en prévision des
événements importants qui devaient survenir. Un millier d’années avait passé
depuis que Salomon avait édicté ses lois et, au cours du temps, les Familles de
l’Étoile avaient tenté de susciter des changements. Elles avaient subi un brutal
retour en arrière quand les Babyloniens les avaient forcés à gagner l’Égypte. En
l’an 64 avant notre ère, elles avaient de nouveau souffert quand les armées de
Rome avaient envahi leur pays.
Pourtant, les Familles de l’Étoile croyaient qu’une apparition de la Shekinah
annoncerait la venue d’un grand sauveur de leur nation, le Messie (« l’Oint »).
La Shekinah était revenue en 487, soit 480 ans après la pose de la première
pierre du Temple de Salomon, mais aucun grand personnage ne s’était manifesté
alors. Désormais, 480 ans plus tard, en l’an 7 avant notre ère, elles attendaient la
prochaine apparition de la grande « étoile » flamboyante sur Jérusalem. Le
Messie viendrait-il cette fois ? Sans surprise, chacun attendait donc l’arrivée de
la Shekinah – même la marionnette que les envahisseurs Romains avaient placé
sur le trône de Judée : le roi Hérode le Grand.
a. Les traductions des textes bibliques en français sont tirées de la Nouvelle Bible Segond (2002) [ndt].
b. Nombres, 19, 1-10 [ndt]
c. Indiana, USA [ndt]
d. Dans la tradition juive, « dépôt » dans lequel sont temporairement conservés les écrits et les objets qui
ne peuvent être détruits car ils contiennent le nom divin [ndt].
e. Il s’agit ici du « Troisième Esdras », considéré comme apocryphe par les canons juif et chrétien, à ne pas
confondre avec le Livre d’Esdras de la Bible classique, référé précédemment, lequel ne comporte
précisément pas la mention de cette énigme qu’on y cherchera donc vainement [ndt].
CHAPITRE II
LE FILS DE L’ÉTOILE
Un nouveau temple
Lorsque la divine Shekinah avait brillé dans la constellation du Sagittaire, les
Égyptiens avaient réduit le peuple hébreu en esclavage, mais à présent c’était les
Romains qui occupaient le pays et tenaient les Juifs en captivité sur le sol même
que Dieu leur avait donné. Le souverain d’Israël était un homme de paille
nommé Hérode (« le Grand », qui régna de 30 avant notre ère à l’an 4 de notre
ère), qui avait peu de temps et peu d’intérêt pour ces questions mais était surtout
connu pour ses vastes projets architecturaux. Rien de tel ne s’était vu depuis
Salomon et Jérusalem commençait à paraître plus impressionnante que Rome
elle-même.
Onze ans avant le retour de la Shekinah, en 19, Hérode le Grand avait décidé
que le Temple de Yaweh, vieux de 500 ans et décrépi, devait être rebâti et
considérablement agrandi sur un mont du Temple bien plus étendu. Ayant peu
confiance en Hérode, le Juifs ne prirent réellement son plan au sérieux que
quand tous les matériaux nécessaires à la construction du nouveau Temple furent
réunis sur le site du chantier. Quelle que fût leur hostilité à l’égard d’Hérode,
c’était une occasion à ne pas manquer pour restaurer leur saint Temple.
Le chantier du nouveau temple fut exclusivement conduit par des maçons qui
étaient aussi des prêtres – exactement comme au temps de Salomon et même
lorsque que le Temple avait déjà été réédifié au Ve siècle avant notre ère par
Zorobabel. On rapporte qu’il ne fallut pas moins de 10 000 prêtres pour
construire le Temple d’Hérode, ce qui prit presque 90 ans. L’ensemble était à
peine achevé lorsqu’il fut détruit, en l’an 70 de notre ère, longtemps après la
mort d’Hérode.
Selon la loi juive, Dieu avait fixé l’emplacement et les dimensions du Temple,
de sorte qu’il était impossible pour Hérode de le déplacer ou de le faire plus long
ou plus large. Cependant, le Temple pouvait être plus élevé et construit à l’aide
de matériaux plus somptueux. Les efforts de construction furent surtout
concentrés sur la mise en place d’une vaste plate-forme pouvant former un
soubassement prestigieux pour le Temple. En élargissant la surface du mont du
Temple vers le nord, l’ouest et le sud, il créa un vaste plateau artificiel de plus 14
hectares. En revanche, le mur oriental qui surplombait la vallée du Cédron
demeura tel qu’il avait toujours été, pour que la lumière de la Shekinah puisse
entrer dans le Saint des Saints.
Quand la Shekinah arriva comme prévu, peu avant l’aube du 21 décembre de
l’an 8, les fondations n’en étaient qu’au début et le vieux Temple était toujours
sur son ancienne base, grâce à une démolition contrôlée et à l’emploi de
structures de soutien temporaires.
La venue du Messie
Le roi Hérode était douloureusement conscient que les Juifs attendaient alors le
« nouveau Moïse » qui le détrônerait pour établir un nouveau « royaume de
Dieu ». Ce guide avait pour nom le « Messie » – un terme dont la signification
était, pour les Juifs d’il y a 2 000 ans, très différente de ce qu’elle est pour les
chrétiens d’aujourd’hui.
Le terme Messie (de l’hébreu mashiah) signifiait littéralement « oint », ou
« frotté d’huile » – un acte rituel qui était la marque de la prêtrise ou de la
royauté. Il n’avait aucun autre sens et les Juifs ne considéraient certainement pas
que ce Messie était Dieu lui-même ni même le « Fils de Dieu ». De tels concepts
devaient apparaître bien plus tard parmi des étrangers apportant des idées
religieuses venues d’ailleurs. Le peuple d’Israël cherchait un homme qui serait
son roi et le conduirait à la victoire contre ses ennemis en général, contre les
Romains en particulier.
Les Juifs avaient de bonnes raisons de détester Hérode. Après son accession
au trône, il avait ordonné l’assassinat de ses rivaux de la précédente dynastie des
Hasmonéens (avant la conquête par les Romains en 63, les Hasmonéens avait
dirigé ce qui fut le dernier État juif indépendant jusqu’au XXe siècle) et il avait
confisqué les bien de l’aristocratie de Jérusalem afin de payer ses dettes envers
les Romains et son armée. Hérode prétendait être juif, mais en fait son père était
un Iduméen et sa mère une arabe nabatéenne. Un siècle plus tôt, les Hasmonéens
avaient soumis les Iduméens – les Édomites de la Bible, qui vivaient au sud de la
Judée et étaient des ennemis traditionnels d’Israël. Sous la pression des
Hasmonéens, les Iduméens s’étaient officiellement convertis au judaïsme, mais
les Juifs les regardaient toujours avec soupçon. L’Iduméen qui avait engendré
Hérode, Antipater, avait été fait procurateur de Judée sous Jules César, 40 ans
auparavant, et il servait à présent Hérode, comme gouverneur local sous mandat
des Romains. Il avait récemment fait la vie dure aux Pharisiens, une secte juive
traditionnaliste qui soutenait que le Messie mettrait fin à son pouvoir.
Le roi Hérode devait être profondément irrité par cette croyance selon laquelle
il serait bientôt chassé de son poste en dépit de tout ce qu’il avait fait pour
donner aux Juifs une capitale d’envergure internationale. Le fait qu’Hérode ait
cru ou non que le Messie des Juifs allait vraiment se mettre sur son chemin
importe peu : ses sujets le croyaient et ce seul fait pouvait conduire à des
troubles. Le roi, comme tout un chacun, savait ce qu’annonçait l’antique
« Prophétie de l’Étoile ». Elle apparaît dans l’Ancien Testament, au Livre des
Nombres, 24, 17, où il est prédit :
Ces hommes sages étaient des Mages, ce qui voulait dire originellement
« prêtres-astrologues » dans l’ancienne Perse, mais référait désormais à
quiconque possédait un savoir astrologique ou astronomique. Tout au long de
l’histoire, ceux qui possédaient la capacité de prévoir les mouvements célestes
avaient toujours été considérés comme dotés de pouvoirs dépassant l’intelligence
humaine normale, et les termes modernes de « mage » ou de « magicien »
proviennent de ce mot, initialement issu du perse. Il est probable que certains de
ces astronomes aient même été employés par Hérode pour calculer la date de la
Shekinah, afin qu’il soit préparé à toute révolte ou à tout soulèvement de la part
des habitants du pays.
Matthieu, au chapitre 2, nous dit aussi que le roi Hérode ordonna la mise à
mort de tous les enfants de moins de deux ans à Bethléem et aux alentours. Si
contrarié qu’Hérode ait pu être par la légende du Messie, le récit du massacre est
presque certainement une fiction inventée par les premiers chrétiens.
Néanmoins, il témoigne fidèlement de la dureté d’Hérode pour protéger son
trône ; vers la fin de sa vie, lorsque l’histoire fut forgée, il exécuta plusieurs
membres de sa propre famille.
Le calendrier moderne est fondé sur l’année présumée de naissance de Jésus-
Christ, et l’histoire est traditionnellement divisée en deux moitiés de part et
d’autre de cet événement, « av. J.-C. » (« avant Jésus-Christ. ») et « ap. J.-C. »
(« après Jésus-Christ »)a. On utilise désormais de plus en plus les formules
« avant notre ère » et « de notre ère »)b. Il n’y a pas d’année zéro dans ce comput
et le Christ est donc né en l’an 1, ce qui veut dire que nombre de gens ont
célébré le récent millénaire un an trop tôt, car le 2000e anniversaire de la
naissance du Christ tombait en 2001 et non en 2000.
Mais il est certain que ce calcul est faux car les annales nous disent clairement
qu’Hérode mourut à Jéricho peu avant son 70e anniversaire, vers le mois de mars
ou d’avril de l’an 4 avant notre ère – juste après une éclipse de lune. Cette date
fut même un problème pour de nombreux érudits chrétiens à une certaine
époque, car Hérode aurait pu difficilement tenter de tuer une personne née quatre
ans après sa propre mort. Selon notre estimation et suivant la tradition de la
Shekinah, Jésus naquit en l’an 8 avant notre ère, et non en l’an 1 de notre ère, de
sorte que leurs vies se sont bien croisées.
Ainsi, Jésus pourrait être né quand la Shekinah était dans le ciel, un 21
décembre. Toutefois, il semble plus probable que tous les récits de la naissance
de Jésus ne sont que des fictions destinées à justifier une affirmation plus tardive
selon laquelle il était le Messie annoncé. Mais Jésus ne fut pas le seul
personnage pour qui on ait revendiqué un statut messianique. Il est établi qu’au
moment où de nombreux Juifs pensaient qu’un Messie allait arriver, son nom
n’était pas Jésus, mais Jean.
Jean le Christ ?
Selon le Nouveau Testament, nombre de gens pensaient que Jean le Baptiste était
le Messie annoncé, et c’était certainement un personnage remarquable. Dans
l’Évangile de Luc (1, 15-17), on nous dit à propos de Jean-Baptiste que ce
dernier
Et plus loin, dans Luc 3, 15, il est dit que « le peuple était dans l’attente et que
tous se demandaient si Jean n’était pas le Christ ».
Il est à peu près certain que tous ou presque, dans « l’Église de Jérusalem »,
considéraient Jean-Baptiste comme le Messie (en grec khristos – le Christ) qu’on
leur avait promis. C’était un saint homme et il baptisa Jésus comme l’un de ses
disciples, un événement dont on a détourné le sens comme impliquant que Jean
était simplement le précurseur de Jésus.
Selon le Nouveau Testament, Jean-Baptiste est de la lignée sacerdotale de
Jésus. Cependant, un autre groupe important, les Mandéens, contestent cette
affirmation. Les Mandéens forment une communauté religieuse ancienne,
secrète et monothéiste principalement répandue en Irak et dans la province
iranienne du Khuzestân. Leur origine se situe à Jérusalem au temps du Christ et
un chercheur l’a décrite comme une « communauté petite mais tenace » qui
« suit une forme ancienne de gnosticisme » et « pratique une initiation, connaît
des phénomènes d’extase et des rituels dont on a dit qu’ils ressemblaient à ceux
des francs-maçons.1 »
Les Mandéens croient que Jean-Baptiste, qu’ils nomment Yahia dans leur
Sidra d-Yahia (Le Livre de Jean), fut le dernier et le plus important de tous les
prophètes et ils rejettent l’idée que Jésus-Christ (Yshu Mshiha) était soit le
Messie, soit un prophète. Pour eux, Jean-Baptiste seul était le vrai Messie.
Nous trouvons très intéressant qu’une secte très ancienne, dont la mémoire
culturelle remonte aux premières décennies du Ier siècle de notre ère, puisse
éventuellement posséder des rituels qui sembleraient de nature maçonnique. Il
n’est pas inintéressant de noter le fait que ce groupe vénérait Jean-Baptiste par
préférence à Jésus bien avant le début de son ministère et a continué jusqu’à ce
jour.
Il fait peu de doute que de nombreux autres groupes ont dû à un moment ou à
un autre, se trouver en accord avec la vision des Mandéens. Selon Hugh
Schonfield, un des principaux spécialistes des manuscrits de la mer Morte, il est
à peu près certain que Jean-Baptiste fut la première personnalité messianique et
le fondateur de « la Voie » – ce mouvement qui donna naissance à l’Église de
Jérusalem2.
Toutes les sources disponibles suggèrent fortement que Jean était tenu pour le
Messie et fut exécuté pour cette raison par les autorités à la solde de Rome3.
Josèphe, historien des Juifs au Ier siècle, considéré par de nombreux historiens
comme un témoin plus fidèle que les Évangiles, a rapporté que Hérode (c’est-à-
dire Hérode Antipas, le fils de Hérode le Grand) avait mis à mort Jean-Baptiste
pour prévenir une rébellion en l’an 36 de notre ère. Cela a soulevé un problème
pour les théologiens chrétiens qui pensent que Jean a disparu avant Jésus, or
Jésus est supposé avoir été crucifié trois ans avant cette date. Cependant, il n’y a
pas de problème car il y a de forts arguments pour montrer que Jésus est bien
mort après Jean.
En fait, il apparaît que Jésus fut le successeur de Jean comme chef de l’Église
de Jérusalem, celle des Ébionites. En ce sens, les deux furent considérés comme
le Messie – et nous pouvons être certains que les Juifs crurent alors que le
Messie était vraiment arrivé. Un document de cette époque, mis au jour
récemment, nous en apprend beaucoup à ce sujet. On peut y lire ceci : « Une
étoile a fait route de Jacob, un sceptre s’est levé en Israël, et il fracassera les
tempes de Moab et détruira tous les fils de Seth. »4 Il s’agit de l’un des
manuscrits de la mer Morte, ces vieux documents juifs cachés dans une grotte du
désert de Judée et redécouverts en 1947. La première ligne confirme que le
Messie attendu était bien arrivé, et la deuxième ligne nous informe qu’il va
bientôt commencer le guerre contre les ennemis du peuple juif. Le sceptre est le
symbole de la royauté dans presque toutes les cultures et confirme ainsi qu’on le
considérait comme le Messie royal. Cependant, l’avènement de ce nouveau
Messie ne pouvait pas avoir eu lieu à Bethléem, comme l’affirme par erreur
l’Évangile de Matthieu, car cette petite bourgade se trouve dans le sud de la
Judée. Pour être issu de l’ancienne terre d’Israël, comme le disait la prophétie, il
devait venir d’une région située bien plus au nord. Par exemple à Nazareth, en
Galilée (nous entendons ici Israël comme référant à une situation géographique
originelle et non comme un terme désignant la nation juive entière, ce qu’il a
finalement signifié).
Jésus, le Maçon
De nos jours, l’histoire de la chrétienté est centrée par l’arrivée d’un Messie juif,
né d’une vierge sous la lumière d’une étoile brillante apparue à l’est. Il était venu
pour réaliser des miracles et fut finalement exécuté avant de ressusciter et de
retourner au ciel.
On ne peut pas savoir si l’homme que nous appelons aujourd’hui Jésus-Christ
était né au moment où survint la Shekinah, mais nous sommes sûrs que lui, ou
ses disciples, ont affirmé qu’il était le Messie royal qui devait apparaître dans la
lumière de l’étoile divine. L’auteur de l’Apocalypse (22,16), écrivant environ 40
ans après la mort tant de Jean que de Jésus, cite ainsi Jésus : « Moi, Jésus, j’ai
envoyé mon ange pour vous apporter ce témoignage au sujet des Églises. C’est
moi qui suis le rejeton de la postérité de David, l’étoile resplendissante du
matin. »
On sait peu de chose des premières années de la vie de Jésus, mais il naquit
presque certainement en Galilée, peut-être dans un petit village nommé
Nazareth, et vécut à Capharnaüm, qui se trouve en Galilée.
Le nom de « Jésus » vient du latin Iesus et du grec Iesous, une façon de rendre
le nom hébreu autrefois assez commun de Yeshua, contraction de Yehoshua
(Yahoshua, Joshua), qui signifie « aide de Yaweh » et comporte la notion de
« sauveur ».
Le mot « Christ » vient du grec khristos. C’est simplement la traduction du
mot hébreu désignant le Messie (mashiah) – lequel, nous l’avons noté, veut dire
« frotté d’huile » (« le chrême ») comme marque de sa dignité sacerdotale et
royale. Beaucoup de gens considère le mot « Christ » comme un nom propre,
comme si « Jésus-Christ » était l’équivalent, en français moderne, de « Josué
Roi ». Mais « Christ » était un titre, de sorte qu’il faudrait rendre l’expression
« Jésus-Christ », non par « Josué Roi » mais par « Josué, le Roi ». Car ce même
Jésus était destiné à être le roi de la nation juive.
Classiquement, on rapporte que Jésus était charpentier comme son père.
Toutefois, le mot grec utilisé dans les Évangiles était tekton, ce qui veut
simplement dire « artisan, homme de métier » – un terme couramment utilisé
pour désigner un maître artisan travaillant la pierre. Il est à peu près certain que
si l’ascendance sacerdotale et davidique attribuée à Jésus dans les Évangiles
(Matthieu, 1, 1-17 ; Luc, 3, 23-28) était le moins du monde établie, il devait être
un prêtre héréditaire et très probablement l’un des 10 000 hommes saints qui
vinrent travailler à Jérusalem comme maçons sur le chantier du nouveau grand
Temple. C’est un fait qu’il y avait très peu de charpentiers à Jérusalem car les
constructions de l’époque recouraient peu au bois, alors qu’il y avait une foule
de maçons travaillant sur le nouveau Temple d’Hérode. Surtout, il est certain que
Jésus était un prêtre – il ne pouvait donc pas être seulement un pauvre
charpentier.
Dans la Première Épître de Pierre, 2, 4-9, il est nous est dit (prétendument par
celui qui devint plus tard le premier pape de Rome), en des termes qui évoquent
le métier de maçon, que Jésus était un prêtre de lignée royale et que son pouvoir
était lié à la sainte lumière de la Shekinah :
De nos jours, la plupart des spécialistes reconnaissent que le mot grec tekton a
une signification très large, et notre conviction est que la traduction longtemps
admise de ce mot par « charpentier » est une erreur manifeste. Il n’y pas
d’argument ni même de logique pour la justifier, alors qu’il existe de fortes
raisons de traduire par « maçon ». Les Évangiles en français utilisent le mot
« rabbi » en 13 endroits et emploient 47 fois le mot « maître » pour désigner
Jésus – et ces deux mots auraient pu s’appliquer à un prêtre de haut rang. On
nous dit que des étrangers sont venus voir Jésus pour lui demander de chasser les
démons, de guérir les malades, de régler les disputes et de valider les dernières
volontés. Il devait logiquement avoir l’apparence d’un prêtre, par son allure, son
vêtement, ou les deux, et dut être considéré comme tel.
Nous avons donc établi qu’il est au moins assez raisonnable de penser que
Jésus a affirmé être :
« L’un d’entre eux prend le saint livre et le lit, tandis qu’un autre
homme de grande expérience s’avance et explique ce qui n’est pas
très intelligible, car un grand nombre de préceptes sont énoncés en
des termes énigmatiques et allégoriques, à la façon ancienne, et ainsi
le peuple est instruit sur la piété, la sainteté, la justice et l’économie,
la science du gouvernement des états, la connaissance des choses
naturellement bonnes, mauvaises ou indifférentes, l’art de choisir ce
qui est bien et d’éviter ce qui est mal, faisant usage pour cela d’une
triplicité de définitions, règles et critères, à savoir : l’amour de Dieu,
de la vertu et de l’humanité. »
Philon décrit ici le recours aux paraboles par les plus hauts prêtres esséniens –
exactement comme on voit Jésus le faire dans les Évangiles chrétiens ; c’est
pourquoi nous croyons que Jésus appartenait à cette secte.
Vie et rituels des Esséniens
L’écrivain du Ier siècle qui a le plus écrit sur les Juifs fut Josèphe (env. 37 – env.
100). Il laisse entendre qu’il avait été lui-même initié dans la confrérie
essénienne. Dans ses deux célèbres ouvrages, La guerre des Juifs et Les
antiquités judaïques, il affirme que la plupart des Esséniens ne se mariaient pas.
Quelques-uns le faisaient mais ils respectaient des règles strictes dans leur vie
sexuelle. Ils considéraient le plaisir comme un mal et s’imposaient une
continence et une maîtrise de soi ; ils portaient des robes blanches et parlaient
d’eux-mêmes comme étant du « Liban », un terme qui en araméen voulait dire
« blanc ».
Selon Josèphe, ces hommes commençaient leur journée en se tournant vers
l’est pour prier comme « dans une invocation au soleil levant ». Ils se baignaient
souvent dans des citernes d’eau froide et se réunissaient pour un repas sacré dans
une salle où seuls les initiés étaient admis. Après une humble prière dite par un
prêtre, ils partageaient le pain et un seul type d’aliment. Ils achevaient le repas
par une autre prière pour remercier Dieu, dispensateur de la nourriture.
Josèphe nous apprend également que la vie des Esséniens était encadrée par
des « surveillants » (du grec episkopos – d’où le mot « évêque ») qui
organisaient leur emploi du temps quotidien, laissant seulement aux frères leur
liberté pour deux choses – porter assistance à ceux qui étaient dans le besoin et
montrer de la compassion. Jacques, le frère de Jésus, était qualifié d’episkopos,
ou évêque de Jérusalem.
Pour être admis, un prosélyte devait d’abord vivre à la manière des Esséniens
pendant un an afin de faire ses preuves avant d’être baptisé. Il devait alors
continuer à vivre selon leur coutume pendant deux autres années pour démontrer
qu’il était digne de confiance. C’était seulement à ce stade qu’il pouvait prêter le
serment solennel qui faisait de lui un membre à part entière et lui permettait de
prendre part au repas sacré. Il devait s’engager à la piété envers Dieu, à faire
justice à tous les hommes et à ne jamais porter tort à qui que ce fût, de lui-même
ou sur l’ordre de quiconque.
Les Esséniens prêtaient des vœux qui les obligeaient :
« Que ton règne vienne. Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ».
C’était sûrement dans l’attente de ce moment que le roi Salomon avait créé
son sacerdoce héréditaire. Les Familles de l’Étoile, qu’il avait choisies, étaient
sur le point de faire de la vision du vieux roi une réalité. Jésus savait que son
temps était venu – comme les sages l’avaient annoncé depuis longtemps, comme
le soulignaient les mouvements du ciel, et avec la permission spéciale de Dieu.
Même si ses propres troupes étaient maigres, les Romains n’auraient aucune
chance face au pouvoir de la Shekinah – la lumière de Dieu. Fort de cette
confiance, Jésus accomplit l’impensable lorsque, venant au Temple avec ses
proches, il y suscita une rixe et renversa les étals des marchands – n’oublions pas
que les Esséniens rejetaient le commerce.
Jésus, et tous ceux qui suivaient la voie, tout en parlant de paix, demeuraient
conscients que la guerre s’approchait dangereusement. Jésus nomma des
assistants principaux : deux étaient nommés Simon, les autres Judas, Jacques et
Jean – qui était désigné comme le « fils du tonnerre ». L’un de ceux que l’on
appelait Simon était un sicaire, un spécialiste du « poignard ». Dans Luc 22, 35-
38, il informe ses amis qu’il est temps pour les pacifiques de prendre les armes :
Dans Matthieu, 10, 34, Jésus précise : « Je ne suis pas venu pour apporter la paix
mais la guerre. »
Mais cela ne devait pas se produire. Jésus n’était pas le Messie annoncé dans
la mesure où il ne put vivre suffisamment pour assister à la grande guerre contre
Satan. Les Romains arrêtèrent le prétendu Messie pour ce que nous appellerions
aujourd’hui des actes de terrorisme, presque dès le moment où sa mission prit un
caractère public. Jésus fut rapidement exécuté et l’Église de Jérusalem dut se
regrouper sous la direction du plus jeune frère de Jésus, un saint homme du nom
de Jacques. Jacques le Juste, le frère de Jésus, était désormais le Messie du
groupe.
Paul de Tarse
La vie se poursuivait et les Juifs esséniens se demandaient comment ils allaient
susciter le royaume de Dieu. Jacques allait aussi rencontrer l’échec en tant que
Messie, et il aurait sans doute été oublié par l’histoire si un étranger n’était
parvenu à Jérusalem quelques années après la crucifixion. Il était originaire de
Tarse, la capitale de la province Cilicie en Asie mineure, là où la religion
dominante était le mithraïsme – une variante perse du culte solaire qui
connaissait une certaine popularité dans tout l’Empire romain à cette époque. Ce
contexte allait avoir un impact profond sur la vision du judaïsme par cet homme.
L’étranger était venu au monde dans une famille de mithraïstes convertis au
judaïsme. En tant que Juifs hellénisés, ils donnèrent à leur enfant un nom hébreu,
Saül, aussi bien qu’un nom grec, Paul. On le nommait habituellement Paul. Paul
était un homme d’allure robuste qui, de son métier, fabriquait des tentes et
présentait certains problèmes psychiques. Dès son arrivée à Jérusalem, il trouva
de l’emploi auprès d’un grand prêtre sadducéen, chargé du « contrôle » politique
des différents opposants religieux afin qu’ils demeurent à leur place. Il fut
rapidement connu pour son traitement musclé des troubles suscités par une secte
juive rassemblant les disciples de celui qui avait été récemment exécuté après
avoir affirmé être le roi attendu par les Juifs – le Messie. Pourtant, cet « homme
de main » des Sadducéens connut brutalement une « expérience mystique ».
Paul avait certainement entendu parler de cet Essénien qui s’était annoncé
comme le Messie, celui qui ressuscitait les morts et avait lui-même connu une
mort affreuse. Les souvenirs de son éducation mithraïste à Tarse dansaient dans
sa tête et les idées esséniennes prirent subitement vie en lui lorsqu’il combina les
deux systèmes ensemble.
Ce fut là une formidable crise – lui seul pouvait comprendre ce que cela
signifiait. La famille et les disciples de Jésus n’avaient rien compris mais, dans
un aveuglant éclair d’inspiration, Paul crut avoir mis au jour des vérités que Dieu
lui avait révélées, et à lui seul.
Au vu des récits de l’expérience « divine » de Paul et de sa cécité temporaire
sur le chemin de Damas, les experts médicaux ont supposé que son hallucination
avait probablement été liée à une crise d’épilepsie. Quelle qu’en ait été l’origine,
ce qui entra dans l’esprit du fabricant de tentes le conduisit à créer une nouvelle
religion : le christianisme.
Tout semble s’être passé comme si son problème médical l’avait conduit à
penser qu’il possédait une compréhension de la mission de Jésus en
contradiction flagrante avec celle de Jacques, le frère de Jésus, et des autres
proches disciples de Jésus qui vivaient encore. L’étranger affirma que le Dieu
des Juifs lui avait révélé la vérité, et à lui seulement, et que sa mission était de
faire connaître ce message aux non-Juifs : sans doute parce qu’il savait que ceux
qui le connaissaient ne l’écouteraient pas une seule seconde :
« Mais quand il a plu à Dieu […] de révéler son Fils en moi, pour
que je l’annonce comme une bonne nouvelle aux non-Juifs.11 »
Il fit savoir fièrement comment il avait été préparé à être tout ce que l’on
voudrait pour tout le monde, qu’il était juif quand cela servait son dessein et
qu’il n’était pas disposé à jouer les second rôles à l’égard de qui que ce fût –
même pas envers Jacques, le frère de Jésus, qui dirigeait à présent l’Église de
Jérusalem. Il comptait bien l’emporter par tous les moyens possibles12.
Bien que l’idée de la mort et la résurrection physique de Jésus soit au cœur de
la foi chrétienne, les spécialistes sérieux pensent qu’elle a été construite sur le
sable bien plus que sur le roc. Un expert très estimé des origines du
christianisme écrit :
La destruction du Temple
Pendant tout ce temps, les prêtres de Jérusalem travaillaient à la phase finale du
nouveau Temple. Le Temple lui-même était de taille plutôt modeste mais
l’esplanade que l’on avait aménagée autour était vraiment gigantesque. Les murs
de soutènement du mont du Temple étaient faits d’énormes pierres
soigneusement taillées dont aucune ne pesait moins de deux tonnes. À leur base,
par endroits, comme à l’angle sud-ouest, la solidité de l’édifice nécessitait
l’emploi de pierres de 50 tonnes. Elles étaient superposées en alignements
orientés successivement est-ouest et sud-nord. Les murs s’enfonçaient aussi très
profondément, atteignant le lit rocheux, et aucun mortier ni aucun matériau
d’assemblage n’avait été utilisé, la stabilité de l’ensemble résultant du poids
considérable des pierres et d’une diminution progressive de chaque assise de
l’ordre de 3 à 5 centimètres.
Cette façon d’assembler les pierres était si répandue au temps du roi Hérode
qu’on la nomme « hérodienne », et fut aussi utilisée dans un but décoratif pour
les ossuaires de cette époque dans la région de Jérusalem.
Même s’ils faisaient effort pour achever leur nouveau Temple, les prêtres
savaient qu’il serait détruit au cours de la guerre qui avait été annoncée. Sous le
Temple se trouvaient des cryptes et des chambres dont l’agencement n’était
connu que des seuls prêtres qui les avaient bâties, et où ils établirent des
« endroits secrets », prêts à recevoir certains objets lorsque le Royaume de Dieu
adviendrait.
La « grande guerre » contre Satan, que l’on attendait, vint en effet – 30 ans
après la mort du Christ – en l’an 66.
Pour les Juifs, l’oppression et la tyrannie des Romains atteignirent leur point
culminant en 64 sous le proconsul Gessius Florus. Les germes de la « grande
guerre » étaient semés et les Juifs demeuraient confiants, pensant que Dieu
viendrait à leur secours et soutiendrait leur cause. En 66 ils lancèrent une attaque
concertée contre leurs oppresseurs. Le conflit éclata à Jérusalem et Césarée, et en
novembre les soldats romains avaient été chassés de la cité sainte, faisant 600
morts parmi les hommes de troupe, le grand prêtre du Temple ayant été assassiné
pour sa sympathie envers Rome.
L’empereur Néron, profondément mécontent, répondit en décrétant deux
ordres : détruire Jérusalem et raser le Temple. Pour traiter la révolte juive, Néron
choisit un général aguerri de 57 ans, Vespasien, bientôt aidé de son fils, Titus. Le
général s’était forgé une réputation impressionnante en calmant des troubles en
Grande-Bretagne, et il se dirigea vers la Judée avec des plans pour faire le siège
de Jérusalem.
Finalement, les Juifs furent si près de gagner que Rome dut mettre en œuvre
toute sa force militaire pour emporter la victoire. Les Romains savaient que si les
Juifs obtenaient leur indépendance, tout l’Empire se révolterait bientôt.
Un homme nommé Joseph ben Mathias avait reçu le commandement des
forces juives. Cependant, les extrémistes juifs apprécièrent peu la façon timorée
dont cet homme pacifique conduisit la bataille. La sanglante besogne des
massacres et des contre-massacres se déroula avec une inimaginable cruauté.
Les Juifs luttèrent avec une bravoure et une intelligence qui défièrent la haute
valeur des légions romaines. Ils infligèrent aux Romains de lourdes pertes mais
la puissance de Rome s’imposa et les villes commencèrent à tomber les unes
après les autres. Les Romains, qui avaient souffert, se vengèrent en massacrant la
population de chaque cité, rendant toute reddition impossible, même si les Juifs
l’avaient demandée. Vers la fin de la première année des combats, Gabara,
Jotapata, Jaffa, Tarichea, Gischala, Gamala et Joppé n’étaient plus que des villes-
fantômes et les Romains avaient repris le contrôle de la Galilée, de la Samarie et
de la côte ouest de la Judée. Au cours de l’année suivante, Vespasien investit à
peu près toutes les villes, ne laissant à prendre que les bastions de Herodium,
Macharea, Masada et Jérusalem.
Les Esséniens avaient foi dans les anciennes prédictions selon lesquelles la
guerre serait presque perdue avant que Dieu ne leur donne la victoire finale, et
ils commencèrent donc à mettre à l’abri leurs documents et l’important trésor du
Temple dont ils s’étaient emparés.
Au fil du temps, Joseph ben Matthias finit par désespérer de l’issue de la
guerre, prévoyant une catastrophe pour les Juifs. Il changea de camp et se mit à
travailler pour les Romains, en espérant limiter le désastre qui allait s’abattre sur
sa nation. Il fut connu des Romains sous le nom de Josèphe et devint plus tard le
célèbre historien des Juifs.e
La guerre semblait pratiquement perdue pour les Juifs. Mais à ce moment,
l’ancienne prophétie parut sur le point de se réaliser. L’effort de guerre des
Romains s’interrompit soudainement, et le bruit courut qu’il y avait de sérieux
problèmes à Rome même. Les légions de la Gaule et de l’Espagne, alliées à la
Garde prétorienne, s’étaient révoltées contre Néron, le forçant à fuir de Rome.
Le Sénat déclara l’Empereur ennemi public et le conduisit au suicide en 68.
La pause dans les combats fut liée au retour de Vespasien à Rome où on le
proclama empereur, laissant à son fils Titus le soin de poursuivre la guerre. Le
répit fut cependant de courte durée et Titus entama le siège de Jérusalem en 70.
Il y avait beaucoup de monde à Jérusalem en raison des festivités de Pâques,
et lorsque Titus interrompit l’adduction d’eau et l’arrivée de vivres, les
populations assiégés souffrirent terriblement. Ceux qui tentaient de fuir étaient
crucifiées face aux murs de la ville pour servir d’exemples aux autres et, selon
Josèphe, la famine fut si sévère qu’un jour une mère en vint à manger la chair de
son petit garçon.
Titus ne voulait pas détruire le Temple et il promit d’épargner les Juifs s’ils
mettaient fin à leur résistance. Josèphe fut envoyé pour tenter de persuader ses
compatriotes de se rendre – mais ils refusèrent, pensant que Dieu allait intervenir
pour soutenir leur juste cause.
Les chefs juifs, Jean de Gischala et Simon ben Gorius, combattirent avec
beaucoup de talent, établissant d’étroites « zones de mort » de telle sorte qu’au
moment où les murs seraient franchis, les assaillants se retrouvent dans de
petites poches que l’on pourrait nettoyer aisément. Mais la vague des soldats
romains devint irrésistible et bientôt de nombreux bâtiments furent la proie des
flammes. Le 10 août 70, un jour de sabbat, le Temple lui-même fut embrasé.
À dater de ce jour, le peuple juif ne devait plus jamais offrir de sacrifice à son
Dieu.
Au terme d’un rude combat, la ville entière fut livrée en septembre 70. La Cité
Sainte fut prise et incendiée, et la 10e Légion romaine campa sur les ruines du
Temple qui avait été entièrement rasé. Les soldats romains passèrent au fil de
l’épée tous ceux qu’ils trouvèrent : homme, femme, enfant. Josèphe rapporte que
sur les 2,5 millions de personnes qui se trouvaient dans la ville à l’occasion de
Pâques, 1 million périt pendant le siège et 347 000 en d’autres endroits. Parmi
ceux qui restaient, 97 000 furent conduits en captivité et 11 000 moururent de
faim.
Cependant, Josèphe nous dit aussi que même après la destruction du Temple,
l’immense dédale de couloirs souterrains de la vaste esplanade procura aux
combattants juifs de nombreuses cachettes :
Simon avait revêtu l’habit blanc des Esséniens et le manteau pourpre d’un roi.
La robe blanche et le manteau de pourpre avaient été préparés car, même en cet
épouvantable instant, Simon et ses disciples croyaient encore que Dieu allait
intervenir pour transformer une horrible défaite en une glorieuse victoire pour
les Fils de la Lumière.
Simon se trompait. Mais ni lui ni aucun de ses hommes ne donnèrent aux
Romains le moindre soupçon des splendeurs qui reposaient à l’abri dans les
profondeurs du Mont du Temple.
Entre 66 et 70, une énorme proportion de la nation juive fut passée par l’épée,
et cependant le Nouveau Testament ne fait même pas la moindre mention de
pertes parmi ceux qui se trouvaient au cœur même de l’histoire chrétienne et
dont beaucoup avaient assisté au baptême, à la prédication et à la crucifixion de
Jésus. Nous pensons que cette omission, hormis peut-être dans Luc 21, 20, où il
est fait référence à ces événements sous la forme d’une prophétie de Jésus,
démontre bien que ces nouveaux évangiles du christianisme n’étaient en rien liés
aux Juifs et à leur quête du Messie. Le fabricant de tentes illuminé, venu de
Tarse, avait involontairement forgé une nouvelle enveloppe pour un vieux culte à
mystères, donnant finalement lieu à ce qui serait l’une des plus grandes religions
du monde.
Les chrétiens de la Diaspora, qui avaient reçu l’interprétation étrange que Paul
faisait de la vie et de la mort de Jésus, étaient libres de tisser une histoire
inventée car il ne subsistait que peu de gens pour raconter la véritable histoire.
Ils adoptèrent le « Messie juif » comme le leur, mais ils ne se virent jamais
comme une secte juive. Ayant retenu une version dénaturée de l’histoire des Fils
de la Lumière, ils tournèrent le dos aux Juifs, les accusant même d’être
responsables de la mort de leur propre Messie davidique.
Le Fils de l’Étoile
Cependant les prêtres des Familles de l’Étoile n’étaient pas tous morts.
Beaucoup prirent le chemin de l’Europe et quelques-uns restèrent en Judée dans
l’espoir qu’ils pourraient encore gagner la guerre. Un peu plus d’un demi-siècle
après, en 132, un autre membre d’une Famille de l’Étoile crut que le moment
était venu de se présenter comme le Messie. Son nom de famille était Simon bar
Koshiba, mais il prit de celui de Bar Kokhba, « Fils de l’Étoile ».
Pour s’assurer que son armée ne rassemblerait que les plus rudes combattants,
il déclara que ne seraient dignes d’y être incorporés que ceux qui se couperaient
un doigt de la main droite. Pas moins de 200 000 hommes acceptèrent de passer
cet horrible test.
L’épreuve fut ensuite supprimée mais, au terme de son recrutement, Bar
Kokhba disposait d’une énorme et féroce armée de près de 580 000 hommes. Le
nouveau Messie commença son offensive en prenant une par une certaines
places, saccageant forteresse après forteresse, ville après ville, pour finalement
redonner toute la Palestine au Juifs et à leur Dieu.
L’empereur des Romains, Hadrien, réagit sur le champ en rappelant de
Bretagne son meilleur général, Jules Sévère, afin qu’il conduise son armée
contre les Juifs. Il y avait alors douze légions prêtes au combat, venues d’Égypte,
de Bretagne, de Syrie et d’autres régions. En raison du grand nombre de rebelles
juifs, plutôt que de déclencher une guerre générale, Sévère fit le siège de chaque
forteresse, affamant les Juifs assiégés pour les affaiblir. C’est alors seulement
qu’il entrait en guerre ouverte. Les Romains démolirent entièrement 50
forteresses juives et 985 villages. Il y eut aussi des victimes parmi les Romains
et Hadrien ne fit pas parvenir au Sénat son message habituel : « Mon armée et
moi-même nous portons bien ».
Finalement l’armée romaine accula Bar Kochba dans une petite zone fortifiée
de Jérusalem nommée Bétar, tenue pour imprenable – mais elle tomba aussi.
Un demi-million de Juifs trouvèrent la mort sur le champ de bataille. Les
autres furent vendus comme esclaves, se cachèrent dans des grottes ou prirent la
fuite vers d’autres pays. L’existence des Juifs, résidant sur leur terre en tant que
nation, avait pris fin.
Mais l’Église de Jérusalem n’était pas partie. Un nombre modeste mais
significatif de disciples de Jean, Jésus et Jacques, avait survécu. Ce groupe,
généralement connu sous le nom d’Ébionites (de l’hébreu Ebyonim, les
« pauvres ») se maintint dans la province romaine de Judée (une région plus
vaste que l’ancienne Judée de Jérusalem) pendant les premiers siècles de notre
ère.
Les Ébionites étaient en conflit théologique avec les chrétiens pauliniens et
avec les gnostiques avant même la destruction de Jérusalem. De nombreux
spécialistes modernes, comme Hyam Maccoby, Robert Graves, Hugh Schonfield
et Keith Akers, estiment que les Ébionites rejetaient les leçons de Paul et
demeuraient fidèles aux véritables enseignements de Jean, Jésus et Jacques le
Juste.
Loin de la tourmente de la Terre Sainte, les prêtres des Familles de l’Étoile
vivaient toujours. Ils attendaient l’heure propice pour continuer leur mission et
mettre en place un nouvel ordre mondial voulu par Dieu. Dans les siècles qui
suivirent, le pouvoir des Romains commença à faiblir, mais la puissance
l’Empire fut transférée au culte du fabricant de tentes. Les Familles de l’Étoile
devaient maintenant composer avec la puissance religieuse du christianisme.
AU SECOURS DE L’EMPIRE
Constantin et la religion
Ayant opéré d’importants changements dans la vie civile et militaire, Constantin
dirigea son attention vers les affaires religieuses avec pour objectif d’apporter
autant d’unité et de stabilité que possible parmi les citoyens. Constantin était un
fidèle de la religion solaire dédiée à Deus Sol Invictus (le « Dieu Soleil
Invaincu »), communément appelé Sol Invictus – un culte très proche du
mithraïsme et peut-être identique. L’empereur Aurélien l’avait introduit comme
la première religion officielle de l’Empire à l’époque de la naissance de
Constantin. Aurélien avait fait la dédicace du temple de Sol Invictus à Rome le
25 décembre 274, qui était la fête Dies Natalis Sol Invictis c’est-à-dire de la
« Naissance du Soleil invincible ».
Le 7 mars 321, Constantin décida que le dimanche (pour les Romains, le Dies
Solis) serait un jour de repos en l’honneur du dieu Soleil. Il déclara :
Il est certain que Sol Invictus et les mystères de la religion de Mithra étaient très
populaires à Rome lorsque Constantin vint au pouvoir, mais ils n’étaient pas les
seuls. Le christianisme prospérait aussi, bien qu’il fût encore loin d’être
organisé. Après Paul, il avait explosé en de nombreuses variantes et plusieurs
évangiles et autres textes religieux étaient en circulation.
Nous pouvons être assurés que les Familles de l’Étoile étaient demeurées
actives pendant tout ce temps, non seulement à Jérusalem et aux alentours, mais
également bien plus loin à l’ouest. La recherche historique et archéologique dans
le passé lointain de la Gaule et de la Bretagne montre que le christianisme fut
présent en ces endroits depuis une date très ancienne. Comme nous le verrons, le
développement du christianisme culdéen aux marges celtiques de l’Empire offrit
aux prêtres des Familles de l’Étoile un refuge sûr dans des provinces
suffisamment éloignées pour échapper au pouvoir des épiscopats qui se
mettaient en place plus à l’est.
La persécution des chrétiens avait officiellement pris fin en 313, lorsque
Constantin et son co-empereur d’alors, Licinius, avaient conjointement publié
l’Édit de Milan qui, pour l’essentiel, avait rendu légal le christianisme dans tout
l’Empire. Le fait qu’Hélène, la mère de Constantin, ait été chrétienne, dut
exercer une influence.
Rome avait été généralement plutôt tolérante à l’égard des différentes
croyances adoptées par ses nombreux citoyens. Les premiers dirigeants de Rome
n’avaient pas seulement reconnu le droit pour chaque individu de croire ce qui
lui semblait bon en matière religieuse, mais Rome même avait souvent intégré
des divinités locales venues de très loin, et les avaient finalement incluses dans
son propre panthéon, riche de nombreux dieux et déesses. Pour autant que les
empereurs successifs aient été concernés, il n’aurait pas dû en aller différemment
pour le christianisme, s’il ne s’était pas produit que ses fidèles aient obstinément
refusé de reconnaître les empereurs eux-mêmes comme des personnes divines,
ou d’admettre que leur premier hommage était dû à Rome et à ses chefs. Jésus
avait ouvertement distingué les empereurs de ce monde et son Dieu en disant :
« Donne à Dieu ce qui est à Dieu, et à César ce qui est à César. »
De nombreux chrétiens auraient aimé vivre en paix comme des citoyens
soumis à la loi, mais les différents empereurs s’étaient profondément indignés
lorsque les chrétiens avait refusé soit de reconnaître leur divinité, soit d’admettre
la primauté de leur autorité. Des dizaines ou des centaines de milliers de
chrétiens avaient péri dans les prisons de l’Empire, dans les amphithéâtres ou sur
le bord des routes – beaucoup d’entre eux étaient moins les disciples du Juif
Jésus, à propos de qui ils ne savaient pratiquement rien, que ceux du Christ
ressuscité, presque entièrement fictif, créé par Paul de Tarse.
Constantin était un homme pragmatique et il se souciait peu de savoir quelle
religion était populaire chez son peuple, mais il voulait inciter chacun à se
conformer à un ordre établi. Il estima que le christianisme pouvait fournir la base
d’une religion stable et universelle que l’on pourrait gouverner depuis Rome.
Mais il savait aussi qu’il ne pourrait l’obtenir tant que le christianisme
demeurerait un assemblage de cultes très différents, au sein même d’un groupe
qui croyait que l’homme nommé Jésus était un dieu.
Le féminin sacré
Dès l’époque du concile de Nicée, le christianisme vouait déjà un culte à une
mystérieuse Trinité que nous connaissons aujourd’hui sous les noms de Père,
Fils et Saint Esprit. Dès l’origine, le christianisme fut fortement influencé par la
Grèce et la langue grecque qui était la langue commune de l’Empire romain
d’Orient. La troisième composante de la Trinité, avant d’adopter le nom de Saint
Esprit, fut souvent qualifiée de Sophia, un nom grec féminin signifiant la (sainte)
Sagesse. Ce concept ancien était déjà présent dans l’Ancien Testament et se
trouvait au cœur des systèmes gnostiques.
Les disciples de Mithra avaient admis ce que le christianisme primitif paraît
aussi avoir reconnu comme certain et qui paraissait évident aux Familles de
l’Étoile – à savoir qu’il ne peut y avoir de Père et de Fils sans qu’il y ait une
Épouse et une Mère. Il n’y a là rien qui soit exceptionnel. C’était un aspect
important de tous les autres cultes à mystères qui proliféraient alors, au même
titre que le culte de Mithra et le christianisme des origines. Le plus populaire de
tous, florissant à l’époque même du christianisme, était celui des mystères de
Déméter que l’on célébrait annuellement en Grèce.
Déméter, que l’on appelait simplement la « Terre Mère » était une très
ancienne divinité que l’on avait vénérée dans toute l’Europe et dans plusieurs
régions de l’Asie dès le paléolithique. Bien qu’elle ait dû posséder selon les lieux
des centaines de noms différents, elle était alors surtout connue comme la
« Grande Déesse ». Il ne fait aucun doute qu’elle occupa la place suprême dans
la vie spirituelle des gens pendant des dizaines de milliers d’années. Son culte
était passé de l’Europe à la Crète à l’époque minoenne, puis sur les rives du pays
de Canaan où les Phéniciens, notamment, l’avaient accueilli avec enthousiasme.
Parfaitement interprété par les ancêtres de Juifs, il était inclus dans le concept de
la « Sainte Union » du féminin et du masculin qui était supposé se produire au
moment de la Shekinah.
À l’époque où Déméter atteignit une position dominante, période que l’on
réfère sous le nom d’Âge classique de la Grèce (au Ve siècle avant notre ère), le
concept de la Grande Déesse avait déjà plusieurs milliers d’années et Déméter
représentait l’essentiel du culte de cette divinité. Un récit populaire laissait
entendre que Déméter était la déesse de la végétation et qu’elle avait beaucoup
témoigné de son souci pour le genre humain. On racontait aussi qu’elle avait une
fille, Perséphone, qui avait été enlevée par Hadès, le dieu des Enfers.
Furieuse, Déméter s’était tournée vers le frère de Hadès, Zeus, en demandant
que sa fille soit libérée. Zeus accepta d’intervenir en prévenant que Perséphone
ne pourrait quitter les Enfers que si elle n’avait rien absorbé pendant sa captivité.
Il apparut qu’elle avait par surprise avalé une graine de grenade. Il fut alors
décidé par Zeus que désormais Perséphone devrait passer un tiers de l’année
chez Hadès et les deux autres tiers avec sa mère dans le monde supérieur.
Accablée de douleur, comme elle devait l’être chaque année pendant que sa
fille était retenue captive, Déméter fit disparaître de la surface de la terre toute
végétation. Telle était l’explication que les Grecs donnaient de l’hiver et c’était
probablement une variante de l’histoire que l’on racontait à l’époque de la Crète
minoenne et sans doute aussi partout ailleurs dans des temps très anciens.
En outre, on associait à Déméter un autre personnage qui dans certaines
versions était son époux mais presque aussi souvent son fils. Son nom était
Dionysos et il devint le plus populaire des dieux grecs. Il s’occupait
particulièrement de tout ce qui fructifiait et notamment de la vigne. Des récits
rapportaient que Dionysos avaient été assailli par des brigands qui l’avaient tué
puis fait griller et dévoré sa chair. Grâce à l’intervention de Déméter, son corps
avait été reconstitué, et cela était devenu un événement cyclique célébré
annuellement.
Le culte de Déméter se pratiquait deux fois par an à Athènes et aux alentours.
Les cérémonies qui s’y déroulaient sont connues sous le nom de « mystères de
Déméter » sont toujours restées à peu près inconnues. C’est un signe du respect
et de la crainte qu’elles inspiraient.
De plus, les initiés s’engageaient à préserver les secrets sous peine de mort.
Plus à l’est, en Égypte, une version de cette déesse omniprésente s’était
développée. Elle se nommait Isis et elle devint extrêmement populaire, non
seulement en Égypte même mais également dans tout le monde romain et même
ailleurs.
Isis était initialement une divinité lunaire et sa présence dans le panthéon
égyptien est si ancienne qu’elle devait déjà exister à l’origine de la vie civilisée
sur les bords du Nil. Les contes populaires faisaient d’elle l’épouse d’Osiris, le
plus aimé des dieux de l’Égypte, qui s’occupait plus particulièrement des morts
et de la vie dans l’au-delà. Osiris régnait sur la terre jusqu’au jour où il fut trahi
par un autre dieu, Seth, qui fit en sorte qu’Osiris se retrouve enfermé dans un
sarcophage scellé, abandonné au fil du courant sur le Nil. Le cœur brisé, Isis
rechercha assidûment son mari. Le cercueil s’était échoué dans la lointaine
Byblos et s’était enfoui dans un buisson de tamaris, lequel avait donné lieu à un
arbre dont le tronc renfermait le sarcophage. Le roi de Byblos avait été pris
d’une telle admiration pour cet arbre qu’il y avait fait tailler une colonne pour
soutenir son palais. Isis l’avait finalement retrouvé et avait pu libérer son époux
de sa prison.
Cependant, Seth n’en avait pas fini. Pendant l’absence d’Isis, il fit découper le
corps d’Osiris en 14 morceaux qu’il dispersa à travers le monde. Isis voyagea
pendant longtemps, rassemblant les différentes parties pour finalement
reconstituer le corps. Elle avait alors ramené Osiris à la vie par des moyens
magiques, suffisamment longtemps pour concevoir de lui un fils, Horus.
Toutefois, certaines versions de l’histoire rapportent qu’Isis avait retrouvé tous
les fragments du corps de son mari, hormis son pénis et que, afin de concevoir
Horus, elle en avait façonné un en cire d’abeille. Osiris avait alors investi le
Duat, le monde souterrain, pour présider à la vie posthume de tous ceux qui
croyaient en lui à et à sa fidèle épouse.
Il y a plusieurs points communs entre les histoires d’Isis et celles qui
concernent Déméter. Dans les deux cas, il y a une certaine équivoque quant aux
relations entre le dieu et la déesse. Dans certaines versions le dieu est le parèdre
de la déesse, ailleurs c’est son fils. À chaque fois, cependant, le corps du dieu est
mis en pièces puis reconstitué par la déesse et l’origine de cette histoire est bien
connue. Les personnages des dieux Osiris et Dionysos sont représentatifs d’une
divinité très répandue dans les temps anciens et généralement connue sous le
nom de « Dieu du Blé ». Alors que la déesse est permanente et représente les
forces de la nature, le Dieu du Blé doit renaître chaque année comme le blé lui-
même, qui pousse puis est coupé et réduit en morceaux pour que l’humanité le
mange. En ce sens, Osiris et Dionysos ne représentent pas la nature elle-même
mais sa générosité qui s’épanouit chaque année au printemps.
Le Dieu du Blé se trouve aussi au cœur du christianisme, au moins pour autant
que les Évangiles soient concernés. Cela apparait clairement à la fin de la vie de
Jésus, au moment de ce que l’on nomme la Cène. Ce repas rituel est décrit en
détail dans la Bible des chrétiens. Il est supposé s’être déroulé la veille du jour
où Jésus fut arrêté, jugé et crucifié par l’autorité romaine. Lors de ce repas
particulier, Jésus prit une coupe de vin et la passa à ses disciples. Selon Luc 22,
17 : « Il prit une coupe, rendit grâce et dit : Prenez ceci et partagez-le entre
vous. »
Jésus poursuivit en expliquant que ce vin représentait son sang. Il s’occupa
ensuite du pain. Selon Luc, 22, 19 : « Il prit du pain ; après avoir rendu grâce, il
le rompit et le leur donna en disant : c’est mon corps qui est donné pour vous ;
faites ceci en mémoire de moi. »
Il est peu probable que cet événement ait jamais eu lieu. Une telle idée aurait
été parfaitement répugnante pour tous les Juifs à une époque où le sang et la
viande morte étaient interdits pour eux. Comme présumé « Roi des Juifs », Jésus
aurait perdu tout soutien s’il avait tenu des propos si provocants. Cette scène est
un développement ajouté tardivement pour attirer les Romains habitués depuis
des siècles à boire le sang de leurs dieux.
Plus vraisemblablement, la Cène fut le repas de fête habituellement pris en
commun par la plupart des Juifs la veille de Pâques. Le partage du pain et du vin
était bien plus ancien que le Christ, comme la Bible elle-même en témoigne.
Dans Genèse, 14, 18, nous apprenons que des centaines d’années avant que les
premiers Juifs aient existé, Melchisédech (ce qui signifie « roi de justice »)
présentait le pain et le vin.
Il ne peut y avoir ici aucune ambigüité. Melchisédech ou Jésus, ou quiconque
ayant pu écrire le premier ces histoires, faisait clairement référence au Dieu du
Blé issu de la plus haute antiquité. Ce qui rend si importante l’anecdote du
Nouveau Testament est le fait qu’une partie de l’analogie porte spécifiquement
sur le pain, lequel provient évidemment du blé.
Si Jésus s’est lui-même identifié au Dieu du Blé, ou bien si ses disciples l’ont
fait, nous devrions pouvoir trouver dans son histoire un équivalent de la Grande
Déesse, et de fait nous l’y trouvons. Ce n’est autre que la Vierge Marie.
Le christianisme triomphant
En dépit de tous les efforts de Constantin, même l’instauration d’une religion
officielle ne pouvait que retarder l’inévitable. En moins de deux siècles,
l’Empire allait s’écrouler, ne laissant subsister le pouvoir impérial qu’en Orient,
avec son siège à Constantinople. Mais le christianisme paulinien, avec ses
lourdes structures et sa hiérarchie ancrée à Rome, survécut aux invasions
barbares qui détruisirent les institutions civiles romaines en Occident. Les
barbares eux-mêmes furent convertis très tôt et la foi continua à gagner du
terrain, atteignant finalement les limites de l’Europe, par exemple l’Irlande où
les populations avaient pendant des siècles tenu à distance cette religion
hétérogène. Au bout du compte, elle devint le culte unique de l’Europe entière.
À mesure de sa progression, le christianisme perdit à l’égard des autres
croyances l’esprit de tolérance dont il avait au moins fait preuve à Nicée. En
particulier, il en vint à diaboliser Vénus, une planète tenue pour sacrée depuis si
longtemps que nul ne savait quand cela avait commencé. Vénus était une partie
de la Shekinah et avait été la « petite aiguille » du temps sacré. Elle représentait
le pouvoir suprême de la Déesse et, de fait, la planète porte encore son nom
parce que Vénus était l’équivalent de l’Isis égyptienne et l’Aphrodite grecque, et
qu’elle était elle-même un autre visage de la Grande Déesse. Vénus était aussi le
symbole de la Vierge Marie, une chose que les francs-maçons ne devaient pas
oublier, de nombreux siècles plus tard, tant leurs usages devaient être imprégnés
par les croyances des Familles de l’Étoile.
Finalement, le christianisme élimina entièrement le culte de Vénus. À vrai
dire, il devait persister aux marges de l’Europe, en Scandinavie, où le culte de
Lucifer, le Seigneur de Lumière, dont la fête, au solstice d’hiver, avec des
chandeliers et des feux, fut intégrée aux pratiques locales du christianisme. Mais
dans l’ensemble, Vénus, comme divinité masculine ou féminine, fut perfidement
attaquée. Lucifer, qui à l’origine avait été une divinité plus ou moins secondaire,
associé à Vénus, fut désormais considéré comme l’autre nom de Satan.
L’association, d’un point de vue mathématique et magique, des mouvements de
Vénus et de ceux du Soleil, tels qu’on les observe depuis la Terre, devint le
thème de légendes oubliées et interdites au moment où l’Église chrétienne
persécutait tous ceux qui interrogeaient le ciel en portant vers lui un regard
curieux. Les grands chapeaux pointus, autrefois portés par les mages – ces
hiérophantes savants, prêtres-astronomes – étaient à présent considérés comme
des coiffes de sorcières, et les cannes qui leur servaient à mesurer les ombres
furent qualifiées de « manches à balai ».
Tout ce qui pouvait s’éloigner un tant soit peu de la ligne de l’Église fut
« péché » et « hérésie ». L’obtention d’un passeport pour une heureuse vie dans
l’au-delà dépendait pour chacun d’une stricte adhésion au culte nouvellement
formé par l’alliance de Mithra et de Jésus.
La lumière de Lucifer avait été éteinte. L’ignorance avait triomphé de la
sagesse et la superstition s’était substituée à la logique. L’Église étendit un voile
de ténèbres sur l’Europe alors même que la vérité ne reposait plus que sur elle.
L’intolérance religieuse devint la norme et le fait de souscrire aveuglément à la
foi une marque de grande vertu. Ceux qui s’en tinrent à une religion fondée sur
la connaissance de la nature et de l’astronomie furent qualifiés de païens, un
terme que l’Église utilise encore à tort pour désigner ceux qu’elle considère
comme ignorants et mauvais.
L’Âge sombre était sur le point d’arriver.
Les familles sacerdotales qui avaient survécu au grand massacre par les Romains
lors de la première guerre des Juifs (66-70) et la suivante (132-135) (voir
Chapitre 2), avaient fui loin de leur si chère patrie. Depuis des rivages lointains,
elles observaient et attendaient. Certains avaient perdu tout espoir qu’advienne
un jour le royaume des cieux, d’autres se retirèrent peu à peu, d’autres enfin
admirent que ce devait être la volonté de Dieu que leur jour arrive à une date
heureuse qu’il choisirait lui-même. La confrontation directe avec leurs
oppresseurs visibles semblait sans espoir et la dernière cohorte qui avait tenté
d’enlever le pays des mains de Rome avaient suivi son chef, Bar Kochba, le
« Fils de l’Étoile »… dans l’oubli.
L’Apocalypse de Jeana
Le membre d’une famille de l’Étoile, illustre et paradoxalement inconnu sous le
nom de Jean, rédigea ses pensées. Il écrivit sur la triste condition des siens un
texte très profondément passionné qui eut du mal à trouver son chemin dans le
Nouveau Testament mais finit par conclure les Écritures chrétiennes. Dans le
Livre de l’Apocalypse [de la Révélation], sans doute rédigé 10 à 20 ans après la
première guerre des Juifs, le mystérieux Jean pleure la perte de la Cité sainte
mais il écrit aussi des mots d’espoir et parle des combats futurs entre les forces
du bien et mal. Ce texte est certainement de caractère énochien et tranche très
nettement sur le reste du Nouveau Testament ; il ressemble également certains
passages apocalyptiques de l’Ancien Testament comme Ézéchiel ou Daniel. Il fit
juste en sorte de ne pas être rejeté en passant par le filtre paulinien.
Il est plutôt étrange que l’Apocalypse ait pu survivre au grand nettoyage opéré
sous Constantin mais le débat relatif à ses références chrétiennes n’a jamais été
clos. Il fallut des siècles avant que l’Église catholique romaine mette un terme à
la discussion sur son authenticité. Il y a cinq siècles, Luther, le théologien
fondateur de la Réforme protestante, reconnut que l’Apocalypse était séparée du
reste du Nouveau Testament. Il écrit :
Le fait que l’Apocalypse soit très énochienne par son style rend très probable
qu’elle soit due à un familier de l’Église de Jérusalem, sans doute en lien avec
les Esséniens. Comme nous l’avons dit, le Livre d’Enoch était très en faveur
parmi les premiers chrétiens mais disparut presque complètement il y a 1 500
ans.
Le Livre d’Enoch était perdu au temps de Martin Luther mais il est très
significatif qu’il ait mentionné une ressemblance entre l’Apocalypse et ce qu’il
appelle le Quatrième Livre d’Esdras (4 Esdras). Celui-ci est désormais connu
comme le Deuxième Livre d’Esdras et a joué un rôle central dans la formation
de la franc-maçonnerie en Écosse – bien avant l’époque de Luther.
Dans l’Apocalypse, 5, 10, Jean écrit :
Il semble s’agir ici d’une mention des Familles de l’Étoile, les descendants d’une
lignée divine de rois et de prêtres – ceux dont la mission divine était de mettre en
place un nouvel ordre mondial pour guider l’humanité vers son destin final.
Dans les chapitres 20 et 21, Jean prophétise que 1000 ans après la chute de
Jérusalem, les serviteurs du mal, Gog et Magog, attaqueraient la cité de Yaweh.
Mais alors les saints se relèveraient et reprendraient leur patrie. Jean écrit :
Les autres morts ne revinrent point à la vie jusqu’à ce que les mille
ans fussent accomplis. C’est la première résurrection.
Heureux et saints ceux qui ont part à la première résurrection ! La
seconde mort n’a point de pouvoir sur eux ; mais ils seront
sacrificateurs de Dieu et de Christ, et ils régneront avec lui pendant
mille ans.
Quand les mille ans seront accomplis, Satan sera relâché de sa
prison.
Et il sortira pour séduire les nations qui sont aux quatre coins de la
terre, Gog et Magog, afin de les rassembler pour la guerre ; leur
nombre est comme le sable de la mer.
Et ils montèrent sur la surface de la terre, et ils investirent le camp
des saints et la ville bien-aimée.
Mais un feu descendit du ciel, et les dévora. […]
Puis je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre ; car le premier ciel
et la première terre avaient disparu, et la mer n’était plus.
Et je vis descendre du ciel, d’auprès de Dieu, la ville sainte, la
nouvelle Jérusalem, préparée comme une épouse qui s’est parée
pour son époux. »
Le Temple des Juifs avait été détruit en 70. L’origine précise des termes « Gog et
Magog » est encore inconnue mais les spécialistes de la Bible savent qu’ils
étaient utilisés pour désigner tous les envahisseurs venus du nord. Ainsi, Jean
prévoyait une autre invasion mille ans plus tard et que « les morts »
ressusciteraient après ce millénaire. Cela ne peut que référer au retour attendu
des Familles de l’Étoile, sachant qu’elles n’étaient pas mortes au sens littéral du
mot, mais plutôt quant à leur influence et à leur succès. L’attaque serait suivie
par la victoire de ceux qui auraient ressuscité et par la venue d’une Nouvelle
Jérusalem – une Nouvelle Jérusalem mondiale, avec le Dieu des Juifs
gouvernant le monde. Ce serait un monde « sans mer » pour reprendre les mots
de Jean, c’est-à-dire un monde unifié, sans barrières entre les nations.
Pour des gens rationnels, prévoir le futur paraît impossible et il n’est pas
surprenant que des prophéties à long terme décrivant des événements détaillés
soient invariablement démenties. En revanche, ceux qui croient au surnaturel
(comme de nombreuses personnes avant l’Âge de la science) admettent qu’il y a
des moyens d’outrepasser les lois de la nature. Le prophète Élie avait prévu
l’avènement d’un nouveau Messie lors du retour de la Shekinah. Un événement
astronomique, la Shekinah, devant se produire à une date prévisible, et puisque
le peuple attendait un Messie, la prophétie d’Élie semblait raisonnable – jusqu’à
ce qu’elle s’effondre avec la mort de Jésus.
Pourtant, comme nous le verrons, quelles qu’aient été les circonstances dans
lesquelles il rédigea ses écrits, la vision de l’avenir prodiguée par Jean dans
l’Apocalypse devait se révéler d’une saisissante exactitude.
Sans grande surprise, semble-t-il, l’alliance entre les Normands et les Familles
de l’Étoile, basée en Normandie, adopta ce même lion, mais en double
exemplaire, comme son symbole propre (un choix qui, sinon, serait curieux pour
un peuple du nord de l’Europe).
En 1066, Guillaume, duc de Normandie, envahit victorieusement l’Angleterre
et le Lion de Juda figura bientôt sur le cimier du pays conquis – le signe de la
« Nouvelle Jérusalem » évoquée par Jean dans l’Apocalypse.
De nos jours les armes royales de Grande-Bretagne comprennent neuf
animaux dont huit lions. La licorne enchaînée d’Écosse est le seul autre animal.
Cependant, malgré cette image de licorne, un lion rampant unique, d’abord
utilisé par les Normands, demeure la figure héraldique principale de l’Écosse.
Et il en fut ainsi.
En 1076, la nouvelle dut se répandre comme une trainée de poudre parmi les
membres des Familles de l’Étoile, en France, en Angleterre et en Écosse. Les
Turcs Seldjoukides avaient pris Jérusalem, la détruisant en grande partie. La
première partie de la prophétie était donc exacte et il était désormais de leur
devoir d’accomplir la seconde partie : en tant que descendants des prêtres qui
avaient défendu Jérusalem un millénaire plus tôt, il leur appartenait de reprendre
le Temple et de récupérer les documents secrets qui reposaient dans ses
profondeurs. Une fois la Jérusalem réelle revenue entre leurs mains, ils
pourraient rétablir l’autorité de Yaweh et bâtir un monde prêt à suivre sa loi.
Mais comment pourraient-ils obtenir la victoire à une telle distance et contre
des forces aussi énormes que celles des Turcs ?
Avoir conquis l’Angleterre avec le secours de leurs amis norvégiens avait été
une chose, mais même si toutes les familles normandes acceptaient de se battre à
leurs côtés, ils seraient encore en trop faible nombre pour traverser le monde et
aller déloger les hordes musulmanes de leur terre ancestrale.
Le plan qui fut alors ourdi doit être retenu comme le plus grand coup de génie
militaire que le monde ait jamais connu. Il nécessita des années de discussion, de
négociations, de complots, de chantages et de jeux de pouvoir de toutes sortes.
L’idée était audacieuse à l’extrême. Pour gagner, il fallait prendre le contrôle du
Saint-Office et utiliser le pouvoir du Pape pour mobiliser toute la chrétienté dans
une grande guerre destinée à reconquérir Jérusalem.
De nouveau, l’accent fut mis sur les Familles de l’Étoile vivant en
Champagne. Les événements qui se produisirent pendant les deux siècles
suivants démontrent à quel point la pénétration des croyances ébionites et
l’influence des Familles de l’Étoile étaient considérables au sein de l’élite
dirigeante en Champagne. L’un de ses membres, un homme du nom d’Odon de
Lagery, dans la parenté des comtes de Champagne, avait exactement le profil
requis pour réaliser ce qui était souhaité – avoir un pape issu d’une Famille de
l’Étoile. Avec l’aide des Normands, cela devint une réalité.
Né vers 1042 à Chatillon-sur-Marne, en Champagne, Odon était issu d’une
influente famille aristocratique de haut rang. Encore jeune il fut destiné à une vie
ecclésiastique et devint bientôt chanoine puis archidiacre de la cathédrale de
Reims. Après un passage à l’abbaye de Cluny (qui pendant de nombreux siècles
fut une base pour les manœuvres des Familles de l’Étoile), Odon fut envoyé à
Rome pour servir le pape Grégoire VII. Il brilla aisément au sein d’une Église
mal en point. Il y gagna aussi une stature en soutenant le pape dans ses efforts
pour arracher l’Église des mains du pouvoir temporel, comme celles du Saint-
Empire.
En 1087, à Grégoire VII succéda Victor III qui, dans des circonstances
obscures et assez suspectes, mourut seulement quatre mois plus tard à Monte
Cassino. Au moment de sa mort, il était entouré de cardinaux venus en Italie
pour prendre part à un concile près de Benevento. Parmi eux, les cardinaux
venus de Champagne et de Bourgogne ainsi que les Normands étaient
majoritaires. Ils sortirent de la chambre mortuaire en annonçant que le pape
mourant avait proposé Odon de Lagery pour lui succéder. L’absolue vérité sur
ces événements ne sera jamais connue mais Odon devint finalement le pape
Urbain II, le 12 mars 1088.
Son entrée à Rome, contestée dans certains quartiers, ne fut rendue possible
que grâce à la présence de troupes normandes. Elle eut lieu en novembre 1088
mais en dépit du soutien des Normands, Urbain dut passer environ trois ans en
exil dans le sud de l’Italie, une région alors sous contrôle normand. Il rencontra
d’innombrables difficultés avec le Saint-Empire et eut souvent à craindre pour sa
vie mais, dès que les circonstances le permirent, il réunit un concile à Clermont,
en France, en novembre 1095. Là, en présence de toute la noblesse européenne,
devant des rangées de cardinaux et d’évêques, il appela solennellement à une
guerre sainte contre les Turcs qui menaçaient de soumettre l’Église d’Orient. Il
indiqua franchement que son objectif final était de regagner Jérusalem à la
chrétienté.
Le pape soumit un plan pour la Croisade et invita ses auditeurs à en rejoindre
les rangs. Il donna mission aux évêques présents de retourner chez eux pour en
enrôler d’autres dans la Croisade. Urbain proposa aussi une stratégie de base en
vertu de laquelle les groupes de Croisés des différentes contrées de l’Europe
devraient commencer leur voyage vers l’Orient dès le mois d’août 1096. Chaque
groupe devrait se financer par ses propos moyens, sous la seule responsabilité de
son chef, et devait cheminer séparément jusqu’à la capitale byzantine,
Constantinople, où tous se fondraient dans une armée de masse. De là, avec
l’empereur byzantin, ils lanceraient une contre-attaque sur les Seldjoukides qui
avaient conquis l’Anatolie. Une fois cette région placée sous le contrôle des
chrétiens, les Croisés feraient campagne contre les musulmans de Syrie et de
Palestine, leur but ultime étant Jérusalem.
Les plans se déroulèrent plus ou moins comme Urbain l’avait proposé. Les
armées progressèrent en Anatolie et en Syrie et, en mai 1099, elles atteignirent la
cité sainte de Jérusalem. Le siège fut mis et les engins – fabriqués à partir de
navires génois, en raison du manque de bois – furent avancés pour aller à
l’attaque des impressionnants remparts de la cité de Jérusalem. La ville tomba
finalement le 15 juillet 1099. Une fois dans les murs, les Croisés commencèrent
à tout détruire et tout massacrer. Selon un témoin, Foulcher de Chartes :
De nombreux Juifs, que l’on avait vus aux côtés des Turcs, ayant sous-estimé la
gravité de leur situation, furent brutalement abattus.
Une fois encore, la cité de Dieu était le théâtre d’une sauvagerie débridée.
Une semaine après que la Cité Sainte avait été prise, on avait déjà débarrassé
les quartiers du centre de leurs monceaux de cadavres et la vallée de Hinnom, au
sud de Jérusalem, face à la Porte des Esséniens, fit office de charnier. Une fumée
âcre s’éleva au-dessus des bûchers qui brûlèrent jour et nuit pour consumer la
chair en décomposition des amas de morts. Cette vallée avait été pendant
longtemps le lieu où des enfants étaient sacrifiés à Moloch, bien avant que le
Temple ne soit construit et, depuis l’époque du Christ, on y avait incinéré les
ordures de la toute la ville. On comprend que cette vallée ait pu servir de source
d’inspiration pour les feux de l’Enfer.
Dans le bâtiment Al-Aqsa – qui n’était plus alors une mosquée – le chef de
l’armée qui avait eu raison des murs de la ville, Godefroy de Bouillon, se vit
offrir la couronne de Jérusalem. C’était le petit-fils de Godefroy III, duc de basse
Lotharingie (la Lorraine) qui avait joué un rôle majeur dans la formation d’un
groupe de prêtres ardents au monastère de Cluny. Godefroy s’était d’abord
opposé au Pape mais, lorsque Urbain II avait proposé la Croisade, il était présent
et avait au su de tous vendu tous ses biens pour se joindre à l’expédition en
qualité de chef, pour prendre Jérusalem.
En tant que membre d’une Famille de l’Étoile, Godefroy savait qu’il ne
pouvait prétendre au titre de « roi de Jérusalem » car il n’était certainement pas
le Messie. Au lieu de cela, il demanda à être nommé Advocatus Sancti Sepulchri,
c’est-à-dire « Avoué du Saint-Sépulcre ».
Des problèmes apparurent immédiatement quand un prêtre normand,
Arnolphe de Chocques, patriarche de Jérusalem pro tempore, fut remplacé par
Dagobert de Pise, qui n’appartenait à aucune des Familles de l’Étoile. Dagobert
voulut faire du nouveau royaume une théocratie avec le pape sa tête, représenté
par le patriarche. Godefroy tourna la difficulté en promettant de remettre la
couronne au Saint-Siège quand les Croisés auraient conquis l’Égypte – ce qui ne
se produisit jamais.
« Un armurier vint à lui et présenta six flèches [au roi]. Le roi les
prit aussitôt avec une grande satisfaction, louant ce travail et, dans
l’ignorance de ce qui allait se passer, en garda quatre pour lui et
donna les deux autres à l’un de ses amis, du nom de Walter Tyrell
[…] lui disant : ‘Il est normal que les plus effilées soient données à
celui qui sait décocher les traits les plus meurtriers.’»3
a. En anglais, le mot apokalupsis, généralement traduit littéralement par « apocalypse » en français, se rend
plus justement par « revelation », conformément à l’étymologie du mot grec (= mise à nu, dévoilement,
révélation). On parle non pas du Livre de l’Apocalypse mais du Livre de la Révélation [ndt].
b. Les auteurs évoquent ici, naturellement, la Grande-Bretagne de leurs lecteurs. [ndt]
CHAPITRE V
Pas moins de 61 lieux sont décrits et les précieux objets sont énumérés. John
Allegro, qui fut un spécialiste passionné et objectif des manuscrits de la mer
Morte, a rapporté sa stupéfaction lorsqu’il prit conscience de ce que le document
contenait :
Bernard de Clairvaux
En France, l’ordre des Cisterciens se développait bien, notamment grâce à un
Anglais nommé Stephen Harding et plus tard à Bernard, le jeune neveu d’André
de Montbard.
Bernard était le fils de Tescelin, seigneur de Fontaines au nord de la
Bourgogne, et d’Aleth, une jeune femme de la noblesse de Montbard en
Champagne. Ils eurent plusieurs enfants mais Bernard fut très tôt reconnu
comme particulièrement intelligent et sagace. Quoique de petite stature, il devait
se révéler un partenaire de taille face aux plus puissants des rois, des princes et
des papes.
En 1113, à l’âge de 23 ans, Bernard avait chevauché vers le sud pour parcourir
les quelques 5 miles qui séparaient Fontaines de Clairvaux et rejoindre le
monastère cistercien. Dans la même année il fut suivi par pas moins de 30 de ses
proches – en réalité ils se « joignirent » moins au monastère qu’ils n’en prirent le
contrôle. Trois ans plus tard, à 26 ans, Bernard avait sa propre abbaye, tout près
de Troyes en Champagne. Elle se nommait « Clairvaux », ce qui voulait dire
« Vallée de la Lumière » et, bien que Cîteaux demeurât la maison mère de
l’ordre, ce fut en fait à Clairvaux que les décisions devaient être prises au cours
des 30 années qui suivirent.
Bernard (bientôt connu sous le nom de Bernard de Clairvaux) commença
aussitôt à jouer son rôle dans la politique de l’Église, d’abord en Champagne
puis très vite à travers toute la Chrétienté. Quand Hugues de Payens et les siens
commencèrent leurs travaux à Jérusalem, Bernard lança une campagne visant à
bâtir la réputation de ces chevaliers terrassiers de Jérusalem comme les plus
brillants guerriers du monde, plutôt que comme une troupe d’ermites fouilleurs.
Ses paroles doivent beaucoup à la licence poétique :
Bernard le Mystique
Bernard se révéla d’une importance sans égale dans l’histoire de la pensée
chrétienne. Il devait plus tard être canonisé sous le nom de Saint Bernard de
Clairvaux, bien qu’il en soit venu à n’être considéré dans l’histoire de l’Église
que comme un « mystique » et malgré le fait que son approche du christianisme
ait été, pour dire le moins, hautement inhabituelle.
Bernard eut deux obsessions qui dominèrent sa vie et se sont reflétées, en
pratique, dans toutes ses actions. D’abord, il était absolument fasciné par le
concept de la nature féminine de Dieu personnifiée par la Vierge Marie pour
laquelle il avait une vénération apparemment sans bornes.
Son respect pour les femmes eut une influence réelle dans les cours
européennes où leur statut s’améliora grâce à ses efforts. Bernard semble avoir
partagé les vues de Jésus-Christ qui pensait que tous les individus étaient égaux
en dignité aux yeux de Dieu et que chacun, homme ou femme, pourrait entrer en
contact avec Dieu si un nouvel ordre mondial était établi.
Ensuite, Bernard a toujours montré un intérêt inusité pour le Cantique des
cantiques, ou Les chants de Salomon. Tout au long de sa vie il a écrit des
dizaines de sermons à propos du Cantique des cantiques, lequel demeure l’un
des plus curieux livres de la Bible.
Le Cantique des cantiques apparaît au premier abord comme un long poème
d’amour entre deux fiancés. Il fait mention de Salomon mais il est très
improbable qu’il lui doive directement quoi que ce soit et de nombreux
spécialistes lui donnent pour origine le nord d’Israël. Ils estiment que le
Cantique des cantiques provient d’une série de poèmes traditionnels qui furent
assemblés vers 300 avant notre ère4 – précisément l’époque où les Esséniens se
constituèrent.
Le Cantique des cantiques, en apparence, est une belle histoire d’amour avec
peu de contenu religieux – il ne cite Dieu qu’une seule fois – mais les Juifs le
considèrent comme une allégorie de la relation entre Dieu et Jérusalem.
Les chrétiens de l’époque de Bernard de Clairvaux adoptèrent le Cantique des
cantiques à la manière des Juifs mais, dans le cadre du christianisme, comme une
allégorie de la relation entre Jésus-Christ et l’Église. En surface, c’est ainsi que
Bernard de Clairvaux abordait cette œuvre mais, plus profondément, il est très
probable qu’il considérait ce livre extraordinaire comme le faisaient les Juifs
mystiques. À l’instar des érudits juifs de son temps, Bernard voyait presque
certainement le Cantique des cantiques comme un récit délicatement voilé
évoquant la refondation de Jérusalem et la relation de la Nouvelle Jérusalem
avec Dieu.
Il était notoire que Bernard était fasciné par le judaïsme. Quand Jérusalem
avait été conquise, une génération plus tôt, les Juifs présents dans la ville avaient
été massacrés, sans plus de scrupules que pour les musulmans. Au XIIe siècle, en
Europe occidentale, les Juifs menaient une vie marginale5. Ils pouvaient prendre
part au commerce et avaient leur utilité en matière de finance car ils avaient la
possibilité de pratiquer le prêt à intérêt, ce que les chrétiens ne pouvaient faire,
en principe. Percevoir des intérêts sur un prêt était considéré comme de
« l’usure » et cela était interdit aux chrétiens par les lois ecclésiastiques. Les
Juifs n’étaient pas soumis de telles lois et le prêt d’argent était ainsi l’un des
rares moyens par lesquels ils pouvaient atteindre une certaine prospérité en
Europe. Malheureusement, les Juifs étaient souvent harcelés comme « ennemis
du Christ », les pogroms n’étaient pas rares et l’Église y jouait souvent un rôle
certain. Bernard de Clairvaux était différent. À plusieurs reprises dans sa vie, et
malgré un emploi du temps chargé, il s’en alla pendant des jours empêcher des
pogroms contre les Juifs, et on a pu suggérer qu’il avait abrité des kabbalistes
juifs et des experts en hébreu au sein même de sa propre abbaye, près de Troyes.
Les tendances mystiques de Bernard l’ont conduit à être vénéré bien au-delà
de ce qu’il aurait dû l’être. Il fut sans conteste l’un des grands intellectuels de
son temps – il décrivit un jour Dieu comme « hauteur, largeur, profondeur et
ampleur » - et il suggéra aussi que Dieu se trouverait plus facilement parmi les
rochers ou les arbres que dans une église construite par les hommes.
C’est en grande partie grâce à lui que vers 1130 les Familles de l’Étoile se
trouvèrent en position privilégiée pour commencer à bâtir un nouvel ordre
mondial. Après 60 ans de manœuvres et de meurtres, elles avaient acquis le
contrôle de l’Occident et des terres des Croisés en Orient. Bernard faisait évoluer
les comportement dans l’Église et les cours européennes, tandis que les
Templiers et les Cisterciens préparaient des changements sans équivalent dans
l’histoire de l’humanité.
a. Les auteurs ont traduit en anglais par « fellow-soldiers ». La traduction française du terme latin ici
retenue est celle du très classique Dictionnaire Latin-Français de F. Gaffiot [ndt].
b. En allemand dans le texte (« wunderkind ») [ndt].
CHAPITRE VI
L’influence flamande
Au XIIe siècle, les Flandres occupaient l’actuel territoire de la Belgique avec une
partie des Pays-Bas et du nord de la France. Comme la Champagne, c’était un
comté (régi par un comte) qui faisait théoriquement hommage au roi de France
mais assumait volontiers une fière indépendance. En 1125, quand Thibaud II
devient comte de champagne, les Flandres étaient gouvernées par le comte
Charles 1er. Quoique bienveillant de nature et très estimé, il ne semble pas avoir
été l’homme de la situation, du moins aux yeux des Familles de l’Étoile. Il
mourut dans des circonstances suspectes en 1127 et après une brève lutte pour le
pouvoir, le comté revint à Thierry, le plus jeune fils de Thierry II de Lorraine, un
homme avec qui les Familles de l’Étoile pouvaient travailler.
Le comte Thierry s’était croisé et fut très proche des Templiers à la fin de sa
vie. Pendant les 40 ans de son règne (1128-1168), le pouvoir économique de la
région s’accrut significativement. La première femme de Thierry, Marguerite de
Clermont, mourut en 1113 et, pendant la croisade, en 1139, il se maria à Sibylle
d’Anjou, fille de celui qui était alors roi de Jérusalem, Foulques d’Anjou, un
autre membre des Familles de l’Étoile. Thierry était aussi un ardent protecteur
des Cisterciens et plusieurs abbayes furent construites sur ses terres pendant son
règne.
Alors que Thibaud organisait activement les foires de Champagne, Thierry fit
en sorte d’asseoir son contrôle sur les Flandres et ouvrit une période de paix qui
permit à l’industrie de la laine, déjà significative dans des villes comme Gand ou
Bruges, de se développer et de prospérer. Cela se produisit alors que les
Cisterciens, notamment en Grande-Bretagne, faisaient de l’élevage des moutons
un secteur majeur de l’économie nationale. Quand les métiers à tisser devinrent
plus nombreux et plus efficaces en Flandres, la production locale de laine vierge
devient insuffisante pour les filandières et les tisseurs flamands. La laine
anglaise des Cisterciens fut la bienvenue et les moines en exportèrent bientôt des
centaines puis des milliers de tonnes chaque année vers les Flandres. Les
exploitants de terres en Grande-Bretagne suivirent rapidement le mouvement des
Cisterciens et en une vingtaine d’années la Grande-Bretagne devint le lieu
naturel de production d’une bonne et solide laine vierge.
Des ballots de laine furent emportés par bateau vers les Flandres où la laine
était cardée, filée et tissée pour en faire des vêtements à travers tout le comté.
Les lainages finis étaient expédiés par cargaisons vers la Champagne pour y être
négociés avec d’autres produits venus du sud ou de l’orient.
Les vêtements de laine furent d’abord teints et terminés en Flandres, mais une
demande de confection plus riche et de couleurs plus éclatantes se fit sentir et
l’Italie du nord, spécialement Florence, s’en chargea.
Finalement il put se faire qu’un marchand venu d’Angleterre voyage vers la
foire de Troyes en Champagne pour y négocier la vente de laine avec un autre
marchand en route vers les Flandres. Le marchand anglais pouvait aussi acheter
des vêtements de laine de luxe provenant de Florence, lesquels pouvaient très
bien avoir été faits avec la laine qu’il avait vendue un an plus tôt ou davantage.
Les Cisterciens et les Templiers contrôlaient ensemble le commerce. Leurs
lointains ancêtres, les Esséniens, auraient tordu le nez à l’idée de faire du
« commerce », mais pas les Familles de l’Étoile.
Leurs ancêtres avaient été les Juifs ayant survécu dans l’environnement hostile
de l’Europe uniquement parce qu’ils avaient acquis des compétences financières
et le sens des affaires au point de devenir des acteurs importants de l’économie
chrétienne.
Peu d’aspects de la vie quotidienne pouvaient échapper au changements
majeurs que les Familles de l’Étoile suscitaient alors et nombre de ces
changements ont laissé des traces jusqu’à nos jours. Un bon exemple est l’usage
du symbole connu sous le nom d’Agnus Dei. Cela veut dire « Agneau de Dieu »
et on le dépeint habituellement comme il suit.
À l’époque juive antique, l’Agneau de Dieu était l’agneau que l’on sacrifiait la
veille de la Pâque (Pessah). Cette fête commémorait la sortie vers l’Exode
depuis l’Égypte et la naissance de la nation juive, et dans la tradition chrétienne
elle fut adoptée sous le nom de Pâques – la « naissance » de la religion
chrétienne surgie de la résurrection présumée de Jésus-Christ. Dans la liturgie
chrétienne, Jésus est supposé être « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du
monde. »
Ce sont les Templiers qui, vers le XIIe siècle, placèrent la croix rouge de leur
Ordre sur l’Agnus Dei. On le voit souvent dans les églises, sculpté dans la pierre
ou le bois, ou figuré sur des vitraux.
Saint-Jean-Baptiste, dont l’emblème avait été l’agneau, devint le saint patron
des fileurs de laine et prit la place d’honneur dans leurs guildes. Une
conséquence intéressante concerne la ville de Halifax dans le Yorkshire, en
Angleterre. Halifax se trouve au cœur du pays où les Cisterciens élevaient leurs
moutons et, bien que ce fût initialement un petit village, cela devint l’une des
plus importantes zones de production de laine en Angleterre. Les armes de la
ville sont révélatrices. (Figure 8).
L’église de Halifax fut dédiée à Jean-Baptiste au début des années 1100 et la
guilde des fileurs de laine fut fortement impliquée dans son établissement dès le
début. Lorsque les armes de la ville furent créées, les bons bourgeois de Halifax
firent une image qui pourrait bien être le plus beau symbole des Familles de
l’Étoile, de leurs croyances et de leurs actions.
Les armes de Halifax contiennent la tête de Jean-Baptiste et l’Agnus Dei, avec
le bâton du Baptiste et l’étendard des Templiers. On y trouve aussi les roses du
Yorkshire (les roses sont l’un des symboles de la Déesse et de Vénus) et un fond
échiqueté au centre qui présente un aspect franchement maçonnique.
UN ACTE MAUDIT
Jeanne de Navarre
Depuis 1135, les comtes de Champagne étaient aussi rois de Navarre, un petit
royaume pyrénéen entre l’Espagne et la France. Le premier à avoir assumé ces
deux charges, le roi Thibaud Ier (Thibaud II de Champagne) avait été un croisé,
avait soutenu les Templiers, et il avait tenu une cour semblable à celle de la
Champagne prospère. Son fils, le roi Thibaud II (Thibaud III de Champagne)
suivit l’exemple de son père et se montra un juste et digne souverain. Il entreprit
de défaire l’état féodal de la Navarre et recourut pour cela aux impôts sur ses
simples sujets, plutôt que sur les possessions féodales de ses barons. Lourdement
taxée, la population accepta cependant car le roi Thibaud II leur offrait des
droits, du prestige et la plus grande audience politique qui ait jamais été en
Europe.
Toutes ces stratégies furent rendues possibles parce que la Navarre, à la
différence de la Champagne, était un royaume et ne rendait par conséquent à
hommage à aucun autre État. L’impulsion économique et politique donnée en
Navarre pendant le règne des deux Thibaud avait ses racines en Champagne,
dans les Familles de l’Étoile. À cette époque, la Navarre représentait exactement
ce que les Familles de l’Étoile recherchaient – un état sûr, en sécurité où le
peuple contribuait en partie à la gestion de ses propres affaires. Si l’on compare
avec les structures nationales du monde contemporain, le Navarre du XIIIe siècle
n’était pas un modèle de démocratie mais était très en avance sur tout ce qui
existait autour d’elle pendant la même période.
Le roi Thibaud II fut tué à Tunis pendant le 8e Croisade et, comme il n’avait
pas d’enfant, le contrôle de la Champagne et de la Navarre passèrent à son jeune
frère qui devient le roi Henri Ier de Navarre et le comte Henri III de Champagne.
Le nouveau roi fut connu sous le nom de Henri le Gros par les Français et de
Enrique el Gordo par les Espagnols – car il était très, très imposant. Ce
monarque surdimensionné vécu un règne d’à peine trois ans avant de mourir
d’asphyxie en juillet 1274. Le seul enfant survivant d’Henri était une fille :
Jeanne Ire, reine de Navarre et comtesse de Champagne.
Jeanne était alors âgée de trois ans de sorte que la responsabilité du
gouvernement de Navarre et de ses possessions fut exercée par sa mère, Blanche
d’Artois. Dans les semaines qui suivirent la mort d’Henri, les vautours
commencèrent à voler atour du royaume et sa reine-enfant.
Blanche s’efforça de trouver ses soutiens autour d’elle. La solution aurait été
de fiancer Jeanne à un prince anglais mais aucun n’était disponible. En désespoir
de cause, et probablement pour gagner un peu de temps et s’assurer une
protection, Blanche elle-même se maria en 1275 au prince Edmond de
Lancastre, un jeune fils du roi Henri III d’Angleterre. Né en 1245, il avait été
d’abord marié à Aveline de Fortibus mais celle-ci était morte un an plus tard en
1272.
À l’époque où il épousa Blanche, Edmond, connu comme le « Croisé » car il
portait souvent la croix sur son manteau, prit l’initiative inattendue de se
proclamer « comte palatin » de Champagne. Un « comte palatin » était une
feudataire exerçant une autorité quasi-royale sur ses terres. Mais à strictement
parler, Edmond était en train de marcher sur de la glace à propos de la
Champagne. On pourrait dire qu’il y exerçait le pouvoir au nom de sa femme,
mais naturellement la Champagne n’appartenait pas à Blanche. Celle-ci
gouvernait simplement au nom de sa fille.
Malgré le mariage de Blanche avec Edmond de Lancastre, les nuages sombres
continuèrent à s’accumuler et il devient clair que si elle voulait sauver le
royaume de sa fille, son seul recours était celui qu’elle n’aurait pas voulu
solliciter – le roi de France. Finalement elle n’eut plus le choix et elle chercha
refuge à la cour du roi Philippe III, qui ne pouvait pas en être plus heureux.
Jeanne de Navarre fut fiancée au fils du roi, le prince Philippe, et ils se
marièrent le 16 août 1284 – elle avait 16 ans et il en avait 13. Edmond de
Lancastre fut rapidement convaincu de renoncer à ses prétentions sur la
Champagne par Philippe III, lequel dut se séparer de quelques châteaux pour
sceller l’accord. Le roi de France mourut l’année suivante et le jeune Philippe IV
accéda au trône. Son bel aspect lui valut le surnom de Philippe le Bel, mais
l’histoire a bien d’autres choses à dire sur lui. Dès qu’il parvint au trône il se
révéla comme le plus impitoyable des rois ayant régi la France. Son pouvoir sur
la Champagne ne pouvait être complet tant que sa femme restait en vie et il avait
également besoin d’un héritier, à la fois pour la France et pour les vastes
possessions de son épouse.
Cela pourrait bien être la preuve que l’Église catholique avaient parfaitement
réalisé ce qu’étaient les croyances des Templiers et que les Templiers avaient
adopté une vision johannite dans leurs doctrines et leurs pratiques.
Les affirmations selon lesquelles les Templiers auraient craché sur la croix ou
l’auraient piétinée sont sans doute exagérées, mais il existe un témoignage très
parlant. Un jeune Templier français, au cours d’un interrogatoire, rapporta qu’il
avait été instruit par un frère plus ancien. Ce Templier aguerri avait tenu un
crucifix dressé devant lui en lui disant : « n’ayez pas trop foi en cela – c’est trop
récent ! ». Dans le discours des Familles de l’Étoile cela possède aussi un sens.
Les Familles de l’Étoile ne niaient pas l’importance ni la signification de Jésus,
mais elles rejetaient l’idée de l’Église selon laquelle Jésus était « le » Christ, le
seul Messie. Elles repoussaient aussi l’idée de sa naissance virginale et de sa
résurrection – il est probable que les mots du vieux Templier faisaient allusion à
ces doctrines relativement « récentes » de l’Église officielle. En ce qui concerne
les Familles de l’Étoile, leur lignée remontait à des milliers d’années avant Jésus
autant que Jean le Baptiste, lesquels n’avaient été que les « serviteurs » d’une
cause, et non la cause elle-même.
De même, pour les accusations d’avoir perverti un sacrement et modifié la
cérémonie de la messe, les Templiers pourraient bien avoir été coupables selon la
doctrine établie de l’Église catholique. Nous n’avons aucun moyen de connaître
les cérémonies pratiques derrières les portes closes des églises et des prieurés
templiers, mais nous savons bien que toute forme de sacrement ou de messe qui
n’était pas en accord absolu avec les pratiques romaines aurait été considérée
comme hérétique.
Les Templiers furent finalement dissous par le pape en 1312. Il y eut quelques
discussions à propos de ce que deviendraient les biens des Templiers et il fut
décidé que puisqu’il était impossible de renvoyer les dons accordés à l’Ordre au
cours des deux derniers siècles, toutes les propriétés templières passeraient aux
Chevaliers de Saint-Jean qui étaient au-dessus de tout soupçon. Philippe IV
confisqua simplement l’essentiel de ce que les Templiers avaient en France – de
façon, selon lui, à le défrayer des coûts de leur détention et de leur procès.
Philippe avait personnellement triomphé, mais la condamnation de l’Ordre ne
fut pas universelle. L’Angleterre traîna les pieds avant d’enquêter sur les
Templiers et finalement on ne trouva que quelques membres coupables d’avoir
cru que leur Grand Maître pouvait leur donner l’absolution pour leurs péchés.
Ailleurs, comme en Espagne, au Portugal, en Allemagne, à Chypre et dans une
grande partie de l’Italie les Templiers furent déclarés innocents. Les Templiers
portugais se reconstituèrent simplement en « Chevaliers du Christ » et
continuèrent pour l’essentiel comme avant. En fait, le pape, tout en répondant
aux pressions exercées sur lui pour dissoudre les Templiers, refusa de dire que
l’Ordre tout entier était coupable d’hérésie. Il pensait qu’il n’y avait pas assez de
preuves pour montrer que les croyances de l’Ordre – contrairement à ce dont
beaucoup de ses membres avaient été accusés – étaient vraiment hérétiques. Il
fut soutenu dans cette opinion par le refus des autres pays – en dehors de la
France – de condamner les Templiers dans leur ensemble, sans doute parce qu’ils
avaient été plus sérieux dans leurs investigations que la France.
LE NOUVEAU TEMPLE DE LA
SHEKINAH
La nouvelle Shekinah
Mais ce que Vénus abandonna d’un côté, elle le redonna d’une autre manière. À
l’aide de leurs astrolabes et des calculs mathématiques qu’ils avaient appris au fil
des siècles, surtout de sources arabes, les astronomes des Familles de l’Étoile ont
dû être capables d’établir la nouvelle configuration de la Shekinah. Cette
nouvelle Shekinah ne devait pas se manifester au solstice d’hiver, comme
l’ancienne, mais à l’équinoxe d’automne.
À cause des particularités de l’orbite terrestre autour du soleil, ce dernier,
lorsqu’on le considère depuis la surface la terre, semble se lever et se coucher en
différents endroits sur l’horizon à mesure que l’année avance. Dans l’hémisphère
nord, le soleil se lève au sud-est en hiver et au nord-est en été – et produit ainsi
les saisons. Les point extrêmes de lever et de coucher sont les deux extrémités de
l’année. L’hiver commence quand le soleil se lève au sud-est le 21 décembre et
l’été survient quand il se lève au nord-est le 21 juin. C’est ce que l’on nomme les
solstices d’hiver et d’été (solstice signifie littéralement « arrêt du soleil », car le
soleil semble stopper sa course entre le nord et le sud en commençant à repartir
dans la direction opposée). Les solstices ont toujours eu une grande importance
pour nos ancêtres.
Les étapes intermédiaires entre les solstices sont les équinoxes. Ils arrivent
quand le soleil est exactement à mi-parcours du sud vers le nord ou du nord vers
le sud. L’équinoxe de printemps se produit vers le 21 mars et celui d’automne
vers le 21 septembre. Au cours de ces deux jours, chaque année, le soleil se lève
exactement à l’est et se coche exactement à l’ouest, et le jour comme la nuit sont
alors de durée égale (équinoxe veut dire « nuit[ou jour] égale).
Les équinoxes et les solstices sont les quatre « stations » ou « angles » de
l’année et ils ont été reconnus, étudiés et même révérés depuis aussi longtemps
que l’humanité a levé la tête vers le ciel, curieux et merveilleux.
La Sainte Shekinah qui avait eu tant d’importance pour les Juifs et leurs
ancêtres apparaissait au solstice d’hiver – une époque solennelle et parfois de
crainte pour les Anciens. Nos lointains devanciers observaient soigneusement si
le soleil ne poursuivait pas indêment sa course vers le sud au moment attendu du
solstice. S’il le faisait, l’hiver serait plus rigoureux et toute vie pourrait
disparaître sous le froid et la neige. Depuis une époque très ancienne, de grandes
cérémonies eurent lieu dans l’hémisphère nord afin de s’assurer que tous les
rituels avaient été accomplis pour convaincre les dieux d’envoyer le soleil à
nouveau vers le nord, afin que le printemps puisse revenir et la nature renaître.
De telles cérémonies avaient aussi lieu à d’autres « angles » de l’année. Celles
qui se pratiquaient au solstice d’été étaient de joyeuses manifestations, avec la
promesse d’une nature généreuse à portée de la main, mais aussi avec une
certaine appréhension si le soleil poursuivait sa marche vers le nord, apportant
trop de chaleur susceptible de sécher voire de faire mourir les moissons. Les
équinoxes avaient aussi beaucoup de sens. Celui du printemps était un temps de
gratitude, sachant que les jours sombres allaient disparaitre et que les journées
plus longues allaient venir. L’équinoxe manifestait la reconnaissance pour les
belles récoltes mais avec un sens du sacrifice devant l’inévitable
assombrissement des jours à venir.
Dans différentes cultures, sur toute l’étendue de la planète, les cérémonies
opérées aux « angles » de l’année ont pu différer beaucoup, mais l’offrande aux
dieux, ou à tout autre mystérieuse puissance, y fut commune et dans certains cas
incluait des sacrifices animaux et même humains. Tout ce qui était possible
devait être fait pour se concilier les dieux et obtenir que toutes les choses
attendues se poursuivent en permettant le maintien de la vie humaine.
Il faut garder à l’esprit tout cela pour juger de la réaction des astronomes des
familles de l’Étoile quand ils virent, par leurs calculs planétaires, qu’une
nouvelle Shekinah allait apparaître non plus autour du solstice d’hiver mais
autour de l’équinoxe d’automne. La première Shekinah d’équinoxe devait se
produire le 21 septembre 1456. Peut-être annonçait-elle un nouveau départ, et
elle n’était certainement pas sans signification biblique. La Bible connaît deux
temples de Jérusalem – le premier édifié par Salomon et le second par Zorobabel
après la captivité à Babylone (et plus tard restauré et enrichi par Hérode). La
dédicace des deux avait eu lieu à l’équinoxe d’automne. Il nous est dit, à propos
du Temple de Salomon :
Le mois lunaire d’Ethanim est maintenant connu sous le nom de Tishri dans le
calendrier hébreu.2
Bien que ce soit le septième mois du calendrier civil, c’est le début du
calendrier religieux et surtout l’époque de grandes fêtes et de réjouissances. La
plus importante est la Fête des Tabernacles, qui commence le 15 Tishri. C’est en
réalité une fête des récoltes.
Pour les anciens Juifs, comme en fait dans toutes les sociétés agraires,
l’équinoxe d’automne marquait la grande récolte, lorsque l’été florissant de la
nature avait donné les graines et les fruits qui assureraient la subsistance tout au
long des sombres jours de l’hiver. Les grands épis dorés, ainsi que les fruits des
arbres et arbustes, étaient absolument essentiels la survie. Ces bienfaits
pouvaient à tout moment être perdus, par exemple du fait d’un printemps trop
frais, de violents orages d’été ou plus généralement de tout désordre du temps.
Pour des hommes qui admettaient que la grâce de Dieu était capricieuse et
imprévisible, il fallait un culte adapté et de grandes manifestations de gratitude
pour obtenir que la récolte sous préservée.
Au cœur des célébrations de l’automne, dans la plupart des systèmes
religieux, se trouvait la notion de sacrifice – donner quelque chose en retour de
ce que l’on avait reçu. La nature (et notamment la Déesse et la Terre) avait sorti
de son corps ses propres offrandes, coupées par les hommes pour leurs propres
besoins. L’idée du Dieu des Moissons qui croit et que l’on sacrifie (voir Chapitre
3) est si vieille qu’il est impossible de savoir quand elle apparut. Mais beaucoup
de choses venant de la religion primitive, elle ne fut jamais oubliée. Nous avons
déjà montré que Jésus, réellement ou selon la légende, a délibérément associé sa
propre personne avec le Dieu des Moissons, à la fois dans ses discours et ses
actes, lors de la Cène. Les cultes à mystères de Déméter ou de Mithra avaient
aussi des cérémonies importantes liées à l’équinoxe d’automne qui évoquait la
mort et la renaissance.
Les Sinclair de Rosslyn
Pour la nouvelle Shekinah, tomber à cette époque de l’année avait donc une
grande signification. Il est certain que l’importance de la Shekinah de l’équinoxe
d’automne 1456 ne fut pas méconnue d’un groupe parmi les Familles de l’Étoile.
C’était celui des Saint Clair (ou Sinclair) – les prêtres de la Sainte Lumière. Ils
étaient déjà présents en Écosse peu avant l’invasion de l’Angleterre par le duc
Guillaume de Normandie en 1066. À l’époque, les espoirs des Saxons étaient
placés dans un de leurs princes du nom d’Edgar Atheling. Edgar s’était enfui
vers l’Écosse après avoir conduit une rébellion contre Guillaume en 1068 et,
après avoir passé un peu de temps en Hongrie, sa sœur Margaret l’avait rejoint.
Margaret s’était mariée au roi Malcolm III d’Écosse et elle était devenue reine.
Nous savons que les Saint Clair étaient présents à la cour d’Écosse dès cette
époque car l’un d’entre eux, William « le Bienséant », était l’échanson de
Maragaret et reçut d’importantes terres dont une partie en Midlothian. Il avait
partagé le bref exil de la reine en Hongrie et il était manifestement un de ses
favoris.
Depuis cette époque, les Sinclair (nous utiliserons désormais l’orthographe
moderne) ne s’éloignèrent jamais de la cour d’Écosse. Grâce à l’alliance d’une
bonne diplomatie, de judicieux mariages et d’une indéfectible loyauté, ils purent
maintenir leur rang malgré les vicissitudes de l’histoire écossaise, étant parfois
plus riches que le roi lui-même. Toujours à l’écart des manœuvres politiques et
des conflits entre barons, les Sinclair amassèrent titres et honneurs et obtinrent
finalement le contrôle des grandes iles de Shetland et Orkney vers la fin du XIVe
siècle. Vers le milieu des années 1440, William Sinclair, 3e jarl d’Orkney (jarl
signifie « comte » ou « prince » en norvégien, alors la langue principale dans ces
îles), était une allié indispensable au roi Jacques II d’Écosse. Parmi ses titres
William était Lord Grand Amiral d’Écosse et, en 1454, il fut élevé au rang de
Lord Chancelier d’Écosse – en fait le second immédiat du roi.
Le siège de la famille Sinclair était le château Rosslyn (ou Roslin) en
Midlothian, près du siège du pouvoir royal, et c’est là que s’ouvre le prochain
épisode clé de l’histoire des prêtres de Salomon.
Comme nous l’avons vu, les documents trouvés par les Templiers dans les
ruines du Temple de Jérusalem dès le XIIe siècle avaient été apportés en Écosse,
sans doute dès 1128 où ils furent probablement conservés dans la récente abbaye
tironienne de Kilwinning (voir Chapitre 6). À peine deux siècles plus tard ils
furent encore déplacés, cette fois vers le Château de Rosslyn, à environ 15 km au
sud d’Édimbourg sur un promontoire au-dessous du fleuve Esk.
Un château de cette sorte avait existé sur le site dès le XIIe siècle mais l’édifice
qui s’y trouve aujourd’hui ne fut pas commencé avant 1304. Le château fut
considérablement agrandi et modifié quand William Sinclair, comte de Roslin,
acquit ses titres en 1417.
Nous sommes maintenant certains que les précieux documents venant du
temple de Jérusalem fut apportés à Kilwinning peu avant 1447. La première
preuve, quoique fortuite, se trouve dans une archive relative à un incendie qui
dévasta le château cette année-là :
Le « Troisième Temple »
Ce nouvel édifice devait être construit avec la même sorte de pierre que celle du
Temple de Jérusalem, à une distance de près d’un quart de la planète mais sur la
même strate géologique. Cela devait être une copie aussi fidèle que possible du
Second Temple de Hérode. En sous-sol, reproduire le Temple n’était pas un
problème car Sinclair possédait le récit des excavations des Templiers. En
surface, tout ce que l’on savait encore du Temple concernait le reste du mur
occidental qui avait échappé à la destruction par l’armée de Titus en 70. Les
hommes du comte reconstruisirent cette partie de mur puis édifièrent le corps du
nouveau Temple selon un plan conforme à ce que l’on connaissait des fondations
des murs détruits. Cependant, la partie principale de Rosslyn dut être créée selon
un projet original qui était une brillante interprétation de la vision de la Nouvelle
Jérusalem selon Ezéchiel, décrite après la destruction du premier Temple de
Jérusalem, celui du roi Salomon, par les Babyloniens.
Le comte William ne choisit pas des maçons locaux. Il choisit des maçons
tailleurs de pierre appartenant à des guildes européennes – lesquelles utilisaient
encore les rituels que leur avaient donnés les Templiers à la grande époque de
construction des cathédrales, au XIIe siècle. Ces hommes pratiquaient leurs rituels
dans la crypte au niveau inférieur de Rosslyn, qui fut achevée avant le corps
principal du bâtiment.
Sur un haut promontoire, à deux minutes à pied du château, commença la
construction de cet édifice très spécial. Selon la tradition, le comte William avait
commencé des terrassements pour des chambres souterraines et les fondations du
bâtiment dès 1440. Mais la première pierre du nouvel abri pour les trésors du
Temple ne pouvait être mise en place avant le retour de la Shekinah – et il avait
été maintenant calculé que cela devait se produire le 21 septembre 1456.
Naturellement, le comte William ne pouvait dire à personne, en dehors du
petit cercle des Familles de l’Étoile, qu’il reconstruisait le Temple des Juifs. Pour
le public, le nouvel édifice fut connu sous le nom de « Église de Saint-
Matthieu ». Aujourd’hui, c’est la chapelle de Rosslyn.
Salomon avait employé tous les talents de Hiram Abif pour bâtir le Temple
légendaire, et à présent la comte William avait besoin de compétences bien
supérieures aux siennes pour achever son chef-d’œuvre de pierre. Pour créer la
chapelle de Rosslyn, il avait auprès de lui Sir Gilbert Haye. Né vers 1405, c’était
le rejeton d’une illustre famille écossaise qui, comme les Sinclair, avait toujours
été proche du pouvoir. Haye avait étudié à l’université de Saint Andrews où il
s’était montré une brillant élève. En 1428 il fut en France, probablement comme
émissaire du roi d’Écosse, et y resta jusqu’en 1456, devenant le premier
bibliothécaire du roi de France et rassemblant une collection de livres qui
pouvait rivaliser avec celle de Florence ou du Vatican. Haye était un grand
polyglotte parlant et lisant pas moins de 16 langues – un grand avantage à
l’égard des artisans s’exprimant en de nombreuses langues étrangères et venus
pour construire le nouveau Temple.
Haye vécut en France à une époque haute en couleurs et il y connut et aida la
jeune héroïne, précocement disparue, Jeanne d’Arc. Il devint un proche de
l’hériter du trône, le prince Charles et fut l’un de ses principaux invités lors de
son couronnement sous le nom de Charles VII de France, en 1429.
Immédiatement après son couronnement, le nouveau roi reçut Haye comme
chevalier.
C’est ainsi qu’en 1456, à l’âge de 52 ans, au sommet de son prestige et de sa
fortune en France, Haye quitta de façon inattendue la cour de France et l’œuvre
de sa vie, sa chère bibliothèque, pour regagner un château isolé en Écosse, à
Rosslyn. Il aurait ainsi sans regret quitté une haute position dans une des plus
grandes cours d’Europe, nous dit l’histoire, pour devenir l’humble tuteur des fils
du comte William Sinclair.
Cela sonne faux. Nous pensons que Haye avait une raison plus importante
pour rejoindre le comte William. À notre avis, sa mission était de devenir le
nouvel Hiram Abif – un rôle que Haye devait considérer comme plus brillant
que tout autre.
Mais il y a d’autres surprises. Le comte William était resté en haute estime
aux yeux des rois successifs d’Écosse pendant toute sa vie d’adulte et en 1452 il
eut en outre des autres titres la charge de Connétable d’Écosse – le
commandement effectif des armées. Et dès 1456, l’année même où Haye quitta
la cour de France, le comte renonça également à toutes ses fonctions à la cour
d’Édimbourg pour se consacrer à son nouveau projet.
L’historienne Barbara E. Crawford n’a pas pu s’expliquer cette inexplicable
disparition de la cour et elle s’est demandé s’il n’avait pas eu querelle avec le roi
Jacques II et n’avait pas perdu la faveur royale3. Mais la documentation ne
confirme pas cette thèse car William conserva l’affection du roi. En 1455 encore,
il avait reçu de belles et importantes terres et le titre de Caithness et avait
soutenu le roi contre la rébellion récurrente du clan des Douglas.
Enfin, en juin 1456, le roi signa un document qui accordait au village de
Rosslyn le statut de bourg (le village, comme le comté, est généralement nommé
« Roslin » bien que la chapelle soit désignée par l’autre appellation de Rosslyn).
De ce fait, il obtenait le droit de tenir un marché le samedi et une foire annuelle
en plus des privilèges accordés aux bourgs. C’est à cette époque que le comte
William délaissa le village de Roslin qui s’étendait depuis toujours dans la vallée
située à l’Est du château et commença à construire une nouvelle agglomération à
l’ouest.
Tous ces événements nous conduisent à penser que, malgré le fait que certains
récits affirment que la chapelle de Rosslyn fut commencée dès 1440, les
véritables travaux sur le terrain ne commencèrent qu’en 1456. Le comte avait
besoin d’un équipe d’artisans compétents, qu’il fallait loger avec leurs familles –
d’où le nouveau village et son nouveau statut. La date de 1456 pour ce nouveau
village est une indication sûre qu’aucune équipe importante n’était présente
avant cette date. Selon toute probabilité, le travail entrepris avant 1456 devait
porter sur le creusement de galeries et chambres sous le sol de la chapelle et sur
la préparation des fondations.
On prétendit pour le public que la chapelle de Rosslyn devait être une
« Collégiale ». Ce n’était pas la même chose qu’une église paroissiale. Les
collégiales étaient à l’origine des institutions d’enseignement administrées par
un comité de « chanoines séculiers » ou « chanoines irréguliers ». Comme les
monastères, les collégiales possédaient leurs biens propres, généralement des
fermes. Ces terres étaient louées et le produit servait à financer l’église.
Les collégiales différaient encore des églises paroissiales sous plusieurs
aspects. Les églises paroissiales étaient sous la juridiction d’un évêque. L’évêque
était le supérieur direct du prêtre de la paroisse, mais ce n’était pas le cas pour
les collégiales. La permission de construire une collégiale venait directement du
pape et une fois achevée, elle restait en dehors du pouvoir et de l’influence de la
hiérarchie normale de l’Église. En 1456, le Souverain Pontife était le faible et
indécis Calixte III, mais le pouvoir papal réel se tenait derrière son trône, c’était
le cardinal Enea Sylvio Piccolini. Piccolimini, qui deviendra lui-même pape sous
le nom de Pie II en 1458, était connu du comte William et c’était un ami des
Familles de l’Étoile – il se peut bien qu’il en ait été membre.
Le comte William avait besoin que sa nouvelle « chapelle » soit une collégiale
pour au moins deux raisons. D’abord parce que cela devait être une étrange sorte
d’église – en fait, nous le verrons, ce n’était pas vraiment une église. Ensuite, il
ne voulait pas que la hiérarchie locale de l’Église puisse interférer dans ses plans
ou même simplement regarder de trop près ce qui était en train de se faire.
Du début à la fin, la chapelle de Rosslyn fut destinée devenir le conservatoire
de documents découverts à Jérusalem au XIIe siècle. Mais c’était autre chose
encore. Ce n’était rien moins que la copie du Temple de Hérode à Jérusalem,
selon les récits des premiers Templiers qui avaient creusé sous ses décombres.
Créer un tel édifice était plein de difficultés – non pas vraiment en termes de
construction, mais plutôt à cause de l’aspect que présenterait le bâtiment une fois
terminé et la réaction qu’il pourrait susciter. Le comte William et sir Gilbert
Haye durent se pencher longuement et sérieusement sur la façon dont serait reçu
une réalisation aussi inhabituelle. Elle pouvait soulever des questions
embarrassantes. Ils convinrent entre eux d’une solution si intelligente qu’elle
confinait au génie.
L’Acte de dissimulation
Il fallait d’abord annoncer que l’édifice serait d’un type plutôt classique pour
l’époque. Comme de nombreuses églises, il comporterait une chapelle dédiée à
la Vierge Marie à l’est, au-delà de laquelle se trouveraient un transept nord et un
transept sud ainsi qu’une nef s’étendant vers l’ouest.
On montra aux dignitaires de l’Église les plans de la collégiale, qui devait être
magnifique mais pas fondamentalement différente de toutes celles qu’il y avait
dans le pays. Les visiteurs officiels ont même pu faire une visite des fondations
établies dans les tranchées qui traversaient la colline, depuis le grand mur de
l’ouest dans la chapelle de la Vierge en cours de construction. Ces fondations
étaient de simples colonnes de pierre qui pouvaient apparaître comme les
premiers éléments de la collégiale.
En fin de compte, on ne construisit jamais une véritable collégiale. Quand la
chapelle de la Vierge fut achevée, les travaux s’arrêtèrent soudainement. De nos
jours, l’explication habituelle est que les Sinclair durent connaître des difficultés
d’argent ou ne plus manifester le même intérêt, mais cela ne nous semble pas
exact. Nous sommes certains qu’ils n’avaient jamais eu l’intention de construire
autre chose que la « chapelle de la Vierge ».
Les plans d’une grande église classique n’étaient qu’un écran de fumée
imaginé par Sinclair et Haye. John Wade est un bon ami de Chris Knight, un
spécialiste du latin et du grec, membre de la première loge de recherches au
monde, Quatuor Coronati. Wade pensait depuis toujours que Rosslyn ne devait
être à l’origine qu’une collégiale tout à fait classique. Chris et John se
rencontrèrent juste après une visite de ce dernier à Rosslyn et John affirma sa
conviction. La raison en était que les scanners avaient détecté une partie des
fondations de l’église initialement projetée.
Chris fit observer que des fondations « factices » étaient nécessaires pour
convaincre les autorités que ce bâtiment serait finalement conforme au plan
cruciforme normal d’une église. En fait, il n’est pas douteux qu’il s’agisse de
fausses fondations. La preuve vint d’une source de très haut niveau, Jack Miller,
directeur des études en géologie à l’université de Cambridge, et membre titulaire
de la Société de géologie.
En visitant Rosslyn avec Chris, Miller avisa le gros mur de l’ouest,
surdimensionné, supposé être une partie de la collégiale inachevée, et observa
qu’elle n’était pas convenablement reliée à la structure générale du bâtiment.
Toute tentative de poursuivre la construction aurait inévitablement conduit à son
effondrement.
Miller affirma : « Bien, il n’y a qu’une possibilité – et je peux vous dire que
vous avez raison. Ce mur est une folie. »
Selon lui, il n’y avait aucun doute que des bâtisseurs n’avaient pas eu
l’intention de poursuivre plus loin d’un seul pouce. La qualité des plans et de la
main-d’œuvre étaient trop grands pour que cette absence de lien ne soit que le
fruit d’une colossale erreur.
C’est Miller qui le premier attira l’attention de Chris sur la nature de la pierre
utilisée. Comme géologue, il était qualifié pour affirmer qu’elle était de la même
strate que celle utilisée pour le Temple de Jérusalem. De plus, pour confirmer
l’impossibilité de la thèse de la collégiale, il estima que le large mur à l’ouest
n’était pas la partie d’une grande structure inachevée, mais la copie délibérée
d’une ruine. Il dit : « si les bâtisseurs avaient interrompu leur travail par manque
d’argent ou parce qu’ils en avaient assez, ils auraient laissé une pierre
parfaitement équarrie, mais ces pierres-là ont été délibérément ouvragées pour
paraître endommagées – exactement comme des ruines. Ce n’est pas l’érosion
qui les a rendues ainsi… elles ont été taillées comme un mur en ruines. »
Au fil des ans, Chris a emmené nombre d’universitaires à Rosslyn et tous ont
trouvé l’endroit étrange. Le professeur Philip Davies, une autorité mondiale sur
les manuscrits de la mer Morte et le judaïsme ancien, fut médusé de ce qu’il vit.
Après avoir inspecté le bâtiment, il affirma que cela ressemblait pour lui à un
édifice juif bien plus qu’à une église quelconque. Il trouva que le mur ouest avait
un style très hérodien.
Le professeur Jim Charlesworth, une autre spécialiste des manuscrits de la
mer Morte, de l’université de Princeton et « Albright Professor » d’archéologie à
Jérusalem fut d’accord : « Ce n’est pas un édifice chrétien ». Il signala aussi que
le mur ouest était de style purement hérodien et que ses concepteurs s’étaient
donné du mal pour imiter les ruines de Jérusalem, en particulier avec des
versions ouvragées de ce que l’on nomme des « pierres volées ». En plus d’être
un universitaire, Charlesworth est un homme d’église et il annula sa participation
à l’office du dimanche matin au prétexte qu’il était inconvenant de célébrer un
service religieux chrétien dans un édifice manifestement juif !
Le professeur Charlesworth a passé des années à chercher des manuscrits de la
mer Morte manquants mais que l’on sait avoir existé, et il fut d’accord pour
admettre qu’il était probable qu’ils se trouvent sous la chapelle de Rosslyn. Il
consacra de nombreux efforts à rassembler une équipe d’archéologues pour
effectuer des fouilles mais, à ce jour (à notre connaissance) les responsables de
Rosslyn n’ont jamais répondu, malgré l’assurance que l’équipe envisagée serait
composée d’experts réputés.
Il est certain qu’à l’époque où il construisit Rosslyn, le comte William dut
faire comme s’il s’était agi d’une église, car si quiconque dans la hiérarchie de
l’Église avait soupçonné qu’il s’agissait d’un bâtiment inspiré par le judaïsme, il
aurait très vite mis sa vie en péril.
Une exigence importante pour une église était qu’elle soit consacrée. Toutes
les églises de cette époque étaient dédiées à un saint, un apôtre ou à la Vierge
Marie. Dans le cas de Rosslyn c’est sans doute Gilbert Haye qui suggéra le
candidat. Il était inspiré, convenable pour les Familles de l’Étoile et procurait
une explication plausible pour l’orientation géographique très spéciale de
l’édifice (qui devait faire face à la lumière de la Shekinah).
Depuis les origines du christianisme, on avait adopté en Occident le principe
que toutes les églises devaient autant que possible être orientées pour que leurs
autels se dirigent vers l’est – théoriquement vers Jérusalem. Pour la plupart des
gens, le mot « est » était un terme général désignant la partie du ciel où pointe le
soleil levant chaque matin. Quand on établissait le projet d’une église, on
observait ce qui se passait à la première lueur du jour lors de la fête du saint à
qui l’église devait être dédiée. Par exemple, si l’église était dédiée à saint
Edmond, le martyr anglais dont la fête est le 6 novembre, le point de l’horizon
où le soleil pointait au matin du 6 novembre était « l’est » pour cette église
particulière et toute l’orientation de l’édifice était conçue dans ce sens.
Même de nos jours, il est possible de calculer, avec les vieilles églises
écossaises, anglaises ou galloises, la dédicace originelle de l’église, simplement
à l’aide d’un compas et d’un calendrier des saints. Si la topographie locale gêne
l’observation du premier rayon du soleil, l’alignement des murs nord et sud
permettra d’identifier un ou deux jours de l’année et par conséquent de
déterminer la dédicace à l’un ou l’autre des deux saints correspondants.
Dans le cas de Rosslyn, il était d’une importance vitale que l’édifice soit
exactement face à l’est, afin de reproduire la situation du Temple de Jérusalem.
Cela veut dire que le saint auquel devait être dédiée la chapelle de Rosslyn ne
pouvait être que celui dont la fête tombe soit à l’équinoxe de printemps soit celui
d’automne, car ce sont les deux seuls moments où le soleil est plein à son lever.
Le comte et Gilbert Haye trouvèrent le candidat idéal en Saint-Matthieu.
L’église de Matthieu
Il y a quelque chose d’étrange à propos de la fête de saint Matthieu en Occident.
Des documents de l’Église primitive, sans doute avant 200, montrent que
Matthieu mourut un 16 novembre et de fait l’Église orthodoxe continue à
célébrer sa fête ce jour-là. Cependant, en Occident, depuis au moins l’époque de
Bède le Vénérable (672-735), la fête est célébrée le 21 septembre – le jour de
l’équinoxe d’automne. Quand et pourquoi les choses en vinrent-elles là, on
l’ignore toujours.
Saint Matthieu se présenta comme un saint patron idéal pour de nombreuses
autres raisons que celle de son jour de fête. Dans la tradition de l’Église, saint
Matthieu était l’un des premiers disciples de Jésus. Le Nouveau Testament nous
dit qu’il avait été publicain, c’est-à-dire collecteur d’impôts, une profession
détestée par de nombreux Juifs sous l’occupation romaine – et cependant Jésus
l’avait appelé et accueilli. Bien que cela ne soit pas expressément mentionné
dans les Évangiles qui nous sont parvenus, il fut rapporté que Matthieu avait été
présent devant la tombe vide de Jésus avec la mère de Jésus et Marie-Madeleine,
et Matthieu le disciple a été traditionnellement identifié à l’auteur de l’Évangile
qui porte son nom. Son Évangile est le seul sur lequel s’appuyaient les
Ébionites : il avait été initialement écrit en hébreu ou en araméen et ne comporte
aucune référence à la naissance de Jésus. De plus, la version originale de cet
Évangile peignait Jean-Baptiste sous un jour bien plus favorable que la version
grecque plus tardive ou les autres Évangiles.
Les symboles du trésor caché
En 1996, Chris superposa deux transparents sur un rétroprojecteur et découvrit
que le plan de la chapelle de Rosslyn était identique à celui des souterrains du
Temple de Hérode. Ils se correspondaient comme une main dans son gant. De
plus amples recherches faites par Chris montrèrent que deux caractéristiques de
plus de la chapelle de Rosslyn sont de nature maçonnique. La première est le
« Triple Tau », un symbole composé de deux croix en tau (une croix en tau, du
nom grec de la lettre T, ressemble simplement à un T majuscule et T est
également la dernière lettre de l’alphabet hébreu). Ce symbole est considéré dans
la franc-maçonnerie comme le « bijou » du grade de l’Arc Royal et l’on dit aussi
entre autres choses qu’il signifie Templum Hierosolymae (le Temple de
Jérusalem) ; Clavis ad Thesaurum (la clé du trésor), ou Res ipsa pretiosa – la
chose précieuse elle-même.
Ce rituel maçonnique, que nul ne comprend aujourd’hui, permet de lever le
secret de Rosslyn. Le Temple de Jérusalem, la clé du trésor, un endroit où une
chose précieuse est cachée, et cette chose précieuse elle-même – Rosslyn est tout
cela ! C’est comme si le comte William Sinclair avait créé ce rituel pour qu’il
passe de génération en génération comme une clé pour comprendre Rosslyn. Et
il est probable qu’il en soit ainsi car le premier Grand Maître de la franc-
maçonnerie fut un descendant de celui qui avait construit Rosslyn – et il
s’appelait William Saint Clair. Le rituel de l’Arc Royal, le 4e grade de la franc-
maçonneriea, décrit des fouilles opérées dans les ruines du Temple de Jérusalem
par des francs-maçons qui sont symboliquement descendus à l’aide d’une corde
pour inspecter des cryptes secrètes situées sous le Temple et y retrouver de vieux
documents. Le Triple Tau est particulièrement riche de sens pour le Temple de
Jérusalem et Chris a montré qu’il est dessiné sur le plan de Rosslyn en traçant
des lignes entre les huit piliers à l’est de la chapelle.
Chris réalisa que le seul symbole qui manquait dans la chapelle était le Sceau
de Salomon, ou Étoile de David. Dans le vieux grade de l’Arc Royal, le Sceau de
Salomon est ainsi décrit :
Rosslyn et la Kabbale
La disposition des trois plus importants piliers de Rosslyn, à savoir le Pilier de
l’Apprenti, le Pilier du Compagnonb et le Pilier du Maître, traduit également une
autre préoccupation médiévale prenant sa source dans l’ancienne tradition juive
ésotérique appelée la Kabbale. C’est une question qui devait tenir beaucoup au
cœur des prêtres des Familles de l’Étoile.
La Kabbale est devenue une quasi-obsession pour les intellectuels et les
philosophes chrétiens du Moyen Âge, car son origine est exclusivement juive.
Le mot Kabbalah lui-même, qui peut s’écrire de différentes façons, est au cœur
du système et des croyances du judaïsme ésotérique, bien qu’il n’ait fait
officiellement son apparition qu’au XIVe siècle – à peu près à l’époque de la
construction de la chapelle de Rosslyn.
La Kabbale repose sur deux œuvres principales, sans compter d’innombrables
commentaires et exégèses. Ce sont le Zohar (le « Livre de la Splendeur » ou de
la « Lumière ») et le Sepher Yetsirah (le « Livre de la formation »). Des deux, le
Sepher Yetsirah est certainement le plus ancien dans sa forme écrite, ayant été
rédigé par un mystique juif du nom de Rabbi Akiba, au IIe siècle. Le Zohar,
quoique peut-être aussi ancien que le Yetsirah sous forme orale, ne fut consigné
par écrit au XIVe siècle, et l’on suppose qu’il fut rassemblé et transcrit par un
autre rabbi, cette fois espagnol, nommée Moïse de Léon.
Il est très probable que les idées philosophiques et spirituelles qui se trouvent
au cœur de la kabbale sont en fait très anciennes, notamment parce qu’elles
présentent d’importantes similitudes avec une très vieille religion comme
l’hindouisme. La Kabbale est née d’un besoin majeur de « définir »
l’inexplicable. Le Dieu du judaïsme est très lointain. Même prononcer son nom
demeure depuis toujours un blasphème, sans doute parce que cela
« personnalise » la divinité et diminue à la fois sa nature et sa position dans
l’univers. La Kabbale énonce clairement que Dieu est si élevé, si intangible et
indéfinissable, que toute tentative pour l’approcher est vouée à l’échec.
En termes simples, la Kabbale suggère que le seul chemin vers Dieu passe par
des émissaires – une série d’entités spirituelles connues comme les Sephirot (au
singulier Sephirah). Les humains ne sont pas en mesure de communiquer avec la
divinité, mais les sephirot le peuvent. Les sephirot, que l’on peut décrire au
mieux comme des variétés d’anges, sont généralement disposées selon un
schéma géométrique avec trois lignes verticales et de nombreuses voies de
communication. C’est ce que l’on nomme communément « l’Arbre de vie
kabbalistique » (voir Figure 11).
Chaque sephirah représente un aspect différent de la divinité. Par la
connaissance et la compréhension des sephirot, et en suivants les chemins qui les
relient, il est possible pour de simples humains d’apercevoir un aspect fugitif du
divin.
La Kabbale fournit aussi des conseils sur la manière de suivre au mieux les
lois de Dieu et mener ainsi une vie heureuse et vertueuse. Cependant, la chose
demeure très compliquée, notamment parce qu’ils sont délivrés selon des codes
linguistiques basés sur les lettres de l’alphabet hébreu. Chaque sephirah
correspond à une lettre et la Kabbale renferme aussi des aspects numérologiques.
On peut voir dans l’Arbre de vie que tous les chemins entre les sephirot
partent de la sephirah qui occupe la place la plus inférieure, en position centrale
et on peut noter que cette spehirah est nommées Shekinah. Bien que les sephirot
soient toutes interdépendantes et qu’aucune ne puisse être considérée comme
supérieure ou inférieure à une autre, toutes sont finalement atteintes, par la
méditation ou la prière, par la Shekinah. L’importance de ce point pour les
prêtres pré-judaïques de Salomon et leurs successeurs des Familles de l’Étoile
ressort clairement des précédents chapitres.
Dans la Kabbale, la Shekinah devient encore plus importante que sa
manifestation astronomique par la conjonction de Vénus et de Mercure. Elle
représente alors le chemin par lequel on peut réaliser la communion avec les
agents spirituels et finalement avec Dieu.
Figure 11. L’arbre de vie kabbalistique. Chaque sphère représente une
sephirah, et toutes sont reliées par des chemins.
Dès que la Kabbale est apparue sous forme écrite elle fascine non seulement
les juifs mais aussi les mystiques et les érudits chrétiens. En réalité, elle était
certainement connue et étudiée bien avant le XIVe siècle, y compris par de
supposés chrétiens. On peut soupçonner que Saint Bernard de Clairvaux (voir
Chapitre 5) avait des kabbalistes dans son abbaye de Clairvaux en Champagne et
l’on pense qu’une école kabbalistique a pu exister à Troyes et certainement dans
des villes plus au sud de la France ainsi que dans l’Espagne d’avant l’Inquisition
où le judaïsme eut une longue et brillante histoire.
Bien qu’il n’y ait aucune preuve certaine que la Kabbale ait joué un rôle direct
dans les plans et la construction de la chapelle de Rosslyn, cela devient bien plus
probable si l’on examine son architecture à la lumière d’un autre aspect
spécifique de la franc-maçonnerie.
On a souligné depuis longtemps qu’il existe des parallèles entre les trois
piliers du premier grade et ceux l’Arbre de vie kabbalistique. Dès le XIXe siècle
les partisans autant que les adversaires de la franc-maçonnerie ont admis que
d’importants aspects du kabbalisme sont au cœur de la pratique maçonnique et
que ce tableau illustre ce fait.
Cependant, ce que l’on semble ne pas avoir vu plus tôt est que les trois piliers
du premier grade ont presque certainement leur origine dans les trois piliers de
l’extrémité est de la chapelle de Rosslyn. Cela a été rendu plus que probable
grâce à la redécouverte du puits de lumière de la chapelle de Rosslyn (voir plus
loin) et, par le fait que, nous le verrons, la franc-maçonnerie telle que nous la
connaissons doit son existence même à la chapelle.
Les trois piliers de la franc-maçonnerie sont Sagesse, Force et Beauté, tandis
que ceux de la Kabbale sont la Miséricorde, la Rigueur et la Douceur. Ces
qualités kabbalistiques sont très proches de celles qu’on trouve dans les
significations maçonniques et le lien n’est pas douteux. Par conséquent, ceux qui
ont créé la franc-maçonnerie connaissaient la véritable histoire qui se cachaient
derrière les piliers de Rosslyn et connaissait leur origine kabbalistique.
Cependant, au XVe siècle, admettre ouvertement un tel lien avec le judaïsme
aurait conduit à la persécution du fait de l’Église. Pour cette raison, les francs-
maçons donnèrent aux piliers des noms différents pour ne pas révéler leur
origine dans l’Arbre de vie. Il paraît certain que de nos jours la connaissance de
ces choses a été perdue, y compris chez les francs-maçons de haut rang.
Au-delà de l’entrée de la crypte, par conséquent à l’endroit où les sculptures
ressemblent aux représentations de la Sainte Jérusalem, on trouve les seuls mots
qui soient gravés à l’intérieur de la chapelle. C’est du latin médiéval qui signifie
« Le vin est fort, un roi est plus fort, les femmes encore plus fortes, mais la vérité
conquiert tout. »
Cela peut sembler une phrase étrange mais elle est également utilisée dans le
rituel maçonnique. Elle apparaît dans le grade de l’Ordre des Chevaliers de la
Croix rouge de Babylone », étroitement associé au grade du Saint Arc Royal.
Comme nous l’avons noyé au chapitre 1, ces mots viennent du livre d’Esdras
(1Esdras), un écrit non canonique du 1er siècle et il réfère à un événement de la
captivité de Babylone. Le grade maçonnique consiste en trois récits dramatiques
relatifs à des incidents tirés du livre d’Esdras canonique (1-6)7, de 1Esdras
chapitres 2-7 et des Antiquités juives de Flavius Josèphe, livre 11, chapitres 1-4.
Et quel est le thème de grade ? Rien de moins que la reconstruction du Temple
de Jérusalem.
Le rituel est ouvert par le franc-maçon du rang le plus élevé, nommé Très
Excellent Chef, qui pose une question : « Excellent Premier Surveillant, quelle
heure est-il ? ».
La réponse est : « L’heure de rebâtir le Temple.»
Le rituel comporte ensuite la phrase « Le vin est fort, un roi est plus fort, les
femmes encore plus fortes, mais la vérité conquiert tout », ce qui est la réponse à
une énigme proposée par le roi Darius pendant la captivité des Juifs. Zorobabel,
le chef des Juifs, résout l’énigme et reçoit l’autorisation de retourner à Jérusalem
avec son peuple pour y reconstruire le Temple. En outre, le roi promet de leur
redonner le trésor volé au Temple par les Babyloniens.
Donc, les mots qui sont gravés dans la pierre à Rosslyn sont ceux qui ont
permis la reconstruction du Temple de Yaweh. Est-il nécessaire d’avoir une
meilleure preuve de ce que le comte William Sinclair était en train de faire ?
La voute souterraine
Un autre lien entre le Temple de Salomon, la franc-maçonnerie et Rosslyn est la
récente découverte, directement sous le Sceau de Salomon, d’une chambre
voûtée souterraine avec un long tunnel conduisant au château. Le 14e grade de
Rite Écossais Ancien et Accepté, qui est dénommé « Grand Élu, Parfait et
Sublime Maçon », décrit justement un passage souterrain reliant le Temple du roi
Salomon au palais de ce dernier à Jérusalem. Le rituel dit textuellement :
Niven Sinclair, un homme d’affaires qui a consacré une large part de sa vie et de
sa fortune personnelle à l’étude de Rosslyn, dit à Chris Knight qu’en 1997
plusieurs hommes, dont lui-même, avaient creusé sous Rosslyn et trouvé une
chambre et l’énorme passage souterrain menant au château, plusieurs centaines
de mètres plus loin.
Les postions relatives et la topographie de la chapelle de Rosslyn et du
château sont aussi proches de celles du Temple de Salomon et du palais du roi à
Jérusalem. Les deux tunnels conduisent plus ou moins vers le sud et descendent
une vallée.
Nul ne sait si le Temple de Salomon, tel qu’il est décrit dans la Bible dans
toute sa magnificence, a réellement existé. Mais nous pouvons être sûrs que
William Sinclair le pensait et il connaissait manifestement son plan secret. Les
chances sont infimes pour que ce soit une simple coïncidence si les particularités
de Rosslyn – si outrageusement unique entre les « églises » – correspondent aux
descriptions détaillées que l’on trouve dans les rituels maçonniques. Si nous
mettons cela ensemble avec un certain de nombre de faits, nous avons sans doute
une probabilité » de 100 % d’un lien entre l’ancienne Jérusalem, Rosslyn et la
franc-maçonnerie.
Résumons les principaux points :
1. La seule inscription de Rosslyn est une phrase qui, selon une légende de
plus de 2 000 ans, est la clé de la reconstruction du temple.
2. Un grade maçonnique nomme ses membres « Chevaliers de l’Ordre de la
Croix rouge » (c’est-à-dire les Templiers), et se décrit lui-même comme
voué à la reconstruction du Temple de Jérusalem, et cite la phrase même
qui apparaît à Rosslyn.
3. Les mots utilisés dans un important rituel maçonnique fournissent la clé
des représentations symboliques de Rosslyn, par exemple :
— « Le Temple de Jérusalem »
— « La clé du trésor »
— « Un endroit où une chose précieuse est cachée »
— « Rien ne manque sauf la clé »
— « Si tu peux comprendre ces choses, tu en sais assez ».
Le puits de lumière
Une autre découverte récente, également due à Alan Butler et John Ritchie,
confirme l’importance de Rosslyn quant à son implantation géographique et aux
connaissances astronomiques de ses concepteurs. Grâce aux informations
fournies par l’un des cousins de John, qui est également l’un des responsables de
la « chapelle », l’attention de John et Alan fut attirée par une curieuse pièce de
‘décoration’ que l’on peut voir à l’extérieur du bâtiment, au-dessus de la grande
fenêtre de l’est. En l’examinant de plus près il apparut que c’était une découverte
majeure, car ce n’était pas un simple élément d’ornementation mais un puits de
conception sophistiquée, délibérément créé pour permettre à la lumière de tout
objet brillant à l’horizon de passer à travers pour pénétrer dans l’édifice.
LE GRAND SECRET
Réaliser Rosslyn en quelques années mobilisa une force de travail immense. Ses
magnifiques séries d’arcs gothiques et les stupéfiantes sculptures qui ornent ses
murs, en dehors à et l’intérieur, ont exigé le recours à des artisans d’élite – un
groupe de vrais experts que l’on ne pouvait certainement pas trouver à
proximité. La plupart de ceux qui ont bâti et décoré Rosslyn ont certainement dû
être recrutés depuis l’Europe et les archives de l’époque montrent que William
Sinclair ne créait pas seulement des maisons pour ses artisans dans le nouveau
village de Roslin mais qu’il leur offrait aussi des gages importants.
La raison pour laquelle William en fit tant pour eux n’était pourtant pas
seulement leur talent – c’est aussi parce que ces hommes pratiquaient des rituels
que leur avaient donnés les Templiers, depuis longtemps disparus. N’importe
quels maçons auraient permis que la construction soit achevée, mais pas
forcément que les secrets qu’on y avait introduits ne soient pas immédiatement
divulgués.
Bien avant que les maçons n’arrivent, un groupe d’ouvriers opératifs
appartenant aux Familles de l’Étoile avaient creusé profondément sous le sol du
nouveau Temple. L’épisode dramatique des malles de documents sauvés du feu
dans le château de Rosslyn en 1447 montre que les documents esséniens
n’étaient pas à l’abri à cette époque. Mais neuf ans plus tard, en 1456, le site
était prêt pour poser les fondations. Il se peut ou non que ce soit une coïncidence
si la procédure de mise en sécurité des documents prit neuf ans exactement, le
temps que les Templiers avaient pris pour les extraire des ruines du Temple de
Jérusalem, plus de trois siècles auparavant.
Avant même que Chris Knight ait présenté la thèse qu’il y avait des
documents esséniens sous Rosslyn1, presque tout le monde avait envisagé qu’ils
puissent se trouver dans une voûte souterraine, creusée dans le roc, derrière une
porte blindée à laquelle on accèderait par un escalier secret. Rien ne pouvait être
plus loin de la vérité.
Le chef-d’œuvre de William Sinclair est construit sur plus de 40 m de sable.2
L’intention pouvait être de replacer chaque document à un endroit correspondant
à celui où il se trouvait dans le Temple de Jérusalem en ruines. Les Templiers
auraient gardé la trace de l’emplacement de chaque document retrouvé et
correspondant aux descriptions données dans le Rouleau de cuivre.
TOUS FRÈRES
Si nous sommes calomniés par des papistes, ici ou ailleurs, qui nous
critiquerons parce que nous sommes de pauvres instruments visant à
faire mieux connaître aux hommes, et davantage, la sainte Vérité de
Dieu, alors qu’ils souhaitent les laisser dans l’ignorance et les
ténèbres […], nous resterons sereins, confortés par la vérité et
l’innocence d’une bonne conscience.
Les noms de ceux qui composaient cette loge étaient : Mr Richard Penket,
Surveillant, Mr James Collier, Mr Richard Sankey, Henry Littler, John Ellam,
Richard Ellam et Hugh Brewer.
Le lendemain, Ashmole partit pour Londres, le bastion du Parlement. C’était à
la fois un voyage pénible – en carrosse sur de mauvaises routes – mais aussi une
entreprise dangereuse car tous les officiers anciennement royalistes avaient été
bannis de Londres jusqu’à une distance de 20 miles. Pourtant, cette visite n’était
certainement pas clandestine car selon une source de 1650 : « Ashmole établit sa
demeure à Londres, nonobstant la loi du Parlement qui le lui interdisait. »2
Il ne faut aucun doute que le singulier voyage d’Ashmole, d’Oxford à Londres
en passant par la lointaine Warrington, était une part essentielle du plan. Il
apparaît que sa seule chance d’être admis dans la capitale parlementaire était de
devenir franc-maçon.
Beaucoup de gens ont imaginé que Cromwell avait pu être franc-maçon, mais
aucun document n’a pu le confirmer. Toutefois, il est certain que nombre de ses
officiers principaux étaient francs-maçons. Par exemple, Sir Thomas Fairfax,
commandant de « l’armée nouvelle » de Cromwell était franc-maçon et sa
famille résidait à Ilkley, dans le Yorkshire, qui possède toujours son temple
maçonnique datant de cette époque.
Ashmole, sans doute grâce à ses nouveaux contacts au sein de l’Ordre, put
entrer dans Londres et y séjourner. Quelques années après la guerre, le 17 juin
1652, il fut mention d’une réunion à « Blackfriers » avec « le Docteur Wilkins &
Mr Wren ». Ce Wren était l’astronome et l’architecte Christopher Wren qui
devait rebâtir les églises de Londres après le Grand Incendie de 1666. Wren allait
aussi devenir le Grand Maître de la franc-maçonnerie à Londres.
Mais à cette époque, Wren était un jeune professeur au Wadham College, à
Oxford, dont le Dr John Wilkins, également franc-maçon, était le principal.
Wilkins était aussi le beau-frère de Cromwell et il devint plus tard évêque de
Chester et membre fondateur – avec Robert Moray, celui qui était devenu franc-
maçon à Newcastle en 1641 – de la Royal Society.
Il y avait là quelques-une des personnalités les plus importantes de leur temps
et il apparaît que la franc-maçonnerie était leur commun dénominateur. Bien que
le journal d’Ashmole contienne la plus ancienne mention écrite de l’initiation
d’un Anglais dans la franc-maçonnerie, en 1646, il semble qu’il y ait eu à
Londres, comme dans d’autres villes telles que Warrington, une infrastructure
maçonnique depuis bien plus longtemps.
En 1660, la monarchie fut restaurée après la mort d’Olivier Cromwell en 1658
et le bref gouvernement de son fils Richard. Le nouveau roi, Charles II, revint de
son exil en Europe avec la promesse de tolérance religieuse et un pardon général
sauf pour ceux qui avaient signé la sentence de mort de son père.
La ville décrite dans les Lamentations n’est autre que Jérusalem. Sur la plaque
située à droite de la « déesse » de Londres on voit d’autres déesses dont l’une
verse la « corne d’abondance » sur la ville. La corne d’abondance est une autre
figure pleine de symbolisme maçonnique.
Ce sont là des symboles de renaissance, ce qui est parfaitement approprié à la
reconstruction de Londres. Cela ne disait pas grand-chose aux non-initiés qui
prenaient sans doute le Monument pour ce qu’il semblait être. Mais pour les
nouveaux savants de l’époque, et notamment les francs-maçons, Londres était en
train de vivre sa cérémonie de mort et de renaissance, au « troisième degré ».
Il semble qu’à l’origine Wren ait souhaité que la statue de la déesse surmonte
le Monument, mais cela se révéla trop coûteux. Également très chère (et d’une
certaine manière, pour Wren, plutôt source de confusion) aurait été la seconde
suggestion, celle d’un phénix. Finalement le comité, sur la proposition de Wren,
préféra une grande urne d’où émergeait un orbe solaire. Il n’est pas surprenant
que Wren ait finalement présenté cette option car elle représentait une part
indispensable du code requis pour mettre en œuvre la vesica piscis et sa relation
entre la Monument et son ombre lors du solstice d’été. En même temps, elle
reflète l’allégorie solaire qui est au cœur de la franc-maçonnerie.
La même fascination pour les mouvements du soleil existait chez les
Esséniens dans leur repaire désertique, 1660 ans avant la combustion de Londres
et sa résurrection. Les Esséniens, comme nous l’avons vu, avaient adopté un
calendrier solaire alors que le courant dominant du judaïsme usait d’un
calendrier lunaire venu de Babylone ; en fait, la détermination à maintenir
l’héritage solaire de la prêtrise de Salomon avait été une raison majeure de
l’avènement des Esséniens.
La Jérusalem de Blake
Alors que nous voyons le XVIIIe siècle s’achever, revenons pour un moment à
l’Ordre des Druides, cette nouvelle organisation aux affinités maçonniques. En
1796, l’Ordre des Druides choisit un nouveau Grand Maître : William Blake,
l’une des personnalités les plus remarquables de cette période de l’histoire
anglaise – ou même de toute autre période. L’appartenance de Blake aux Druides
et bien connue mais il n’est pas certain qu’il fut franc-maçon, même si nombre
de ses créations graphiques manifestent une imagerie maçonnique. On le connait
aussi très bien comme poète, et surtout pour son poème Jérusalem :
a. Nous avons conservé dans la traduction l’usage déroutant des lettres capitales dans ce texte [ndt].
b. La vraie loi des monarchies libres ; Une vive riposte contre le tabac [ndt].
c. Version autorisée de la Bible de Jacques VI.
CHAPITRE XI
LE NOUVEAU MONDE ET LA
NOUVELLE JÉRUSALEM
Le cri de la liberté
Il est à peu près certain qu’en définitive ce furent les Familles de l’Étoile,
présentes dans les colonies (comme les Washington), qui s’emparèrent de la
docile franc-maçonnerie hanovrienne, pour en faire quelque chose de tout à fait
différent. Après des siècles de lutte, en Europe, contre les pires excès de la
religion et des gouvernements répressifs, les Familles de l’Étoile virent sans
doute dans l’Amérique une parfaite occasion de construire la Nouvelle Jérusalem
qui leur avait échappé depuis si longtemps. Leur cri de ralliement fut
« Liberté ! » et ce fut très efficace.
La liberté veut dire littéralement, « le pouvoir d’agir, de penser ou de
s’exprimer comme on le désire » et « la franchise à l’égard de toute répression et
tout esclavage ». Mais le mot « liberté » possède un fond historique qui révèle
les raison de son usage délibéré dans les colonies américaines.
Le mot vient du latin libertas. Ce concept fut personnifié par Libertas, une
ancienne déesse romaine particulièrement révérée par les esclaves affranchis.
Ses attributs étaient en partie empruntés à une déesse étrusque plus ancienne,
Feronia, la déesse de l’aube. Cela pourrait être une clé pour comprendre ce que
la liberté représentait pour les Familles de l’Étoile qui la déposèrent au cœur de
la jeune franc-maçonnerie américaine. Dans la kabbale, le symbole le plus
ancien et le plus respecté, la Shekinah, occupait une position centrale à la base
de l’Arbre de Vie (voir Chapitre 8). Outre le fait d’être la manifestation
astronomique visible qui se trouvait au cœur des croyances d’Israël, la Shekinah
était aussi considérée comme « l’épouse de Dieu », et « l’ange de la justice et la
liberté ». Pour ceux qui savaient réellement le fond des choses, cependant, la
Liberté était simplement un autre nom de la Shekinah et devint bien plus encore,
car elle fut astucieusement convertie en une notion qui pouvait être acceptée par
les membres mêmes les moins éduqués et les plus religieux de la société.
On peut montrer que nombre de ceux qui se hissèrent aux premiers rangs des
colons américains au cours de leur long et difficile combat contre la Grande-
Bretagne n’étaient pas ouvertement religieux – au moins dans le sens chrétien
classique du terme. Leurs déclarations montrent clairement que s’ils avaient pu
conserver une réelle et profonde foi en Dieu, ils étaient complètement hostiles à
toute idée d’une Église établie ayant un rôle quelconque à jouer dans la société
civile, comme l’Église d’Angleterre. Le Premier Amendement de la Constitution
des États-Unis, signé en juin 1789, exprime clairement leur position :
Quant une religion est bonne, je pense qu’elle se soutiendra par elle-
même ; et quand elle n’y parvient pas, que Dieu ne prend pas soin
d’elle et que ses Docteurs sont obligés d’appeler à l’aide les
pouvoirs civils, c’est un signe, je le crains, qu’elle est mauvaise.
Mais le plus franc sur ce sujet était Thomas Jefferson, un autre phare de la lutte
américaine pour la liberté et le troisième Président des États-Unis. Jefferson, qui
n’était pas franc-maçon mais très influencé par les valeurs maçonniques, était en
conflit avec l’Église catholique romaine qui exigeait toujours la soumission, et il
déclara un jour :
Ce ne sont pas des propos de personnes athées. D’une manière ou d’une autre,
les trois hommes cités se sont montrés des « croyants », mais il est clair que ce
en quoi ils croyaient n’était pas en accord avec le christianisme classiquement
reconnu. Alors que Jefferson a pris la décision personnelle de ne pas rejoindre
une loge, il est certain que Franklin et Washington ont été des francs-maçons
enthousiastes, comme l’ont été plusieurs de ceux qui ont signé la Déclaration
d’indépendance en 1776, mais aussi les signataires les plus importants de la
Constitution de 1787.
Parmi les 56 hommes qui ont signé la Déclaration d’indépendance le 4 juillet
1776, nombreux sont ceux qu’on pense avoir été francs-maçons, et les suivants
le furent de façon certaine :
Plusieurs salves d’artillerie furent tirées. La cérémonie s’acheva par une prière,
les maçons chantèrent en l’honneur de cette circonstance et une quinzième et
dernière salve se fit entendre.
Une fois encore, nous voyons une cérémonie maçonnique se dérouler pendant
cette semaine si important – les sept jours entre le 17 et le 23 septembre et une
fois encore à un moment où Mercure et Vénus étaient les étoiles du matin se
levant devant le Soleil.
Alors que Alan Butler rassemblait toutes les informations astronomiques
publiées ici,2 un autre livre fut publié outre-Atlantique, écrit par David Ovsaon.
Indépendamment l’un de l’autre, Alan Butler et Ovason, tous deux versés en
astronomie et en astrologie, avaient noté l’apparente fascination des francs-
maçons pour le signe astronomique de la Vierge. Ovason a écrit 600 pages avec
des observations relatives à Washington, DC, examinant soigneusement les rues
et les bâtiments, et démontrant l’importance du signe de la Vierge dans leurs
plans.3
La position même de Washington trahit cette importance car le District de
Columbia se tient entre le Maryland et la Virginie. Le Maryland tient son nom de
la reine Henriette Marie, la femme de Charles Ier a, tandis que la Virginie fut ainsi
dénommée d’après le Reine Elizabeth Ire, la Reine Vierge. Cependant, le
rapprochement de « Marie » et de « Vierge » symbolise le caractère chrétien
étroitement associé au signe de la Vierge et finalement à Déméter, Isis et la
Shekinah – « épouse de Dieu ».
Curieusement, à l’est de Washington, de l’autre côté du Potomac – à la fois
tout près du Pentagone et de la Maison Blanche – se tient un lieu nommé
Rosslyn.
George Washington, le franc-maçon
Le choix final du lieu de la nouvelle capitale fédérale revint au Président George
Washington. Washington semble parfaitement approprié, non seulement à la
franc-maçonnerie mais aussi aux objectifs des Familles de l’Étoile. La
signification symbolique de la rencontre du Maryland et de la Virginie et
l’endroit qu’il choisit sur le Potomac ne pouvaient pas lui échapper.
Finalement la capitale fédérale porta le nom même de Washington et le
drapeau national fut aussi son invention. George Washington descendait d’une
famille aristocratique apparue dans le comté de Durham, en Angleterre, à peu
près à l’époque de la création des Templiers. Leurs terres se situaient
initialement autour de Hartburn, sur le fleuve Tees, mais ils les échangèrent
ensuite pour des terres situées, sur la rive nord du Wear en un lieu nommé
Wessyngton, d’où la famille prit son nom. Ils s’établirent ensuite plus au sud, à
Sulgrave Manor dans les Midlands. La famille avait des origines normandes et
c’était presque certainement une Famille de l’Étoile. Après la dispersion des
Templiers, en 1342, les Washington modifièrent leurs premières armes (un lion
de Jérusalem de gueules – rouge) pour celles qui sont montrée ci-contre. Le fond
de l’écu était originellement d’argent tandis que les barres et les étoiles étaient
rouges. Les étoiles peuvent être une allusion à la Famille de l’Étoile.
Figure 17. Les armes de Washington (étoiles et bandes rouges sur un champ
d’argent).
Ces armes parvinrent en Amérique en 1666 avec deux frères dont l’un, le
colonel John Washington, fut le grand-père de George Washington. Ce dernier
fut toujours ambigu à l’égard de ses origines aristocratiques anglaises mais il
conserva cependant ses armes et en fit usage régulièrement. Quand il devient
nécessaire que les jeunes États-Unis possèdent un drapeau, il est assez
évidemment que les armes de Washington servirent de modèle. Ou, du moins les
mêmes idées se trouvaient derrière le symbolisme des deux emblèmes.
La première version de la « bannière étoilée » avait 13 bandes alternées
rouges et blanches, pour représenter les 13 États d’origine, et avait également 13
étoiles blanches sur un fond bleu. L’utilisation de l’étoile à cinq branches ne peut
pas être une simple coïncidence car c’est un symbole profondément maçonnique
et, nous l’avons vu, de grande valeur pour les Familles de l’Étoile au regard de
leur science relative aux mouvements de la planète Vénus.
La ville maçonnique
Une fois le lieu de la future capitale fédérale choisi, les travaux commencèrent
assez vite. Le plan de Washington fut initialement établi par un ingénieur
français qui avait servi dans les troupes révolutionnaires américaines. Son nom
était Pierre Charles L’Enfant, qui était un important franc-maçon. Il a été
suggéré, au moins par David Ovason, que les convictions maçonniques de
L’Enfant se reflètent dans le plan des rues de Washington. Un bon exemple en
est le diagramme ci-dessous, qui montre le plan de L’Enfant pour Washington,
surchargé du pentacle, ou étoile à cinq branches qui, à travers les rues de la ville,
relie les plus importants bâtiments.
L’Enfant était susceptible et difficile et il abandonna sa mission avant de
l’avoir achevée. En conséquence les plans furent repris par Benjamin Bannecker
un autodidacte, esclave affranchi qui avait été l’un des assistants de L’Enfant.
Bannecker était un homme remarquable et, bien que L’Enfant ait pris tous ses
plans avec lui en partant, Bannecker fut capable de les recomposer de mémoire.
Il n’est pas prouvé que Bannecker était franc-maçon (ce qui semble très
improbable en raison de ses origines raciales) mais on sait qu’il était très
compétent en astronomie et il semble avoir suivi les plans de L’Enfant à la lettre.
L’étude exhaustive conduite par David Ovason à propos des rues et les
bâtiments de Washington, sur une durée de 200 ans, démontre les connaissances
cosmiques des architectes de la cité. En particulier Ovason présente un certain
nombre d’indices convaincants que la constellation de la Vierge a été incorporée
dans les plans de la ville, les immeubles, les fontaines, les statues et les vitraux.
Le fait que le plus récent exemple date du xxe siècle semblerait indiquer que
cette connaissance que possédait les premiers bâtisseurs de la capitale
américaine ne fut jamais perdue et qu’elle a même en partie été préservée
jusqu’à nos jours.
Pour nous résumer, la franc-maçonnerie fut pratiquement détruite après
l’accession des Hanovre au trône britannique mais elle commença à renaître et
trouva sa plus belle expression politique aux États-Unis. Elle n’était pas
cantonnée à l’Amérique car, en 1789, moins de deux après la signature de la
Constitution des États-Unis – avec des mots révolutionnaires en ouverture :
« Nous, le peuple » – une révolution se produisit en France. La Révolution
française fut notablement stimulée par les francs-maçons américains,
spécialement Benjamin Franklin. Il y a en outre de nombreuses preuves que du
début à la fin cette révolution fut planifiée et orchestrée par les puissantes loges
maçonniques qui étaient apparues en France. Un nouveau monde naissait et,
malgré la résistance de vieilles officines de l’Église et de l’État, les Familles de
l’Étoile prenaient à nouveau le dessus.
a. Dite « Henriette d’Angleterre », celle dont Bossuet fit l’oraison funèbre : « Madame, se meurt, Madame
est morte… »
CHAPITRE XII
LA FRANC-MAÇONNERIE ET LA
RÉVOLUTION
Un régime absolutiste
Le mécontentement enfla tout au long du XVIIIe siècle parmi l’intelligentsia et le
petit peuple. Pendant des siècles, les rois de France ont été très autoritaires, une
tendance amorcée par Philippe IV le Bel, le grand ennemi des Templiers (voir
Chapitre 5), au tournant du XIVe siècle. La situation n’était pas très différente de
celle qui existait en Angleterre avant la Guerre civile du XVIIe siècle qui avait
conduit à l’exécution du roi Charles Ier. Comme les Stuart en Angleterre et en
Écosse, les rois de France avaient fermement maintenu la doctrine du « droit
divin ». en d’autres termes, la légitimité du roi dérivait directement de Dieu, ce
qui signifiait qu’aucun parlement ni aucune institution humaine ne pouvait dire
au roi ce qu’il avait à faire. À cette époque, l’Église occupait une position
semblable. En dépit des ravages de la Réforme, la France demeura une nation
profondément catholique et en matière spirituelle l’Église jouait un rôle
comparable à celui des rois de France, lesquels tentaient en retour d’exercer sur
l’Église de France un contrôle aussi grand que possible (une tendance connue
sous le nom de gallicanisme).
Le roi considérait qu’il était en relation directe avec Dieu et que sa parole était
une loi absolue. Il forgeait des lois et les faisaient exécuter à travers un
gouvernement presque entièrement composé d’aristocrates. Les citoyens
ordinaires – y compris, à leur grand dam, les classes moyennes – n’avaient
pratiquement pas leur mot à dire dans ce régime.
Jusqu’à la Révolution de 1789 la France demeura un pays féodal, comme il
l’avait été depuis l’époque de Charlemagne, mille ans auparavant. Une espèce de
Parlement, les États Généraux, existait mais était rarement convoqué et n’était
qu’un corps consultatif sans pouvoir législatif. Il comprenait des représentants
des trois « États », ou groupes sociaux : le premier, le clergé, représentait 1 % de
la population ; le second, la noblesse, environ 2 %. Enfin il y avait le troisième,
le Tiers Etat, le peuple, qui représentait 97 % de la population.
La noblesse, qui contrôlait le pays, ne payait aucun impôt tandis que le clergé
n’en acquittait pratiquement aucun. Les membres professionnels du Tiers
s’efforçaient de travailler pour éviter les plus lourdes taxes, de sorte que c’était
le peuple le plus pauvre qui portait le poids le plus lourd. Pour beaucoup d’entre
eux, les impôts leur laissaient à peine de quoi s’acheter un peu de pain. La
situation s’aggrava vers la fin du XVIIIe siècle en raison de mauvaises récoltes et
d’erreurs financières qui conduisirent le gouvernement royal et la nation à une
crise.
De nombreux intellectuels français du XVIIIe siècle virent avec intérêt
l’évolution constitutionnelle de l’Angleterre après la Guerre civile et la
Glorieuse Révolution de 1688. Depuis 1688, en Angleterre, il était devenu
impensable de lever des impôts, ou même simplement de gouverner, sans
l’approbation d’un parlement légitime. Même les nobles ne formaient plus un
groupe à part, comme ne France ; en Grande-Bretagne, toute personne pouvait
être élevée à la noblesse, quelle que fussent ses origines. Une telle mobilité
sociale était inouïe en France où la noblesse monopolisait les échelons
supérieurs de l’État, de l’armée à l’administration. Mais le pire de tout était que
l’Ancien Régime ne fonctionnait pas. Malgré des essais de réforme financière, le
système tout entier des impôts féodaux ou royaux était trop complexe pour qu’un
simple bricolage puisse le changer vraiment. La France alla d’une crise
financière à une autre, grevée par des guerres coûteuses et sans succès. Comme
toujours, le fardeau tomba sur les plus pauvres et leurs souffrances offraient un
terrible contraste avec la vie facile des nobles. En 1754, Jean-Jacques Rousseau,
l’un des philosophes dont les idées politiques influencèrent le Révolution
française, concluait son Discours sur les origines et les fondements de l’inégalité
parmi les hommes en disant :
Le cataclysme de 1789
En France, les choses se précisèrent en 1789. Face à une nouvelle crise
financière, ainsi qu’à une sécheresse et une rude famine, le roi Louis XVI
convoqua les États Généraux au début de l’été. Il fut déclaré que les États
voteraient par groupe, et non par individu, ce qui signifiait que les réformes
proposées par le Tiers seraient certainement bloquées par l’association de
l’aristocratie et du clergé. Les événements se précipitèrent. Il devient clair pour
les francs-maçons les plus influents que si la Nouvelle Jérusalem devait s’élever
en France, une action décisive s’imposait.
Les membres du Tiers firent donc sécession et déclarèrent se former en
Assemblée nationale constituante – le seul parlement légitime du pays – et
refusèrent de se séparer. Un certains nombre de modérés, parmi la noblesse et le
clergé, se joignirent à eux.
Le 14 juillet 1789, la bourgeoise obtint le soutien d’une large partie du peuple
de Paris. Aux premières heures du jour, une foule enragée fut irruption dans
l’Hôtel des Invalides où elle trouva 32 000 mousquets mais pas de munitions. La
rumeur se répandit que la poudre était stockée dans l’horrible prison de la
Bastille. Plus tard dans la journée, la Bastille fut prise – un événement qui allait
traverser l’histoire comme étant le véritable début de la Révolution française. Le
roi Louis XVI, revenant de la chasse le même jour, nota dans son journal :
« Rien. » Lorsqu’un ministre lui apporta les nouvelles de Paris, le roi demanda :
« C’est une révolte ? » Alors le ministre répondit : « Non, Sire, c’est une
révolution. »
Le contrôle de la situation échappa rapidement à Louis XVI, bien intentionné
mais indécis. Il y eut ensuite une longue bataille, finalement sanglante, entre les
modérés, les Girondins, et l’intelligentsia radicale des Jacobins. Ce dernier
groupe, où l’on trouvait de nombreux francs-maçons, avait d’abord été le Club
breton, où l’on rencontrait des penseurs influents comme Jean-Paul Marat et
Robespierre. Il avait été modéré puis était devenu plus extrémiste dans ses
demandes. Il élargit son recrutement et devint bientôt la plus importante force
organisée du pays. Au sommet de sa puissance, ses membres avaient entre 5 000
et 8 000 cercles en France, rassemblant plus d’un demi-million de personnes.
Sans doute, le plus important dirigeant des Jacobins fut Georges-Jacques
Danton, un avocat venu de Champagne et exerçant à Paris. Comme beaucoup de
ses contemporains du Club des Jacobins, c’était un franc-maçon influent avec un
lien spécial à la loge des Neuf Sœurs de Paris, nommée ainsi d’après un groupe
d’étoiles connues sous le nom de Pléiades. Cette loge peu connue et très
particulière avait encouragé la Révolution américaine et en fit autant pour sa
contrepartie française.
La loge des Neuf Sœurs était la fille spirituelle de Jérôme Lalande qui allait
devenir en France l’un des plus célèbres astronomes et mathématiciens de son
époque. La loge avait été créée en mars 1776 dans l’intention avouée de procurer
un lieu maçonnique aux savants, aux intellectuels et aux artistes. Quelques-uns
des plus grands penseurs du temps furent membres de la loge, comme Voltaire
qui devint franc-maçon à la fin de sa vie, rejoignant les Neuf Sœurs le mardi 7
avril 1778.b
Le point culminant de la cérémonie fut atteint lorsqu’un Frère visiteur venu
d’Amérique, Benjamin Franklin, de Philadelphie, tendit à Voltaire son tablier
maçonnique, lequel avait été porté par Claude Helvétius, philosophe suisse et
franc-maçon (1715-1771). Voltaire porta le tablier à ses lèvres et le baisa.
En flagrante contradiction avec ses devoirs maçonniques à l’égard du Grand
Orient, la loge des Neuf Sœurs fit beaucoup pour promouvoir le soulèvement
américain et soutenir la guerre d’indépendance qui suivit. Les membres des Neuf
Sœurs encourageaient ouvertement les révolutionnaires américains et les plus
riches d’entre eux offraient beaucoup d’argent pour financer la guerre contre les
Britanniques. En mai 1779, Franklin fut élu Grand Maître des Neuf Sœurs et fut
en mesure d’exercer son influence sur le gouvernement français afin qu’il
déclare la guerre à l’Angleterre et offre ensuite son concours militaire aux jeunes
États-Unis.
La loge des Neuf Sœurs a consacré beaucoup de travaux aux origines de la
franc-maçonnerie qu’elle pensait être d’une grande ancienneté. De nombreuses
conférences furent données par des membres de l’Académie des sciences et
d’autres illustres compagnies, expliquant pourquoi la franc-maçonnerie
renfermait les traditions et les mythes de l’Égypte, de la Grèce et de Rome. De
tels discours furent prononcés pendant deux importantes assemblées au cours de
l’année 1779 et quelques-uns furent publiés.
Dans une large mesure, dès qu’elle eut commencé, la Révolution française fut
emportée par une force fatale et irrésistible. Vers 1792, alors que le roi avait été
déposé et emprisonné, les Jacobins furent en charge d’un régime républicain
cependant éloigné de l’idéal démocratique américain. Pendant plusieurs mois, le
Comité de salut public, curieusement nommé, envoya à la guillotine des
centaines d’aristocrates, de membres du clergé et d’opposants politiques,
pendant ce qu’il est convenu d’appeler la Terreur. Le roi Louis XVI fut exécuté
le 21 janvier 1793 et la reine le suivit peu après.
Le pouvoir navigua de tous côtés entre différents groupes et il y eut des
moments où les plus fervents et les plus violents des révolutionnaires de la
première heure furent eux-mêmes les cibles d’une terreur croissante qui
submergea le pays. Alors, la faction de Danton quitta Robespierre et ce dernier
parvint à faire guillotiner Danton avant de tomber lui-même, victime d’une autre
faction. Mais, où que se soit trouvé la vrai pouvoir à Paris, une chose est sûre : le
pouvoir absolu de la monarchie et de l’Église avait été détruit et – si l’on met à
part l’avènement de Napoléon, accueilli pour mettre fin au chaos et à l’arbitraire
de la Révolution – nul ne pourrait plus jamais exercer le même pouvoir qu’avant
1789.
Le cri de liberté qui s’était élevé à l’origine des États-Unis, retentit bien plus
fort en France. Dans les deux pays, « liberté » était bien plus qu’un mot d’ordre -
comme nous l’avons vu, c’était aussi une manifestation physique.
Sur ordre du gouvernement révolutionnaire de la France, le christianisme fut
officiellement abandonné comme religion d’État en novembre 1793. Pour bien le
manifester, une belle et jeune actrice du nom de Mlle Malliard fut conduite à la
cathédrale Notre-Dame de Paris, le 10 décembre. Vêtue d’une robe classique elle
fut assise sur l’autel le plus élevé de la cathédrale. Ce qui suivit fut une
cérémonie improvisée où la « déesse de la Révolution » alluma une chandelle, la
lumière de la raison. La silhouette de cette jeune femme devint la « Déesse de la
Raison », en miroir avec la déesse de la Liberté aux États-Unis. Pendant un
certain temps, la cathédrale devint le Temple de la Raison.
Il est intéressant de se souvenir que la plus célèbre image américaine de la
Liberté – la Déesse de la Raison – vint en réalité de France et qu’elle était
entièrement d’inspiration maçonnique. C’est, bien sûr, la Statue de la Liberté qui
orne le port de New York. La statue, qui fut payée par souscription publique en
France et offerte aux États-Unis pour le centenaire, fut achevée et inaugurée en
octobre 1886. Une plaque à sa base explique que, bien que financée par le peuple
français, la statue de la Liberté était en fait un don du Grand Orient de France.
Cette énorme statue porte une torche qui représente la même lumière qui fut
allumée par Mlle Malliard à Notre-Dame en 1793.
Il est impossible de démontrer que la Révolution française fut orchestrée par
une seule officine, en l’occurrence la franc-maçonnerie, mais celle-ci semble
avoir été au cœur de la tourmente des événements. Cependant, de même que
différentes factions apparurent et disparurent à Paris, de même de nombreux
francs-maçons importants qui avaient encouragé la subversion du trône et le de
l’autel, finirent en le payant de leur tête sur l’échafaud. Mais la franc-maçonnerie
elle-même fut bannie et décimée par le gouvernement révolutionnaire.
Néanmoins, l’Église catholique a toujours accusé la franc-maçonnerie d’avoir
fomenté les événements qui se produisirent à partir de 1789, et elle se mit pour
cette raison à lutter activement contre l’existence même de la franc-maçonnerie.
Les Carbonari
Une telle organisation, qui en fait commençait à dépérir à l’époque de Grégoire,
était connue sous le nom de Carbonari. Les origines de cette institution d’aspect
maçonnique sont inconnues. Les Carbonari firent leur apparition soit en France
soit en Italie vers la fin du XVIIIe siècle, mais ne commencèrent vraiment à jouer
un rôle actif que vers 1814 en Italie. Ils semblent avoir délibérément imité la
franc-maçonnerie. Le mot « Carbonari » signifie « charbonniers » et, tandis que
la franc-maçonnerie fonde ses rites, son histoire et ses cérémonies sur les usages
du métier de maçon, les Carbonari avaient des pratiques analogues mais reliées
au métier du charbon de bois.
Les carbonari furent créés par des intellectuels des classes moyennes, la
plupart étant des partisans de la révolution qui avait eut lieu en France quelques
décennies auparavant. Il est possible que les Carbonari aient été le produit d’une
influence maçonnique sur les troupes napoléoniennes qui avaient occupé une
grande partie de l’Europe, y compris l’Italie. Ce qui n’est pas douteux, c’est que
les Carbonari voyaient des liens étroits entre leurs usages et leurs objectifs et
ceux de la franc-maçonnerie, à tel point que tout Maître maçon pouvait assister
aux réunions de Carbonari où ils étaient considérés comme des membres à part
entière.
Dans les remous politiques très compliqués que connut l’Italie à la fin du
XVIIIe et au début du XIXe siècle, on peut supposer que l’agitation fut
constamment entretenue par les Carbonari bien qu’on ne sache pas vraiment à
quel point, car les membres des Carbonari faisaient serment de secret comme
leurs confrères francs-maçons.
Les Carbonari adoptèrent des formes très proches de celles francs-maçons. À
la place de loges, les Carbonari tenaient des Ventes (Vendita, plur. vendite), le
nom des endroits où l’on vendait le charbon. Leurs loges étaient connues sous le
nom de baraques (baracca, plur. baracce), le mot italien désignant une hutte, et
la mère loge des Carbonari était la Haute Vente, une version de la « Grande
Loge » des francs-maçons. Les délégués de tous les Ventes assistaient à la Haute
Vente.
Les Carbonari étaient divisés en deux classes, les apprentis et les maîtres, là
encore en ressemblance des grades de la franc-maçonnerie. Ils se reconnaissaient
grâce à des poignées de main spéciales et de signes particuliers seulement
connus d’eux. En réalité, le seul point sur lequel les Carbonari différaient de la
franc-maçonnerie était le fait qu’ils exposaient des éléments chrétiens dans leurs
rituels.2 De nombreux Carbonari étaient catholiques, du moins officiellement.
L’organisation montrait un respect particulier pour un saint du nom de
Théobald (Thibaud). À première vue, cela ne semble spécifique de rien, mais si
nous creusons un plus profondément, quelque chose de surprenant apparaît.
Nous apprenons que Théobald était né en Champagne, à Provins, au XIe siècle.
Cela pourrait être un lien intéressant mais en outre Théobald n’était pas le
rejeton de n’importe quelle famille. Selon la tradition, son père était Arnould,
compte de Champagne et ancêtre direct de Hugues et Thibaud II de Champagne.
Comme nous l’avons vu (voir Chapitre 6), les comtes de Champagne dirigeaient
l’une des Familles de l’Étoile parmi les plus puissantes en Europe du nord.
D’autres recherches ont montré que l’année la plus probable pour la naissance
de ce saint était 1017. Élevé pour la carrière militaire, il abandonna la vie
guerrière à la fin de l’adolescence avec la permission de son père et vécut en
ermite. Il résida en divers endroits et voyagea beaucoup pour finalement s’établir
à Salanigo, en Italie. Là il passa une existence solitaire mais en 1066, proche de
la mort, il devint moine dans l’Ordre des Camaldules qui portaient des habits
semblables à ceux des Cisterciens.
On ne sait pas vraiment pourquoi il fut adopté comme patron des charbonniers
mais le simple fait qu’il ait vécu en solitaire pourrait simplement l’expliquer, car
les charbonniers étaient contraints à cette vie en raison de leur profession.
Malgré leur appartenance supposée au catholicisme et leurs liens avec
Théobald, les Carbonari furent toujours en conflit avec l’Église. On disait que
dans leurs assemblées était rapportée une version de la Passion du Christ que
l’Église jugeait blasphématoire.
Ce qui est plus intéressant, à propos des événements impliquant les Carbonari
sous le pontificat de Grégoire XVI, est le fait que l’organisation avait
apparemment disparu quand il accéda au trône papal. On prétendit que les
Carbonari avaient pris part à la Révolution de 1830 en France, mais ce fut
presque la dernière fois que l’on entendit parler d’eux avant que, trente ans plus
tard, l’Alta Vendita, un document prétendant contenir des instructions destinées
aux Carbonari pour renverser l’Église fut rendu public par le successeur de
Grégoire XVI, le pape Pie IX. Grégoire aurait le premier possédé le document
mais on ne sait pourquoi il ne le publia pas lui-même. Un fait est certain : vers
1860, les Carbonari avaient disparu des annales de l’histoire.
Les Illuminati
Très peu de ces sites peuvent être décrits comme raisonnables. La plupart sont
dans une hystérie paranoïaque, souvent virulente et antisémite aussi bien
qu’antimaçonnique. Malgré leurs nombreuses affiliations sans fondement il y a
l’idée que la base de la franc-maçonnerie est une officine mystérieuse et sombre
dénommée « les Illuminati ». Les Illuminati sont généralement dépeints par les
théoriciens de la conspiration maçonnique en des termes qui rappellent les
« magiciens noirs » ou les « satanistes » et il ne se trouve guère de changement
dans l’histoire mondiale depuis deux siècles qui ne leur soit attribué par l’une ou
l’autre de ces théories.
Même si nous n’admettons pas les affirmations sauvages des sites
conspirationnistes sur la nature sinistre et le rôle des Illuminati, il n’en est pas
moins utile d’examiner les liens possibles entre eux et les francs-maçons. Pour
nous, l’existence des Illuminati pourrait donner du poids à nos découvertes sur
les Familles de l’Étoile.
Il est maintenant généralement admis que les Illuminati furent fondés en 1776
par Adam Weishaupt, professeur de droit canonique à l’université d’Ingolstadt
en Bavière. Il n’y a en fait aucun doute car Weishaupt dénomma sa nouvelle
organisation « L’Ordre des Illuminés »e. Cependant, avant de nous pencher sur
Weishaupt, ses buts, ses objectifs, nous devons reconnaître que le mot Illuminati
n’était pas de son invention et avait existé depuis des siècles.
Les Amauriciens
« Illuminati » signifie simplement « Illuminés », un sens très proche de
« Gnostiques », ceux qui possèdent la gnose, une science de lumière. Bien que
de nombreux groupes d’origine très ancienne aient utilisé ce nom, il apparaît
pour la première fois vers 1200 avec les disciples d’un théologien français du
nom d’Amaury de Bène. Né à Bène, près de Chartres, Amaury enseigna à
l’Université de Paris et, sans doute à cause de croyances un peu inhabituelles, il
attira de nombreux disciples. Après sa mort, ils furent connus comme les
« Amauriciens » mais se désignaient souvent eux-mêmes comme les
« Illuminati ». Il faut noter que même si Amaury fut obligé par l’Église de
réfuter ses opinions, sous menace de mort, ses disciples continuèrent à prêcher sa
doctrine. La base de leurs activités – ce ne sera pas une surprise – était en
Champagne.
Amaury pensait que la philosophie et la religion sont essentiellement une
seule et même chose. Ce n’était pas un concept nouveau à l’époque et l’essentiel
de la pensé d’Amaury venait d’un théologien et philosophe irlandais, Jean Scot
Érigène (env. 815-877). Ce que l’Érigène transmit par ses écrits à Amaury était
un néoplatonisme plaqué sur le christianisme orthodoxe.
Les néoplatoniciens étaient apparus au IIIe siècle en Égypte, à Alexandrie, où
ils se conformaient aux enseignements du philosophe grec Platon. Cependant,
leurs croyances étaient mêlées de judaïsme et de mysticisme chrétien. Le
néoplatonisme suggère que toute existence dérive d’une seule source et que
l’âme individuelle de toute personne peut s’unir mystiquement à cette source
originelle.
Au centre de l’enseignement d’Amaury, il y avait la croyance que toute chose
et toute personne demeurant dans l’amour de Dieu est incapable de péché.
C’était une vue dangereuse pour les autorités de l’Église qui voulaient garder le
contrôle de ce qui est péché et de ce qui ne l’est pas. De telles idées pouvaient
conduire à la liberté de l’esprit et devaient être tuées dans l’œuf. En 1204,
l’université de Paris condamna la doctrine d‘Amaury comme hérétique et Rome
confirma son verdict. Amaury fut contraint de se réfuter et eut la vie sauve.
Après sa mort, vers 1205-1207, ses disciples allèrent plus loin dans leurs
convictions hérétiques. Ils déclarèrent que Dieu lui-même s’était révélé, et le
ferait encore, dans une triple manifestation. Il y avait eu, selon eux, l’Âge du
Père et l’Âge du Fils. Bientôt viendrait l’Âge du Saint Esprit qui commencerait
par la manifestation de Dieu sous la forme d’Amaury. Quelques disciples avaient
pris à la lettre certains enseignements de leur maître et avaient compris qu’ils
pouvaient faire absolument tout ce qu’ils voulaient, libérés du souci d’une
récompense divine. En 1209 quelques-uns furent brulés sur le bûcher de même
que les restes d’Amaury, déterré pour la circonstance. Il fut officiellement
condamné au concile de Latran en 1215.
Cependant, Amaury avait été parmi les premiers penseurs en Occident à
s’appuyer sur la philosophie grecque néoplatonicienne. Il avait ainsi créé un
important précédent pour le développement futur de la pensée européenne, en
politique et en religion.
Il est difficile de distinguer le néoplatonisme d’Amaury et l’attitude des
mystiques de son époque comme Bernard de Clairvaux. Saint Bernard décrit
Dieu comme « hauteur, largeur, profondeur et ampleur ». Sa vision mystique du
christianisme suppose que la science profane ne peut être étudiée, sauf si elle est
une contribution à la vie spirituelle. La différence majeure ente Amaury et
Bernard est que Bernard semble être resté sur la juste ligne, sa vie personnelle
n’ayant jamais été en conflit avec les règles de l’Église. Bernard a toujours pris
son inspiration dans la Bible, même si certaines sources sont confuses, obscures
ou apparemment peu chrétiennes, comme le Cantique des cantiques. Saint
Bernard occupait aussi une position politique forte et unique en son genre. Il
n’eut rien à craindre des différents papes car il était, pour certains d’entre eux, à
l’origine de leur accession au pouvoir.
L’Église a rejeté et tenté de détruire tous ceux qui ont épousé la cause du
néoplatonisme. Le concept même en paraissait trop radical pour une organisation
qui n’a jamais laissé de place à la liberté ni au choix personnel.
Les autorités civiles ont approuvé, car tous les dirigeants de l’Europe
médiévale étaient despotiques par nature et toute forme de libre expression leur
était étrangère.
Le christianisme n’était pas le seul à être influencé par le néoplatonisme. Il
avait aussi une influence marquée sur les croyances de nombreux musulmans,
notamment dans le soufisme, l’aspect mystique de l’Islam. Cela n’était pas
ignoré de Weishaupt car ses propres Illuminati étaient fondés sur des positions
soufies – à tel point qu’il fut accusé, de son vivant, d’être un musulman caché.
Les communautés amauriciennes se poursuivirent, d’abord au grand jour puis
en secret, spécialement en Champagne, jusqu’au XIVe siècle. Leurs croyances
eurent un profond effet sur d’autres communautés, comme les Bégards de
Cologne. Amaury marqua aussi un homme aujourd’hui connu dans les cercles
religieux. Johannes Eckhart von Hochheim, ce moine dominicain fut connu sous
le nom de Maître Eckhart et il adopta aussi les vues néoplatoniciennes.
Adam Weishaupt
Après l’effacement des Amauriciens et de leurs pratiques, au XIVe siècle, le terme
Illuminati disparut de l’usage jusqu’au XVIIIe siècle. Savoir dans quelle mesure
Adam Weishaupt avait des choses en commun avec les Frères du libre esprit, et
d’autres groupes qu’ils avaient inspirés, reste matière à conjectures, mais il est
certain qu’il connaissait leur héritage et avait des liens semblables avec l’Islam.
Adam Weishaupt était né le 6 février 1748, dans une famille juive convertie au
christianisme, et fut élevée dans les écoles des Jésuites pendant toute son
enfance. Comme il montrait de grands dons, notamment pour les langues, les
autorités locales de l’Église le destinèrent à la prêtrise et spécialement au travail
missionnaire. Adam refusa et utilisa son instruction d’une autre manière. Grâce à
de bonnes relations de sa famille ainsi qu’à son propre talent, il devint professeur
de droit canonique à l’université d’Inglostadt. L’Église locale en fut scandalisée
car c’était la première fois qu’un tel poste était offert à un laïc.
Adam aimait beaucoup l’histoire et étudiait aussi la philosophie. Il avait un
esprit fertile et manifestait un grand intérêt pour l’Égypte dont on ne savait alors
rien de très précis.
En 1771, Adam Weishaupt, âgé de 23 ans, décida de créer ce qu’il voulait être
une société secrète. Son but était de transformer la race humaine et d’abolir les
pouvoir tant spirituel que temporel. En organisant ce qu’il nomma très tôt les
Illuminati, Weishaupt emprunta à diverses sources et il lui fallut cinq ans pour
mettre en place sa stratégie.
Il devait y avoir trois classes de membres parmi les Illuminati. Les premières
était celles des « novices », des « minervaux » et des « petits Illuminés ». Ensuite
venaient les « Chevaliers Écossais » ; et la plus haute classe comprenait deux
grades de prêtre, celui de « prêtre et régent » et celui de « mage et roi ». Tout
cela démontrait, et notamment les « Chevaliers Écossais », que Weishaupt avait
beaucoup emprunté à la franc-maçonnerie.
Il est très difficile de savoir comment firent les Illuminati pour progresser car
leur loi du secret était presque fanatique. Aucun membre ne devait savoir qui
était réellement son supérieur. Et les nouvelles recrues ne savaient pas quand les
Illuminati avaient été fondés ni de ce qui se cachait derrière eux. On disait
seulement aux aspirants que les Illuminati remontaient à une lointaine antiquité
et que parmi eux figuraient des personnes de haut rang social et des membres du
clergé. Un serment de secret absolu était exigé de quiconque voulait devenir
« Illuminé » et une obéissance absolue était demandée à tous.
Il y avait cinq objectifs connus des Illuminati, à savoir :
Il y avait encore beaucoup de chemin à faire avant Karl Marx et de telles idées
ne pouvaient aboutir que sur le très long terme.
Weishaupt semble avoir pensé que toute action en faveur des buts des
Illuminati était justifiée et comme il ne reconnaissait pas de légitimité aux
gouvernements établis, il ne se sentait pas non plus obligé par quelque loi que ce
fût. Il semble avoir été un des premiers avocats de ce qui fut plus tard la maxime
des communistes : « La fin justifie les moyens ». Malgré cela, Weishaupt ne
semble pas avoir été un homme cruel ou indifférent. Il dit un jour que le « péché
n’est que ce qui est offensant » et en cela il semble avoir eu beaucoup en
commun avec les Amauriciens qui professaient que le péché, en lui-même,
n’existait pas et n’était que la description d’actions erronées.
Weishaupt était un fervent disciple de Jean-Jacques Rousseau et comme lui il
envisageait un monde libre des contraintes de l’État et de l’Église et où toute
l’humanité pourrait vivre en communion avec la nature. Là encore il y a des
parallèles entre la pensée de Weishaupt et la philosophie des Amauriciens.
Pendant son éducation, Weishaupt en était venu à détester le catholicisme et
surtout les Jésuites – bien qu’il fut admiratif de leur organisation dont il a repris
certains principes pour structurer les Illuminati.
Chaque mois, les plus humbles des Illuminati, les minervaux, recevaient une
instruction. On leur enseignait la philosophie des Lumières, mais ils restaient
dans l’ignorance de l’identité exacte de leurs maîtres car tout le monde dans
l’organisation utilisait un pseudonyme. Dans le cas de Weishaupt, c’était
« Spartacus », le nom du chef de la révolte des esclaves contre Rome en 73. Les
minervaux et leurs instructions devaient en permanence rechercher de nouveaux
adeptes et l’organisation devint bientôt internationale. Les minervaux étaient
largement ignorants des buts ultimes des Illuminati. En atteignant les plus hauts
degrés de l’organisation, ils recevaient l’instruction de Spartacus lui-même :
Éliphas Lévi
Il n’y a pas non la moindre preuve que ni Adam Weishaupt ni les Illuminati se
soient jamais intéressés à la « magie noire ». De semblables accusations de
satanisme sont régulièrement jetées sur la franc-maçonnerie et les Illuminati
invariablement cités comme une preuve de son existence dans l’Ordre
maçonnique. C’est en grande partie à cause d’un seul homme. Il s’appelait
Éliphas Lévi.
Né à Paris en 1810, Lévi – son vrai nom était Alphonse Louis Constant –
d’origine modeste, se montra intelligent et éveillé dès son jeune âge. En raison
de ses talents intellectuels, Constant put obtenir une place au séminaire de Paris
pour s’instruire et finalement devenir prêtre catholique romain.
Malheureusement, c’était le séminaire de Saint-Sulpice.
Parmi tous les séminaires français du XIXe siècle, et il y en avait beaucoup,
Saint Sulpice avait une étrange réputation. À l’époque où Constant y fit ses
études, c’était devenu un foyer d’idées nouvelles et un endroit où l’ésotérique et
l’occulte allaient de pair avec le catholicisme officiel. Certains des personnages
les plus célèbres de la tradition ésotérique française furent directement associés à
Saint-Sulpice, des noms comme ceux de la cantatrice Emma Calvé ou du
compositeur Claude Debussy démontrent que les enseignements peu orthodoxes
de Saint-Sulpice étaient discutés dans les cercles à la mode, là où l’occultisme
suscitait de l’intérêt.
Plongé dans les courants souterrains de Saint-Sulpice, Constant s’impliqua
dans les doctrines et les pratiques occultes. En fait, ce ne fut pas un bon prêtre.
En 1846, peu après avoir reçu les ordres, il rencontra Noémie Cadot, âgée de 17
ans, et l’épousa. Le mariage fut rapidement annulé et Constant, désormais hors
de l’Église, fit du journalisme pour gagner sa vie.
Mais sa culture ésotérique le conduisit bientôt sur des sentiers moins
orthodoxes. Se nommant à présent Éliphas Lévi, en 1861 il publia Dogme et
rituel de haute magie, rapidement suivi par l’Histoire de la magie et La clé des
grands mystères. Ce n’est que de façon indirecte que Lévi a fait rapprocher la
franc-maçonnerie et le satanisme car il n’a jamais évoqué de lien direct entre
eux. Il n’a fait qu’expliquer la signification du pentacle, l’étoile à cinq branches,
qui était depuis longtemps un important symbole des francs-maçons.
Lévi affirmait que lorsque le pentacle était inversé, pointe en bas, c’était un
symbole satanique. Il l’associait à la tête d’un bouc, un animal représentant le
démon, et des figures montrant cette association devinrent répandues.
Peu importait que le christianisme ait fait souvent usage du pentagramme
comme d’un symbole chrétien, pour une société avide de « révélations » comme
celles de Lévi. Il ne fallut pas longtemps aux officines antimaçonniques souvent
liées à l’Église catholique pour noter que ce symbole important dans la franc-
maçonnerie devait faire conclure que les francs-maçons étaient des satanistes.
La situation fut encore aggravée par Albert Pike qui, par une ironie de
l’histoire, devint un franc-maçon américain du plus haut rang.
Albert Pike
Né au Massachussetts en 1809, il était contemporain d’Éliphas Lévi. Comme lui,
Pike avait peu étudié mais il était intelligent et plein d’imagination. Il apprit le
sanscrit, l’hébreu, le grec, le latin et le français et, après avoir beaucoup voyagé,
s’établit en Arkansas où il commença une grande carrière d’écrivain
maçonnique.
Il devint membre d’une loge maçonnique en 1859, fut élu Souverain Grand
Commandeur du Rite Écossais pour la Juridiction sud6 et conserva cette fonction
jusqu’à sa mort, 32 ans plus tard. Pendant toute cette période, il causa un tort
considérable à la franc-maçonnerie.
Pike entreprit de développer de nombreux rituels maçonniques bien qu’il n’eût
pas la moindre idée de ce qu’était en fait la franc-maçonnerie. Pour lui c’était
une sorte de jouet intellectuel et il pouvait en user à sa guise. Mais l’idée
fondamentale de la franc-maçonnerie est qu’un seul homme n’a pas le pouvoir
de changer ses rituels et, si l’on suit Pike, l’Ordre devient aussi divers et aussi
confus que les innombrables églises chrétiennes.
Pike a ainsi nourri, par insouciance, les anti-maçons. En 1871, il publia un
ouvrage intitulé Morals and Dogma of Ancient and Accepted Scottish Rite of
Freemasonry. Ceux qui s’attaquent à la franc-maçonnerie comme à une société
secrète malfaisante soulignent que Pike voit dans la franc-maçonnerie une
“religion” et que son idéologie est celle de “Lucifer”. Le fondement de cette
affirmation est dans l’extrait suivant des œuvres de Pike :
Pike pensait qu’il y avait deux puissances à l’œuvre dans l’univers. Il refusait de
les appeler Dieu et le Démon mais plutôt « Lucifer » et « Adonaï ». Ces deux
noms se rapportent à la planète Vénus. Lucifer (le porteur de la lumière) est un
ancien nom donné à Vénus lorsqu’elle apparaît comme étoile du matin et Adonaï
est Vénus manifestée comme l’étoile du soir. Pike voyait Adonaï et Lucifer en
opposition égale – mais nullement comme le bien et le mal.
Cependant le nom de Lucifer était déjà attaché (indûment) au Démon et les
chrétiens conclurent rapidement. Ils dirent que le lien établit par Pike avec
Lucifer montrait que les francs-maçons étaient des satanistes directement
opposés à tout ce qui était bon pour la chrétienté. L’origine de cette croyance qui
persiste encore parfois contre toute raison dans certains milieux, est à attribuer à
Albert Pike.
Les révélations de Pike à propos de Lucifer et d’Adonaï – et qui ne devaient
rien à quelque pratique maçonnique que ce fût – ont simplement renforcé la
conviction de l’Église catholique qu’elle était diamétralement opposée à la franc-
maçonnerie. Pike n’améliora pas la situation en faisant toutes sortes de
déclarations anti-catholiques que les chrétiens prirent pour représentatives de
l’opinion maçonnique.
Les vues personnelles de Pike et celles de Lévi sont régulièrement
mentionnées comme « preuves » que les francs-maçons ne sont pas seulement
anti-chrétiens mais ont aussi un projet pour détruire la « vraie » foi et la
remplacer par un « Nouvel Ordre mondial » d’inspiration satanique. Les francs-
maçons qui le réfutent sont souvent en position difficile car leurs protestations
sont dénoncées par les conspirationnistes comme une ruse pour masquer « la
vérité ». Le mythe du « franc-maçon démoniaque » est si profondément ancré
dans l’esprit des gens que l’Ordre est toujours vu avec suspicion, et pas
seulement par les groupes paranoïaques d’extrême-droite, notamment aux États-
Unis. Aujourd’hui, des hommes politiques occidentaux ont pris soin de se
distinguer de la franc-maçonnerie et ont même pris des lois contre les francs-
maçons occupant des positions importantes, obligés de déclarer d’abord leur
appartenance.
Même en tant qu’organisation d’entraide, la franc-maçonnerie a été attaquée
car la moindre rumeur que quiconque a pu être influencé par son appartenance
maçonnique peut le marginaliser et lui faire manquer une promotion. Notamment
en Grande-Bretagne en ce qui concerne les hommes politiques, les
fonctionnaires, la police ou les membres de la magistrature. Même des ministres
de l’Église d’Angleterre et d’autres Églises chrétiennes se mettent aujourd’hui en
péril quand ils sont francs-maçons.
Dans notre chapitre final nous allons démontrer que les Familles de l’Étoile
ont déjà atteint leurs buts essentiels et que la franc-maçonnerie a simplement été
leur arme temporaire.
a. Cette vision des choses, typique de la franc-maçonnerie française de la fin du XIXe siècle, n’est plus
aujourd’hui une fidèle description d’un paysage maçonnique français beaucoup plus prudent, plus modéré
et surtout plus divers [ndt].
b. Rappelons qu’il mourut le 30 mai de la même année : il fut donc franc-maçon un peu moins de deux
mois et n’assista qu’à la seule tenue de son initiation [ndt].
c. Terme désignant au XIXe siècle les cercles de la Charbonnerie, une société secrète « intiatique » et
surtout politique, très liée à l’indépendance italienne, dont certains membres furent francs-maçons, mais
elle-même étrangère à la franc-maçonnerie. Les autorités romaines de l’Église n’en confondirent pas moins
allègrement la Charbonnerie et la franc-maçonnerie… [ndt]
d. Rappelons que la franc-maçonnerie britannique, que les auteurs de ce livre ont principalement en vue,
n’a jamais eu aucun conflit avec les Églises – nombre de ses dignitaires sont aussi des ministres du culte –,
à la différence de la franc-maçonnerie française engagée au XIXe siècle dans un long et dur combat contre
l’Église catholique et pour l’établissement de la République [ndt].
e. Dans la littérature française sur le sujet, on les appelle généralement « Les Illuminés de Bavière ». La
forme latine « Illuminati » est d’usage courant chez les auteurs anglo-saxons. [ndt]
CHAPITRE XIII
LA FIN DU COMMENCEMENT
Nous avons montré dans les chapitres précédents que des institutions comme les
Tironiens, les Cisterciens, les Chevaliers du Temple et les foires de Champagne,
ainsi que les francs-maçons, ne doivent pas être considérés isolément. De même
que les similitudes contenus dans les évangiles de Luc, Marc et Matthieu ont
conduit à la conclusion que tous dérivaient d’une source commune aujourd’hui
perdue – une série de paroles et d’actes de Jésus appelée Q (de l’allemand
Quelle, qui veut dire « source ») par les spécialistes, de même nous pouvons voir
clairement derrière les Cisterciens, les Templiers et les autres un centre actif qui
les relie tous, mais qui demeure dans l’ombre.
Le roi Salomon avait mis en place une élite sacerdotale avec la mission à long
terme de créer un monde qui pourrait suivre la loi de Yaweh. Pour Salomon et
ses contemporains, les interactions entre l’humanité et le monde divin se
situaient à un niveau bien plus élevé que celui de n’importe quelle religion.
La seule religion qui de nos jours maintienne un degré de complexité
comparable à la conception de Salomon est également la plus ancienne :
l’hindouisme. Ses origines se perdent dans la nuit des temps mais il reconnaît un
unique et grand esprit comsique (Brahman) qui est vénéré sous diverses
manifestations comme Vishnou, Shiva ou Shakti. Sous quelque forme que ce
soit, l’hindouisme demeure une religion monothéiste avec plusieurs dieux, une
foi essentiellement tolérante qui admet que tous les chemins vers la grande
puissance de l’univers se valent.
Le texte religieux le plus sacré de l’hindouisme, le Rig Véda, est également le
plus ancien recueil des conceptions humaines, à la possible exception de
l’épopée sumérienne de Gilgamesh. Il renferme les paroles suivantes : « La
vérité est une ; les Brahmanes l’appellent de différents noms ».1
Nous pensons que la vision du roi Salomon a dû être comparable. Yaweh était
son dieu national – son point fixe – mais au-delà de Yaweh il y avait la grande
force cosmique dont la seule manifestation terrestre était la divine Shekinah. Les
dieux des autres nations devaient être respectés, mais tous étaient inférieurs à
l’énergie ultime qui fondait le ciel et la terre.
À la différence des fidèles de toutes les religions postérieures, les Familles de
l’Étoile – qui avaient hérité des pouvoirs de Salomon – ne l’ont jamais perdu de
vue.
Si l’on garde à l’esprit que ce Thorne était une fiction, et qu’on tient compte du
contexte familial de Trollope et de son affiliation maçonnique, il est plus que
probable que dans son livre Barchester Towers il évoque des sujets en rapport
direct avec lui.
Le nom de « Trollope » est normand d’origine et sa famille était la cadette
d’une branche également normande, celle de « le Loup », latinisée en Lupus. La
famille Lupus descendait directement de Hugues le Loup, l’un des plus fidèles
compagnons de Guillaume le Conquérant au moment de l’invasion de
l’Angleterre en 1066. La famille le Loup obtint le comté de Chester en 1071 et,
faisant partie de l’entourage proche de Guillaume le Conquérant, c’était sans
doute une Famille de l’Étoile. La devise de la famille est ici très parlante, car
traduite du latin elle signifie : « J’entends mais ne dis rien. »
Il est cependant clair que ce que Trollope a décrit à travers le Dr Thorne est
quelque chose de plus profond et de plus ancien que la franc-maçonnerie.
Presque tout l’extrait de Barchester Towers correspond à une description des
croyances des Familles de l’Étoile et montre comment elles passaient dans une
lignée familiale « séparée de la multitude », comme le dit Trollope.
Ford installa la première chaîne de montage dans Highland Park, Michigan, le 1er
décembre 1913, et réduisit aussitôt le temps de fabrication du moteur de voiture
« modèle T » de 12 heures à 93 minutes. L’énorme capacité de production en
masse de biens à faible coût conduisit, vers le milieu du xxe siècle, à l’âge de la
consommation en Occident, tandis que la pauvreté du gendre de celle décrite par
Dickens, largement répandue aux époques précédentes, tendait à se raréfier. Cela
aussi était conforme aux projets des Familles de l’Étoile.
La Révolution russe
La guerre était la dernière chose dont pouvait avoir besoin l’État du tsar, en péril
politique et social. Les conséquences ne pouvaient en être que désastreuses. En
1917, le pays étant au bord de l’effondrement, les soldats en rébellion ouverte
contre leurs officiers, la Révolution commença.
En mars de la même année, Nicolas II abdiqua et un gouvernement de la
gauche modérée fut mis en place. Mais en octobre il fut renversé par les
Bolcheviks, des marxistes extrémistes, et des soviets furent établis par Vladimir
Lénine. Il y eut aussi un large mouvement dans les campagnes et les paysans
saisirent les terres. Ces événements menèrent à l’établissement de l’URSS en
1922.
Stolipine et quelques autres avaient vraiment cru que la Russie pourrait sortir
de l’état féodal de manière pacifique par des moyens constitutionnels. Mais dès
que la Révolution fut déclenchée, comme en France plus d’un siècle auparavant,
rien ne put l’arrêter. La franc-maçonnerie était encore présente et nombre de
généraux et de compagnons de Lénine étaient francs-maçons. Mais ils étaient
très différents des francs-maçons aristocratiques de Keith et on ne peut discerner
l’influence réelle des Familles de l’Étoile après la Révolution car les Soviets
évoluèrent dans un sens très éloigné des idéaux des Familles de l’Étoile.
L’expérience communiste se poursuivit pendant 80 ans et, tout en libérant de
nombreuses personnes d’une abjecte pauvreté, elle coûta aussi la vie à des
millions de Russes, notamment sous Staline. Si Staline avait vécu plus
longtemps pour connaître l’âge nucléaire, il aurait sans doute conduit la planète à
la destruction totale et l’on peut difficilement penser qu’une telle aberration
politique, économique et sociale pour la Russie ait pu être planifiée par qui que
ce soit. Néanmoins, au début du XXIe siècle, même avec difficulté, nous pouvons
voir la Russie prendre place parmi les nations démocratiques du monde et peut-
être ne pouvait-elle le faire qu’après la destruction complète de l’État féodal que
le communisme a pu réaliser.
Le problème d’Israël
Une autre question importante doit être abordée avant de conclure notre enquête.
Pourquoi les États-Unis soutiennent-ils Israël alors que rien ne vient en retour si
ce n’est la frustration croissante des musulmans qui s’exprime parfois dans les
actes de terrorisme d’islamistes radicaux ? Le désastre du 11 septembre ne serait
probablement pas arrivé si l’argent des Américains n’avait pas été donné pour
des armes et le soutien à la politique d’Israël depuis des décennies, tout en
manifestant apparemment moins d’intérêt pour régler les problèmes des
Palestiniens.
Depuis des années, des observateurs se demandent pourquoi Washington a
continué à consacrer tant de moyens militaires, financiers, diplomatiques pour
aider Israël. Plus de 3 milliards de dollars y sont consacrés annuellement et sont
rarement discutés au Congrès par les libéraux qui pourtant contestent toujours le
gouvernement à propos de l’aide apportée aux États qui violent les droits de
l’homme, ou par les conservateurs qui sont généralement hostiles à toute aide à
l’extérieur. Si tous les pays occidentaux admettent qu’Israël a le droit de vivre en
paix et en sécurité, aucune d’eux ne lui fournit des armes ou un soutien
diplomatique comme le font les États-Unis. La Maison Blanche est souvent
isolée dans son soutien absolu à Israël devant l’ONU et d’autres forums
internationaux quand on accuse Israël de violer les lois internationales.
Bien que le soutien américain à Israël reçoive souvent une justification
morale, il y a peu d’indices que les considérations morales jouent un rôle plus
grand pour guider la politique américaine au Moyen-Orient qu’en toute autre
partie du monde. Beaucoup d’Américains se sentent engagés à défendre la survie
d’Israël, mais c’est sans commune mesure avec le niveau financier, militaire et
diplomatique du soutien apporté par leur gouvernement. L’aide américaine à
Israël va bien au-delà de la défense et de la sécurité d’Israël pour rester dans des
frontières internationalement reconnues. L’assistance des États-Unis concerne
aussi la politique des territoires occupés où sont souvent violées les règles
légales et éthiques du droit international.
Une explication simpliste à cette aide sans réserve des Américains à Israël est
qu’elle est conduite par des Juifs américains fortunés qui font pression sur les
gouvernements successifs pour préserver et accroître l’aide à leur patrie
spirituelle. Mais ce n’est pas une réponse satisfaisante. Nous pensons qu’il y a
autant d’antisémitisme à Washington qu’il y a de soutien à la « cause juive » – et
nombre de politiciens sont ambigus sur cette question. À coup sûr, le prix de
l’aide américaine à Israël est bien trop élevé pour n’être dû qu’au lobbying d’un
groupe minoritaire, même aussi influent que celui de la « communauté juive des
affaires ».
Si le « lobby juif » est l’origine de ce soutien, on devrait s’attendre à ce qu’il
se soit exprimé depuis la fondation de l’État d’Israël en 1948. Cependant, l’aide
économique et militaire américaine n’a pas commencé avant la guerre de 1967.
Le fait que l’assistance militaire des États-Unis est seulement arrivée après que
l’États d’Israël eut prouvé qu’elle était la force dominante autour de Jérusalem –
l’ancienne Terre sainte. Les Israéliens ont montré qu’ils pouvaient se défendre
contre les États voisins, et qu’ils seraient les maîtres de Jérusalem pour
longtemps.
Il semble que Washington souhaite surtout aider quiconque contrôle
l’ancienne Terre sainte, bien plus que l’État moderne d’Israël en lui-même.
L’évolution de l’aide américaine le dit simplement : immédiatement après la
victoire décisive d’Israël en 1967, l’aide américaine s’est accrue de 450 %.
Puis, après la guerre civile de 1970-71 en Jordanie, quand la capacité d’Israël
à contenir les mouvements révolutionnaires hors de ses frontières fut clairement
apparente, les États-Unis ont encore augmenté leur aide de 700 %. Et enfin,
après la victoire contre les Arabes lors de l’offensive de Kippour en 1973, l’aide
a encore augmenté de 800 %.
Plus Israël s’est révélé capable de contrôler la région, plus l’aide américaine a
été importante. En 1983, quand les États-Unis et Israël ont signé des accords de
coopération stratégique et militaire et réalisé les premiers exercices navals et
aériens en commun, Israël reçut une aide supplémentaire de 1,5 milliard de
dollars et en encore 500 000 dollars pour développer un nouvel avion de combat.
Ce soutien dans ce qui paraît être une course pour contrôler la Terre sainte se
poursuit encore. Et cela en dépit des propos prudents des ultra-conservateurs
sous George Bush (y compris Colin Powell), selon lesquels un soutien
inconditionnel à Israël rendrait plus difficile la coopération des États arabes pour
lutter contre Al Qaida.
Un autre facteur à prendre en compte est le fait que la droite chrétienne
américaine, représentant 10 millions de votants pour le Parti républicain, a
accordé son entier soutien à Israël. Ce point de vue semble lié à une théologie
messianique qui voit dans le retour des Juifs en Terre sainte le prélude à la
seconde venue du Messie. La bataille entre Israël et ses voisins arabes, à leurs
yeux, est la poursuite de la lutte entre les Israélites et les Philistins – un signe
précurseur de l’avènement de l’âge messianique : l’aube du Nouvel Ordre
mondial.
Et c’est peut-être ce qu’il y a de plus proche des vraies motivations des États-
Unis.
Il est étrange selon nous que le seul soutien inconditionnel à l’invasion de
l’Irak par George Bush en 2003 soit venu du premier ministre britannique Tony
Blair. C’était comme si les deux hommes possédaient des preuves qu’ils ne
pouvaient partager avec le public et les autres responsables du monde – même au
sein des Nations Unies. Et une fois encore quand Israël a envahi le Liban en
2006, ces deux leaders mondiaux ont été pratiquement les seuls à ne pas tenter
un cessez-le-feu malgré de nombreux appels internationaux en ce sens.
Les deux hommes sont chrétiens. Le président est méthodiste et Tony Blair
anglican mais ses sympathies pour l’Église catholique romaine sont bien
connuesb (sa femme, une avocate de renom, est catholique et assiste à la messe).
Pouvaient-ils réellement connaître de grands secrets affectant Israël ? Pouvait-il
y avoir un plus vaste plan impliquant les Familles de l’Étoile, ou conçu par
elles ?
Portrait de St Bernard de Clairvaux que l’on peut voir de nos jours dans le
trésor de la cathédrale de Troyes, avec les reliques du saint.
Cathédrale de Troyes en Champagne. Troyes était le quartier-général des
Familles de l’Etoile du XIe au XIVe siècle – Alan Butler
La fenêtre située à l’est de la chapelle de Rosslyn avec le puits de lumière
bien visible au sommet d’une arche – cliché dû à l’obligeance de John
Ritchie
Une étoile à cinq branches, ou pentacle, gravé dans une église du Yorkshire,
en Angleterre. Cet exemple du XVe siècle prouve nettement que le pentacle
était souvent utilisé comme un symbole chrétien – Alan Butler.
L’intérieur du puits de lumière de Rosslyn est très réfléchissant, comme on
le voit ici alors qu’une torche lumineuse puissante est placée dans
l’ouverture – cliché dû à l’obligeance de John Ritchie
a. Ou du moins de l’un de ses Rites parmi les plus importants aux États-Unis, le Scottish Rite, ou Rite
Écossais Ancien et Accepté (REAA) [n.d.t.]
b. En décembre 2007, Tony Blair s’est officiellement converti au catholicisme. [ndt]
NOTES
CHAPITRE I
1. Selon Flavius Josèphe, un historien du Ier siècle (Antiquités juives, 2,10), Moïse était devenu général
dans l’armée égyptienne, prenant part à de nombreux combats contre les Ethiopiens. Dans son ouvrage
Works of Josephus, William Whiston fait observer que, même si la Bible ne rapporte pas explicitement
que Moïse était un général, un passage des Actes des Apôtres (7,22) confirme probablement cette
tradition.
2. Deutéronome, 2, 31-35.
3. C. Knight et R. Lomas, Uriel’s Machine, Century, 1999.
4. Les auteurs s’excusent auprès de tout lecteur hindou qui pourrait trouver cette explication, pourtant
bien intentionnée, plutôt simpliste.
5. Le démon ne devint réellement un concept distinct que lorsque l’Église chrétienne transféra la
responsabilité de tout le mal vers l’ange de lumière déchu, Lucifer, plus tard connu sous le nom de
Satan (un mot qui signifie initialement « adversaire » dans les manuscrits de la mer Morte) était
l’ancien nom de Vénus et l’intention de l’Église, en portant le blâme sur Lucifer – le porteur de la
lumière et de la connaissance – pour toutes les choses mauvaises, était de combattre les anciennes
croyances entourant le culte de Vénus, lesquelles ne cadraient pas avec sa propre interprétation de
l’histoire de Jésus. Cela a réussi puisque la vérité a été purement et simplement inversée.
6. C. Knight et R. Lomas, The Book of Hiram, Century, 2003 (trad. fr. Le Livre d’Hiram : Franc-
maçonnerie, Vénus et la clé secrète de la vie de Jésus, 2004 [ndt])
CHAPITRE II
1. Daraul A., Secret Societies, Tandem, 1969.
2. Schonfield H., The Essene Odyssey, Element, 1984.
3. Josèphe écrit, dans les Antiquités juives (Livre 18, Chapitre 5, Paragraphe 2) : « Or, il y avait des Juifs
pour penser que, si l’armée d’Hérode avait péri, c’était par la volonté divine et en juste vengeance de
Jean surnommé Baptiste. En effet, Hérode l’avait fait tuer, quoique ce fût un homme de bien et qu’il
excitât les Juifs à pratiquer la vertu, à être justes les uns envers les autres et pieux envers Dieu pour
recevoir le baptême ; car c’est à cette condition que Dieu considérerait le baptême comme agréable,
s’il servait non pour se faire pardonner certaines fautes, mais pour purifier le corps, après qu’on eut
préalablement purifié l’âme par la justice. Des gens s’étaient rassemblés autour de lui, car ils étaient
très exaltés en l’entendant parler. Hérode craignait qu’une telle faculté de persuader ne suscitât une
révolte, la foule semblant prête à suivre en tout les conseils de cet homme. Il aima donc mieux
s’emparer de lui avant que quelque trouble se fût produit à son sujet, que d’avoir à se repentir plus tard,
si un mouvement avait lieu, de s’être exposé à des périls. À cause de ces soupçons d’Hérode, Jean fut
envoyé à Machaero, la forteresse dont nous avons parlé plus haut, et y fut tué. »
4. 1 QM [Qumran Manuscripts], 11:16.
5. Souligné en italique par l’auteur.
6. Josèphe, La guerre des Juifs, 2, 8, 10.
7. Luc, 7, 22-23 ; Matthieu, 11, 4-5.
8. Eisenman R., James, the Brother of Jesus : The Key to Unlocking the Secrets of Early Christianity and
the Dead Sea Scrolls, Watkins Publishing, 2002.
9. 1Qs, 1, 13-15.
10. 1Qs, 12, 5.
11. Galates, 1, 15-16.
12. 1 Corinthiens, 9, 2-25.
13. Brandon G F, The Fall of Jerusalem and the Christian Church, S.P.C.K., 1951.
14. Furneaux R, The Other Side of the Story, Cassel, 1953.
15. Ces deux derniers passages sont tirés de la Guerre des Juifs (7, 2, 2 [ndt]).
CHAPITRE IV
1. Pour une plus ample discussion, voir Knight C. et Lomas R., The Book of Hiram, Century, 2003 (trad.
fr. Le Livre d’Hiram, 2004 [ndt]).
2. Gesta Francorum Jerusalem Expugnantium.
3. Rapporté par Orderic Vital, un membre d’une Famille de l’Étoile et chroniqueur, qui devint plus tard
prêtre à Cluny en 1132.
CHAPITRE V
1. Kenyon K.M., Digging up Jerusalem, Benn, 1974.
2. Allegro J.M., The Treasure of the Copper Scroll, Garden City, NY, Doubleday, 1960.
3. Allegro J.M., The Dead Sea Scrolls and the Christian Myth, Prometheus Books, 1984.
4. Herbert A.S., The Song of Solomon, Peak’s Commentary on the Bible, Nelson, 1963.
5. Castano, Engels, Haverkamp et Heberer : The Jews of Europe in the Middle Ages, Hatje Cantz, 2005.
CHAPITRE VI
1. Bernier F., The Great Architects of Tiron, The Steps of Zion, ULT, Arizona, 2005. Le document est
entièrement consultable sur http://frontierpublishing.nl/ fb _tirin.pdf.
2. Butler A., The Goddess, the Grail and the Lodge, O Books, 2004; The Virgin and the Pentacle, O
Books, 2005.
3. Charpentier L., The Mysteries of Chartres Cathedral, A B Academic Publishers, 1997 (trad. angl. de :
Les mystères de la cathédrale de Chartres, 1995 [ndt]).
4. Ochsendorf J., « Bridging the void », New Scientist, 10 juin 2006.
5. Voir Chapitre 10.
6. New Cambridge Medieval History, vol. 5, c.1198-c.1300, Cambridge University Press, 1999.
7. Il faut noter que ce mot est encore un usage en France mais aussi en Allemagne (Pfund) pour qualifier
un demi-kilo.
8. Voir http://yale.edu/lawweb/avalon/jeff plan.htm
9. Pour une description complète voir Knight C., Butler A., Civilization One, Watkins, 2004.
10. Butler A., Sheep, OBooks, 2006.
CHAPITRE VII
1. Butler A., Dafoe S., The Warriors and the Bankers, Templar Publishing, Toronto, 1999.
2. Il est intéressant de noter que le nom original des Templiers était « Les pauvres soldats du Christ et du
Temple de Salomon » ; ils ne furent jamais appelés « Les pauvres soldats de Jésus-Christ et du Temple
de Salomon ».
CHAPITRE VIII
1. 1 Rois, 8, 1-2.
2. Le calendrier courant des Juifs est lunaire, de sorte que le début de chaque mois ne peut être lié
exactement à un mois du calendrier solaire occidental. Tishri tombe en septembre ou en octobre, selon
la nouvelle lune, la première apparition de la lune après son occultation définissant le début du mois
juif. Après l’exil à Babylone, les Juifs adoptèrent le calendrier lunaire et Rosh HaShanah (le Nouvel
An) se déplaça de l’équinoxe d’automne à celui de printemps. Mais les Esséniens retinrent le
calendrier solaire. Une lettre trouvée à Qumran conteste l’usage du calendrier lunaire qui fait célébrer
les jours saints au mauvais moment de la semaine ou du mois. De plus, la bibliothèque de Qumran
renferme 18 exemplaires du Livre des Jubilés, lequel décrit le calendrier solaire en détail. En fait, ce
fut le changement de calendrier qui causa la séparation des Esséniens d’avec les prêtres de Jérusalem.
3. Cité dans Wallace-Murphy T., An Illustrated Guide to Rosslyn Chapel, The Friends of Rosslyn, 1993.
4. Crawford Barbara E., William Sinclair, Earl of Orkney and His Family. A Study in Politics of Survival,
Edinburgh, 1985.
5. Hiram Key, Arrow Books, 2001-2006 (trad. fr. La Clé d’Hiram, Paris, 1999 [ndt])
6. Le romancier Dan Brown semble avoir été influencé par cette découverte de Chris car dans son Da
Vinci Code il décrit un énorme Sceau de Salomon sur le sol de la chapelle de Rosslyn. Il ne se trouve
pas là, mais aurait pu tout aussi bien y être.
7. Voir Hiram Key, op. cit.
8. Les livres d’Esdras et de Néhémie de la Bible catholique étaient précédemment connus comme les 1er
et 2e livres d’Esdras et le livre d’Esdras non canonique comme le 3e livre d’Esdras, mais il est
maintenant appelé 1er Livre d’Esdras ou simplement Esdras (en fait, en anglais, le livre canonique
d’Esdras est nommé livre d’Ezra - forme grecque du nom d’Esdras ; dans la tradition française, on
continue à appeler tous ces livres du nom d’Esdras, et on en reconnait trois différents. [ndt]).
9. Fait confirmé par Tessa Randford, Directeur de la Scottish Poetry Library.
CHAPITRE IX
1. The Hiram Key, Arrow Books, 2006.
2. Information fournie par le Dr Jack Miller sur la foi de documents géologiques.
CHAPITRE X
1. Stevenson D., The Origins of Freemasonry, Scotland’s Century (1590-1710), Cambridge University
Press, 1988.
2. Note du 14 mai 1650, dans les Archives publiques de Londres, Papiers d’État A, Interrègne A.
3. Summerson J., Sir Christopher Wren, P.R.S., Notes and Records of the Royal Society of London.
4. Gilbert A., The New Jerusalem, Corgi, London, 2002.
5. Lamentations, 1,1.
CHAPITRE XI
1. On peut voir le tablier maçonnique de George Washington dans le musée du temple maçonnique de
Philadelphie.
2. Pour plus de détails, voir Alan Butler, The Virgin and the Pentacle, O Books, 2005.
3. David Ovason, The Secret Zodiacs of Washington DC, Arrow Books, 2000.
CHAPITRE XII
1. Pages historiques du site web du Grand Orient de France (depuis la première édition de cet ouvrage,
ces passages ont été supprimés de ce site [ndt])
2. La franc-maçonnerie et compatible avec le christianisme bien plus qu’une extension de celui-ci. Bien
que des francs-maçons soient chrétiens, la seule exigence pour appartenir à l’Ordre est de croire en
Dieu (il s’agit là des pré-requis spécifiques en Angleterre et dans le monde anglo-saxon en général. La
situation en France est beaucoup plus diverse [ndt]).
3. Nous considérons que l’on désigne ici les deux sortes de christianismes, catholique et protestant, mais
cela peut aussi vouloir dire « l’Église et le pape ».
4. Crétineau-Joly, L’Église romaine et la Révolution, c.1860.
5. Apocalypse, 17-18.
6. Peu après son entrée en maçonnerie, la Guerre de Sécession ayant éclaté, Pike reçut la charge de
brigadier-général et la charge d’un territoire indien où il entraîna des soldats confédérés (sudistes) dans
la cavalerie indienne. Il porta lui-même souvent des décors indiens. C’est le seul officier confédéré
honoré par une statue à Washington.
CHAPITRE XIII
1. Rig Véda, 1 :164 :46.
2. R. Kipling, Une nuit de banquet.
3. Davies M. , Liturgical Time Bombs in Vatican II, Tan Books, 1998.
4. Yallop D., In God’s Name, Jonathan Books, 1984.
CHRONOLOGIE
AVANT J.-C.
967 - Pose des fondations du Temple de Salomon
APRÈS J.-C.
env. 32 - Mort de Jean le Baptiste
1099 - Prise de Jérusalem par les Croisés – Godefroy de Bouillon est élu
pour le diriger Henri de St Clair prend le titre de baron de Rosslyn Mort du
pape Urbain II
1292/3 - Jacques de Molay est élu dernier Grand Maître des Templiers
1982 - Roberto Calvi est retrouvé pendu sous le pont des Blackfriars à
Londres
Allegro, J.-M., The Dead Sea Scrolls and the Christian Myth. Prometheus
Books, 1984
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England, Penguin, 1981
Yallon, D., In Gods Name. London, Jonathan Cape, 1984
SOMMAIRE
CHAPITRE I
AU COMMENCEMENT
CHAPITRE II
LE FILS DE L’ÉTOILE
CHAPITRE III
AU SECOURS DE L’EMPIRE
CHAPITRE IV
L’ESSOR DES FAMILLES DE L’ÉTOILE
CHAPITRE V
LE RÉVEIL DES DORMEURS
CHAPITRE VI
UN NOUVEL ORDRE MONDIAL
CHAPITRE VII
UN ACTE MAUDIT
CHAPITRE VIII
LE NOUVEAU TEMPLE DE LA SHEKINAH
CHAPITRE IX
LE GRAND SECRET
CHAPITRE X
TOUS FRÈRES
CHAPITRE XI
LE NOUVEAU MONDE ET LA NOUVELLE JÉRUSALEM
CHAPITRE XII
LA FRANC-MAÇONNERIE ET LA RÉVOLUTION
CHAPITRE XIII
LA FIN DU COMMENCEMENT
NOTES
CHRONOLOGIE
BIBLIOGRAPHIE