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ORDONNANCE REPUBLIQUE DU BENIN

N°004/18/CPP1/TCC
du 28 Mars 2018 TRIBUNAL DE COMMERCE DE COTONOU

------------------- PREMIERE CHAMBRE DES PROCEDURES


PRESIDENTIELLES
RÔLE GENERAL
BJ/TCC/2018/0094 L’an deux mil dix-huit
Et le vingt-huit mars ;

Société NEXUS SARL Nous, William KODJOH-KPAKPASSOU, Président du Tribunal


(Mes Alain OROUNLA & de Commerce de Cotonou, statuant en qualité de Président
Jeffrey GOUHIZOUN)
Première Chambre des Procédures Présidentielles, assisté de
Maître Hervé ADOUKONOU, Greffier, avons rendu l’ordonnance
C/ dont la teneur suit :

Société AMEROPA AG LES PARTIES EN CAUSE


(Me Maximin POGNON)
DEMANDERESSE :
Société NEXUS SARL, dont le siège social est sis à Cotonou,
carré N°204-C, quartier Gbeto, 06 BP 2024 Cotonou, agissant aux
OBJET : Rétractation
d’ordonnances poursuites et diligences de son Gérant Sanny MOUKAILA,
demeurant et domicilié es-qualité au siège de ladite société,
assistée de Maîtres Alain OROUNLA et Jeffrey GOUHIZOUN,
Avocats à la cour ;
D’UNE PART
DEFENDERESSE :

Société AMEROPA AG, dont le siège social est sis en suisse


REBGASSE 108 CH-4102 BINNINGEN Switerland, prise en la
personne de son Directeur Général Andreas ZIVY, demeurant et
domicilié es-qualité audit siège, assistée de Maitre Maximin
POGNON, Avocat à la cour ;
D’AUTRE PART

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La société NEXUS SARL et la société AMEROPA AG entretiennent
des relations d’affaires qui sont matérialisées par divers contrats,
notamment deux conventions en date des 23 mai 2017 et 26
septembre 2017, relatives à l’importation de riz vietnamien et à sa
commercialisation au Bénin ; le contrat des parties prévoit qu’« en
cas de litige les parties conviennent d’utiliser les procédures
adéquates de règlement amiable. Si aucune solution n’est
trouvée, le litige sera soumis aux tribunaux compétents à Londres
selon GAFTA 125 » ;
Arguant du fait que la société NEXUS n’a pas honoré son
obligation de payer le prix des conteneurs de riz débarqués au
port de Cotonou et que cette marchandise est menacée de dépôt
en douane, la société AMEROPA a obtenu du Président du tribunal
de commerce de Cotonou, les ordonnances n° 003/2018 du 11
janvier 2018 et n° 009/2018 du 25 janvier 2018, l’autorisant à
reprendre lesdites marchandises, en se prévalant de la clause de
réserve de propriété stipulée à son profit dans les conventions
susdites ;

En vertu de ces ordonnances signifiées à la société NEXUS suivant


exploits des 12 et 29 janvier et 2017, la société AMEROPA a repris
les quantités de de riz dont le prix n’a pas été payé par sa
cocontractante ;

Par exploit en date du 06 mars 2018, la société NEXUS a attrait la


société AMEROPA devant le Président du tribunal de commerce de
Cotonou en sollicitant qu’il lui plaise de rétracter les ordonnances
n° 003/2018 du 11 janvier 2018 et n° 009/2018 du 25 janvier
2018 et d’enjoindre à la société AMEROPA de « restituer et de
retourner la cargaison de riz enlevée », sous astreinte de dix
millions (10.000.000) de francs CFA par jour de retard ;

La société NEXUS prie la juridiction d’assortir la présente décision


de l’exécution provisoire sur minute avant enregistrement ;

En réplique, la société AMEROPA demande au tribunal de rejeter


lesdites prétentions ;

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MOYENS DE LA SOCIETE NEXUS SARL

Au soutien de ses prétentions, la société NEXUS développe que


les conventions signées entre elle et la société AMEROPA
contiennent une clause compromissoire donnant compétence aux
tribunaux de Londres selon les règles de la GAFTA, tant pour les
mesures conservatoires que pour les décisions de fond, de sorte
que les ordonnances querellées ont été rendues en violation de
l’accord des parties ;

Qu’en outre, lesdites conventions sont conclues sous condition de


joint-venture, traduisant ainsi l’intention des parties de travailler
en partenariat dans la commercialisation et la distribution du riz
au Bénin, dans le but de partager les fruits qui en résulteraient, à
parts égales ;

Que la reprise des marchandises par le vendeur n’est pas possible


au regard de cette stipulation contractuelle ;

Qu’à la faveur de l’autorisation de reprendre les marchandises, la


société AMEROPA a entrepris, en violation des règles relatives à la
propriété intellectuelle, de les distribuer sur le marché béninois,
alors que la cargaison de riz a été emballée sous la marque
« SUPREME RICE » dont elle est propriétaire ;

Qu’il y a lieu de rétracter les ordonnances n° 003/2018 et n°


009/2018 ;

MOYENS DE LA SOCIETE AMEROPA

La société AMEROPA fait valoir que les parties ont convenu que
l’acheteur paye à la banque du vendeur le prix de la marchandise
contre remise des documents correspondant au montant payé,
pour lui permettre d’en prendre livraison et que le vendeur
bénéficie d’une réserve de propriété sur les marchandises dont le
prix n’est pas payé ;

Que sur une commande de trois mille cinq cent (3500) tonnes de
riz, la société NEXUS n’a payé que le prix correspondant à trois
mille (3000) tonnes et en a effectivement pris livraison, de sorte
cinq cent (500) tonnes sont restées au port de Cotonou et

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menacées de mise en dépôt douane ;

Que pour une autre commande de 2000 et 337,25TMS, la société


NEXUS n’a ni payé la caution de garantie de bonne exécution
stipulée aux contrats ni le prix des marchandises mises à sa
disposition, alors que les surestaries augmentent de façon
exponentielle et que les marchandises risquent de tomber en
dépôt douane ;

Que de guerre lasse, elle a adressé à la société NEXUS une


sommation de payer et d’avoir à prendre livraison, par exploit du
12 janvier 2018, laquelle est restée sans effet, alors que les
surestaries et autres frais portuaires ne cessaient d’augmenter,
avec le risque d’une mise en dépôt douane des marchandises ;

Que c’est face à cette situation qu’elle a sollicité et obtenu les


ordonnances querellées, en application de la stipulation de l’article
10 des deux conventions liant les parties qui prévoit la réserve de
propriété à son profit ainsi que des dispositions de l’article 77 de
l’Acte Uniforme portant organisation des sûretés ;

Que c’est à bon droit que lesdites ordonnances ont été rendues,
en ce que l’article 13 de l’Acte Uniforme relatif à l’arbitrage donne
compétence au juge étatique pour prendre des mesures
provisoires en cas d’urgence ;

Qu’elle ne saurait prendre le risque de distribuer des


marchandises emballées sous l’étiquetage de la société NEXUS,
sans les reconditionner au préalable, au risque de subir une
saisie-contrefaçon ;

Qu’il y a lieu de rejeter la demande de rétractation des


ordonnances n° 003/2018 et 009/2018 ;

SUR LA DEMANDE EN RETRACTATION

Attendu qu’il est de droit établi, que l'existence d'une convention


d'arbitrage ou d’une clause attributive de juridiction ne fait pas
obstacle à ce qu'à la demande d'une partie, une juridiction
étatique, en cas d'urgence reconnue et motivée, ordonne des
mesures provisoires ou conservatoires dès lors que ces mesures

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n'impliquent pas un examen du différend au fond pour lequel seul
le tribunal arbitral est compétent ;

Que lorsqu’il est saisi aux fins de mesures provisoires ou


conservatoires, le juge étatique de l’urgence, appréciant les
circonstances constituant l’urgence, ne s’écarte point des
stipulations contractuelles ;

Attendu que dans le cas d’espèce, la société AMEROPA et la


société NEXUS ont respectivement les qualités de vendeur et
d’acheteur, en ce qu’il est stipulé dans chacune des conventions
en date des 23 mai 2017 et 26 septembre 2017 relatives à
l’importation de riz vietnamien et à sa commercialisation au Bénin,
que « la Société AMEROPA AG vend à NEXUS BENIN qui accepte
d’acheter…. » ;
Que les parties ont également convenu à l’article 10 des
conventions en date des 23 mai 2017 et 26 septembre 2017, que
« le vendeur gardera la propriété de la marchandise jusqu’au
complet paiement de ladite marchandise par l’acheteur. Toutefois
tout paiement partiel entraine en même temps un transfert de
propriété de la quantité de marchandise correspondante. Le
payement des droits de douane sur la marchandise ne donne
aucun droit de propriété sur la marchandise tant qu’elle n’est pas
payée au vendeur/partenaire » ;
Qu’il résulte de l’édifice contractuel ainsi conçu, que la propriété
des marchandises objet de transactions demeure à la société
AMEROPA, sous réserve de paiement du prix correspondant par la
société NEXUS ;

Attendu que c’est dans ce contexte que diverses quantités de riz


débarquées par conteneurs au port de Cotonou le 08 décembre
2017 sont restées non payées et que leur séjour prolongé dans
l’enceinte portuaire faisait encourir au vendeur, la société
AMEROPA, le paiement de surestaries à partir du 29 décembre
2017 ainsi que le risque d’une entrée en dépôt douane ;

Que face à cette situation constituant un péril imminent et dont la


société AMEROPA a saisi la société NEXUS, celle-ci n’a pu

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procéder à leur enlèvement ;

Que sommé par la société AMEROPA, par exploit du 12 janvier


2018, de payer le prix desdites marchandises et d’en prendre
livraison, la société NEXUS a déclaré « nous prendrons livraison
des marchandises mais pas sous contrainte » ;
Attendu que dans ces conditions, le juge étatique de l’urgence du
tribunal de commerce de Cotonou, siège de l’opération de
livraison, est fondé à prendre les mesures provisoires ou
conservatoires que requièrent ces circonstances, en l’occurrence,
la reprise des marchandises par le vendeur bénéficiaire de la
réserve de propriété ;

Que le fait que les parties aient prévu dans leur contrat que
« l’acheteur et le vendeur se sont mis d’accord de travailler
ensemble en tant que partenaire et de distribuer le riz dans le
marché du Bénin et pays voisins et de partager le fruit de la vente
(perte ou profit) à part égale (50/50) », n’a pas d’effet sur la
clause de sûreté constituée par la réserve de propriété ;

Que la société NEXUS est donc mal fondé en droit à contester la


régularité et le bien-fondé des ordonnances n° 003/2018 du 11
janvier 2018 et n° 009/2018 du 25 janvier 2018 qui ont permis à
la société AMEROPA de reprendre les marchandises dont elle est
restée propriétaire et qui étaient menacées de mesures de
sanction douanière et portuaire ;

Qu’il convient de la débouter de sa demande en rétractation


desdites ordonnances et de celles subséquentes, en la
condamnant aux dépens ;

PAR CES MOTIFS


Statuant publiquement, contradictoirement, en référé commercial
et en premier ressort ;

Déclarons la société NEXUS SARL mal fondée en ses contestations


élevées contre les ordonnances n° 003/2018 du 11 janvier 2018
et n° 009/2018 du 25 janvier 2018 rendues par le Président du
tribunal de commerce de Cotonou, relatives à la reprise de

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marchandises par la société AMEROPA AG ;

Déboutons la société NEXUS SARL de toutes ses demandes ;

La condamnons aux dépens.

Ont signé

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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