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Philippe Millard
Généralités
Les matériaux excavés trouvent leurs origines dans les constructions des fondations de
bâtiments et dans les réalisations d’infrastructures, tunnels, routes, canalisations, génie civil,
etc.
La question que l’on doit toujours se poser est dans quel classement les matériaux
extraits vont se situer: produits, déblais, déchets ?
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Quelle est la qualité du matériau extrait ? Naturelle, recyclée ? Est-il impacté,
imprégné, pollué, d’origine naturelle ou anthropique ? Il est quelquefois évoqué des
difficultés importantes de chantier avec des déblais contenant de l’amiante, du molybdène, du
nickel, du cobalt, de l’antimoine, du sélénium, des HAP (Hydrocarbures aromatiques
polycycliques), des PCB (polychlorobiphényles), etc. nécessitant des casiers et des stockages
locaux afin d’analyses très fines puis d’éventuels traitements provoquant des arrêts de
chantier et des coûts supplémentaires.
Question fondamentale pour l’environnement, l’urbanisme, la santé.
Si les matériaux extraits sont classés dans les déchets, une étude de l’INSEE indique
que la France a produit 324 Mt de déchets en 2014 avec
- 223 Mt (69%) du secteur de la construction,
- 90 Mt (28%) déchets non dangereux (agriculture, industrie, tertiaire, ménages…),
- 11 Mt (3%) déchets dangereux comportant des risques pour l’environnement et la santé.
Pour se donner une échelle de l’importance des quantités en question, on voit apparaître que
globalement les déchets représentent environ 5t/an/habitant dont 500 kg/an/habitant pour les
seuls déchets ménagers.
Les nouvelles grandes opérations des 10-15 ans à venir dont les travaux ont commencé
mettent en jeu des quantités considérables à excaver : 45 Mt pour les 200 km de lignes
nouvelles du Grand Paris Express (200km), plus de 30 Mt pour les 59 km de la partie
transfrontalière des tunnels de la ligne Lyon Turin et 25 Mt pour le projet CIGEO
d’enfouissement de déchets radioactifs à Bure (Meuse). 100 Mt pour ces 3 opérations !
La gestion des déchets dans leur ensemble représente un budget proche de 20 Md€ et emploie
135 000 personnes.
Ci-après un résumé des 4 interventions qui permet d’apporter un éclairage sur ce sujet très
important dans la construction de nos ouvrages d’aujourd’hui.
La recommandation de l’AFTES
Jacques Burdin a présenté un résumé du très gros travail produit par le groupe GT35 de
23membres qu’il anime avec grand dévouement depuis de nombreuses années. En fait c’est
une révision de la recommandation datant de 2006. Il est indiqué que la « GEME », Gestion
et l’Emploi des Matériaux d’Excavation (MATEX), n’est plus une question, un choix
constructif, …mais qu’elle devient une obligation.
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Le Maître d’Ouvrage est propriétaire des MATEX et en est donc responsable depuis leur
extraction jusqu’à leur valorisation ou leur élimination finale. Le producteur de déchets doit
s’assurer de leur traçabilité (bordereau et registre de suivi), de façon à être en mesure de
renseigner et conserver les informations relatives à leur circuit de traitement (article L541-7
du Code de l’Environnement). Il doit s’impliquer et faire procéder aux reconnaissances
préalables avec précision. Le projet conduit par des équipes qualifiées comprendra les
démarches de simulation de production, la recherche et la validation des sites de dépôt,
l’étude des matériels d’excavation et de moyens de transport.
Jacques Burdin
La réglementation
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Les chantiers du BTP sont soumis entre autres à la réglementation relative aux déchets :
-directive cadre sur les déchets 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19
novembre 2008 avec sa transposition par l’ordonnance n° 2010-1579 du 17 décembre 2010,
-codification des dispositions législatives et réglementaires dans le Code de l’Environnement.
On appelle « Produit » le matériau issu des industries extractives et « Déchet » suivant
l’article L541-1-1 du Code de l’Environnement « toute substance ou tout objet, ou plus
généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou
l'obligation de se défaire »
Le déchet est classé :
-soit inerte « qui ne subit aucune modification physique, chimique ou biologique importante,
qui ne se décompose pas, ne brûle pas, ne produit aucune réaction physique ou chimique,
n'est pas biodégradable et ne détériore pas les matières avec lesquelles il entre en contact
d'une manière susceptible d'entraîner des atteintes à l'environnement ou à la santé humaine »
suivant l’article R541-8 du Code de l’Environnement,
-soit dangereux qui contient, en quantité variable, des éléments toxiques ou dangereux
présentant des risques pour la santé humaine et l’environnement avec une ou plusieurs des 15
propriétés de danger (H1 à H15) énumérées à l’annexe I de l’article R541-8 du Code de
l’Environnement,
-soit non dangereux défini par défaut comme ne présentant pas les caractéristiques
spécifiques des déchets dangereux,
-soit ultime « qui n'est plus susceptible d'être réutilisé ou valorisé dans les conditions
techniques et économiques du moment, notamment par extraction de la part valorisable ou
par réduction de son caractère polluant ou dangereux » suivant l’article L541-2-1 du Code de
l’Environnement.
Florent Robert
Suivant l’article L541-1-1 du Code de l’Environnement le traitement des déchets peut se faire
par :
réemploi qui désigne « toute opération par laquelle des substances, matières ou
produits qui ne sont pas des déchets sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui
pour lequel ils avaient été conçus. Le réemploi est une opération de prévention avec comme
exemple une opération de remblaiement sur un même site avec les déblais de ce même
chantier.
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réutilisation pour « toute opération par laquelle des substances, matières ou produits
qui sont devenus des déchets sont utilisés de nouveau ».
préparation en vue de la réutilisation pour « toute opération de contrôle, de
nettoyage ou de réparation en vue de la valorisation par laquelle des produits ou des
composants qui sont devenus des déchets sont préparés de manière à être réutilisés sans autre
opération de prétraitement ».
valorisation qui définit « toute opération dont le résultat principal est que des déchets
servent à des fins utiles en substitution à d'autres substances, matières ou produits qui
auraient été utilisés à une fin particulière, ou que des déchets soient préparés pour être
utilisés à cette fin, y compris par le producteur de déchets ».
élimination qui détermine « toute opération qui n'est pas de la valorisation même
lorsque ladite opération a comme conséquence secondaire la récupération de substances,
matières ou produits ou d'énergie ».
Objectif légal pour 2020 :
La Loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a pour
objectif, qu’au plus tard en 2020, l'Etat et les collectivités territoriales s'assurent qu'au moins
70 % des matières et déchets produits sur les chantiers de construction ou d'entretien routiers
dont ils sont maîtres d'ouvrage soient réemployés ou orientés vers le recyclage ou les autres
formes de valorisation matière.
La destination des MATEX en fonction des usages en fait des déblais surtout en termes de
définition d’une même opération pour des usages liés à la réalisation d’infrastructures
linéaires, de production de bétons ou de mortiers hydrauliques, d’aménagements
(exhaussements de sols, merlons..), de remblaiement de carrières, de stockage définitif en
ISDI (Installation de Stockage de Déchets Inertes) car il s’agit de réemploi ou de
réutilisation sinon ils sont classés en déchets.
Les déchets dangereux doivent être stockés en ISDD qui relèvent de la nomenclature des
Installations Classées pour la Protection de l’Environnement, ICPE 2760-1 et les déchets non
dangereux doivent être stockés en ISDND suivant la nomenclature ICPE 2760-2.
L’article L541-4-3 du Code de l’Environnement précise qu’un déchet traité dans une
installation ICPE ou IOTA (Installations, Ouvrages, Travaux ou Activités ayant une incidence
sur l’eau) peut cesser d’être un déchet, pour (re)devenir un produit, après une procédure dite
de « sortie du statut de déchet ».
L’excavation du Lyon-Turin-Ferroviaire
La liaison de 270 km entre Lyon à Turin se situe 70% en France et 30% en Italie et comprend
202 km en tunnel soit les ¾. La section transfrontalière de 67 km de ligne nouvelle comprend
59.5 km de liaison en tunnel sur le côté français gérée par la société TELT.
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Les enjeux de la démarche de gestion des matériaux excavés passent par la mise en œuvre
d’une politique volontariste en matière de préservation de l’environnement à travers
notamment la définition d’une stratégie de gestion durable des matériaux excavés.
Christophe Salot
la démarche réglementaire,
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Sur les 37.2 Mt excavés des 57.5 km de tunnels France/Italie il est prévu 28% de granulats
pour la fabrication des bétons (7Mt pour la partie française) , 20 Mt de réemploi pour les
remblais, 40% de mise en dépôt et 12 % de mise en dépôt avec mise en œuvre spéciale. Sur le
tracé seront installés 5 sites de production de matériaux d’excavation, 2 sites de traitement des
matériaux, 3 sites de stockage temporaire, 3 sites de mise en dépôt définitif et 1 aire de
chargement sur trains.
Fabien Boudrières
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Le contexte environnemental est très sensible et la plupart des sites sont localisés dans un
environnement urbain très dense, déjà congestionné par un trafic routier important. Par
ailleurs l’Ile de France n’offre que peu de besoins en remblais.
Aussi la SGP, Société du Grand Paris a pris 3 engagements en fondement d’une charte de
bonnes pratiques:
1/ avec plusieurs milliers de sondages, anticiper la nature des déblais et sécuriser la traçabilité
2/ Valoriser plus de 70 % des déblais
3/ Favoriser le transport par voie fluviale ou voie ferroviaire pour 30 à 50% des déblais
(5 plateformes fluviales et 12 plateformes ferroviaires prévues).
La SGP, Maître d’Ouvrage, producteur et responsable des déblais, doit disposer d’une
traçabilité complète et réactive. Puisque les déblais ont le statut de déchet dès lors qu’ils
sortent des sites, plusieurs actions sont menées : pesée imposée en sortie et entrée des sites,
mise en œuvre d’une plateforme extranet de traçabilité des déblais (émission de 1.5 millions
de bordereaux de transport pour l’ensemble du projet). Il set ajouté une recherche de
valorisation avec de nouveaux partenaires pour des projets d’aménagements ou pour des
exutoires et des sites de tri (290 sites et 32 exploitants), des cahiers des charges spécifiques
aux déblais très incitatifs, de l’innovation avec notamment un appel à projets.
Ce dernier a eu un large auditoire puisque 74 projets ont été présentés et les 6 lauréats ont été
récompensés pour des solutions de caractérisation en ligne des matériaux, de la valorisation
de déblais pour la production de ciment et de matériaux de construction à faible empreinte
carbone, de la consolidation de carrières souterraines à partir de déchets minéraux, de la
création de terres fertiles ou de briques en terre en provenance de déblais ou encore pour
favoriser le double fret de lavage automatique de conteneurs lors d’un transport ferroviaire
des matériaux excavés.
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Conclusions
Comme l’a rappelé Jacques Burdin, le rêve pour le constructeur serait de pouvoir reproduire
cet exemple remarquable de la plateforme de Raron sur le chantier du tunnel du Lötschberg
Sud où une très grande partie des matériaux excavés a pu être traitée sur place pour alimenter
aussitôt l’usine à voussoirs installée en bout de chaine.
Toutes ces présentations riches et bien documentées ont apporté un très bon éclairage sur les
pratiques à mettre en œuvre pour la gestion des matériaux excavés dans un contexte légal et
réglementaire qui tient compte de la transition énergétique et écologique et des nouvelles
avancées techniques et technologiques.
Un grand merci aux intervenants pour la qualité de leurs présentations.