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Selon : Arnold, Jane.

COMMENT LES FACTEURS AFFECTIFS INFLUENCENT-ILS L'APPRENTISSAGE D'UNE


LANGUE ÉTRANGÈRE ? « Éla. Études de linguistique appliquée » 2006/4 n° 144, 407 à 425

ATTITUDES ET CROYANCES

Secord et Backman (1964) soutiennent que les attitudes à l’égard de quelque chose ont trois
composantes :

a) une composante affective, qui reflète les sentiments envers un objet ou une valorisation de ces
sentiments ;
b) une composante « conductiste », qui a à voir avec les comportements à l’égard de l’objet ;
c) et une composante cognitive, qui se rapporte aux croyances concernant l’objet (n’importe quelle
réalité qui est objet de notre attention)

Dans le domaine de l’enseignement des langues étrangères, les attitudes des apprenants peuvent se
rapporter à la langue elle-même, à la communauté des locuteurs de la langue, à l’intérêt ou la valeur
de l’apprentissage de la langue, etc.

Les attitudes sont favorables ou défavorables à des degrés divers (elles représentent ce que l’on aime ou
l’on déteste) et tendent à conserver une certaine stabilité, même si elles peuvent subir des
modifications.

Les attitudes sont importantes parce qu’elles sont des antécédents des comportements, prédisposent
l’élève à agir d’une manière ou d’une autre, à faire un effort suffisant pour apprendre la langue ou à
refuser de le faire.

Tout ce qui entoure l’apprentissage a de l’influence : le professeur d’abord, les activités choisies, la
dynamique de la classe, et toute une série d’autres aspects qui ont à voir avec les attitudes des élèves
envers la classe et qui sont modifiables.

Puchta (199b : 66) souligne le rôle des croyances dans le processus d’apprentissage ; elles sont « strong
perceptual filters. They serve as explanations for what has happened and they give us a basis for future
behaviour ». Construites sur les expériences, les besoins et les valeurs d’une personne, les croyances
conditionnent nos comportements.

Les croyances de l’élève qui affectent l’apprentissage d’une deuxième langue sont nombreuses :

- elles concernent la langue (elle est facile, compliquée, belle, laide),


- le processus d’apprentissage (il faut aller au pays où elle est parlée, il faut apprendre par
cœur les règles de grammaire),
- les locuteurs autochtones (ils sont intéressants, désagréables)…

Mais sans doute la croyance qui a le plus d’influence est celle que l’on a sur soi-même (je ne suis pas
capable d’apprendre, je peux arriver à comprendre et parler correctement la langue). Un élève qui croit
qu’il ne peut pas apprendre il a raison, il ne peut pas… sauf s’il transforme cette croyance.

Puchta (1999a : 273) soutient que « les croyances négatives conditionnent les attentes de nos élèves. Les
attentes limitées produisent un niveau de motivation réduit et chaque échec est perçu comme une
confirmation des croyances de départ ».
Le sentiment vécu ne dépend pas des faits mais des croyances, lesquelles souvent ne sont pas le fait
d’une réalité objective mais de la subjectivité. C’est pour cela, justement, qu’elles sont difficiles à
transformer.

Brown (1991 : 86) propose une façon de faire évoluer les croyances handicapantes par l’intermédiaire de
ce qu’il appelle le jeu de visualisation. Il conseille les élèves de se voir, de s’imaginer, en train de parler
de manière fluide avec des locuteurs de la langue cible pour que, quand ils auront à le faire pour de vrai
ils aient le « vécu » de l’avoir, d’une certaine manière, déjà fait. C’est une technique qu’on utilise depuis
longtemps et avec succès dans des sports de compétition. Le sportif se visualise en train de faire tout ce
qu’il doit faire pour réussir et cet exercice s’est souvent montré aussi efficace sinon plus que la pratique
effective du sport.

Puisqu’un lien très direct existe entre nos sentiments et nos images mentales, si un élève se voit en train
de réaliser des tâches d’apprentissage et d’utilisation de la langue, ceci peut faire qu’il se sente plus
capable de le faire et par là mieux réussir ce qu’il fait dans la salle de classe.

Dans la salle de classe, le professeur peut faire que la capacité de parler une autre langue soit, d’un côté,
perçue comme quelque chose d’attrayante et, d’un autre, envisagée comme quelque chose de possible,
s’il encourage les élèves et leur expliquer que s’ils acceptent de travailler ils pourront atteindre leurs
objectifs.

Pour les professeurs, il est important de tenir compte des croyances car elles affectent leurs
comportements dans la salle de classe.

Johnson (1999) affirme que les croyances des professeurs infiltrent tout ce qu’ils pensent, disent et
font en classe, et qu’étant le résultat d’autres expériences préalables dans la salle de classe elles sont
souvent très pauvres, ce qui peut conduire à une vision très limitée des possibilités d’enseignement. Elle
recommande donc aux enseignants de s’ouvrir à de nouvelles croyances ce qui demande d’abord de
prendre conscience de leurs croyances actuelles et d’analyser leur utilité pour, après, mettre en œuvre
des manières alternatives d’enseignement susceptibles de faire émerger chez eux de nouvelles
croyances pour enrichir leur développement professionnel.

L’ANXIÉTÉ

Parmi les facteurs négatifs, celui auquel on pense tout d’abord est l’anxiété. Elle a à voir avec des
sentiments tels que la peur, la frustration, la tension et l’insécurité. On n’a pas besoin de données
scientifiques pour savoir que les élèves qui apprennent une langue étrangère ressentent souvent de
l’anxiété et ceci peut conditionner de manière significative les objectifs d’apprentissage.

C’est ainsi que dans les cours communicatifs de langue étrangère, il est possible de rencontrer cette
situation inconfortable où des apprenants adolescents ou adultes cherchent à communiquer à leurs
camarades des idées « mûres » à l’aide de ressources linguistiques « immatures », ce qui peut entamer
sérieusement leur estime de soi. Horwitz, Horwitz et Cope (1986 : 128) disent que « [the] disparity
between the “true” self as known to the language learner and the more limited self as can be presented
at any given moment in the foreign language would seem to distinguish foreign language anxiety from
other academic anxieties ». Pour comprendre le problème de l’anxiété lors d’activités centrées sur la
communication orale, il faut prendre en compte aussi bien leur nature « publique » que leur rapport au
moi de l’apprenant, lequel peut difficilement s’exprimer dans la langue cible, pour le moins dans les
premières phases de l’apprentissage.

D’un autre côté, une nouvelle langue est une langue « étrangère » et l’apprenant peut, en
conséquence, se sentir lui-même « étrange » quand il la parle. Ceci est notamment vrai dans le cas des
adolescents, qui se caractérisent par leur besoin d’être acceptés par leurs pairs.

De toute évidence, l’anxiété est l’ennemie de l’apprentissage et il faut s’efforcer de limiter son influence
en classe. Deux options sont à la portée de tout professeur de langues pour minorer l’anxiété des
apprenants : en éliminer la cause quand cela est possible, offrir à l’apprenant de l’aide pour l’affronter.
L’anxiété peut être réduite notamment par l’intermédiaire de l’attitude du professeur et de l’atmosphère
que celui-ci crée dans la classe.

Pour aborder le niveau psychologique, il est possible d’utiliser des techniques cognitives telles que, par
exemple, la modification du dialogue interne. Il est probable que l’apprenant anxieux se parle à lui-
même de cette manière : « Ceci est très difficile… Je n’arriverai jamais à le faire… Ils vont se moquer de
moi… » Très souvent, nous n’avons pas conscience de ces auto-verbalisations, mais elles affectent notre
attitude envers la tâche et, conséquemment, les résultats de nos activités d’apprentissage. Nous
pouvons donc, d’abord, aider l’élève à prendre conscience du fait qu’elles existent et, après, à arrêter ces
pensées négatives et limitatrices qui sont à l’origine de l’anxiété et à les remplacer par d’autres plus
utiles. Au lieu de, par exemple, penser « Cela est très difficile », l’on peut restructurer la pensée ainsi : «
Cela représente un défi » ; ou, si l’élève est sur le point de se dire « Moi, je ne peux pas apprendre », il
peut arrêter cette pensée et la remplacer par « Moi, je peux apprendre, si je travaille ».

Voici quelques suggestions :

• Traiter toujours l’élève avec le plus grand respect et essayer de protéger son moi.

• Donner aux élèves la possibilité d’exprimer leurs préoccupations. Le fait de vérifier que leurs
camarades partagent leurs sentiments d’insécurité, qu’ils ne sont pas les seuls à les en ressentir, peut
avoir un effet positif. Pour faire démarrer un débat sur ce thème, l’on pourrait utiliser un questionnaire
simple conçu pour examiner quels sont les aspects de la classe et de l’apprentissage de la langue cible
qui produisent chez eux de l’anxiété.

• Créer une atmosphère de coopération au lieu de concurrence. Covington et Teel (1996 : 108) ont
souligné les aspects négatifs pour l’apprentissage du climat compétitif dans la classe : « whenever
students are busy avoiding the feelings of failure, or attempting to make others fail, there is little room
for true involvement in learning ». Même si, de temps en temps, il est possible d’utiliser des jeux où un
groupe concurrence un autre, en général vérification a été faite de l’utilité de la coopération dans
l’apprentissage, notamment dans l’apprentissage des langues secondes (Casal, 2001 ; Crandall, 1999).

• Ne pas forcer l’apprenant à prendre la parole avant qu’il ne s’y croit pas capable. La méthode
d’enseignement dite « Réponse Physique Totale » se fonde en partie sur la décision de faire de telle
manière que l’apprenant reçoit beaucoup d’input linguistique, permettant au début qu’il montre son
niveau de compréhension par la voie du non verbal jusqu’au moment où il se sent en mesure de prendre
la parole. Une autre manière de travailler cet aspect est d’utiliser la technique « think-pair-share » dont
l’origine est l’apprentissage coopératif (Kagan, 1994). Dans ce cas, le professeur propose aux apprenants
une question, un thème à débattre, ou quelque chose de semblable, et leur laisse le temps de noter
quelques idées. Après, chaque élève partage ses idées avec un autre et ce n’est qu’au terme de cet
échange qu’il lui est proposé de parler face à l’ensemble du groupe. Ce procédé devrait amener des
productions conceptuellement et linguistiquement plus élaborées en même temps que moins
conditionnées par l’anxiété.

• Garder une politique sur la correction d’erreurs qui ne soit pas vécue comme une menace de la part
des élèves. Même si les résultats des recherches montrent que les apprenants ont le besoin et l’envie de
recevoir des informations sur la production en langue cible (Abello Contesse, 1994), il est important que
cela se fasse de manière adéquate. L’apprenant doit toujours savoir que si sa réponse peut ne pas être
acceptée, lui il l’est toujours. La théorie sur l’acquisition des langues secondes fait état de l’existence
d’une suite d’« interlangues », qui sont des approximations à la langue cible, où les erreurs sont
naturelles, inévitables. Les erreurs rendent possible à l’élève de savoir où doit-il continuer à travailler
pour atteindre l’objectif qu’il s’est donné de connaître la langue cible. Vygotski (1978 : 86) utilisa
l’expression « zone proximale de développent » pour se référer à « la distance entre le niveau de
développement réel, déterminé par la capacité à résoudre de manière autonome les problèmes, et le
niveau de développement potentiel, déterminé par la capacité à résoudre des problèmes à l’aide d’un
adulte ou d’un pair plus capable », qui est, dans le cas de l’apprentissage d’une langue étrangère,
l’espace où l’on fournit à l’élève les aides nécessaires au dépassement de ses erreurs et au
développement de son autonomie d’apprenant. S’il tient compte de cela, le professeur efficient ne
demandera pas toujours la perfection des productions des élèves mais il encouragera ceux-ci à essayer
leurs ailes dans l’utilisation de la langue cible.

L’ESTIME DE SOI

Parmi les propositions présentées pour réduire l’anxiété dans la classe, Oxford (2000 : 85) dit qu’il est
important de « favoriser l’estime de soi et la confiance en soi des élèves qui ont développé de l’anxiété
comme un trait permanent, leur offrant des opportunités pour qu’ils puissent réussir dans la classe de
langue ».

Dans un certain sens, l’anxiété et l’estime de soi sont les deux faces d’une même réalité affective, l’une
empêchant l’apprentissage, l’autre le soutenant.

Il y a un certain temps, Coopersmith (1967 : 4-5) définit l’estime de soi comme « the evaluation which
the individual makes and customarily maintains with regard to himself [or herself]… In short, self-esteem
is a personal judgement of worthiness that is expressed in the attitudes that the individual holds towards
himself [or herself] ». L’image, l’opinion que nous avons de nous-mêmes conditionne notre estime de
soi.

Coopersmith (1967), Reasoner (1992) et Canfield et Wells (1994), entre autres, ont montré que l’intérêt
pour l’estime de soi peut constituer une base ferme pour l’apprentissage. Cependant, elle ne peut pas
être considérée comme une panacée susceptible de résoudre n’importe quel problème. Il y a eu des
discours critiques pour affirmer que l’estime de soi peut conduire à des comportements égocentriques et
au développement de fausses attentes. Mais, s’il y a sans doute des visions superficielles de l’estime de
soi, les travaux sérieux sur le sujet emphatisent l’idée que ce dont il s’agit c’est d’une estime de soi «
saine » qui conduit l’apprenant à avoir une vision positive et réaliste de soi et de ses capacités, en
même temps qu’une attitude responsable fondée sur le fait qu’il se sait capable d’atteindre des buts
importants. Il ne s’agit pas de créer des notions fausses ou d’éluder ses responsabilités. Il s’agit plutôt,
quand on travaille l’estime de soi dans la salle de classe, de construire les conditions pour encourager
les élèves à travailler beaucoup pour atteindre leurs potentialités, affranchis de l’influence des
émotions négatives ou des effets nocifs de ce que Krashen (1982) appelait le filtre affectif.

La prise en compte de l’estime de soi conduit l’apprenant non seulement à un mieux-être et à une
meilleure disposition envers les apprentissages, mais elle peut aussi produire de meilleurs résultats
scolaires. D’un côté, si l’estime de soi est basse, l’élève va croire qu’il manque de capacité, et il va, donc,
refuser de faire l’effort nécessaire à l’apprentissage d’une nouvelle langue. D’un autre côté, les croyances
négatives sur soi-même l’empêcheront de se concentrer sur les tâches didactiques à réaliser pour
pouvoir apprendre, car une grande partie de ses énergies cognitives seront dépensées à nourrir des
préoccupations concernant son manque de capacité ou de valeur.

Murphey (1998 : 15-16) signale que quand les élèves are allowed and encouraged to make friends
quickly and effectively with as many of their classmates as possible, this forms a positive sub-identity and
provides them with an essential base of self-esteem without which learning can be extremely difficult…
When classroom structures facilitate socialization and connect it to subject matter teaching, we have a
powerful formula for learning. Peut-être ce qui est le plus important pour favoriser le concept de soi
positif et la confiance, c’est une attitude d’affection et de compréhension de la part des professeurs.

Si l’enseignant crée une relation affective qui soutient les apprenants par l’intermédiaire de la
proximité et de l’amitié, ceci prédispose les élèves à vouer plus de temps aux taches d’apprentissage et
débouche donc sur des meilleurs résultats cognitifs.

Voici quelques suggestions élémentaires pour aider à développer l’estime de soi en classe :

• Faire savoir à l’élève qu’il est valorisé. Une manière de le faire c’est d’apprendre les prénoms des élèves
et de prendre l’habitude, avant ou après le cours, de parler avec eux, s’intéressant à leurs problèmes et
les écoutant.

• Faire que les élèves participent à la construction de l’espace d’apprentissage. On peut établir avec eux
un consensus sur les normes de fonctionnement de la classe, et leur demander leur opinion sur les
activités qui sont pour eux les plus efficaces.

• Leur manifester qu’on a de la confiance en leur capacité à apprendre la langue et à reconnaître leurs
succès.

• Introduire des activités qui n’aient pas seulement de finalités linguistiques mais aussi des buts à
caractère personnel, telles que mieux se connaître et mieux connaître leurs camarades de classe.

• Aider les apprenants à identifier leurs points forts et à chercher des stratégies pour vaincre leurs
faiblesses.

• Construire des espaces pour qu’ils puissent partager, s’ils le veulent, leurs intérêts, leurs sentiments et
leurs préoccupations.
• Quand des élèves ont des comportements inadéquats, essayer de comprendre ce que cela cache,
quelles en sont les causes et chercher des solutions à partir de cela.

• Préparer des épreuves d’évaluation dont la finalité soit de connaître ce que l’apprenant sait faire au
lieu de ce qu’il ne sait pas faire.

• Imaginer comment on réagirait en tant qu’élève dans sa propre classe : on se sentirait à l’aise dans le
climat existant ?

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