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René Magritte, La trahison des Images, 1929

Huile sur toile, 60 x 81 cm, LACMA, Los Angeles

Problématique : En quoi, cette œuvre de René Magritte représente-t-elle le mouvement du


surréalisme ?

Plan :

Introduction

I. Magritte se joue des spectateurs


a. Contexte et inspirations
b. Les jeux selon les surréalistes et d’après Magritte
c. Une manipulation mentale
II. Une oeuvre qui questionne notre perception de la réalité
a. Une réalité faussée
b. Freud et la psychanalyse, l’inspiration des surréalistes
c. Une remise en question du réel

Conclusion

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Bibliographie :

- Paul Aron et Jean Pierre Bertrand, Les 100 mots du surréalisme du surréalisme,
Presses universitaires de france, Que sais-je ?, 2014
- Michel Draguet, Magritte, Gallimard, Folio biographies, 2014
- Patrick Hollender, René Magritte. La trahison des images, le visible caché dans L’art
et la sublimation, Champ social, Psychanalyse, 2020
- Alice Massat, La trahison des images, Ce qu’est une pipe. René Magritte, Revus
Lacanienne, 2017, n°18, p. 294 à 296.
- https://artshortlist.com/fr/journal/article/trahison-des-images-magritte
- https://yoannhervey.com/2015/09/08/ceci-nest-pas-un-article-a-propos-de-ceci-nest-p
as-une-pipe-de-michel-foucault/
- https://www.beauxarts.com/grand-format/rene-magritte-en-2-minutes/
- https://collections.lacma.org/node/239578
- https://www.cosmopolitan.fr/,tout-comprendre-sur-la-psychanalyse-freudienne,19665
10.asp
- https://www.esprit-de-france.com/fr/article/magritte-la-trahison-des-images

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La trahison des images est une peinture réalisée par René Magritte en 1929 en Belgique.
Cette huile sur toile de format rectangulaire mesurant 60 x 81 cm est actuellement conservée
au Los Angeles County Museum of Art ou plus simplement le LACMA. Deux expositions
ont été présentées sous le même titre de l'œuvre, une au LACMA de 2006 à 2007 et l’autre au
Centre Georges Pompidou de 2016 à 2017, affichant cette œuvre comme la pièce maîtresse
de l’exposition. René Magritte, né en 1898 et mort en 1967, est un peintre belge associé au
surréalisme. Le surréalisme est un courant d’avant-garde, qui comme le Dadaïsme s’est formé
à partir d’un esprit de révolte. En effet, ce mouvement se caractérise par son opposition à
toute forme d’autorité et pour son hostilité envers les valeurs sociales et morales ainsi qu’à la
logique de toutes choses. Ce tableau est le fruit d’un long travail de recherche autour des
images et des mots et c’est dans ce contexte que Magritte a réalisé cette œuvre. Nous nous
demanderons donc en quoi, cette œuvre de René Magritte représente-t-elle le mouvement du
surréalisme ? Tout d’abord, dans une première partie, nous constaterons que Magritte
s’amuse des spectateurs. L'œuvre surréaliste serait prétexte à un jeu entre l’artiste et le
spectateur pour l’orienter dans sa réflexion. Puis, dans une seconde partie, nous analyserons
cette œuvre comme le moyen de questionner notre perception de la réalité.

I. Magritte se joue des spectateurs

a. Contexte et inspirations

Dans ses travaux, Magritte se tourne vers des thématiques tournant autour du mystère, de
l’énigmatique. Il s’inspire surtout de poésie et de philosophie, notamment du fameux
Nietzsche, ou encore de l’allégorie de la caverne (petite explication), pour réaliser cet effet
curieux dans ses œuvres. Il souhaite que la peinture serve à autre chose que la peinture, et
pour cela, il décide d’user de l’image poétique et des expressions métaphoriques afin de créer
une véritable révolution de la représentation dite conventionnelle des objets. En dehors de
tout ça, le peintre précise dans des explications qu'il “est moins question de déconstruire le
langage que d'exhumer de chaque objet”, mais précise tout de même que le processus ne
fonctionne pas avec n’importe quel objet. Pour La Trahison des images, il a étudié les
rapports possibles entre les mots et les images. L’une des ses études pour ce tableau date de
1926, et il s’agit d’une représentation d’une pipe sous trois formes différentes : sous forme
figurative, sous forme de mot et sous forme abstraite. Un an plus tard, il peint le tableau La

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Clé des songes dans laquelle est représenté quatre objets différents sous-titrés d’une légende,
chacun dans une case bien distinctes. La particularité de ce tableau est que seule une image
sur les quatres correspond au titre qui lui est attribué. Il a fait plusieurs essais avec des mots
et des objets différents. Cette étude se rapproche énormément au tableau final de Magritte,
avec l’idée d’association d’objets et de mots.

b. Les jeux selon les surréalistes et d’après Magritte

L’univers artistique de Magritte et des différents surréalistes se présente sous forme de jeu.
Leur jeu principal est basé sur la manipulation des mots. Ils transforment le langage à leur
avantage, pour rendre confus les spectateurs de leurs œuvres. Ils s’amusent aussi en jouant
avec les métaphores, et s’inspirent de jeux auxquels tout le monde a déjà joué, comme par
exemple le cadavre exquis. En effet, ce jeu a pour but de mélanger des images ou bien des
mots qui, d’un point de vue objectif, ne font pas de sens ensemble, mais de par cette
réalisation, donne un résultat tout à fait unique. Magritte utilise ces jeux afin de transformer
la nature de l’évidence et rendre confus les spectateurs face à ces troublantes impressions. En
mettant les spectateurs dans un état de réflexion, et comme la perception de chaque spectateur
est différente, Magritte transforme sa peinture en jeu collectif. Le public essaie absolument de
résoudre cette énigme en étant persuadé qu’il y a une explication précise, quand en réalité, la
“ réponse” est très floue et vague, surtout que Magritte veut que les spectateurs se fassent leur
propre avis sur la question. Le peintre joue avec la conscience et l'inconscience de son public.

c. Une manipulation mentale

Ici, le but de Magritte est de mettre en relation des objets spécifiques qui feraient “ surgir une
signification que la conscience aurait perdue de vue”. Il cherche à casser les codes pour
rendre confus les spectateurs, et les pousser à réfléchir. C’est avec cette structure énigmatique
particulière à Magritte que la relation à l’objet va être remise en question, et la relation au
langage, elle, finit par être déconstruite complètement. Il utilise son art de la dissimulation
pour manipuler son public et le pousser à trouver la signification cachée du tableau, s’il il y
en a bien une. La peinture peut être suspectée d’essayer de nous éloigner du vrai, car les
apparences, les images peuvent être trompeuses, ce qui met le public en méfiance, le poussant
donc constamment à se demander si le tableau a une signification plus poussée ou s’il s’agit
d’un piège. Les spectateurs se retrouvent alors pris dans le filet de Magritte sans s’en être

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rendus compte. Il s’amuse avec les limites du subconscient, créant ainsi une brèche dans
l’univers de notre esprit, et brisant ainsi toutes certitudes sur notre capacité à visualiser notre
monde.

II. Une oeuvre qui questionne notre perception de la réalité

a. Une réalité faussée

Ce tableau nous montre une pipe qui apparaît comme un objet réel. Elle est extrêmement
détaillée et on pourrait la confondre avec une vraie pipe mais la légende nous indique le
contraire : “ceci n’est pas une pipe”. L’image, sous nos yeux, n’est donc pas une pipe et, en
donnant ce titre à l'œuvre, nous dissuade de penser qu'il s'agit d’une pipe. Le spectateur peut
donc remettre en question sa manière de “voir” l’œuvre de Magritte et entame ainsi une
réflexion sur ce qu’est une pipe et ce qui ne l’est pas. Le spectateur peut alors se demander ce
que l’artiste a voulu exprimer à travers ce tableau et s’interroger sur la raison de la présence
de la légende “ceci n’est pas une pipe”. Elle permet également de se questionner sur la
démarche de l’artiste. Magritte invite le spectateur à se servir de son imagination et à pousser
ses propres interprétations et conclusions sur cette fausse pipe. Magritte nous présente donc
une pipe qui ne pourra jamais être utilisée et être fumée. Cette objet n’est donc que “la
représentation d’un objet” car ce n’est pas l’objet en lui-même. On peut donc se référer aux
travaux de Ferdinand de Saussure qui a conçu le concept du signifié et du signifiant. Le
signifié serait “ un contenu sémantique (ou concept) du signe linguistique, manifesté
concrètement par le signifiant, ici la légende “ceci n’est pas une pipe” et le signifiant serait
“une forme concrète (image acoustique ou symboles graphiques) du signe linguistique,
renvoyant arbitrairement à un concept, le signifié, ici la pipe. On peut faire un parallèle avec
un autre artiste, Salvador Dali, qui reprend ce thème avec son œuvre Visage de Mae West.
Dans cette œuvre, Dali a associé meubles et parties du visage de cette actrice. Par exemple,
le canapé est en forme de bouche, les cheveux sont des rideaux, le nez est représenté par une
cheminé et il y a deux tableaux pour les yeux. Nous pouvons donc remarquer qu’ici les
cheveux sont associés aux rideaux, pourtant les rideaux ne sont pas des cheveux.

b. Freud et la psychanalyse, l’inspiration des surréalistes

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Dans son ouvrage Manifeste du surréalisme, André Breton conçoit le surréalisme comme une
exploration de l’inconnu, comme l’expression du “fonctionnement réel de la pensée”. Pour
cela, l’écrivain ou le peintre doit supprimer ce que la raison lui impose et créer en toute
liberté. Breton ajoute également que le surréalisme est comme un “automatisme psychique
pur” permettant d’exprimer la réalité de ses pensées, sans censure, que ce soit par l’écriture,
le dessin ou de toute autre manière. C’est aussi un moyen de connaissance pour explorer des
domaines comme le rêve et l’inconscient. De plus, Les travaux de Freud et plus
particulièrement la psychanalyse ont été la source et l’inspiration des surréalistes. En effet, la
psychanalyse est liée à la notion “d’inconscient”, aux rêves, aux messages de ceux-ci et leurs
interprétations. C’est de cette manière que le surréalisme s'intéresse à la mentalité primitive
de l’homme, en tant que sujet “originaire”, à son inconscient pulsionnel et onirique. De fait,
dans ces tableaux, Magritte introduit une rencontre d’objets avec les spectateurs pour donner
lieu à une manifestation des forces obscures de l’inconscient. On peut également évoquer
l’œuvre de Salvador Dali intitulée La persistance de la mémoire qui reproduit ce même
schéma.

c. Une remise en question du réel

À travers ses nombreuses œuvres, Magritte, a développé un langage ou alphabet pictural qui
consiste en une utilisation répétitive du motif. Par exemple, d'un tableau à l’autre, on
remarque une récurrence de motifs comme une pomme, un oiseau, un homme au chapeau
melon, etc…Ces motifs ou images possèdent deux sens de lecture l’un, “le visible” et l’autre,
”l'invisible”. Ces deux termes peuvent être associés aux concepts du signifié et du signifiant,
concepts établis par Ferdinand de Saussure, linguiste suisse. Celui-ci avance que “le système
de signes est une langue et n'est pas une description du monde mais la construction d'une
représentation du monde, il s'agit d'une construction de l'esprit”. Ce système peut remettre le
statut de l’artiste en question ainsi que notre rapport à l’art. En effet, Magritte, dans cette
œuvre, nous met face à nos propres certitudes et met à l’épreuve nos préjugés. Par ailleurs,
l’image que nous propose Magritte n’est pas réelle et de cette manière l’artiste, Magritte,
nous bouscule dans notre propre vision de l’art. L'artiste, ici, nous laisse interpréter son
œuvre et nous laisse libre court à notre imaginaire. Il met le doute en nous en réalisant une
pipe et en intitulant son œuvre “la trahison des images”. (désacralisation de l’oeuvre et de
l’art)

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En conclusion, La Trahison des images s’inscrit dans le mouvement surréaliste par ses
spécificités logiques, notamment son inscription dans l’esprit des spectateurs, mais également
par sa retransfiguration particulière du réel. Magritte propose en 1966 une mise en abîme de
son tableau, La Trahison des images, dans la peinture Les Deux Mystères , nous poussant à de
nouveau poser une réflexion complexe et plus poussée.

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