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Préparation en vue de l’oral

Philosophie de l’histoire

Il faudrait avant toute chose insister sur le rapport spécifique qu’avait Chpet à la philosophie de
l’histoire, et qui a peu de similitude avec ce que l’on entend traditionnellement en Russie par
philosophie de l’histoire. En Russie, la philosophie de l’histoire, a bien souvent pris les aspects
d’une philosophie de nature religieuse, qui se proposait de découvrir le sens profond et la
finalité de l’histoire. Il s’agit d’une histoire de type continuiste, adossé à des références
bibliques, à l’épisode de la Chute, et à celui de l’Apocalypse (d’où nous le voyons, l’idée de
troisième Rome)
Cette philosophie de l’histoire a trouvé une prolongation dans les années 1830 et 40 au sein
des débats entre slavophiles et occidentalistes. Ce qui caractérise la philosophie russe de
l’histoire., c’est un intérêt prononcé pour la problématique propre à la Russie, le désir de
connaître son destin et sa place dans l’histoire de l’Europe et du monde. Chpet, plus
généralement, et tout au long de l’histoire comme problème de logique se montrera hostile à
l’endroit de ce type de philosophie faisant procéder le processus historique d’un principe
explicatif unique : l’intellect pour Condorcet, la perfectibilité, le progrès dans un sens très large,
etc, et qui s’applique également aux grands providentialismes russes de son époque: eurasisme,
communisme, christianisme, etc.

Chpet n’est quant à lui pas directement concerné par ces problèmes et adopte un regard quelque
peu méprisant envers ces querelles internes. Ce qui l’intéresse en matière d’histoire, ce sont les
problèmes de méthodes, et ce, dans le cadre d’une philosophie de nature scientifique. Nous
verrons cependant que Chpet conserve un rapport étroit dans sa philosophie à certain concepts
phares de la philosophie russe, dont celui de Sobornost, qu’il reprendra à son compte

L’être social :

Sa préoccupation pour la question historique se manifeste dans son premier véritable ouvrage,
le Phénomène et le sens. On a souvent réduit la pensée de Chpet à une pure répétition du propos
de Husserl. Or, dans cet ouvrage, Chpet propose sur le plan de la phénoménologie de véritables
innovations : il modifie ainsi l’optique initiale de Husserl en orientant la phénoménologie vers
la compréhension de ce qu’il nomme l’être social.

Dans les Idées directrices 1, Husserl, insiste sur ce fait qu’à chaque type d’être correspond une
donation particulière, et que le regard, et la méthode scientifique doivent s’adapter à la manière
spécifique qu’a l’objet de se donner.

Or Chpet va chercher à montrer que Husserl oublie un certain type de donation spécifique :
celui de l’être social, qui se donne à travers des signes, ainsi qu’un réseau de signification
partagé admis culturellement et historiquement : Le monde social a un caractère entéléchique
qu’il s’agit de déceler dans la particularité de sa donation. Pour se faire, Chpet va ajouter à
l’intuition sensible et intellectuelle de Husserl, un troisième type d’intuition : l’intuition
intelligible qui se rapporte à l’essence intime, interne des objets. C’est par ce type d’intuition
que vont être décelé les objets qui se donnent dans la transmission, dans la communication et
l’interaction entre être humain en général.

Dans Misl i Slova, Chpet fera un pas de plus pour assimiler l’être social à l’histoire : "Le flux
qui passe devant notre regard intellectuel est d'abord le flux de l'histoire". L’histoire a
premièrement cette qualité d’être selon Tatiana Shchedrina « ce qui nous entoure ». C’est donc
moins d’abord comme construction que comme objet d’intuition que se donne l’histoire, et sur
un mode phénoménologique

Mais ce qu’il est important de remarquer c’est que Chpet, dès cet ouvrage, amorce un tournant
herméneutique en partant du principe que la vie de l’homme est intrinsèquement lié à un univers
culturel qui le précède et qui forme un système sémiotique à découvrir. L’acte de conscience
va porter sur ce monde commun que forme la culture pour une société donné.

L’orientation herméneutique de Chpet

La phénoménologie à partir de la publication de l’histoire comme problème de logique, va


prendre un tournant nettement herméneutique : on a plus affaire à un flux de conscience, a un
donné immédiat, mais à des œuvres, des livres, des produits de l’intellect humain façonnés sur
le temps long. L’histoire va donc être appréhendé d’abord en ce qu’elle est une construction,
formée à partir d’expériences rapportés, de témoignages,

En ce sens, l’histoire va supposer une méthode d’interprétation des textes appropriée, avec un
système défini. C’est aussi en continuité avec le projet initial de Schleiermacher que Chpet va
construire sa philosophie. L’herméneutique et ses problèmes, qui n’a jamais été publié de son
vivant devait ainsi constituer le troisième tome de l’Histoire comme problème de logique, partie
1 et 2. L’herméneutique devait essentiellement valoir comme méthode de recherche dans le
cadre des sciences humaines. La langue devait valoir comme phénomène premier, et servir de
base pour la compréhension de l’ensemble des phénomènes humain. Là ou Schleiermacher
entrevoyait un rapport distant aux textes interprétés (qui étaient les monuments littéraires en
tout genre), Chpet entrevoyait sans doute un rapport plus direct au sens, à la forme interne,
c’est-à-dire à une compréhension plus profonde de l’entéléchie, de la structure du mot.

C’est ici qu’il serait intéressant de montrer les rapports entre Chpet et Heidegger. Chpet, comme
Heidegger, ont tous deux trahi la phénoménologie strictement définie par Husserl pour lui
donner une orientation herméneutique et ontologique. L’herméneutique, comme chez Chpet
avait ainsi une visée nettement ontologique : on cherchait à travers l’étude des textes à pénétrer
une modalité d’être essentiel chez l’homme : celui de l’historialité, c’est-à-dire de l’expérience
que fait le Dasein de l’histoire. François Jaran écrit : « L’herméneutique n’aura cependant plus
ici pour tâche de déchiffrer les textes ou encore de fournir une fondation aux sciences humaines
(Dilthey), mais bien de décrypter la compréhension de soi de l’existence humaine »

Heidegger dans Être et temps, pose la question de l’histoire dans une attitude proprement
ontologique, en abordant l’histoire du point de vue de sa source, en cherchant à révéler
l’expérience historique de l’être du Dasein. En cela il s’oppose à toute une tradition théorique,
formaliste, de renouvellement des études historique qui ne le satisfaisait guère. Il s’agissait non
de réfléchir aux conditions de possibilités de l’histoire en tant que science (solution
néokantienne), mais de réfléchir aux conditions de possibilité de la chose historique elle-même.

L’expérience de l’histoire

En ce sens, j’ai cherché à manifester les rapports qui pouvait exister entre Chpet et l’historien,
théoricien de l’histoire Reinhart Koselleck. Koselleck développe une méthode historique qui
s’intéresse au langage et à ses modifications à travers le temps. Il s’agit d’une histoire des
concepts. Mais il ne faut pas se figurer l’histoire des concepts comme une histoire abstraite des
conditions réelles d’existences. L’herméneutique devait se donner les possibilité d’accéder aux
conditions d’existence pré langagières qui sont à l’origine de toute histoire.

L’histoire des concepts doit avant tout se rapporter à une histoire sociale : les faits langagiers
indique une certaine organisation de la société à un instant t, et inversement, tout changement
social, implique un changement de vocable. Interdépendance donc. C’est ce sur quoi il insiste
dans son livre l’expérience de l’histoire. Bien que les propos de Koselleck soient orienté dans
une perspective pratique, une pratique de l’histoire, les liens avec Chpet sont assez manifestes.
Dans sa correspondance avec Petrouchevski, Chpet insiste notamment sur à la fois la nécessité
de comprendre l’histoire dans sa réalité langagière (apport scientifique) mais également dans
ses implications sociales : derrière chaque mot, derrière chaque emploi se dégage une pratique
(orienté, finalisée) qu’il s’agit de reconstituer. Dans les deux cas c’est la double facette logique
et ontologique qui transparait. En ce sens interpréter les textes, c’est découvrir une expérience
première, en amont du processus langagier qui informe l’histoire.

L’époque du Gakhn

Académie d’Etat des sciences artistiques (1921-1931) : Dédiée à l’étude des arts en tout genre,
ainsi qu’à la théorie artistique. C’est dans cette « sphère de conversation » que l’histoire va
s’enrichir pour intégrer des perspectives linguistiques, ethnologiques qui n’apparaissaient pas
aussi nettement dans sa philosophie. C’est durant ce contexte qu’il écrit La forme interne du
mot et L’introduction à la psychologie ethnique.

La forme interne du mot

Sans en rester à la seule forme externe, c’est-à-dire à l’extériorité du mot, Chpet va s’intéresser
aux formes interne, c’est-à-dire au mouvement premier, à l’Energeia, qui se trouve à la source
des capacités expressives de l’homme, donc du processus historique

Chpet doit la notion de forme interne à Humboldt : elle décrit, cette source vitale par lequel le
langage en vient progressivement à se formaliser, par laquelle l’expression est rendu possible.
On part des éléments les moins articulé du langage, les sons, pour aboutir à des réseaux de
significations complexes. La langue se formalise, s’objective dans ce jeu interne. Elle est un
telos une finalité inscrite dans l’être même. En ce sens, Chpet rompt avec le Hegel de la logique
ainsi qu’avec Husserl pour lesquels la logique devait passer par l’instauration d’une grammaire
pure, d’une langue abstraite des langues naturelles … la logique chez Chpet est inscrite
d’emblée en tant que puissance chez l’homme, qui réalise cette puissance de manière diversifiée
à travers les discours de différentes natures : artistique, philosophique, juridique, etc.
En quoi se caractérise la forme interne ? Elle désigne cette capacité du langage à s’articuler, à
proposer une combinatoire spécifique à partir de laquelle vont s’élaborer des types collectifs,
historiques spécifiques. C’est dans cette variabilité et cette liberté combinatoire que vont
émerger des produits culturels.

Wittgenstein

En ce sens, et sans doute ne s’est on pas suffisamment attardé la dessus, la pensée de Chpet
rejoint à bien des égards celle du second Wittgenstein qui cherchait à montrer la pluralité des
usages de la langue, qui ne pouvait être réduite à sa fonction dénotante. La langue est un outil
de communication qui prend bien des aspects différents au sein d’une société donnée : en cela
la question linguistique est irréductible aux débats entre nominaliste et réaliste : elle doit se
dégager de son emploi purement philosophique, pour se comprendre comme une activité, une
création à part entière et aux usages multiples. En ce sens elle est comparable à une boite à outil,
ou chaque phrase, chaque mot employé aura pour vocation de répondre à une situation précise.

Une histoire repensée dans sa dynamique langagière

La langue est ainsi et avant tout une activité, une création humaine par laquelle l’expérience
humaine se boit objectivée. Elle consiste en une certaine manière de former des représentations
communes, ou la langue sera le véhicule d’une certaine manière de se rapporter au monde.
Dans ses réflexions sur la forme interne du mot, Chpet s’est nourrit des apports du linguiste
Potebnia, qui s’intéressait également aux rapports qui lie le réel et son expérience avec
l’expression qui en est fait dans une société donné. Ainsi Potebnia, s’intéressait aux structures
symboliques, aux mentalités et aux mythes collectifs que l’on trouve au cœur des sociétés. Sa
thèse portait d’ailleurs « Sur certains symboles dans la poésie populaire slave ». Il va
s’intéresser à la phénétique, à la philosophie du langage pour aborder ce qui ressortit des mythes
du folklore et des contes. Pour Potebnia, les produits culturels et la représentation sont des
formes de cognitions spécifiques, ce qui est également la thèse de Chpet dans l’art comme forme
de connaissance. Pour Potebnia, la forme interne est un processus vital qui croit et s’essouffle.
Chpet parle également de lutte pour la langue, cernant donc les rapports politiques comme des
enjeux linguistiques. C’est de la même manière que Potebnia montrait que la russification de
l’Ukraine devait être compris comme la volonté d’effacement d’une culture, d’un type collectif.

L’histoire va dès lors s’intéresser au développements sémantiques, aux variations linguistiques


pour y trouver une certaine manière de se référer au monde

Les types collectifs

Dans une approche similaire à celle de Vidal Naquet et Vernant Chpet va ainsi tenter d’aller à
la source des phénomènes socio historique, et ce en partant de la question du vécu des sociétés
humaines. Vernant cherchait ainsi à déceler dans les mythes collectifs de la Grèce antique de
quoi restituer un vécu anthropologique, avec pour projet de reconstituer l’homme grec en tant
que tel.
. C’est dans une attitude comparable que Chpet aborde la question des « types collectifs » qui
agissent comme des unités de représentations collectives incarnés dans un style, un caractère
particulier. La question que pose la psychologie ethnique trouve ainsi sa réponse dans ce qu’il
appelle « code moral » et qui est le centre autour duquel s’organise chaque société donné.
Chpet cherche ainsi à déceler « l’âme » d’un peuple, d’une nation d’une collectivité par le biais
d’une analyse méticuleuse et d’une typologie des phénomènes collectifs humains. Par âme il ne
faut pas s’imaginer un principe métaphysique quelconque, mais davantage un principe d’action,
poussant les hommes à échanger, à communiquer. C’est dans ce rapport de co participation à la
conscience que Chpet décèle l’apparition de types collectifs. La mission de la psychologie
ethnique sera ainsi de décrire ces types dans leur particularité : langue, croyance, coutumes, art,
vision du monde.

« La psychologie ethnique est une science typologique descriptive ; elle ne recherche pas un
concept général logique qui, à son tour, représentant un type général, unirait tous les types
d'expériences humaines, définies par la langue, les croyances, les coutumes, l'art, les visions du
monde

C’est dans ce cadre qu’il cherchera à penser le peuple en tant qu’entité psychologique
particulière : le peuple est pensé dans son caractère historique, donc mouvant et en perpétuelle
interaction avec les autres peuples. La nation est pensée comme une création perpétuelle,. 1,
donc également soumis à la mort, à l’effacement

Soborsnost’

Il faut sans doute revenir sur cette notion de Sobornost’ que Chpet met en avant la conscience
et son propriétaire (1916) et qui joue un rôle important dans sa compréhension de l’histoire.
Cette notion n’est certainement pas une notion attendue dans le vocabulaire chpétien dans la
mesure où elle provient de la philosophie religieuse russe, slavophile, dont Chpet s’attardait à
montrer les faiblesse dans son Esquisse d’un développement de la philosophie russe. Cette
référence à de quoi surprendre, et a été analyse par Maryse Dennes, dans son article « Gustave
Chpet et la tradition de la pensée religieuse en Russie ».
L’idée de Sobornost’ prend donc racine dans un univers religieux et philosophique bien défini,
celui de la Russie orthodoxe du XIXe siècle, et du slavophilisme (c’est Khomiakov qui introduit
cette idée). Or, ici, il faudrait bien plutôt parler d’emprunt de cette idée, d’emprunt dans un
contexte non orthodoxe, pour signifier à la fois l’idée d’unité et de pluralité de la conscience
dans ses manifestations sociales. Elle est sans doute à rapprocher de la notion littéraire de
polyphonie qu’a mise en exergue Bakhtine. Cependant pour sa philosophie de l’histoire elle à
un grand intérêt, en ce qu’elle désenclave la conscience et le vécu du sujet individué : en ce
sens elle permet d’instaurer un rapport critique aux philosophies du sujet qui prévalent depuis
au moins le XVIIIe siècle.

Mais la Sobornost’ ne doit pas être considéré comme un concept figé, ou comme étant le
dernier mot de sa pensée. Elle constitue avant tout un outil heuristique pour reconstituer la
philosophie de l’histoire de Chpet

Les liens avec les annales

Dans sa philosophie de l’histoire, Chpet compose avec des éléments historiographiques, qui
agencent sa pensée de l’histoire dans le sens de la pratique. Chpet était en discussion constante
avec des historiens et ne réfléchissait pas la question de l’histoire abstraitement, en surplomb,

1
(ce qui explique l’engoument relatif de Chpet à l’endroit du nouveau régime soviétique)
dans sa tour d’Ivoire. L’historien Petrouchevski par exemple reconnaissait la valeur des propos
de Chpet dans le cadre de l’histoire.

La pensée historiographique de Chpet est en lien avec le renouvellement de la science historique


pour laquelle ont milité l’école des Annales. Dans Combats pour l’histoire, Lucien Febvre
propose une lecture critique à l’endroit des philosophies de l’histoire qui faisait procéder le
procès historique d’un principe explicatif unique. Febvre était particulièrement hostile ou pour
le moins circonspect face à la philosophie de l’histoire de Spengler ou Toynbee qui concevait
l’histoire comme une grande fresque ou les civilisations se succédant, s’offraient également, et
facilement à la comparaison : Spengler liait ainsi le destin de l’occident à un « esprit faustien ».
Febvre se méfie des clés interprétatives unique autant que des historiens « taupes » (école
méthodique) focalisé sur l’étude des sources et la documentation comme seul horizon
scientifique. Febvre comme Bloch ont essayé d’intégrer à l’histoire des courants qui
traditionnellement ne lui appartenait pas : la linguistique, la sociologie, ce qui constituait pour
l’époque un réel bouleversement. D’où une réelle problématisation de l’histoire qui va bien au-
delà du seul récit des évènements.

Toutes ces innovations avaient pour but de retranscrire le plus fidèlement la vie qui émanait des
anciennes civilisations, des différentes collectivités avec leur mode d’être particulier, en
agrémentant la méthode historique des nouvelles possibilités qui s’offraient à eux. Bloch et
Chpet ont innové en ce qu’ils ont proposé une véritable immersion mentale dans les époques
qu’ils abordaient Cet intérêt pour les mentalités collectives, on le retrouve dans les
investigations de Chpet sur l’esprit, le vécu collectif que l’on trouve dans une société donnée
(dans son livre intro à la psy ethnique). C’est d’un point de vue interne, intime qu’on aborde ici
la question historique en nous replaçant dans des pratiques n’ayant plus cours. Travail
d’anthropologie historique De la même manière, Febvre, publie en 1942 La religion de
Rabelais, qui réfléchit à la possibilité d’un athéisme de Rabelais dans l’univers mental du XVIe
siècle. Bloch publie quant à lui publie en 1924 Les rois thaumaturges qui mobilise une histoire
de la symbolique, du sacré, de l’imaginaire. Intérêt commun pour les phénomènes de
représentations collectives, qui reste à creuser !

Témoin de l’histoire

Il ne s’agit pas de penser à Chpet comme un penseur qui aurait observé l’histoire de surplomb,
comme un auteur qui aurait été abstrait du cours des évènements de son époque. Ce que je
cherche à montrer, c’est que l’histoire dont parle Chpet est une histoire vécue : il a même fait
personnellement les frais du cours de l’histoire. Egorov insiste bien sur ce fait que Chpet
s’intéressait de près aux problèmes qui touchaient la politique, les affaires courantes sociales,
qu’il lisait constamment les journaux. Malgré sa volonté de penser la philosophie comme une
philosophie « pure », c’est un contexte historique bien spécifique qui transparait dans ses
ouvrages (en particulier l’essai d’une histoire du développement de la philosophie russe), mais
également et surtout dans sa correspondance ; Cette volonté de ne pas faire des évènements
quotidiens, et du contexte d’écriture un sujet, provient de cette volonté, conforme à ses velléités
platoniciennes, de bâtir une philosophie « pure », distincte de l’aspect contextuel de la
philosophie russe.

Voilà comment EGOROV s’exprime : « Chpet a évidemment essayé de purifier ses objets de
la méchanceté du jour, de la non philosophie, des spécificités utilitaires et proprement russes,
mais c’est bel et bien un rapport à une culture définie qui a dicté l’orientation de ses recherches »
Le contexte a donc une influence certaine sur sa manière de penser l’histoire. La révolution de
1917 a ce titre vient considérablement chambouler la manière dont il appréhende le
développement historique de la philosophie en Russie : la nouvelle ère communiste, a pour
Chpet une nature profondément neuve, et peut être capable de faire émerger une nouvelle
philosophie sur des bases scientifiques. Chpet voit l’histoire se faire et envisage même la
possibilité d’une renaissance globale de la Russie. Chpet, de la même manière que
Chateaubriand dans les mémoires d’outre-tombe, voit l’histoire s’accélérer, un nouveau monde
émerger, et voit ses concepts rendu obsolète et instables face au mouvement de l’histoire

Tout cela nous amène à penser, avec Tatiana Shchedrina que se dégage chez Chpet un rapport
intime et personnel à l’histoire, qui ne se dévoile pas immédiatement à la lecture de ces œuvres
phares. T. shchedrina, insiste sur la part subjective qu’il dévoile dans son rapport à l’histoire.

L’histoire comme vécu

Cette histoire, témoignage, cette histoire considérée d’un point de vue subjectif, individuel,
Chpet la trouve déjà dans une certaine tradition russe du récit de soi, qui met l’individu au centre
des évènements historiques.

On trouve ce type de rapport à l’histoire aussi bien chez les occidentalistes que chez les
Slavophile. Nous nous intéresserons ainsi à deux auteurs en particulier que sont Herzen,
Berdiaev pour découvrir une autre modalité de lecture de l’histoire. Dans le cas de Herzen la
perception de l’histoire et la problématisation du vécu est intimement lié à l’action politique
dans la perspective d’un progrès social. Dans le cas de Berdiaev, nous avons affaire à un type
d’histoire qui replace l’individu au centre en ce qu’il est le grand oublié des millénarismes en
vigueur à son époque : le nazisme et le communisme

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