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DROIT

CONSTITUTIONNEL 1
Théorie générale
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Cours du professeur Martin BLEOU
Professeur titulaire des Universités
(année universitaire 2023-2024)

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BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE
(en ce qui concerne la théorie générale du droit constitutionnel, c’est-à-dire les
données de base et les régimes politiques)

I- RECUEILS DE TEXTES ET DE DECISIONS

- Louis Favoreu, Loïc Philip et autres : Les grandes décisions du Conseil


constitutionnel, Dalloz ;
- Michel Verpeaux et autres : Droit constitutionnel. Les grandes décisions de la
jurisprudence, PUF, 2011 ;
- Ferdinand Mélin-Soucramanien :
 Constitution de la République française, Dalloz, 2010 ;
 Les Constitutions de la France de la Révolution à la IVème République,
Dalloz, 2009 ;
 Les grandes démocraties, Dalloz, 2007

II- MANUELS

- Philippe Ardant et Bertrand Mathieu : Droit constitutionnel et institutions


politiques, LGDJ, 2017 ;
- Bernard Chantebout : Droit constitutionnel, 32e édition, Sirey, 2015 ;
- R. Debbasch : Droit constitutionnel, 9e édition, Lexis Nexis, 2014 ;
- O. Duhamel et G. Tusseau : Droit constitutionnel et institutions politiques, 4e
édition, Le Seuil, 2016 ;
- Francis Hamon et Michel Troper (ouvrage de Georges Burdeau, décédé) : Droit
constitutionnel, 37e édition, LGDJ, 2016 ;
- D. Rousseau et A. Viala : Droit constitutionnel, Montchrestien, 2004 ;
- Louis Favoreu, Patrick Gaïa et autres : Droit constitutionnel, 20e édition, Dalloz,
2018 ;
- Jean Gicquel et Jean-Eric Gicquel : Droit constitutionnel et institutions politiques,
30e édition, Domat Montchrestien, 2016 ;
- Pierre Pactet et Ferdinand Mélin-Soucramanien : Droit constitutionnel, 36e édition,
Sirey, 2018 ;

III- EXERCICES PRATIQUES

- Philippe Ardant : Droit constitutionnel et institutions politiques. Conseils-exercices,


LGDJ ;
- Claude Le Clercq et Pierre-Henri Chalvidan : Travaux dirigés de droit
constitutionnel.
- Pierre Pactet : Exercices de droit constitutionnel, 4ème édition, 1998, Armand
Colin.

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IV- REVUES

- Revue du droit public et de la science politique en France et à l’étranger (RDP)


- La revue Pouvoirs
- La Revue française de droit constitutionnel
- L’annuaire international de justice constitutionnelle
- Constitutions - Revue de droit constitutionnel appliqué
- Afrilex
- Afrique contemporaine
- Revue ivoirienne de droit

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INTRODUCTION GENERALE

Il est indispensable de commencer par définir le droit constitutionnel, pour faire


apparaître sa spécificité par rapport aux autres disciplines juridiques. Pour ce faire, il
s’impose, en tout premier lieu, de préciser l’objet du droit constitutionnel ; l’ayant fait,
l’on s’attachera, par la suite, à marquer la position du droit constitutionnel dans la
sphère du droit ; enfin, l’on indiquera la méthode suivie pour son enseignement.

I- L’OBJET DU DROIT CONSTITUTIONNEL

La vie en société n’est possible et n’a de sens que si elle procure l’ordre, la
justice et la paix. A cette fin, elle est régie par toutes sortes de règles dont les lois de
la religion ou de la morale, auxquelles s’ajoutent les règles de droit. Celles-ci se
définissent comme un « ensemble de préceptes de conduite obligatoires, établis par
les hommes et pour les hommes vivant en société, et destinés à faire régner, dans
les relations sociales, l’ordre et la justice, et dont l’application peut être obtenue, le
cas échéant, par la contrainte » (Carré de Malberg). C’est dire que là où vit un seul
individu, il ne peut y avoir de droit ; le droit robinsonien n’existe donc pas.
En tant que phénomène social ou sociétal, le droit, en ses différentes parties,
régit tous les secteurs de la vie sociale. Il en va ainsi, par exemple, du droit civil qui
régit, entre autres, les personnes, les biens, la famille, et qui est donné comme le
droit commun dans le domaine du droit privé ; du droit commercial, applicable aux
activités de commerce ; du droit pénal, qui définit les infractions et les sanctions qui
leur sont applicables ; du droit administratif, qui est l’ensemble des règles
spécifiques qui, par dérogation au droit privé, s’appliquent aux personnes publiques,
dans le cadre de l’organisation et du fonctionnement des services publics, sauf
lorsqu’elles se placent dans les mailles du droit privé ou « s’habillent en civil » ; c’est
donc le droit commun de l’Administration.
Qu’est-ce, alors, que le droit constitutionnel, à côté de ces différentes
disciplines ?
Le droit constitutionnel a la particularité d’être l’ensemble des règles juridiques
régissant le pouvoir politique, pouvoir suprême, dont l’Etat est le titulaire. En d’autres
termes, et selon la formule du professeur André Hauriou, le droit constitutionnel se
présente comme « l’encadrement juridique des phénomènes politiques » (Droit

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Constitutionne l). Il tire sa source de la Constitution qui est l’acte fondateur de l’Etat,
l’acte qui crée l’Etat, au sens où elle le fait passer du stade d’élément de fait au stade
de sujet de droit en l’organisant, en lui donnant forme (Carré de Malberg ; Francis
Wodié). Ainsi, le droit constitutionnel détermine le statut du pouvoir politique en le
soumettant à des règles de droit ; celles-ci se rapportent à la conquête du pouvoir, à
l’exercice du pouvoir, à la transmission du pouvoir. Il suit de là que l’Etat, puissance
publique par excellence, est soumis au droit ; les organes dont il est doté par le droit,
à savoir les gouvernants, au moyen desquels il décide et agit en tant que personne
morale, c’est-à-dire « sujet de droit fictif » (Gérard Cornu et autres : Vocabulaire
juridique), sont soumis au droit. Ils sont tenus à l’obligation d’agir conformément au
droit, et singulièrement de respecter les droits et libertés reconnus aux citoyens ou,
d’une manière générale, aux individus par la Constitution. C’est en cela que le droit
constitutionnel apparaît, selon la formule d’André Hauriou comme la conciliation de
l’autorité et de la liberté ; c’est que le droit constitutionnel fait cohabiter dans le même
espace ces deux éléments qui semblent s’exclure : il donne à l’autorité les moyens
de son action tout en l’encadrant, tout en le canalisant aux fins d’assurer la garantie
de la liberté.
Il résulte de ce qui précède que le droit constitutionnel est la discipline juridique
qui soumet l’Etat au droit ; l’Etat, qui possède le pouvoir suprême, est lié par le
droit. Ainsi, le droit constitutionnel consacre le règne, la suprématie du droit. Il
consacre donc ce qu’on appelle l’Etat de droit – système dans lequel l’Etat est
organisé par le droit et fonctionne sur la base du droit (Francis Wodié) – qui
s’oppose à l’Etat de police, dans lequel les autorités, agissant au nom de l’Etat, n’ont
de limites qu’en elles-mêmes (Prosper Weil).

II- LA POSITION DU DROIT CONSTITUTIONNEL DANS LA SPHÈRE DU


DROIT

Les lignes, qui précèdent, donnent de voir que le droit constitutionnel occupe
une place particulière dans le monde du droit, à deux points de vue.
Au premier point de vue, d’abord : les disciplines juridiques sont réparties en
deux grandes branches : droit public et droit privé ; c’est la summa divisio, la division
fondamentale.
Le droit public est donné comme le droit de l’Etat, c’est-à-dire le droit applicable
aux rapports dans lesquels se trouve impliquée une personne publique ; c’est un

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droit de commandement, et par conséquent un droit d’inégalité ; sa méthode est celle
de l’acte unilatéral, acte procédant d’une seule volonté et s’imposant à ses
destinataires ou adressataires sans que leur consentement ait été préalablement
requis.
Le droit privé, au contraire, est le droit dans l’Etat ; c’est le droit applicable aux
personnes privées dans leurs rapports mutuels ; c’est un droit d’égalité ; pour cela il
repose sur le consensualisme ; la technique qu’il utilise est l’accord des volontés, le
contrat.
A l’évidence, le droit constitutionnel apparaît comme appartenant au droit public
par cela seul qu’il est le droit du pouvoir politique. Sa spécificité tient à ceci qu’à
l’intérieur du droit public, il est la discipline qui soumet le pouvoir politique au droit.
Par son objet, le droit constitutionnel s’affirme comme occupant, dans la sphère du
droit, une position particulière.
Au second point de vue, le droit constitutionnel s’offre comme la matière de
base du droit, de tout le droit, qu’il s’agisse du droit public ou du droit privé, en ce
que, jetant les bases de l’Etat, il crée le droit. Ainsi, tout ce qui se réalise à l’intérieur
de l’Etat prend sa source dans la Constitution, donc dans le droit constitutionnel. Il en
va ainsi tant du droit public que du droit privé. Ainsi, d’une manière ou d’une autre, le
droit public et le droit privé ont des bases constitutionnelles.

III- LA METHODE SUIVIE POUR L’ENSEIGNEMENT DU DROIT


CONSTITUTIONNEL

L’enseignement ou l’étude du droit constitutionnel stricto sensu consiste dans


l’exposé et l’analyse des règles de droit régissant le pouvoir politique. Ces règles
sont issues de la Constitution qui est, en règle générale, un document élaboré et
adopté selon une procédure solennelle. Toutefois, la Constitution peut être
coutumière, c’est-à-dire non écrite, les règles régissant la vie politique se formant,
alors, au moyen de pratiques suivies de façon constante, et acceptées comme règles
de droit, donc obligatoires.
La méthode que voilà s’en tient aux origines des institutions, au statut, aux
prérogatives et obligations des institutions, à leurs rapports mutuels, à leurs rapports
avec les citoyens…

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On le voit, une telle approche est coupée des réalités. Or, celles-ci peuvent être
respectueuses des règles posées ou les contredire ; elles peuvent épauler les règles
ou s’en affranchir en les déformant, en les violant. Dans ces conditions, s’en tenir aux
seules règles, c’est s’interdire d’avoir une vue complète de l’espace politique ; c’est
s’interdire de saisir la place et la valeur des institutions et des règles dans l’ordre
social ; c’est donc avoir une vue tronquée de l’objet d’étude. C’est dire combien il est
important d’intégrer ou de joindre ces réalités à l’étude des règles juridiques et des
institutions constitutionnelles. C’est la raison pour laquelle l’enseignement du droit
constitutionnel s’enrichit du secours de la science politique. On comprend, dès lors,
que les ouvrages de droit constitutionnel fassent, tous, une place de choix à la
science politique qui s’attache à l’étude et à l’analyse des phénomènes politiques,
c’est-à-dire aux réalités de la vie politique qui sont, certes, le fait des acteurs
constitutionnels, mais aussi celui des forces sociales non publiques : les partis et
groupements politiques, les syndicats, les organisations non gouvernementales, les
groupes de pression…
Le champ ainsi balisé, les conditions sont réunies pour l’étude du droit
constitutionnel dont la première partie sera consacrée à la théorie générale, la
deuxième partie devant s’attacher à l’étude spécifique du droit constitutionnel
ivoirien.

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PREMIERE PARTIE : THEORIE GENERALE DU DROIT CONSTITUTIONNEL

La théorie générale du droit constitutionnel se donne comme l’ensemble des


notions de base qui constituent la clef permettant d’accéder à l’appréhension et à la
compréhension du droit constitutionnel, quel que soit le système politique considéré,
c’est-à-dire quelle que soit la manière dont les hommes sont gouvernés, et par
conséquent, quel que soit l’Etat. Cette approche commande l’examen des données
de base du droit constitutionnel ainsi que celui des régimes politiques.

TITRE PREMIER : LES DONNEES DE BASE DU DROIT CONSTITUTIONNEL

L’étude du droit constitutionnel évoque un certain nombre de notions


fondamentales ; ce sont l’Etat, la Constitution et le pouvoir politique ou la
souveraineté.

Chapitre premier : Le cadre politique du droit constitutionnel : l’Etat

« Toute étude du droit en général, et du droit constitutionnel en particulier,


engage et présuppose la notion de l’Etat » (Carré de Malberg). Ce qui veut dire que
l’Etat occupe une place centrale dans l’étude du droit constitutionnel. Ainsi, là où il
n’y pas d’Etat, il ne saurait y avoir de droit constitutionnel. Cette affirmation amène à
se demander ce qu’est l’Etat autant que ce qu’il fait. C’est à ces préoccupations que
répondent les développements liés à ce chapitre.

Section 1 : Définition de l’Etat

L’Etat apparaît, avant tout, comme un produit de l’histoire. Mais, du point de vue
juridique, l’Etat se définit comme une entité ayant la personnalité morale et
présentant des rapports plus ou moins étroits avec ce qu’on appelle la nation.

Paragraphe premier : L’Etat, un produit de l’histoire

L’Etat est, en tout lieu, un produit de l’histoire ; cette affirmation est vraie pour
tous les Etats. Car, en tant que structure organisée, l’Etat n’est pas un donné
naturel ; il est l’œuvre des hommes qui l’ont établi à un moment donné de leur

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histoire ; il est de l’ordre du construit ; l’Etat est donc une institution, en tant qu’il est
une création de la volonté humaine pour répondre à un but social ; l’Etat s’oppose
par là même à une création naturelle ou à un donné naturel.

Paragraphe 2 : L’Etat, une personne morale de droit public

Du point de vue juridique, l’Etat est une personne morale, c’est-à-dire un être
fictif auquel sont attribués des droits, mais qui est également soumis à des
obligations. L'Etat a la personnalité juridique, comme les personnes physiques. Ce
qui veut dire que l’Etat est un sujet de droit, qui peut agir au sens où il peut prendre
des décisions, entretenir des rapports avec les autres sujets de droit, ou ester en
justice… Mais, l’Etat est substantiellement différent des autres personnes, car les
droits de l’Etat sont supérieurs à ceux dont jouissent les autres personnes. Il en est
ainsi parce que l’Etat possède le pouvoir politique qui est le pouvoir suprême. L’Etat
est donc l’institution qui possède le pouvoir politique, et c’est au nom de l’Etat que le
pouvoir s’exerce. C’est la raison pour laquelle le professeur Georges Burdeau
enseigne que « l’Etat est le pouvoir institutionnalisé. »
L’Etat, ainsi compris, a des prérogatives que n’ont pas les autres personnes,
car l’Etat est au-dessus de toutes les autres personnes à l’intérieur de ses frontières.
C’est dire que l’Etat est la personne morale de droit public par excellence, en tant
qu’il est le titulaire du pouvoir suprême.

Paragraphe 3 : Les rapports entre Etat et nation

L’Etat, tel que présenté, est donné par certains auteurs, tels Maurice Hauriou ou
Carré de Malberg, comme la personnification de la nation. Ce qui veut dire que pour
ces auteurs l’Etat est le produit de la nation, la nation étant le corps social parvenu à
une unité certaine à travers le temps et s’organisant volontairement sous la forme
étatique. Pour ces auteurs, donc, la nation est à l’origine de l’Etat, et l’Etat est la
nation élevée à la dignité de sujet de droit. Mais, qu’est-ce que la nation ? Ici, la nation
se définit comme une âme, un principe spirituel, une conscience morale, un vouloir-
vivre collectif (Ernest Renan). La nation est ainsi une « communauté de conscience,
de civilisation, qui s’est créée au cours d’une longue histoire commune de laquelle il
est résulté une unité de langue, renforcée, dans certains cas, d’une unité de
religion » (Carré de Malberg).

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Il est, certes, vrai qu’il existe des rapports entre l’Etat et la nation, mais, le
propos mérite d’être nuancé : certes, les Etats européens, dans leur quasi-totalité,
ont été créés à partir d’une volonté nationale ; la nation est, dans ce cas, antérieure à
l’Etat. La nation, ici, précède l’Etat, et l’Etat procède de la nation ; ainsi, l’on peut dire
que la nation est productrice d’Etat.
Il en va différemment d’autres Etats, notamment des Etats africains,
anciennement colonisés. Ces Etats ont été, pour la plupart, créés ex nihilo par les
anciennes puissances coloniales qui en ont déterminé et tracé les frontières en
tenant compte essentiellement des besoins de l’entreprise coloniale. De tels Etats,
rassemblant des peuples divers, et parfois désunis, ne peuvent être considérés
comme formant une nation. A l’évidence, ces Etats précèdent la nation, et pour qu’ils
se consolident et perdurent, ils doivent s’assigner l’obligation de construire la nation,
une nation détribalisée, époutiée de tout relent tribal.
On retiendra également l’exemple de la Palestine qui est incontestablement une
nation, disséminée à travers le monde, mais non encore parvenue à se constituer
sous la forme étatique. On peut mentionner également l’exemple d’Israël qui n’est
parvenu à se constituer en Etat que depuis 1948, alors même que la nation juive
existe depuis des temps immémoriaux parce que depuis les temps bibliques. Il suit
de là que l’Etat et la nation ne coïncident pas toujours. Ils peuvent coïncider ou se
disjoindre.

Section 2 : Les éléments constitutifs de l’Etat

A quoi reconnaît-on l’existence de l’Etat ? C’est la question à laquelle il convient


de répondre ici.
La réunion de trois éléments essentiels est nécessaire à la formation de l’Etat,
et l’existence de ces éléments suffit pour qu’il y ait Etat aussi bien en droit interne
qu’en droit international. Ces éléments sont : un élément charnel, la population ; un
élément spatial, le territoire ; un élément politique, la souveraineté.

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Paragraphe premier : L’élément charnel : la population

Dans chaque Etat, l’on trouve nécessairement un certain nombre d’hommes et


de femmes. Ce nombre peut être plus ou moins important, peu importe ; l’essentiel
est que ces hommes et ces femmes soient parvenus à former un corps autonome,
c’est-à-dire un ensemble distinct des groupes étatiques voisins (Carré de Malberg).
L’Etat, c’est avant tout une communauté humaine. Ainsi, l’Etat apparaît comme une
forme de groupement social parmi d’autres. Mais, ce qui caractérise cette forme de
communauté ou de groupement social qu’est l’Etat, c’est que l’Etat est une
collectivité publique se superposant à tous les autres groupements sociaux (CM).
Ainsi, il n’y a pas d’Etat qui n’ait à sa racine une population ; cette population
est constituée de deux entités : il y a, d’abord, les individus ayant la nationalité de
l’Etat considéré ; ce sont les nationaux. Il convient de souligner que la nationalité
s’acquiert, s’exerce et se perd éventuellement en vertu du droit de chaque Etat. Il y a,
ensuite, les autres individus cohabitant avec les nationaux : ce sont les étrangers.
Le national, en effet, c’est celui qui est rattaché à un Etat donné par un lien
juridique. Il bénéficie de la nationalité de cet Etat, et de cette qualité découlent des
conséquences au plan interne comme au plan international.
Sur le plan interne, le national a des droits politiques, tels le droit de vote ou le
droit de se porter candidat, sous certaines réserves, aux élections politiques de son
Etat.
Sur le plan international, il existe, au profit du national, ce qu’on appelle la
protection diplomatique ; elle consiste, pour l’Etat d’origine, dans la possibilité ou le
pouvoir de prendre fait et cause pour son national ou son ressortissant vivant dans
un autre Etat, lorsque les droits de ce national ont été violés et que par les voies de
recours internes, ce national n’a pu obtenir satisfaction.
Il suit de tout ce qui précède que la population est la base même de l’Etat, car il
n’est pas possible de parler d’Etat sans population. Ainsi, une île déserte ou un
désert absolu ne peut être regardé comme constituant un Etat.
La population, ainsi définie, doit être distinguée d’une notion voisine avec
laquelle on la confond parfois ; il s’agit de la notion de peuple. La population est une
notion sociologique ; elle comprend les enfants, les hommes, les femmes, bref, tous
les êtres humains vivant dans un Etat donné à un moment donné ; la population est
donc cette masse humaine formée des nationaux et des étrangers vivant sur le sol
de l’Etat.

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Le peuple, au contraire, est une notion juridique et politique : il est une partie
seulement de la population ; plus précisément, le peuple est l’ensemble des
nationaux qui constitue le corps politique, ou l’ensemble des citoyens ayant la
propriété du pouvoir politique en régime démocratique ; en d’autres termes, le
peuple, c’est l’universalité des citoyens ; le peuple, ainsi entendu, est investi de droits
politiques, tels le droit de désigner les gouvernants ou le droit d’exercer directement
le pouvoir politique par la voie du référendum…
Enfin, en régime démocratique, le peuple, c’est le titulaire du pouvoir politique.

Paragraphe 2 : L’élément spatial : le territoire

Le territoire est l’un des éléments qui permettent au corps social de réaliser son
unité. C’est en ce sens que Maurice Hauriou a pu écrire que l’Etat est une formation
territoriale.
Le territoire présente une importance telle qu’il est impossible d’imaginer un
Etat qui n’ait pas d’assise territoriale. Le territoire est donc indispensable à
l’avènement et à la vie de l’Etat, car c’est au moyen du territoire que l’Etat peut
affirmer son indépendance ; c’est, également, au moyen du territoire que l’Etat va
pouvoir imposer sa propre puissance et repousser éventuellement l’intervention de
toute puissance étrangère (Carré de Malberg).
Le territoire, ainsi compris, est constitué de deux ou trois éléments, selon la
position géographique de l’Etat : il y a, d’abord, le territoire terrestre.
Il y a, ensuite, la couche atmosphérique qui surplombe le territoire terrestre,
c’est-à-dire qui est située au-dessus du sol. Son survol est autorisé pour les avions
civils étrangers en temps de paix, en vertu de la convention de Chicago, signée le 7
décembre 1944. Ces deux composantes se retrouvent dans le territoire de tout Etat.
Il y a, enfin, une troisième composante du territoire, que possèdent les seuls
Etats ayant un débouché sur la mer. Cette troisième composante est constituée des
portions de mer qui baignent les côtes ; cet espace s’appelle la mer territoriale. C’est
dire que les Etats enclavés, tels le Mali, le Burkina Faso ou le Niger n’en possèdent
pas.

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Paragraphe 3 : L’élément politique : la souveraineté

La souveraineté se définit comme le pouvoir qu’a la collectivité étatique de


témoigner d’elle-même, c’est-à-dire de n’être soumise à aucune puissance
extérieure ; la souveraineté est donc pour l’Etat le pouvoir de disposer de lui-même.
Ainsi comprise, la souveraineté est consubstantielle à l’Etat ; il n’y a donc pas d’Etat
sans souveraineté ; celle-ci est plénitude et exclusivisme.
Elle est plénitude, car la collectivité étatique exerce tous les pouvoirs aussi bien
à l’intérieur qu’à l’extérieur. La souveraineté est également exclusivisme, car elle
exclut l’intervention de toute autre puissance dans les affaires de l’Etat sans que
celui-ci y ait au préalable consenti.
Positivement, la souveraineté se traduit par le pouvoir de commandement,
c’est-à-dire le pouvoir d’édicter des règles ou de donner des ordres auxquels la
population doit obéir. La souveraineté comporte une autre dimension : c’est le
pouvoir de contrainte, c’est-à-dire le pouvoir qu’a l’Etat de recourir à la force, à la
violence, en cas de désobéissance ou de résistance. C’est la violence légitime.
Il convient d’observer qu’avec l’avènement de nouvelles exigences liées à
l’évolution du monde telles la démocratie, la bonne gouvernance ou l’obligation de
respecter les droits de l’homme ou les droits fondamentaux de la personne humaine,
la souveraineté de l’Etat connaît des limites. Ainsi, la souveraineté, aujourd’hui, n’a
plus le même sens, le même contenu que naguère où l’on célébrait les orgies de la
souveraineté (voir La souveraineté au XXe siècle, ouvrage collectif, sous la direction
de René-Jean Dupuy, Armand Colin, 1970).

Section 3 : Les fonctions de l’Etat

La question à examiner ici est celle des fonctions incombant à l’Etat, à tout Etat.
L’Etat, quel qu’il soit, assume deux types de fonctions : d’une part, des
fonctions politiques et, d’autre part, des fonctions juridiques.

Paragraphe premier : Les fonctions politiques de l’Etat

Les fonctions politiques de l’Etat dépendent de l’idéologie dominante au sein de


chaque Etat ; elles sont en rapport avec la conception dominante qui informe l’Etat.
On comprend, dès lors, que ces fonctions varient selon les Etats ou les groupes

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d’Etats ; on comprend également qu’à l’intérieur de l’Etat ces fonctions évoluent à
travers le temps. On peut distinguer, à cet égard, d’après les données de l’histoire,
trois types de fonctions politiques au regard de l’intensité de la mission que l’Etat
s’assigne.

A- L’Etat-gendarme

Au XIXe siècle, en Europe, et surtout en France, la conception que l’on avait de


l’Etat était celle de l’Etat-gendarme. Selon cette conception, l’Etat devait assumer
des fonctions très limitées : il était admis que l’Etat assure la sécurité, l’ordre dans la
société, et rende la justice. Pour l’essentiel, l’Etat avait un rôle de police à l’intérieur
de ses frontières ; vis-à-vis de l’extérieur, l’Etat devait défendre ses frontières. Dans
ce contexte, le rôle de l’Etat relativement au droit, était de produire des règles pour
régir les rapports entre les hommes afin que règne l’ordre. Il suit de là que toute autre
intervention de l’Etat était considérée comme dangereuse pour la liberté, notamment
en matière économique où régnait le libéralisme pur. C’est dire que l’Etat n’avait pas
à intervenir dans la vie économique considérée comme devant être abandonnée aux
initiatives privées.
Mais, vers la fin de la première guerre mondiale et même avant, l’Etat est sorti
de ce que l’on considérait comme étant ses compétences naturelles, pour prendre en
charge d’autres activités, imposées par l’évolution du monde et les exigences du
moment : c’est l’avènement de l’Etat-providence.

B- L’Etat-providence

A partir de 1914, il était devenu acceptable, voire nécessaire, en France, par


exemple, que l’Etat étende son action. Cette nouvelle conception était due aux effets
de la guerre que sont les bouleversements socio-politiques ; elle était également due
à la propagation d’idées socialistes depuis le XIXe siècle. Ainsi, dans ses actions
l’Etat va désormais au-delà de la conception originelle qui ne faisait de lui qu’un
simple gendarme. Désormais, l’Etat s’engage dans une voie providentielle,
consistant dans des prestations et interventions diverses au bénéfice de la
collectivité ; ainsi, l’Etat distribue des secours dans les hôpitaux ; il alloue des
subventions aux entreprises privées en difficulté ou à des activités privées

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déficitaires afin de prévenir des troubles socio-économiques. L’Etat est allé même
au-delà des aides et secours en procédant, dans certains cas, à des nationalisations,
lesquelles consistent à transférer à la collectivité étatique la propriété de certains
biens de production jugés vitaux pour la vie de la nation.

C- L’Etat interventionniste

C’est la gradation suprême, c’est-à-dire le stade le plus élevé. Ici, l’Etat


intervient de façon totale et sans exclusive, c’est-à-dire dans tous les secteurs de la
vie sociale : l’Etat intervient pour lutter contre les crises économiques ; et pour cela,
l’Etat planifie l’économie, soit de façon souple, soit de façon autoritaire. Il veille à
l’équilibre social et au progrès économique ; il fixe un salaire minimum en dessous
duquel l’on ne doit pas descendre ; ce salaire doit croître pour tenir compte de
l’évolution du coût de la vie : l’on est ainsi passé du SMIG au SMIC.
Plus encore, l’Etat est devenu banquier, entrepreneur, assureur, transporteur, le
tout à la manière des entreprises privées ; l’Etat agit dans tous les secteurs de la vie,
soit en se substituant à l’initiative privée défaillante, soit en concurrençant l’initiative
privée.
Aujourd’hui, avec l’avènement de la globalisation ou mondialisation, l’on assiste
au retrait progressif de l’Etat de la vie économique ; c’est la privatisation ; on
constate, alors, le mouvement inverse qui est celui par lequel l’Etat marche vers la
conception initiale qui était celle de l’Etat-gendarme.
Au total, il faut rappeler que les fonctions politiques de l’Etat ne sont que l’une
des catégories des fonctions que l’Etat assume. Il s’y ajoute, en effet, une autre
dimension qui est celle des fonctions juridiques de l’Etat.

Paragraphe 2 : Les fonctions juridiques de l’Etat

Ce sont les fonctions de production ou d’exécution de la règle de droit. Ces


fonctions, régies par le principe de séparation, sont de trois ordres : ce sont la
fonction législative, la fonction exécutive et la fonction juridictionnelle.

A- La fonction législative

Cette fonction consiste dans la production ou l’édiction des lois qui sont des
règles de caractère général et impersonnel, destinées à régir la société étatique.

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Cette fonction est confiée, dans l’Etat, à un Parlement, et le Parlement est soit
monocaméral soit bicaméral selon les Etats. Son œuvre législative consiste à poser,
en règle générale, les principes, sans descendre dans les règles de détail, lesquelles
ressortissent à l’exécution de la loi.

B- La fonction exécutive

Elle consiste, au sein de l’Etat, dans une tâche d’exécution ou d’application de


la loi. Cette fonction est confiée à un organe distinct, appelé pouvoir exécutif. Sa
tâche consiste précisément à prendre les mesures nécessaires aux fins de donner
effet à la loi. A cet égard, l’organe exécutif assure la promulgation des lois et prend
des actes pour préciser les modalités de leur application. Toutefois, il convient de
souligner que le rôle de l’organe exécutif va au-delà de la simple exécution des lois,
car cet organe est aussi qualifié pour déterminer et conduire la politique de la nation.
Ce qui n’est pas un rôle d’exécution…

C- La fonction juridictionnelle

Elle consiste à dire le droit à l’occasion du règlement des litiges. C’est la


fonction de juger. La fonction juridictionnelle exercée par l’Etat consacre la fin de la
loi du Talion, c’est-à-dire la fin de la justice privée ou de la vengeance privée (oeil
pour oeil, dent pour dent). L’Etat se substitue, désormais, aux personnes privées et
rend seul la justice ; L’Etat est seul à rendre la justice, comme il est seul à pouvoir
user de la violence, de la force ; l’Etat est, alors, seul à détenir la violence légitime.
La fonction juridictionnelle de l’Etat, qui consiste, on le rappelle, dans la
résolution des litiges, des différends ou des prétentions contradictoires qui naissent
entre les personnes, conduit à rechercher et à appliquer aux situations qui se
présentent les règles de droit y correspondant. La fonction juridictionnelle consiste
donc à rendre la justice à travers l’application de la loi à des situations concrètes.
C’est la raison pour laquelle certains auteurs considèrent la fonction juridictionnelle
comme une fonction exécutive, c’est-à-dire une fonction consistant dans l’exécution
de la loi.
Cette fonction est, elle aussi, confiée à un organe distinct, et cet organe se
nomme pouvoir juridictionnel, appelé parfois pouvoir judiciaire. C’est un pouvoir qui

16
est organisé différemment selon les Etats ou les groupes d’Etats : dans certains
Etats, c’est l’unité de juridictions ou le monisme juridictionnel qui a été retenu ; dans
un tel système, les mêmes juges sont compétents, sauf exceptions, pour connaître
de toutes les affaires. Ce système avait été retenu par la Côte d’Ivoire jusqu’à la
révision constitutionnelle du 2 juillet 1998 ; ce système est en vigueur dans quelques
Etats africains et dans la totalité des Etats anglo-saxons.
Dans d’autres Etats, au contraire, le système juridictionnel retenu est la dualité
de juridictions ou le dualisme juridictionnel ; le propre de ce système consiste en ceci
qu’il comporte, d’une part, des juridictions judiciaires, compétentes pour juger les
affaires opposant les personnes privées entre elles, ne pouvant juger les personnes
publiques qu’à titre exceptionnel, singulièrement lorsque celles-ci « s’habillent en
civil », ou se comportent comme des personnes privées ordinaires, et d’autre part,
des juridictions administratives, qualifiées pour connaître des affaires mettant en
cause les personnes publiques ou personnes morales de droit public que sont :
l’Etat, les collectivités territoriales décentralisées et les établissements publics ; ce
système est celui retenu et appliqué en France.
Enfin, une troisième modalité d’organisation juridictionnelle doit être signalée ; il
s’agit du système juridictionnel mixte, combinant des éléments du monisme
juridictionnel et des éléments participant du dualisme juridictionnel ; le Sénégal a
expérimenté ce système de 1992 à 1998 ; le système juridictionnel ivoirien, issu de la
Constitution de la Troisième République, en date du 8 novembre 2016, voulu ou
qualifié de dualiste par les rédacteurs du texte, présente, au contraire, les
caractéristiques du système juridictionnel mixte si l’on s’en tient aux dispositions de
la Constitution : il comporte, au sommet, une Cour suprême, comprenant une Cour
de cassation et un Conseil d’Etat, qui en sont donc des Chambres ou Sections,
improprement baptisées juridictions suprêmes en matière judiciaire et en matière
administrative ; la consécration d’une Cour suprême est un élément du monisme
juridictionnel.
Le système ivoirien actuellement en vigueur comporte également des tribunaux
judiciaires et des tribunaux administratifs, prévus par la Constitution, mais leur
création est confiée à la loi ; ce sont là, incontestablement, des éléments relevant du
dualisme juridictionnel…
Toutefois, l’on observe, avec surprise, que l’organisation juridictionnelle définie
par la loi organique relative à la Cour suprême et les lois ordinaires consacrées

17
respectivement à la Cour de cassation et au Conseil d’Etat (27 décembre 2018) est
presque en tous points identique à celle retenue par la France ; c’est dire que les lois
d’application de la Constitution se sont écartées de celle-ci pour offrir à la Côte
d’Ivoire un système juridictionnel dualiste. Cette contradiction a pris fin par l’effet de
la révision constitutionnelle du 19 mars 2020 qui confirme la dualité de juridictions
réalisée par le législateur.
On observera que quel que soit le système juridictionnel retenu par les Etats,
les décisions rendues par le juge sont revêtues de l’autorité de la chose jugée ; ce
qui veut dire que ces décisions bénéficient de la force de vérité légale ; ces décisions
sont exécutoires et doivent, par conséquent, être exécutées. Toutefois, la loi offre
des voies de recours, telles que l’appel ou le pourvoi en cassation, contre lesdites
décisions…
Il convient de préciser que lorsque l’organe juridictionnel a rendu sa décision, il
a épuisé par là même ses pouvoirs ; il ne lui appartient pas d’assurer l’exécution de
sa décision ; le principe de séparation entre les autorités administratives et judiciaires
s’y oppose ; l’exécution de la décision de justice incombe au pouvoir exécutif, en
vertu des différentes Constitutions.
En final, l’on doit noter que par-delà les points communs à tous les Etats, dont
on vient de rendre compte, il existe des différences entre les Etats du point de vue de
leur forme ou organisation.

Section 4 : Les formes d’Etat

Il convient, de prime abord, de marquer la différence entre forme d’Etat et forme


de gouvernement, car ces deux expressions renvoient à des réalités différentes, et
ne doivent donc pas être confondues : comme l’écrit Georges Burdeau, « la forme de
l’Etat vise la consistance du pouvoir dont l’Etat est le titulaire. La forme de
gouvernement, au contraire, est déterminée par la manière dont sont désignés les
agents d’exercice du pouvoir, et par la façon dont le pouvoir est mis en œuvre. » La
forme de gouvernement renvoie au statut du pouvoir alors que la forme de l’Etat se
rapporte à la structure interne du pouvoir.
Il suit de ce qui précède que la classification des formes d’Etat repose sur la
structure interne du pouvoir dans l’Etat. Ainsi, selon que le pouvoir a un titulaire

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unique ou qu’il a « un centre multiple de puissance » (Carré de Malberg), c’est-à-dire
plusieurs centres de décision, on parle d’Etat simple ou d’Etats composés.

Paragraphe premier : L’Etat simple ou unitaire

Il y a lieu, tout d’abord, de chercher à cerner la notion d’Etat simple ; cette


exigence satisfaite, l’on s’attachera à examiner, ensuite, les modalités d’organisation
de l’Etat unitaire.

A- Définition de l’Etat unitaire

Comme l’indique son nom, l’Etat unitaire est un Etat unique, c’est-à-dire un Etat
organisé sur la base du principe de l’unité. L’idée fondamentale qui informe l’Etat
unitaire, c’est-à-dire qui le structure, c’est qu’il n’y a pas de partage de la
souveraineté entre l’Etat unitaire et les autres personnes morales de droit public
créées par l’Etat ; autrement dit, dans la relation entre l’Etat unitaire, qui constitue le
centre, et les autres personnes morales de droit public qui forment ce qu’on appelle
la périphérie, il n’y a qu’un centre unique d’animation et de décision ; ce centre
unique, c’est l’Etat. Cela veut dire que l’Etat unitaire seul possède le pouvoir politique
dans son entièreté ; il a, seul, la souveraineté pleine et entière à l’intérieur de ses
frontières. C’est dire que les collectivités territoriales, créées par l’Etat, n’ont pas part
au pouvoir politique. Elles ne jouissent que de l’autonomie administrative et nullement
de l’autonomie politique qui est l’apanage des Etats fédérés.
Aujourd’hui, les Etats unitaires sont les plus nombreux à travers le monde ;
c’est le cas de la France, de la Côte d’Ivoire et des autres Etats africains de
succession française.
L’Etat unitaire, qui est animé du principe de l’unité, peut conduire, selon la
formule de Lamennais, « à l’apoplexie au centre et à la paralysie aux extrémités. »
C’est pourquoi, de nos jours, l’Etat unitaire est organisé selon des modalités tendant
à en corriger les inconvénients afin d’avoir l’efficacité nécessaire.

B- Les modalités d’organisation de l’Etat unitaire

La centralisation ou la concentration du pouvoir, qui est le propre de l’Etat


unitaire pur, n’est pas viable parce qu’elle est source de lourdeur car, comme
l’affirme Napoléon, « si l’on peut gouverner de loin, on n’administre bien que de

19
près. » Pour cette raison, il a été conçu et consacré deux techniques permettant
d’assouplir la centralisation, et ces deux techniques se rencontrent, dans bien des
cas, dans le même espace étatique ; ce sont la déconcentration et la
décentralisation, qui tendent à rapprocher l’administration de l’administré et, par
conséquent, à faire en sorte que le pouvoir administratif ne s’exerce plus totalement
depuis la capitale, mais en partie, sur place.

1- La déconcentration

C’est la technique d’organisation administrative dans laquelle le pouvoir central


est représenté au niveau local, plus précisément au niveau des circonscriptions
administratives, par des agents locaux ; ces agents locaux, représentant le pouvoir
central, sont nommés par le pouvoir central, et les actes qu’ils accomplissent le sont
au nom du pouvoir central, c’est-à-dire au nom de l’Etat. Car, les circonscriptions
administratives n’ont pas la personnalité juridique. Ainsi, les sous-préfets et les
préfets qui, dans leurs circonscriptions administratives, représentent le pouvoir
central, agissent au nom et pour le compte du pouvoir central, c’est-à-dire l’Etat…

2- La décentralisation

Pour emprunter au vocabulaire anglo-saxon, on peut dire que la


décentralisation est une sorte de self government. Ainsi la décentralisation se
présente comme l’expression de la démocratie locale. A la manière de la
déconcentration, la décentralisation intervient seulement en matière administrative et
nullement en matière politique. Elle consiste, pour l’Etat, à créer des collectivités
territoriales auxquelles l’Etat confère la personnalité juridique. Ces collectivités
territoriales décentralisées sont dotées par l’Etat d’un certain nombre d’attributions
sur la base desquelles elles se voient reconnaître le pouvoir de gérer les affaires
locales qui leur ont été confiées, et qui deviennent ainsi leurs propres affaires,
distinctes des affaires nationales qui sont, elles, l’apanage de l’Etat. Ces collectivités
décentralisées, telles les régions, les communes, et dans certains cas, les
départements, sont régies par le principe d’autonomie. Il s’agit de l’autonomie
administrative et financière, en vertu de laquelle les collectivités décentralisées
gèrent librement leurs propres affaires. En vertu de cette autonomie, les organes de
ces collectivités sont élus par les habitants de ces collectivités et non pas nommés
par le pouvoir central ; c’est le cas des conseillers régionaux dans les régions, des
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conseillers municipaux dans les communes ou des conseillers départementaux, là où
le département est une collectivité territoriale décentralisée.
Ayant la personnalité juridique, ces collectivités accomplissent des actes qui
engagent, non pas l’Etat, mais les collectivités elles-mêmes.
Il reste entendu que l’autonomie n’est pas l’indépendance ; c’est dire que les
collectivités territoriales décentralisées ne sont pas des entités indépendantes. La
conséquence qui en résulte est que ces collectivités décentralisées sont assujetties
au contrôle de l’Etat. Mais, il s’agit d’un contrôle qui doit se concilier avec l’autonomie
de ces collectivités. Ce contrôle revêt des formes diverses : il peut être un contrôle
de tutelle, exercé par le pouvoir central et/ou son représentant ; il peut prendre la
forme d’un contrôle de légalité, confié au juge. Ce contrôle doit avoir été prévu par un
texte, et il doit s’exercer dans les limites prévues par les textes. C’est donc un
contrôle qui est encadré par le droit pour éviter les dérapages. D’où la formule
suivante : pas de tutelle sans texte, pas de tutelle au-delà des textes…

Paragraphe 2 : Les Etats composés

L’expression « Etats composés », forgée par la doctrine, ne rend pas


pleinement compte des réalités qu’elle prétend désigner. Toutefois, on peut,
globalement, retenir que les Etats composés sont des institutions divisibles en parties
internes méritant elles-mêmes le nom d’Etat, et unies par un lien ou un projet de
société. Sous ce rapport, l’on distingue deux groupes ou deux catégories d’Etats
composés ; ce sont, d’une part, les formes archaïques ou surannées et, d’autre part,
les formes actuelles.

A- Les formes archaïques ou surannées

Ce type d’Etats composés a existé dans l’histoire. Aujourd’hui, il a disparu.


L’histoire en fournit deux modalités ; ce sont les unions personnelles et les unions
réelles.

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1- Les unions personnelles

C’est l’hypothèse où deux monarchies ont le même souverain. Ces monarchies


constituent pratiquement un seul et même Etat dans la mesure où en la personne du
monarque se trouve confondue la souveraineté des deux Etats. Mais, s’il y a
unification de la souveraineté en la personne du monarque, il y a, au contraire,
indépendance des deux gouvernements. Ainsi, l’unification ne concerne que la
propriété du pouvoir. Elle ne s’étend pas à l’exercice du pouvoir. On peut citer, à cet
égard, l’exemple de l’union entre l’Angleterre et le Royaume de Hanovre, qui a existé
de 1714 à 1837.

2- Les unions réelles

Ici également, l’hypothèse est celle d’une union volontaire se réalisant et


s’exprimant par l’institution d’un monarque unique entre deux Etats comme dans
l’union personnelle. Mais, ici, l’union est plus forte, parce qu’elle concerne à la fois la
propriété du pouvoir et l’exercice du pouvoir. Plus exactement, l’union concerne les
questions se rapportant aux relations étrangères ; ainsi les gouvernements restent
distincts en ce qui concerne les autres matières. On peut citer, à cet égard, l’exemple
de l’union entre la Suède et la Norvège, qui fut établie de 1815 à 1905.

B- Les formes actuelles

Il y en a deux : la confédération d’Etats et l’Etat fédéral, deux modalités


participant de ce qu’on appelle le fédéralisme.

1- La confédération d’Etats, un composé d’Etats

La confédération d’Etats est une organisation égalitaire d’Etats dans laquelle


les Etats acceptent de coopérer dans un certain nombre de domaines, tout en
conservant, à titre principal, leur souveraineté. Cela veut dire que les Etats membres
de la confédération renoncent librement à quelques compétences qu’ils transfèrent à
la confédération (exemples : l’union européenne, l’union africaine, le Commonwealth,
le conseil de l’entente…). Mais ces Etats ne renoncent pas à la totalité de leurs
compétences, car, ils gardent leur souveraineté.

22
Ainsi, la base de l’alliance, c’est-à-dire l’acte constitutif de la confédération
réside dans un traité qui est un acte de droit international ; car, le traité traduit
l’accord de volontés de deux ou plusieurs sujets de droit international.
Il y a lieu de préciser que dans l’histoire, la confédération a constitué parfois la
première étape vers la formation de l’Etat fédéral. Ce fut le cas de la Suisse qui n’est
plus une confédération, mais que l’on continue d’appeler improprement la
Confédération helvétique ; ce fut également le cas des Etats-Unis d’Amérique, qui
ont été d’abord une confédération d’Etats avant de devenir l’Etat fédéral que l’on
connaît aujourd’hui.

2- L’Etat fédéral, un Etat composé

L’Etat fédéral évoque un certain nombre de préoccupations qu’il convient


d’examiner successivement ; à cet égard, l’on doit s’intéresser, d’abord, à la
définition de l’Etat fédéral, avant d’examiner les questions relatives à sa formation et
à son organisation.

a) Définition de l’Etat fédéral

L’Etat fédéral apparaît comme une modalité élaborée d’Etat ; il se présente


comme une union d’Etats au sens du droit interne, et non pas au sens du droit
international. Car, l’Etat fédéral a sa base, c’est-à-dire sa source, dans un acte de
droit interne qui est la Constitution.

b) La formation de l’Etat fédéral

L’Etat fédéral se forme de deux manières différentes : soit par intégration, soit
par dissociation.
La formation de l’Etat fédéral par intégration, c’est l’hypothèse dans laquelle
plusieurs Etats souverains renoncent à leur souveraineté pour former un seul Etat,
un super-Etat, qui est l’Etat fédéral. On peut citer, à cet égard, les exemples
américain et suisse.
La formation de l’Etat fédéral par dissociation procède, quant à elle, de
l’éclatement d’un Etat unitaire, consécutivement à des difficultés internes ou à des
problèmes politiques internes débouchant sur la création d’Etats fédérés à l’intérieur

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du grand ensemble. L’on parvient ainsi à régler un problème politique grave
menaçant d’implosion l’Etat originel ; ainsi, à défaut d’accéder à l’indépendance, les
unités internes, qui avaient exprimé des velléités d’indépendance, obtiennent
l’autonomie politique, qui se situe entre l’appartenance à l’Etat unitaire et
l’indépendance. C’est de cette manière que la Russie tsariste est devenue l’URSS,
Etat fédéral.

c) Les principes d’organisation de l’Etat fédéral

Quel que soit son mode d’établissement, l’Etat fédéral repose sur trois
principes, et ces principes sont cumulatifs et non alternatifs ; ce sont : le principe de
superposition, le principe d’autonomie et le principe de participation.

) Le principe de superposition

Selon ce principe, l’Etat fédéral absorbe les Etats fédérés ; il dispose de la


souveraineté, pleine et entière ; il est seul sur la scène internationale, au point de
faire figure d’Etat unitaire. En outre, le droit produit par les organes de l’Etat fédéral
s’impose aux Etats fédérés. Ainsi, l’ordre fédéral bénéficie de la primauté sur les
ordres internes. Il s’ensuit que l’ordre fédéral bénéficie de l’immédiateté ; ce qui veut
dire que le droit produit par l’Etat fédéral pénètre directement, immédiatement, les
ordres fédérés.
Mais, les Etats fédérés, dépouillés de leur souveraineté initiale ou de toute
souveraineté, bénéficient d’une autonomie politique.

) Le principe d’autonomie

L’autonomie vient de l’aménagement ou du partage des compétences entre


l’Etat fédéral et les Etats fédérés ; ce partage est assuré par la Constitution de l’Etat
fédéral ; sur cette base, l’Etat fédéral se voit attribuer par la Constitution fédérale un
certain nombre de matières ou de domaines ; c’est dans ces matières seulement que
l’Etat fédéral peut intervenir ou agir ; en règle générale, les matières attribuées à
l’Etat fédéral sont la monnaie, les Affaires étrangères, la défense, l’éducation et le
commerce extérieur. Dans la mesure où les matières dans lesquelles l’Etat fédéral

24
peut intervenir sont limitativement énumérées, alors, techniquement, l’Etat fédéral
jouit d’une compétence d’attribution.
Il suit de ce qui précède que les Etats fédérés jouissent, quant à eux, d’une
compétence de droit commun ; les Etats fédérés bénéficient d’une compétence
générale se traduisant par ceci que tout ce qui n’a pas été attribué à l’Etat fédéral va
aux Etats fédérés.
En vertu des compétences qui leur sont ainsi reconnues, les Etats fédérés ou
Etats membres disposent d’un pouvoir d’auto-organisation. Ce pouvoir se traduit par
le droit pour les Etats fédérés de s’organiser librement, sans ingérence de l’Etat
fédéral, mais dans le respect de la Constitution fédérale. Au nom de cette autonomie
politique conférée par la Constitution fédérale, l’Etat fédéré se dote d’une
Constitution qui est réglée sur la Constitution de l’Etat fédéral. En conséquence,
l’Etat fédéré possède un Exécutif, un Parlement et des tribunaux propres ; il possède
même un drapeau et un hymne national.

) Le principe de participation

Ce principe veut que les Etats fédérés ou Etats membres participent à la vie
juridique et politique du super-Etat qu’est l’Etat fédéral. Cette participation se traduit
par la représentation des Etats fédérés au sein des instances fédérales. C’est la
raison pour laquelle dans l’Etat fédéral, le Parlement est organisé sur la base du
bicaméralisme ou bicamérisme : l’une des Chambres représente les Etats fédérés, et
l’autre le peuple. La participation des Etats fédérés s’étend même, parfois, à
l’exécutif, comme ce fut le cas en ex-URSS.

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Chapitre 2 : Le cadre juridique du droit constitutionnel : la Constitution

La Constitution est consubstantiellement liée à l’Etat, à tout Etat, en ce sens


qu’il ne saurait y avoir d’Etat sans Constitution ; d’où la nécessité et l’intérêt
s’attachant à l’étude de la Constitution.

Section 1 : Définition de la Constitution

Définir la Constitution, c’est, d’abord, en appréhender la notion ; c’est, ensuite,


s’interroger sur les différentes sortes de Constitution.

Paragraphe premier : La notion de Constitution

La Constitution peut être définie comme l’ensemble des règles juridiques


structurant l’Etat, c’est-à-dire déterminant le statut organique de l’Etat. C’est, en effet,
la Constitution qui organise l’Etat, personne morale, et qui, de ce fait, dote l’Etat des
organes par lesquels il exprime sa volonté et agit. Ce faisant, la Constitution
détermine les attributions et les pouvoirs des organes supérieurs de l’Etat ; elle
détermine, en outre, les rapports entre les différents organes de l’Etat. Enfin, elle
définit les rapports entre l’Etat et les citoyens auxquels elle reconnaît des droits et
libertés.
Il suit de ce qui précède que la Constitution est l’acte qui trace le cadre dans
lequel l’Etat doit agir, et duquel il ne peut sortir. Ainsi, la Constitution limite l’Etat et
assure, par là même, la protection des citoyens. En cela la Constitution apparaît
comme la garantie de la liberté. On comprend, dès lors, que le doyen Francis Wodié
ait pu dire de la Constitution qu’elle est la fondation de l’Etat, au sens de ce sur quoi
repose l’Etat, autant que la toiture de l’Etat, au sens de ce qui protège des
intempéries politiques.

Paragraphe 2 : Les différentes sortes de Constitution

La question est celle-ci : existe-t-il plusieurs types de Constitution et si oui,


quelle en est la typologie ?
On peut, en effet, distinguer les Constitutions, d’une part, selon leur forme, et,
d’autre part, selon leur force ou leur autorité.

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A- La distinction fondée sur la forme

En dehors des situations de coup d’Etat où l’Etat vit sans Constitution, tous les
Etats fonctionnent sur la base d’une Constitution : comme l’énonce le Doyen Francis
Wodié, on peut dire que tout Etat, par cela seul qu’il existe et vit, a une Constitution,
en ce sens que tout Etat fonctionne sur la base d’une organisation politique et
juridique. Mais, si toutes les Constitutions ont le même objet, qui est celui de régir le
pouvoir politique, toutes les Constitutions n’ont pas la même forme. Car, elles
n’obéissent pas au même mode d’établissement. On distingue, à cet égard, deux
types de Constitution : la Constitution au sens matériel et la Constitution au sens
formel.

1- La Constitution au sens matériel

Ici, ce qui est pris en compte pour la qualification de la Constitution, c’est l’objet
sur lequel portent les règles ; en d’autres termes, ce qui compte, c’est l’objet des
règles, c’est la matière sur laquelle portent les règles ; il suffit, dès lors, que cette
matière-là soit le pouvoir politique ; en l’espèce, il n’est pas tenu compte de la
solennité dans laquelle les règles ont été établies. Ainsi, lorsqu’on se trouve en
présence de règles régissant le pouvoir politique, l’on est fondé à dire que l’on se
trouve en présence d’une Constitution matérielle. Et tout Etat, du seul fait qu’il existe
et qu’il possède des règles régissant le pouvoir politique, se trouve, par là même,
pourvu d’une Constitution au sens matériel du terme.
Toutefois, le terme de Constitution matérielle ou de Constitution au sens
matériel s’applique, en règle générale, aux Etats qui sont dotés d’une Constitution
coutumière. Dans ces Etats, l’essentiel des règles constitutionnelles, c’est-à-dire des
règles régissant le pouvoir politique, procèdent de la coutume ; c’est l’hypothèse
même de la Grande-Bretagne. Certes, il existe dans cet Etat quelques lois écrites à
valeur constitutionnelle. Mais, l’essentiel des règles régissant le pouvoir politique
procède de la coutume, et les lois à valeur constitutionnelle n’obéissent pas, pour
leur édiction ou élaboration, à une procédure particulière.
Au total, l’on retiendra que la Grande-Bretagne vit sous une Constitution au
sens matériel du terme.

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2- La Constitution au sens formel

Ici, ce qui importe pour la qualification de la Constitution de Constitution


formelle, ce n’est pas seulement le contenu des règles, ce n’est pas seulement l’objet
des règles. En d’autres termes, il ne suffit pas que des règles régissent le pouvoir
politique pour qu’on puisse parler de Constitution au sens formel. Car, ici, ce qui
importe, par-dessus tout, c’est le contenant, c’est-à-dire la procédure d’établissement
solennelle suivie pour la mise en place de la Constitution. C’est dire que l’élément
déterminant, ici, c’est la manière ou la forme solennelle d’établissement de la
Constitution.
La Constitution au sens formel apparaît, alors, comme un ensemble de règles
écrites, élaborées et révisées selon une procédure spéciale et supérieure à la
procédure requise pour l’établissement de la loi ordinaire.
La Constitution au sens formel est donc une Constitution écrite, dotée d’une
puissance renforcée, c’est-à-dire d’une autorité supérieure à celle de la loi ordinaire.
Les premières Constitutions écrites furent celles des colonies anglaises
d’Amérique du Nord, établies à l’occasion de leur accession à l’indépendance.
Ensuite, vint la Constitution fédérale des Etats-Unis d’Amérique, établie en 1787. Le
mouvement du constitutionnalisme sera suivi par la Pologne, puis par la France qui
se dote de sa première Constitution écrite en 1791. Aujourd’hui, la technique de la
Constitution écrite a été adoptée presque partout …

B- La distinction des Constitutions selon leur autorité ou leur force

Selon sa force ou son autorité, c’est-à-dire selon la place qu’elle occupe dans
l’ordonnancement juridique, la Constitution peut être qualifiée de souple ou rigide.

1- La Constitution souple

La Constitution est dite souple lorsque sa révision n’obéit à aucune procédure


particulière ; en termes techniques, on dit d’une Constitution qu’elle est souple
lorsque, pour sa révision, il n’est pas distingué entre pouvoir constituant et pouvoir
législatif. Lorsqu’il en est ainsi, la Constitution peut être modifiée ou révisée au
moyen d’une loi ordinaire.

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Il résulte de là qu’une telle Constitution se situe au même niveau que la loi
ordinaire. En règle générale, les Constitutions souples sont des Constitutions
coutumières ; mais, il convient de préciser qu’il n’y a pas toujours coïncidence entre
Constitution coutumière et Constitution souple. A cet égard, les historiens du droit
rapportent qu’en France les lois du Royaume, qui étaient des règles coutumières, ne
pouvaient être modifiées ou révisées au moyen de la loi ordinaire.
Par ailleurs, du point de vue technique, rien ne s’oppose à ce qu’une
Constitution écrite soit souple comme ce fut le cas des Constitutions des Etats
communistes, et notamment de l’ex-URSS.
Au total, la Constitution souple peut être coutumière ou écrite…

2- La Constitution rigide

La Constitution est dite rigide lorsque, pour sa révision, il est différencié ou


distingué entre pouvoir constituant et pouvoir législatif. En d’autres termes, une
Constitution est dite rigide lorsque sa révision obéit à une procédure particulière et
supérieure à la procédure prévue pour la production de la loi ordinaire. Cela veut dire
qu’une telle Constitution ne peut être révisée au moyen de la loi ordinaire.
Il suit de là qu’une telle Constitution est supérieure à la loi ordinaire. On peut
dire qu’elle est, pour cette raison, source de sécurité, car les droits et libertés qu’elle
consacre sont protégés contre le législateur et le pouvoir exécutif.
Aujourd’hui, la quasi-totalité des Constitutions à travers le monde sont des
Constitutions rigides ; il en va ainsi, à titre d’exemple, de la Constitution française du
4 octobre 1958, de la Constitution ivoirienne du 8 novembre 2016 ou des
Constitutions des Etats africains de succession française.
Il se pose maintenant la question relative à la manière dont sont produites les
Constitutions. Cette question est celle de l’établissement des constitutions.

Section 2 : L’établissement des Constitutions

L’établissement de la Constitution ne pose pas les mêmes problèmes selon


qu’il s’agit de la Constitution coutumière ou de la Constitution écrite.
Dans le premier cas, les choses sont simples. En effet, l’établissement de la
Constitution coutumière se réalise par la réunion de deux éléments : un élément
objectif et un élément subjectif.

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L’élément objectif résulte de la pratique ou de la répétition de faits ou
comportements, de façon constante et sans rupture, dans la vie politique.
Quant à l’élément subjectif, il fait appel à des considérations psychologiques ;
c’est le sentiment de l’obligation juridique, généralement désigné par l’expression
latine opinio juris ; c’est, plus précisément le sentiment que les faits, agissements ou
comportements que l’on répète, de façon constante, dans la vie politique, ont fini par
acquérir force juridique et que désormais les acteurs politiques doivent s’y conformer
dans leurs actes et leurs comportements.
Il suit de ce qui précède que l’établissement de la Constitution coutumière
n’appelle pas de longs développements ; il en va différemment de l’établissement de
la Constitution écrite dont il faut examiner les questions qu’elle pose.

Paragraphe premier : L’autorité compétente pour établir la Constitution : le


pouvoir constituant originaire (PCO)

L’autorité compétente pour doter l’Etat d’une Constitution est appelée pouvoir
constituant originaire (PCO). Ici, comme on le voit, le PCO a un sens organique. Il
convient de l’identifier avant de s’interroger sur sa mission et sa condition.

A- L’identification du pouvoir constituant originaire

Qui, dans l’Etat, est le PCO ? En d’autres termes, à qui, dans l’Etat, revient-il de
doter l’Etat d’une Constitution ? La réponse à la question que voilà n’est pas fournie
par le droit au moment où s’établit la première Constitution de l’Etat ; car, à ce
moment-là il n’y a pas encore de Constitution. Or, la Constitution est la source du
droit dans l’Etat. C’est dire que la réponse à la question posée est à rechercher et à
trouver en dehors du droit ; c’est donc vers la conception dominante du moment qu’il
convient de s’orienter. La réponse à la question soulevée est donc d’ordre politique.
Le PCO peut ainsi s’identifier au peuple lorsque la conception dominante dans
la cité est que le pouvoir politique appartient au peuple en corps et que l’Etat doit être
bâti sur les principes de la République.
Le PCO peut relever d’autres instances : il en est ainsi lorsque le pouvoir
politique est compris comme appartenant à un groupe d’individus ou à un monarque.
Bref, le PCO, c’est le titulaire du pouvoir politique.

30
Le propriétaire du pouvoir politique, ainsi identifié, est tout désigné pour
organiser l’Etat en le dotant d’une Constitution.

B- La mission du pouvoir constituant originaire

La mission du pouvoir constituant originaire, c’est-à-dire de l’organe auquel


appartient le pouvoir politique, est d’organiser l’Etat en le dotant d’une Constitution ;
ce pouvoir se déploie, soit pour poser la fondation d’un Etat nouveau qui n’a pas
encore de Constitution, soit pour réorganiser un Etat ancien qui, pour différentes
raisons, n’a plus de Constitution. Relativement à cette opération, deux questions se
posent : d’abord, quand y a-t-il Etat nouveau ? Ensuite, quand peut-on dire d’un Etat
ancien qu’il n’a plus de Constitution ? (Voir, sur la question, Georges Burdeau).
Il y a, en effet, Etat nouveau lorsque sur un territoire déterminé il n’y avait pas
d’Etat et qu’il vient à s’en créer un ; c’est, à titre d’exemple, le cas des Etats issus de
la décolonisation ; c’est également le cas des Etats européens, créés au Moyen Age
par le transfert du pouvoir politique de la personne du monarque à l’Etat, personne
morale transcendante et désormais seul sujet du pouvoir politique.
Il y a, également, Etat nouveau lorsque plusieurs Etats indépendants décident
de se fédérer en un super-Etat, c’est-à-dire en un Etat fédéral. Ces Etats perdent leur
qualité d’Etat qui se trouve ainsi transférée à la nouvelle entité étatique qui a,
désormais, seule, droit à l’appellation d’Etat.
Il y a, enfin, Etat nouveau lorsque vient à éclater un Etat, donnant ainsi
naissance à deux ou plusieurs Etats distincts. Ce fut le cas de l’Allemagne divisée en
deux Etats (RDA et RFA) à l’issue de la Deuxième Guerre mondiale.
C’est, aujourd’hui, le cas du Soudan ou de l’ex-Yougoslavie qui ont éclaté en deux ou
plusieurs Etats consécutivement à une guerre civile.
L’hypothèse à examiner maintenant est celle de l’Etat ancien qui n’a plus de
Constitution, sa Constitution ayant été emportée par une révolution ou un coup
d’Etat, ou ayant été simplement abrogée. Il faut, là aussi, doter l’Etat d’une nouvelle
Constitution ; c’est ce qui s’est produit en France en 1814, 1848, 1870, 1958, ou en
Russie en 1917 ; c’est aussi ce qu’a connu la Côte d’Ivoire par suite du coup d’Etat
du 24 décembre 1999 à l’issue duquel la Constitution du 03 novembre 1960 fut
suspendue, un acte constitutionnel provisoirement établi par les militaires, et une
nouvelle Constitution – celle du 1er août 2000 – adoptée.

31
C- La condition du pouvoir constituant originaire

La question est celle du statut du pouvoir constituant originaire : est-il lié par le
droit ou dégagé de toute soumission au droit ?
Selon la plupart des auteurs, la Constitution est la source du droit dans l’Etat.
C’est dire qu’avant la Constitution il n’y a que du fait. Il suit de là que le pouvoir
constituant originaire, qui est appelé à créer la Constitution, donc le droit, ne saurait
être lié par le droit qui n’existe pas encore, au moment où il se déploie ; le pouvoir
constituant originaire est ainsi dégagé de toute obligation juridique au moment où il
intervient pour doter l’Etat d’une Constitution.
Toutefois, et selon les vues pertinentes exposées par le professeur Georges
Burdeau, le pouvoir constituant originaire est politiquement lié en ce sens qu’il est
conditionné par ce que Burdeau appelle l’idée de droit ; celle-ci n’est pas le droit ;
elle est plutôt la représentation du droit que se fait la collectivité au moment où
s’établit la Constitution ; l’idée de droit, c’est donc l’idée que l’on se fait du droit à
naître ; c’est la représentation mentale que la collectivité se fait du droit à naître ;
c’est donc le droit désirable…

Paragraphe 2 : Les procédés d’établissement des Constitutions

On distingue deux grands procédés d’établissement de la Constitution ; ce sont,


d’une part, les procédés non démocratiques et, d’autre part, les procédés
démocratiques.

A- Les procédés d’établissement non démocratiques

Ces procédés reposent sur des volontés autres que celle du peuple. L’histoire
politique en fournit deux exemples ; ce sont l’octroi et le pacte.

1- L’octroi

C’est l’hypothèse dans laquelle un monarque ou, plus généralement, un chef


d’Etat, gouvernant jusque-là sans Constitution, décide de doter l’Etat d’une
Constitution qui émane de lui et qui est ainsi son œuvre. L’histoire constitutionnelle
en fournit des exemples ; on en retiendra deux : le premier exemple est celui illustré
par l’établissement, en France, de la Charte de 1814 ; cette Charte fut octroyée par

32
Louis XVIII, comme l’exprime la formule finale du préambule, ainsi conçue : « Nous
avons volontairement, et par le libre exercice de notre souveraineté royale, accordé
et accordons, fait concession et octroi à nos sujets de la Charte constitutionnelle qui
suit… »
A la vérité, cette Constitution, présentée comme un don du monarque, est plutôt
le produit de la conjoncture politique du moment, en ce sens que le roi était obligé
d’en arriver là pour sauver son trône. Ce n’est donc pas véritablement une
Constitution octroyée, mais, plutôt, une Constitution née de la situation politique
défavorable au monarque.
Le deuxième exemple à retenir, c’est celui des Constitutions octroyées par les
militaires par suite d’un coup d’Etat. On peut citer, à cet égard, l’Acte constitutionnel
du 27 décembre 1999, édicté par les militaires consécutivement à la suspension de
la Constitution ivoirienne du 3 novembre 1960.

2- Le pacte

Ici, la Constitution n’est pas le produit d’une volonté unilatérale. Elle se


présente, au contraire, comme un contrat entre le peuple et le futur roi, c’est-à-dire le
candidat au trône. Dans cette hypothèse, un dialogue s’établit, à l’occasion duquel
les représentants du peuple font connaître les conditions qui doivent être satisfaites
ou réunies pour qu’ils acceptent le prétendant au trône comme monarque. Cela se
produit à la suite d’une révolution, et de l’accord des volontés en présence naît la
Constitution. C’est de cette façon que fut établie, en France, la Charte du 14 août
1830.
Comme on le constate, ce procédé se détache de l’octroi et tend à se
rapprocher des procédés démocratiques.

B- Les procédés démocratiques

Ces procédés sont démocratiques en ce sens que le peuple y intervient en tant


que titulaire du pouvoir politique et, partant, en tant que pouvoir constituant
originaire. Plusieurs techniques peuvent, à cet égard, être identifiées. On en

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distingue principalement deux : ce sont la technique de l’Assemblée constituante
souveraine et la technique de l’Assemblée constituante non souveraine.

1- La technique de l’Assemblée constituante souveraine

C’est la technique dans laquelle le peuple, titulaire de la souveraineté, élit une


Assemblée en lui confiant le soin de faire une Constitution. C’est, alors, à
l’Assemblée élue qu’il appartient d’élaborer le texte de la Constitution, et c’est encore
à ladite Assemblée qu’il revient d’adopter ce texte qui devient ainsi la Constitution.
Ici, le rôle du peuple réside seulement dans l’élection de l’Assemblée. C’est cette
technique qui a été utilisée pour l’établissement de la Constitution des Etats-Unis
d’Amérique ; c’est également à cette technique qu’il a été fait appel pour
l’établissement de la Constitution de la Namibie, consécutivement à son accession à
l’indépendance.
En dépit de ses mérites, la technique de l’Assemblée constituante souveraine
est jugée insuffisante par certains qui préconisent l’intervention du peuple dans
l’adoption de la Constitution.

2- La technique de l’Assemblée constituante non souveraine

C’est la technique la plus démocratique parce que le peuple, titulaire du pouvoir


politique, est au début et à la fin du processus. Dans cette technique, le peuple élit
une Assemblée constituante ; cette Assemblée reçoit mission d’élaborer un projet de
Constitution. L’Assemblée n’a donc pas le pouvoir de transformer le projet en
Constitution, c’est-à-dire d’imprimer valeur constitutionnelle au texte ; en d’autres
termes, elle ne peut adopter le texte ainsi élaboré ; un tel pouvoir ressortit à la
compétence du peuple et du peuple seul. Ainsi, après l’élaboration du texte, il est
organisé un référendum constituant pour permettre au peuple d’exprimer sa
souveraineté ; et c’est ce référendum constituant seul qui, s’il est positif, rend le texte
parfait, c’est-à-dire le fait devenir Constitution. C’est cette procédure qui a été utilisée
pour l’établissement de la Constitution française de 1946.
La procédure suivie pour l’établissement de la Constitution ivoirienne du 1 er
août 2000 se rapproche, en apparence, de la technique de l’Assemblée constituante
non souveraine, pour deux raisons : d’une part, la sous-Commission Constitution, qui

34
l’avait élaborée, comprenait en son sein les représentants des différentes
composantes du corps socio-politique ; d’autre part, le texte, ainsi élaboré ou rédigé,
fut soumis au peuple par la voie du référendum constituant les 23 et 24 juillet 2000.
Mais, fondamentalement, cette procédure se détache de la technique de l’Assemblée
constituante non souveraine, car le peuple n’a pas été placé en situation de décider
en toute sérénité. Ce qui s’est passé rappelle plutôt le plébiscite, qu’il faut distinguer
du procédé de l’Assemblée constituante non souveraine : le propre du plébiscite est
que le peuple intervient, mais de façon passive ; il n’est pas libre de faire un choix,
étant conditionné ou régenté, alors que dans le référendum le peuple se détermine
en toute liberté.

Section 3 : La révision de la Constitution

Alors que l’établissement de la Constitution consiste dans l’élaboration et


l’adoption d’une Constitution nouvelle, la révision, au contraire, consiste dans la
modification en plus ou en moins de la Constitution existante. La révision pose des
problèmes théoriques qu’il convient d’examiner avant d’étudier la technique juridique
de la révision de la Constitution et de s’interroger, enfin, à propos de ce qu’on
nomme la coutume constitutionnelle.

Paragraphe premier : Considérations générales

La Constitution, qui est le statut organique de l’Etat, est faite, en règle générale,
pour une durée indéterminée. La question se pose de savoir si un tel acte dont
l’établissement requiert beaucoup de soins et dont la fonction est de protéger contre
les abus du pouvoir peut être révisé. Dans l’affirmative, qui a qualité pour le faire ?

A- La nécessité de la révision

Le juriste Royer-Collard écrivait : « Les Constitutions ne sont pas des tentes


dressées pour le sommeil. » Cette affirmation ou réflexion veut dire que les
Constitutions ne bénéficient pas d’un statut d’immutabilité. Car, faites pour régir les
hommes vivant en société, les Constitutions doivent pouvoir s’adapter à l’évolution
de la société, aux besoins de la société, faute de quoi la société pourrait être

35
amenée à se passer d’elles, et la vie politique et sociale se dérouler en dehors
d’elles.
D’autre part, il ne serait pas bon que les générations présentes lient
définitivement les générations futures en les privant du droit de modifier la
Constitution pour l’adapter aux exigences de leur temps (Jean Waline). Il suit de là la
nécessité de la révision de la Constitution et, par conséquent, la nécessité de
consacrer le principe de la révision de la Constitution afin que celle-ci s’adapte
constamment aux aspirations du corps social. Ce point résolu, surgit une autre
question qui est celle de savoir qui a qualité pour procéder à la révision de la
Constitution.

B- La révision de la Constitution, œuvre du pouvoir constituant dérivé

Au contraire du pouvoir constituant originaire dont la mission est d’établir la


Constitution, le pouvoir constituant dérivé est confiné dans la tâche consistant dans
la révision de la Constitution ; il s’agit d’un pouvoir qui est prévu et organisé par la
Constitution ; c’est, donc, la Constitution qui l’établit et l’investit ; en cela et par cela
seul, le pouvoir constituant dérivé ou pouvoir constituant institué, encore appelé
pouvoir de révision, est un pouvoir conditionné : il est conditionné parce qu’il est
soumis à des conditions posées par la Constitution ; dès lors, il ne peut se déployer
que conformément à la Constitution, c’est-à-dire dans le respect des limites fixées
par la Constitution.

Paragraphe 2 : La technique juridique de la révision

La question de la technique juridique de la révision de la Constitution renvoie à


la procédure à suivre relativement à la révision de la Constitution. Cette procédure,
prévue par la Constitution à réviser, comporte deux grands moments ou deux étapes ;
ce sont l’initiative et l’adoption.

A- L’initiative

L’initiative consiste dans la volonté juridiquement exprimée de voir la


Constitution modifiée ou révisée. A cet égard, un certain nombre de questions se
posent, se rapportant aux limites de l’initiative, aux organes compétents pour prendre
l’initiative et à la prise en considération de l’initiative.

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1- Les limites de l’initiative

Elles sont prévues par les Constitutions elles-mêmes, et elles sont


généralement de deux ordres : il y a, d’une part, les limites tenant à l’objet de la
révision et, d’autre part, les limites tenant au moment de la révision.
S’agissant des limites tenant à l’objet, c’est-à-dire au contenu même de la
révision, les Constitutions prévoient l’impossibilité d’user de la technique de la
révision pour changer la forme de gouvernement ; ce qui veut dire que dans un
régime républicain où le pouvoir politique appartient à tous et où la forme de
gouvernement est la République, il n’est pas possible de remplacer la forme
républicaine du gouvernement, par exemple, par la forme monarchique, au moyen de
la révision de la Constitution.
Bien des Constitutions prévoient une autre limite tenant à l’objet : celle tenant à
la laïcité de l’Etat. Ces Constitutions interdisent formellement la révision
constitutionnelle lorsque celle-ci a pour objet de remettre en cause la laïcité de l’Etat,
dans le but de consacrer une religion comme religion d’Etat.
En ce qui concerne le moment, certaines Constitutions prévoient qu’elles ne
peuvent être modifiées avant l’écoulement d’un certain temps (voir la loi
fondamentale allemande de 1949). La quasi-totalité des Constitutions disposent
qu’aucune procédure de révision n’est possible lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité
du territoire national.

2- Les organes compétents pour prendre l’initiative

La question est celle-ci : qui a qualité pour prendre l’initiative de la révision de la


Constitution ou qui peut suggérer ou proposer, valablement, compétemment, la
révision de la Constitution ?
Les solutions, en la matière, sont diverses et variées selon les Etats et selon les
moments. Dans certains Etats, en effet, l’initiative relève du pouvoir exécutif seul ;
dans ce cas, l’initiative donne lieu à un projet de loi constitutionnelle.
Dans d’autres Etats, au contraire, l’initiative relève de la compétence des seules
Assemblées parlementaires ; dans cette hypothèse, l’initiative donne lieu à une
proposition de loi constitutionnelle.

37
Il existe une troisième possibilité, qui est celle en vigueur dans la plupart des
Etats, tels la France ou les Etats africains de succession française ; la formule
retenue est celle réalisant l’équilibre entre les deux pouvoirs politiques que sont
l’exécutif et le législatif. Selon cette formule, l’initiative appartient concurremment au
pouvoir exécutif et aux membres du Parlement. Ainsi, l’initiative peut donner lieu soit
à un projet de loi constitutionnelle soit à une proposition de loi constitutionnelle.
Enfin, dans certains Etats, il est prévu la possibilité pour le peuple d’intervenir
sous la forme d’une proposition de loi constitutionnelle au moyen d’une pétition ; ce
système est en vigueur en Suisse et dans les Etats fédérés des Etats-Unis
d’Amérique.

3- La prise en considération de l’initiative

Elle n’est pas l’adoption du texte proposé. Elle consiste simplement à donner
suite à l’initiative. Elle tend à prendre en compte l’idée même de la révision de la
Constitution. Plus exactement, la prise en considération consiste dans l’examen du
point de savoir si l’initiative qui a été prise mérite qu’on lui accorde un intérêt. C’est à
cette condition seulement que l’organe compétent pourra passer à l’examen du texte
au fond. Il s’agit d’apprécier le sérieux de l’initiative. Ainsi, la prise en considération
de l’initiative apparaît comme une précaution dont le but est d’écarter les révisions
intempestives, inopportunes ou inconsidérées. Elle conduit donc à filtrer les
initiatives.
L’on doit préciser que toutes les Constitutions ne contiennent pas de
dispositions relativement à la prise en considération de l’initiative ; c’est le cas, par
exemple, de la Constitution du Sénégal ; d’autres Constitutions, au contraire,
consacrent cette exigence ; c’est le cas de la Constitution ivoirienne du 1er août 2000
ou de celle du 8 novembre 2016, qui prévoit que la prise en considération de
l’initiative intervient à la majorité qualifiée…
Au total, la prise en considération se donne comme la recevabilité du projet ou
de la proposition de loi constitutionnelle. Elle n’est donc pas l’adoption.

B- L’adoption ou la décision

Deux solutions, alternatives, mais non cumulatives, existent en la matière : la


première solution, c’est celle qui consiste à observer qu’un acte juridique ne peut être

38
modifié que par l’autorité qui l’a établi et dans les formes selon lesquelles l’acte a été
établi : c’est ce qu’on appelle le parallélisme des formes. Appliquée à la révision de la
Constitution, cette solution conduit à retenir que la révision ne peut être que l’œuvre
de l’autorité qui a établi la Constitution ; cette solution fut retenue par les
Constitutions françaises de 1793, 1795 et 1848 ; établies par une Assemblée
constituante, ces Constitutions ont confié le soin de leur révision à une nouvelle
Assemblée constituante. Dans la logique de cette solution, lorsque la Constitution a
été adoptée par le peuple, sa révision doit être le fait du peuple agissant au moyen
d’un référendum constitutionnel.
La deuxième solution consiste à exclure le parallélisme des formes, mais à
rendre la révision de la Constitution plus difficile que l’établissement de la loi
ordinaire. Dans cette hypothèse, la Constitution confie à des organes institués par
elle le soin de sa révision ; et ces organes agissent en se conformant aux
prescriptions constitutionnelles.
En règle générale, la technique juridique qu’on vient de voir est le mode normal
de révision de la Constitution. Mais, en doctrine, il semble admis que par des
pratiques il soit possible de modifier la Constitution ; c’est la question de la coutume
constitutionnelle.

Paragraphe 3 : La question de la coutume constitutionnelle

Il y a lieu, d’entrée de jeu, de marquer la différence entre la coutume


constitutionnelle et une notion qui lui est voisine et avec laquelle la confusion pourrait
se faire ; il s’agit de la Constitution coutumière. Certes, les deux types de règles se
forment de la même manière, en ce sens que les deux procèdent de la coutume. Ce
qui veut dire que leur existence exige la réunion de deux éléments : un élément
objectif et un élément subjectif.
L’élément objectif, c’est la répétition de faits ou pratiques de façon constante,
c’est-à-dire sans rupture dans le temps, et cela dans la vie politique. Quant à
l’élément subjectif, il se définit comme le sentiment de l’obligation juridique, c’est-à-
dire le sentiment que les pratiques observées sont désormais source d’obligation
juridique et que par conséquent tous sont tenus de s’y conformer ; c’est ce qu’on
désigne par l’expression latine "opinio juris".

39
Il suit de ce qui précède que la Constitution coutumière et la coutume
constitutionnelle, quoique distinctes, se forment de la même manière ; mais, elles ne
naissent pas dans le même environnement : la Constitution coutumière se présente
comme la Constitution de l’Etat, au même titre que la Constitution écrite ; la
Constitution coutumière existe là où il n’y a pas de Constitution écrite, et c’est elle qui
tient lieu de Constitution.
Au contraire, la coutume constitutionnelle intervient dans un environnement
politique et juridique où existe déjà une Constitution écrite ; et la coutume
constitutionnelle, ainsi définie, peut présenter un double visage, elle peut avoir un
double statut : la coutume constitutionnelle peut avoir pour objet d’épauler la
Constitution existante, de combler ses lacunes ; dans ce cas, la coutume
constitutionnelle est qualifiée de coutume supplétive ; elle se donne alors comme
une coutume sage.
Mais, et c’est là que la doctrine se divise, la coutume constitutionnelle peut
avoir la prétention d’abroger et de remplacer certaines dispositions de la Constitution
écrite. Elle peut avoir pour ambition et objet de modifier la Constitution écrite.
Lorsqu’il en est ainsi, la coutume constitutionnelle est dite abrogatoire. Pour cette
raison, les auteurs la qualifient de coutume sauvage ou folle. Ici, la difficulté vient de
ce que la coutume constitutionnelle résulte de la pratique des gouvernants. Alors, la
question est de savoir comment ce qui vient des gouvernants peut s’autoriser à
abroger des dispositions de la Constitution écrite, adoptée par le peuple souverain.
C’est la raison pour laquelle le concept même de coutume constitutionnelle de type
abrogatoire est rejeté par bon nombre d’auteurs.

Section 4 : L’autorité de la Constitution

La question de l’autorité de la Constitution présente un intérêt certain, car plus


un acte occupe une place importante dans l’ordonnancement juridique, plus cet acte
se trouve à l’abri des violations susceptibles d’émaner des actes se situant à un
niveau inférieur.
S’agissant de la Constitution, et singulièrement de la Constitution écrite, qui est,
en règle générale, une Constitution rigide, celle-ci est, non seulement la loi
fondamentale mais aussi la loi suprême ; de ce statut découlent naturellement des
conséquences juridiques.

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Paragraphe premier : La Constitution, loi fondamentale et suprême

La Constitution est l’acte fondateur de l’Etat en ce qu’elle est le statut organique


de l’Etat. Tous les organes de l’Etat sont prévus et organisés par la Constitution ; de
même, tous les actes émanant des différents organes ou des différentes autorités au
sein de l’Etat sont régis par la Constitution. En outre, la Constitution requiert, tant
pour son établissement que pour sa révision, une procédure spéciale, complexe et
supérieure à la procédure exigée pour l’établissement des autres actes. En cela, la
Constitution apparaît, selon la belle formule du grand juriste autrichien Hans Kelsen,
comme « la règle des règles, la norme des normes, la loi fondamentale. » Ce statut
de loi fondamentale et suprême commande que les gouvernants autant que les
gouvernés respectent la Constitution. D’où l’institution du contrôle de
constitutionnalité.

Paragraphe 2 : La sanction de la suprématie de la Constitution : le contrôle


de constitutionnalité des lois

Etant la loi fondamentale, c’est-à-dire la base ou la fondation de l’Etat, autant


que la loi suprême, c’est-à-dire la loi au-dessus de laquelle il n’y en a pas d’autre, la
Constitution ne doit pas être violée. Cela signifie que toutes les règles de droit
produites dans l’Etat doivent être conformes à la Constitution. Or, comme l’enseigne
le Doyen Wodié, « poser la nécessité de respecter la Constitution, c’est supposer la
possibilité de la violer. » Cela veut dire qu’affirmer que l’on doit respecter la
Constitution, c’est donner à entendre que l’on pourrait ne pas respecter la
Constitution. De fait, la Constitution n’est pas toujours respectée. Elle est parfois
violée, soit par le pouvoir exécutif ou les autorités exécutives, soit par le pouvoir
législatif, c’est-à-dire par la loi. Lorsque la violation de la Constitution est le fait d’un
acte émanant d’une autorité administrative, il existe en droit administratif un moyen
pour réprimer une telle infraction : il s’agit du recours pour excès de pouvoir qui
consiste à saisir le juge compétent pour obtenir, éventuellement, qu’il annule l’acte
administratif violateur de la Constitution…
Lorsque la violation est, au contraire, le fait de la loi, alors, surgit la question du
contrôle de constitutionnalité de la loi. Ce contrôle se définit comme l’ensemble des
moyens juridiques destinés à garantir la conformité de la loi à la Constitution ; ce
contrôle peut être confié à un organe politique ou à un organe juridictionnel.

41
A- Le contrôle par un organe politique

Compte tenu de ce que la loi est reçue comme l’expression de la volonté


générale, c’est-à-dire la manifestation de la volonté du souverain qui est la volonté
suprême, il était inconcevable de confier le contrôle de la loi adoptée par le
Parlement, c’est-à-dire par les représentants du peuple, à un organe juridictionnel qui
n’a pas été élu par le peuple et qui, pour cette raison, n’a pas de légitimité pour
contrôler la loi qui émane des représentants élus du peuple. Pendant longtemps,
cette conception a prévalu, en France. C’est donc tout logiquement qu’il a été institué
un contrôle de constitutionnalité de la loi confié à des organes politiques. Ce type de
contrôle a révélé bien vite ses limites. C’est pourquoi l’on en est arrivé, aujourd’hui,
un peu partout, à un contrôle de constitutionnalité des lois, confié à un organe
juridictionnel.

B- Le contrôle par un organe juridictionnel

Le colloque d’Aix-en-Provence, qui s’est tenu en février 1981, sur « la


protection des droits fondamentaux par les juridictions constitutionnelles en
Europe », a révélé que le contrôle juridictionnel de la loi est apparu, de prime abord,
comme lié au fédéralisme. On comprend, dès lors, que ce contrôle ait été institué par
les Etats-Unis d’Amérique, suivis par l’Autriche qui, en 1920, s’est dotée d’une Cour
constitutionnelle à l’instigation du Professeur Hans Kelsen. On comprend que ce
mouvement ait été suivi par l’Allemagne fédérale. Mais, le contrôle juridictionnel de la
constitutionnalité de la loi procède également d’autres facteurs, et notamment de
l’évolution de la perception de la loi : la loi qui, naguère, était perçue comme
nécessairement libérale, comme ne pouvant mal faire, est désormais perçue comme
susceptible de porter atteinte aux droits et libertés consacrés par la Constitution qui
est l’œuvre du peuple souverain.
Cette nouvelle perception a conduit à la nécessité d’un contrôle juridictionnel de
la loi pour garantir la suprématie de la Constitution, pour rappeler au législateur qu’il
existe une norme au-dessus de lui : la constitution (voir le rapport de synthèse du
professeur Jean Rivero) ; ce contrôle juridictionnel de la loi épouse deux formes ; ce

42
sont, d’une part, le contrôle par voie d’action et, d’autre part, le contrôle par voie
d’exception.

1- Le contrôle par voie d’action

Il faut définir ce qu’est ce type de contrôle avant d’examiner successivement les


questions s’y rattachant.

a) Définition

Comme l’indique sa dénomination, le contrôle par voie d’action est un recours


direct contre la loi ; ce recours intervient avant la promulgation de la loi, la
promulgation étant l’acte par lequel le chef de l’Etat constate et atteste que la loi a
été régulièrement adoptée par l’organe législatif, et donne, en conséquence, l’ordre
de l’exécuter. En cela, la promulgation rend la loi exécutoire. Il suit de là que la
promulgation participe, non pas de la formation de la loi, mais, plutôt, de l’exécution
de la loi.
Toutefois, dans certains systèmes, assez rares, le recours direct contre la loi
peut intervenir, pour certaines catégories de personnes, aussi bien avant la
promulgation de la loi que postérieurement à la promulgation de celle-ci. Il en est
ainsi au Bénin en vertu de la Constitution du 11 décembre 1990 et des lois
d’application, qui reconnaissent aux citoyens (ou particuliers) le droit de déférer à la
Cour constitutionnelle toute loi présumée contraire à la Constitution, avant la
promulgation, en même temps que le droit de poursuivre, par un recours direct,
devant la Cour constitutionnelle, toute loi suspectée de porter atteinte aux droits de
l’homme ou aux droits fondamentaux de la personne humaine, postérieurement à la
promulgation de ladite loi.
Le recours direct contre la loi ou contrôle de constitutionnalité de la loi par voie
d’action tend à obtenir du juge qu’il constate que la loi, adoptée par l’organe législatif,
viole la Constitution ; il est, en outre, demandé au juge de tirer les conséquences de
droit d’une telle constatation.

43
b) L’instance compétente pour réaliser le contrôle

Il s’agit, dans tous les cas, d’une instance juridictionnelle, c’est-à-dire d’une
juridiction dont la dénomination varie d’un Etat à l’autre, d’un groupe d’Etats à
l’autre : en Suisse, par exemple, l’organe compétent est le Tribunal fédéral ; dans la
principauté d’Andorre, l’organe compétent est le Tribunal constitutionnel ; en France,
en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, au Sénégal, le juge compétent s’appelle Conseil
constitutionnel ; au Bénin, en Afrique du Sud, au Gabon, l’organe compétent porte la
dénomination de Cour constitutionnelle, comme en Autriche. Dans les Etats où la
juridiction constitutionnelle, prévue ou créée par la Constitution, n’a pas encore été
installée, comme ce fut le cas pour le Cameroun jusqu’à une date récente, de même
que dans les Etats où il n’existe pas de juridiction constitutionnelle, le contrôle de
constitutionnalité de la loi est confié à la Cour suprême.

c) La saisine de l’organe compétent

La question relative à la saisine du juge constitutionnel connaît des réponses


différentes d’un groupe d’Etats à l’autre, car, en la matière, le recours est soit ouvert
soit fermé.
Le recours est dit fermé lorsque quelques organes ou quelques personnes
seulement ont qualité pour saisir le juge constitutionnel ; c’est le cas en France où
seuls le Président de la République, le Premier ministre, les présidents des
Assemblées parlementaires ou, depuis la révision constitutionnelle de 1974, 60
députés ou 60 sénateurs, peuvent saisir le Conseil constitutionnel d’un recours direct
contre la loi, c’est-à-dire par voie d’action ; c’est aussi le cas en Côte d’Ivoire où
seuls le Président de la République, les présidents des Assemblées parlementaires,
les groupes parlementaires ou un dixième des députés ou des sénateurs peuvent
saisir le Conseil constitutionnel de toutes les lois suspectées de violer la Constitution.
Il s’y ajoute les associations de défense des droits de l’homme légalement
constituées, mais, celles-ci ne peuvent déférer devant le Conseil constitutionnel que
les lois relatives aux libertés publiques.
Il est à noter que dans les Etats où le recours est fermé, les particuliers ne
peuvent, par voie d’action, accéder au prétoire du juge constitutionnel.
Il en va différemment dans d’autres Etats où le recours est ouvert. C’est le cas
au Bénin où, en plus des pouvoirs publics, les personnes privées, et singulièrement

44
les particuliers, peuvent saisir la Cour constitutionnelle aux fins de lui soumettre le
contrôle de constitutionnalité des lois soupçonnées de violer la Constitution.

d) Les effets du recours

Lorsque la loi est reconnue conforme à la Constitution, cette circonstance


n’emporte aucune conséquence fâcheuse pour la loi. Une telle loi, dont la
promulgation était suspendue du fait du recours devant le juge constitutionnel, peut,
alors, être promulguée, publiée au journal officiel, et appliquée.
En revanche, lorsque la loi est reconnue contraire à la Constitution, le contrôle
de constitutionnalité étant un contrôle de régularité juridique ou de validité juridique,
la loi devrait sortir de l’ordonnancement juridique ; en d’autres termes, une telle loi
devrait être annulée. Cette solution est celle retenue par certains Etats dont
l’Allemagne. C’est également, à peu de choses près, la solution retenue par la Côte
d’Ivoire à travers l’article 137 de la Constitution qui sanctionne de nullité la loi
déclarée contraire à la Constitution. Ainsi, selon la Constitution ivoirienne du 8
novembre 2016, la loi reconnue contraire à la Constitution est nulle.
Dans d’autres Etats, au contraire, la loi n’est ni annulée ni déclarée nulle ; elle
subsiste, et la conséquence qui s’attache à son inconstitutionnalité est que cette loi
ne peut être promulguée ; ce qui donne d’entendre qu’une telle loi est simplement
privée d’effet ; elle ne peut produire ses effets puisqu’elle ne peut être promulguée ;
telle est la solution retenue par la France et la quasi-totalité des Etats africains
francophones. Il est clair qu’une telle solution manque de cohérence du point de vue
de la logique juridique. Car, le contrôle réalisé ici par le juge n’est pas un contrôle
d’effectivité, mais plutôt un contrôle de validité ou de régularité juridique. C’est dire
que la loi déclarée contraire à la Constitution devrait être annulée ou frappée de
nullité plutôt que d’être simplement privée d’effet (Francis Wodié).
Enfin, il est à noter que la décision prononcée par le juge constitutionnel produit
effet erga omnes, c’est-à-dire à l’égard de tous. C’est dire que la décision du juge a
un caractère absolu et non relatif, car elle s’applique à tous. Et la loi, déjà contrôlée,
ne peut plus faire l’objet de recours.

45
2- Le contrôle par voie d’exception
Ici, les choses se présentent différemment : l’hypothèse est celle dans laquelle,
à l’occasion d’un procès devant le juge ordinaire, le plaideur conteste une loi qu’on
veut lui appliquer en arguant de son inconstitutionnalité. La loi en question a été
promulguée et est entrée en vigueur sans qu’elle ait fait l’objet d’un contrôle de
constitutionnalité. Dans l’hypothèse que voilà, on dit que le plaideur a soulevé
l’exception d’inconstitutionnalité. L’exception soulevée, que s’ensuit-il du point de vue
procédural, et quel est le sort de la loi ainsi contestée ?

a) La procédure

Deux situations doivent être envisagées : La première est celle dans laquelle le
juge ordinaire devant lequel l’exception a été soulevée n’est pas compétent pour en
connaître ; dans ce cas, l’exception soulevée constitue pour le juge ordinaire une
question préjudicielle qui l’oblige à surseoir à statuer et à renvoyer le plaideur devant
le juge constitutionnel normalement compétent, en lui impartissant un délai à cet
effet. Et le juge ordinaire ne reprendra l’examen de l’affaire dont il a été saisi au
principal qu’une fois que le juge constitutionnel a rendu une décision sur la question
de la conformité ou de la non-conformité de la loi à la Constitution. Ce système est
en vigueur en Italie, en Allemagne, en Côte d’Ivoire et dans plusieurs Etats africains,
par exemple.
Il existe, en France, depuis la révision constitutionnelle de 2008, entrée en
vigueur en 2010, un procédé semblable : c’est ce qu’on appelle la question
prioritaire de constitutionnalité (QPC). En vertu de cette technique, lorsque devant le
juge ordinaire la question de l’inconstitutionnalité d’une loi déjà promulguée et entrée
en vigueur est soulevée à l’occasion d’un procès, le juge ordinaire renvoie ladite
question soit au Conseil d’Etat soit à la Cour de cassation, qui procède à un filtrage
et décide de transmettre ou de ne pas transmettre au Conseil constitutionnel,
compétent, la question de la constitutionnalité de la loi.
La seconde solution est celle où le juge ordinaire devant lequel l’exception a été
soulevée est compétent pour en connaître. Ici, l’exception d’inconstitutionnalité
constitue pour le juge ordinaire une question préalable qui relève de sa compétence
et qu’il doit trancher avant de passer à l’examen de l’affaire dont il a été saisi au
principal. Ce système est en vigueur aux Etats-Unis d’Amérique.
A l’issue des procédures, que voilà, la question se pose de savoir quel est le
sort de la loi ainsi critiquée.
46
b) Le sort de la loi critiquée

Deux situations doivent être distinguées : celle où la loi est reconnue conforme
à la Constitution et celle où la loi est jugée contraire à la Constitution.
Dans la première hypothèse, qui est celle où la loi est reconnue conforme à la
Constitution, ladite loi s’applique à l’espèce en cours. Tel est le point commun aux
différents systèmes juridiques ; par-delà ce point commun, des différences
s’observent : dans certains systèmes, en effet, la loi s’applique non seulement à
l’espèce en cours, mais également aux situations à venir ; et une telle loi échappe à
toute contestation ultérieure ; cette solution est en vigueur, à titre d’exemple, en
France et en Côte d’Ivoire.
Dans d’autres Etats, au contraire, la loi reconnue conforme à la Constitution
s’applique, certes, à l’espèce en cours ; mais, cette loi peut être contestée par la voie
de l’exception d’inconstitutionnalité à l’occasion d’autres affaires, sauf si la décision
de conformité a été rendue par le juge suprême (Etats-Unis d’Amérique).
Qu’en est-il maintenant du sort de la loi déclarée contraire à la Constitution ? Ici
également, les solutions sont diverses et variées : dans le système américain, par
exemple, la loi jugée contraire à la Constitution est écartée de l’espèce en cours ; le
jugement rendu, ayant un effet relatif, c’est-à-dire un effet entre les seules parties au
procès, la loi, déclarée contraire à la Constitution, peut trouver à s’appliquer aux
espèces à venir, sauf si la décision de contrariété a été rendue par le juge
suprême ; dans ce cas, cette décision s’impose à toutes les juridictions, et la loi ne
peut plus faire l’objet de recours.
La seconde solution, qui est celle en vigueur en France, en Côte d’Ivoire ou
dans d’autres Etats africains, consiste dans l’abrogation de la loi jugée contraire à la
Constitution. Abrogée, une telle loi disparaît de l’ordonnancement juridique pour le
présent et l’avenir ; elle ne produira donc plus d’effets. La décision d’abrogation,
rendue par le juge, a un effet absolu en ce qu’elle produit effet à l’égard de tous ; ce
qui signifie qu’elle s’applique à tous : la loi est abrogée pour tous.
Qu’en est-il des effets que la loi a pu produire avant la décision d’abrogation ? Il
est reconnu au juge le pouvoir de « déterminer les conditions et limites dans
lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en
cause ». Il suit de là que les effets de la loi abrogée peuvent subsister ou être
anéantis en tout ou partie. C’est au juge d’apprécier et de décider.

47
CHAPITRE 3 : LE POUVOIR POLITIQUE

Ici, se posent une série de questions touchant le pouvoir politique : la propriété


du pouvoir, la conquête du pouvoir, l’exercice du pouvoir.

Section 1 : Les conceptions modernes de la souveraineté ou de la propriété


du pouvoir

Pendant longtemps, en Europe et sous d’autres cieux, la conception du pouvoir


a été marquée par des doctrines qui situent la source du pouvoir en dehors de
l’individu. En Europe, par exemple, la doctrine triomphante du droit divin, interprétant
un passage de l’Epître de Saint Paul aux Romains – omnis potestas a Deo, non est
potestas, nisi a Deo (tout pouvoir vient de Dieu, il n’y a pas de pouvoir qui ne vienne
de Dieu) – en est arrivée à prescrire la soumission de l’individu au pouvoir établi. Or,
ce pouvoir était monarchique. La conception du droit divin légitimait le pouvoir royal.
Ainsi, la souveraineté était royale. Contre cette conception des théologiens, des
philosophes, des écrivains politiques et des jurisconsultes vont se dresser,
provoquant par là des transformations profondes. L’on passera ainsi à des
conceptions modernes de la souveraineté ou du pouvoir politique : d’abord, à la
souveraineté nationale, puis, à la souveraineté populaire (René Capitant, Ecrits
constitutionnels).

Paragraphe premier : La souveraineté nationale

L’on doit à l’Abbé Siéyès la paternité de cette théorie dont il faut découvrir la
signification avant d’en examiner les conséquences.

A- Définition de la souveraineté nationale

Selon le principe de la souveraineté nationale, la souveraineté réside dans la


nation, et la nation se présente comme une réalité qui comprend et transcende les
citoyens vivant dans un Etat donné au moment présent. La nation, ainsi entendue,
comprend les morts, les vivants et les personnes à naître. Elle a de ce fait un
caractère transcendant du point de vue juridique. La nation est donnée comme une
personne qui est au-dessus des citoyens, qui les dépasse, les citoyens n’étant que
les moyens d’expression passagers de la nation. Il découle de là que la souveraineté

48
nationale ne saurait appartenir aux citoyens ni au monarque. D’où la formule
suivante, consacrée par la déclaration française des droits de l’homme et du citoyen
de 1789 : « Le principe de toute souveraineté réside, par essence, dans la nation.
Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. »

B- Les conséquences

Dans la mesure où la souveraineté appartient à la nation, personne morale, qui


ne peut, en tant que telle, agir par elle-même, alors, la souveraineté nationale aboutit
à la représentation, c’est-à-dire au système représentatif. La représentation
nationale, composée d’élus, réunis en corps, exprimera la volonté de la nation de
manière absolument libre. Ce qui veut dire que cette représentation nationale ne
peut être contrôlée par le peuple électeur, car les électeurs n’ont pas pour rôle de
définir ce qui relève de l’intérêt de la nation ; leur rôle est simplement celui de choisir
parmi eux les personnes les plus éclairées, les personnes porteuses de lumière, pour
exprimer la volonté nationale.
L’évolution des idées et de la société va conduire à l’abandon de la
souveraineté nationale et à l’affirmation d’un principe nouveau : celui de la
souveraineté populaire.

Paragraphe 2 : La souveraineté populaire

L’on doit emprunter le même schéma que précédemment, en fournissant la


définition de la souveraineté populaire, dans un premier temps, et en en dégageant
les conséquences, dans un second temps.

A- Définition de la souveraineté populaire

L’on doit au génie de Jean-Jacques Rousseau la paternité de la théorie de la


souveraineté populaire, inspirée de l’individualisme, c’est-à-dire de l’individu comme
un absolu (le contrat social). Selon le principe de la souveraineté populaire, la
souveraineté appartient au peuple, c’est-à-dire plus précisément à chacun des
citoyens qui constituent le peuple. La souveraineté appartient aux citoyens dans la
proportion de leur nombre. Ainsi, dit Rousseau, s’il y a dix mille citoyens, dans un
Etat donné, chaque citoyen a, pour sa part, la dix-millième partie de l’autorité
suprême, c’est-à-dire de la souveraineté, et par conséquent, du pouvoir politique.

49
B- Les conséquences de la souveraineté populaire

La conséquence logique de la souveraineté populaire, telle que conçue par son


théoricien – Jean-Jacques Rousseau –, c’est la démocratie directe. Des
considérations pratiques en ont atténué la portée en y associant le système
représentatif. Ce qui donne la démocratie semi-directe.

1- La démocratie directe

C’est l’application intégrale de la souveraineté populaire : pour Jean-Jacques


Rousseau, en effet, il n’y a de démocratie que directe ; la démocratie est directe ou
n’est pas. La démocratie directe, préconisée par Rousseau, se présente comme la
forme pure de la démocratie. Elle est la forme de gouvernement dans laquelle le
peuple se gouverne lui-même. C’est, par conséquent, la forme de gouvernement
dans laquelle sont confondus gouvernants et gouvernés, le peuple étant à la fois
gouvernant et gouverné : il est son propre gouvernant, son propre maître ; il n’est
soumis qu’à lui-même, qu’à sa volonté. Dans les sociétés grecques où ce système
était en vigueur, dans l’antiquité, les citoyens se réunissaient sur la place publique
pour prendre les décisions intéressant la marche de la Cité. Tel est le système
préconisé par Jean-Jacques Rousseau pour qui la volonté ne se représente pas.
Car, le représentant ne peut, chaque fois qu’une décision est à prendre, savoir ce
que pense et veut le représenté, et agir en conséquence. C’est dire que bien souvent
ou presque toujours, les deux volontés se disjoignent, s’écartent l’une de l’autre.
Ainsi, ce que veut le représentant n’est pas ce que veut le représenté.
Dans les Etats modernes, il est pratiquement impossible de mettre en œuvre la
démocratie dans sa forme directe, c’est-à-dire dans sa forme pure, et cela pour deux
raisons : la première raison tient à l’immensité du territoire national, et par
conséquent à l’importance démographique.
La deuxième raison réside dans la complexité de plus en plus grande des
affaires à traiter. Or, le peuple n’a pas toujours les qualifications techniques requises
pour y faire face. De sorte que dans les Etats modernes la démocratie directe
n’intervient que rarement, sous la forme du référendum, l’essentiel allant à la
démocratie représentative. Cette combinaison donne ce qu’on nomme la démocratie
semi-directe.

50
2- La démocratie semi-directe

Comme l’indique sa dénomination, la démocratie semi-directe est la forme qui


combine l’idée représentative et la démocratie directe ; dans la démocratie semi-
directe, il y a des assemblées élues qui partagent le pouvoir de décision avec le
peuple ; le peuple intervient dans ce système de plusieurs manières différentes : il y
a, d’abord, le veto ; c’est le procédé par lequel le peuple se prononce, à sa demande,
sur une loi déjà adoptée, mais dans le sens du rejet de ladite loi.
Le deuxième procédé, c’est l’initiative, qui est la technique par laquelle le
peuple prend l’initiative d’une loi à travers ce qu’on appelle le droit de pétition. Dans
ce cas, le vote de la loi peut relever du peuple lui-même ou des assemblées élues
par lui. Ce système est en vigueur en Suisse. Il a été également en vigueur au
Burkina Faso, notamment en ce qui concerne l’initiative de la révision de la
Constitution.
Le troisième procédé, c’est le référendum ; c’est le procédé par lequel le peuple
souverain se prononce directement soit sur des projets de loi ordinaire, soit sur un
projet de loi constitutionnelle, soit encore sur toute autre question…
Il y a lieu, pour conclure sur les deux conceptions modernes de la souveraineté,
de constater que les deux concepts que sont la souveraineté nationale et la
souveraineté populaire ne semblent plus, aujourd’hui, en opposition, car, excepté les
quelques poches de monarchie qui subsistent encore dans certains Etats, la plupart
des Etats usent, indifféremment, dans leur Constitution, des termes de souveraineté
nationale et de souveraineté populaire. Ce qui donne de voir qu’il y a synonymie ou
interchangeabilité entre les notions de souveraineté nationale et de souveraineté
populaire. A cet égard, il convient de rappeler la formule contenue dans nombre de
Constitutions, et selon laquelle « la souveraineté nationale appartient au peuple qui
l’exerce par ses représentants et par référendum. »

Section 2 : La mise en œuvre de la souveraineté ou l’expression de la


souveraineté

Cette préoccupation se ramène à l’interrogation suivante : comment est mise en


œuvre la souveraineté, comment se traduit-elle ? La question que voilà se ramène

51
en premier lieu au point de savoir qui a le droit ou le pouvoir de prendre part ou
d’avoir part à l’expression de la souveraineté parce qu’ayant déjà part à la
souveraineté ? Cette question en évoque d’autres, et celle notamment touchant les
formations politiques qui sont données comme concourant à l’expression du suffrage.

Paragraphe premier : Le droit de suffrage

C’est le droit de prendre part au vote ou à la prise des décisions dans la Cité.
Fondé sur la conception du pouvoir, le droit de suffrage a été ou est différemment
réglé selon que la souveraineté est monarchique, nationale ou populaire. Ainsi, le
droit de suffrage a connu une évolution dans le temps et dans l’espace, évolution
qu’il faut suivre avant de rendre compte de l’organisation du suffrage.

A- L’évolution du droit de suffrage

Le suffrage a été, d’abord, restreint, avant de prendre la forme actuelle qui est
celle du suffrage universel.

1- Le suffrage restreint

Il se définit comme le suffrage ouvert à une catégorie de personnes seulement.


Il est fonction du régime politique, et donc de la conception dominante du pouvoir. Le
suffrage restreint a épousé, dans l’histoire, des formes diverses : le suffrage
masculin, le suffrage censitaire et le suffrage capacitaire.
Le suffrage masculin se présente, ainsi que le donne à entendre sa
dénomination, comme le système dans lequel le droit de vote est reconnu aux
hommes, à l’exclusion de la gent féminine. Cette situation était due, pour l’essentiel,
à la conception inégalitaire entre les sexes. La pensée dominante, présente même
chez certains philosophes, était que la femme n’était pas capable de se détacher de
ses émotions, de s’élever à la compréhension de la vie politique et d’y prendre part.
Le professeur Jean Gicquel rapporte à cet égard qu’un Concile du Vatican s’est
même interrogé sur le point de savoir si les femmes avaient une âme. Il a été
répondu par l’affirmative à cette interrogation, dans la mesure où selon les Ecritures,
c’est par la Vierge Marie, une femme, que le salut de l’humanité est arrivé…

52
Il doit être noté que si le monopole de la vie politique était réservé aux hommes,
ceux-ci n’avaient pas, tous, le droit de vote.
La deuxième forme ou modalité du suffrage restreint, c’est le vote censitaire.
C’est celui auquel donnait droit le paiement d’un cens, c’est-à-dire d’un certain chiffre
d’impôt. Ce système, qui tendait manifestement à exclure les prolétaires et à assurer
le règne de la bourgeoisie, a existé dans nombre d’Etats dont la France, la Grande-
Bretagne, les Etats-Unis d’Amérique. Sa consécration reposait sur l’idée selon
laquelle ceux qui payaient un certain chiffre d’impôt étaient ceux-là mêmes qui
jouaient un rôle important dans la vie de l’Etat ; par conséquent, eux seuls devaient
se voir reconnaître le droit de prendre part à la désignation des gouvernants autant
qu’aux décisions.
Enfin, le suffrage capacitaire : en vertu de ce système la jouissance du droit de
vote était attaché à certains titres ou capacités intellectuelles. Pour voter, en effet, il
fallait présenter certaines qualités conduisant à penser que l’on comprend le sens de
son vote et, par conséquent, le sens de la vie dans la société étatique. Le suffrage
capacitaire a existé en France au 19 ème siècle, et même sous la IVe République. Il a
existé également aux Etats-Unis d’Amérique où l’objectif visé par sa consécration
était, essentiellement, d’éliminer les Noirs de la vie politique. Il était, en effet, exigé,
entre autres, de pouvoir lire et commenter la Constitution américaine pour avoir le
droit de vote. Or, les Noirs étaient en grande partie analphabètes…
Aujourd’hui, l’évolution de la vie politique a abouti, presque partout, à la
disparition du suffrage restreint et à l’avènement du suffrage universel.

2- Le suffrage universel

Il se définit comme le système dans lequel tous les nationaux ont le droit de
vote dès lors qu’ils remplissent certaines conditions. Ce sont, généralement, des
conditions tenant à l’âge, à la moralité, à la capacité. Ce système n’est pas sans lien
avec la conception démocratique du pouvoir politique.
Il convient de rappeler que si la lutte a abouti relativement tôt à la consécration
du suffrage universel pour les hommes (France, 5 mars 1848 ; Angleterre, 1885), le
suffrage ne sera véritablement universel que beaucoup plus tard, car les femmes ne
sont admises à voter que depuis une époque récente (Etats-Unis d’Amérique : 1869 ;
Danemark : 1815 ; Grande-Bretagne : 1918 ; URSS : 1918 ; Allemagne : 1919 ;

53
Espagne : 1931 ; France : 1944 ; Italie : 1945 ; Belgique : 1948 ; Suisse et Andorre :
1971).

B- Les principes régissant l’organisation du scrutin

Tout d’abord, le suffrage peut être direct ou indirect.


Le suffrage direct est celui où les électeurs désignent directement leurs
représentants, c’est-à-dire sans médiation, sans intermédiaire. C’est le cas de
l’élection du Président de la République dans nombre d’Etats, tels que la Côte
d’Ivoire, le Mali, le Sénégal, la France.
Le suffrage indirect est, au contraire, celui dans lequel les électeurs n’ont que la
possibilité de désigner les électeurs du second degré. Dans ce cas, les électeurs ne
désignent pas directement leurs représentants. Ils donnent mandat à d’autres de le
faire à leur place. C’est le cas de l’élection du Président des Etats-Unis d’Amérique
ou des Sénateurs en France. C’est aussi le cas de l’élection des deux tiers des
Sénateurs en Côte d’Ivoire, lesquels procèdent des élus locaux et des députés à
l’Assemblée nationale.
En deuxième lieu, il faut mentionner le principe d’égalité : l’égalité du suffrage,
qui découle de l’universalité du suffrage. Ce principe signifie que tous les électeurs
sont égaux. Cette égalité emporte comme conséquence l’interdiction du vote plural,
qui a existé par le passé dans certains Etats et qui était fondé soit sur la richesse, soit
sur les capacités intellectuelles, soit encore sur le nombre d’enfants. Car, le vote
plural consacre ou rétablit le suffrage inégalitaire. Le principe d’égalité, que voilà,
implique, en outre, l’inscription de tous les électeurs sur les listes électorales.
En troisième lieu, le suffrage est marqué par le principe de liberté. Ce principe
signifie que le vote est libre. Il s’ensuit que le citoyen peut prendre part au vote ou ne
pas y prendre part. C’est que le vote est facultatif. Et, lorsque le citoyen a décidé
d’user de son droit de vote, il reste libre du sens de son vote : il peut mettre un
bulletin blanc dans l’urne ou voter pour le candidat de son choix. Ce principe est en
vigueur dans les démocraties occidentales et dans les Etats africains de succession
française.
Toutefois, dans les sociétés pluralistes, quelques Etats ont institué le vote
obligatoire. C’est le cas de l’Australie ou du Brésil. C’est également le cas de la
Belgique où l’abstention, non justifiée, est sanctionnée par le paiement d’une amende.
L’on doit ajouter que le principe de liberté a conduit, dans certains Etats, à
54
instituer le bulletin unique (Côte d’Ivoire) pour mettre l’électeur à l’abri des pressions
susceptibles de l’obliger à représenter les bulletins de certains candidats.

Enfin, relativement aux principes régissant l’organisation du suffrage, il convient


de mentionner un dernier principe, lié à la liberté de vote ; c’est le secret du vote, qui
implique que l’électeur soit placé en situation de faire son choix et de voter à l’abri
des regards indiscrets. Car, s’il devait voter au vu et au su de tous ou même de
certaines personnes, il serait à craindre qu’une telle situation l’influence en
retentissant sur sa liberté ; ce qui ne manquerait pas de fausser la sincérité du vote.
C’est pour rendre ce principe effectif que la loi fait obligation de prévoir des isoloirs,
conçus et disposés de telle sorte que l’électeur se retrouve seul, c’est-à-dire face à
sa conscience, au moment du vote.

Paragraphe 2 : Les modes de scrutin

Les modes de scrutin, encore appelés systèmes électoraux, sont des procédés
techniques destinés à départager les candidats à une élection. Les modes de scrutin,
ainsi définis, sont connus avant la tenue du scrutin. Mais, leur mise en œuvre
intervient après le vote. Les modes de scrutin sont divers et variés. Ils varient d’un
groupe d’Etats à l’autre. Ils sont choisis en fonction des objectifs que l’on poursuit ou
du but recherché. Ainsi, l’on choisira tel mode de scrutin plutôt que tel autre soit pour
obtenir des majorités cohérentes et stables, soit pour accentuer la victoire d’un parti
politique, soit encore pour accuser la défaite d’autres formations politiques.
Comme on le voit, les raisons soutenant le choix des modes de scrutin sont
diverses. Ainsi, on peut également choisir les modes de scrutin dans un but de
justice politique. Il s’ensuit que les modes de scrutin se conjuguent au pluriel.
Certains d’entre eux sont les plus usités à travers le monde. Ces modes de scrutin
en sont les principaux. Il y en a deux ; ce sont, d’une part, le scrutin majoritaire et,
d’autre part, le scrutin à la représentation proportionnelle.

A- Le scrutin majoritaire

Il faut le décrire avant d’en exposer les conséquences.

1- Le contenu du scrutin majoritaire


Le scrutin est dit majoritaire lorsqu’il suffit, pour être élu, d’obtenir la majorité
des voix ou suffrages exprimés. Il peut s’agir de la majorité relative ou de la majorité
absolue ou encore, plus largement, de la majorité qualifiée.
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Ce type de scrutin peut être uninominal ou de liste selon la taille de la
circonscription électorale ou le type d’élection.
Le scrutin est uninominal lorsque la candidature est individuelle et que la
possibilité offerte à l’électeur consiste à voter pour un candidat ou pour un nom. Ce
type de scrutin se rencontre dans les circonscriptions électorales de petite taille, dans
le cadre des élections législatives. Ce mode de scrutin se rencontre aussi à
l’occasion de l’élection présidentielle dans les Etats où n’existe pas de poste de vice-
président de la République (le cas de la France) ou dans ceux où la Constitution a
prévu un poste de vice-président de la République pourvu autrement que par
l’élection (le cas de la Côte d’Ivoire depuis la révision constitutionnelle du 19 mars
2020).
Le scrutin est, en revanche, de liste lorsque la candidature est de liste. Ce qui
veut dire que la candidature est une liste comprenant autant de noms que de sièges
à pourvoir. Ce type de scrutin se rencontre à propos des élections législatives dans
les circonscriptions électorales comportant deux ou plusieurs sièges à pourvoir. C’est
également le cas du scrutin organisé pour l’élection présidentielle dans les Etats où
le Président de la République est élu sur la même liste que le vice-président (le cas
de l’élection présidentielle aux Etats-Unis d’Amérique, ou de l’élection présidentielle
en Côte d’Ivoire de l’entrée en vigueur de la Constitution du 8 novembre 2016 à la
révision de celle-ci en mars 2020).
Dans le scrutin de liste, l’électeur vote pour un nombre de candidats inscrits sur
la même liste. Dans ce type de scrutin, le vote est, en règle générale, bloqué. Ce qui
veut dire qu’il n’y a ni panachage ni vote préférentiel.
L’interdiction du panachage retire à l’électeur la possibilité de composer sa
propre liste en puisant des noms dans les différentes listes en présence. L’électeur
n’a pas non plus le pouvoir d’exprimer ses préférences à propos de l’ordre de
présentation des candidats sur les différentes listes.
Le propre du scrutin majoritaire consiste en ce que le ou les sièges à pourvoir
sont remportés par le candidat ou la liste de candidats ayant obtenu la majorité des
voix exigée : lorsque le scrutin est à un tour, le ou les sièges à pourvoir sont attribués
au candidat ou à la liste de candidats arrivé en tête. Dans cette hypothèse, la
majorité requise est la majorité simple, et dans ce cas, l’on dit que le scrutin a lieu à
la pluralité des voix.

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En revanche, lorsque le scrutin est à deux tours, au premier tour, l’élection n’est
acquise qu’à la majorité absolue des voix ou suffrages exprimés. La majorité
absolue, c’est, au moins, la moitié des voix ou suffrages exprimés plus une voix. A
défaut, c’est-à-dire dans l’hypothèse où la majorité absolue n’a pas été obtenue au
premier tour, il est organisé un second tour, au titre duquel la majorité simple suffit
pour être élu. Mais, en règle générale, ne prennent part au second tour que les deux
candidats ou listes de candidats ayant obtenu le plus grand nombre de voix au
premier tour. De sorte que la majorité simple exigée au second tour tend à se
confondre avec la majorité absolue…

2- Les effets du scrutin majoritaire

Il faut distinguer deux niveaux : d’une part, les effets sur la représentation
parlementaire et, d’autre part, les effets sur les partis politiques.
D’abord, les effets sur la représentation parlementaire : dans la mesure où le
parti ayant obtenu la majorité requise remporte tous les sièges dans la circonscription
électorale considérée, alors, le scrutin majoritaire tend à écarter l’opposition de la
représentation parlementaire ou, en tout cas, à lui conférer une place insignifiante.
Relativement aux partis politiques, le scrutin majoritaire conduit à la disparition
des petits partis ou à leur fusion, dans la mesure où en tant que tels ils n’ont aucune
chance de remporter des sièges aux Assemblées parlementaires. Ainsi, le scrutin
majoritaire produit comme conséquence le multipartisme tempéré et, dans certains
cas, le bipartisme, comme en Grande-Bretagne.
Il suit de ce qui précède que bien qu’il donne des majorités cohérentes et
stables pour gouverner, le scrutin majoritaire est un scrutin injuste, à tout le moins,
inéquitable. Pour s’en apercevoir, il convient de prendre l’exemple d’une
circonscription électorale de cinq sièges à pourvoir, et dans laquelle s’affrontent
quatre listes. Les résultats du scrutin sont les suivants :
Liste A : 35 000 voix
Liste B : 21 000 voix
Liste C : 12 000 voix
Liste D : 7 000 voix
Sur la base du scrutin majoritaire, la liste A, qui a obtenu 35 000 voix – ce qui
correspond à 46,66% des suffrages exprimés (majorité relative) – remporte la
totalité des cinq sièges, c’est-à-dire les 100% des sièges. Or, 46,66% n’est pas égal

57
à 100%. D’où le caractère injuste du scrutin majoritaire. On comprend, dès lors, que
ce mode de scrutin soit critiqué par certains qui lui préfèrent le scrutin à la
représentation proportionnelle, encore appelé la représentation proportionnelle ou,
tout simplement, la proportionnelle.

B- La représentation proportionnelle

On empruntera le même schéma que celui suivi pour l’exposé et l’analyse du


scrutin majoritaire.

1- Le contenu du scrutin à la représentation proportionnelle

Le scrutin à la représentation proportionnelle comporte plusieurs modalités ou


variantes à travers le monde. On en présentera, ici, celles les plus usitées.
La représentation proportionnelle est un scrutin qui est toujours de liste ; il est
plus juste, plus équitable, car il tend, dans sa logique, à assurer la représentation des
formations politiques ou des listes ayant obtenu un certain nombre de voix ou de
suffrages exprimés. Chaque liste aura, en effet, un certain nombre de candidats élus
en proportion avec le nombre de voix obtenues ou, de façon plus technique, en
proportion avec le nombre de fois qu’elle contient soit le quotient électoral, soit le
nombre uniforme.
Le quotient électoral s’obtient, dans chaque circonscription électorale, en
divisant le nombre total de suffrages exprimés par le nombre de sièges à pourvoir.
Chaque liste aura, alors, autant de candidats élus qu’elle contiendra de fois le
quotient électoral.
Le nombre uniforme, au contraire, est un chiffre donné à l’avance et uniforme
pour tout le pays. Ici, chaque liste aura autant de candidats élus que le nombre de
voix obtenues par elle contiendra de fois le nombre uniforme.
Après cette opération, qui consiste à diviser le nombre de voix de chaque liste
ou formation politique par le quotient électoral ou le nombre uniforme, deux situations
peuvent se présenter : ou bien les données sont telles que tous les sièges sont
attribués ; dans ce cas, toute difficulté est écartée ; ou bien, les données sont telles
que tous les sièges n’ont pu être attribués ; dans ce cas, que faire pour parvenir à
attribuer les sièges non encore pourvus ?

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L’attribution des restes, c’est-à-dire des sièges non encore pourvus, peut se
faire sur le plan national ou au niveau de chaque circonscription électorale.
La technique du report des restes sur le plan national consiste, d’abord, à
additionner, pour chaque formation politique, l’ensemble de ses voix inutilisées dans
toutes les circonscriptions. Ensuite, il est procédé au calcul du quotient électoral en
divisant par le nombre de sièges non pourvus l’ensemble des voix obtenues. Et,
alors, chaque formation politique aura autant de sièges qu’elle contiendra de fois ce
quotient.
En règle générale, c’est la technique d’attribution des restes sur le plan local qui
est retenue. Et l’on recourt, alors, à deux méthodes qui sont utilisées, non pas
cumulativement, mais alternativement ; il s’agit de la méthode des plus grands restes
et de la méthode de la plus forte moyenne.
La méthode des plus grands restes consiste à attribuer, dans l’ordre
décroissant, les sièges non pourvus, aux partis suivant l’importance des voix
inutilisées.
La méthode de la plus forte moyenne consiste, quant à elle, en ce qui suit : l’on
s’appuie sur les sièges de quotient, et l’on attribue à chaque formation politique un
siège fictif ; après quoi, l’on calcule les moyennes en divisant le nombre de voix
obtenues par chaque liste par le nombre de sièges réels obtenus par elle plus le
siège fictif ; le parti qui obtient la plus forte moyenne remporte le premier des sièges
non encore attribués, et l’on recommence l’opération jusqu’à ce que tous les sièges
soient pourvus ; en fait, seule est recalculée la moyenne de la formation politique
venant d’obtenir un siège, parce que sa situation a changé.
Un exemple pratique permettra de cerner les mécanismes qu’on vient
d’exposer : supposons une circonscription électorale de grande taille, avec les
données suivantes, à l’issue des élections législatives :
Nombre de sièges à pourvoir : 5
Liste A : 35 000 voix
Liste B : 21 000 voix
Liste C : 12 000 voix
Liste D : 7 000 voix

59
ATTRIBUTION DES SIEGES DE QUOTIENT :
Calcul du quotient électoral

nombre total des voix 75000


QE = nombre de sièges à pourvoir = = 15 000
5

Attribution des sièges


35000
Liste A = 15000 = 2 ; reste 5 000 voix
21000
Liste B = 15000 = 1 ; reste 6 000 voix
12000
Liste C = 15000 = 0 ; reste 12 000 voix
7000
Liste D = 15000 = 0 ; reste 7 000 voix

Récapitulatif partiel
3 des 5 sièges viennent d’être pourvus ; 2 sièges restent donc à pourvoir.

Attribution des sièges restant à pourvoir


1) Selon la méthode des plus grands restes
La liste C, ayant le plus grand nombre de restes, remporte le premier des deux
sièges non encore pourvus ; la liste D, venant en deuxième position, en termes
d’importance des restes, remporte le second siège.
Ainsi se trouvent attribués tous les cinq sièges :
Liste A : 2 sièges
Liste B : 1 siège
Liste C : 1 siège
Liste D : 1 siège

2) Selon la méthode de la plus forte moyenne


Calcul des moyennes :

35000 35000
Liste A = 2sr+1sf = = 11 666
3
21000 21000
Liste B = 1sr+1sf = = 10 500
2
12000 12000
Liste C = 0sr+1sf = = 12 000
1
7000 7000
Liste D = 0sr+1sf = = 7 000
1

La liste C, ayant la plus forte moyenne, remporte le premier des deux sièges à
pourvoir. On recalcule, alors, la moyenne de la liste C qui vient d’obtenir un siège
60
réel.
12000 12000
Liste C = 1sr+1sf = = 6 000
2

Pour l’attribution du siège restant, l’on procède à un nouveau classement des


moyennes ; la liste A, venant en tête, obtient le dernier siège à pourvoir, et le
récapitulatif donne ce qui suit :
Liste A : 3 sièges
Liste B : 1 siège
Liste C : 1 siège
Liste D : 0 siège
Il existe, à côté de ce qu’on vient de voir, une autre méthode, appelée système
d’Hondt, du nom du mathématicien belge qui l’a inventé. La spécificité de ce système
réside en ceci qu’il permet d’attribuer tous les sièges à partir d’un dénominateur
commun. Ici, il n’est pas recouru à la méthode des plus grands restes ni à la
méthode de la plus forte moyenne.
Le système d’Hondt est structuré de la façon suivante :
première phase : on divise le nombre de voix obtenues par chaque liste par 1,
2, 3, 4, etc., jusqu’à concurrence du nombre de listes en compétition ;
deuxième phase : on classe les quotients ainsi obtenus dans un ordre
décroissant jusqu’à concurrence du nombre de sièges à pourvoir ;
troisième phase : le dernier quotient, qui est le 4 ème, le 5ème ou le 6ème, selon le
nombre de sièges à pourvoir, est appelé dénominateur commun. Chaque liste aura
autant de sièges qu’elle contiendra de fois ce dénominateur commun. Ici, les restes
ne sont pas pris en compte ; et toute liste ayant obtenu un nombre de voix inférieur
au dénominateur commun est exclue du partage ; ce qui veut dire qu’une telle liste
n’obtiendra aucun siège.
Application pratique, à partir des données dont on dispose déjà :
L.A L.B L.C L.D
1 35000 21000 12000 7000
2 17500 10500 6000 3500
3 11666 7000 4000 2333
4 8750 5250 3000 1750

Attribution des sièges selon le système d’Hondt, le dénominateur commun étant


11666 :
61
35000
Liste A = 11666 = 3
21000
Liste B = 11666 = 1
12000
Liste C = 11666 = 1
7000
Liste D = 11666 = 0

Ainsi, tous les 5 sièges sont pourvus.

2- Les effets de la représentation proportionnelle

Les effets de la représentation proportionnelle résultent de la logique de ce


mode de scrutin ; ces effets sont de deux ordres ; ce sont, d’une part, les effets sur la
représentation parlementaire et, d’autre part, les effets sur les partis politiques.
D’abord, les effets sur la représentation parlementaire : la représentation
proportionnelle favorise la diversité au sein des Assemblées, et cela compte tenu de
sa logique. C’est donc un système dont on peut dire qu’il est juste ; mais, c’est aussi
un système qui rend parfois difficile la formation de majorités cohérentes et stables.
Du point de vue des effets sur les partis politiques, on peut dire que la
représentation proportionnelle favorise le fourmillement des partis politiques. Elle
conduit au multipartisme intégral. Car, avec ce mode de scrutin, chaque parti
politique entend mener le combat sous sa propre bannière, étant entendu qu’il
espère remporter par lui-même des sièges en fonction de son importance dans le
corps électoral. Dès lors, les partis politiques ne ressentent pas la nécessité de
fusionner.

Paragraphe 3 : Les partis politiques

A quelques exceptions près, l’on rencontre les partis politiques aussi bien dans
les Etats dits libéraux que dans les Etats socialistes, aussi bien dans les Etats
développés que dans ceux qualifiés de sous-développés ou en voie de
développement.
L’apparition des partis politiques est liée à l’existence d’un parlement et à des
élections disputées. Mais, les partis politiques peuvent tout aussi bien naître et se
développer dans un régime où les élections n’offrent pas la possibilité de choix entre
des candidats de tendances opposées.

62
A- Définition des partis politiques

Le parti politique se définit comme un groupement organisé de personnes unies


par une philosophie ou une idéologie dont elles poursuivent la réalisation à travers la
lutte pour la conquête et l’exercice du pouvoir politique. Sa fonction consiste, pour
cela, à informer et à former l’opinion, à encadrer les élus et les électeurs.

B- La classification ou la typologie des partis politiques

Les partis politiques sont divers. On peut les classer de deux manières
différentes : soit selon leur organisation, soit selon leur place dans l’Etat (Charles
Debbasch et Yves Daudet : Lexique de termes politiques).

1- Classification des partis politiques du point de vue de leur organisation

On distingue d’un côté les partis de cadres et les partis de masse, et de l’autre
les partis rigides et les partis souples.

a) Partis de cadres et partis de masse

L’expression partis de cadres désigne « les partis peu structurés et


décentralisés, recherchant l’adhésion, non pas du plus grand nombre, mais de
notables » (personnalités) ou de syndicats, « organisés en comités locaux de soutien
et de propagande, au moment des élections ».
Le parti de masse, au contraire, « désigne le modèle de parti inventé par les
Etats socialistes à la fin du 19ème siècle pour financer les campagnes électorales ».
Le parti de masse se caractérise par une organisation hiérarchisée de l’échelon
national à l’échelon local. Il se caractérise également par « l’existence de nombreux
adhérents auxquels il est demandé une cotisation régulière ».

b) Partis rigides et partis souples

Les partis rigides sont les partis ayant une organisation interne hiérarchisée et
imposant une discipline de vote à leurs élus.
Les partis souples, au contraire, sont ceux qui ne possèdent pas une structure
hiérarchisée et bien établie, mais qui reposent essentiellement sur des comités locaux.
Ils laissent la liberté de vote à leurs élus.

63
2- Classification des partis politiques selon leur place dans l’Etat

On distingue, sous cette rubrique, les partis concurrentiels et le parti


monopolistique ou parti-Etat.

a) Les partis concurrentiels

Ce sont les partis qui, au sein de l’Etat, se disputent le pouvoir à travers des
élections concurrentielles. Les partis concurrentiels existent dans un environnement
marqué par le pluralisme politique. Ces partis s’affrontent démocratiquement en vue
de la conquête, de l’exercice et de la conservation du pouvoir politique.

b) Le parti monopolistique ou parti-Etat

Comme l’indique sa dénomination, c’est le parti qui se confond avec l’Etat.


L’exemple en est donné par les Etats dans lesquels le parti unique est institué et se
trouve investi de la mission d’embrigader les populations et de conduire l’action
tendant à la consolidation du pouvoir et à la réalisation du communisme, et cela dans
les Etats dits communistes ou socialistes.
Le parti-Etat est consubstantiel au communisme, mais le parti-Etat se
rencontrait également dans la plupart des Etats du Tiers-monde. Dans ces Etats le
parti unique avait été imposé comme le moyen ou la condition devant permettre de
relever deux défis à l’avènement des indépendances, notamment en Afrique noire
francophone. Le premier défi à relever ou la première mission assignée au parti-Etat
était la construction de la nation. L’idée était que par le creuset du parti unique les
différents groupes ethniques qui composent la population parviennent à se sentir
comme formant un tout uni et solidaire, appelé à vivre ensemble et, par conséquent,
à construire un avenir commun.
La deuxième mission confiée au parti-Etat était de fédérer les énergies en vue de
la lutte pour le développement. Il lui fallait donc rassembler toutes les forces pour
combattre le sous-développement en transformant le sous-développement en
développement, comme « guérir, c’est transformer la maladie en santé » (F. Wodié).

64
TITRE 2 : LES REGIMES POLITIQUES

Le concept de régime politique renvoie au mode d’organisation et d’exercice du


pouvoir politique. On peut procéder à la classification des régimes politiques de
plusieurs manières : on peut classer les régimes politiques à partir de l’idéologie qui
les informe ; on aura ainsi d’un côté les régimes dits libéraux et de l’autre les régimes
socialistes ou marxistes.
On peut aussi classer les régimes politiques en considérant le titulaire de la
souveraineté ; ce qui donne les régimes démocratiques, monarchiques, oligarchiques
ou autres.
On peut également classer les régimes politiques en tenant compte du niveau
de développement des Etats. C’est la base de la distinction entre les régimes
politiques des pays développés et ceux des pays sous-développés.
La classification la plus courante et, probablement, la plus féconde parce que
se préoccupant de la liberté de l’homme, est celle qui repose sur le principe de la
séparation des pouvoirs. On distingue ainsi les régimes de séparation des pouvoirs
et les régimes de confusion des pouvoirs. C’est cette classification que nous
retenons compte tenu de la place que la liberté y occupe.

65
Chapitre premier : Les régimes de séparation des pouvoirs

La théorie de la séparation des pouvoirs qui informe ces régimes ou leur sert de
fondement mérite d’être rappelée avant d’exposer ou de présenter les régimes
politiques qui se réclament du principe de la séparation des pouvoirs.

Section préliminaire : La théorie de la séparation des pouvoirs

L’on doit à l’anglais John Locke la première version de la théorie de la


séparation des pouvoirs. Cette théorie a été exposée dans son ouvrage intitulé :
Essai sur le gouvernement civil, paru en 1690.
Pour arracher l’homme à l’absolutisme monarchique et lui restituer ses droits et
libertés qu’il tient de la nature, Locke distinguait trois pouvoirs dans l’Etat : législatif,
exécutif et fédératif. Le pouvoir législatif, consistant dans la production des lois, doit
veiller en particulier au respect des droits et libertés. Ce pouvoir est confié à un
parlement représentant la société ; le pouvoir exécutif, consistant dans l’application
des lois au quotidien, et le pouvoir fédératif qui consiste à régler les rapports de l’Etat
avec les puissances étrangères, sont confiés au monarque.
L’idée majeure, c’était d’éviter la concentration des pouvoirs entre les mains du
monarque, et par conséquent, l’absolutisme qui est négateur des libertés.
Plus tard, plus exactement, en 1748, dans l’une des parties les plus célèbres de
L’esprit des lois, Montesquieu reprend le thème de la séparation des pouvoirs et
expose sa conception sur la question. Pour lui, en effet, « tout homme qui a du
pouvoir est porté à en abuser ». D’où la nécessité du principe de la séparation des
pouvoirs. Montesquieu prévoit, à cet égard, trois pouvoirs auxquels correspondent
les trois fonctions de l’Etat ; ce sont :
- le pouvoir législatif, qui consiste dans l’édiction des lois ; il est confié au
parlement ;
- le pouvoir exécutif, qui a pour objet l’exécution des lois, est confié au
gouvernement ;
- et enfin, la fonction juridictionnelle, qui consiste à trancher les litiges ; ce
pouvoir est attribué aux tribunaux.
Mais, comme l’a rappelé avec justesse et autorité le professeur Charles
Eisenmann, pour Montesquieu aucun des organes attributaires des fonctions
prévues ne devrait en avoir « l’exercice souverain et exclusif ». Contrairement à la

66
doctrine classique, les organes auxquels sont confiées les trois fonctions étatiques
ne sont pas séparés, isolés, indépendants les uns des autres. L’idée, préconisée par
Montesquieu, était de disposer les choses de telle sorte que « le pouvoir arrête le
pouvoir », c’est-à-dire que, comme le rappelle Charles Eisenmann, « tout organe
politique trouve un autre organe qui puisse s’opposer à sa volonté, l’empêcher de
l’imposer ». Pour Montesquieu donc, la distinction des fonctions ou la séparation des
pouvoirs s’accompagne de la collaboration des pouvoirs : le pouvoir législatif, pouvoir
d’édicter les lois est donc confié, non au seul parlement, mais, conjointement au
parlement et au gouvernement. C’est qu’en la matière « le monarque dispose d’un
veto absolu contre les textes adoptés par les chambres » et « ces textes ne
deviennent lois que du consentement du monarque » (Charles Eisenmann).
Le pouvoir exécutif est, certes, confié au gouvernement ; mais, celui-ci ne
l’exerce cependant pas souverainement. Montesquieu reconnaît au parlement le
droit de contrôler l’activité exécutive. Il écrit à cet égard : « Dans un Etat libre, la
puissance législative a le droit et doit avoir la faculté d’examiner de quelle manière
les lois qu’elle a faites ont été exécutées ».
S’agissant, enfin, de la fonction juridictionnelle, elle est, en principe, confiée aux
tribunaux. Mais, lorsque l’intérêt de la justice l’exige, les chambres peuvent connaître
de certaines affaires criminelles.
Il suit de ce qui précède que dans la théorie de Montesquieu, les organes
étatiques ne sont pas séparés fonctionnellement. Par ailleurs, dans le système de
Montesquieu les autorités disposent de moyens d’action réciproques. Montesquieu
veut voir reconnaître au gouvernement le droit de convoquer le parlement ainsi que
le droit de le proroger. Quant aux ministres, ils doivent rendre compte de leur
administration, justifier leur conduite devant le parlement.
Telles sont les grandes lignes de la théorie de la séparation des pouvoirs telle
que conçue et exposée par Montesquieu qui, avec Jean-Jacques Rousseau, Voltaire
et quelques autres, a considérablement inspiré les auteurs de la déclaration
française des droits de l’homme et du citoyen : faisant de la séparation des pouvoirs le
fondement et la raison d’être de la Constitution, les révolutionnaires de 1789 ont
consacré le principe de la séparation des pouvoirs par l’effet de l’article 16 de la
déclaration, ainsi rédigé : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est
pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».

67
Le principe de la séparation des pouvoirs que voilà a été reçu par les Etats,
interprété et appliqué de différentes manières. Ainsi, l’on a d’un côté les régimes de
séparation souple des pouvoirs, et de l’autre, les régimes de séparation rigide des
pouvoirs. A ces régimes s’ajoute une troisième catégorie ; c’est celle qui combine
séparation souple et séparation rigide des pouvoirs, et qu’on nomme régimes mixtes.

Section 1 : Les régimes de séparation souple des pouvoirs : les régimes


parlementaires

Le régime parlementaire est né en Grande-Bretagne avant de se propager à


travers le monde. C’est pourquoi il s’impose de présenter le régime politique de la
Grande-Bretagne sous cette rubrique, non sans avoir fourni les caractéristiques du
régime parlementaire.

Paragraphe premier : Les caractéristiques du régime parlementaire

Les régimes dits de séparation souple des pouvoirs sont les régimes
parlementaires. Par-delà la diversité de ces régimes – monistes ou dualistes – les
régimes parlementaires présentent des caractéristiques communes. La plupart des
auteurs notent que le régime parlementaire se caractérise par quatre éléments, à
savoir : en tout premier lieu, le dualisme de l’exécutif, c’est-à-dire un exécutif
constitué de deux organes, le chef de l’Etat et le gouvernement, lequel a à sa tête un
Premier ministre ou un Chancelier, indépendant du Chef de l’Etat.
Le deuxième élément, c’est l’irresponsabilité politique du Chef de l’Etat. Ce qui
veut dire que politiquement la représentation nationale ne peut pas mettre fin aux
fonctions du Chef de l’Etat.
Le troisième élément, c’est la responsabilité ministérielle ou gouvernementale
consistant dans le pouvoir pour l’organe législatif de mettre en jeu la responsabilité
du gouvernement, et donc de le renverser, à travers les deux techniques ou
procédés que sont la motion de censure et la question de confiance. Ainsi, en régime
parlementaire, la chambre basse du parlement, élue au suffrage universel direct,
contrôle le gouvernement et peut, à l’occasion, le renverser. C’est le cas en
Allemagne, en Italie, au Japon, en Israël ou en Grande-Bretagne.
Enfin, le quatrième et dernier élément, c’est le pouvoir de dissolution reconnu
au pouvoir exécutif, et consistant dans la possibilité pour lui de dissoudre la chambre

68
basse du parlement, c’est-à-dire la chambre élue au suffrage universel direct. Les
deux pouvoirs politiques étant égaux, le pouvoir de dissolution se présente comme le
pendant ou la contrepartie du pouvoir reconnu au législatif de mettre en jeu la
responsabilité gouvernementale.
Le parlementarisme a vu le jour en Grande-Bretagne. Ainsi le régime politique de
la Grande-Bretagne apparaît comme le prototype ou le modèle du régime
parlementaire. D’où l’intérêt s’attachant à l’examen du régime politique de la Grande-
Bretagne.

Paragraphe 2 : Le régime politique de la Grande-Bretagne

L’histoire politique de la Grande-Bretagne a été marquée par une lutte sans


merci, engagée contre le monarque par le parlement. La souveraineté, vermoulue du
monarque, va s’effriter progressivement et déboucher sur une souveraineté partagée
entre le roi et le parlement, donnant le parlementarisme dualiste, système politique
dans lequel le gouvernement était responsable, à la fois, devant le monarque et
devant le parlement. Mais, tel n’était pas l’objectif final poursuivi par le parlement. La
lutte s’est, par conséquent, poursuivie et a abouti au dépouillement du monarque au
profit du parlement et du gouvernement ; le gouvernement, doté de pouvoirs, n’est
plus responsable que devant le parlement ; c’est l’avènement du parlementarisme
moniste (René Capitant).
Les institutions actuelles de la Grande-Bretagne sont le résultat de cette évolution
qui a abouti à la conquête du pouvoir au profit du peuple, mais au maintien
d’institutions monarchiques devenues pratiquement des coquilles vides.
Les éléments du passé tiennent à la survivance de deux institutions : la
Couronne et la Chambre des Lords.
La Couronne, d’abord : les auteurs font observer que la monarchie est l’élément
le plus ancien des institutions politiques britanniques. Mais, plutôt que d’être perçue
comme anachronique et, par suite, dépassée, la monarchie se présente en Grande-
Bretagne comme l’une des pièces maîtresses de la vie politique. Le monarque est
même donné comme l’incarnation vivante des sentiments de loyalisme et de
patriotisme du peuple britannique. Il est perçu comme le symbole physique de la
nation britannique. Il apparaît comme un lien entre la communauté nationale et le
gouvernement. Ses pouvoirs sont minces : il promulgue les lois ; il exerce une
magistrature de persuasion tant en matière de politique nationale qu’étrangère…

69
La Chambre des Lords, maintenant : c’est l’une des chambres du parlement
britannique. Elle comprend des membres, non pas élus, mais, pour la plupart,
nommés à vie par la Couronne. La Chambre des Lords, ainsi constituée, joue,
surtout, un rôle de magistère moral. Elle contribue à la formation de l’opinion, et
apparaît comme une chambre de réflexion plutôt que d’action.
Telles sont les institutions britanniques apparaissant comme des vestiges du
passé, mais auxquelles le peuple reste attaché. Elles cohabitent avec des institutions
démocratiques auxquelles appartient la réalité du pouvoir. Il s’agit de la Chambre des
Communes et du gouvernement.
La Chambre des Communes est la chambre basse du parlement. Ses membres
sont élus au suffrage universel direct. Elle exerce le pouvoir législatif ainsi qu’un
contrôle sur le gouvernement. Celui-ci a à sa tête un Premier ministre, nommé par le
monarque. Mais, le monarque dispose, en la matière, d’une compétence liée, car il
est obligé de nommer au poste de Premier ministre le leader du parti vainqueur aux
élections à la Chambre des Communes. Le gouvernement a la réalité du pouvoir
exécutif. Il est responsable devant la Chambre des Communes qui peut le renverser.
En contrepartie, le Premier ministre a le pouvoir de dissoudre la Chambre des
communes qui est la chambre basse du parlement. C’est en cela que le régime
britannique est parlementaire d’un parlementarisme moniste…

Section 2 : Les régimes de séparation rigide des pouvoirs : les régimes


présidentiels

Le régime présidentiel peut être défini comme celui dans lequel il est établi une
séparation dite rigide ou tranchée des pouvoirs. Cette rigidité se traduit par la
séparation organique des deux pouvoirs politiques que sont le pouvoir législatif et le
pouvoir exécutif. Mais, comme l’avait prévu et préconisé Montesquieu, la séparation
des pouvoirs n’exclut pas tout contact entre les deux pouvoirs.
Le régime présidentiel, ainsi défini, se caractérise par les éléments suivants : en
tout premier lieu, le monocéphalisme de l’exécutif, lequel appartient tout entier au
Président de la République, les ministres n’étant que des exécutants.
Le deuxième principe, c’est l’égalité entre les deux pouvoirs politiques que sont
le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif.
Le troisième principe, enfin, c’est la séparation dite rigide des deux pouvoirs
politiques, du point de vue organique. Cette séparation s’exprime par l’absence de

70
moyens d’action réciproques : le parlement ne peut pas mettre en jeu la
responsabilité politique du gouvernement ni celle du président de la République. Il ne
peut donc renverser ni le président de la République, ni a fortiori le gouvernement qui
n’a de pouvoirs que délégués par le président de la République. Et, dans la mesure où
les deux pouvoirs politiques sont égaux, le président de la République ne peut
dissoudre la chambre basse du parlement.
Le régime présidentiel, tel que voilà, a été inauguré par la Constitution des
Etats-Unis d’Amérique de 1787. Ainsi, le régime américain apparaît comme le
prototype ou le modèle du régime présidentiel.
Ce régime comprend un parlement et un président. Le parlement, appelé
Congrès, est constitué de deux Chambres pour des raisons tenant au fédéralisme :
d’une part, la Chambre des représentants, qui représente le peuple américain ;
d’autre part, le Sénat, qui représente les Etats membres ou Etats fédérés.
Le Congrès dispose du pouvoir législatif et du pouvoir budgétaire. Ce qui signifie,
d’une part, que le Congrès a le pouvoir de faire les lois, à l’exclusion de toute
intervention directe du Président américain, d’autre part, que c’est à lui qu’il revient
de voter le budget, ce qui fait de lui un organe puissant en face du Président…
Quant au Président, il constitue, à lui tout seul, le pouvoir exécutif : élu au
suffrage universel indirect, à travers une procédure longue, complexe et coûteuse, le
Président des Etats-Unis d’Amérique est le détenteur exclusif du pouvoir exécutif. Il
est, à ce titre, chef de l’Etat et chef du gouvernement ; il dispose du pouvoir
réglementaire, il est le chef de l’Administration fédérale ; il nomme et révoque les
fonctionnaires fédéraux ; il est responsable de la politique étrangère, qu’il détermine
et que met en œuvre le Secrétaire d’Etat qui l’assiste…
Le propre de ce régime tient à l’absence de moyens d’action réciproques : le
parlement ne peut mettre en jeu la responsabilité politique du Président, à distinguer
de la responsabilité pénale résultant de la procédure d’ « impeachment ». Celle-ci
comprend deux étapes : la mise en accusation par la Chambre des représentants,
puis la culpabilité et la condamnation relevant du Sénat, présidé à l’occasion par le
Président de la Cour suprême.
Les deux pouvoirs politiques étant égaux, le Président des Etats-Unis
d’Amérique ne peut dissoudre aucune des deux chambres du Congrès américain.
Il est à préciser, toutefois, que bien que le régime soit présidentiel et postule
l’isolement des deux pouvoirs, des rapports existent entre eux : il est vrai que du

71
point de vue constitutionnel, le Président ne dispose pas de droit d’initiative en matière
législative. Mais, dans la réalité, les messages du Président ainsi que ses contacts
personnels ne laissent pas d’influer sur la procédure législative.
Par ailleurs, le Président, chargé de promulguer les lois, dispose du droit de véto,
lequel véto ne peut être surmonté qu’à la majorité des deux tiers des membres de
chaque Chambre…
Quant au Congrès, il peut freiner, à tout le moins, gêner l’action du Président au
moyen de son pouvoir législatif, financier, et de son pouvoir de ratification des traités
conclus par le pouvoir exécutif…

Section 3 : Les régimes mixtes

Ce sont des régimes qui comportent des éléments empruntés au régime


présidentiel et des éléments venant du régime parlementaire. Le régime politique de la
France, issu de la Constitution du 4 octobre 1958, en est un bel exemple : au titre du
présidentialisme, on peut mentionner, d’une part, l’élection du Président de la
République au suffrage universel direct, depuis la révision constitutionnelle de 1962,
intervenue à l’initiative du général de Gaulle, d’autre part, le fait qu’aux termes de la
Constitution, le Président de la République a des pouvoirs propres et des pouvoirs qu’il
partage avec le gouvernement, ce qui révèle qu’il a part au pouvoir exécutif. On notera
également l’irresponsabilité politique du Président de la République, qu’il convient de
distinguer de sa responsabilité pénale prévue par l’article 68 de la Constitution, et qui
peut donner lieu à sa destitution par le parlement constitué en Haute Cour, « en
cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de
son mandat. »
Relativement au parlementarisme, le régime politique français comporte les
éléments suivants : la reconnaissance d’une partie du pouvoir exécutif au
gouvernement, la collaboration entre le gouvernement et l’Assemblée nationale, ainsi
que l’existence de moyens d’action réciproques : l’Assemblée nationale peut mettre
en jeu la responsabilité du gouvernement à travers la motion de censure ou la
question de confiance. Et, en contrepartie, la Constitution consacre, au profit du
Président de la République, le droit de dissolution de l’Assemblée nationale.
Ainsi se présente, dans les grandes lignes, le régime politique français, qui est
mi-présidentiel, mi-parlementaire.

72
Chapitre 2 : Les régimes de confusion des pouvoirs

Le propre de ces régimes est que tous les pouvoirs sont détenus par un organe
et un seul. Dans ce cas, les autres institutions étatiques dépendent de lui. Ces
régimes présentent une grande diversité.

Section 1 : Les régimes d’assemblée

La notion de régime d’assemblée désigne les régimes politiques dans lesquels


le pouvoir d’Etat se trouve concentré entre les mains de l’organe législatif. La France a
expérimenté ce type de régime politique. Aujourd’hui, le régime d’assemblée
caractérise le régime politique de la Confédération helvétique (la Suisse). Dans le
régime politique de la Suisse, en effet, l’exécutif est désigné par le parlement, et il
agit sous les ordres et sous le contrôle du parlement…

Section 2 : Les régimes dictatoriaux

Ce sont les régimes qui s’inscrivent dans la logique de l’absolutisme. Dans ces
régimes, le pouvoir exécutif détient la totalité du pouvoir d’Etat, et cela à l’exclusion
de contre-pouvoirs efficaces.
Le régime dictatorial se présente comme un régime autoritaire, parfois établi
par la force. Il présente un caractère d’exception, et c’est un régime illégitime. Il se
manifeste par la personnalisation excessive du pouvoir ; il fait de la violence son
mode de gouvernement.
Un tel régime peut naître d’un coup d’Etat ou d’une révolution. Il peut aussi
s’établir par les voies légales et dégénérer par la suite. L’exemple le plus illustratif est
celui du régime d’Hitler.
Au total, les régimes dictatoriaux sont ceux dans lesquels l’exécutif nie les
libertés, ne connaissant de limites que voulues par lui. Tel est le cas des régimes
militaires et, bien des fois, celui de certains régimes civils, tels la plupart des régimes
africains, arabes ou latino-américains, dans lesquels le chef de l’Etat régente et étouffe
les autres institutions constitutionnelles, en même temps qu’il écrase les libertés…

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Section 3 : Les régimes marxistes

Ce type de régime, qui connaît aujourd’hui des inflexions notables, se caractérise


par la dictature du parti communiste, parti unique, investi de la mission de construire
une société sans classes. Pour y parvenir, le parti régente la vie politique tout entière
en dominant et en impulsant les institutions étatiques, qui se trouvent ainsi placées
sous ses ordres.
Aujourd’hui, avec l’effondrement du communisme en Europe orientale et centrale,
et la dislocation de l’URSS, l’on assiste à un certain recul de l’idéologie communiste, y
compris dans les Etats comme Cuba, la Chine ou le Vietnam, qui demeurent des
survivances du bloc communiste.

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TABLE DES MATIERES

BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE ...................................................................................... 2


INTRODUCTION GENERALE ....................................................................................... 4
I- L’OBJET DU DROIT CONSTITUTIONNEL.................................................... 4
II- LA POSITION DU DROIT CONSTITUTIONNEL DANS LA SPHÈRE DU
DROIT ............................................................................................................... 5
III- LA METHODE SUIVIE POUR L’ENSEIGNEMENT DU DROIT
CONSTITUTIONNEL ........................................................................................ 6
PREMIERE PARTIE : THEORIE GENERALE DU DROIT CONSTITUTIONNEL ......... 8
TITRE PREMIER : LES DONNEES DE BASE DU DROIT CONSTITUTIONNEL ......... 8
CHAPITRE PREMIER : LE CADRE POLITIQUE DU DROIT CONSTITUTIONNEL : L’ETAT ................ 8
Section 1 : Définition de l’Etat .................................................................................. 8
Paragraphe premier : L’Etat, un produit de l’histoire............................................. 8
Paragraphe 2 : L’Etat, une personne morale de droit public ................................. 9
Paragraphe 3 : Les rapports entre Etat et nation .................................................. 9
Section 2 : Les éléments constitutifs de l’Etat ........................................................ 10
Paragraphe premier : L’élément charnel : la population ..................................... 11
Paragraphe 2 : L’élément spatial : le territoire .................................................... 12
Paragraphe 3 : L’élément politique : la souveraineté .......................................... 13
Section 3 : Les fonctions de l’Etat .......................................................................... 13
Paragraphe premier : Les fonctions politiques de l’Etat...................................... 13
A- L’Etat-gendarme................................................................................... 14
B- L’Etat-providence ................................................................................. 14
C- L’Etat interventionniste ......................................................................... 15
Paragraphe 2 : Les fonctions juridiques de l’Etat................................................ 15
A- La fonction législative ........................................................................... 15
B- La fonction exécutive ........................................................................... 16
C- La fonction juridictionnelle .................................................................... 16
Section 4 : Les formes d’Etat ................................................................................. 18
Paragraphe premier : L’Etat simple ou unitaire .................................................. 19
A- Définition de l’Etat unitaire ................................................................... 19
B- Les modalités d’organisation de l’Etat unitaire ..................................... 19
1- La déconcentration ............................................................................ 20
2- La décentralisation ............................................................................ 20
Paragraphe 2 : Les Etats composés................................................................... 21
A- Les formes archaïques ou surannées .................................................. 21
1- Les unions personnelles.................................................................... 22
2- Les unions réelles ............................................................................. 22
B- Les formes actuelles ............................................................................ 22
1- La confédération d’Etats, un composé d’Etats .................................. 22
2- L’Etat fédéral, un Etat composé ........................................................ 23
a) Définition de l’Etat fédéral .............................................................. 23
b) La formation de l’Etat fédéral ......................................................... 23
c) Les principes d’organisation de l’Etat fédéral ................................. 24
) Le principe de superposition .......................................................... 24
) Le principe d’autonomie ................................................................. 24
) Le principe de participation ............................................................. 25
CHAPITRE 2 : LE CADRE JURIDIQUE DU DROIT CONSTITUTIONNEL : LA CONSTITUTION ......... 26
Section 1 : Définition de la Constitution ................................................................. 26
Paragraphe premier : La notion de Constitution ................................................. 26
Paragraphe 2 : Les différentes sortes de Constitution ........................................ 26
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A- La distinction fondée sur la forme ........................................................ 27
1- La Constitution au sens matériel ....................................................... 27
2- La Constitution au sens formel .......................................................... 28
B- La distinction des Constitutions selon leur autorité ou leur force ......... 28
1- La Constitution souple ....................................................................... 28
2- La Constitution rigide ........................................................................ 29
Section 2 : L’établissement des Constitutions........................................................ 29
Paragraphe premier : L’autorité compétente pour établir la Constitution : le
pouvoir constituant originaire (PCO)................................................................... 30
A- L’identification du pouvoir constituant originaire ................................... 30
B- La mission du pouvoir constituant originaire ........................................ 31
C- La condition du pouvoir constituant originaire ...................................... 32
Paragraphe 2 : Les procédés d’établissement des Constitutions ....................... 32
A- Les procédés d’établissement non démocratiques .............................. 32
1- L’octroi............................................................................................... 32
2- Le pacte ............................................................................................ 33
B- Les procédés démocratiques ............................................................... 33
1- La technique de l’Assemblée constituante souveraine ...................... 34
2- La technique de l’Assemblée constituante non souveraine ............... 34
Section 3 : La révision de la Constitution ............................................................... 35
Paragraphe premier : Considérations générales ................................................ 35
A- La nécessité de la révision ................................................................... 35
B- La révision de la Constitution, œuvre du pouvoir constituant dérivé .... 36
Paragraphe 2 : La technique juridique de la révision .......................................... 36
A- L’initiative ............................................................................................. 36
1- Les limites de l’initiative ..................................................................... 37
2- Les organes compétents pour prendre l’initiative .............................. 37
3- La prise en considération de l’initiative .............................................. 38
B- L’adoption ou la décision ...................................................................... 38
Paragraphe 3 : La question de la coutume constitutionnelle .............................. 39
Section 4 : L’autorité de la Constitution ................................................................. 40
Paragraphe premier : La Constitution, loi fondamentale et suprême .................. 41
Paragraphe 2 : La sanction de la suprématie de la Constitution :
le contrôle de constitutionnalité des lois ............................................................. 41
A- Le contrôle par un organe politique ...................................................... 42
B- Le contrôle par un organe juridictionnel ............................................... 42
1- Le contrôle par voie d’action ............................................................. 43
a) Définition ........................................................................................ 43
b) L’instance compétente pour réaliser le contrôle ............................. 44
c) La saisine de l’organe compétent................................................... 44
d) Les effets du recours ..................................................................... 45
2- Le contrôle par voie d’exception ........................................................ 46
a) La procédure .................................................................................. 46
b) Le sort de la loi critiquée ................................................................ 47
CHAPITRE 3 : LE POUVOIR POLITIQUE ................................................................. 48
Section 1 : Les conceptions modernes de la souveraineté
ou de la propriété du pouvoir ................................................................................. 48
Paragraphe premier : La souveraineté nationale ................................................ 48
A- Définition de la souveraineté nationale ................................................ 48
B- Les conséquences ............................................................................... 49
Paragraphe 2 : La souveraineté populaire.......................................................... 49
A- Définition de la souveraineté populaire ................................................ 49
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B- Les conséquences de la souveraineté populaire ................................. 50
1- La démocratie directe ........................................................................ 50
2- La démocratie semi-directe ............................................................... 51
Section 2 : La mise en œuvre de la souveraineté ou l’expression
de la souveraineté ................................................................................................. 51
Paragraphe premier : Le droit de suffrage .......................................................... 52
A- L’évolution du droit de suffrage ............................................................ 52
1- Le suffrage restreint .......................................................................... 52
2- Le suffrage universel ......................................................................... 53
B- Les principes régissant l’organisation du scrutin .................................. 54
Paragraphe 2 : Les modes de scrutin ................................................................. 55
A- Le scrutin majoritaire ............................................................................ 55
1- Le contenu du scrutin majoritaire ...................................................... 55
2- Les effets du scrutin majoritaire ........................................................ 57
B- La représentation proportionnelle......................................................... 58
1- Le contenu du scrutin à la représentation proportionnelle ................. 58
2- Les effets de la représentation proportionnelle ................................. 62
Paragraphe 3 : Les partis politiques ................................................................... 62
A- Définition des partis politiques.............................................................. 63
B- La classification ou la typologie des partis politiques ........................... 63
1- Classification des partis politiques du point de vue
de leur organisation ............................................................................... 63
a) Partis de cadres et partis de masse ............................................... 63
b) Partis rigides et partis souples ....................................................... 63
2- Classification des partis politiques selon leur place dans l’Etat ......... 64
a) Les partis concurrentiels ................................................................ 64
b) Le parti monopolistique ou parti-Etat ............................................. 64
TITRE 2 : LES REGIMES POLITIQUES ...................................................................... 65
CHAPITRE PREMIER : LES RÉGIMES DE SÉPARATION DES POUVOIRS ................................. 66
Section préliminaire : La théorie de la séparation des pouvoirs ............................. 66
Section 1 : Les régimes de séparation souple des pouvoirs : les régimes
parlementaires ....................................................................................................... 68
Paragraphe premier : Les caractéristiques du régime parlementaire ................. 68
Paragraphe 2 : Le régime politique de la Grande-Bretagne ............................... 69
Section 2 : Les régimes de séparation rigide des pouvoirs : les régimes
présidentiels........................................................................................................... 70
Section 3 : Les régimes mixtes .............................................................................. 72
CHAPITRE 2 : LES RÉGIMES DE CONFUSION DES POUVOIRS ............................................. 73
Section 1 : Les régimes d’assemblée .................................................................... 73
Section 2 : Les régimes dictatoriaux ...................................................................... 73
Section 3 : Les régimes marxistes ......................................................................... 74

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