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Industrie

SERPOL :
la dépollution écologique des sols
au cœur de la Vallée de la Chimie
Antoine Joubert et Vincent Desroches

L arelever
réhabilitation de la Vallée de la Chimie passe par une dépollution des sols, un défi que SERPOL souhaite
grâce à son projet de Phytocentre.

Contexte et enjeux traitement fixe innovant par phytodégradation : le Phyto-


centre. La technique de rhizodégradation – procédé
Les préoccupations liées à l’état des sols se sont renfor- développé par SERPOL – rentre donc dans la
cées ces dernières années [1], pour plusieurs raisons : catégorie des traitements biologiques ex situ.
• Les importantes mutations de l’industrie amènent des Ce projet, qui a fait partie du premier Appel des 30 !*
arrêts nombreux d’exploitations, parfois remplacées par de – lancé en 2014 par la Métropole de Lyon – et qui représente
nouvelles industries. Ces changements d’exploitants sont un investissement de plus de 1,3 millions d’euros, permettra
souvent l’occasion de faire un état des lieux, notamment en de dépolluer les terres des hydrocarbures en utilisant des
lien avec l’obligation de remise en état qui incombe à l’ancien végétaux, comme la luzerne ou le trèfle, grâce à un procédé
exploitant. efficace et éprouvé depuis plus de cinq ans. « Ce procédé de
• La pression démographique et la concentration des popu- phytoremédiation est basé sur le développement du système
lations dans les zones urbanisées créent également une racinaire des plantes, et surtout sur la capacité des bactéries
demande foncière forte : des terrains laissés sans usage qui s’y trouvent à biodégrader les polluants organiques »,
depuis de nombreuses années sont alors redécouverts, explique Alain Dumestre, directeur général de SERPOL.
parfois pour y implanter de nouvelles activités industrielles, C’est une alternative aux techniques conventionnelles de
mais également pour y construire de l’habitat. par sa technologie innovante, naturelle et écologique.
La découverte de pollutions oubliées à cette occasion
appelle une réponse adaptée à ces enjeux qui sont au croi- L’organisation du Phytocentre
sement des préoccupations de santé publique, de protection
de l’environnement et d’utilisation durable de l’espace. Le site sera constitué de deux zones : une première
dédiée aux contrôles réglementaires et à l’admission des
Les solutions de traitement matériaux, une seconde réservée à la préparation des terres
et à leur traitement. Il sera capable, à terme, de gérer 60 000
Les techniques de traitement des sols pollués sont clas- tonnes de matériaux par an. Dans une volonté de respect de
sées en quatre grandes catégories : les procédés physico- l’environnement, le site sera intégralement étanché et un suivi
chimiques, thermiques et biologiques, ainsi que le confine- environnemental régulier sera mis en place. De plus, il offrira
ment. Leur choix dépend de la taille du chantier, du type de visuellement un espace de verdure et ne comportera pas de
pollution, de la nature du sol, des délais de décontamination, bâtiment, conférant ainsi une vraie intégration paysagère.
des risques pour les opérateurs et des coûts des traitements. Le Phytocentre de SERPOL comprendra également une
Elles se distinguent par leur mode de mise en œuvre : tech- zone pilote de recherche et développement destinée à tester
niques ex situ (hors site et sur site) ou in situ [2].
Les techniques in situ sont directement effectuées dans
le sol par des procédés permettant de traiter les polluants
sans excavation.
Lorsque le terrain ne le permet pas, les terres excavées
sont traitées hors du site, dans des centres de traitement
fixes. Ces centres peuvent être des installations de lavage de
terres, de désorption thermique, de stabilisation, de traite-
ment biologique, ou encore d’incinération, et des cimenteries.
Les terres peuvent également être envoyées en installations
de stockage de déchets dangereux (ISDD), non dangereux
(ISDND) ou inertes (ISDI).
Bien que la tendance soit au traitement in situ, la réalité
est différente. En effet, à ce jour, 60 % des traitements de
terres polluées se font ex situ et 40 % in situ.

Le projet de SERPOL
Le projet de SERPOL, filiale spécialisée dans la dépollu- Application du procédé sur un site pollué par des
tion du groupe lyonnais SERFIM, est de créer un centre de hydrocarbures pétroliers.

112 l’actualité chimique - mai-juin 2017 - n° 418-419


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Schéma général de fonctionnement de la phyto/rhizodégradation [12].

le procédé sur d’autres molécules organiques sont également susceptibles d’être traitées. D’autres molé-
que les hydrocarbures pétroliers et d’autres procédés inno- cules organiques encore sont également considérées comme
vants de phytodégradation. SERPOL a d’ores et déjà mené dégradables par un tel procédé mais peu de retours d’expé-
des projets de R & D sur des traitements biologiques voués rience en conditions de terrain figurent dans la littérature.
à traiter des éthers carburants, ETBE/MTBE (projet TISATIE
porté par AXELERA) ou des PCB (projet FUNGI EAT PCB Références
porté par AXELERA). Fort d’une collaboration entamée il y
* www.appeldes30.fr
a dix ans avec les acteurs de la recherche dans le domaine [1] www.installationsclassees.developpement-durable.gouv.fr/Politique-de-
des traitements des sols pollués, SERPOL se veut porteur gestion-des-sites-et
d’innovation écologique au service de notre environnement. [2] https://www.actu-environnement.com/ae/dossiers/sols-pollues/techniques-
depollution.php4
[3] Stanovych A., Deyris P.-A., Grison C., Phytotechnologies remédiatrices
Focus sur la phytodégradation et chimie verte : une symbiose d’avenir, L’Act. Chim., 2017, 414, p. I.
[4] Criquet S., Joner E., Leglize P., Leyval C., Anthracene and mycorrhiza affect
the activity of oxidoreductases in the roots and the rhizosphere of lucerne
La phytodégradation est une technique de dépollution (Medicago sativa L.), Biotechnol. Lett., 2000, 22, p. 1733.
in situ des sols contaminés par des polluants organiques en [5] Pilon-Smits E., Phytoremediation, Annu. Rev. Plant Biol., 2005, 56, p. 15.
utilisant des plantes et les microorganismes associés [3]. Elle [6] Schwitzguébel J.P., Comino E., Plata N., Khalvati M., Is phytoremediation
a pour but de transformer les polluants organiques toxiques a sustainable and reliable approach to clean-up contaminated water and soil
in Alpine areas?, Environ. Sci. Pollut. Res., 2011, 18, p. 842.
en composés plus simples et moins dangereux pour l’homme [7] Joner E., Leyval C., Phytoremediation of organic pollutants using mycorrhizal
et l’environnement. Cette phytotechnologie communément plants: a new aspect of rhizosphere interactions, Agrononomie, 2003, 23, p. 495.
connue sous le terme de « phytodégradation » peut se faire [8] Reilley K.A., Banks M.K., Schwab A.P., Organic chemicals in the environment:
dissipation of polycyclic aromatic hydrocarbons in the rhizosphere, J. Environ.
principalement selon deux modes : direct et/ou indirect, dési- Qual., 1996, 25, p. 212.
gnés respectivement par phytodégradation (proprement [9] Corgié S.C., Beguiristain T., Leyval C., Spatial distribution of bacterial
dite) et rhizodégradation. communities and phenantrene (PHE) degradation in the rhizosphere of Lolium
perenne L., Appl. Environ. Microbiol., 2004, 70, p. 3552.
• La phytodégradation (proprement dite) désigne la dégrada-
[10] Debiane J., Garcon G., Fontaine J., Verdin A., Shirali P., Durand R.,
tion des polluants organiques dans la plante elle-même, à tra- Grandmougin-Ferjani A., Lounès-Hadj Sahraoui A., In vitro evaluation of the
vers son activité métabolique, au niveau des parties aériennes oxidative stress and genotoxic potentials of anthracene on mycorrhizal chicory
et/ou racinaires (ce qui suppose alors l’absorption du polluant roots, Environ. Exp. Bot., 2008, 64, p. 120.
[11] Debiane D., Garçon G., Verdin A., Fontaine J., Durand R., Grandmougin-Ferjani
au préalable), ou en dehors de la plante via la production A., Shirali P., Lounes-Hadj Sahraoui A., Mycorrhization alleviates
d’enzymes extraracinaires (exsudats) [4-6]. benzo[a]pyrene-induced oxidative stress in an in vitro chicory root model,
• La rhizodégradation correspond à la dégradation des pol- Phytochemistry, 2009, 70, p. 1421.
[12] Lounes-Hadj Sahraoui A. Fontaine J., Leyval C., Ouvrard S., La phytodégrada-
luants organiques grâce à la stimulation de l’activité des tion : une solution de traitement pour les polluants organiques ?, Journées
microorganismes présents dans l’environnement des racines, techniques nationales, Paris, 7-17 oct. 2012.
la rhizosphère [7]. La plante fournit la source de carbone
nécessaire à la croissance de la microflore rhizosphérique
via son exsudation racinaire et permet l’aération du sol [8]. Antoine Joubert est respon-
Ce sont les bactéries et les champignons saprotrophes qui sable scientifique et Vincent
Desroches, ingénieur d’affai-
ont plutôt été étudiés dans ce contexte [9], mais les champi- res, chez SERPOL*.
gnons mycorhiziens peuvent aussi favoriser la rhizodégrada-
tion, notamment en favorisant la survie et la croissance des
plantes [10-11].
Les principaux polluants organiques capables d’être trai- A. Joubert V. Desroches
tés par rhizodégradation sont les hydrocarbures totaux (HCT)
et les BTEX (benzène, toluène, éthylbenzène et xylènes). Mais * SERPOL, 2 chemin du Génie, BP 80, F-69633 Vénissieux Cedex.
www.serpol.fr
d’autres molécules organiques telles que les hydrocarbures
Courriels : antoine.joubert@serpol.fr ; vincent.desroches@serpol.fr
aromatiques polycycliques HAP et les solvants chlorés

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