Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
OpenEdition Search
Littératures plurielles
Recherche
SommaireDocument suivant
1 | 1996
Langages et cultures
Structure du mythe
The Structure of Myth
Estructura del mito
Patrick Hubner
p. 7-21
https://doi.org/10.4000/babel.3126
Résumé | Index | Texte | Bibliographie | Illustrations | Citation | Auteur
Résumés
Français English Español
Cette analyse structurale du mythe littéraire s'appuie sur les travaux de Claude Lévi-Strauss et
montre la tension productive entre les notions de structure et de mythe littéraire, tension qui
devient la source abondante de signifiants polyphoniques.
Haut de page
Entrées d’index
Mots-clés :
Keywords:
Palabras claves:
1L’étude des rapports entre mythe et structure recoupe indirectement la vieille problématique
« mythos » / « logos » dans la mesure où ces deux termes étaient confondus à l’origine pour
désigner un discours ou un texte sacré (l’épithète « hieros » apparaissait parfois) mais se sont
différenciés à une haute époque, le premier prenant le sens inquiétant d’une parole chargée
d’un pouvoir d’illusion, le second prenant en revanche le sens rassurant de discours bien réglé
attaché à la conquête de la vérité, jusqu’à devenir synonyme de mesure et de relation dans les
arts du nombre et de la figure. Dans une telle perspective, nombre de mythes littéraires sont
héritiers du « mythos » grec, tandis que la science moderne serait héritière du « logos », en y
intégrant la notion de structure étendue des mathématiques à la biologie, la physique et la
chimie. Or, l’importance des mythes en anthropologie et la mathématisation sans cesse
croissante des sciences dites humaines a permis une nouvelle rencontre du mythe avec la
notion de structure, notion dont l’expansion témoigne de cette volonté de scientificité
commune aux spécialiste de ces sciences crues inexactes.
3Parce que le langage mythique n’est pas un langage ordinaire mais plutôt un méta-langage
au même titre que la poésie selon les fonctions établies par Roman Jakobson, Lévi-Strauss
opère à la fois un rapprochement et un dépassement du modèle linguistique pour constituer le
modèle « mythologique » » :« ... le mythe fait partie intégrante de la langue ; c’est par la
parole qu’on le connaît, il relève du discours. Si nous voulons rendre compte des caractères
spécifiques de la pensée mythique, nous devrons donc établir que le mythe est simultanément
dans le langage et au-delà » [Anthropologie structurale, Pion, Paris, 1958, p. 230).
4En tant que langage, le mythe est formé d’unités constitutives toutefois plus complexes que
les petites unités phonétiques (« phonèmes ») du système linguistique tel qu’il a été défini par
Ferdinand de Saussure et repris par Nicolas Troubetzkoy ; se situant non pas au niveau des
mots mais au niveau plus élevé de la phrase, Lévi-Strauss repère de grosses unités
constitutives appelées par analogie « mythèmes » et qui représentent une relation entre un
sujet et un prédicat, par exemple « Œdipe épouse sa mère ». Etant donné que l’ordre du récit
ne rend pas compte de la réversibilité du temps mythique, la traduction des événements doit
se faire à l’aide de ces phrases courtes correspondant non pas à des relations isolées mais à ce
que Lévi-Strauss appelle des « paquets de relations », c’est-à-dire un ensemble de rapports de
même nature : ainsi la mise à mort du dragon par Cadmos, le fondateur de Thèbes, et
l’immolation du Sphinx par Œdipe, semblent contester l’idée selon laquelle l’homme serait né
de la terre (« autochtonie ») puisqu’il y a destruction préalable de monstres chtoniens, liés à la
terre. Il s’agit en effet de classer les « mythèmes », d’une part, selon un axe horizontal (chaîne
syntagmatique) où ils apparaissent dans leur ordre de succession au sein du récit
(diachronisme de la narration), et, d’autre part, selon un axe vertical (chaîne paradigmatique)
où se superposent en colonnes l’ensemble des « mythèmes » répétant le même type de
relations, colonnes dont la confrontation permettra de dégager la structure organisatrice du
mythe.
6A l’illustration succède l’interprétation, et c’est par le biais d’une métaphore orchestrale que
Lévi-Strauss nous invite à lire le tableau du mythe d’Œdipe comme l’on déchiffrerait une
partition d’orchestre. Telle une partition d’orchestre le mythe doit en effet être lu de gauche à
droite comme le serait la mélodie mais ne prend sens que si l’on respecte en même temps
l’axe vertical dont la synchronie évoque l’harmonie. Cette interprétation au sens musical du
terme souligne l’interdépendance des « unités constitutives » ; c’est pourquoi il convient d’en
rechercher les oppositions pertinentes pour accéder à la structure du mythe. La signification
naît des rapports de corrélation et d’oppositions s’établissant d’une part entre les termes d’une
même colonne, d’autre part entre les différentes colonnes, car la signification résulte
seulement des rapports entre termes et non des termes eux-mêmes. Par exemple, dans la
quatrième colonne, se trouve une série de noms propres dont le sens est hypothétique et qui,
pris isolément, n’ont pas de valeur significative tandis qu’une fois rapprochés, ils évoquent la
difficulté à se défaire du lien avec la terre. Par ailleurs, le rapport entre la première et la
deuxième colonne confronté au rapport entre la troisième et la quatrième colonne indique que
la « sur-évaluation de la parenté de sang (colonne I) est à la sous-évaluation de celle-ci
(colonne H), comme l’effort pour échapper à l’autochtonie (colonne III) est à l’impossibilité
d’y réussir » (colonne IV). Le mythe d’Œdipe exprimerait donc, selon Lévi-Strauss,
« l’impossibilité où se trouve une société qui professe de croire à l’autochtonie de l’homme,
[...] de passer de cette théorie à la reconnaissance du fait que chacun de nous est réellement né
de l’union d’un homme et d’une femme » {A,S., p. 239).
7C’est à partir du traitement des variantes que la loi structurale du mythe va apparaître. La
répétition a pour fonction essentielle de « rendre manifeste la structure du mythe » (A.S.,
p. 254), et Lévi-Strauss emprunte aux théories de l’information, indispensables selon lui à la
compréhension de la société, l’important phénomène de redondance auquel répond la
structure « feuilletée » du mythe. Alors intervient une définition de base ; tout mythe ne vaut
que par l’ensemble de ses versions et seule la confrontation des corrélations significatives et
des écarts différentiels permettrait d’aboutir à la loi structurale du mythe. Lévi-Strauss
souligne la nécessité d’un recours à un symbolisme d’inspiration mathématique pour décrire
ces systèmes pluri-dimensionnels, la logique scientifique étant désormais indispensable au
développement de la mythologie comparée. D’ailleurs, après une analyse se voulant
exhaustive de l’ensemble des mythes zuni d’origine et d’émergence, avec les mythes
similaires des autres groupes pueblo, Lévi-Strauss a pu vérifier la validité de cette méthode
d’analyse structurale des mythes et découvrir que les groupes de transformation répondent
bien à une même loi invariante. Mais I’exhaustivité de cette analyse structurale des mythes se
trouve en fait réservée au domaine strictement ethnologique. Au champ restreint du modèle
anthropologique s’oppose l’excessive extension du modèle sémiologique proposé à la même
époque par Roland Barthes dans son essai sur Le Mythe, aujourd’hui (Mythologies). Si A.J.
Greimas a proposé en 1966 dans le huitième numéro de la revue Communications des
« Éléments pour une théorie de l’interprétation du récit mythique », il s’agit avant tout d’un
hommage à Lévi-Strauss puisque le mythe de référence a déjà été présenté dans Le Cru et le
Cuit (1964). Une telle limitation du modèle mythologique et de l’analyse structurale aux
mythes strictement ethnologiques conduit à envisager le devenir de la notion de structure dans
l’étude des mythes littéraires.
8C’est sans équivoque possible que Lévi-Strauss a signifié les limites de toute approche
structurale au seuil même de la littérature, notamment dans le chapitre significativement
intitulé « Du mythe au roman » dans L’origine des manières de tables (Mythologiques***,
1968) où le problématique passage du mythe à la littérature est illustré par la métaphore de
l’essorage au cours duquel disparaîtrait la structure : « .. .quelque chose d’irréversible se
passe, pendant qu’une même substance narrative subit cette série d’opérations : comme le
linge tordu et retordu par une lavandière pour exprimer l’eau qu’il contient. La matière
mythique laisse progressivement fuir ses principes internes d’organisation. Son contenu
structural se dissipe » (p. 105). Et Lévi-Strauss décrit le devenir littéraire du mythe comme
une entrée en agonie : « Forme d’une forme, elle recueille le dernier murmure de la structure
expirante » (id.). Or, contre ce double blocage du mythe et de la structure limités par Lévi-
Strauss au champ primitif et pré-littéraire, doit être revendiquée l’existence de mythes
littéraires pour lesquels la notion de structure n’est pas moins opérante. Pour commencer, il
faudrait souligner le paradoxe constitutif de l’analyse structurale de Lévi-Strauss, illustrée
malgré tout par ce mythe d’Œdipe difficilement dissociable des textes littéraires qui en ont
assuré la postérité, comme le reconnaît l’ethnologue !
9Il est un mythe pleinement littéraire contrecarrant ces dernières affirmations de Lévi-Strauss,
ce que Maurice Molho démontre brillamment dans un article intitulé non sans une légère
ironie : « Trois mythologiques sur don Juan » {Cahiers de Fontenay, n° 9-10, mars 1978).
Une double contradiction est à lever ; d’une part la figure de don Juan est née à l’âge
historique et même moderne, contestant la caractéristique in ilio tempore du mythe qui se
rapporte toujours à des événements anté-historiques aux yeux de Lévi-Strauss ; d’autre part,
l’affirmation courante selon laquelle « les mythes n’ont pas d’auteur » (Le Cru et le Cuit,
p. 26) se trouve radicalement contestée par la version inaugurale du Burlador de Sevilla écrite
par Tirso de Molina vers 1630. Une fois déterminée la matière - on peut bien parler d’un
mythe de don Juan -, il reste à déterminer la manière : « Comment parler du mythe de don
Juan ? ». Telle est la question mise en titre d’une communication présentée par Jean Rousset
en 1977, alors que son ouvrage sur Le mythe de don Juan était encore en chantier. Rousset ne
manque pas de s’interroger sur la nature de la figure de don Juan - peut-on parler d’un mythe
de don Juan ? -, mais l’essentiel réside dans l’utilisation de la notion de structure pour aborder
ce mythe littéraire.
10Jean Rousset ne cache pas ses emprunts à l’analyse structurale de Lévi-Strauss lorsqu’il
reconnaît une « structure permanente » donnant aux événements du mythe une organisation
particulière. Ainsi le mythe de don Juan comporterait trois unités constitutives que Rousset
assimile à ces trois invariants : premièrement la Mort, l’Invité de Pierre tel qu’il apparaît dès
la version inaugurale de Tirso dans le titre même (« Burlador de Sevilla y Convidado de
Piedra »), figure fondamentale sans laquelle l’histoire de don Juan serait privée de substrat
mythique ; ensuite le Héros qui est entièrement déterminé par ses rapports avec le Mort,
puisqu’il l’a tué, l’a de nouveau défié mais en recevra le châtiment final, ce qui montre
d’ailleurs l’importance des relations entre les trois invariants au sein d’une « structure
permanente » ; le groupe féminin enfin, troisième figure constituée d’une série de victimes,
indispensable à la définition de l’inconstance du héros et témoignant de sa manie de toujours
répéter l’entreprise de séduction. Si Rousset souligne à ce stade de l’analyse sa dette à l’égard
de la méthode structurale de Lévi-Strauss, il se garde déjà d’en accepter toutes les
conséquences. Toutefois, il pousse le scrupule jusqu’à dégager du mythe de don Juan une
structure logique (synchronique) en mettant, selon ses propres termes, le corpus en pile et en
superposant un des trois grands mythèmes, par exemple le Mort dans ses apparitions. Il en
ressort que le Commandeur apparaît trois fois et en alternance dans deux lieux différents et
thématiquement opposés : d’abord le lieu sacré - église, mausolée ou cimetière - où le
Commandeur est invité à souper par le profanateur, ce qui constitue l’outrage du Mort par le
vivant ; chez don Juan ensuite, durant le souper, où le Mort réapparu invite don Juan à son
tombeau ; enfin dans le lieu sacré de nouveau où prennent place le repas funèbre et la
descente aux enfers. Si cette séquence à trois volets définit la « structure permanente »
repérable de Tirso à Molière, jusqu’à la reprise romantique de Zorilla, il est une célèbre
infraction à la règle : l’opéra de Mozart, comme l’opéra vénitien dont s’est inspiré Da Ponte,
confond les deux derniers lieux, ce qui modifie et radicalise le dénouement, la catastrophe se
produisant chez don Juan et le pécheur étant frappé par la mort en pleine débauche. Cela
prouve la nature structurale du système établi par Rousset, étant donné que la modification
d’une des composantes entraîne un changement de signification. Mais demeure le problème
majeur inhérent au succès même de ce mythe littéraire dans l’impossible comparaison de
toutes les versions préconisée par Lévi-Strauss pour découvrir la loi structurale.
12Toute une série de variations sur la notion de structure marque l’intervalle entre
l’Anthropologie structurale et Les Structures anthropologiques de l’Imaginaire,
« introduction de l’archétypologie générale » présentée en 1960 par Gilbert Durand. Avant
même que Paul Ricœur fasse une critique en règle du formalisme de Lévi-Strauss dans
l’article paru en 1963 dans la revue Esprit sous le titre-programme « Structure &
herméneutique », Durand revenait déjà sur l’analyse structurale des mythes, dans une rubrique
significativement intitulée « Mythes et sémantisme » où se trouve clairement rejetée la
tentation que Lévi-Strauss a eue d’assimiler le mythe à un langage et ses composantes
symboliques aux phonèmes : le « niveau plus élevé » ne serait pas selon G. Durand « celui de
la phrase » mais serait le niveau symbolique, ou plutôt archétypal, fondé sur
1’« isomorphisme » - ou mieux 1’« isotopisme » - des symboles au sein des « constellations
structurales ». À la place des « paquets de relations », Durand voit des « paquets de
significations » et le mythe serait en fait constitué d’un « essaim d’images », formule
empruntée à l’ethnologue politicien Jacques Soustelle. C’est pourquoi, aux yeux de Durand,
l’épaisseur sémantique du mythe dépasse l’idée d’harmonie, fût-elle musicale, et il s’agirait
plutôt d’un « palais de miroirs » où chaque mot renvoie en tout à des significations
cumulatives, si bien qu’il ne pourrait pas y avoir d’équivalence véritable entre le concept de
structure et les processus formels logiques. Gilbert Durand reconnaît cependant qu’il est
possible de conserver du modèle structural proposé par Lévi-Strauss les deux facteurs
d’analyse suivants : d’une part, l’analyse diachronique du déroulement discursif du récit
mythique ; d’autre part, l’analyse synchronique à deux dimensions, à l’intérieur du mythe à
l’aide de la répétition des séquences, à l’extérieur du mythe à l’aide d’une comparaison avec
d’autres mythes semblables, sans pour autant prétendre à l’exhaustivité - « impossible
somme » ! -. La clef sémantique du mythe serait moins dans la loi structurale que dans
l’analyse des « isotopismes symboliques et archétypaux » par la mise en évidence du
caractère matériel des structures du mythe et la mise en valeur de leur caractère sémantique à
côté des formes syntaxiques de ce mythe. En fait, dans l’alignement synchronique des thèmes
mythiques réalisé par Lévi-Strauss se glissent des indices purement qualitatifs, et non pas
relationnels comme le prétend l’appellation « paquets de relations » : par exemple, dans la
troisième colonne, la qualité monstrueuse et chtonienne du Dragon ou du Sphinx importe plus
que la relation proprement dite, et la quatrième colonne n’insiste que sur l’élément
sémantique et étymologique de l’infirmité, discutable aux yeux de Gilbert Durand, déjà
hypothétique dans la présentation que Lévi-Strauss en fait. Il reste par ailleurs à envisager le
rapport entre la structure permanente du mythe et les incidentes géographiques et historiques,
déterminant son devenir littéraire.
14Quelques conclusions peuvent être tirées de la confrontation des travaux de Jean Rousset
avec ceux de Gilbert Durand. Pour commencer, un mythe littéraire n’existe que par une série
de mythèmes figuratifs et il faut un certain nombre de colonnes fixes dans le tableau qui les
recense ; ainsi, pour prendre un exemple-limite, que sait-on vraiment de Protée, si ce n’est
qu’il change de forme ? Par conséquent, il s’agit moins d’un mythe que d’une allégorie du
changement ou de la métamorphose, A défaut de loi structurale véritable, s’impose cet
axiome : la fragilité du mythe est inversement proportionnelle à sa richesse en mythèmes.
Ensuite, il convient de noter que le mythe ne se conserve jamais à l’état pur dans son devenir
littéraire. En ce qui concerne ce devenir, il existe des possibilités d’enrichissement du mythe
par captage d’autres séries mythémiques souvent proches, par la figure biblique du Christ se
surimposant à celle de Prométhée par exemple, comme des possibilités d’appauvrissement
jusqu’à la simple allégorie, dans le cas de Protée. Enfin s’affirme de nouveau la nécessité
d’aménager l’analyse structurale en fonction de règles plus souples tenant compte de la
richesse du symbolisme sous-jacent dans nombre de mythes littéraires.
15C’est par le biais de la notion de « schème », terme moins marqué que celui de
« structure », qu’il faudrait peut-être envisager l’approche du mythe littéraire. Emprunté à la
terminologie de Gilbert Durand, le « schème » désigne une relation simple entre deux
principes contraires suscitant le drame. Quant à 1’« archétype » qui donnerait son impulsion
au mythe, il faudrait également souligner son ambivalence, puisqu’il réunit à l’intérieur d’une
même relation deux schèmes inverses, comme le signale Pierre Brunel revenant sur la
définition trop univoque de Durand. L’idée d’une profonde ambivalence de la structure de
base, qu’elle soit archétypale ou non, permet d’envisager le devenir littéraire du mythe sous
un jour nouveau : loin d’illustrer 1’« usure » du mythe de Prométhée, le Prométhée mal
enchaîné de Gide dévoile l’ambiguïté de la figure de Prométhée comme saint païen devenue
« anti-saint » (cf. « L’anti-forme : l’anti-saint et l’anti-légende », in Formes simples d’André
Jolies). C’est dans cet esprit que Pierre Brunei a signalé l’étonnante ambivalence du mythe de
don Juan : ambivalence du rapport de parenté que don Juan sous-estime et surestime en raison
de l’ambiguïté même de son attitude face à Elvire qui se présente comme l’épouse ;
ambivalence aussi de sa relation avec Dieu puisque don Juan n’est pas seulement le damné
par manque de foi mais paradoxalement celui qui se croit tout permis comme étant le bras de
Dieu. Toujours à partir du mythe de don Juan, mythe proprement littéraire par son origine
théâtrale, Philippe Sellier a proposé un modèle d’approche « schématique », pour ne pas dire
« structural », après avoir préalablement souligné que la forte organisation du mythe littéraire
appelle une analyse structurale mais nuancée par un mode d’approche réhabilitant le
symbolisme :
16Parmi les caractères déterminants du mythe littéraire, Philippe Sellier a rappelé qu’il s’agit
d’un récit régi par une logique de l’imaginaire, marqué par la pureté et la violence toute
particulière des oppositions structurales, et déterminé par une fonction socio-religieuse. Ces
caractères nécessaires et suffisants pour la définition d’un mythe littéraire justifient une
approche syncrétique, étant donné que la référence à une logique de l’imaginaire peut
notamment renvoyer aux travaux de Gilbert Durand, comme à Jung et à Bachelard, que le jeu
des oppositions structurales s’éclaire à la lumière du modèle proposé par Lévi-Strauss, tandis
que la motivation socio-religieuse fait écho aux études de Georges Dumézil et de Mircea
Eliade, pour ne citer que quelques noms.
17Un prudent syncrétisme semble donc s’imposer pour le décryptage des mythes littéraires :
tout effort de traduction d’un mythe risque d’être trahison si l’on oublie cette marge
d’irréductibilité du mythe à toute structure, qu’elle soit logique, archétypale ou sacrée, car
enfin cette marge semble être le lieu même où s’inscrit la possibilité d’un devenir littéraire.
Bibliographie
Des DOI (Digital Object Identifier) sont automatiquement ajoutés aux références par Bilbo,
l'outil d'annotation bibliographique d'OpenEdition.
Les utilisateurs des institutions abonnées à l'un des programmes freemium d'OpenEdition
peuvent télécharger les références bibliographiques pour lesquelles Bilbo a trouvé un DOI.
G. DURAND, Figures mythiques et visages de l’œuvre, Paris, Berg International, 1979. A.J.
Greimas, Sémantique structurale. Recherche et méthode, Paris, Larousse, 1966.
G. DURAND, « Einfache Formen » {Formes simples, Seuil, 1972), Tübingen, Max Niemeyer
Verlag, 1930.
C. LÉVI-STRAUSS, Mythologiques
M. MOMO, « Trois Mythologiques sur don Juan », Des mythes, n° 9-10, Cahiers de Fontenay,
1978.
J. ROUSSET, Le mythe de don Juan, « Coll. U prisme », Paris, Armand Colin, 1978. Philippe
Sellier, Le mythe du héros, Paris, Bordas, 1970.
Haut de page
URL http://journals.openedition.org/babel/docannexe/image/3126/img-1.png
Fichier image/png, 359k
URL http://journals.openedition.org/babel/docannexe/image/3126/img-2.png
Fichier image/png, 118k
Haut de page
Référence électronique
Patrick Hubner, « Structure du mythe », Babel [En ligne], 1 | 1996, mis en ligne le 21 mai
2013, consulté le 16 février 2022. URL : http://journals.openedition.org/babel/3126 ; DOI :
https://doi.org/10.4000/babel.3126