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L'Homme

L. Vandermeersch, Études sinologiques


Jean Levi

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Levi Jean. L. Vandermeersch, Études sinologiques. In: L'Homme, 1996, tome 36 n°137. Chine : facettes d'identité. pp. 230-
234;

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Léon Vandermeersch, Études sinologiques . Paris, PUF, 1994, 354 p. («


Orientales »).

En dépit de leur présentation typographique disparate trahissant la diversité des


sources et des ouvrages dont elles sont tirées, les études réunies dans cet ouvrage nous
offrent une vision globale de la civilisation chinoise et prennent toutes pour point de
départ l'analyse des inscriptions oraculaires sur os ou écailles de tortues de la première
dynastie chinoise attestée historiquement, les Shang-Yin (xvn-xie siècle av. J.-C).
Ces inscriptions révèlent une société monolithique, guerrière, où la souveraineté,
définie avant tout comme droit au sacrifice, se confond avec la puissance paternelle.
C'est dans le culte aux ancêtres que la communauté, composée fictivement des enfants
d'un seul et même père, entrait en contact, par l'intercession royale, avec les forces
transcendantes, garantes de la pérennité de l'ethnie. Ces relations symboliques se
surimposaient aux relations réelles de parenté ; les pères naturels et les oncles se trouvaient
confondus dans la catégorie des/w, constituée de l'ensemble des géniteurs dépossédés
de leur position d'ascendants directs au profit du roi. Ce système extrêmement simple
servit de base à l'organisation chinoise, après ajustement. Les Zhou assouplirent en
effet l'ancien régime du culte en articulant, sur le culte permanent rendu à l'ancêtre
fondateur, un culte mineur fluctuant en fonction de la place des individus à l'intérieur du
clan. S'opéra ainsi une double structuration : des rapports familiaux d'une part, des
rangs sociaux de l'autre. L'emboîtement des collèges cultuels dirigés par un aîné
définit, à chaque niveau, les rapports de subordination de chacun des membres du groupe
familial, en sorte que les charges seigneuriales délivrées par mandat et la place dans le
collège cultuel coïncident, assurant la parfaite homothétie des structures politiques et du
système de parenté.
Sous les Yin, toutes les activités s'ordonnent autour du sacrifice aux ancêtres
royaux. Le culte s'accompagne du recours systématique à la divination par auscultation
des craquelures des os ou des carapaces de tortues exposées au feu. De simple sous-
produit du sacrifice, la divination, inversant son rapport avec 1' oblation proprement dite,
devient peu à peu l'opération fondamentale de la liturgie yin ; substitution qui se trahit
dans le développement progressif de la « chéloniomancie » au détriment de la « scapu-
lomancie ». Mais dès lors que la divination quitte la sphère de la cuisine sacrificielle et
devient une activité autonome, puisant en elle-même sa propre finalité, elle se soustrait
à la sphère du religieux pour se placer sous l'empire du cosmologisme. Cette mutation
est à l'origine de la conception confucéenne du rite comme forme suprême, sinon
unique, de régulation des rapports sociaux qui fait pendant au juridisme occidental. À la
ritualisation des conduites répond une pensée « morpho-logique » façonnée par ces
cadres d'une rationalité des formes cherchant à restituer la « raison des choses » à
travers des configurations spatiales et temporelles révélées par des traces, à l'opposé de
notre tradition qui envisage les phénomènes en termes d'enchaînement de causes et
d'effets ; le ritualisme se traduit au niveau du religieux par l'émergence d'un système
abstrait de correspondances qui s'abstient de toute réflexion sur la nature du divin et la
laisse à « l'expérience religieuse brute », laquelle engendre un « surnaturel sauvage ».
En outre, la pratique divinatoire a donné naissance à une écriture qui, loin de se modeler
sur la langue naturelle, obéit à des règles de composition graphique produisant des
algorithmes, accessoirement dotés d'un son. Son origine oraculaire explique la
confusion entre signes graphiques et figures hexagrammatiques (ces dernières issues elles
aussi de la chéloniomancie), la vénération dont fait l'objet le signe écrit et la place pré-
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pondérante qu'il joue dans la culture chinoise. Enfin, la divination permettrait de rendre
compte de la spécificité de la conception chinoise de l'histoire qui considère les
événements non pas comme un enchaînement causal mais comme la manifestation d'une
propension ou d'une tendance caractéristiques d'une phase temporelle, contamination
typique de la rationalité formelle que l'on voit à l'œuvre dans les hexagrammes du
Livre des mutations.
L'étude systématique des inscriptions sur os, sur écailles et sur vases de bronze,
jointe à l'exploitation des travaux des épigraphistes japonais, permet à L. Vander-
meersch d'éclairer de nombreux aspects, totalement ignorés jusqu'alors, de
l'organisation palatiale et cultuelle de l'aristocratie des Yin et des Zhou ; de même, ses exposés
sur le ritualisme et le sens des institutions royales des Zhou sont tout à fait remarquables
par leur rigueur et leur subtilité. Toutefois ses interprétations appellent un certain
nombre de réserves et d'objections.
Dans le chapitre consacré à la forme du gouvernement de la royauté yin, la nature
des charges est entièrement induite de la décomposition graphique des mots qui les
désignent. C'est ainsi que Fauteur se croit autorisé à fondre les mot yin « cacique ou
ancien » et fu « père-oncle » dans un même ensemble et de les rapprocher du caractère
jun « souverain » pour en faire différentes modulations de la souveraineté recoupant le
champ sémantique de la paternité ; mais bien qu'il fasse appel au mythe de Yiyin dont
l'existence est attestée épigraphiquement, il omet de signaler que dans le mythe, Yiyin
tient son autorité de sa qualité d'allié : il entre au service du prince à la suite d'un
mariage. D'autre part, si l'on étudie le vocabulaire à des stades plus tardifs, loin de
désigner la souveraineté dans le rapport père/fils, comme le soutient Vandermeersch, le
terme jun la représente dans le rapport mari/femme, le couple matrimonial étant la
projection familiale des relations du prince et du ministre. Jun, tout autant que le prince,
désigne le mari ; c'est un terme d'adresse que les femmes emploient pour qualifier
l'époux ou l'amant dans les poésies les plus anciennes du Livre des Odes. En outre, loin
d'être circonscrit au seul domaine de la souveraineté, ce mot renvoie à des rapports de
vassalité, tout comme le mot yin d'ailleurs. Il s'appliquait, à l'époque des Royaumes
combattants, aux fiefs, réels ou fictifs, accordés à des alliés, des parents ou des
ministres du roi exerçant une haute responsabilité de conseil. Il sert à traduire des
rapports de pouvoir latéraux et non pas verticaux et ne constitue donc nullement, associé à
l'autre terme du binôme, chen, la projection politique du couple wang/zi (père/fils) de
l'époque archaïque.
Ce débat porte sur un point moins trivial qu'il n'y paraît : il montre que l'auteur
exploite systématiquement l'argument étymologique afin d'évacuer les relations
matrimoniales et le régime des alliances des catégories de la parenté telles que les définit le
culte ancestral. Il s'agit en effet, pour Vandermeersch, de substituer au système de la
parenté extrapolé par Granet à partir des textes classiques et repris par Zhang Guangzhi
à partir des données paléographiques, un schéma centré uniquement sur les collèges
cultuels. Il est vrai que le régime imaginé par Granet présente une certaine gratuité due
à ses présupposés sociologiques. Le contre-modèle élaboré par L. Vandermeersch offre,
certes, une grande cohérence, mais n'en laisse pas moins un certain nombre
d'anomalies totalement inexpliquées qui, faute de se comprendre comme éléments résiduels
d'un substrat plus ancien, ne font que révéler la carence du modèle lui-même. Dans le
tableau proposé par l'épigraphiste, la présence d'un terme générique pour désigner
l'oncle maternel et la reconnaissance insolite du cousinage par les femmes dans la
nomenclature apparaissent comme totalement erratiques. L'auteur est le premier à en
convenir et pourtant, après une longue discussion embarrassée, le problème est résolu
par une pirouette étymologique — ou pire, un calembour emprunté à un ouvrage tardif,
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le Baihutong, qui se fait une spécialité d'expliquer les règles ritualistes par des jeux de
mots fondés sur l'homophonie !
Ainsi, les textes yin étant lacunaires sur le sujet, L. Vandermeersch oblitère
totalement la dimension matrimoniale qui se manifeste dans le vocabulaire de la parenté,
dans la pratique noble des mariages réciproques entre cousins croisés des grandes
maisonnées seigneuriales, dans l'importance politique de la famille par alliance et de
l'oncle maternel du souverain, enfin dans le culte aux ancêtres, du fait que le
représentant du mort n'est pas le fils, mais le petit-fils, bizarrerie dont ne nous est fournie
aucune explication — l'auteur l'évoque dans un passage de Wangdao ou la Voie Royale
(Paris, EFEO, 1980, 2 vol.) mais seulement pour en minimiser la portée {cf. vol. 1 :
258-259).
Le désir de faire passer pour des faits de simples conjectures qui, tout intéressantes
et originales qu'elles sont, n'en demeurent pas moins de simples hypothèses, aboutit à
une inversion des causes et des effets. Pour appuyer sa thèse de l'homogénéité ethnique
des Yin, examinant le titre nobiliaire bo « comte », le sinologue infère de ce que
l' expression fangbo désigne aussi les chefs de peuplades ennemies, qu'il est appliqué à
des maisons territoriales yin par elisión du premier caractère, et qu'étranger au système
primitif il reflète donc l'assimilation de tribus barbares. Il serait plus logique de penser
que le binôme fangbo fut créé par adjonction du qualificatif fang « étranger,
provincial » sur le modèle des anciens comtes, chefs importants de grandes entités territoriales
yin jouissant d'une relative autonomie, d'autant que le terme se retrouve dans le
vocabulaire classique de la parenté. En outre, une partie du raisonnement repose sur des
données archéologiques aujourd'hui dépassées (p. 39).
Lorsqu'il traite de la mutation radicale qu'opère le changement de support sur le
sens de l'acte oraculaire, L. Vandermeersch a tendance à oublier que si la divination se
détache, en tant que procédure, du sacrifice en tant que tel, elle n'en demeure pas moins
sous son emprise absolue, ne serait-ce que parce que les questions ont trait
exclusivement à des activités et des situations qui lui sont afférentes : chasses et guerres
procurant les victimes humaines et animales, récoltes et accouchements des épouses
royales ou princières, moments cruciaux pour l'avenir dynastique et nécessitant des
sacrifices propitiatoires. La volonté de mettre en exergue l'émergence d'une forme
particulière de rationalité façonnée par la mantique conduit l'auteur à occulter la dimension
religieuse de la société zhou, pourtant fondamentale, et à y sous-estimer la place du
mythe ; la prétendue absence d'une réflexion théologique ou métaphysique tient à une
conception de la religion et de la philosophie entièrement définie en termes
aristotéliciens et chrétiens, et nullement à la Chine elle-même.
Ces distorsions n'affectent pas la validité de l'analyse dans ses grandes lignes,
comme en témoignent les pages magistrales sur l'évolution de la pratique divinatoire
des Yin ou des Zhou et sur le rôle déterminant du système cultuel des Yin dans la
parenté et les rapports de pouvoir. En revanche, on a quelque réticence à suivre l'auteur
dans sa théorie de l'écriture comme langue graphique. Il me semble que L.
Vandermeersch interprète les faits chinois à travers les cadres conceptuels occidentaux, faisant
du langage le principe de structuration du réel alors qu'en Chine ce rôle est dévolu au
rite. Évoluant dans un système à deux termes (oral/écrit) au lieu de trois (geste/parole/
écriture), Vandermeersch a cru que les signes idéographiques présentaient
effectivement ce cas linguistique unique au monde d'un système de transcription graphique de la
pensée non tributaire de la parole, aboutissant à cette absurdité logique d'un objet
conceptuel contredisant sa définition : une écriture n'est écriture que parce qu'elle
transcrit de la parole, ou, si l'on préfère, qu'elle est une façon de rendre du langage. En
réalité, quand il détache les caractères des sons pour en faire de pures représentations
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graphiques d'un sens, pourvues accessoirement (ou ultérieurement) d'une


prononciation, il inverse simplement le rapport établi par la linguistique la plus classique entre
parole et écriture. En cela Vandermeersch se montre prisonnier de la tradition qu'il croit
fuir dans l'élaboration d'un modèle présentant une image inversée, sans se rendre
compte que cette création à rebours n'est que la reproduction du même. Le phonétisme
est au cœur de l'écriture chinoise ; il en est l'âme ; il fournit le principe qui guide ses
règles de composition. On le constate dans le recours systématique à la rime des textes
anciens en prose, seul moyen de délimiter les articulations du discours, et dans l'usage
du parallélisme. Celui-ci, loin de manifester la nature non verbale de la langue écrite
— qui serait absurdement propre aussi au chant et à la poésie populaire (p. 272) —
atteste l'origine incantatoire et orale des inscriptions sur écailles, qui tentent de
reproduire par la symétrie des formules les courtes phrases rythmées des hymnes
liturgiques. Là encore il faut, selon moi, renverser les rapports de cause à effet si l'on
veut retrouver la réalité. En fait, L. Vandermeersch commet un anachronisme en
projetant dans un passé lointain une conception que l'on voit se forger sous les Han, mais
dont les prodromes se dessinent dès les Royaumes combattants, avec l'éclipsé des
rhéteurs au profit des administrateurs, et qui sanctifie le signe écrit comme manifestation
d'un vouloir céleste en le soustrayant à la parole pour le placer sous la tutelle du geste
rituel.
Cette méprise sur la nature de l'idéographie chinoise me semble symptomatique de
l'orientation épigraphique adoptée par l'auteur et dont il illustre de façon exemplaire les
réussites mais aussi les limites. Par son ambition de fournir un modèle synthétique et
transhistorique de la pensée et des institutions chinoises, le travail de L. Vandermeersch
n'est pas sans rappeler celui de Marcel Granet tout en lui étant radicalement opposé. Ce
dernier considérait qu'une analyse structurale de documents relativement tardifs (ve-
me siècle av. J.-C, et parfois même beaucoup plus récents) devait permettre de
retrouver les vieux schemes mythiques et leur substrat institutionnel proto-historique. S'il est
vrai que l'exploitation systématique des découvertes archéologiques n'est intervenue
qu'après la mort de M. Granet, sa démarche ne s'explique pas uniquement par la
carence de la documentation épigraphique à l'époque où il menait ses recherches, mais
plutôt par un parti pris théorique : élève de Durkheim, ami de Mauss, formé à l'école
française de sociologie, Granet se voulait plus anthropologue que philologue. Au
rebours, L. Vandermeersch, eminent spécialiste des inscriptions oraculaires, se sert des
données paléographiques les plus anciennes non seulement pour brosser un tableau
global de la royauté archaïque yin, mais encore pour y trouver, grâce à des preuves d'ordre
étymologique, le principe explicatif du cours pris par la civilisation chinoise. En sorte
qu'entièrement reconstruite à partir de données fragmentaires qui passent sous silence
des pans entiers de la société et en grossissent démesurément d'autres, la Chine qui
ressort de cette collection d'essais a quelque chose d'éminemment abstrait, de presque
irréel ; on se demande si un tel organisme ajamáis existé et, si oui, comment il a pu être
viable. Cohérente en soi, la reconstruction paléographique s'oppose au modèle tout
aussi totalisant et rationnel de Granet, mais qui vient buter sur les informations
archéologiques. Si bien que la sinologie nous propose maintenant deux grandes théories,
chacune rendant partiellement compte des phénomènes, mais incompatibles entre elles. En
recourant à une comparaison empruntée à la conception chinoise de l'hérédité, on
pourrait assimiler le système paléographique de Vandermeersch aux os légués par le père et
le modèle anthropologique de Granet à la chair et au sang qui sont l'héritage de la mère.
Dans le système des correspondances, aux os répondent l'encre, le noir, l'écriture, les
rites aristocratiques propres à la filiation agnatique ; à la chair et au sang se rattachent
l'oralité, le rouge, la religion populaire et le mode de transmission utérin. Les uns et
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les autres sont indispensables à la vie de chaque individu, tout comme ils fournissent les
composantes nécessaires et indissociables d'une culture. On se prend à rêver d'un
travail qui parviendrait à étoffer le squelette épigraphique de la chair des pratiques
vivantes et à l'animer du souffle de l'oralité.

Jean Levi
CNRS, Paris

Jacques Gernet, L'intelligence de la Chine : le social et le mental. Paris, Gallimard,


1994, 395 p. (« Bibliothèque des Histoires »).

Les textes de Féminent sinologue réunis ici sont à la fois les jalons d'un itinéraire
personnel et des balises. Ils permettent l'intelligence d'une civilisation qui, en dépit de
la multiplication de travaux ponctuels ces vingt dernières années, demeure encore
largement ignorée du public occidental. L'auteur aborde les sujets les plus variés et les plus
disparates : essais à caractère général (organisation de l'État, éducation, conceptions du
temps et de l'espace, du changeant et de l'immuable), remarques sur certains
phénomènes particuliers, voire triviaux (lubies d'excentriques se faisant enterrer nus,
réflexions d'un lettré sur les coutumes barbares, associations de vieillards et cénacles
littéraires) ou encore des monographies fouillées sur un personnage ou une question (la
pensée de Wang Fuzhi, les suicides par le feu, l'acclimatation du christianisme en
Chine). Divers par les thèmes, ces articles le sont tout autant par les périodes
considérées. Jacques Gernet privilégie les dynasties Ming et Qing (et plus particulièrement la
période s 'étendant du XIVe au xviif siècle), mais il traite à plusieurs reprises de
quelques-uns des phénomènes les plus caractéristiques de l'âge d'or du bouddhisme (ve-
Xe siècle), et bien qu'il concentre généralement l'analyse sur les temps modernes (soit la
période postérieure aux XF-xne siècles), il ne néglige jamais de remonter aux sources
plus anciennes et souligne l'importance qu'ont eu dans le cours de l'histoire les siècles
qui précédèrent la formation de l'empire unifié, en 221 avant notre ère.
Divers, ces textes le sont encore par la forme (articles, recensions d'ouvrage,
conférences, contributions à des ouvrages collectifs), par l'importance (des notes d'une ou
deux pages à des études substantielles d'une quarantaine de pages), par la date de leur
rédaction (le premier est de 1955, le dernier de 1992). Ils dessinent d'ailleurs une
évolution selon les périodes et les perspectives. D'abord orientées vers des problèmes de
psychologie historique dans la ligne d'I. Meyerson, les enquêtes de J. Gernet s'infléchissent
en abordant des questions du ressort de l'anthropologie des sciences, infléchissement
qui se traduit par une remontée du fil du temps.
Ce disparate ne signifie pas manque d'homogénéité. Plutôt que de tomber dans les
généralités simplificatrices, J. Gernet préfère procéder par petites touches discrètes.
Toutefois le tableau général de la Chine qu'il nous propose offre une grande cohérence.
Tous ces essais sont marqués au sceau d'une triple unité : de conviction, de méthode et
de problématique. L'auteur est convaincu que la Chine, dont l'influence a été
prépondérante sur une immense moitié de l'Eurasie, mérite mieux qu'un intérêt de curiosité, et
qu'une histoire véritablement universelle ne peut être brossée en négligeant la
spécificité chinoise et ses apports aux autres cultures ; il est convaincu aussi que les hommes,
dans leurs modes de penser et d'agir, sont d'abord le produit d'un milieu et d'une his-

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