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Microdrones : des innovations inattendues à la lumière du

retour d’expérience ukrainien


Henri Seydoux
Dans Revue Défense Nationale 2023/10 (N° 865), pages 35 à 42
Éditions Comité d’études de Défense Nationale
ISSN 2105-7508
DOI 10.3917/rdna.865.0035
© Comité d?études de Défense Nationale | Téléchargé le 05/02/2024 sur www.cairn.info via CY Cergy Paris Université (IP: 193.54.115.197)

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IA, numérIque, drones, robots : vers lA guerre de demAIn
microdrones : des innovations
inattendues à la lumière du retour
d’expérience ukrainien
Henri SEYDOUX
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Fondateur et Président de Parrot.

L e conflit en Ukraine a rendu visible l’utilisation de drones en très grande quan-


tité. Ce conflit soulève plusieurs questions concernant l’innovation :
– En quoi les drones contribuent à l’innovation sur le front ?
– Quelles directions ces innovations prendront-elles au cours des prochaines
années ?

Ukraine : omniprésence des drones


Des milliers de vidéos sur YouTube montrent des drones sur le front ukrai-
nien. À quoi servent-ils ?
Le drone chinois Mavic est un quadricoptère grand public que l’on peut
acheter sur Internet à un prix variant entre 2 000 et 6 000 € selon les versions.
Utilisé pour l’observation, il vole 40 minutes, dispose d’une liaison radio de qua-
lité, d’une caméra stabilisée et d’une optique thermale. C’est le principal drone au
front : il est exploité par dizaines de milliers d’exemplaires par les Ukrainiens
comme par les Russes. Le Mavic est opéré par les soldats pour observer de jour
comme de nuit les alentours. Il est devenu une aide essentielle dans les combats
urbains comme ceux en plaine. Les groupes de combattants partent systématique-
ment au front avec un pilote de drone, qui emmène un ou plusieurs appareils et
une dizaine de batteries. Selon les unités de drones que j’ai interrogées, l’espérance
de vie du matériel est courte, un drone est perdu en moyenne toutes les huit mis-
sions. Le drone Mavic pose de nombreux problèmes de cybersécurité aux
Ukrainiens : fabriqué en Chine, son logiciel est obfusqué, c’est-à-dire qu’il est
rendu impossible à comprendre. Il est donc impossible de savoir quelles sont les
informations collectées par le drone et envoyées au fabricant en Chine. Les
Ukrainiens utilisent des versions de logiciel modifiées plus ou moins bien maîtri-
sées. Le quadricoptère d’observation compact est le type de drone que Parrot déve-
loppe pour les armées de l’Otan.

Revue Défense Nationale n° 865 - Décembre 2023


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Les drones kamikazes sont les drones les plus rustiques qui puissent être.
Une structure faite de deux feuilles de carbone, 4 moteurs, une liaison de données
analogique, une caméra fixe. Ce drone coûte environ 500 $. Le drone kamikaze
transporte une charge militaire artisanale ou une charge militaire existante – par
exemple une munition de RPG (roquette) – qui peut peser jusqu’à 1 kg. Ces
drones sont pilotés en immersion : le pilote porte des lunettes dans lesquelles est
projeté le retour vidéo ; il est littéralement « dans le drone ». Le pilote décolle, fait
monter le drone en altitude, puis le dirige vers une cible qui a le plus souvent été
identifiée au préalable avec un drone d’observation, et enfin il réalise un « strike ».
À vitesse maximale comme un faucon, il plonge sur la cible pour y exploser.
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Le drone à usage unique est délicat à piloter. En Ukraine, sur les polygones
d’entraînement, on voit autant de personnes s’exercer au tir que de personnes
s’exercer au vol de drones kamikazes.

Ceux-ci sont fabriqués par une centaine d’entreprises dans des ateliers. J’en
ai visité un dans une cave de la banlieue de Kiev où des « maker » les fabriquent
nuit et jour. Les pièces spécifiques sont produites par des rangées d’imprimantes
3D, les pièces de structure sont découpées dans des feuilles de carbone. Les
moteurs, les hélices, les cartes électroniques en provenance de Chine sont achetées
sur Internet.

Le drone kamikaze c’est le futur. La saturation est l’avenir des munitions


guidées. Les Ukrainiens (et les Russes) en utilisent des milliers : en ce moment sur
tout le front, chacun des 10 000 pilotes ukrainiens disposerait de 3 drones capables
de s’abattre sur leur cible avec précision à plusieurs kilomètres de distance.

Les drones de bombardement ont été un apport nouveau des Ukrainiens.


Il s’agit d’hexacoptère ou d’octocoptère assez gros transportant des munitions. Les
drones sont pilotés de jour comme de nuit. Plutôt bruyants, ils volent assez haut
pour ne pas se faire repérer. La conception de ces drones est ukrainienne. Leurs
principaux éléments (moteurs, hélices) sont d’origine chinoise. L’enjeu est de déve-
lopper des drones avec des GPS insensibles au brouillage et des radios sophisti-
quées. Le drone peut voler à plus de 10 km de distance. Une de leur limitation
vient du système de visée. Une simple caméra permet de positionner le drone à la
verticale de la cible pour lâcher sa munition. On peut voir sur Internet des vidéos
où des charges lâchées en hauteur atteignent la trappe d’un char russe, mais ces
coups au but sont rares. Les développements actuels visent à réaliser des charges
guidées. J’ai visité plusieurs start-up adaptant une caméra et une électronique open
source à la charge pour réaliser son guidage terminal. Je n’ai aucun doute que ces
développements aboutiront : dans un futur proche, un drone ukrainien de 25 kg
sera capable d’atteindre des cibles avec précision à 20 km de son point de décol-
lage. La formule « Octocoptère de bombardement » est une nouveauté du conflit,
elle attire l’attention ; l’armée américaine a d’ailleurs émis un appel d’offres pour
s’en procurer.

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IA, numérIque, drones, robots : vers lA guerre de demAIn
Le bombardement à grande distance est assuré par des drones kamikazes
conçus avec une aérodynamique d’avion. Ils décollent d’un tronçon de route. Les
drones ukrainiens volent de nuit en suivant des plans de vol sophistiqués et attei-
gnent des cibles à plusieurs centaines de kilomètres de distance sur le territoire
russe. Les drones iraniens Shahed utilisés par les Russes sont difficiles à brouiller
durant leur vol, mais sont fréquemment abattus en phase finale par les défenses
antiaériennes ukrainiennes. À quel coût ? Un Shahed est un drone simple à produire,
son moteur à la dimension d’un moteur de moto. Leur potentiel d’amélioration est
encore grand. Pour cet hiver, ils sont une des craintes principales des Ukrainiens.
Utilisés en nombre, ils pourraient épuiser leurs ressources de défense antiaérienne.
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L’observation du champ de bataille est assurée par de petits drones avions.
Les Ukrainiens achètent tous les drones disponibles sur le marché : américain,
allemand, polonais ou français. Ces drones sont fréquemment abattus par la
défense antiaérienne russe. Leur coût reste élevé : développés pour les marchés
militaires occidentaux, ils n’ont pas été industrialisés pour une production en série
comme les quadricoptères chinois. Il sera difficile, dans le futur, de justifier un coût
10 à 20 fois plus élevé pour ces avions d’observation par rapport aux drones chinois
alors que les fonctionnalités sont très similaires.
Les munitions rôdeuses sont des drones développés dès l’origine pour leur
utilisation militaire kamikaze. Leur emploi en Ukraine reste faible en quantité
comparée à celle des drones issus de l’industrie civile. Leur coût est trop élevé et
leur production en masse n’est réalisée dans aucun pays de l’Otan. C’est ce que
semblent réussir les Russes avec leur munition rôdeuse Lancet, maintenant fabri-
quée en quantité. Ce drone sophistiqué utilise des composants électroniques amé-
ricains que les Russes parviennent à se procurer sans trop de difficultés. À ma
connaissance, il n’y a, aujourd’hui, aucune entreprise capable de produire des
munitions rôdeuses en quantité comme le font les Russes.

Les rançons du succès

Un front transparent donc de plus en plus létal

L’efficacité de la reconnaissance par drones a rendu le front extrêmement


létal. Les combats nocturnes se généralisent, les caméras thermiques des drones
participent à étendre les opérations de nuit et contribuent fortement à l’accroissement
de la létalité des combats.

Les pilotes, des cibles à abattre/protéger

Piloter un drone au front est devenu dangereux, l’émetteur radio peut être
facilement découvert par les unités de guerre électronique russes. L’opérateur est

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alors visé par l’artillerie. La tactique des Ukrainiens est de déporter l’antenne de
plusieurs dizaines de mètre de l’opérateur pour qu’il puisse rester à couvert.

Une guerre électronique omniprésente

Sur le front ukrainien, tout ce qui peut être brouillé par les Russes l’est. Le
GPS est brouillé ou « spoofé ». Le « spoofing » est un brouillage pernicieux : on émet
des signaux GPS modifiés pour tromper le GPS des drones. Le spectre radio est
aussi massivement brouillé. Les systèmes de brouillages sont de plus en plus sophis-
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tiqués, les systèmes écoutent le spectre radio, attendent leur proie et leur tendent
des pièges électromagnétiques.

Une révolution industrielle

Les micros-drones proviennent de l’industrie civile. Le composant straté-


gique principal du drone russe Lancet est un processeur Nvidia, un fabricant amé-
ricain de puces issu de l’industrie du jeu vidéo. Les drones utilisent les mêmes
processeurs, les mêmes mémoires, les mêmes caméras, les mêmes centrales inertielles
que l’on trouve dans les smartphones produit à plusieurs millions d’exemplaires par
jour. En Ukraine, il est plus facile de se procurer des drones que de se procurer des
obus ! Je suis convaincu que, malgré l’embargo, les Russes n’ont pas grand mal à
dénicher les composants nécessaires, tant ceux-ci sont fabriqués en quantités.
Les logiciels « open source » permettent de concevoir toutes les catégories
de microdrones. Les deux logiciels spécifiques aux drones, l’autopilote et le logiciel
de la station sol, sont disponibles sur Internet. Le fait que ces deux principaux
composants logiciels soient libres d’accès permet aux ingénieurs des deux camps de
concevoir rapidement des nouveaux drones. Il n’y a pas de barrière technologique
comme elles existent dans d’autres domaines. La technologie est disséminée et elle
profite aux Ukrainiens comme aux Russes.

Internet au front est essentiel

Internet (qui fut militaire à ses débuts) est l’autre révolution. C’est la
colonne vertébrale du déploiement de nouvelles technologies au front.
Kropyva est une application tactique initialement conçue pour l’artillerie.
Elle tourne sur une tablette Android. Un soldat identifie une cible grâce à un drone
ou une paire de jumelles. Ensuite, il fait une demande de traitement de la cible sur
Kropyva comme on demanderait un Uber. Les algorithmes recherchent une
ressource disponible à proximité, par exemple une section d’artillerie ou de mor-
tiers, et lui affectent la cible à traiter. L’utilisateur ayant fait la demande est informé

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IA, numérIque, drones, robots : vers lA guerre de demAIn
sur sa tablette, il suit le progrès du traitement de la cible et peut interagir en
envoyant après le premier coup des informations de correction du tir.
Veja est une application de partage vidéo. Elle fonctionne en utilisant le
protocole RTMP développé pour le streaming de vidéos en temps réel. L’application
permet au commandement de visualiser les vidéos de tous les drones en vol en
Ukraine. Des statistiques sont compilées, pour chaque pilote, chaque drone, pour
chaque zone du front. Heure par heure, le nombre de chars russes et de camions
observés est compté. De cette manière, le front est devenu transparent.
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La cybersécurité du réseau est assurée par les protocoles et les infrastruc-
tures civiles : à aucun moment mes interlocuteurs ont signalé des problèmes capa-
citaires liés aux technologies civiles. Dimensionnées pour sécuriser les paiements
par Internet, elles sont en mesure de chiffrer les liaisons, de signer les données et de
fournir une identification forte des utilisateurs.
Starlink assure la connectivité sur le front. Les opérateurs de drone utilisent
leur tablette Android laquelle est connectée par Wifi à une station Starlink. De cette
manière les données montent et descendent du front malgré le brouillage des Russes.

Innovation organisationnelle
Plus de 100 start-up produisent des drones, des applications et des algo-
rithmes. Les start-up animent des forums d’échanges technologiques. Des hackathons
de drones sont organisés pendant lesquels les nouveaux projets sont formalisés
entre développeurs, entrepreneurs et militaires.
La logique d’acquisition de l’armée ukrainienne s’est adaptée à l’économie
des start-up : l’armée a remplacé les appels d’offres dont la mise en place durait trop
longtemps par une certification organisée par le ministère de la Transformation
digitale. Le cycle de certification dure environ 3 mois. Les fabricants de drones se
conforment aux protocoles et aux besoins du moment. Des tests sur le terrain sont
réalisés avec les officiels lors de la certification.
Les achats de drones sont réalisés directement par les unités. Une fois la
certification effectuée, les différents bataillons, le GUR (le renseignement mili-
taire), les bataillons de drones, ou les centres de formation, achètent les drones cer-
tifiés. Le financement est soutenu par des associations et par la population. Acheter
et offrir un drone est emblématique du soutien des particuliers à leur armée.

Quelles avancées technologiques futures ?


Le high-tech évolue rapidement. Les évolutions futures seront principalement
liées au logiciel. C’est en connectant de plus en plus fortement par Internet les

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microdrones à des serveurs puissants et en embarquant des fonctions de plus en
plus évoluées d’Intelligence artificielle (IA) que leurs performances augmenteront.
L’IA ouvre la voie de l’autonomie complète des drones. Par exemple, le
besoin actuel le plus pressant est d’automatiser la phase finale du guidage des
drones kamikazes. Lorsqu’il parcourt les dernières centaines de mètres le drone est
le plus souvent brouillé, il passe sous la « line of sight » du lien radio. Il a besoin de
fonctions autonomes pour rester accroché à sa cible. Les algorithmes pour traiter
cette question sont disponibles. Chez Parrot, nous innovons et développons
l’autonomie : en rendant notre autopilote programmable, cela permet d’adapter les
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drones existants à des « missions autonomes » changeantes.
Le vol sans GPS est une nouvelle nécessité, il est réalisable par traitement
d’images. Le drone doit déployer deux familles d’algorithmes. L’odométrie visuelle
qui consiste à mesurer le déplacement du drone à partir de points dans les images
vidéo. Cette technique est précise, cependant elle présente une limitation comme
la navigation avec une centrale inertielle : la dérive s’accumule dans le temps. La
localisation sur une carte permet au drone de recaler l’odométrie visuelle. Les codes
de vol sans GPS nécessitent des processeurs puissants et ils commencent à être
disponibles en Ukraine sur les drones de toutes dimensions.

Quelles avancées fonctionnelles futures ?


Échanger les données de guerre électronique en temps réel permettra de
déjouer efficacement le brouillage. Chaque drone transmettra en temps réel à un
serveur la fréquence radio qu’il utilise, les niveaux de perturbations qu’il mesure.
Des algorithmes d’IA tournant sur le serveur établiront une carte électromagné-
tique du front. De cette manière, les bulles de brouillage ennemies et les chemins
de passages entre elles seront connus en temps réel et distribués aux pilotes de drones.
Développer le Big Data permettra d’alimenter les algorithmes d’IA pour
apporter plus d’autonomie aux drones. Les données de vols doivent être recueillies
avec soin. Les données de vols permettent de réunir les statistiques de l’efficacité
des drones, par types de mission ou de drone et par pilote. Dans le futur, des algo-
rithmes analyseront les données pour mesurer l’efficacité des tactiques de l’« Armée
des drones ». Ces données seront alors utilisées pour entraîner sur des simulateurs
des modèles d’IA. On entraînera également des modèles de comportement des
radios pour leurrer et éviter les brouilleurs.

Quelles avancées organisationnelles futures ?


Piloter un drone est aussi simple que jouer à un jeu vidéo. En Ukraine, un
effort important est consacré à la formation. Les pilotes de drones sont nécessaires
en nombre. L’apprentissage pour acquérir les bases du pilotage prend quelques

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IA, numérIque, drones, robots : vers lA guerre de demAIn
journées. Des écoles de drones devraient être organisées en libre accès. Les simula-
teurs de pilotage des drones doivent être disponibles sur les ordinateurs et les
smartphones des soldats qui s’entraîneront au pilotage des drones comme ils jouent
aux jeux vidéo.
Promouvoir les standards est essentiel. La standardisation est un moteur
caché du succès de l’industrie du high-tech. Les interfaces USB ou HDMI, les
protocoles TCPIP, USP ou RTSP, les formats des données Jpeg (image) ou H265
(vidéo), la normalisation des systèmes d’exploitation Android, iOS et Linux a
entraîné le développement d’applications en très grand nombre. De la même
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manière, il faut promouvoir une normalisation des protocoles utilisés par les
microdrones. Les normes open source émergent en ce moment. Le protocole de
commande MAVLink ou le format de données GUTMA permettent d’envisager
une interopérabilité entre les drones pour faciliter une infrastructure commune.
Développer une infrastructure basée sur des technologies civiles permet
d’organiser une armée de drones. Des tablettes Android avec le logiciel ukrainien
Kropyva ou américain Atak sont des exemples à suivre. Les tablettes coûtent envi-
ron 1 000 € et sont sécurisées. S’équiper de liaison satellite civile comme Starlink
permet de se connecter à Internet en étant au front. En équipant les forces d’accès
à l’Internet, on se dote d’une infrastructure évolutive qui s’adaptera aux avancées
inéluctables de l’IA.
Les start-up développeront les microdrones de manière continue. En
Ukraine, aucune entreprise historique de l’industrie de défense ou de l’aéronautique
ne développe avec succès les drones. Ce sont les start-up qui font les drones et les
logiciels de traitement d’images. L’armée de drones sera développée par des start-up
ou ne sera jamais développée. Les start-up ne sont pas adaptées aux programmes
longs, elles ont besoin de programmes courts. Il existe en France un réseau de
start-up de qualité qui obtiennent des succès à l’export. Augmenter leur présence
au sein des forces armées, développer un circuit court d’acquisition en suivant le
modèle ukrainien est certainement la meilleure tactique pour disposer d’une armée
de drones de qualité.

Un plan de développement
Les drones sont une révolution holistique, j’en suis convaincu !
L’innovation en matière de microdrones consiste à développer en permanence un
écosystème. Les drones amènent le high-tech civil au front. Aujourd’hui, ils rendent
le front transparent et offrent des munitions téléopérées en nombre. Demain, l’IA
et la connexion en réseau apporteront de nouvelles avancées. Développer l’armée
de drones pourrait se faire de la manière suivante :
• S’équiper en quantité de drones sur étagère, en suivant la typologie des
Ukrainiens : drones d’observation, drones kamikazes, quadricoptères lourds de

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bombardement, avions de reconnaissance, munitions téléopérées. Ces drones sont
maintenant disponibles sur étagère.
• Connecter les drones est source du progrès futur. On devrait mettre en
place une infrastructure Internet en s’inspirant de l’Ukraine. Par étapes, on pourrait :
– développer un serveur de streaming temps réel des vidéos de drones ;
– s’équiper d’une application de réglage d’artillerie sur tablette ;
– s’équiper d’une infrastructure par satellite d’Internet au front avec du matériel
civil ;
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– déployer avec le plus grand soin les protocoles de sécurité.
• Participer à la normalisation, inéluctable. Aux États-Unis, le protocole
de pilotage des microdrones est en cours de normalisation. Nous devons participer
à cette normalisation, car rendre les drones interopérables, c’est multiplier leurs
capacités.
• Offrir un site de test de guerre électronique accessible de manière per-
manente. Cela permettra aux industriels de tester leurs équipements en conditions
réelles. Cela permettra aussi de former les opérateurs de guerre électronique et de
les confronter aux drones en rapide évolution.
• Faire évoluer la doctrine d’usage. Lorsque j’interroge les militaires
Ukrainiens au sujet de leurs formations en Angleterre ou en France, ils me répon-
dent que les formations sont très intéressantes pour le maniement de l’artillerie et
des armes classiques, mais pas en matière d’utilisation de microdrones pour lesquels
aucune doctrine moderne ne leur est enseignée. Les Ukrainiens utilisent mainte-
nant des microdrones à tous les échelons et pour toutes leurs opérations : artillerie,
combat urbain, déploiement de véhicules, combat nocturne. Ils constatent notre
retard en matière de doctrine. Les drones doivent être utilisés en nombre par toutes
les armes.
• Investir dans la formation. Beaucoup de soldats pourraient recevoir une
formation de base. Des jeux vidéo réalistes leur permettront de se perfectionner.
• Favoriser l’écosystème des start-up, en créant un cycle court de Recherche
& Développement (R&D) et de validation. Les start-up doivent s’organiser elles-
mêmes pour rendre leurs produits compétitifs et les commercialiser en suivant les
standards auprès de nombreux clients de l’Otan. w

mots-clés : drone, ukraine, innovation, start-up.


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