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Marie-Thérèse Raepsaet-Charlier
Introduction
Les rôles religieux féminins dans la Rome antique ont déjà fait couler
beaucoup d’encre 1. Les interprétations sont partagées entre caractère indis-
pensable et position marginale avec, au centre, la question de l’incapacité
sacrificielle des femmes. Celle-ci nous paraît fondamentale, intimement
liée à leur incapacité juridique. Dès lors, au terme d’un examen appro-
fondi, nous avons proposé une vision de complémentarité essentielle sur le
modèle du couple divin Jupiter et Junon : « si Jupiter est le dieu souverain
et si l’homme commande tous les leviers des “offices” publics romains, ils
ont besoin de l’accord et de la participation de l’élément féminin pour
que les solutions soient parfaites ». Dans de nombreuses circonstances,
les rôles féminins sont indispensables, aussi indispensables que l’est Junon
aux côtés de Jupiter. Fonder le rôle féminin sur la complémentarité, une
notion qui supporte aussi bien les cas de maîtrise de la situation que ceux
de subordination 2, apparaît comme l’interprétation la plus satisfaisante.
C’est sans doute sur la base et le modèle de la place attribuée aux femmes
dans la société romaine qu’ont été conçues la place et la fonction de Junon.
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12. V. Rey-Vodoz, « Offrandes et rituels votifs dans les sanctuaires de Gaule romaine », in M. Dondin-
Payre et M.-T. Raepsaet-Charlier (dir.), Sanctuaires, pratiques cultuelles et territoires civiques dans
l’Occident romain, Bruxelles, Le Livre Timperman, 2006, p. 219-258.
13. J. Lancha, Recueil général des mosaïques de la Gaule, III, 2, Vienne, Paris, CNRS, 1981, no 368,
p. 215, pl. CXVIa.
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Sacra peregrina
Mater Magna
Juvénal 14, Ovide et d’autres écrivains romains mettent en relation
directe les femmes et les religions « étrangères ». Intéressons-nous tout
d’abord à Mater Magna dont le culte 15 comportait, aux côtés des équiva-
lents masculins, prêtresses, assistantes et dévotes. La divinité, introduite
à Rome en 204 av. notre ère et dont les fêtes « romaines » se situaient en
avril, fut officialisée aussi dans ses fêtes « phrygiennes » de mars dès le règne
de Claude qui pourrait avoir également instauré le taurobole et l’archigal-
lat 16. Colonies et municipes de l’Italie d’abord, des provinces occidentales
ensuite, introduiront Mater Magna dans leur panthéon officiel, en tant que
culte romain, tel qu’il était pratiqué à Rome. Ainsi il est intéressant de savoir
qu’à Rome les femmes assistent 17 aux ludi Megalenses ainsi qu’aux banquets
qui accompagnent les rites et les fêtes. En province, c’est surtout aux iie et
iiie siècles que la documentation est riche, avec des foyers épigraphiquement
importants à Lyon, Lectoure, Narbonne, Die. À côté de simples autels votifs
qui peuvent être élevés pro salute sua et suorum (N-L 156), les célébrations
consistent principalement en tauroboles où officient des prêtresses 18 à côté
des prêtres, prêtresses qui pouvaient être réparties selon une hiérarchie.
Dans les colonies romaines au moins, ces prêtres et prêtresses étaient très
vraisemblablement publics. Les fonctions de la prêtresse ne sont pas bien
connues : on relève cependant qu’elle pouvait assister ou organiser le rite
du taurobole, en compagnie de prêtres masculins ou seule. Les prêtresses
participaient également aux processions, à la lauatio de la déesse, aux quêtes.
Une base de statue de Worms en Germanie supérieure (N 78) est offerte à
Virtus Bellone (déesse 19 pedisequa de Mater Magna) par la probable épouse
d’un prêtre, ce qui pourrait montrer un intérêt du couple dans la pratique
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pérégrines 28, sont assurément des femmes riches pour pouvoir assumer les
frais d’une telle cérémonie qui devait comporter aussi un banquet. Aucune
prêtresse n’est mentionnée 29, tous les rites sont assurés par des acteurs mascu-
lins. Deux phases d’activité apparaissent, fruit du hasard ou évolution dans
les pratiques ? Une première série d’autels date de 176, une seconde de 241.
Dans le premier ensemble aucun dédicant masculin n’est attesté et les
pratiques semblent concentrées dans les mains d’affranchi(e)s. Au iiie siècle,
le milieu social est plus varié et plusieurs autels sont élevés pro salute de
l’empereur et/ou de la famille impériale ce qui montre l’implication publique
du culte, même dans ses manifestations privées.
Un autel de Lectoure, un autre d’Alzey font problème quant à leur
interprétation 30. Selon Wolfgang Spickermann, la dédicante y recevrait
les uires d’un galle émasculé 31. Cette traduction directe est peu probable.
Comme le suggère Françoise Van Haeperen 32, il doit s’agir plutôt de la
réception, des mains d’un des assistants, des uires du taureau comme dans le
cas des autels masculins (ILA Lectoure 13 et 14) ou d’un autre autel féminin
(ILA Lectoure 15) dont la date coïncide avec les fêtes, par ailleurs bien
connues, de mars. Peut-être la dédicante faisait-elle elle-même partie du
« clergé » de Mater Magna, en tant que cernophore, chargée de réceptionner
les uires du taureau dans un récipient approprié, avant leur enfouissement.
La situation à Lectoure est exceptionnelle. La participation féminine au
culte métroaque y domine la documentation. Peut-on en déduire que ce sont
des femmes qui ont introduit 33 la divinité dans la cité ? Cela semble difficile
à admettre même si le premier taurobole a été féminin (ILA Lectoure 3).
La situation inférieure de la femme dans le droit, la vie publique et la société
paraissent exclure la possibilité d’une telle initiative pour une divinité du
culte public. Il reste que le nombre d’autels découverts indique une impor-
tante activité métroaque féminine dans la cité de Lectoure.
Deux autres villes, dans les Germanies, méritent notre intérêt. À Mayence
(Germanie Supérieure) et à Aix-la-Chapelle (Germanie Inférieure) deux
sanctuaires jumelés 34 de Mater Magna et d’Isis sont attestés. Élevé sous
28. ILA Lectoure 9, 10 (un couple), 11, 12 (malgré la notice des ILA).
29. À la différence de Lyon, par exemple (CIL XIII, 1754) ou de Bénévent. Sur ce site où l’importance
des femmes dans le culte est significative, on verra G. Guadagno, « Il ruolo della donna nel culto
della Magna Mater: la documentazione epigrafica di Benevento », in A. Buonopane et F. Cenerini
(dir.), Donne e vita cittadina nella documentazione epigrafica, Faenza, Lega, 2005, p. 183-197.
30. ILA Lectoure 15 (en 239) ; cf. AE 2007, 1047 (en 237, Alzey). La proximité des dates a peut-être
une signification.
31. W. Spickermann, « Women and the Cult… », art. cité, p. 157-160 ; W. Spickermann,
« Initiation… », art. cité, p. 227-230.
32. F. Van Haeperen, Étrangère et ancestrale…, op. cit., p. 31-33.
33. W. Spickermann, « Women and the Cult… », art. cité, p. 156.
34. Pour une interprétation politique de ces temples, voir L. Bricault, « Mater Deum et Isis », Pallas,
84, 2010, p. 265-284 ; L. Bricault, « Les prêtres isiaques du monde romain », in V. Gasparini et
R. Veymiers (dir.), Individuals and Materials in the Greco-Roman Cults of Isis, Leyde, Brill, 2018,
p. 186-189.
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Vespasien 35 (AE 2004, 1014), qui officialisa le culte d’Isis, le double lieu
de culte de Mayence fut dédicacé à nouveau sans doute sous Domitien.
Ses inscriptions (AE 2004, 1015 et 1016) impliquent directement l’empe-
reur, le sénat et l’armée ce qui désigne un culte public. Elles sont élevées
par Claudia Icmas, affranchie de Néron, avec un esclave impérial, sur quels
fonds ? L’inscription d’Aix (AE 2006, 864 = 2007, 1018) associe, elle, au
double temple 36 les Numina impériaux et l’honneur de la maison divine :
c’est à nouveau une femme qui fait la dédicace, Iulia Tiberina, épouse d’un
centurion, ex uoto et de suo.
D’autres sites 37 des Trois Gaules et de Narbonnaise, sans oublier Lyon,
ont conservé des témoins explicites des pratiques métroaques, des tauroboles
souvent dédiés par des femmes. Aussi en Germanie supérieure, le nombre
de traces semble limité mais elles représentent souvent un foyer significa-
tif : temples de Castellum Mattiacorum (CIL XIII, 7281 desservi par des
hastiferi), de Mayence, de Bad Cannstatt (CIL XIII, 6433), de la Saalburg
(CIL XIII, 7458), prêtre(sse) de Worms, cymbale de Grozon (CIL XIII,
5358 qui implique un musicien donc un culte chez les Séquanes), taurobole
d’Alzey (lié à Trèves selon des modalités peu claires : AE 2007, 990).
Se pose la question de base : pourquoi Mater Magna connaît-elle
un tel succès féminin ? La déesse n’a pas de connotation spécifiquement
féminine 38 ; certes elle est protectrice de la castitas comme l’illustre l’épi-
sode de Claudia lors de son arrivée à Rome. Mais la « Mère des dieux » n’a
pas de fonction maternelle et n’a pas de lien avec la fertilité des femmes 39.
Il n’est donc pas évident de proposer une explication, si ce n’est peut-
être les possibilités de participation active aux rites et de fonctions de type
sacerdotal qu’elle permet. Sous l’Empire, « le culte métroaque devint une
expression supplémentaire du polythéisme urbain d’époque impériale,
un culte intégrateur offrant la possibilité à certains (affranchis, esclaves,
[-] femmes) d’exprimer par ce biais leur appartenance à la communauté
civique romaine 40 ».
Il sera intéressant de comparer la situation avec celle d’Isis, puis des
autres divinités du polythéisme.
35. J. Scheid, « Le statut du culte d’Isis à Rome sous le Haut-Empire », in C. Bonnet et al. (dir.),
Les religions orientales dans le monde grec et romain : cent ans après Cumont, Rome, Institut historique
belge, 2009, p. 173-186 ; sur les liens des Flaviens avec Isis, voir F. Colin, « L’Isis “dynastique” et
la Mère des Dieux phrygienne », ZPE, 102, 1994, p. 265-284.
36. Sur la date, voir R. Wiegels, « Die Aachener Weihung des Tiberina an die Mater Deum und Isis »,
Bonner Jahrbuch, 217, 2017, p. 113-122 ; on s’interroge sur l’ampleur du monument qui pourrait
n’être qu’une simple chapelle davantage dans les moyens d’une femme (?).
37. Cf. W. Van Andringa, La religion en Gaule romaine, Paris, Acte Sud, 20172, p. 211-213.
38. F. Van Haeperen, Étrangère et ancestrale…, op. cit., p. 70-75.
39. Ibid., p. 97.
40. L. Bricault, « Les “religions orientales” dans les provinces occidentales sous le Principat », in
Y. Le Bohec (dir.), Rome et les provinces de l’Occident, Nantes, Éditions du Temps, 2009, p. 140-141.
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Isis
41. S. K. Heyob, The Cult of Isis among Women in the Graeco-Roman World, Leyde, Brill, 1975,
p. 81-110.
42. Ibid., p. 53-80 ; cf. F. Mora, Prosopografia Isiaca, Leyde, Brill, 1990, II, p. 1-7.
43. F. Mora, Prosopografia, II, op. cit., en particulier p. 25-27, 113-115, 146-147.
44. L. Beaurin, « Le culte d’Isis dans l’Occident romain : un culte de femmes ? », in B. Amiri (dir.),
Religion sous contrôle. Pratiques et expériences religieuses de la marge ?, Besançon, Presses universitaires
de Franche-Comté, 2016, p. 117-140.
45. Par exemple Servilia Varia : cf. G. Guadagno, « Il ruolo della donna… », art. cité, p. 196.
46. L. Bricault, « Les prêtres isiaques… », art. cité, p. 162, 175-186.
47. CIL IX, 1153 ; A. Alvarez Melero, Matronae equestres. La parenté féminine des chevaliers romains
originaires des provinces occidentales sous le Haut-Empire romain, Bruxelles/Rome, Institut historique
belge de Rome, 2018, p. 285, no 179 ; 168-169, 171-172 ; F. Colin, « L’Isis “dynastique” », art.
cité, p. 290-291.
48. Apulée, Métamorphoses, 11, 9.
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Polythéisme romain
Généralités
Estimer la place des femmes dans les pratiques religieuses au départ des
dédicaces épigraphiques constitue une tâche difficile dans la mesure où cela
implique de s’intéresser à l’ensemble de la documentation, tant masculine
que féminine. Il convient donc de cibler la recherche sur quelques ensembles
qui serviront de tests.
Plusieurs études offrent un premier regard sur la problématique générale.
L’ouvrage de Wolfgang Spickermann, d’abord, qui en 1994 a examiné les
dédicaces féminines des provinces des Gaules, Germanies et Rhétie montre
que les inscriptions émanant des femmes représentent une faible propor-
tion 60 de l’ensemble de la documentation : de l’ordre de 12 % (auquel on
ajoutera 4 % d’épigraphes émanant de couples). Ce pourcentage même doit
être nuancé car la Narbonnaise procure une somme nettement supérieure
à celle des autres provinces, ce que l’auteur explique par une plus profonde
romanisation 61.
Une deuxième recherche, due à Audrey Ferlut, a porté en 2011 sur
les divinités féminines de Gaule Belgique et Germanies 62. L’intérêt de cet
examen reposait sur une focalisation plus précise sur un groupe de provinces
ayant davantage de points communs dans leur histoire et leur développe-
ment dans la romanité et, en même temps, en ciblant une catégorie de
divinités. Globalement, ses résultats sont très proches de ceux de Wolfgang
Spickermann avec une proportion 63 de dédicaces féminines de l’ordre de
13 %.
Deux travaux de Nicolas Mathieu 64 apportent des informations
complémentaires : un tableau synthétique des dévots de Mercure et un
catalogue des dédicaces féminines de Narbonnaise ; de même l’enquête
60. W. Spickermann, „Mulieres ex voto“…, op. cit., p. 378-386.
61. Ibid., p. 451-456.
62. A. Ferlut, Le culte des divinités féminines en Gaule Belgique et dans les Germanies sous le Haut-Empire
romain, thèse, Lyon, université Lyon 3, 2011 ; A. Ferlut, « Celtic Goddesses from Gallia Belgica
and the Germaniae », in R. Haeussler et A. King (dir.), Celtic Religions in the Roman Period,
Aberystwyth, Celtic Studies Publications, 2017, p. 364-386.
63. A. Ferlut, Le culte des divinités féminines…, op. cit., p. 320.
64. N. Mathieu, « Dévots de Mercure en Gaule Lyonnaise, Belgique et dans les Germanies », in
M.-F. Baslez et F. Prévot (dir.), Prosopographie et histoire religieuse, Paris, de Boccard, 2005,
p. 221-241 et 423-448 ; N. Mathieu, « Des divinités et des femmes. Enquête sur les dédicaces
religieuses (privées) des femmes en Narbonnaise d’après les inscriptions », in C. Chillet,
C. Courrier et L. Passet (dir.), Arcana imperii. Mélanges Yves Roman, Paris, de Boccard, 2015,
p. 369-440.
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LES FEMMES ROMAINES ET LEUR PLACE DANS LES PRATIQUES RELIGIEUSES
Quels dieux pour les femmes ? Après Mater Magna et Isis, pour lesquelles
la proportion d’attestations d’activités féminines est relativement forte,
scrutons quelques ensembles régionaux afin de déterminer si d’autres divini-
tés se détachent et si certains critères se révèlent pertinents.
Gallia Belgica
65. I. Fauduet, « Divinités honorées dans les sanctuaires des Trois Gaules, témoignages épigraphiques »,
in R. Haeussler (dir.), Romanisation et épigraphie, Montagnac, M. Mergoil, 2008, p. 95-109.
66. A. Ferlut, « Les déesses gallo-romaines de Gaule Belgique et leurs dédicants », in K. Matijevic
(dir.), Kelto-Römische Gottheiten und ihre Verehrer, Rahden, Verlag Marie Leidorf, 2016, p. 121-157.
La géographie adoptée par l’auteure inclut les Lingons de Germanie supérieure mais exclut la
Zélande de la cité des Ménapiens.
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Germanie inférieure
67. A. Ferlut, « Les déesses gallo-romaines de Gaule Belgique… », art. cité, p. 127.
68. N. Mathieu, « Dévots de Mercure… », art. cité, p. 225 ; 424.
69. W. Spickermann, „Mulieres ex voto“…, op. cit., p. 326-361.
70. M.-T. Raepsaet-Charlier, « Les Matrones ubiennes et la colonie agrippinienne », in F. Fontana
et E. Murgia (dir.), Sacrum facere, V. Sacra peregrina, La gestione della pluralità religiosa nel mondo
antico, Trieste, Edizioni Università di Trieste, 2019, p. 167-191.
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LES FEMMES ROMAINES ET LEUR PLACE DANS LES PRATIQUES RELIGIEUSES
concerne aussi les femmes mais, on le constate, ce ne sont pas ces positions
et protections publiques qui retiennent la piété féminine, peut-être parce
que ces fonctions étaient jugées viriles par nature malgré leur affectation à
des déesses.
Il faut toutefois se garder d’un avis trop rapide, fondé sur la seule épigra-
phie. En effet, l’étude de Peter Noelke 71 sur les représentations de sacrifices
sur les monuments religieux de la province montre un autel des Matrones
Aufaniennes (N 173) dédié par un homme, T. Iulius Titianus. Sur les faces
latérales, deux femmes sont représentées. Une jeune fille et une matrone
portant la coiffe ubienne caractéristique des notables. Incontestablement
deux dévotes associées dans le culte mais non mentionnées sur l’inscription.
Peter Noelke fait en effet remarquer que la tenue de ces femmes se distingue
de celle des « Kultdienerinnen 72 » et que les reliefs figurent sans doute
l’épouse et la fille du dédicant. De telles images sont rares. Elles doivent
cependant être prises en compte pour une perception exacte de la partici-
pation féminine à la dévotion aux Matrones.
Il faudrait aussi élargir l’enquête. Les divinités féminines ne sont pas les
seules à retenir l’attention des femmes. Ainsi, par exemple, le sanctuaire 73
de Bornheim-Sechtem/Hemmerich, sur le territoire de Cologne, a conservé
une série de dédicaces à Mercure 74. La majorité émane de femmes.
On associe habituellement Mercure aux commerçants et aux voyageurs 75.
Pour ces dévotes de Germanie 76, il devait aussi revêtir d’autres fonctions
en rapport avec les spécificités féminines qu’il faut peut-être rechercher
dans les cultes germaniques. Une des inscriptions présente une interpretatio
Mercurius Hranno (forme de Wodan) et les reliefs, une association figurée
avec une divinité féminine, bien qu’aucune dédicace ne soit explicitement
adressée à une parèdre ; les formules comprennent le voeu mais aussi ex uisu
monita, ex imperio, cum suis, des expressions qui sont fréquentes vis-à-vis de
divinités locales. D’après la forme de leurs noms, les dédicantes paraissent
des indigènes romanisées. On notera aussi un relief exceptionnel (fig. 2) qui
montre les deux dédicantes, Iulia Tertia et Iulia Nativa, devant un autel,
71. P. Noelke, « Weihealtäre mit Opferdarstellungen und -bezügen in der Germania inferior und
den übrigen Nordwestprovinzen des Imperium Romanum », Jahrbuch des Römisch-Germanischen
Zentralmuseums Mainz, 58, 2011, p. 467-590 spéc. p. 541, fig. 57 ; 545.
72. Pour celles-ci, voir par exemple ibid., p. 471, fig. 3c.
73. G. Bauchhenss, « Mercurius in Bornheim », Bonner Jahrbuch, 188, 1988, p. 223-238 ;
W. Spickermann, Germania inferior, Tübingen, Mohr Siebeck, 2008, p. 84-85, 193 ;
W. Spickermann, „Mulieres ex voto“…, op. cit., p. 316-318.
74. CIL XIII, 8151, 8152, 8154 ; 8234 = IKöln2 171 ; AE 1988, 895 ; 896 ; seul CIL XIII, 8153 est
dédié par un homme.
75. W. Van Andringa, La religion en Gaule romaine, op. cit., p. 150-153. Pour G. Wissowa, Religion
und Kultus der Römer, Munich, 19122, p. 304-306, Mercure romain est un « Handelsgott » tandis
que Mercure associé à Maia/Rosmerta constitue une « einheimisches Götterpaar » dont il ne détaille
pas les fonctions.
76. Le culte masculin de Mercure est très représenté dans la province. Une seule autre dédicace féminine,
à Cologne, également à une version du dieu interprétée localement, AE 2012, 976.
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faisant une libation (?), en compagnie d’un homme qui assure le service
du sacrifice. L’originalité de l’image et celle du type d’autel sont soulignées
par Brigitte et Hartmut Galsterer dans leur édition, faisant un rappro-
chement avec l’autel dédié à Vagdavercustis 77 par un préfet du prétoire de
Marc Aurèle (CIL XIII, 12057 = IKöln2 207). Cela donne à penser que ce
lieu de culte constituait un site particulier, peut-être même dans le culte
public de la colonie agrippinienne.
77. Cette divinité pourrait avoir fait partie du culte public de la colonie de Xanten (W. Spickermann,
Germania inferior, op. cit., p. 48-50 ; 125-127). Elle ne reçoit aucune offrande épigraphique
féminine.
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Germanie supérieure
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assimilée à Proserpine 87 (AE 1978, 537), bien implantée dans les Champs
Décumates 88, ne connaît que trois dédicaces féminines sûres (CIL XIII,
6322, 6359, 6348 ?, N-L 160). Viroddis, siue Lucena, doit être une variante
orthographique de Viradechtis, divinité protectrice du pagus Condrustis chez
les Condruses (cité des Tongres). Son identification avec Lucina, épiclèse de
Junon, bien qu’elle apparaisse dans une dédicace masculine, en fait, outre
un numen pagi germanique célébré par des militaires et des marchands
(CIL XIII, 8815 ; RIB 2108), une divinité des femmes et de l’accouche-
ment qui justifie son culte féminin (ILB 51 et CIL XIII, 6486). Quant
aux Suleuiae et Matres, on relèvera leur succès féminin très relatif, avec 4 et
2 occurrences sans foyer précis. Les seules approches du culte impérial se font
par l’intermédiaire de l’honneur à la domus diuina qui est assez fréquent. Par
contre les Numina impériaux ne reçoivent aucune dédicace féminine non
plus que des divinités « Augustes 89 ». La seule dédicace de flaminique 90 est
attestée à Nyon, adressée à Jupiter (CIL XIII, 5002).
Les femmes qui font des dédicaces appartiennent à tous les milieux
sociaux : on trouve des citoyennes, les plus nombreuses, des pérégrines
(p. ex. CIL XIII, 6025), des affranchies (p. ex. F 102), des esclaves (p. ex.
CIL XIII, 11695) et aussi des épouses et filles de décurions (p. ex. CIL XIII,
7352, 6733), voire de sénateurs en poste dans la province (CIL XIII, 7253,
AE 2004, 1018). On ne peut pas associer pérégrines et cultes locaux, l’éven-
tail est bien plus large. Quant au formulaire, il faut constater une parti-
cularité que l’on pourra souligner ailleurs : les dédicaces féminines sont
souvent effectuées au bénéfice d’autres personnes : pro filio, pro filis, pro
salute. Ainsi Antonia Postuma, épouse d’un légat de légion, a offert une
statue à la Diana Mattiaca de Wiesbaden pro salute filiae suae (AE 1966,
263), dans une conception de la divinité qui est plus proche de la Diane des
femmes romaines 91 que de celle de la déesse des confins assimilée à Abnoba,
honorée, elle, par des hommes (CIL XIII, 6283, 6326, 6356, 11746 ;
AE 1984, 701 ; 1995, 1160 ; 1995, 1157). Le même type de formulation
se rencontre aussi pour Hercule, dans sa fonction de protecteur Inuictus,
bien que l’épiclèse ne soit pas mentionnée : il est honoré à Mayence (pro)
filis par Valeria Sperata (6693) et pro se et Ingena (filia ?) par Victoria Martia
(6693a), seules occurrences pour une vingtaine dans la province, à l’exclu-
sion du dieu Saxanus des carrières.
87. Il nous paraît inapproprié de la qualifier de « Muttergottheit », W. Spickermann, Germania superior,
Tübingen, Mohr Siebeck, 2003, p. 459.
88. Ibid., p. 316, 326, 338, 456, 459, 463, 480.
89. Exception Damona Augusta à Bourbonne, honorée par une mère et son fils (CIL XIII, 5921) ;
on peut supposer que cette plaque de bronze était fixée sur un objet ou un monument dont
l’installation dans l’espace public du « grand sanctuaire » avait requis l’octroi officiel d’un locus.
90. W. Spickermann, « Priesterinnen… », art. cité, p. 220-221, no 53.
91. N. Boëls-Janssen, Vie religieuse, op. cit., p. 417-427. Une prêtresse de Diane à Antibes (ILN 2,
15 ; cf. no 14).
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Narbonnaise
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Éléments de synthèse
Peut-on parvenir à quelques généralités applicables à la participation
féminine aux cultes d’après l’épigraphie dans les régions envisagées malgré
la grande hétérogénéité des données ? Le panthéon, en tout cas, est très
diversifié d’une province à l’autre. Un point commun, la pratique votive,
très répandue. Sur le plan social, toutes les catégories sont concernées et
les dévotes proviennent des villes comme des territoires avec des modalités
régionales.
99. A. Buisson, « Un monument dédié aux Proxsumae retrouvé dans la vallée du Rhône », Revue
archéologique de Narbonnaise, 30, 1997, p. 269-280.
100. Cf. W. Spickermann, « Priesterinnen im Römischen Gallien… », art. cité, p. 226 ;
E. A. Hemelrijk, « Priestesses of the Imperial Cult… », art. cité, p. 88-92.
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101. Il existe de rares exceptions (p. ex. ILA Santons 108, mais peut-on parler de culte public ?).
102. Une remarque toutefois : les Iunones sont parfois associées au culte impérial (p. ex. CIL XIII,
914, 1373, 1374, 4704 ; N 8 ; CIL XII, 4101 ; AE 2002, 1038), mais elles sont relativement peu
célébrées par des femmes dans les provinces concernées. La même caractéristique ne se rencontre
pas pour les Proxumae.
103. Maia, en tout cas, ne présente pas de fonction spécifiquement féminine qui serait liée à la
fécondité : cf. F. Van Haeperen, « Penser une divinité romaine peu connue, Maia », à paraître.
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104. D’autres sites dans I. Fauduet, « Divinités honorées dans les sanctuaires des Trois Gaules », art.
cité, p. 106-107 ; récemment AE 2011, 760.
105. W. Van Andringa, La religion en Gaule romaine…, op. cit., p. 153.
106. M.-T. Raepsaet-Charlier, « La place des femmes dans la religion romaine », art. cité, p. 203-206.
107. W. Van Andringa, La religion en Gaule romaine…, op. cit., p. 23.
108. Sur les liens étroits entre les pratiques locales et les grands dieux romains, ainsi que sur la variété
des hiérarchies religieuses topiques, ibid., p. 166-169.
109. E. Deniaux, « Les dédicants du trésor du sanctuaire de Berthouville », in M. Dondin-Payre et
M.-T. Raepsaet-Charlier (dir.), Sanctuaires…, op. cit., p. 271-295.
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Conclusion
Si on se souvient que l’exercice des rites ne se limitait pas à l’usage
épigraphique, la participation féminine aux différents cultes du polythéisme
antique se révèle relativement restreinte dans ses formes visibles, dans une
même complémentarité que les grandes liturgies et prêtrises romaines 111,
comme en témoigne notamment le nombre important de dédicaces de
couples qui mettaient la femme au rang des dévots au même titre que
son mari, voire son père ou son fils. Complémentarité et non margina-
lité car les dévotions féminines tenaient assurément une place significa-
tive dans l’ensemble des pratiques religieuses, sans toujours, sans doute,
prendre la forme épigraphique. Certains cultes révèlent une forte impli-
110. Peut-on parler de réseau dans le cas de l’inscription d’Altrip chez les Vangions où un couple
d’esclave/affranchie publics de la cité offre une statue de Diane à Mater Deum et aux Numina
loci (N 75) ?
111. Cf. M.-T. Raepsaet-Charlier, « La place des femmes dans la religion romaine », art. cité,
p. 206-215.
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